Debout face au miroir devant lequel elle s'apprêtait tous les matins, dans sa chambre militaire, Dahlia prit un instant pour examiner le reflet qui s'y dessinait. Ses traits accusaient incontestablement la fatigue. Ses prunelles mauves étaient lestées de cernes, et voilée par une lucidité morne, du fait du traumatisme des récents évènements encore ancrés en elle. Des membres de la Garde étaient morts, par sa faute, par l'incompétence dont elle avait fait preuve. Son insouciance de grouillot quelque peu tire-au-flanc en avait été fortement amochée, lui laissant deux joyaux ternis par la culpabilité en guise de pupilles. Le seul réconfort de Dahlia était d'avoir pu sauver un frère d'arme blessé, Alvar de Brumerive, en le rapatriant à temps à la Capitale, à la fin du débâcle. Elle comptait d'ailleurs s'enquérir de son bon rétablissement en lui faisant parvenir une missive, très prochainement.

Mais la garde ne souhaitait pas tomber dans l'abattement, et malgré les jours de repos qui lui avaient gracieusement accordés par ses supérieurs, afin de se remettre de cette épreuve, elle avait décidé de rempiler pour une nouvelle assignation, avant même la fin de ses congés octroyés. Cela pourrait en effet lui permettre de se changer les idées, et l'éloignerait du dangereux ressassement de ses échecs, pouvant risquer d'engendrer un immobilisme atone et pérenne.

La teneur de cette nouvelle mission était particulière : il fallait d'enquêter sur un opiacé particulièrement en vogue à la Capitale, appelé l'Incandescent. La popularité de ce dernier avait crue à tel point, ces derniers temps, que les revendeurs la proposant s'étaient considérablement multipliés, flanqués de groupes les défendant. Dahlia allait faire équipe avec le Capitaine de la Garde royale en personne, Arthorias Hekmatyar, pour investiguer sur cette drogue et sa provenance. Mais ils ne pouvaient le faire à découvert, car la Garde ne pouvait se risquer d'évoluer dans ce milieu galvaudé sans craindre d'être elle-même mise en péril.

Il leur fallait des couvertures. Et, à cette fin, Dahlia avait ainsi décidé de changer de peau, de façon radicale mais temporaire. Elle avait ainsi acheté une potion de changement d'apparence, pour revêtir une autre enveloppe que la sienne, durant plusieurs heures. Ainsi, elle était certaine de ne pouvoir être reconnue, la popularité de la famille Delancy risquant sinon de lui porter préjudice, même avec le meilleur déguisement.

Toujours face au miroir, Dahlia attrapa la fiole magique et la porta à ses lèvres, tout en se concentrant sur l'image qu'elle souhaitait incarner. Il s'agissait d'une femme, qu'elle avait aperçue fugacement, il y a deçà plusieurs années au Village Perché, et dont elle avait été marquée par les oreilles pointues. La garde but la potion d'une traite, et le reflet dans la surface argentée commença alors subitement à évoluer. Sa longue crinière de givre se raccourcit notablement, laissant place à une chevelure châtain mi-longue et légèrement ondulée. Ses yeux abandonnèrent leur clarté améthyste pour celle de l'ambre, et ses oreilles s'effilèrent à vue d'œil. Son corps changea également, pour une carrure un peu moins musclée, et davantage filiforme.

Nouvelle apparence de Dahlia:

« Voilà qui m'ôte un poids... »

Parlait-elle du poids de ses formes, qui étaient devenues un peu plus menues, ou de celui de son héritage en tant que Delancy ? Probablement les deux, à la vérité. Attrapant ses affaires, Dahlia entreprit de se mettre en route vers le point de rendez-vous convenu avec le Capitaine Arthorias. Lorsqu'elle voulut dire au revoir à Keruberosu, en se dirigeant vers lui avant de partir, le familier émit toutefois un léger grognement d'incompréhension, et eut un mouvement de recul. Il ne l'avait pas reconnue, de prime abord. Le cerbère fut toutefois bien vite rassuré aux mots réconfortants de Dahlia, qui lui permirent de reconnaître son âme à travers son apparence altérée. Après des adieux affectueux, elle mit les voiles.

Les ombres de l'après-midi s’allongeaient dans les ruelles, lorsque Dahlia chemina vers les bas-quartier de la Capitale, au sein desquels se déroulerait leur enquête. En s'y aventurant, elle put constater le changement radical d'ambiance y régnant. Le quartier était composé de maisons vétustes et bancales, dont les murs penchaient et les chambranles des fenêtres et des portes saillaient, déformés. Vêtue d'une tenue de cuir sombre passe-partout, Dahlia croisa quelques passants un tantinet patibulaires sans attirer l'attention sur elle, et ne tarda à rejoindre Arthorias dans le bâtiment délabré qui leur servirait de planque.

« Bonjour, Capitaine ! Vous allez bien ? » Commença-t-elle avec un sourire. Elle savait qu'il la reconnaîtrait par cette dénomination, malgré son changement physique. « Comment dois-je vous appeler, pour la suite ? Pour ma part, ce sera... Elbereth. » Un prénom dont la consonance lui plaisait. Elle poursuivit : « Je crois que ça va me faire bizarre de devoir vous tutoyer, par ailleurs, pour la durée de la mission... Mais notre couverture l'imposant, je m'y résoudrais. »

Le soubresaut de surprise du Capitaine, à l'arrivée de Dahlia investie de sa nouvelle apparence dans la bâtisse, n'avait pas manqué de faire naître un sourire sur le nouveau faciès de la garde. Elle songea qu'elle aurait peut-être dû prétendre ne pas le reconnaître, et retarder la révélation de son identité, pour le surprendre davantage... L'amusement n'en aurait été que plus grand, mais Dahlia n'était pas de nature aussi badine, et cela lui avait sûrement évité d'avoir à croiser le fer avec le Capitaine, par méprise. Les deux gardes avaient déjà été servis en terme de quiproquo d'identité, lors de leur première rencontre, et il aurait sûrement été peu avisé de réitérer l'expérience inversée.

Elle acquiesça sobrement lorsque le Capitaine lui demanda si elle allait bien également. À vrai dire, le moral de la garde était plutôt bas et altéré, car encore affecté par les récents évènements qu'elle avait vécu. Toutefois elle ne souhaitait pas présentement revenir sur ceux-ci. Le Capitaine avait peut-être déjà dû connaître la perte d'hommes, sur le front, mais ce n'était pas le moment opportun pour évoquer ce sujet avec lui. Elle aurait peut-être l'occasion de lui en parler ultérieurement, mais ils devaient pour l'heure se concentrer sur leur présente mission.

Dahlia, après avoir noté le nouveau nom d'Arthorias, et sa suggestion de trouver un passif commun à leurs identités de couverture, assista alors à son changement d'apparence. En le voyant s'écrouler au sol après avoir éclusé la fiole, son regard se teinta d'inquiétude. Sa métamorphose à elle n'avait pas été accompagnée d'un tel contrecoup, mais elle en déduisit rapidement la raison : contrairement au sien, le corps du Capitaine avait notablement gagné en masse musculaire. Une telle transmutation avait dû être particulièrement douloureuse... Le résultat fut en tout cas fort probant.

« Wow, belle trogne... Jurgen. En effet, elle a l'air si peu amène, j'imagine que ça ne devait pas être une entrevue très joviale. »

Le jeu de leur fausses apparences débutait, scellé par la transformation du Capitaine, et Dahlia songea qu'elle allait devoir parvenir à jouer pleinement ce nouveau rôle, sans faillir, ce qui n'était pas sans la lester d'une certaine appréhension. Il ne leur restait que quelques détails à parachever, pour que leur comédie de dupes se révèle pleinement convaincante. Tout en s'appuyant sur l'une des poutres vétustes de la masure, la garde prit un instant de réflexion, rassemblant ses réminiscences concernant ses brefs précédents échanges avec Arthorias sur cette affaire.

« Concernant notre couverture, si je me souviens bien ce dont nous avions déjà convenu ensemble, lorsque tu m'avais contactée : nous sommes donc deux résidents du Village Perché, versés dans le commerce de substances illicites, et recherchant de nouvelles opportunités à importer dans notre région. Cela nous amène à nous intéresser de près à cet « incandescent » en vogue à la Capitale... »

Ils seraient plus que de simples consommateurs à la recherche de sensations nouvelles, afin de leur permettre de légitimer toute la curiosité dont ils pourraient faire preuve à l'égard de ce nouvel opiacé, au sujet duquel ils devaient rassembler un maximum d'informations, et découvrir la provenance. Une idée traversa soudain l'esprit de Dahlia, concernant leur lien :

« Concernant notre passif, nous pourrions dire que nous sommes... en couple, en plus d'être partenaires d'affaires ? Cela renforcera et crédibilisera davantage notre binôme. »

Cette perspective n'était pas sans gêner légèrement Dahlia, mais cela leur permettrait de pouvoir davantage se couvrir, en cas de besoin. Elle attendit l'avis du Capitaine, concernant sa proposition. Il ne leur resterait alors plus qu'à étrenner leur enquête, en se rendant à l'un de ces fumoirs clandestins proposant de l'incandescent.

Lorsqu'Arthorias évoqua avoir voulu occire lui-même l'homme dont il empruntait la trogne grossière et la carrure épaisse, Dahlia se raidit, légèrement horrifiée. Elle n'avait, pour sa part, encore jamais été amenée à tuer... d'être humain, tout du moins. Elle avait en revanche déjà lardé un certain nombre de squelettes et de dépouilles ranimées, lors de sa confrontation avec pas moins de deux nécromants, au cours des récentes lunes. Mais porter un coup fatal à des pantins de chair, aux yeux vitreux et dénués d'humanité, n'était pas une réelle épreuve. Devoir, en revanche, ôter son dernier souffle à un être humain, même le plus corrompu... Cette idée l'effrayait, tout bonnement, car elle craignait d'y perdre un lambeau de sa propre humanité.

Le Capitaine mentionna ensuite des bribes caractéristiques de leur précédente aventure, et Dahlia se fendit d'un sourire tout en répondant :

« Peut-être pourrions-nous l'organiser, ce dîner, une fois cette affaire résolue ? Cela me ferait hautement plaisir. »

Pouvoir converser autour d'un bon repas avec le Capitaine de la Garde royale représentait en effet une occasion unique, et qui promettait d'être riche en anecdotes toutes plus intéressantes les unes que les autres.
Leurs fausses identités et motivations associées parurent cohérentes à Arthorias, qui les approuva. Il fut un peu plus surpris par la seconde partie de la proposition de Dahlia, mais il en confirma également la pertinence. Leurs couvertures étaient entérinées, il ne restait plus qu'à les voir à l’œuvre...

Elbereth s'installa sur la chaise face à Jurgen, et tandis qu'il étudiait ses traits en les examinant dans le détail, elle en profita pour le sonder également, et mémoriser ses particularités : à bien y regarder, il possédait une cicatrice au niveau du mention, légèrement masquée par une pilosité naissante mais drue. Par ailleurs, une balafre courait également juste au dessus de son broussailleux sourcil droit. Le regard de Dahlia s'attarda finalement sur ses canines saillantes, et elle ne put s'empêcher de remarquer :

« Jurg', un détail important, concernant nos... pratiques de couple. Pas de morsure, ni de mordillement, hein... Car sinon, je crains que j'y laisserai bien des plumes, vu ta dentition, haha. »

Après cette plaisanterie, ils entreprirent alors de répéter leurs rôles, en improvisant plusieurs lignes de dialogue, et en inventant quelques anecdotes ayant émaillé leur vie. Cela leur permit de s'imprégner de leurs personnages, et d'accorder quelque peu leurs jeux d'acteurs, afin que leur binôme soit le plus réaliste possible. Bien sûr, cela restait une répétition d'acteurs amateurs, mais ils en sortirent un peu plus armés.

Ils quittèrent leur planque à la nuit tombée. Dans la pénombre nocturne, les bas-quartiers semblaient encore plus inquiétants. Ils formaient un réseau de véritables coupe-gorges, tortueux et voilés de ténèbres épaisses. Cette obscurité était parfois repoussée par de fragiles cristaux, à de rares carrefours. Mais, de la plupart des venelles, coulait une épaisse mélasse, noire et viciée, où évoluaient des ombres louches. Nos deux protagonistes, heureusement, ne dépareillaient toutefois pas avec celles-ci, et s'y fondaient totalement.

Si, quelques mois auparavant, l'on avait affirmé à Dahlia qu'elle rencontrerait le Capitaine de la Garde royale, aurait l'occasion d'accomplir des faits d'arme à ses côtés, et, plus encore, que celui-ci en viendrait à l'appeler « choupette »... Elle aurait tout bonnement éclaté d'un rire franc, bien incapable d'y croire. Et pourtant, Lucy en était témoin, cela venait bel et bien d'arriver. La garde avait cependant encore du mal à le concevoir, son choc étant diminué par les traits d'emprunt qu'Arthorias arborait, qui éloignaient quelque peu sa fonction de Capitaine. Cependant, même dépourvu de son armure richement damasquinée et de la finesse de son faciès, Dahlia était loin d'oublier la qualité de l'homme avec lequel elle avait l'honneur de collaborer.

Ils gagnèrent sans encombre la fumerie clandestine, qui s'était établie dans l'un des bouges douteux des bas quartiers. Elbereth y pénétra à la suite de Jurgen, et en sonda l'intérieur d'un bref regard circulaire, en veillant à ce que son œillade ne paraisse pas trop investigatrice. Ils étaient en effet, normalement, coutumiers de ce type de lieu, et ne devaient donc pas donner l'impression de le découvrir avec des yeux de novice immergé dans un monde totalement nouveau.

Ce qui était, au demeurant, le cas de Dahlia. La garde n'avait jamais fréquenté un tel endroit de sa vie, ni même consommé de substances illicites. Certes, la tentation l'avait effleurée, durant son adolescence, période propice aux expérimentations de tout acabit, mais la jeune femme n'avait pas voulu prendre le risque de tomber dans une accoutumance servile, et s'était donc tenue éloignée de ces plaisirs opiacés.

Jurgen signala leur présence au comptoir, et après avoir cheminé dans des couloirs saturés de fumées stagnantes, ils débouchèrent dans une alcôve privative, à l'ambiance feutrée. La jeune femme avisa la pipe à opium qui y trônait, en son centre, et acquiesça lorsque son amant de circonstance lui proposa de s'y installer.

« Un petit écrin privatif, parfait ! »

S'exclama-t-elle avec entrain, en se laissant choir sur l'un des coussins moelleux jonchant la banquette avec une nonchalance composée, exprimant une fatigue bien réelle, avec une lascivité un peu exagérée. Le serveur alpagué un peu plus tôt par Jurgen ne tarda à les rejoindre. Il portait un plateau d'argent où reposaient différentes substances, qu'il leur présenta avec soin.

« Voici le panel des spécialités de la maison : absinthe, opium, morsure de l'incandescent... Faites votre choix. »

Cela rappelait à Dahlia les plateaux de fromages que proposaient habituellement les serveurs, dans les tavernes. Sauf que les produits qui gisaient devant ses yeux étaient présentement des psychotropes hautement dangereux. Elle fit mine de les parcourir avec intérêt, puis arrêta son regard sur les petits cristaux grenat qui étaient rassemblés en tas, et prit un air faussement interrogatif.

« Morsure de l'incandescent ? J'en ai jamais entendu parler, alors que je m'y connais, pourtant... S'agit-il de ces cristaux pourpres ? »

« Tout à fait. Il s'agit d'un psychotrope nouveau et proposé depuis peu, uniquement à la Capitale. Il est très apprécié de nos clients, car en plus de procurer un plaisir intense, il décuple les pouvoirs. Je dois vous avertir, cependant, qu'en raison de sa rareté, et de la demande croissante, il s'agit du plus coûteux de nos produits. »

Elbereth se tourna alors vers Jurgen en dardant des yeux implorants, tout attrapant l'un de ses épais bras de façon enjôleuse.

« On essaye ça, chéri ? Tu connais mon appétence pour les expériences nouvelles... »

Quelque peu décontenancée par son rapprochement physique subit avec Jurgen, lorsqu'il l'attira contre lui, Elbereth n'en laissa toutefois rien paraître, parvenant à conserver une posture souple, malgré son raidissement intérieur sous la gêne qui s'emparait d'elle. La performance du Capitaine était pleinement convaincante, ce dernier investissant remarquablement son nouveau rôle, et Dahlia devait l'honorer, et ne surtout pas trahir son embarras. La jeune femme aux oreilles effilées esquissa ainsi un sourire ravi tout en l'étreignant lorsqu'il abonda dans son sens, et commanda la drogue idoine. Le serveur, après avoir engrangé son onéreuse rétribution, s'éclipsa alors.

Alors que Jurgen entreprenait de broyer un cristal d'incandescent à l'aide du mortier mis à leur disposition, une boule d'angoisse se mit à croître au creux de l'estomac de Dahlia. Devaient-ils aller jusqu'à consommer cette substance ? Après tout, ils n'étaient que tous les deux, dans cette alcôve. Le caractère privé et relativement isolé de celle-ci les mettait à l'abri des regards indiscrets... Ils pouvaient donc simplement se contenter de feindre d'en prendre, et se débarrasser adroitement de la substance au lieu de l'ingérer.

Le regard d'Elbereth erra sur les minces lignes de poudre que Jurgen avait aligné parallèlement sur la table, et l'hésitation la tirailla. Ils avaient la chance d'avoir mis la main sur un produit pur, réduit directement en poudre à partir d'un cristal brut. Sur le marché circulait en effet également de l'incandescent coupé à de la poudre de piment, un mélange qui s'avérait bien plus dangereux en terme d'effets connexes et indésirables. Par ailleurs, une seule dose de ce substrat ne suffirait certainement pas à instiller une relation de dépendance en eux. Ils n'avaient donc, à priori, que peu à craindre...

« Merci, mon colosse en sucre ! Tentons donc ce nouveau voyage... »

Trop fortement piquée par la curiosité, Dahlia avait pris sa décision. Elle attrapa la note explicative que leur avait fourni le serveur, et la roula afin d'en faire une paille. Puis, se penchant au dessus de la table, elle vint aspirer un rai de poudre vermeille à l'aide de celle-ci, par l'une de ses narines. En arrivant en elle, la mixture provoqua une onde de choc. Sa tête tomba en arrière, chavirée par un vertige de plaisir, et Elbereth se sentit emportée par une bouffée d'euphorie qui avait la puissance d'une bourrasque.

Les lèvres étirées en un sourire béat, elle voulut alors procéder à une vérification : cette drogue décuplait-elle réellement les pouvoirs ? Cette information, qui demeurait une simple rumeur, restait en effet à étayer de preuves. Rassemblant ses derniers lambeaux de concentration, la garde décida d'invoquer ses cornes, qui vinrent poindre au sommet de son crâne en éminences spiralées.

« Dis, chéri... Elles ont grossi, ou pas ? » demanda-t-elle en se tournant ses pupilles dilatées vers son conjoint – oubliant au passage de mentionner ce à quoi elle référait.

Le rire guttural de Jurgen emplit à nouveau l'alcôve, résonnant même au-delà de celle-ci, probablement jusqu'à l'entrée de la fumerie, au vu de sa tonalité au velours profond et porteur. Le personnel comme les clients devaient être à présent tous être conscients de l'expérience qu'il était entrain de d'éprouver, face à cette morsure de l'incandescent. Et qui aurait pu soupçonner qu'il s'agissait là du Capitaine de la Garde royale ? L'idée n'aurait tout bonnement jamais pu effleurer aucun d'entre eux.

Elbereth, toujours envahie par cette ivresse extatique charriée par la poudre grenat en elle, perçut le regard investigateur de son partenaire parcourir les contours de sa silhouette gracile, à sa question. Elle constata toutefois que l'inclinaison de ses yeux n'adoptait pas tout à fait le bon angle. Jurgen ne regardait en effet pas en direction de ses cornes, mais un peu plus bas. Aussi, lorsqu'il lui assura qu'elles n'avaient aucunement perdu de leur magnificence, elle ne manqua de se fendre d'un rire cristallin, qui vint à son tour rouler hors de l'enceinte de leur nid privatif.

« Pas ces proéminences là, mon chou, haha ! »

Réalisant son erreur, les yeux de Jurgen remontèrent alors jusqu'à ses cornes, et lorsqu'il lui confirma qu'elles lui semblaient en effet plus volumineuses, Elbereth lui rendit son sourire. 

« Je me disais bien qu'elles étaient un peu plus lourdes... »

Mais la jeune femme n'eut pas le temps de finir sa phrase, que le faciès de Jurgen se rapprocha du sien, tandis qu'il la dévisageait avec une troublante intensité. Sans crier gare, il envoya alors rudement une bourse en direction du serveur, tout en lui signifiant souhaiter une nouvelle dose d'incandescent. Était-ce une bonne idée ? La notion même de bonne ou de mauvaise idée avait semblait-il disparue, depuis qu'ils avaient franchi le seuil de ce bouge...

« Tu me sembles particulièrement... incandescent, ce soir. »

Les pupilles de Jurgen venaient en effet, littéralement, de s'embraser. Elbereth était trop confuse pour en comprendre l'origine, mais put constater que cela lui conférait un certain charme, l'auréolant de mystère. Le serveur revint déposer sur leur table le cristal commandé, mais Elbereth n'y prêta pas attention, trop absorbée par le regard ardent de son conjoint éphémère. Un air mutin s'alluma dans ses prunelles, tandis qu'elle se rapprochait de lui pour lui murmurer au creux de l'oreille :

« On n'est pas obligés de rester ici. On peut toujours aller... aux toilettes. »

Une perspective qui semblait présentement davantage la tenter qu'une nouvelle prise de cette pourtant si doucereuse drogue.

Et dire qu'un peu plus tôt, dans la planque les ayant précédemment réunis, les deux gardes avaient été inquiets quant au fait de parvenir à jouer convenablement leurs rôles, particulièrement anxieux quant à leur capacité à feindre d'être en couple. Dorénavant, grâce aux effets insoupçonnés de cette morsure de l'incandescent, leur interprétation était plus que facilitée, coulant même de source. Qui aurait cru que l'objet de leur enquête allait les aider, littéralement, à la mener ? Cela était une vraie aubaine... Mais le retour à la réalité s’annoncerait particulièrement rude, toutefois.

La grande pogne carrée de Jurgen effleura avec une douceur inattendue la joue d'Elbereth, la faisant frissonner. Lorsqu'il accepta sa proposition incongrue, elle voulut aussitôt se lever et l'entraîner avec elle, désireuse d'assouvir son appétence grandissante. Toutefois, une femme venait de s'introduire dans leur alcôve, de façon impromptue et pour le moins inconvenante vis-à-vis de leur intimité, engendrant une frustration certaine chez les deux tourtereaux, coupés dans leur ardent élan.

Elbereth suivit ses échanges avec Jurgen, qui laissait transparaître une contrariété palpable, et de fait très convaincante pour soutenir leur couverture. Visiblement, leur interlocutrice versait dans le commerce illégal de cristaux d'incandescent, et leur proposait de faire affaire avec elle, ayant remarqué leur vif intérêt pour ces derniers. Faisant face à cette dernière, à présent confortablement juchée sur les genoux massifs de Jurgen, les pupilles d'Elbereth s'allumèrent d'une lueur d'intérêt.

« Ma foi, de ce que nous pouvons entrevoir des effets de cette marchandise, elle pourrait en effet être plus qu'intéressante à importer dans notre secteur, et à proposer à nos propres clients... »

« Un partenariat commercial pourrait donc vous intéresser ? »

« Si nous nous accordons sur ses termes, oui. »

« Bien. » La femme prit une mine satisfaite, probablement ravie d'avoir trouvé de nouveaux potentiels clients à approvisionner. « En revanche, comme vous vous en doutez, il n'est pas opportun d'en discuter ici... » Elle jeta justement un regard hors de l'alcôve, pour vérifier que personne n'était aux environs à les écouter. « Je vous propose de rencontrer mon patron, l'Hydre, basé au marché noir. Il sera tout à fait disposé à convenir avec vous des modalités de ce contrat. »

Cette femme n'était donc qu'un intermédiaire, travaillant pour l'Hydre, que les deux gardes savaient à l'origine du trafic d'incandescent à la Capitale. Elle devait probablement être chargée de faire la tournée des bouges, et de les fournir en cristaux, pour sa part, tout en restant aux aguets quant à de nouvelles opportunités. C'était ainsi qu'elle était tombée sur eux.

« Entendu. Comment pourrons-nous entrer en contact avec lui ? »

« Il suffit de suivre les indications que je vais apposer sur cette carte. Par ailleurs, il vous faudra également prononcer un code, que je vais vous préciser, à l'entrée. »

Après leur avoir livré la feuille comportant toutes les informations requises, la femme les quitta, et ils furent de nouveau seuls à seuls. Elbereth tourna son regard vers Jurgen. Et s'il s'agissait d'un piège, d'un traquenard visant à les délester de leurs cristaux ? En effet, ils s'étaient montrés particulièrement généreux, et cela avait pu attirer l'attention de personnes mal intentionnées. Au pire, ils n'auraient qu'à affronter les voleurs. Et, au mieux, ils pourraient véritablement discuter avec cet Hydre, et obtenir les informations qu'ils recherchaient sur la morsure de l'incandescent.

« On va rencontrer ce très cher Hydre, chéri ? Ou tu veux faire un... petit détour, avant ? »

Un rai de lumière dorée, s'écoulant à travers les minces trouées des volets clos de la pièce, vint échoir sur les paupières emmiellées de sommeil de Dahlia, les faisant clignoter jusqu'à s'entrouvrir. Tandis que son esprit recouvrait peu à peu sa conscience, momentanément mise de côté pour la nuit, la jeune femme sentit la chaleur d'un corps contre le sien, qui lui offrait un douillet appui. Ses mains s'enroulèrent instinctivement autour de lui, comme pour se raccrocher à ce sommeil qu'elle ne voulait pas quitter, jusqu'à ce qu'elle finisse par réaliser...

Qui était cet édredon charnu, au juste ? Et pourquoi partageait-elle son lit avec lui ? Cela n'était que peu dans ses habitudes, d'ordinaire, préférant avoir une large couche pour elle toute seule. Se redressant pour pouvoir mieux observer celui qui lui tenait compagnie, Dahlia put alors distinguer, à son grand désarroi, une silhouette familière... celle d'Arthorias, qui était allongé à ses côtés.

« Capitaine ? Que... ? » Le choc de cette vision improbable la réveilla soudainement pour de bon, et les souvenirs de la veille commencèrent à affluer dans son esprit, les uns après les autres, dans un prolifique kaléidoscope. Alors, ses yeux s'écarquillèrent en grand, manquant de se dessiller. « AaaaaaaAAAaaaaaAAAAH ! »

La voix de la garde vrilla sous la surprise, et la honte, qui l'envahissaient peu à peu, tandis que son visage prenait intégralement une cuisante teinte cramoisie.  Elle s'empressa de s'éloigner par ailleurs, souhaitant rompre cette proximité qui l'embarrassait au plus haut point. Son prompt mouvement de recul fut si ample qu'elle en tomba du lit, atterrissant rudement sur les fesses. Se relevant tant bien que mal, Dahlia attrapa alors des bribes de vêtements qui gisaient çà et là, épars, et tenta de les enfiler, mais s'y prit de façon fort malaisée toutefois, car elle était trop troublée pour en trouver le sens. Ne sachant si le Capitaine partageait ses souvenirs, elle se risqua à lui dire :

« On aura bien déployé notre... couverture. » Elle voulait parler de leurs fausses apparences, mais ses yeux se reportèrent malgré elle justement sur celle, en bataille, qui trônait sur le lit, ce qui ne fit qu'accentuer le malaise enflant en elle. « Elbereth et Jurgen, je veux dire... On peut à présent les oublier, et tout ce qu'ils ont pu faire, n'est-ce pas ? »

Ce qui était certain, c'est qu'ils allaient volontiers se passer de revêtir à nouveaux ces rôles, pour la suite de leur mission, et les reléguer aux tréfonds d'une mémoire qu'il était bien dommage de ne pas pouvoir instantanément effacer, pour s'affranchir de la présente gêne. Par Lucy, Dahlia comprenait à présent pourquoi il fallait à tout prix éviter la drogue.

Le calme olympien que parvint à conserver Arthorias, lorsqu'il entreprit de se rhabiller après s'être levé à son tour, ne manqua d'étonner Dahlia. Cette qualité de ne point perdre son sang froid, le Capitaine savait visiblement en user en toute... circonstance, et pas uniquement lors d'affrontements ennemis. La garde l'enviait pour cette maîtrise, car pour sa part, elle se sentait totalement désemparée et démunie face à cette situation, qui la prenait totalement de court. Comment avait-elle pu dévier à ce point vers cette nuit d'ivresses dévoyées ? La morsure de l'incandescent était-elle l'unique responsable ? Dahlia n'avait pas présentement envie de répondre à cette question, et le Capitaine non plus, aux dires qu'il prononça, ce qui était pour le mieux.

« Non, en effet, Capitaine. Ils n'étaient que des... illusions. » lui répondit-elle succinctement, pour conforter sa sentence.

Des illusions qui avaient partagé une nuit bien réelle, cependant. Les stigmates laissés par celle-ci jonchaient présentement la pièce dans un témoignage particulièrement criant. L'avantage, toutefois, était que les souvenirs de Dahlia qui y étaient reliés n'incluaient pas la réelle apparence d'Arthorias, mais uniquement celle de Jurgen. C'était donc comme si elle avait vécu tout cela avec un autre. Elle parvint ainsi à rencontrer et à soutenir le regard de son supérieur, bien que ses pommettes restaient rehaussées de rouge.

Arthorias lui rappela de l'appeler par son prénom, ce à quoi elle acquiesça. Dahlia se promit intérieurement de veiller à ne pas lâcher un malencontreux "Capitaine" au cours de la suite leur mission, une mégarde qui pouvait fatalement les desservir. Surtout au vu de ce qui les attendait : une rencontre avec l'Hydre en personne, selon les informations annoncées par cette mystérieuse femme rencontrée au fumoir.

« Entendu... Arthorias. Nous pouvons en effet reprendre l'enquête à partir de la dernière piste que nous sommes parvenus à obtenir, hier soir à la fumerie. Cet Hydre doit avoir beaucoup de choses intéressantes à nous révéler, sur la morsure de l'incandescent. »

La question suivante posée par Arthorias lui fit soudainement réaliser que la tenue qu'elle venait de parvenir, bien difficilement, à enfiler, était présentement un peu trop serrée pour elle, de par son gabarit un peu plus volumineux que celui d'Elbereth, en particulier à certains endroits. Et, moins prévoyante que son collègue, Dahlia n'avait pas apporté d'affaires de rechange avec elle. Elle ajouta donc :

« ... Après un petit passage à notre planque, où je pourrai remettre la main sur des habits à ma taille. Je n'avais pas anticipé que je risquais d'en... hum, manquer. » se justifia-t-elle après un petit raclement de gorge empreint de malaise.

Fort heureusement pour eux, ils avaient déjà réglé la note de leur chambre la veille - probablement par une envolée de bourse sur le comptoir  - et ils n'eurent donc pas à affronter le réceptionniste de l'auberge, qui aurait pu être étonné de leur changement d'apparences. Ils s'éclipsèrent en catimini pour rejoindre leur planque, où Dahlia put se changer et revêtir une tenue à sa mesure, en cuir sombre. Ils prirent également le temps de consigner les informations, assez nombreuses, qu'ils avaient déjà pu recueillir sur ces fameux cristaux d'incandescent.

En fin d'après-midi, les deux gardes, toujours sous couverture, rejoignirent l'entrée de la bâtisse, quelque peu branlante et lépreuse, que leur avait indiqué leur informatrice. Celle-ci était située au marché noir, au fond d'un corridor noirâtre, cerné de façades borgnes. Il leur était impossible de savoir ce qui les attendait, à l'intérieur... Un homme était posté devant la porte rehaussée de ferronneries, gardant l'entrée. Il leur jeta un regard peu amène, mais Dahlia ne se démonta pas, et prononça le code de rigueur, selon les renseignements en sa possession.

« Le monde est clair-obscur. »

« Il n'y a pas d'amis au crépuscule. » lui répondit alors l'homme, sans fioritures, tout en leur ouvrant l'huis.

Ce mutisme et cet automatisme distant qui s'étaient emparé d'Arthorias, Dahlia les avait douloureusement constaté, mais elle n'avait su comment y réagir, n'osant elle-même que peu interagir avec lui, car étant entravée par l'embarras qui restait prégnant en elle. Le temps aiderait-il à défaire cette malencontreuse situation, et le malaise qu'elle avait instauré entre eux ? La garde l'espérait.

En réalité, Dahlia n'avait pas pour coutume de s'effaroucher et d'être gênée face à ses actions les plus capiteuses, normalement... Mais ici, la situation était différente : elle avait partagé une relation intime avec un collègue, ce qu'elle s'interdisait formellement, habituellement. En effet, entremêler vie personnelle et professionnelle n'était jamais une bonne idée, de son point de vue, car cela induisait toutes les chances d'être troublé et déconcentré pendant l'exécution de ses missions.

Et cela n'avait pas manqué : la concentration de Dahlia était actuellement plus que mise à mal, affectée et ébranlée par ses regrets et ses doutes comme elle l'était, ce qui pouvait réellement compromettre la suite de leur assignation, si elle ne parvenait à se reprendre en main.

Aussi, en pénétrant dans l'antre de l'Hydre, avec Arthorias, elle déploya de grands efforts pour chasser cet entrelacs de pensées troublantes, afin qu'elles n'interfèrent pas avec les présents enjeux. L'y aidant, le caractère étrange du repaire vint immédiatement la happer, accaparant toute son attention. Cet éclairage verdâtre, d'une part, qui nimbait la pièce d'un éclat putréfié, ne manqua de faire croître un certain malaise en elle. Et ce dernier s'agrandit très vite lorsqu'elle décela la sombre forme mouvante, d'autre part, cantonnée au fond de la salle, qui s'avéra être leur interlocuteur.

De son timbre constitué d'une myriade de voix tourmentées, il les invita - ou plutôt, exhorta - à s'installer, et Dahlia s'exécuta en s'asseyant aux côtés d'Arthorias, tentant de ne rien laisser paraître de son trouble lorsqu'il lui prit la main. Bien qu'ils s'étaient effeuillés de leurs fausses apparences de la veille, les gardes devaient toutefois encore feindre d'être un couple de trafiquants, et il était primordial de réussir à maintenir ce simulacre. Ce qu'Arthorias fit très bien.

« Une cargaison ponctuelle ou un approvisionnement abondant et régulier, je suis bel et bien en mesure de vous fournir les deux... Tout dépend, en réalité, de ce que vous êtes en mesure de payer. » rétorqua l'ombre, lorsqu'il fut piqué par les propos du Capitaine.

« Le prix ne sera pas une difficulté. Nous connaissons bien nos clients, et présumons d'ores et déjà qu'ils seront prêts à allonger des sommes certaines, pour cette marchandise, au vu de sa qualité. Par ailleurs, notre commerce est suffisamment florissant pour nous permettre des avances de trésorerie, afin de vous rétribuer à la livraison. » Le coût était en effet, au final, enduré par les clients, et Dahlia espérait qu'en lui assurant qu'ils pourraient acheter en avance la marchandise, avant d'engranger les recettes afférentes à celle-ci, cela le finirait de le convaincre.

« Bien. Nous devrions réussir à nous entendre, dans ce cas. »

« Comment se passeront les livraisons ? Car permettez-moi d'exprimer une inquiétude : les routes entre la Capitale et le Village perché ne sont pas sûres... les chargements de valeur attirent toujours les convoitises. Quelles sont nos garanties que la marchandise nous sera livrée à bon port ? Et qui devra assumer les pertes éventuelles, en cas de difficultés en cours d'acheminement ? »

« Je partage votre constat, mais sachez que nous n'assumerons pas la responsabilité des aléas du transport, comprenez-le bien. Il faudra venir récupérer le produit directement à la Capitale, et la convoyer par vos propres moyens. Le risque ne sera pas partagé, sur ce point. »

Un arrangement ne semblait pas concevable, mais cela permit à Dahlia d'amener rapidement le sujet essentiel.

« Dans ce cas, ne pourrions-nous pas envisager un approvisionnement... directement à la source, plutôt que depuis la Capitale ? Multiplier les circuits ne ferait qu'accroître les risques inhérents au transport, en plus d'allonger inutilement les distances, et les délais d'acheminement en conséquence. »

« Souhaiteriez-vous vous passer de mon intermédiaire ? » Au ton menaçant de cette voix indistincte, la garde se demanda un instant si elle n'était allée trop loin. Mais le magma de noirceur finit par laisser jaillir un rire fielleux, avant de poursuivre : « Vous n'êtes décidemment pas idiots. Mais, même si je le voulais, je ne pourrais guère vous informer au sujet de la source nous fournissant ce produit... ne la maîtrisant pas moi-même. »

Les prunelles de Dahlia glissèrent vers celles d'Arthorias. Qu'allaient-ils pouvoir réellement obtenir de cet Hydre, en terme d'informations ? La moindre once de renseignement serait toutefois bonne à prendre, à vrai dire... s'ils voulaient parvenir à remonter le fil.