Nienor se retourne pour faire face à un masque de fer. Sans pouvoir réaliser ce qui lui arrive, une douleur l’accueille au niveau de l'abdomen, diffuse et chaude, presqu'agréable. Elle pose instinctivement ses mains sur la lame tenue fermement par son assassin pour y apercevoir son propre sang. Aucun cri ne sort, aucune larme ne coule ; elle réalise, c'est tout.
Voilà donc le moment tant redouté ?
Elle n'est pas immortelle, bien qu'elle refusait de l'admettre jusqu'à aujourd'hui. Elle n'est pas au dessus des autres, n'est finalement rien de moins qu'une humaine et viendra prochainement partager la demeure de ses semblables aux lignées plus modestes : la terre.
Des questions ? Il y en aurait beaucoup à poser, mais elle peut répondre à la plupart d'entre elles seule. Le commanditaire ? La Cabale, à n'en pas douter. L'assassin ? Certainement l'un de leurs "chouchous", cet individu au masque de fer dont on entend régulièrement parler et qui semble échapper à la garde comme si la chance était à ses cotés. Ou peut être s'agit-il de plusieurs hommes vêtus du même accoutrement ? La Cabale aime particulièrement les mises en scène, après tout.
Ses paupières s'alourdissent déjà, certainement l'effet d'un poison imbibé sur la dague qui la transperce. Son énergie, elle, semble s'écouler de sa plaie à la même vitesse que son sang et elle n'est bientôt plus en mesure de tenir debout. Vacillante, elle se laisse tomber contre son agresseur qui l’accueille contre lui avant de finalement rendre l'âme. Une étreinte mortelle...
Après avoir constaté sa mort, l'assassin retire l'arme du corps et soulève celui-ci, venant le déposer sur le lit de la grande chambre dans laquelle il se trouve. Débarrassé de la carcasse et à l'abri de spectateurs, il décide de retirer le masque sur son visage en prenant garde à ne pas laisser retomber ses longs cheveux flamboyants derrière sa nuque. Sa vue ainsi libérée, Mysora est mieux disposée à préparer le corps comme l'a ordonné le commanditaire...
L'outil principal d'une noble imbue de sa personne, sans aucune considération pour les petites gens et désagréable au possible ? Sa langue. La première partie est toute trouvée... Le travail sur le visage est aussi important : s'exposer aux autres individus de son "rang" et amadouer la royauté nécessite une prestance, un charme auquel il est souvent impossible de prétendre lorsque l'on ne possède pas un physique avantageux. La deuxième étape est tout trouvée ! Il n'y a plus qu'à se lancer...
« J'ai connu mieux. Je n'aurai pas dit non à un ou deux jours supplémentaires près des côtes. » Lui répond-il, sourire aux lèvres.
« Je vais faire porter vos valises à l'étage. Désirez-vous quelque chose ? »
« Madame ? ... »
« Montée à l'étage il y a peu, elle semblait également fatiguée. »
« Je vais la rejoindre, je ne tiendrais pas quelques minutes de plus. Je vous laisse vous charger du reste. »
Ne prenant avec lui qu'une petite mallette et son chapeau, il dépasse sa domestique et rentre à l'intérieur de son domaine. Il vient rapidement rejoindre les escaliers qu'il gravit en quelques secondes et se dirige vers la chambre conjugale, s'assurant de faire le moins de bruit possible afin de surprendre sa bien-aimée.
Que lui a-t-elle réservée cette fois-ci ? Bien que possédant un caractère bien trempé, Nienor voue un amour incontestable pour son mari et tout deux consomment leur mariage avec fougue, comme s'ils n'étaient encore que de jeunes tourtereaux dans la fleur de l'âge. Sa femme aime le... "Surprendre", et ses retours à la maison sont souvent synonymes de retrouvailles endiablées. « Cette fois-ci ne devrait pas être bien différente. », pense-t-il alors qu'il pose sa main sur la clanche le séparant de Madame. Pénétrant dans leur nid intime avec un léger sourire sur les lèvres, il aperçoit sa silhouette à la fenêtre et referme doucement derrière lui. Elle ne semble pas se douter de sa présence... Il s'approche lentement ; elle reste à la fenêtre, immobile. Bien trop immobile... C'en est presque intriguant. Billus arrive enfin derrière elle : il l'imagine déjà sursauter de peur et le gronder avant de l'embrasser avec fougue en oubliant sa mauvaise blague. Il la connait par coeur... Il se repositionne, passe ses mains autours de ses hanches et...
Nienor sursaute, comme prévu, et manque de peu de lui asséner une gifle au passage. Haletante, elle pose une main sur son coeur et l'autre sur sa bouche.
« Ca aurait été désastreux. Plus personne pour m’accueillir, pour mettre ses pieds gelés contre moi pendant la nuit... »
Elle rigole. Lui aussi.
« Le paradis. J'aimerai t'y emmener, un jour. »
« Très peu pour moi. J'ai beaucoup à faire, ici. »
« Je sais. On devrait commencer à te soulager d'un peu de travail, maintenant. » Lui dit-il en s'approchant, posant une main délicatement sur sa nuque.
Semblant se prendre au jeu, elle le fait tourner en direction du lit et l'y pousse violemment. Il atterrit sur le matelas, un peu surprit, mais visiblement satisfait de la tournure que prend les choses. Alors qu'il retire son haut dans la hâte, ses jambes rencontrent un obstacle dans le lit et il remarque alors une forme à la place de sa femme. Bien qu'intrigué, celle-ci ne lui laisse pas le temps de réagir et se jette à califourchon sur lui, l'empêchant de se mouvoir.
« Et encore, tu n'as rien vu. »
Toujours positionnée sur lui, elle soulève le drap afin de révéler à leurs cotés un corps en charpie, ensanglanté, privé de nombreuses parties le rendant méconnaissable. Malgré cet état, l'homme est capable de reconnaître sa bien aimée et tandis qu'il s’apprête à appeler à l'aide, une main vient recouvrir sa bouche.
L'homme tente de se débattre, mais sa position ne lui offre aucune possibilité et ses jambes battent dans le vide, signe de son impuissance, tandis qu'une lame se dirige lentement vers l'un de ses iris.
Il semblerait que, cette fois-ci, les retrouvailles de la famille Milan se déroulent au cimetière... Pour peu que leurs enfants puissent encore reconnaître le visage de leurs géniteurs.
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