- Tout tes cristaux et tes objets de valeur !
La voix tonne alors que la charrette louée par un certain cuisinier se fait arrêter aussitôt. Un groupe de trois bandits, armés jusqu'aux dents et visiblement en ayant auprès des biens du blondinet, débarquent d'un ravin, visiblement prêts à attaquer le premier convoi susceptible de transporter quoi que ce soit de valeur. Mis à part de la nourriture, que peut bien transporter un cuisinier ... ?
Revenons quelques jours plus tôt. C'est un entretien sérieux entre un noble de la cour et un responsable de la garde. L'homme aux nombreuses richesse demande un convoi gardé par les bras armés de la justice pour acheminer son héritage à sa fille, vivant au Grand Port, pleurant le décès d'un grand parent qui lui légua une certaine richesse lui permettant de venir vivre proche de son père. Il semblerait cependant que le mari décédé de cette jeune femme ait laissé des dettes après sa mort et qu'elle se trouvait incapable de les rembourser, condamnée à rester dans cette ville jusqu'à ce que l'argent soit remboursé. Son père aura sauté sur l'occasion et avec la ferme intention de lui venir en aide, il demanda au responsable en question de dépêcher une escorte ainsi qu'un véhicule.
C'est ainsi que Java fut sélectionnée pour remplir cette tâche (car mis à part des jeunes recrues, elle était la seule personne fiable à la caserne ce jour là), Faolan, de passage en ville écouta l'histoire de son amie et proposa son aide de bon cœur, offrant par la même occasion une excellente couverture pour le transport de marchandise de valeur.
A présent, il va falloir vous débarrasser de ces bandits mais attention, ils sont probablement plus fort qu'ils n'en ont l'air ...
La dette
Pas graves, ils avaient eu le temps de mettre un plan en place pour que tout se passe de manière parfaitement pacifique. Celui un niais et chiant, mais qui permet de faire un bout de route vers un lieu où une rumeur d’une personne ayant du mal avec son don se fait de plus en plus présente.
La petite échoppe à deux roue, un pousse-pousse échoppe tout simplement. Il trouvait ça un peu dommage de ne pas pouvoir récupérer l’engin en bois. Quoiqu’on lui avait promis de pouvoir le garder s’il n’y avait aucune intervention de bandit en route. Cela serait vraiment merveilleux, mais il sait bien qu’il est vain de croire que tout se passera parfaitement.
Melta babillait en grignotant un sandwich assis sur l’échoppe, alors que Java se trouvait à sa droite, un énorme bol de nouille sautée au légume et boulette de boucton au gingembre, un bol de taille géante prit cette semaine uniquement pour son amie. Très bon achat pour le coup. Il pensait à tout cela en continuant à pousser tranquillement quand trois bandits sortir près d’un ravin. Définitivement pas un groupe à combattre avec un enfant de deux ans.
– Tous tes cristaux et tes objets de valeur !
– OK.
– Quoi ?
Visiblement clairement perturber par la réponse celui de droite regarde le blondin avec des yeux gros comme des billes, alors que ce dernier lâche le devant de la mini échoppe et prends son fils dans ses bras.
– Je suis père de famille, on nous a forcé la main pour une mission dangereuse pour mon fils qui est mon unique trésor, donc si prendre les affaires de cette noble lui fait les pieds, foncez.
– Mais…
– Je vous assure, on va glisser dans un talus à quinze minutes d’arrivée, se mettre de la terre sur le visage pour dire qu’on a été attaqué.
– C’est…
– Vraiment, je souhaite simplement arrivée à destination et qu’on me rende mes affaires sur place.
– On vous a pris vos affaires pour vous faire faire cette mission ?
– Totalement… Les nobles, tous les mêmes…
– Hum… On va vérifier que le convoi ne soit pas piégé avant de vous laisser partir si c’est effectivement vrai.
– Pas de souci. Je vous laisse faire.
Il se décale sur le côté pour bien laisser le pousse-pousse. L’un des bandits ouvrir le convoi remplir visiblement de richesse diverse et varier pour leur plus grand plaisir.
– Vous pouvez y aller.
– Merci.
Et sur ses mots il commença à reprendre sa route vers la direction originelle le plus sereinement du monde. Depuis le début de la journée, avec cette histoire, il n'y a qu'un brouillard d'ennuie qui les suis. Vraiment, si ça n'était pas Java, il n'aurais pas fait cela.
Remise de ses différentes blessures suite à ses moult péripéties estivales, Java avait prévu de se reposer un peu, pour une fois. Son entraînement à l'aube était centré sur la méditation, et elle avait même récupéré un paquet de cartes pour y jouer avec ses nouveaux camarades de chambre... Jusqu'à ce qu'on réquisitionne ses services pour une mission... qui s'annonçait au moins aussi fatigante que le Kartoghan qu'elle avait affronté quelques semaines auparavant. Heureusement, elle avait croisé Faolan en ville – et peut-être parce qu'elle avait réussi à gagner les faveurs de Melta, peut-être parce qu'il devait bien voir qu'elle avait clairement besoin de ses bons petits repas, ou peut-être juste par pitié : il avait accepté de l'accompagner.
Et ensemble, ils avaient préparé un bon petit plan. Petit plan qui lui arracha un petit sourire lorsqu'elle entendit son camarade de route le concrétiser par ses paroles nonchalantes, entouré par sa brume d'ennui, tandis qu'elle avait le nez dans un de ses bon petits plats. Non, vraiment, il n'y a pas à dire : ce jeune cuisinier était la meilleure personne qu'elle aurait pu croiser face à cette situation.
Sans lâcher son bol de nouilles, ni s'arrêter de manger, elle hoche la tête à chacune de ses phrases. Oui oui, rien à voir ici, juste deux ploucs manipulés par des nobles, comme toujours dans ce royaume de grands fous, bien sûr. La bouche pleine, elle rajoute même :
▬ Ch'ont chiants ches nobles !!
Ce qui lui vaut un regard approbateur d'un des bandits, visiblement convaincu par leur petit théâtre. Enfin, une pièce de théâtre sous-entend une mise en scène travaillée, des personnages mis en valeur, des actions qui expriment les intentions de l'auteur... Bref, ici, on était loin de la fiction, et la preuve ! Il n'y avait qu'à jeter un coup d’œil pour voir qu'effectivement, le convoi était rempli de bien plus que de simples provisions. Un moyen efficace de se débarrasser d'un potentiel danger – il fallait juste qu'elle trouve une façon de formuler ça proprement sur son rapport, et tout serait bon de son côté.
Pendant ce temps, une deuxième Java arpente un chemin rocailleux dans la forêt en grognant toutes sortes d'insultes, chargée de sacs comme un âne, traînant tant bien que mal une brouette également remplie de sacs derrière elle. Parfois, c'était un peu triste, le spectacle d'un clone utilitaire.
Mais revenons à notre Java principale. Cette dernière emboîte le pas à Faolan, tout en aspirant bruyamment ses nouilles, ce qui arrache un petit rire à Melta. Oh, il aimait bien les bruits dégueu ? Parfait, elle allait faire toutes sortes de bruits d'aspiration et de mastication bien répugnants. Quoi de mieux pour simplement passer pour une civile désinvolte et fuir discrètement cette vilaine embuscade, après tout ?
Au bout d'un moment, elle finit par arrêter, parce qu'elle se met de la sauce partout et qu'elle aimerait bien profiter un peu de son plat, quand même. Melta râle, mais elle lui fait deux grimaces et c'est oublié. Décidément, ce petit avait tout pour lui plaire ! Elle n'était toujours pas sûre que Faolan soit son père, mais dans tous les cas, elle ne regrettait pas de s'être entourée de cet adorable duo.
Alors qu'ils s'éloignent de plus en plus du pousse-pousse et de ses nouveaux propriétaires, Java finit par s'adresser au jeune blond.
▬ Faudra que tu donnes ta recette de boulettes de boucton à ma mère, elle adore ça !
Et elle fait un grand sourire, puis finit son plat en deux bouchées. Effectivement, l'amour pour le goût du boucton était plus que répandu dans la famille Anggun... Et d'ailleurs, en voilà une qui faisait mine de regarder son bol d'un air tout triste, comme pour faire comprendre à Faolan que son plat avait un vilain arrière-goût de « pas assez ».
Pendant ce temps, notre Java secondaire a réussi à avancer d'environ dix mètres. C'est qu'elle est lourde, cette fichue brouette. Ils auraient pas pu lui mettre un pendentif plume dans tout leur bazar ?!
La dette
Le compliment de Java lui fit avoir un sourire heureux et un début de pluie, même si le brouillard était toujours présent. La garde avait vraiment un appétit et un enthousiasme qui fait si plaisir au cœur. Il avait un espoir que le reste de la famille Anggun avait ce même appétit et amour de la nourriture.
– Oh, je la lui montrerais pour le festival. Je suis certain qu’en accompagnement avec le maïs sera parfait.
Au moins, le grand avantage dans toute cette histoire c’est que de base ils devaient aller au village de Java, à plusieurs jours de marche de l’arrêt demande d’un noble qui ne paye pas correctement une escorte. C’était même eux qui avait dû financer la base du matériel du convoi, même s’il était remboursé en arrivant à destination. En fait ce n’était même pas un si grand mensonge que cela les nobles qui gardait en otage les affaires.
– Je te propose qu’on fasse une pause dans une vingtaine de minutes. On devrait arriver à un endroit où il est possible de pécher et avec des fruits sauvages dans le coin. Ton bol est vide et c’est un crime ça.
– Manger ! Manger !
– Oui, on va manger nous aussi mon riboux.
Un hurlement de joie sortie de la gorge du petit qui se mis à courir un peu plus rapidement en avant comme avancer le temps plus rapidement et avoir son estomac remplit plus rapidement lui aussi. Il le nourrissait bien comme enfant, mais avec autant d’énergie il fallait remplir son estomac régulièrement si on ne souhaitait pas avoir un petit grincheux sans avoir rien pu ne faire.
– Même si à son rythme on y sera plus rapidement.
Peu à peu le brouillard se lève et seule la pluie règne actuellement. Il accéléra un peu le pas pour ne pas se faire distancer par le petit et aussi parce que même pas grand-chose, juste son couteau de chasse, il voulait faire des choses pour remplir un peu les ventres pour la suite. Heureusement que les bandits n’avaient pas voulu prendre le bol de grande taille. Il aura été triste de ne pas l’avoir.
Java sourit en voyant la pluie arriver autour d'eux. Avec le temps, elle commençait à reconnaître les différentes manifestations de l'humeur de Faolan, et elle savait que cette petite bruine timide voulait dire qu'il commençait à voir du bon dans leur affaire. Elle aussi, puisqu'ils avaient trouvé la clairière parfaite pour se reposer et manger un bout.
▬ Tu m'en veux pas hein, j'vais faire le feu un peu plus loin parce que sinon tu vas tout mouiller mon bois, avec ta pluie de bienheureux.
Heureusement, la garde avait gardé sa pierre de feu avec elle, mais effectivement, vu l'averse, ce serait inutile de l'utiliser à proximité du cuisinier. Elle court vers un coin abrité par les longues branches d'un gros chêne, et commence à réunir des pierres pour encadrer leur feu de camp. Melta en trouve même une toute belle en forme de... sanglier ? Sans vraiment savoir de quoi le gamin parle, elle hoche la tête avec approbation et place la pierre bien en valeur dans le petit cercle. Puis elle attrape son bâton, et sort sa lame.
Bien sûr, elle entend des petites mains dans son dos qui applaudissent, et ne peut pas s'empêcher de faire un grand sourire au petit roux, avant de se retourner à nouveau pour utiliser son arme comme machette et tailler des petites branches. Bon, le bois serait forcément un peu vert, mais il faudrait juste faire attention à ne pas mettre le gosse dans la direction de la fumée et ça devrait le faire, normalement. Rapide et efficace (ou surtout, habituée), Java revient avec un petit fagot de bois qu'elle dispose à l'intérieur du cercle de pierres, et lance son feu.
Cela fait, Java retire sa veste pour l'étendre par terre, et inviter Faolan et son gamin à s'y installer. Il faudrait pas non plus que des vilaines bestioles viennent leurs grattouiller les mollets, quand même.
▬ J'vous laisse gérer la récolte, je vais aller taquiner le goujon !
Elle retire soigneusement ses chaussures – en temps normal, elle les aurait juste balancé dans un coin, mais elle voulait quand même donner le bon exemple un minimum – et retrousse son pantalon jusqu'à ses cuisses pour lentement entrer dans l'eau, faisant le moins de remous possible.
Pendant ce temps, notre clone secondaire a coincé sa brouette dans une racine. Après une lutte acharnée à coups d'insultes et de bâton, elle a fini par juste la pousser par derrière pour la faire avancer. Puis elle s'est remise en route, se traînant comme elle pouvait dans une partie dense de la forêt. Quelque part, la seule chose qui la réconfortait, c'était de savoir que l'originelle souffrirait tous les contrecoups d'un clone unique qui puise sa durée de vie maximale dans son énergie... C'était pas grand chose, mais bien fait pour ses fesses !
Originelle qui, effectivement, commençait déjà à fatiguer un peu. Il faut dire que non seulement ils avaient chargé son clone comme un bœuf, mais en plus cette dernière devait avancer sur un chemin isolé et traître que même les animaux évitaient. Même Java n'était pas vraiment sûre de pouvoir la retrouver si besoin – et c'était tout l'intérêt de ce plan, d'ailleurs.
Malgré sa fatigue, Java essaie de se concentrer pour garder ses réflexes. A défaut de canne à pêche, elle devrait improviser une pêche au sabre, et ça voulait dire qu'elle devait attendre le moment exact pour frapper. Heureusement, malgré quelques ratés, elle réussit à attraper deux belles carpes, qui faisaient au moins la taille de son bras ! Non, de sa jambe ! Non, de la distance entre le Temple et la Forteresse ! Non, elles faisaient juste la taille de son avant-bras, à peu près. Elle réussit à en attraper une plus petite, puis revient avec ses prises qui remuent dans tous les sens. C'était probablement les p'tites jeunes de l'étang, mais tant pis pour elles : Faolan l'avait dit lui-même, il y avait un crime à réparer.
▬ Roh mais, c'est qu'elles se laissent pas faire les saletés ! Melta, montre leur tes boum boum !
Elle tend un des plus gros poissons vers le gamin qui lui donne un coup de poing monumental, magnifique, tellement puissant que le poisson est mort sur le coup. Et un deuxième ! Tellement fort qu'il est revenu à la vie ! Incroyable, ce petit est inarrêtable, faites quelque chose, on ne peut plus le contrôler !
Java rit avec tendresse et met fin à son jeu de « cogne la carpe » pour s'éloigner un peu, histoire de les tuer pour de vrai et de les écailler sans forcément exposer ses grands yeux naïfs à ce spectacle bien moins glorieux. Dos à ses compatriotes, elle s'affaire sans bruit, pour ne pas trop attirer l'attention du petit, et parle d'une voix plus calme.
▬ J'te les vide, tant que j'y suis. T'as trouvé ton bonheur sinon ?
A les voir, on dirait presque une petite famille en sortie. Ce qui était absolument leur but, d'ailleurs. Qui pourrait leur reprocher quoique ce soit ?
Le camping se passe sans aucun accroc. Le repas, cuisiné par nul autre que Faolan ayant pour réputation de ravir l'estomac même du plus capricieux en serait presque un remède revigorant, vous octroyant d'autant plus de motivation pour poursuivre votre route le lendemain. Il vous reste encore un bon bout de chemin et il faut reprendre des forces, vous vous couchez donc de bonne heure.
La nuit à la sauvage est particulière, bien que vous la connaissiez déjà, ce soir, il fait bien plus froid, l'air est aussi plus humide et il n'est qu'une question de temps avant d'en ressentir des frissons ainsi que le besoin de retrouver la chaleur qui vous a été retirée. Après de vaines tentatives de rallumer le feu - s'étant éteint pendant la nuit - vous décidez d'abandonner. La pierre de feu de Java ne semble plus fonctionner pour une raison obscure, il vous faudra trouver une autre manière de vous garder au chaud, en prenant garde au climat généré par le père du petit qui cherche son réconfort en demandant des câlins.
La dette
L’heure de dormir était là, les bras de son fils entouraient son cou pour son câlin du soir et l’histoire qui vas avec. Tout allait pour le mieux, mais le temps se rafraichissait, le feu venait de mourir sans explication, la pierre de feu de Java ne voulait pas fonctionner et une mélancolie extérieure, sans aucune trace en son être, commence à peser sur ses nerfs.
– Java… Il y a un souci de magie de l’air et bientôt neige. Bougeons jusqu’à qu’on ne soit plus là-dedans.
Heureusement, ils n’ont pas beaucoup d’affaires. Même Melta est trop fatigué pour protester. Il se cale dans les bras de son père et s’endort facilement. Une habitude de dormir dans cette position à force de leur pérégrination d’un bout à l’autre du pays.
Parlant à voix basse pour ne pas troubler le sommeil du petit alors qu’ils avançaient doucement avec l’aide de la lumière de la lune, bien belle dans le ciel et des lucioles au loin. Petit pas par petit pas, suivant le chemin aménagé pour les voyageurs, ils avançaient sans crainte de l’inconnu. Même les bêtes sauvages semblaient bien loin dans leurs esprits pour le moment.
– J’ai hâte d’avoir quelque chose d’un peu plus stable pour Melta. J’aime voyager d’un bout à l’autre du pays pour apprendre des recettes, mais après qu’on soit aller dans un orphelinat et une rencontre avec une femme des plus marquante et intrigante, mais je t’en parlerais plus tard, une femme qui m’a pris aux tripes, je pensais adopté un autre enfant. Seulement déjà un enfant en vadrouille ce n’est pas évident, alors deux, ça sera encore moins évident.
Il voulait en parler, avec une amie. Java semblait être la bonne oreille, puis de manière générale, depuis son départ de son village natal, il avait tout un réseau amical à se faire.
– Comme je sais, j’ai que vingt ans, c’est tôt, mais je veux offrir une famille à Melta. Au moi aussi quelque part… Et un enfant qui a perdu sa famille, si je peux lui en offrir une aussi ça me ferait plaisir, mais ça me fait un peu peur j’avoue.
La mélancolie du moment lui fait ouvrir la bouche aussi beaucoup que ce qu’il aurait cru. Il leva les yeux au ciel et laissa le silence de la nuit les englober. Qu’elle réponde ou non, ce n’est pas important, juste l’envie de vider son sac qui s’est fait ressentir. Son pouvoir est handicapant pour des moments ainsi.
Alors qu'ils avancent, le petit cuisinier devient étrangement bavard. Java hausse un sourcil lorsqu'elle se rend compte qu'il est complètement en train de lui déballer sa vie, mais reste silencieuse. Un ami qui a besoin de parler, on le laisse parler. Une histoire de femme, de stabilité, de famille recomposée... La garde déglutit. Ce qui semblait être les plus beaux espoirs de son ami étaient ses pires cauchemars. Mais ça, seule la lune pouvait le savoir.
Après avoir cherché ses mots pendant quelques minutes, elle brise enfin le silence qui s'était installé entre les deux nomades, rythmé seulement par leurs bruits de pas.
▬ T'es un bon p'tit papa, tu sais ? C'est pas un gosse de plus qui va changer ça. J'en ai vu pas mal, des gamins sans famille... J'pense qu'ils seraient bien heureux de tomber sur toi. Même si ça veut dire qu'ils devront partir en vadrouille.
Java ne voyait pas vraiment quoi dire d'autre. Est-ce que la neige qu'il avait annoncé plus tôt voulait dire que Faolan avait envie de raconter sa petite vie ? Elle ne l'avait jamais vu neiger, alors c'était un peu difficile de savoir sur quel pied danser. Machinalement, elle continue, tout en faisant attention à ne pas parler trop fort. Après tout, Melta dort.
▬ Vas-y juste à ton rythme. Les orphelins, c'est un peu plus dur à gérer que quand c'est ton propre gamin. Même quand ils pensent qu'ils t'aiment bien, y a trop de sentiments qui s'bataillent dans leurs p'tits corps, faut prendre des pincettes sur les sujets difficiles... Enfin si t'as fait un tour par un orphelinat, j't'apprends rien, j'imagine. Mais c'est encore autre chose quand tu les sors de là-bas.
Pendant ce temps, l'héritière du fardeau du clone secondaire a repris son périple. C'est encore plus dur d'avancer la nuit sans se prendre des branches dans la figure, mais bon. Les ordres sont des ordres. Et puisqu'elle n'avait pas de problème de froid intempestif en plein été, elle avait même pris un peu d'avance sur l'originelle... qu'elle ne maudissait pas moins que son prédécesseur.
Revenons à Faolan et Java. Sous une espèce de petite neige fondue, nos deux camarades continuaient d'avancer sans se presser. Sans s'en rendre compte, la garde s'était bien plus prise au jeu de la discussion que prévu, et continuait de parler tranquillement.
▬ De toute façon, si t'as besoin d'aide, tata Java sera prête à sortir le grand jeu, t'inquiète ! Y parait que j'ai beaucoup de succès avec mes spectacles de chaussettes.
Un éclat de rire, qu'elle étouffe vite en se rendant compte que c'est un peu trop bruyant. C'est qu'il faudrait ni réveiller Melta, ni attirer l'attention d'une vilaine bête ou de vilains gens, quand même... Au loin, son double à brouette entend ce rire résonner jusqu'à elle, et y répond en grognant. Rira bien qui tirera la brouette en dernier, de toute façon !
▬ C'est marrant sinon, je t'imaginais pas du genre romantique. Elle est sympa ta p'tite dame ? Là aussi, pareil, si ça tourne mal et que t'as besoin d'aide, hésite pas à m'envoyer une lettre ! J'viendrai lui remettre la tête à l'endroit !
Et comme pour mieux accompagner ses paroles, Java fait craquer ses poings. C'était pas son genre de refaire le portrait aux civils, mais quand on touchait à ses amis, c'était toute une autre histoire. Et c'était aussi sa façon, en tant que coeur solitaire, d'avertir Faolan. Parfois, une femme nous impressionne, mais derrière les bonnes surprises s'en cachent des bien pires... Et parfois, pas du tout ! Ce qu'elle souhaitait bien sûr de toute son âme au petit cuisinier, mais comment en savoir plus sans – pardonnez-moi le jeu de mots – le cuisiner ?
La lune se reflète dans son regard espiègle. Ils avaient déjà fait un bout de chemin, mine de rien, et même si elle savait que son ventre n'allait pas tarder à grogner à nouveau comme un vieil ours, elle appréciait que le jeune homme se confie à elle, et lui donne l'opportunité d'en apprendre plus sur lui.
La dette
— Oui, tu dois avoir raison… J’aurais le temps de m’inquiéter de cela plus tard de toute façon.
C’est une réalité, une inquiétude qui peut attendre. Peut-être, voir pour un enfant plus grand cette fois, un qui sera directement en âge de comprendre ce qu’une nouvelle famille veut dire. Cela ne sera pas plus simple, parce qu’il y aura des marque à faire et limite à vouloir franchir, mais à géré au niveau de son esprit ça semble plus pratique. Puis une part, un peu égoïste, souhaite aussi que Melta puisse avoir une personne, en plus de lui, pouvoir compter en grandissant. Ce n’est même pas surs que les deux enfants s’entendent et déjà il fait des plans sur la lune sur une relation si le pire lui arrivait. Vraiment des plus intelligents pour le coup.
Un nouveau pas en avant et c’est à ce moment-là que son cerveau connecte ce que Java dit sur ta nouvelle amie. Ses pas se stoppent, se yeux s’écarquillent, un vent de surprise viens, malgré la fatigue et même avec la neige qui le rend mélancolique il y a ce gène étrange qui le prend au cœur sans qu’il ne comprenne pas grand-chose cela.
— Mais non… Enfin, c’est une amie, pourquoi tu pars directement sur du romantique ? Fedora est une personne exceptionnelle et très forte, mais je ne la vois pas comme ça.
Elle doit déjà avoir un fiancé, elle est noble, elle a toute une vie à vivre plutôt que de voir un cuisinier avec déjà un enfant, bientôt deux. Non, même s’il avait des sentiments pour elle, mise à part si… à part si rien du tout. Il secoue la tête pour mettre ses possibilités de quoi que ce soit de plus avec la fée. C’est une fée, les fées ne finissent pas avec les roturiers, encore moins les fées nobles qu’on rend tristes en mettant pied dans le plat sur pied dans le plat.
— Si ça tournait mal dans notre amitié, la lettre que tu aurais serait contre moi, elle est bien trop douce pour me faire du mal.
Pas physiquement en tout cas. Pas volontairement non plus. Elle semble bien trop souffrir elle-même pour souhaitez le moindre mal à autrui et ça le rends à nouveau triste de pensé à ce qu’on a pu lui donner comme mauvais traitement sur son physique et pouvoir alors qu’elle a une âme qui est bien plus pure que beaucoup des prédicateurs de Lucy pour le coup.
Dans tous les cas, il ne pensait pas que ça le gênerait ainsi de parler d’elle ou même d’y penser. Que sa mélancolie grandirait et ferait s’amplifier la neige qui tombe sur eux encore et encore. Il se sent un peu désolé pour Java et Melta de leur faire subir cela. Ses yeux voient un grand arbre, avec un renfoncement dedans, quelque chose de visiblement creuser pour servir d’abris. Il indique le lieu du bout d’un de ses bras.
— Tiens, regarde. Là-bas il semble avoir un abri. On pourra retenter ta pierre de feu sur place. Au pire on continue jusqu’à trouver mieux.
L’abri en question à un sol en mousse des plus confortable et déposer Melta dedans pour le voir rouler en boule pour continuer de dormir. Il y a même un autel au milieu qui semble être prévu pour faire un feu. Vraiment ce genre de lieu devait avoir été conçu pour des pèlerins et pour le coup une très bonne chose de tombée dessus pour finir la nuit. En attendant que la garde voie si sa pierre fonctionnait il s’installe et mise à part le froid de cette nuit étrangement neigeuse pour la saison, c’était vraiment des plus confortable.
— Lucy serait effectivement avec nous si nous pouvons passer la nuit ici.
Ne voulant pas non plus trop déborder sur ces sentiments visiblement compliqués, au cas où ses blagues lourdes causeraient un autre type d'intempéries, elle n'insiste pas, et préfère garder le sujet au chaud pour plus tard. Et puis bon, si elle continuait de rire aux éclats comme une dinde, elle allait finir par réveiller le petit, et ça, ce serait pire que tous les orages possibles !
Heureusement, Faolan repère un abri plutôt correct. La garde approuve son plan, et s'approche du petit autel, déjà prête à faire un feu pour se réchauffer les mains. Elle l'aime bien ce p'tit blond, hein, mais elle le préfère quand même un peu plus quand il ne neige pas. Sauf que voilà : la pierre de feu ne fonctionne toujours pas. Java ronchonne quelques blasphèmes à voix basse. Bien sûr, dès qu'il y avait Lucy quelque part, il fallait qu'elle se mette sur son chemin, cette grognasse ! Ou alors, elle s'était faite arnaquer à la capitale, et l'enchanteur qui lui avait vendu cette babiole risquait de la retrouver dans un drôle d'endroit. Sa narine gauche, par exemple.
▬ J'reviens.
Elle sort ça sur un ton sec, et s'éloigne de l'abri (et accessoirement, de la neige et de son froid mordant) pour aller fouiller dans les cailloux... Ah, voilà ! La pierre de feu du pauvre ! Un bon vieux silex, et une pierre pas trop moche, et ça devrait suffire pour faire des étincelles, non ? Java n'avait jamais été douée pour retenir les noms des minéraux, mais au moins, elle savait les reconnaître. Elle en profite pour récupérer un peu de petit bois, et revient victorieuse pour démarrer un petit feu. Heureusement qu'elle avait appris à en faire avant d'avoir récupéré sa babiole, quand même ! Bon, elle voulait éviter que son feu ne se prenne une bourrasque neigeuse au cas où Faolan aurait été surpris, et avait quand même pris la peine de lui expliquer gentiment et à voix basse chaque étape de ce qu'elle faisait. Quitte à l'ennuyer un peu – au pire, un brouillard supplémentaire n'aurait pas vraiment gêné leur petite escale.
Après s'être réchauffés, avoir discuté encore un peu de « l'amitié » – Java s'était bien gardée de mentionner un certain aventurier, n'étant pas vraiment encore sûre de savoir comment en parler – et des enfants, elle finit par sentir ses paupières s'alourdir, et s'éteint au milieu d'une phrase pour sombrer dans un profond sommeil.
La lumière de l'aube la réveille, comme toujours. Le feu s'est éteint, la neige a fondu... Et la garde s'éveille avec les souvenirs de son clone épuisé qui a laissé la brouette à l'orée des bois. A pas de loup, pour ne pas soumettre le jeune père et son fils à ses habitudes aurorales, elle quitte l'abri et s'éloigne lentement pour pouvoir invoquer un clone silencieusement, la main plaquée sur la terre.
Cette dernière apparaît avec un regard noir, presque aussi effrayant que celui de Sarnai senior, mais Java se contente de s'excuser en avance pour ce qu'elle va subir. La réussite de leur plan reposait sur ses épaules, qu'elle le veuille ou non. Le clone toise un moment son invocatrice avant de partir récupérer la brouette. Au moins, elle serait probablement la dernière.
Et notre Java revient à leur petit abri pour s'étirer, faire des pompes, et donner des coups dans un tronc d'arbre. Ce n'est que lorsqu'elle entendra l'adorable voix de Melta qu'elle se rendra compte que ses amis se sont réveillés, et se plantera devant eux avec un joli salto avant.
▬ Bien dormi ? J'ai fait du repérage, on est plus très loin normalement. Ah, et j'ai trouvé des melons sauvages en m'entraînant, si ça te tente !
Elle dépose le plus petit melon dans les mains de Melta et lui ébouriffe les cheveux avant de faire un grand sourire à son père. Finalement, même avec un petit coup de neige, tout semblait avoir tourné en leur faveur !
hrp : le lancer de dé qui a décidé pour la pierre de feu
La dette
Depuis le départ de leurs abris il avait donc son fils qui lui sautait plus ou moins dessus pour le réveillé en babillant avec une énergie assez impressionnante pour ce moment de la journée. Il avait visiblement un mélange de faim et d’envie de retrouver Java et refaire un truc avec le poisson qu’il avait du mal à comprendre avec le brouillard matinal dû au réveil.
Lentement et en cherchant à calmer, sans aucun résultat visible, son fils, il se leva et commença à chercher des baies et larves comestibles pour faire le petit déjeuner. Il n’y avait rien de vraiment foufou autour du campement, mais ça serait mieux que rien. Il avait une grande hâte d’avoir à nouveau des fournitures viables pour cuisiner et surtout un panel plus grand d’ingrédient, ça manquait cruellement d’assaisonnement. Son humeur changea du tout au tout en voyant les melons rapporter par Java. Les bouts de nuage orageux firent place à une pluie douce et un sourire sincère sur le visage de Faolan.
– Un sommeil parfait et toi ? C’est vraiment bien qu’on soit proche, j’ai vraiment hâte qu’on en finisse et qu’on puisse aller au festival du maïs, ça, c’est un vrai boulot pour moi. Au fait, Melta voulait refaire un truc de poisson où je sais pas trop quoi. Je te laisse t’occuper de cela pendant que je prépare le melon avec les baies et insectes que j’ai récolté.
C’était en quelque sorte lui refiler la patate chaude, mais elle savait y faire et il ne se faisait pas de souci pour elle là-dessus. Melta en tout cas était ultra heureux de pouvoir passer du temps avec Java. Cela ne semblait pas plus la déranger que cela et ça lui fit plaisir de voir cela.
Le petit déjeuner se passa très bien et sans accro. Tout comme la fin de la route en vrai. C’était presque impressionnant d’avoir eu une attaque de bandit au début, puis plus rien ensuite. Au moins ça prouvait que le plan marchait bien. Il fallut deux bonnes heures de marche pour voir la ville apparaitre au milieu des broussailles. Ils se rendirent directement à la demeure du noble où le clone les attendait avec la charrette et aidait à décharger la cargaison visiblement. Le noble fut d’un ton hautain à souhait et aucune prime ne fut donnée en plus pour cette histoire. Même pas un tour en cuisine pour une recette ou deux. Nul sur vingt cette mission pour ces gens-là, heureusement que c’était sur la route du festival du maïs. Vivement d’y être d’ailleurs. Il se demandait de comment pouvais être la famille de Java d’ailleurs, surement des gens très bien pour qu’elle lui propose de travailler pour eux à ce fameux festival.