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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Un esprit sain et un corps sain
    Khepra TikhLe Non-Mort
    Khepra Tikh
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    Un esprit sain et un corps sain
    Dim 16 Aoû 2020 - 19:28 #
    Les rues des petits quartiers commerçants étaient désertes et seuls quelques marchands itinérants venaient briser le silence nocturne en trimbalant leurs bêtes derrière eux. Parmi les rares silhouettes qui arpentaient encore les pavés malgré l'heure tardive, le Non-Mort marchait la tête basse sous les traits d'un jeune voyageur qu'il avait assassiné quelques jours plus tôt. Vêtu de manière quelque peu atypique, le faux explorateur masquait le bas de son visage derrière un foulard épais et portait un tricorne sombre orné d'une plume verte. Il était habillé d'un long manteau noir, d'une chemise surmontée d'une armure de cuir, d'un pantalon bouffant et d'une paire de bottes de bonne facture, empruntées à sa précédente victime.

    Cette apparence de brigand gentilhomme pouvait certes attirer une attention bien malvenue de la part des gardes mais la situation le contraignait à s'accoutrer de la sorte. Sous ses vêtements, Khepra dissimulait les ravages de la putréfaction tant bien que mal et avait eu la riche idée de planquer de petites bourses remplies de mélanges d'herbes extrêmement odorantes afin de chasser les remugles de charogne qui faisaient petit à petit leur apparition.

    La nécessité de s'habituer à un nouveau corps pour le contrôler pleinement empêchait Khepra d'en changer aussi régulièrement qu'il le voulait, il avait donc tendance à ne pas s'encombrer de chair pourrissante et à favoriser des squelettes bien nettoyés mais les termes particuliers de cette opération l'empêchaient de fonctionner comme à l'accoutumée. Etant donné que son objectif était de semer la panique, il se contentait de créer des scènes de crimes à retardement en laissant ses anciennes peaux derrière lui, à la vue de tous.

    Trois corps avaient été retrouvés jusqu'à présent et Khepra avait pris soin de les laisser sensiblement au même endroit, marquant une position comme étant son actuelle zone d'influence. Cela avait eu pour effet de renforcer passablement l'effectif et la prudence militaire dans le quartier désigné. Sans lui laisser le champ libre ailleurs, cette concentration de crimes avait eu pour effet d'accroître l'inquiétude des habitants dans le quartier en question, créant peu à peu le sentiment d'insécurité que son organisation cherchait à créer.

    Bien loin de son actuel terrain de chasse, la créature se rendait aujourd'hui à un rendez-vous avec l'une des collaboratrices qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer. Khepra ne disposait que de peu d'informations concernant cette dernière et encore moins sur l'opération à venir, sans compter que travailler de concert avec une inconnue ne l'enchantait pas forcément. Il avait cependant un goût prononcé pour les surprises et la nouveauté, il se rendait donc à cette entrevue avec un curieux enjouement.

    Après de longues minutes de marche silencieuse, ses yeux bleutés se posèrent sur la silhouette charmante d'une jeune femme solitaire qui correspondait parfaitement au descriptif de la personne qu'il recherchait. Seule au milieu d'une ruelle sinistre, la silhouette élégante de la demoiselle ne lui apparaissait que grâce à la maigre lumière de la Lune. Mains dans les poches, il laissa échapper un sifflement fort impoli en guise de compliment grivois et s'engouffra dans le coupe-gorge en compagnie de l'étrangère. Une fois à proximité, il porta l'une de ses mains gantées à son couvre-chef et salua la dame d'un hochement de tête. D'une voix rauque qui ne convenait pas à l'apparente jeunesse de son enveloppe, Khepra la salua:

    "He bien ma p'tite dame, on se balade ?"

    Ses yeux étrangement bleutés s'illuminèrent faiblement, laissant apparaître sa véritable identité malgré son déguisement. Il redressa légèrement la tête, révélant une infime partie d'un nez partiellement rongé par la décomposition. Il ricana puis ajouta:

    "C'est un véritable plaisir d'vous rencontrer... en chair et en os."

    Nouveau rire, pas moins macabre que le précédent. La plaisanterie était de mauvais goût mais avait le mérite de clarifier les doutes éventuels.
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Mar 18 Aoû 2020 - 20:32 #
    Les étoiles piquetaient le ciel de leur scintillement froid, et la clarté de la lune ronde s'écoulait entre les frondaisons des arbres du Village Perché, nimbant le vaste entrelacs que formaient ses cabanes de bois de reflets argentés. Droite et engoncée dans sa robe bleu nuit, investie d'une posture à la raideur de sentinelle, Vesper attendait patiemment d'être rejointe par... l'homme, ou plutôt, l'être, avec lequel elle avait rendez-vous. Ses doigts pianotaient machinalement sur la balustrade de bois devant elle, tandis que ses yeux étaient rivés sur la vie vespérale animant les cimes alentours, brillants comme ceux d'un rapace prêt à fondre sur une proie. Vesper nota qu'une relative quiétude investissait ces lieux rustiques, au soir, mais celle-ci n'était pas vouée à perdurer. Pas si les desseins de l'organisation dont elle faisait partie aboutissaient, tout du moins.

    La noble avait rallié la cité champêtre un peu plus tôt dans la journée, en compagnie de son garde du corps, après un voyage de plusieurs jours depuis Grand Port. Le trajet, relativement long, avait été émaillé d'une courte halte à la Capitale pour effectuer quelques affaires commerciales. Vesper n'avait que peu coutume de quitter sa ville natale portuaire, mais le plan auquel elle contribuait l'avait requis, et elle s'y était donc astreinte. Cela lui permettrait peut-être d'étendre son réseau de partenaires commerciaux, par la même occasion, si elle en trouvait le temps.

    Une brise légère venait de se lever, faisant bruire les ramures ébrouées des arbres, et virevolter quelques mèches dorées échappées de son ample chignon, lorsqu'une sifflement grivois lui parvint. Les mains de Vesper se crispèrent sur la rampe, ses lèvres carmin se pincèrent, et elle pivota à contrecœur vers le nouveau venu, qui venait de la saluer avec une indélicatesse seyant peu à sa tenue de pourtant parfait gentilhomme. Le ton désinvolte de l'homme l'irritait au plus haut point, et elle lui lança une œillade dédaigneuse, prête à le gratifier d'une réponse acerbe, lorsqu'elle aperçut une lueur bleutée illuminer ses pupilles, lui faisant réaliser la réelle identité de son interlocuteur.

    Une expression davantage doucereuse vint alors détendre les traits de Vesper, et elle répondit au rire macabre de l'homme par un sourire glacé, avant de déclamer :

    « Ravie également. À ce propos, je note que vos chairs semblent se porter à merveille. Quel délicat bouquet de thym et de pin, avec cette exquise touche camphrée d'armoise, et ce soupçon subtil de romarin... Si mes sens ne se fourvoient pas. »

    La noble maîtrisait en effet les senteurs et parfums à merveille, son cercle social n'ayant jamais lésiné sur les fragrances. Avoir appris à les identifier constituait un atout certain, car cela permettait d'obtenir des informations parfois plus qu'utiles, ou de proférer des flagorneries. Dans le cas de son collaborateur, celles-ci masquaient savamment la putréfaction dont elle le savait empreint, d'après les informations dont elle disposait sur lui.

    « Mais êtes-vous au parfum... des affaires qui nous concernent ? » poursuivit-elle, désireuse d'entrer rapidement dans le cœur du sujet qui les réunissait.

    La voix de Vesper, en résonnant de sa féminité rauque dans le calme vespéral, fit soudain surgir une silouhette de derrière l'un des arbres environnants. Brun, relativement grand et sombrement vêtu, il se distinguait difficilement dans la pénombre, mais imposait par sa présence martiale, lesté d'une épée ostensible à son flanc. Il salua le non-mort d'un laconique hochement de tête.

    « Je vous présente Main d'Argent, mon garde du corps. Il ne participera que peu à l'opération en elle-même, mais se fait le garant de ma sécurité durant celle-ci. »
    Khepra TikhLe Non-Mort
    Khepra Tikh
    Informations
    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Mer 19 Aoû 2020 - 17:50 #
    A en juger par l'apparent apaisement de son interlocutrice, Khepra avait vu juste. La sombre demoiselle au teint spectral était bel et bien sa future collaboratrice. Tandis qu'il l'observait de la tête au pied avec un faux air de lubricité fort déplacé, il fut surpris de l'entendre énoncer avec exactitude la liste des plantes dont il avait usé afin de couvrir les répugnantes effluves de mort qui émanaient de sa carcasse animée. Son faciès rapiécé se fendit en un sourire partiellement visible et il répondit avec enthousiasme à cette observation :

    "Mille mercis de l'avoir remarqué ! Je porte un soin tout particulier à ces petits détails... Je n'ai malheureusement pas le plaisir de pouvoir en profiter mais j'ose espérer que la fragrance est à votre goût."

    Privé de ses facultés olfactives et nullement expert en parfumerie de son vivant, Khepa avait commis de nombreuses erreurs dans la réalisation de son camouflage odorant par le passé mais il ressentait une certaine fierté à avoir tout de même été en mesure de mettre au point pareil artifice au fil du temps. Sa comparse décida de passer au plat de résistance et les mots qu'elle choisit pour amener le sujet amusèrent vivement le mort-vivant, qui vint joindre ses paumes devant son visage d'emprunt en gloussant ouvertement. Entre deux éclats, il parvint à articuler :

    "Ne m'faites pas rire par pitié, je risque d'en perdre mon nez."

    Puis, reprenant son sérieux non sans mal, il conclut :

    "Je n'ai que vaguement été informé, je vous le confesse."

    En entendant un bruissement derrière la silhouette de sa collaboratrice, Khepra perdit immédiatement son rictus et porta lentement une main à sa poche de manteau, empoignant furtivement sa dague signature pour se préparer à l'altercation. Ils n'avaient rien dit de compromettant, mais la venue d'un étranger en pareil lieu et à cette heure ne présageait rien de bon. Des ombres s'extirpa alors un homme imposant de par sa carrure et son aura. La dame rassura rapidement la créature en présentant l'inconnu comme étant son garde du corps personnel, Khepra abandonna donc son arme et se contenta d'un hochement de tête, quelque peu bougon cependant.

    "Je n'ai pas non plus été prévenu de la présence de cet homme mais j'ose espérer qu'il se révélera un atout et non un poids..."

    Passant d'un extrême à l'autre, Khepra posa ses mains sur ses hanches et s'approcha du fameux Main d'Argent et, curieusement, il se mit à l'observer sous toutes les coutures en affichant ouvertement son intérêt, comme s'il s'apprêtait à acheter un cheval. Visiblement satisfait, il tapa dans ses mains et se mit à les frotter avec contentement pour ensuite retourner auprès de Vesper, tout sourire :

    "Très bien ! Il est plutôt costaud et semble en bonne forme, cela m'convient !"

    Il se racla la gorge, mimant d'en avoir la nécessité simplement par souci d'effet comique. Cela fait, il cessa d'accorder de l'attention au garde du corps et entra de nouveau dans le vif du sujet :

    "L'opération, donc ! Je n'ai pas les détails administratifs mais j'ai cru comprendre que vous aviez besoin de mes talents pour vous aider à vous installer, dirons-nous ? C'est tout à fait dans mes cordes bien entendu. Mes affaires attendront, je peux bien prendre un peu de temps pour me consacrer à vous ! Une dame aussi charmante le mérite bien."

    Lorsqu'il évoquait ses affaires, le mort-vivant faisait bien sûr allusion aux assassinats brutaux dont il se rendait régulièrement responsables. Vesper était probablement déjà bien au fait des attributions de son interlocuteur, il n'estima donc pas nécessaire de s'épancher davantage sur la nature des petits "talents" qu'il avait évoqué plus tôt. Il se contenta donc de sourire de plus belle et se posta fièrement face à la dame et ne cacha pas son impatience.

    "Je vous écoute ! Ohoh, je sens que je ne vais pas être déçu !"
    InvitéInvité
    Anonymous
    Informations
    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Sam 22 Aoû 2020 - 18:59 #
    L'entrain manifeste qui anima son interlocuteur, après que Vesper lui ait énoncé l'origine des effluves aromatiques embaumant sa dépouille, lui indiqua qu'elle avait touché juste. Elle ne s'était point fourvoyée dans son identification des plantes employées, et surtout, elle avait bien fait de les relever, car cela avait fait mouche, chez son collaborateur. Leur alliance s'étrennait ainsi dans un climat propice.

    La noble arqua un sourcil lorsque le non-mort lui indiqua ne pas pouvoir jouir de ce parfum savamment élaboré. Avait-il donc donc dû masquer les miasmes délétères exsudant de sa carcasse à « l'aveuglette » ? Cela était d'autant plus admirable, ce qu'elle ne manqua de souligner :

    « Tout à fait, et l'avoir ainsi conçue sans aucun appui olfactif... J'en suis plus qu'admirative. »

    Lorsque son collaborateur lui indiqua, après un gloussement non retenu, qu'elle devait éviter de le faire rire pour ne pas causer la perte de son nez, Vesper arbora un air de fausse contrition.

    « Je m'en excuse... Mais il ne vous manquerait sûrement que peu, au demeurant, s'il ne constitue qu'un apparat hélas non valide. »

    Le non-mort était doué de la vue et de l'ouïe des corps qu'il accaparait, mais pas de l'odorat. Qu'en était-il des deux sens restants ? La noble était fort intriguée au sujet des capacités de son pouvoir et des limites le circonscrivant, mais elle ne jugea pas nécessaire de l'astiquer à ce propos, pour l'heure. Elle aurait sûrement l'opportunité d'en apprendre plus sur celui-ci ultérieurement.

    Le surgissement de son garde du corps parut décontenancer quelque peu le ranimé, qui s'approcha alors de Main d'Argent pour le sonder sans aucune pudeur, comme s'il n'était qu'une vulgaire bête de somme. Ce dernier darda sur lui, en retour, un regard fort peu amène, et lui répondit d'un ton calme, mais qui ne laissait toutefois pas l'ombre d'un doute sur la teneur sous-jacente de son propos :

    « N'ayez crainte, je fais mon travail d'une main de maître. Et sachez que si vous avez d'autres éléments d'apparats inutiles, sur votre carcasse, dont vous souhaiteriez d'aventure vous délester, je me ferai un plaisir de vous aider. »

    Ils finirent par revenir au sujet qui les liait, le non-mort invitant Vesper à détailler son besoin avec une joie dévoyée. Il semblait très peu informé, mais la noble n'allait pas tarder à combler ses lacunes. Elle commença par lui annoncer, avec un sourire empreint d'un mystère étudié :

    « Mes affaires et les vôtres convergent plus que vous ne l'imaginez, très cher collaborateur. » Après avoir marqué une pause, pour lui laisser le temps de s'interroger sur cette affirmation, elle explicita un peu plus son propos : « Je viens vous aider à ôter... une Bronzépine de votre pied. »

    Vesper savait que ce nom serait évocateur, pour son collaborateur. L'organisation à laquelle ils appartenaient tous deux, la Cabale, l'avait en effet contactée afin qu'elle intervienne pour freiner cet officier, qui s'intéressait d'un peu trop près aux agissements du non-mort, depuis son arrivée au Village Perché. Elle lui précisa alors la teneur de l'aide qu'elle sollicitait auprès de lui :

    « Selon les informations recueillies par notre organisation, cet officier est marié, et sa femme consulte une psychologue, le docteur Adarin. Il me faut reprendre la charge de ce suivi médical. »  

    Vesper ne rajouta aucune précision. Si cela pouvait encore être abscons, le non-mort finirait par comprendre le rôle qu'elle jouerait pour bloquer l'officier. L'urgence était en effet trop grande pour se consacrer à davantage de péroraisons.

    « Et cela, assez rapidement. Avant la prochaine visite de Madame Bronzépine au cabinet de Madame Adarin, qui se tient demain matin, très exactement. Ce qui nous offre cette nuit pour opérer. » Un laps de temps qui devrait à priori suffire, si tout se passait sans trop d'anicroche. « Puis-je compter sur votre concours ? » conclut-elle, un éclat de froide détermination illuminant ses prunelles d'un cyan très clair.
    Khepra TikhLe Non-Mort
    Khepra Tikh
    Informations
    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Sam 22 Aoû 2020 - 22:52 #
    Effectivement, Khepra était plutôt fier du résultat et ne s'encombrait pas de fausse modestie. Concevoir une telle mixture lui avait pris quelques années d'études et d'essais mais, à force d'essuyer diverses remarques désobligeantes quant à son étrange parfum, il avait su adapter les composants jusqu'à obtenir un résultat satisfaisant qui attirait certes l'attention mais avait le mérite de lui épargner les soupçons des passants. Il n'était pas tout à fait convaincu de l'honnêteté de la jeune femme au sujet de sa réalisation encore expérimentale, mais il décida néanmoins d'accepter les compliments et de partir du principe qu'elle était de bonne foi.

    Le troisième protagoniste semblait quant à lui bien moins enclin à la flatterie. Avec une froideur notable, le garde du corps visiblement agacé par le comportement du mort-vivant lui répondit par une menace déguisée, révélant par ses propos qu'il n'était pas nécessairement comblé à l'idée de travailler de concert avec la créature. Le faciès décrépi de Khepra se fendit en un sourire narquois en réponse à cette agression. Il préférait un type avec du répondant qu'un simple homme de main à la solde de sa maitresse, la tournure de la conversation lui convenait donc parfaitement malgré les regards noirs que lui jetaient Main d'Argent.

    "Carcasse... Un bien vilain mot pour qualifier mon enveloppe. Ce n'est guère civil de votre part cher ami, mais je peux faire l'effort d'oublier cette observation blessante pour fêter notre collaboration naissante."

    Il n'eut pas le temps d'échanger plus amplement avec l'épéiste mystérieux car la noble reprit les explications, s'autorisant même à laisser planer un peu de mystère. Extatique, le zombie jovial était désormais pendu aux lèvres de la demoiselle et, s'il avait eu un cœur fonctionnel, ce dernier se serait probablement affolé à la simple entente du nom qu'elle évoqua. Le rictus malfaisant de Khepra s'agrandit, il pouvait constater une fois encore l'efficacité de ses supérieurs et se félicitait de leur avoir offert son allégeance.

    "Une Bronzépine, vous dites ?"

    Tout en répétant le nom, il se remémora le déroulement de son infiltration. Aux abords du Village, Khepra s'était attaqué impitoyablement à un campement de la garde. Il avait fait face à une troupe d'éclaireurs qu'il avait décimé grâce à une embuscade savamment orchestré. Il s'était ensuite servi de sa sinistre magie pour se dissimuler dans le corps de l'une de ses victimes puis, profitant de l'incendie qu'il avait déclenché lors de son attaque, le zombie inerte avait patiemment attendu d'être récupéré et transporté à la morgue.

    Parmi les nombreux individus présents se trouvait un officier nommé Bronzépine et ce dernier avait immédiatement flairé que cette scène de crime sentait le roussi au sens propre comme figuré. Depuis son lit mortuaire, Khepra avait été témoin de bribes de conversations et des nombreuses questions qu'avait posé l'officier à ses camarades. Avant de donner la main au spécialiste, ce dernier avait observé les corps sous toutes leurs coutures et s'était longuement attardé sur les blessures des défunts. Dans l'un de ses rapports, le mort-vivant avait donc noté le danger que représentait l'individu mais ne s'était pas attendu à une réponse aussi instantanée de la part de la Cabale.

    Bien mieux informé que lui sur la question, la demoiselle continua son explication en amenant de tous nouveaux éléments sur le tapis. Tout en écoutant son discours, Khepra se mit à faire les cent pas et porta une main à son menton, affichant clairement son intérêt pour les informations que sa camarade venait de lui transmettre. Bronzépine était certes plus malin que ses idiots de compères mais il était donc pourvu de nombreuses faiblesses, la plus grande étant sa propre compagne. Le non-mort ne put contenir son excitation et se mit à trépigner d'impatience tout en se frottant les mains avec envie. La perspective d'une telle opération le réjouissait grandement et le fait de savoir qu'elle était si savamment orchestrée l'emplissait d'une joie malsaine. La Dame conclut en l'informant que le méfait devait être commis dans les plus brefs délais et lui demanda s'il acceptait de participer. Cela allait sans dire, il hocha donc vivement la tête et s'exclama :

    "Qu'attendons-nous, alors ? Mettons nous en route !"

    Décidément, il s'était attendu à une surprise mais certainement pas à une soirée aussi vivifiante ! Le mort-vivant se posta donc aux côtés de Main d'Argent, auquel il offrit un clin d’œil amusé. Le trio se mit donc en route, évoluant dans les rues désertes du Village Perché selon les indications de la demoiselle qui passa devant. Toujours aussi taquin, Khepra avait songé à profiter du trajet pour jeter un coup d’œil au postérieur de sa collaboratrice, ce qui n'aurait probablement pas manqué de susciter une réaction enflammée chez Main d'Argent mais, à grands regrets, il se ravisa et se contenta de glousser en imaginant de quelle manière le garde du corps aurait pu percevoir un tel manque de politesse. Khepra n'avait généralement pas pour habitude de refréner ses envies de plaisanterie mais, juste pour cette fois, il choisit de faire preuve d'un tantinet plus de sérieux. L'échec de cette mission nocturne aurait grandement desservi leur cause commune et créer davantage de tensions n'était pas à leur avantage.

    Ce fut donc avec un respect forcé par les circonstances que Khepra résista à ses pulsions de jouer les amuseurs grivois et qu'il se contenta de siffloter gaiement sur la route, profitant que ses lèvres d'emprunt ne soient pas encore assez desséchées pour l'empêcher d'émettre de telles sonorités. Ils atteignirent enfin leur destination, une maisonnette relativement isolée dans laquelle aucune lueur ne semblait indiquer la présence d'une personne éveillée. L'établissement, faisant office de cabinet ainsi que de logement pour Madame Adarin, n'était visiblement doté d'aucun renforcement de sécurité particulier. Khepra inspecta les lieux à la recherche d'éventuels observateurs indiscrets mais rien ne semblait trahir la présence d'un intrus. Le Non-Mort se tourna vers ses deux compagnons et extirpa de sa manche un curieux ustensile métallique qu'il secoua sous le nez de Main d'Argent puis, avec un enjouement parfaitement inadapté à leurs projets, il murmura :

    "Observez l'artiste à l'oeuvre, messieurs dames..."

    Joignant le geste à la parole, il glissa l'étrange outil entre son pouce et son index et pivota vers la serrure, dans laquelle il inséra l'objet avec précision et minutie. Il joua du poignet un court instant, effectua quelques mouvements circulaires et sentit les mécanismes s'actionner les uns après les autres, déverrouillant ainsi le pêne sans la moindre difficulté et leur offrant l'accès à la demeure de la psychologue. Ravi de pouvoir faire ainsi étalage de ses talents face à un public, chose plutôt rare pour un malandrin tel que lui, Khepra prit soin d'ouvrir la porte avec douceur et pénétra à l'intérieur, faisant signe à ses compagnons de lui emboîter le pas. Une fois rassemblés, ils refermèrent derrière eux silencieusement et le mort-vivant se souvint alors d'un épineux détail qu'il avait manqué d'évoquer au préalable. Il observa rapidement les alentours et comprit sans trop de difficulté que la chambre de la psychologue devait se trouver à l'étage, ce qui leur autorisait une rapide planification de la suite des événements. Il se mit à chuchoter :

    "Ah ! J'y pense... Nous n'avons pas encore établi comment nous allions procéder mais je dois vous préciser que, peu importe la méthode, il serait plus simple pour moi de la garder en... bon état, dirons-nous."

    Se doutant que l'explication pouvait paraître quelque peu obscure, il se permit un peu plus de précision à ce sujet:

    "Puisque je vais devoir abandonner mon enveloppe actuelle pour celle-ci, j'aimerais au moins que mon nouveau vaisseau soit fonctionnel, si j'puis m'exprimer ainsi. Et quoi qu'il arrive, épargnez son crâne. Je ne peux rien faire d'un crâne perforé."

    Le corps de la psychologue ne lui servait que très peu mais pour berner la femme de Bronzépine, la mise en scène se devrait donc d'être impeccable et, prenant en compte l'imminence du rendez-vous, le nettoyage devait être aussi aisé que possible. La marge d'erreur s'en voyait donc fortement amoindrie mais heureusement, Khepra n'en était pas à son coup d'essai.

    Les détails établis, le trio se décida enfin à agir et s'aventura furtivement au premier étage. L'assassin porta une main à sa poche et empoigna l'une de ses dagues dorées. Un grincement de sommier leur indiqua quelle porte franchir pour atteindre leur proie et Khepra, en tête de file, porta sa dextre libre à la poignée qu'il tourna lentement. Le mort-vivant passa sa tête dans l’entrebâillement et découvrit ainsi une femme visiblement endormie qui se mouvait mollement dans ses couvertures. Il ressortit furtivement et, portant un regard joueur vers Main d'Argent, il lui murmura :

    "A vous de jouer, alors ?"

    Il venait de trouver là une excellente manière de permettre au garde du corps taciturne de faire ses preuves. Khepra se recula, le sourire aux lèvres, prêt à profiter du spectacle.
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Dim 30 Aoû 2020 - 21:44 #
    Le non-mort ne sembla pas prendre ombrage, outre mesure, des propos à la menace tacite de Main d'Argent, à en juger par le sourire madré que sa dépouille arbora en retour. La réplique qui l'accompagna fut... étonnement accommodante. Il se révélait prêt à faire des efforts diplomatiques, pour le bien de leur collaboration émergente. Vesper en fut rassurée, mais elle redoutait tout de même, en son for intérieur, le retour de bâton qui ne manquerait certainement d'arriver, tôt ou tard, de la part de son associé. Main d'Argent devait d'ailleurs également s'y attendre, ayant lâché sa saillie provocante en connaissance de cause. Car la noble et son protecteur le savaient tous deux : les personnes appartenant à leur engeance étaient rarement enclines à réellement oublier une offense.

    Comme attendu, le nom de l'officier Bronzépine trouva immédiatement un écho chez le dénommé Khepra, qui sembla soudainement dévisager Vesper avec un regain d'intensité, un rictus particulièrement effrayant de malveillance tordant son visage émacié. L'organisation à laquelle ils appartenaient était d'une efficacité redoutable pour trouver des solutions aux problèmes que leurs membres relevaient, et ce des plus rapidement, comme il le constatait avec exultation. Vesper, quant à elle, n'était qu'un pion sur le vaste échiquier du plan qui se jouait, vouée à servir les objectifs de la Cabale, en espérant qu'ils concourent un jour à sa propre ambition. Elle ne regrettait, pour le moment, aucunement son allégeance à celle-ci.

    Finalement, après un frottement jubilatoire de ses mains décharnées, Khepra les exhorta avec vivacité à se mettre en marche, scellant leur collaboration. Vesper opina, et le trio se mit en branle pour accomplir leur funeste œuvre. La noble avait bien évidemment été informée de la localisation de la demeure de leur cible, et put les conduire sans encombre jusqu'à celle-ci. Dans la pénombre nocturne, le chaloupé élégant de sa démarche digne et déterminée les guidait, rythmée par le sifflotement à la gaité cruelle de Khepra, auquel répondait le parfait mutisme de Main d'Argent.

    Le logement de madame Adarin était totalement dépourvu d'éclairage, lorsqu'ils l'atteignirent. Le non-mort prit les devants et, après avoir brandi un étrange ustensile qui miroita fugacement sous la pâle lueur de la lune, il l'utilisa adroitement pour déverrouiller l'entrée de la bâtisse. Il poussa alors la porte, qui s'ouvrit dans un silence qui attestait autant de la délicatesse de Khepra à la manipuler, que du parfait huilage de ses gonds. L'huis se referma derrière eux, les plongeant dans une noirceur assez dense, à peine éclairée par les froids rayons lunaires filtrant à travers les interstices des volets clos.

    Avant qu'ils ne montent à l'étage, le revenant leur précisa un élément d'importance, sur la future enveloppe défunte qu'il allait investir : celle-ci devait être le plus... exempte de stigmates, et sa boîte crânienne se devait en particulier d'être préservée. Vesper et Main d'Argent opinèrent de concert, et ils gravirent alors, aussi silencieusement que possible, l'escalier menant aux chambres. Une fois sur le pallier, ils ne tardèrent à trouver la pièce dans laquelle la psychologue sommeillait, grâce à un indice sonore. Ils s'arrêtèrent devant sa porte, et Khepra l'entrebâilla pour y vérifier la présence de leur imminente victime. Celle-ci sembla corroborée, car il demanda alors à Main d'Argent d'entrer en jeu, une étincelle de défi dans le regard.

    Ce dernier échangea alors une brève œillade avec Vesper, leurs pupilles baignées par la douceur lunaire communiquant sans avoir besoin de faire preuve de mots. Ils avaient de quoi être pris de court : si Main d'Argent avait déjà tué, il n'avait, jusqu'alors, jamais attaqué une cible totalement dépourvue de défense. Le garde du corps avait pour coutume d'affronter des adversaires armés, et de les suriner de façon plus ou moins loyale. Vesper n'avait pas rejoint la Cabale depuis très longtemps, et sa première mission en son sein avait porté sur le ralliement d'une personne d'influence au cercle du Verbe. Elle ne lui avait donc jamais encore confié de meurtre commandité à exécuter froidement.  

    Khepra mesurait-il l'implication de sa proposition ? Probablement pas, car ils ne se connaissaient que peu. Finalement, après cet instant d'hésitation fugace scellé par un échange de regards résolus avec Vesper, Main d'Argent prit la parole :

    « Vous allez pouvoir mesurer la propreté de mon travail. » murmura-t-il, avant de passer devant le non-mort qui s'esquivait pour le laisser entrer dans la pièce.

    Une fois à l'intérieur de celle-ci, il prit un temps pour en sonder les contours enténébrés, ce qui ne posa guère de difficulté à ses pupilles déjà accoutumées à la noirceur. La chambre était d'une sobriété relative, et dans le lit trônant en son centre, une femme dormait sereinement, sa poitrine se soulevant sous les couvertures, à un rythme régulier. En une enjambée, il s'approcha d'elle, et attrapa l'un des coussins jonchant la couche. Il le plaça alors contre le faciès de cette dernière, en obstruant ses voies respiratoires d'une pression ferme. Le corps assailli commença à être animé de convulsions erratiques et répétées, griffant les draps de façon désespérée, mais Main d'Argent ne lâcha prise. Au bout d'un moment, la dame cessa de lutter, évanouie, et le garde du corps attendit alors encore quelques minutes, pour être sûr d'avoir bien asphyxié sa victime.

    Alors, il releva le coussin, révélant un visage éteint. En ôter la vie n'avait été qu'une formalité, une fois qu'il en avait mesuré la valeur. Et, hélas pour la psychologue, celle-ci ne s'était pas avérée suffisamment élevée, face à celle de leurs objectifs. Il fut rapidement rejoint par Khepra et Vesper, qui constatèrent le décès de madame Adarin.

    « Cela vous convient-il ? Je peux vous aider, pour ce qui est du maquillage, afin qu'elle soit parfaitement présentable, au premier rendez-vous du jour... » La voix de Vesper résonna mornement, dénuée de toute chaleur, semblant aussi morte que la défunte gisant dans son lit.

    Un acte irréparable avait été commis, et il n'y avait à présent plus de rédemption possible pour leurs âmes.
    Khepra TikhLe Non-Mort
    Khepra Tikh
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Lun 31 Aoû 2020 - 21:57 #
    Suite à la morbide invitation adressée à Main d'Argent, quelques échanges de regards lourds de sens eurent lieu entre les trois protagonistes. Alternant entre Vesper et le concerné, Khepra savourait avec perfidie chaque instant d'hésitation, ne pouvant qu'imaginer avec une délectation malsaine ce qu'il en coûtait à l'épéiste. Si cette besogne n'avait rien d'honorable, la créature tenait pourtant à découvrir si ses compères ne laissait pas leurs états d'âme de mortels affaiblir leur détermination.

    Main d'Argent finit par prendre les devants et s'engouffra dans la chambre de la pauvre dormeuse qui, dans son insouciance, ne se doutait absolument pas de la terrible sentence que lui réservait le trio. Khepra jeta un vif coup d'oeil à Vesper et lui accorda un clin d’œil moqueur puis vint à nouveau porter son attention sur le spectacle macabre, exhibant une gourmandise lisible jusque dans son rictus malfaisant.

    Son appétit pour la bassesse ne tarda pas à trouver satisfaction lorsque Main d'Argent s'empara furtivement d'un coussin entreposé parmi les biens de la propriétaire assoupie. Avec une force certaine, il appliqua brusquement l'objet contre le visage de la pauvre femme qui ne tarda pas à s'éveiller en sursaut, étouffée et terrifiée par la force impitoyable avec laquelle l'homme exerçait une pression sur ses voies respiratoires. Enthousiasmé par la performance et plus encore par l'habileté avec laquelle Main d'Argent venait à bout de leur plus épineux obstacle, Khepra s'aventura silencieusement dans la chambre une fois le travail accompli, désireux de constater lui-même l'étendue des potentiels dégâts.

    Ce fut avec un ravissement absolu qu'il détailla le faciès de sa future poupée de chair. Son visage était certes tordu par la peur et la douleur et ses joues maculées de larmes encore chaudes, mais l'état de la défunte ne laisserait même pas présager le traitement qu'elle avait subi, moyennant quelques menus efforts de camouflage. Vesper lui proposa son aide en matière de maquillage, offre à laquelle il répondit par un vif hochement de tête.

    Khepra jubila tout en saisissant une chaise, qu'il vint approcher de la dépouille avant de prendre au place au chevet de sa future enveloppe. Le non-mort prit soin de confirmer le décès, malgré l'attention toute particulière que le tueur y avait déjà apporté. Si il avait le malheur de détruire son enveloppe actuelle alors qu'une étincelle de vie se situait toujours dans le corps de la pauvre psychologue, sa forme astrale ne trouverait pas son nouveau logis et viendrait s'éteindre dans le néant, le détruisant par la même occasion.

    "Mon cher, vous avez tout mon respect. Votre prestation a dépassé toutes mes attentes."

    Tout en complimentant le responsable avec enjouement, la créature se pencha légèrement en avant et fit tournoyer sa dague dans sa main décharnée, prête à faire ses adieux à son actuelle enveloppe. Il abaissa le foulard qui masquait son faciès. Il révéla ainsi le degré avancé de décomposition que subissait sa carcasse en montrant sa mâchoire partiellement dépourvue de chair. Une idée saugrenue lui vint alors à l'esprit et ce fut avec un amusement parfaitement inadapté au contexte qu'il se lança dans une petite performance de son cru. Soudainement, la chose se redressa et offrit aux deux spectateurs un air faussement embarrassé. Khepra se mit à glousser comme une jouvencelle gênée par un baise-main puis, d'un ton goguenard, il reprit la parole en jouant les grands indignés :

    "Mais cessez donc de m'observer pendant que je me change, canaille !"

    Indifférent à la réaction suscitée par son petit tour, il plaça sa main libre sur sa bouche et pouffa une seconde fois, tout en adressant un clin d’œil au pauvre homme de main qui ne devait sans doute pas percevoir cette plaisanterie de la meilleure des façons. Rieur, Khepra en rajouta une seconde couche avant de s'atteler à la tâche de son sinistre rituel.

    "Très bien, petits pervers. En guise de récompense pour votre travail exemplaire, je vous autorise à regarder. Mais c'est vraiment parce que c'est vous ! Délectez-vous."

    A peine eut-il fini sa phrase qu'il vint planter avec vivacité sa propre dague dans son menton, creusant dans l'os et la chair flétrie avec une aisance déconcertante. Ses yeux s'illuminèrent, toujours plongés dans ceux de Main d'Argent, tandis qu'une épaisse brume magie se forma autour de l'orifice créé par la lame. L'enveloppe s'éteignit lentement dans une série de craquements et de spasmes musculaires puis s’affaissa brusquement, définitivement morte. De sa bouche ouverte, une minuscule sphère bleue s'échappa en voletant avec douceur, brillante et imprégnée d'une étrange aura magie. L'orbe transparente fut lentement attirée par le cadavre de madame Adarin puis, comme aspirée, elle se logea subitement dans le crâne de cette dernière.

    Après un bref instant de silence, la dépouille prit vie tandis que la magie de Khepra agissait sur toute sa structure, explorant son nouveau vaisseau et s'insinuant en elle progressivement. Les jointures de ses doigts craquelèrent, ses articulations se tournèrent et décrivirent des mouvements incohérents et lorsqu'elle eut enfin fini cette gymnastique sordide, la chose se releva d'un coup, assise sur le matelas. Le transfert était complet et à l'issue cette sinistre démonstration de pouvoir, le non-mort doté d'une peau neuve offrit un sourire enjôleur à Vesper. Si sa manipulation du corps allait s'avérer complexe durant les premières tentatives, l'illusion allait sans doute faire l'affaire malgré tout.

    "Et me revoilà, toute pimpante et pleine de vie !"

    Ces premiers mots furent prononcés d'une voix double mais surtout parfaitement inadaptée à la petite pièce de théâtre que l'ensemble des protagonistes allaient jouer ensemble au petit matin. Déçu par cette piètre tentative de prise de parole, le mort-vivant afficha un air d'évidente déception et se lança dans ses vocalises, exercice nécessaire pour parfaire son camouflage. Ce faisant, elle se leva sans élégance et vint extraire la lame enfoncée dans le faciès décrépi de sa précédente victime d'un ferme mouvement du poignet.

    De sa caractéristique démarche claudicante, la créature maudite se mit à évoluer sans assurance dans la chambre en s'aidant du mur pour s'éviter une chute inopinée. Elle songea à pousser ses plaisanteries en demandant l'aide de Main d'Argent pour se déplacer mais se dit que ce dernier risquait de prendre la mouche à force d'être sollicité sans cesse dans tous ses mauvais tours. Trop surexcité et peu attentif, Khepra manqua de se prendre les pieds dans un meuble et ce fut par miracle qu'il parvint à atteindre la coiffeuse sans encombre. La créature s'y installa, prenant place devant le miroir et commença à s'apprêter en passant ses doigts dans sa tignasse ébouriffée afin d'y remettre un peu d'ordres.

    Khepra posa ensuite ses mains sur ses genoux en balançant ses jambes d'avant en arrière. Il tourna la tête en direction de Vesper, affichant une risette innocente qui ne lui allait pas le moins du monde. Toujours enthousiasmée par l'opération, la chose s'exprima à nouveau d'une voix bien plus crédible, cette fois-ci :

    "On s'y met ? Je me dois d'être présentable pour faire mes adieux à ma cliente !"

    Pour ce qui était de disposer de son ancien corps, cela pouvait encore attendre, mais les remugles de chair morte risquait d'imprégner les tissues si ils perdaient trop de temps.
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Sam 5 Sep 2020 - 14:50 #
    La délectation du non-mort, face au décès de leur cible, était ostensible. Une allégresse morbide transparaissait à travers toutes ses pores putréfiées, et celle-ci sembla même se teinter d'une apparente admiration, lorsqu'il adressa ses respects à Main d'Argent pour sa basse œuvre. Ce dernier lui répondit d'un hochement de tête, en remerciement, puis alla rejoindre Vesper, dont les yeux ne quittaient présentement plus la dépouille de madame Adarin, roidie par la mort dans sa couche. Face à ce tableau mortuaire, elle oscillait entre fascination et horreur, et ce ne fut qu'en percevant l'étreinte familière de la main gantée de son garde du corps sur son épaule, qu'il était venu poser avec une douce fermeté, qu'elle se résolut à abandonner sa contemplation.

    Reportant son attention vers leur collaborateur, la noble put voir que le faciès de ce dernier arborait un sourire nouveau et unique, à l'authenticité effrayante : celui que dévoilaient, de profil, les chaires béant sur ses molaires de sa joue délitée. Khepra entreprit alors de jouer les midinettes effarouchées, en feignant une gêne factice quant à son changement d'enveloppe. Cette prestation, en dépit de son potentiel comique certain, ne provoqua pas d'hilarité chez son audience : Vesper lui accorda un regard désabusé et las, tandis que celui de Main d'Argent trahissait une certaine impatience.

    Sans attendre davantage, le non-mort vint alors fendre son crâne en enfonçant sa dague dans son menton. Suite à ce suicide délibéré, son corps connut des contorsions désarticulées puis s’effondra, et une orbe bleue en surgit. Vesper déduisit rapidement que celle-ci devait être l'essence magique de Khepra... Une petite sphère étincelante, de la taille d'une bille à peine, qui vint gagner son nouvel habitacle sans empressement, irrémédiablement attirée par celui-ci. Qu'adviendrait-il, si l'on tentait de l'intercepter ? La noble n'essayerait pas de le savoir, et suivit simplement sa trajectoire des yeux avec intérêt.

    Lorsqu'il entra dans madame Adarin, le corps de cette dernière s'anima avec une effroyable incohérence, tandis qu'il l'investissait peu à peu. Le cadavre de celle-ci finit par se redresser dans une posture à peu près humaine, et le sourire univoque qu'il adressa à Vesper fit réaliser à la noble que Khepra avait achevé sa transmutation. Toujours sans mot dire, elle le laissa exercer ses cordes vocales, récupérer son arme plantée dans son ancien corps, puis rallier la coiffeuse dans une démarche malaisée. Manifestement, le non-mort devait encore apprendre à maîtriser son nouveau navire.

    « Main d'Argent, puis-je te laisser t'occuper de la première dépouille, pendant je m'affaire avec celle-ci ? »

    Une once d'hésitation vint flotter sur le visage de ce dernier, comme s'il redoutait de laisser Khepra seul pendant un temps avec la noble, mais il finit par acquiescer, et se dirigea vers le cadavre du gentilhomme pour le traîner hors de la pièce. Vesper, quant à elle, prit l'une des chaises trônant dans la pièce et alla la placer à côté de son collaborateur, s'installant auprès de lui devant la coiffeuse. Elle l'invita alors à se tourner vers elle, afin qu'elle puisse le prendre en charge.  

    Le visage qui lui faisait face était strié de larmes. Vesper, à l'aide d'un mouchoir de soie, commença par délicatement essuyer ces dernières. Sa main, malgré elle, ne put s'empêcher de trembler légèrement pendant l'opération. Cette femme dont ils venaient d'ôter la vie avec bien peu de scrupule... Elle devait à présent affronter son faciès éploré, et bien que son âme ait été remplacée par celle de Khepra, la côtoyer d'aussi près restait perturbant. Car son fantôme semblait encore l'habiter, comme tapi, en embuscade derrière les traits qui avaient été les siens.

    Recherchant dans les tiroirs de la coiffeuse pour y trouver le matériel de maquillage, la noble entreprit ensuite de lui appliquer de la poudre, puis farda ses joues afin de les rosir légèrement, ce qui permit de dissimuler la lividité funeste de son teint. Elle appliqua ensuite du rouge à lèvres carmin, à l'aide d'un pinceau, sur les lèvres bleuies de la morte, de façon minutieuse. Vesper l'aida enfin à peigner sa chevelure défaite, et termina en lui vaporisant du parfum de façon assez abondante.

    « Voilà... J'espère que cette mise en beauté vous plaît. Elle vous sied en tout cas à merveille. »

    Si l'on omettait ses yeux un peu caves, qui pourraient facilement se justifier en prétextant une mauvaise nuit, le résultat était plutôt confondant, en effet. Cela restait bien sûr des artifices, mais l'enveloppe fraîchement décédée ne devrait pas connaître de gros soucis de conservation, jusqu'au matin. Vesper sembla vouloir ajouter quelque chose, mais un grincement des lattes du plancher du couloir, annonçant le retour de Main d'Argent, la fit se raviser. Tandis que la silhouette du garde du corps se détachait dans l'encadrure de la porte de la chambrée, le front légèrement perlé de sueur, sa voix quelque peu haletante annonça :

    « C'est fait. Les gardes découvriront bientôt un nouvel objet d'enquête. »
    Khepra TikhLe Non-Mort
    Khepra Tikh
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Lun 7 Sep 2020 - 2:51 #
    Tout en chantonnant avec enjouement, la créature se laissait pomponner par sa collaboratrice qui, visiblement, n'appréciait pas spécialement sa compagnie. Du fait de la situation, Khepra avait toutes les occasions de plonger son regard dans celui de Vesper et croyait discerner un certain inconfort chez cette dernière. N'avait-elle jamais eu l'occasion de maquiller une défunte ? C'était fort probable. A cette idée, le non-mort réprima un rictus, désireux de ne pas ruiner le travail de la demoiselle par un mouvement incontrôlé.

    Une fois l'oeuvre accomplie, Khepra remercia Vesper d'un modeste hochement de tête avant de se tourner avec empressement en direction du miroir. La chose se dévisagea un long moment, observant les traits de son enveloppe dans ses moindres détails. Elle se mit alors à réaliser quelques grimaces, étirant le faciès dont elle était pourvue en tout sens afin de fortifier le contrôle exercé sur les muscles. Le spectacle devait sembler curieux d'un point de vue extérieur, mais cette étape s'avérait absolument nécessaire afin de réaliser une performance à la hauteur de la tâche qui leur incombait.

    "Joli minois, mine de rien. Enfin, c'est la faute à pas-de-chance, après tout. Sa frimousse sert un noble dessein, n'est-ce pas ?"

    Le sinistre acteur pivota pour river ses prunelles luminescentes vers Vesper, cherchant à capter son regard. Elle la fixa avec une certaine gravité, comme pour obtenir confirmation que cet assassinat en avait valu la peine. D'un seul coup, Khepra s'esclaffa et vint claquer sa paume contre son genou. Si cette cause était la sienne, il la savait dénuée de toute morale et ne s'embarrassait d'aucun remord, ce qui n'était peut être pas le cas de la psychologue se tenant à ses côtés. Son rire, désormais réellement féminin, s'éteignit abruptement lorsque la porte de la chambre vint s'ouvrir derrière eux.

    Main d'Argent se manifesta, pénétrant dans la pièce en respirant bruyamment. Khepra applaudit l'efficacité de son partenaire qui venait encore une fois d'accomplir sa besogne avec brio, malgré le danger que représentait une sortie nocturne en compagnie d'un cadavre. Le garde du corps confirma qu'il était parvenu à disposer du corps et que les gardes n'allaient pas tarder à tomber dessus, une nouvelle que le mort-vivant accueillit avec un plaisir dénué de toute culpabilité. D'une certaine manière, se savoir traqué aux quatre coins du village en ayant la capacité de changer de visage à volonté avait quelque chose de grisant.

    "Décidément, il est plein de ressources. Il faut le garder, celui-ci."

    La nuit s'écoula rapidement, les trois protagonistes tâchant d'effacer toute trace d'effraction grâce à un rangement impeccable. Ils profitèrent de cette occasion pour préparer avec attention leur alibi ainsi qu'un semblant d'explication quant à l'organisation hâtive du changement dans l'organisation du rendez-vous de madame Bronzépine. Aux premières lueurs du jour, lorsque les marchands locaux vinrent s'éveiller pour débuter leurs journées de labeur, Khepra prit soin d'apparaître à plusieurs reprises aux fenêtres de la défunte afin d'effacer les éventuels soupçons qu'auraient pu créer leur intrusion nocturne. Le non-mort fut satisfait de constater que parmi les passants, certains lui souriaient amicalement, preuve que l'illusion du maquillage avait amplement suffi pour combler les possibles défauts du camouflage de chair. Ses deux compères devaient sans doute être épuisés après une nuit d'effort et d'angoisse, mais sa malédiction le privait heureusement de l'inconfort occasionné par le manque de sommeil.

    Tôt dans la matinée, on vint enfin toquer à la porte et ce fut avec entrain qu'il se rendit à l'entrée pour répondre malgré la difficulté suscitée par chaque déplacement, mais ce n'était pas sa patiente qui se tenait sur le palier. Trois gardes se tenaient face au zombie et immédiatement, Khepra décida de feindre la surprise avec adresse. La créature vint s'appuyer contre sa porte pour se présenter dans une posture convenable puis dévisagea les trois représentants de l'ordre avec attention, décelant la gravité dans leur regard.

    "Madame Adarin ?"

    "Bonjour. Oui c'est bien moi. Qu'y a-t-il messieurs ?"

    "Malheureusement, rien de bon. Un homme a été retrouvé assassiné dans une ruelle, non loin d'ici."

    "Par Lucy, c'est affreux ! Qui est-ce ?"

    "Nous n'en savons rien pour le moment, nous faisons le tour du voisinage pour poser des questions. Avez-vous entendu ou vu quelque chose de suspect, la nuit dernière ?"

    "Je suis navrée mais non messieurs, je dormais à poings fermés."

    Apparemment convaincus par l'explication, les gardes remercièrent la psychologue et s'excusèrent de l'avoir dérangée. Elle les salua courtoisement et s'autorisa même à leur jeter un regard plein d'inquiétude lorsqu'elle referma la porte derrière elle. Vesper et Main d'Argent étant tranquillement installés dans le bureau, ils n'éveillèrent donc aucunement l'attention des gardes par leur présence, ce qui était à l'avantage du trio de malfaiteurs. Khepra s'assura d'être présentable en ajustant sa robe avec attention et son rendez-vous ne tarda pas à faire son arrivée. La créature camouflée vint à sa rencontre avec enthousiasme et découvrit une jeune femme brune, élégante, mais à l'air timide, qui lui sourit doucement lorsqu'elle se présenta à elle.

    "Bonjour ma chère ! Vous êtes en beauté aujourd'hui !"

    "Oh, vous êtes trop aimable ! Je vous retourne le compliment, d'ailleurs. Vous avez un rendez-vous galant après la séance ?"

    Elle dissimula sa bouche derrière une main gantée et se mit à rire, chose que Khepra imita malgré son léger trouble. Chaque détail qui attirait l'attention de ceux qu'il tentait de leurrer était une erreur en soi et il semblait que leur victime n'était finalement pas du genre à se maquiller de la sorte pour un entretien professionnel. Ce n'était qu'un léger obstacle cependant, aussi la créature ne se laissa pas démonter par ce problème.

    "Pas exactement, mais je pars effectivement en voyage. Entrez voyons, je vais tout vous expliquer dans mon bureau."


    La dame accepta et fit son entrée, c'est alors qu'elle découvrit un second détail qui était quant à lui impossible à dissimuler. Malgré sa nuit d'entraînement, la démarche de Khepra manquait cruellement d'assurance et c'était en boitillant légèrement que la chose vint clore la porte d'entrée, mimant une grimace de douleur alors qu'elle se déplaçait dans sa demeure. Affolée, sa patiente se rapprocha d'elle, autant pour lui venir en aide que pour la questionner.

    "Vous vous sentez mal ? Avez-vous besoin de vous asseoir ?"


    "Vous êtes gentille. Un peu d'aide pour me rendre à mon bureau ne serait pas de refus."

    Dans la plus totale incompréhension, la femme de l'officier présenta sa main avec douceur afin d'assister celle qu'elle croyait être sa psychologue. Khepra prit soin d'éviter le contact direct de peau à peau, car la froideur de son épiderme risquait d'éveiller quelques interrogations indésirables, mais le mort-vivant accepta néanmoins l'aide bienvenue de sa patiente. Les deux femmes se rendirent au bureau où les attendaient Vesper ainsi que Main d'Argent. Madame Bronzépine fut très intriguée par la présence de ces deux inconnus mais Khepra coupa court à ses questions en débutant son explication, maniant l'art du mensonge à la perfection.

    "Je suis navrée de vous l'apprendre ainsi, mais je vais devoir m'absenter du village pendant quelques temps. Comme vous pouvez le constater, je ne suis pas au meilleur de ma forme et j'ai besoin d'être soignée. Les apothicaires locaux sont très compétents, mais je ressens le besoin d'être auprès de ma famille dans ce moment difficile. Je me rends donc à la Capitale dés ce soir, d'où la présence de mon invitée et de son ami."


    Madame Bronzépine, incrédule, jaugea du regard les personnages qui lui étaient présentés d'une bien étrange manière. La courtoisie obligeant, elle les salua respectueusement malgré l'incompréhension et se tourna à nouveau vers sa psychologue dans l'espoir d'obtenir davantage d'explications.

    "Je m'en voudrais de vous priver de suivi à cause d'un problème purement personnel. J'ai donc pris l'initiative de contacter l'une de mes collègues afin qu'elle me remplace. Durant mon absence, elle assurera toutes les séances. Nous avons été formées ensemble et je dois dire que ses compétences sont à la hauteur de sa réputation. Je ne voulais pas vous imposer une nouvelle psychologue sans vous permettre de la rencontrer au préalable, c'est donc pour vous la présenter que je l'ai fait venir aujourd'hui. C'est extrêmement cavalier de ma part de vous prévenir si tardivement et je tiens à m'en excuser, mais l'urgence de la situation m'y a poussé."


    Toujours dubitative, madame Bronzépine adressa néanmoins un sourire poli à la nouvelle venue. Khepra ressentit immédiatement l'inconfort de son interlocutrice et lui offrit une risette qui se voulait rassurante et pleine de bienveillance.

    "Elle est formidable, croyez-moi sur parole. Chère amie, je vous laisse le soin de vous présenter convenablement !"

    La créature pivota légèrement vers Vesper, toujours avec ce même sourire affable.
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Mer 9 Sep 2020 - 20:47 #
    Si son apparence changeait au gré des corps qu'il occupait, le comportement du non-mort, en revanche, demeurait quant à lui invariablement badin, comme pouvait le remarquer Vesper. La nouvelle plaisanterie de Khepra lui apprit qu'il ne souffrait d'aucun état d'âme, quant au meurtre qu'ils venaient d'accomplir. Combien en avait-il déjà commis, pour sa part ? Et surtout, la question qui taraudait davantage la noble : depuis combien de temps était-il condamné à « vivre » ainsi, au travers de cette succession d'enveloppes inachevées lui offrant un simulacre d'existence ? Au regard de la folie qui semblait l'investir, et de la familiarité avec laquelle il embrassait la mort, il devait errer dans cet état d'illusion de vie depuis un certain temps, de ce que supputait Vesper... Un an ? Un siècle ? Un millénaire ?

    Mais le non-mort ne faisait pas partie de ses présents objets d'étude. La noble avait en revanche une patiente à sonder, incessamment sous peu : madame Bronzépine. Aussi, Vesper ne s'accorda aucun repos, durant la nuit qui s'égrena. Après avoir échangé avec Khepra sur les modalités du remplacement de madame Adarin, elle en profita pour compulser le dossier de sa future cliente : troubles anxieux, angoisses, dépression... Un éventail d'affections semblaient l'affliger, qui attestaient d'un état psychologique particulièrement vulnérable. Cela était pour le mieux, pour leur permettre de réaliser leur dessein.

    Le matin, la noble attendait patiemment dans le bureau de feu madame Adarin, aux côtés de Main d'Argent, lorsqu'elle entendit que l'on martelait l'huis de la porte d'entrée. Khepra alla ouvrir, elle perçut alors des éclats de voix graves, résonnant par la porte entrebâillée. Vesper ne put discerner la teneur des échanges, mais présuma que le corps évacué par son garde du corps avait été retrouvé, amenant des gardes à enquêter au porte à porte. Heureusement, la seule personne extérieure à s'introduire dans l'office fut leur cliente tant attendue.

    Khepra, sous les traits de madame Adarin, lui dévida alors le mensonge convenu, amenant son remplacement de façon tout à fait convaincante. Tâchant de ne pas dénoter avec sa performance, Vesper offrit à la timide jeune femme un sourire rayonnant de bienveillance, et tout en lui tendant une main chaleureuse.

    « Enchantée, madame Bronzépine. Permettez-moi de me présenter, Violaine Vercroix, de l'ordre des psychologues du Village Perché, spécialisée dans la guérison émotionnelle. Comme l'a dit madame Adarin, je me ferai un honneur de reprendre votre psychothérapie, afin que celle-ci ne pâtisse d'aucune interruption, durant sa regrettable absence. »

    « Ravie de faire votre connaissance, madame Vercroix. À vrai dire, je fais pleinement confiance au choix de madame Adarin, quant à son remplacement. En revanche, veuillez m'excuser mais... Qui est votre ami ? Doit-il aussi participer à notre entrevue ? »

    Vesper perçut la gêne qu'inspirait Main d'Argent à leur cliente, et décida de tisser un mensonge de façon tout à fait improvisée, afin de ne pas l'embarrasser davantage.

    « Oh, non, bien entendu. En réalité, il est venu pour porter assistance à madame Adarin. Du fait de sa santé affaiblie, je m'inquiétais pour elle, et il l'aidera à voyager sans encombre, en lui offrant soutien et protection. »

    « Vous m'en voyez rassurée. »

    Ce fut le moment pour Khepra et Main d'Argent de s'éclipser, après avoir formulé leurs adieux. Vesper se retrouva seule dans la pièce avec madame Bronzépine, prête à commencer l'œuvre pour laquelle elle était venue. Elle l'invita à s'installer sur le long fauteuil capitonné dédié aux patients, restant pour sa part derrière le pupitre en bois lustré de son bureau.

    « Bien, nous pouvons commencer, si vous en êtes d'accord. »

    Vesper décida de commencer par une écoute attentive, neutre et bienveillante, de sa patiente. Elles se rencontraient pour la première fois, et elle devait donc tenir une posture d'observation. Après avoir échangé un certain nombre d'informations avec elle, en lui posant les questions les plus usuelles, elle lui rendit alors son verdict, avec une mine affectée et empreinte de sollicitude.

    « Je mesure la gravité de votre situation, madame Bronzépine. Et face à celle-ci, je peux vous proposer une méthode dont je réponds personnellement, en vous offrant le bénéfice de mon pouvoir. »

    « Votre... pouvoir ? » répéta sa patiente, son faciès affichant un mélange de curiosité et de réticence.

    « Je détiens en effet la faculté d'absorber les émotions éprouvées par autrui, de façon ciblée, et définitive. Mais bien sûr, un tel don implique un coût, pour ma personne et pour mes clients, auprès desquels j'exige de fait une contrepartie. J'utilise ce talent de façon sporadique, uniquement pour les cas les plus épineux. Je n'aurais pas l'indécence de le proposer à la légère, mesurez-le bien. »

    « Qu'attendez-vous de moi, en échange de son recours ? » Une certaine défiance animait sa cliente, mais ses pupilles brillaient toujours d'intérêt. Vesper agita une main conciliante, tout en lui répondant :

    « Rien que la vérité. Sur vous, votre vie... Votre mari. Vous devrez m'en ouvrir les secrets, pour que je puisse retirer en vous cette écharde qui vous blesse tant. »

    Cela était en réalité un mensonge, cette condition n'étant pas nécessaire pour l'usage de son pouvoir, mais Vesper y voyait le moyen d'obtenir une information secrète et compromettante au sujet l'officier Bronzépine. Sa cliente demeurant coite d'indécision, elle poursuivit :

    « Je vous devine perplexe. Laissez-moi vous proposer une démonstration. Cela vous siérait-il ? »

    Dans un hochement de tête timide, madame Bronzépine lui offrit son consentement pour réaliser celle-ci. Vesper lui demanda alors de se concentrer sur une émotion, de faible intensité, dont elle souhaitait présentement se défaire, et lui prit la main dans une douce étreinte. Sa patiente se focalisa sur le sentiment ciblé quelques instants, et elle put alors constater, durant les secondes qui s'égrenèrent, que la jalousie qu'elle ressentait, face au jardin de sa voisine mieux entretenu que le sien, s'amenuisait peu à peu, jusqu'à disparaître. Une délivrance complète, et immanquablement étonnante.

    « Par Lucy... Comment avez-vous fait ça ?! »

    Un sourire énigmatique vint s'épanouir sur le faciès de la psychologue, et tandis qu'elle raccompagnait sa cliente au seuil du cabinet, leur première séance étant achevée, elle lui annonça avec une patience composée  :

    « Vous avez, bien entendu, tout votre temps pour étudier ma proposition, madame Bronzépine. Nous pourrons en reparler à notre prochain rendez-vous. D'ici là, portez-vous bien. »
    Khepra TikhLe Non-Mort
    Khepra Tikh
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Ven 11 Sep 2020 - 5:44 #
    Khepra salua poliment celle qui croyait être sa patiente puis invita Main d'Argent à l'accompagner, puisque ce dernier avait été présenté comme étant son protecteur. Il n'en laissa rien paraître, mais le non-mort était hilare à l'idée de jouer le rôle d'une demoiselle affaiblie soutenue par celui qui lui avait clairement fait comprendre que leur relation n'était pas amenée à évoluer de façon plus amicale. Sous les traits de la jeune psychologue, Khepra offrit donc un sourire bienveillant aux deux femmes et fit sa révérence avant de quitter le bureau, tout en demandant avec un embarras mensonger.

    "Cher ami, pourriez-vous porter mes bagages ? Je ne m'en sens pas la force."

    Main d'Argent n'était sans doute pas enchanté par cette perspective, mais la situation le contraignant à jouer ce rôle, il obtempéra et vint suivre le mort-vivant jusqu'à la chambre de la défunte, pour ensuite se saisir d'une valise dans laquelle ils avaient rassemblé du linges et divers ustensiles à la va-vite pour simuler un départ en règles. Les deux individus s'enfoncèrent dans les rues bondées du village, mais cela ne convenait nullement à Khepra qui risquait par mégarde de rencontrer une connaissance de son enveloppe, ce qui le contraindrait à une suspicieuse conversation quant à cette maladie imaginaire dont elle était soi-disant victime.

    Fort heureusement pour ce duo bien mal assemblé, leur errance ne fut que de courte durée car le tueur professionnel qu'était Khepra avait plus d'un tour dans son sac. Il n'avait d'ailleurs pas chômé en matière de meurtre car s'il sévissait déjà depuis plusieurs lunes dans le Village Perché, son influence d'assassin s'étendait bien au delà et c'était avec mesure du danger et ingéniosité qu'il avait établi une véritable toile lui permettant de changer de visage selon ses besoins. Main d'Argent et lui n'échangèrent que très peu durant le trajet qui les mena hors des frontières du village, aux abords d'un sentier isolé que Khepra avait balisé à l'aide de furtives gravures dans les troncs des arbres.

    Ils trouvèrent enfin l'objet de leurs recherches, à savoir une fosse creusée par ses soins et qui contenait une enveloppe de rechange, un corps féminin dans un état absolument déplorable mais qui allait bien devoir faire l'affaire le temps d'en retrouver un plus frais. Si la protection des frontières du village avait été renforcée récemment, quelques imperfections subsistaient encore et les contrôles systématiques n'étaient pas en vigueur, ce qui leur permettrait de revenir sans mal sur leurs pas. Le mort-vivant procéda de la même manière qu'avec son précédent vaisseau, abandonnant là le corps qui avait été le sien pour ces quelques heures.

    Ils s'encombrèrent de quelques modestes mesures de sécurité, parmi lesquelles l'enterrement de la pauvre innocente dont la mort injuste n'avait que brièvement servi leurs desseins, puis se remirent en route une fois Khepra équipé convenablement. Il prit le soin de cueillir quelques herbes locales et de réaliser un nouveau bouquet de senteur sous l’œil attentif du garde du corps silencieux, puis il dissimula les sacoches odorantes dans sa tenue afin d'isoler les remugles fétides de sa carcasse. Le déguisement olfactif était certes médiocre du fait de la hâte avec laquelle il avait été établi mais en dépit de mieux, ils allaient devoir s'en contenter.

    Le retour se fit sans question et Khepra ne prit même pas le temps de plaisanter comme il avait l'habitude de le faire, la tension entre lui et son camarade d'un jour étant plus ou moins palpable. Le mort-vivant ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui déplaisait tant à son compère, mais les motifs potentiels pour justifier cette amertume étaient légion. L'assassinat forcé, les taquineries grivoises, ou était-ce plus profond encore ? Khepra ignorait quelle relation Vesper et son homme de main entretenaient, mais avait la nette impression que sous cette apparente froideur se cachait une certaine anxiété. Main d'Argent était-il angoissé à l'idée de laisser sa protégée se rapprocher d'un être aussi dangereux que lui ?

    Ces questions ne trouvèrent évidemment aucune réponse et en vérité, Khepra s'amusait beaucoup à essayer de le deviner sans ouvrir directement la conversation, d'où son mutisme inhabituel. Il s'imagina la folle histoire d'un beau garde du corps sévère et droit, éperdument amoureux de la femme dont il assurait la sécurité en dépit de toutes les oppositions, une relation platonique digne des plus beaux contes romantiques. A cette pensée, un gloussement lui échappa.

    Les deux individus finirent par retourner au village au crépuscule, leur périple ayant pris la journée entière. Un point de rendez-vous ayant été établi au préalable non loin de la demeure de madame Adarin, ils s'y rendirent en toute discrétion afin de rejoindre la dernière membre de leur petit groupuscule de malfaiteurs. Sous son épaisse capuche de toile brune cernée d'un collier de fourrure tâchée de terre, Khepra avait tout d'une étrange éclaireuse revenant d'une mission périlleuse mais malgré son habillement, sa silhouette squelettique se distinguait sans mal sous le tissu, pour qui avait l’œil.

    "Bien le bonsoir. La journée a été bonne ?"

    La créature ne fit pas l'effort d'éveiller sa magie pour révéler sa véritable identité, sachant pertinemment que la présence de Main d'Argent était bien suffisante pour écarter les doutes à ce sujet. Sans compter sur son timbre de voix, rauque et fantomatique, qui ne laissait aucun doute quant à sa nature monstrueuse. D'un geste sans élégance, la chose fit craqueler les jointures crasseuses de ses doigts osseux puis chassa une feuille morte de son armure de cuir usée.

    "De notre côté, nous nous sommes permis une petite promenade de santé en amoureux. Votre ami n'étant pas très causant, j'étais donc enchanté à l'idée de pouvoir vous retrouver."

    Les bonnes habitudes reprenaient maintenant que le trio était rassemblé et Khepra fit même l'affront de taper amicalement le dos de Main d'Argent du plat de sa main décharnée, accompagnant sa marque d'affection curieuse d'un ricanement mesquin.
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
    Mer 16 Sep 2020 - 22:38 #
    Sitôt ses adieux conclus avec madame Bronzépine, et la porte du cabinet refermée derrière elle, Vesper se pressa vers l'une des fenêtres perçant la pièce, pour entrevoir l'extérieur au travers du voile du rideau, qui la maintenait dissimulée. Elle put apercevoir la silhouette de sa cliente s'estomper au loin, jusqu'à totalement s'évanouir, lorsqu'elle tourna à l'angle d'une rue. Alors, la psychologue ressortit de la demeure, et accrocha sur la porte d'entrée une note d'excuse, qui indiquait que les consultations de la journée étaient toutes reportées au lendemain, en raison de circonstances exceptionnelles.

    La noble ne souhaitait pas, en effet, assumer les autres rendez-vous du jour de madame Adarin, préférant utiliser ces heures à meilleur escient, et les dédier, en l'occurrence, à un repos de bon aloi. Après ce premier meurtre, cette nuit dénuée de sommeil, et cet entretien teinté d'improvisation, il lui fallait en effet délier ses muscles noués par toute la tension engrangée. Vesper entreprit ainsi de profiter d'un bain. Ouvrir une bouteille traversa également son esprit, mais elle convint qu'il serait plus opportun d'en étrenner une une fois leur dessein accompli.

    Si celui-ci aboutissait bel et bien... Toutefois, la psychologue était confiante à ce sujet. Pouvoir être délesté d'une insondable douleur était une perspective bien trop tentante pour être éludée, pour le commun des mortels. Cela ne devait être qu'une question de temps, avant que madame Bronzépine n'accepte son offre. Le soir venu, Vesper était donc sereine, lorsqu'elle retrouva Khepra et Main d'Argent dans le jardin de la demeure de madame Adarin – évitant par là-même leur entrée par la porte principale, qui aurait pu être remarquée.

    Le non-mort arborait une nouvelle enveloppe, et était flanqué du taciturne garde du corps. Les revoir tous deux ensemble, et manifestement intacts – enfin, si l'on pouvait qualifier le corps de son collaborateur ainsi - l'éprit de soulagement. La noble avait en effet quelque peu craint les conséquences de leur compagnonnage forcé durant une journée entière.

    « Merveilleuse. Et la vôtre ? » répondit-elle à Khepra, avant d'ajouter, tout en ébauchant un sourire : « Notre poisson a été, je pense, suffisamment appâté. Il devrait très prochainement mordre à l'hameçon. »

    Le non-mort lui fit alors part de sa journée écoulée, apparemment maigre en dialogues - ce qui n'était guère étonnant, Main d'Argent n'étant connu pour son verbiage volubile - et de sa joie de la revoir. Était-elle partagée ? Quelle fut la réelle vérité, Vesper lui répondit :

    « Pareillement. Pour cette dernière nuit qui nous attend... » La psychologue laissa volontairement planer un instant de silence, et son sourire s'aiguisa :  « Je vous propose de continuer à profiter de la compagnie de Main d'Argent. Quoi de mieux qu'une literie partagée, pour votre couple fraîchement formé ? »

    Cette proposition quelque peu badine recelait en fait une autre intention : le garde du corps aurait en réalité pour mission de surveiller le non-mort, pendant que Vesper se reposerait, seule dans une chambre isolée. Il n'était en effet pas sûr, à leurs yeux, de dormir tous deux tandis que Khepra resterait éveillé, bien qu'il fut normalement leur allié, et n'ait pas d'intérêt direct à leur nuire.

    ►◄

    Une nouvelle journée s'était levée sur le Village Perché, baignée par la clarté pâle du matin, lorsque Vesper ouvrit la porte de son cabinet à sa cliente, prête à entamer leur second rendez-vous.

    « Bonjour, madame Bronzépine. » l'accueillit-elle en lui coulant son plus gracieux sourire. Elle la fit s'installer, et les deux femmes échangèrent alors quelques formalités, la psychologue jugeant de bon ton d'entretenir la conversation en préambule. Elle finit tout de même par lui demander, avec un air faussement désintéressé : « Avez-vous commencé à réfléchir à mon offre ? Vous êtes, bien sûr, tout à fait libre de la refus... »

    « Oui, je vais l'accepter. » la coupa alors son interlocutrice, d'une voix fébrile mais dans laquelle perçait la détermination.

    Quelque peu décontenancée par cette réponse abrupte, la noble eut bien du mal à dissimuler la joie accompagnant sa surprise. Elle avait présagé que madame Bronzépine finirait par être encline à accéder à sa proposition, mais elle pensait, à vrai dire, qu'elle balancerait bien davantage avant de lui livrer son accord. Cela laissait présumer que la peine de la jeune femme devait être particulièrement profonde.

    « Laissez-moi vous dire que vous faites le bon choix. Comme expliqué précédemment, pour pouvoir procéder au retrait, vous devez cependant me conter votre histoire, en n'omettant aucun détail... »

    C'était là que Vesper faisait un pari : celui que cette histoire allait impliquer l'époux de madame Bronzépine. Et il était temps de savoir si elle allait en effet faire moisson de ce secret tant espéré, à son sujet.

    « Nous étions prêts à accueillir... notre premier enfant. » Tandis qu'elle s'engageait dans son récit, la voix de sa cliente peinait à franchir ses lèvres, les mots semblant s'amasser douloureusement dans sa gorge. « Mais, alors que je me trouvais proche du terme de ma grossesse... Il me l'a ôté. » Un sanglot secoua alors ses épaules, et Vesper vint placer, presque intuitivement, une main sur celles-ci.  

    « Il ? »

    « Belril... Mon mari. Il n'a jamais su contenir ses pulsions... » La femme n'en ajouta pas plus, mais l'on pouvait entrevoir ce à quoi elle référait. « Vous savez ce que cela fait, de devoir laisser partir cette vie si précieusement couvée, et si proche d'éclore ? Un arrachement, au-delà de tout ce que vous pouvez concevoir. » La main de madame Bronzépine se porta alors à son ventre, comme pour raviver le souvenir de ce fantôme de vie. « Mon bébé... »

    Un peu déstabilisée par cette révélation, Vesper s'astreignit à reformuler et à clarifier les propos de sa cliente, pour être sûre de ne pas se fourvoyer quant à leur interprétation.

    « Voulez-vous dire que vous avez été battue par votre mari, et que ce dernier a entraîné votre fausse couche ? »

    Madame Bronzépine ne fit qu'acquiescer, les yeux envahis de larmes.

    « Donnez-moi votre main, madame Bronzépine. Je vais vous délivrer de ce fardeau, que vous avez gardé en vous bien trop longtemps. »

    Une fois le contact de leurs chaires établi, Vesper procéda à ce retrait dont elle avait la capacité. L'inconsolable chagrin de madame Bronzépine afflua en elle, d'abord tel un fin ruisselet, puis celui-ci ne tarda à grossir, jusqu'à la submerger avec la puissance d'un torrent. Vesper suffoqua sous cette peine intense, mais n'interrompit aucunement la procédure. La tristesse liée à ce déplorable événement finit par totalement refluer de l'esprit de sa cliente, dans une parfaite délivrance.

    « Merci pour tout, madame Vercroix. »

    « Je n'ai réalisé que mon devoir de praticienne, madame Bronzépine. Je suis toutefois très touchée par l'expression de votre reconnaissance. »

    Une fois sa cliente partie, l'âme allégée, Vesper se dirigea à l'étage, pour informer ses comparses de cette révélation. Mais, alors qu'elle gravissait les marches, des larmes vinrent poindre à ses yeux, de façon irrépressible. Cette tristesse, Vesper allait devoir la garder en elle jusqu'à ce qu'elle s'étiole, le plus probablement en quelques heures, au regard de son intensité. Le plus important était toutefois qu'elle était parvenue à obtenir ce qu'ils recherchaient : le pouvoir sur l'officier Bronzépine, par la connaissance de son secret.
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    Re: Un esprit sain et un corps sain
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