Elle rendit son gobelet vide au marchand et poursuivit sa route. Les rues étaient animées. Ici, un bateleur jonglait. Là, un barde composait des rimes "à la demande". Amusant.
Shangry chercha du regard une armurerie digne de ce nom. Avant de quitter son village, elle avait essayé de vêtir sa vieille armure : en vain ! Il apparaissait que Shangry avait quelque peu grossi. Cela était un peu gênant à avouer pour une dame guerrière.
Shangry connaissait une bonne armurerie jadis, mais cela remontait à quinze ans ! Peut-être depuis, d'autres avaient réussi à émerger de ce constant combat qui se déroulait dans les rues et ruelles de la capitale : à ce jeu-là, celui ou celle qui pratiquait les meilleurs prix et vendait le matériel de meilleure qualité gagnait toujours, car ses clients restaient en vie.
Son regard se posa alors sur une vitrine en verre, ce qui était encore assez rare dans la capitale pour être remarquable. Au-dessus de la vitrine de verre, un panneau de bois indiquait :
"Chez Ivara, sculptures et ornements raffinés"
Un sculpteur. La belle affaire. Shangry allait tourner les talons lorsque son regard se posa sur l'une des statues.
C'était une danseuse, ou cela y ressemblait fort, de cinquante centimètres de haut environ. Lancée dans un mouvement compliqué, elle déployait force grâce dans un mouvement figé dans le marbre. Ses muscles étaient ciselés de façon admirable, et sa pose éternelle, adorable, régalait les yeux et l'âme. Elle n'avait pas de visage : l'artiste ne lui en avait sonné aucun. Shangry n'avait jamais été très versée dans les arts. Tout au plus savait-elle danser le Gorniou, une danse folklorique apprise à Huxvall, son village natal.
Pourtant, cette statue l'interpella d'une façon inattendue, incongrue même. Cette grâce figée dans le marbre, ce visage absent comme pour rendre cette danseuse anonyme... Il y avait de la beauté là-dedans. Shangry fut intriguée.
Elle s'approcha de la porte, vitrée elle aussi ; comme si le propriétaire de ces lieux n'avait rien à cacher. Comme si, au contraire, il souhaitait être vu par ceux qui sauraient le remarquer. Shangry avait bien entendu parler d'artistes, de comédiens, de danseurs d'exception : ceux-là faisaient tout pour qu'on les remarque, au point parfois d'en être épuisants. Rien de tel avec ce sculpteur, qui se contentait de poser ses statues en vitrine, histoire qu'un badaud les remarque.
Sans même savoir qu'elle était séduite, Shangry poussa la porte vitrée. une clochette égrena quelques tintements, signalant au propriétaire des lieux qu'il avait peut-être un client.
Qui sait, peut-être un jour les autres personnes seraient moins absorbées dans discord et pourraient enfin se focus sur le rp ?