Elle détestait ça. Informelle, en sueur et ayant eu un mal de fou à obtenir audience auprès du Roi. Le Roi, rien que ça, parce que les autorités de Nosgorote n'arrivaient pas à gérer le problème qu'était devenue Cassandra. Parce que Dame de Tevinter avait sa propre petite bande de mercenaire qui prenait de plus en plus d'ampleur dans la région. Elle lâcha un soupire, sa mine s'assombrissant en y repensant. Sa faute... Si elle n'avait pas exaucé ce stupide vœu... Non, si elle avait su qu'elle pouvait exaucer des vœux. Au prix d'un malheur incongru. Elle se détestait. Les Tevinter étaient ses amis à la base, et elle avait complètement gâché leurs vies. Sa mine devenait plus sombre, sa tête basse alors qu'elle entrait dans la salle du trône. Ses mains derrières son dos, comme à chaque fois que son esprit était préoccupé par le poids du malheur qu'elle faisait s'abattre autour d'elle. "Dame Malaky Sideris, en audience pour affaire judiciaire !"
Même l'annonce de son identité ne la faisait pas relever la tête. Maintenant, d'un point de vu extérieur et en prenant en compte la sombre réputation des Sideris qu'avons-nous donc ? Une individu, vêtue de couleurs sombres et portant un manteau, long manteau avec une peau d'ours noir. Un air sombre, des yeux cerclés de noirs. Un pas lent et déterminé. Et une réputation salie par des générations de sales coups perfides venant de sa famille. Ainsi que les mains derrière le dos, comme tout bon vizir maléfique. Les gardes royaux étaient bien entendus tendus comme des tiges de bambous, les armes non-loin de leurs mains ! Mais elle ne remarquait rien, trop occupée dans ses pensés. Puis, son visage commença doucement à s'éclairer. Bientôt ce serait fini, ses erreurs seraient réparée. Elle releva la tête, sourire aux lèvres. La tension monta d'un cran.
Elle s'apprêta à parler alors qu'elle approchait. Un "votre majesté" réussit à passer. Mais, hélas, la malchance frappa ! Elle se prit les pieds dans le seul plié du tapis rouge cérémoniel. Perdant son équilibre, elle tomba face la première contre le tapis, tapis qui couvrait un sol de marbre. Le bruit de craquement résonna dans toute la pièce, suivi par le cri de douleur et des "putain sa mère" caractéristiques d'une personne venant de se casser le nez. Elle se redressa rapidement, tenant son nez en sang et sortant un mouchoir. Ses grognements de douleurs étaient audibles de tous. Mais elle devait continuer, se rattraper. Elle se releva, le dos droit et une nouvelle voix nasillarde. "S'cusez-moi votre Majesté, je trouvais pas le tapis assez rouge..." Un peu d'humour, un baume à sa dignité inexistante et la touche finale à la chute de tension dans la salle. Elle se racla ensuite la gorge, revenant rapidement au vif du sujet avec cette voix nasillarde. "Votre Majesté, je suis venue demander justice, la justice royale. Non loin de ma ville natale, une bande mercenaire tente de faire loi, et ils sont dirigés par une autre noble. Cassandra Tevinter. Cette dernière a également séquestré et fait subir nombres de sévices à sa jeune soeur Sarah. Cette dernière réside actuellement en la demeure Sideris pour qu'elle soit en sécurité."
Elle baissa la tête, gardant son mouchoir qui s'imbibait rapidement de sang sur son nez brisé. "Je sais que les accusations sont graves et que les Sideris n'ont pas toujours étés des citoyens modèles mais... Et bien... On n'arrive vraiment pas à reprendre le contrôle de la situation. Les gardes présents sur place sont débordés, les tentatives de reprise de contrôle virent à la débandade et on ne peut même pas user du portail de téléportation. Nous avons vraiment besoin de votre aide Majesté. Peut-être que votre intervention pourrait faire reprendre la raison à Cassandra et éviter plus de bain de sang inutiles ?" Sa voix était plus qu'incertaine. Elle ne savait pas ce que serait la suite... Elle espérait qu'il ne demande pas l'origine de toute cette histoire...
J’eus un sourire presque désolé. Je l’avais écouté, entendu, compris même, mais je ne pouvais clairement pas continuer l’audience comme si de rien était alors qu’elle venait de se briser le nez, carrément. Son visage peu avenant l’était encore moins avec tout ce sang et son état pratiquement lamentable ne donnait pas envie de continuer la discussion. J’aurai pu la congédier de façon ignoble et malpropre, mais je n’étais pas ce genre de roi qui abusait de son pouvoir sans aucun respect pour ses interlocuteurs. Le bien-être de mes citoyens était ce qui me préoccupait le plus en tant que citoyen depuis que j’avais accédé l’histoire au trône. Le cas qu’elle me décrivait semblait assez grave, mais vu qu’elle semblait s’être farci tout le chemin entre sa ville natale et la capitale, elle pouvait bien patienter encore une journée. C’était de prendre un repos bien mérité, se vêtir comme il faut et revenir devant son roi.
- « Mais puisque je reporte notre audience, je vous offre le gîte et le couvert. Considérez cela comme une compensation et un gage de ma bonne volonté à vous aider. »
Là encore, mon sourire s’agrandit. Si j’aidais de bon cœur cette pauvre noble, il y avait également des dessous à prendre en compte : Premièrement, j’en avais marre en fait. C’était peut-être la dernière à passer, mais j’étais fatigué d’écouter les doléances de la population. Si je ne détestais pas fondamentalement l’exercice puisqu’il servait à aider nos citoyens, l’effectuer pendant des heures non-stop me fatiguaient énormément et tout ce dont j’avais hâte, c’était de pouvoir prendre un repos bien mérité en allant me prélasser dans les thermes du palais ou allant perdre mon visage dans la poitrine opulente de ma femme… Avant de me rappeler qu’elle aussi était plutôt occupée avec certaines paperasses d’où son absence à mes côtés aujourd’hui. Deuxièmement, si j’avais vraiment de la peine pour l’état de l’héritière des Sideris, je voulais connaitre un peu plus l’histoire de sa famille plus ou moins connue dans tout le royaume…
Et pas pour les bonnes raisons, effectivement.
Discuter de façon informelle avec elle autour d’un bon repas semblait être l’idéal pour cela.
- « Qu’en dites-vous, Dame Malaky ? »
La question était à moitié rhétorique. Si je ne lui laissais pas du tout le choix pour l’audience qui était reportée au lendemain, je ne la forçais pas non plus à rester sur place et à accepter mon hospitalité. A ce niveau-là, elle était libre de faire comme elle l’entendait. Bien entendu, je n’étais pas non plus un souverain qui s’offusquait devant des refus ; même si refuser l’hospitalité de son roi devant tous les vassaux présents dans la salle ne l’aiderait pas du tout à redorer le blason de sa famille. On pourrait croire que je venais de la piéger exprès, mais ce n’était pas le cas. Je n’avais juste pas la tête à statuer davantage ou à prendre des mesures, surtout sous le coup de la fatigue. De ce fait, c’est avec un certain empressement que j’attendais sa réponse, alors que deux à trois laquais s’approchaient lentement de la noble pour l’escorter jusqu’à une chambre d’invités au cas où elle accepterait mon offre gracieuse.
Elle se retrouva rapidement avec deux charmantes servantes s'empressant de l'escorter jusqu'à une chambre d'invité. Elle se demanda si elle pouvait tenter sa chance... Est-ce qu'elle devait même le faire ? "Mesdemoiselles... Excusez-moi de vous demandez ça... Mais est-ce que vous pourriez dormir avec moi ce soir... ? J'ai peur du noir..." Elle ferma les yeux fermement, attendant la claque qui devait arriver. Elle le savait. Statistiquement, elle avait plus de chance de se la prendre que de pas se la prendre. "Et bien... C'est inhabituel mais... Pourquoi pas ? Après le dîner ?" Elle rouvrit les yeux, peu sûre de la réponse entendu. Elle cligna plusieurs fois des yeux. "Sur ce veuillez nous pardonner, mais nous devons retourner à d'autres tâches. A ce soir ma Dame." Et... Elles étaient parties. Elle se gratta la cuir chevelu, peu sûre de ce qu'il venait de se passer. Pour une fois Lucy était sympa avec elle ?
Elle rentra dans la chambre, sortant sa boule magique de son sac. Elle sortit également des affaires propres. Elle vit qu'on avait déjà préparé le bain. Elle se déshabilla, laissant sa boule absorber les affaires sales. Puis elle la tapota trois fois le cristal, laissant les affaires tournoyer dans une eau savonneuse. Elle examina son nez dans le miroir. Elle soupira, levant les yeux au ciel avant de saisir fermement ses voix nasale et de tirer un coup sec. Un nouveau craquement était audible, de même qu'une complainte sur une vive douleur. Elle souffrait... Mais elle alla se nettoyer, se parant le plus possible alors qu'elle essayait de régler son problème de nez. Après un bon bain et des bandage judicieusement placés, elle était prête. Pantalon et chemise, bottes correctement ajustées et gilet le plus léger qu'elle possédait. Elle observa sa boule. Tout tournait rond.
Elle soupira. Encore. Sa voix était toujours nasillarde et sa douleur vive. Et elle devait toujours plaider sa cause au roi. Elle en profiterait sûrement pour le faire au dîner, en priant pour que sa majesté ne lui demande pas trop de détail. Ce dont elle doutait fortement. Elle ramenait de graves nouvelles après tout. Elle sortit de la chambre, se laissant escorter par les mêmes servantes que tout a l'heure. Elle était encore étonnée du fait qu'elles aient accepté de dormir dans le même lit qu'elle... Elle ne chercha pas à comprendre d'avantage. Une fois dans la salle de dîner, elle constata le ridicule. Une table, longue. Très longue. Le roi à une extrémité. Ses couverts de l'autre côté. Elle ne cacha pas son expression blasée, se saisissant de ces mêmes couverts et allant vers la place à la gauche du roi, marmonnant. "Alors là, va chier l'étiquette, je vais pas hurler avec une voix pareille..."
Elle posa son assiette non loin de celle du roi, se permettant même de le servir alors qu'elle était debout. Du sanglier il semblerait. Elle entendait un serviteur s'outrait de ce comportement. Elle tourna la tête vers lui. "Oh ça va ! J'ai des mains c'est pour m'en servir ! Non mais..." Elle s'asseya enfin, se servant également. Elle remarqua que la viande était anormalement tendre. Ou alors qu'ils ne savaient pas cuisiner à la maison. C'était aussi une possibilité. "Donc... Votre majesté..." Attention à tes mots Malaky... "C'est quoi qui vous plaît le plus chez votre femme ? Personnellement je trouve son déhanché très expressif." Elle était morte. C'était officiel. "Sinon, vous aimez les objets magiques ?"
Hilare ! J’étais complètement mort de rire ! Et le pire, c’est que ça avait jailli tout seul et que je n’avais même pas pu me contrôler au moment même où elle m’avait sorti cette phrase venue de nulle part. J’étais dans un tel état que je n’avais pas fait gaffe à sa dernière phrase, plus occupé à frapper la table du poing qu’autre chose. Mon état certes indigne de roi, n’interloquait pas vraiment mes serviteurs qui étaient plus ou moins habitués à mes nombreuses conneries et qui avaient appris à faire avec. On pourrait croire d’ailleurs que les pauvres passeraient leurs temps à me mépriser, mais ils avaient su voir au-delà de ma fonction et apprécier la valeur de l’homme à sa juste mesure. Derrière ce masque de pitrerie et de désinvolture, il y avait un leadeur qui savait prendre son courage à deux mains et tenir ses responsabilités pour appuyer la reine comme il faut. Si elle n’avait jamais d’ailleurs fléchi, ce n’était pas seulement à cause du soutien affectif que je lui apportais en tant que bon époux, loin de là. Cependant, difficile de s’en faire à l’idée, surtout quand on me voyait plié en deux sur mon siège avec les larmes aux yeux !
En même temps, cette gamine m’avait littéralement tué.
Il me fallut cinq bonnes minutes pour me calmer. Deux bonnes minutes, oui. La pauvre héritière des Sideris devait être bien étonnée d’ailleurs. Si un autre suzerain l’aurait certainement pendu pour outrage à la cour et à la personne de la reine, j’étais loin d’être aussi coincé bien au contraire. Du reste, j’étais même plutôt fier. Il fallait avouer qu’Allys avait une joliesse à en couper le souffle et qu’effectivement, les divines formes de la belle callipyge qu’elle était ne laissaient personne indifférent ou presque. J’étais le premier à en être baba, même si j’allais tout de même me garder de divulguer des détails croustillants de ma vie à une inconnue, bien entendu. Alors que je me calmais lentement mais surement (je cherchais surtout à récupérer mon souffle et à attendre que les crampes de mon ventre se calment), toujours avachi sur mon siège, quelques domestiques s’évertuaient à nettoyer ce que j’avais renversé sans prendre garde en tapant du poing sur la table comme un vulgaire charretier. Puis ils me resservirent encore une assiette pleine de viandes et la coupe de vin qui allait avec, évidemment. Toujours de l’alcool !
- « C’est bien la première fois qu’on ose sortir pareil compliment au sujet de mon épouse ! Par Lucy… »
Au bout de la cinquième minute, j’avais enfin retrouvé mon calme, avant de m’emparer de ma coupe pour boire une grosse gorgée de mon breuvage. J’eus eu un soupir de plaisir par la suite parce que c’était très bon, avant de me redresser bien comme il faut et d’adopter une posture digne d’un roi, sans pour autant avoir un maintien totalement guindé comme mon idiot de fils. J’eus d’ailleurs une pensée pour mes garnements en m’imaginant que l’ainé devait être entouré de livres, tandis que sa cadette devait certainement être en train de s’amuser avec d’autres servantes : « J’apprécie votre franchisse, très rafraichissante d’ailleurs, mais j’ose quand même espérer que vous vous garderez d’être aussi... directe en présence de ma chère et tendre épouse. » J’eus un petit clin d’œil malicieux pour mon hôte du soir. La phrase avait un double sens : Le premier était que tous les nobles (la reine dans ce cas) ne seraient pas aussi ouverts que moi… Et le deuxième était tout simplement le fait que j’allais très certainement la tuer si elle osait faire la cour à ma femme. Malaky n’était certainement pas conne, mais il me fallait quand même poser des limites.
- « Enfin… J’ai beau dire ça, mais je doute qu’elle nous gratifiera de son auguste présence. Si le roi est un tire-au-flanc bien connu, la reine est tout bonnement son opposée… »
J’eus un petit rire avant de poser ma coupe pour m’emparer de mes couverts et commencer à attaquer mon repas. C’était d’ailleurs le signal pour que mon invitée en fasse certainement de même. Tout de même et bien avant ma première bouchée, je renchéris : « Ah et vous avez bon goût et j’apprécie les personnes de gout… On va même dire que je suis plus réceptif à leurs doléances. » Là encore, j’eus un sourire amusé avant de me gaver du sanglier qui était au menu ce soir… Et force est de constater que c’était toujours aussi bon ! Il m’arrivait bien souvent de préférer la boustifaille de la populace, mais les cuisiniers du palais n’avaient pas leur pareil pour mariner et cuisiner la viande. La viande, c’était d’ailleurs ce dont raffolait leur monarque ! Un choix judicieux pour la soirée donc. « J’espère que les merveilles de nos cuisiniers seront à vos gouts. Surtout après un aussi long voyage. Pas trop fatiguant d’ailleurs ? » J’avais déjà parcouru cette distance transformé en piaf et je devais avouer qu’un tel périple devait être particulièrement éprouvant ; aussi avais-je dans l’idée de ne pas trop l’importuner pour qu’elle soit fraiche pour demain.
- « Et qu’avez-vous déclaré tout à l’heure ? J’ai cru entendre objet… Quelque chose comme ça… »
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