Sur la route ♪
Aujourd'hui, Nir avait une mission particulière qui l'obligeait à partir de chez lui. S'il avait beaucoup de chance, il serait de retour ce soir, mais il était plus probable qu'il ne revienne pas avant quelques jours. Il avait donc commencé ses préparatifs la veille, et finissait de préparer ses affaires pour toutes les éventualités afin de partir le plus tôt possible.
Sa mission? Un client était venu la veille, demandant un solnar de compagnie. Ce n'était pas un animal élevé sur place, comme la quasi totalité des animaux qu'on leur demandait - il n'y avait définitivement pas la place d'élever tous les familiers possibles, sans parler des animaux domestiques - aussi il fallait aller le chercher. Après s'être assuré du sérieux du client et avoir demandé une avance de la moitié du prix, Nir avait convenu d'aller chercher l'animal demandé et d'effectué le minimum de dressage avant de recontacter son client.
Les solnar n'étaient pas des animaux très dangereux. En théorie, c'était même une mission plutôt facile, le plus dur étant de réussir à approcher ses animaux et à avoir leur confiance. Mais Nir avait l'habitude de ce genre de demande, ce qui l'inquiétait étaient plutôt les autres bestioles qu'il pouvait croiser. Mais s'il se fiait aux lieux où il était sûr de pouvoir en trouver, ça devrait aller, il pouvait se permettre d'y aller seul. Ça tombait plutôt bien, Yang était enfermée dans sa forge suite à une commande plutôt exigeante et Lodjur était aussi occupée de son côté. Heureusement, ses parents étaient toujours en assez bonne santé pour gérer l'élevage seuls, et ils allaient rester sur place, Nir pouvait donc partir sans soucis.
Nir s'étira. Irin, un des chiens de l'élevage des Mille et une bête qu'il gérait avec le reste de sa famille, vint lui tourner autour. Il avait déjà dit au revoir à sa manière aux différents animaux présents en permanence, à savoir des chiens, des pinplumes et le chat de la maison. Irin ne venait pas lui dire au revoir, il essayait simplement de l'amadouer pour convaincre Nir de l'amener avec lui. Le dresseur eu un sourire et caressa l'animal.
- Désolé, mais tu ne m'aidera pas dans mon travail si je t'amène! Tu as largement de quoi te défouler ici. Promit, je t'amènerai faire une longue promenade à mon retour, d'accord?
Le chien n'insista pas, vite rappelé à l'ordre par des chiots turbulents derrière lui - forcément, en partant, Nir avait réveillé toutes les bestioles, sauf peut-être les pensionnaires du côté de la clinique - et le dresseur en profita pour vérifier une dernière fois sa liste - il n'était pas du genre tête en l'air mais mieux valait être prudent, une bourde était vite arrivée et elle pouvait coûter cher même s'il savait à peu près se débrouiller et trouver ce dont il avait besoin dans la nature - avant de refermer son sac à dos, de le mettre sur ses épaules et de s'apprêter à se mettre en route... Avant d'être distrait par des bruits de pas venant du chemin.
Un client, si tôt? Il était pas le seul à être matinal visiblement! Il pouvait aussi s'agir d'un villageois mais il en doutait, peu passaient par là si ce n'était pour les voir. Il y avait certes plusieurs chemins menant ici, mais la plupart étaient peu empruntés en temps normal.
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Il avait raison, puisqu'il a tôt fait de reconnaître Lulla arriver. Irin quémande quelques caresses de bienvenue avant de l'accompagner jusqu'à Nir, qui ne peut s'empêcher de remercier son ouïe. Il s'en est vraiment fallu de peu pour qu'ils se ratent, prêt à partir comme il l'était, sachant qu'il serait allé dans l'autre direction. Il est content de voir que l'aventurière semble bien aller. Vu son chargement et la direction qu'elle prend, elle doit sûrement être en train de rentrer chez elle. Ils ne se sont pas vu depuis un moment! Nir a tout de suite bien apprécié l'hybride. Déjà, par une sorte d'aisance avec... Bon, il ne dirait pas quelqu'un comme lui, mais il y avait de ça. Ils n'étaient pas tant d'hybrides que ça, encore moins visibles comme ça, et c'était agréable de rencontrer quelqu'un avec un pouvoir similaire. De plus, ils s'étaient vite découvert le point commun d'apprécier les animaux, et il n'en fallait pas plus pour apprendre à connaître Nir... Voir le transformer en pipelette quand on le lance un peu trop vivement sur le sujet sans savoir le canaliser!
Une de ses oreilles est agitée d'un sursaut, amusé, à la remarque de Lulla. Ils ont bien sympathisé, mais elle l'appelle toujours par son nom entier et pas son surnom, preuve que ça reste récent. Mais ça ne saurait tarder!
- Bonjour Lulla! Oui, comme tu peux le voir. On a déjà de la chance de s'être croisé, à quelques secondes près j'étais parti sans t'entendre arriver!
Hum, maintenant, Nir hésite. Lulla n'a pas fait un gros détour pour venir le voir, de ce qu'il en a comprit de ses précédentes visites, mais c'est un peu dommage de se croiser sans avoir le temps de discuter un peu. Mais il se voit mal retarder son départ, retarder une demande d'un client sans bonne raison pourrait très vite devenir une mauvaise habitude sinon. Mais dans le pire des cas, vu que c'est sur sa route, il peut toujours lui proposer de faire un bout de chemin ensemble! Il était même prêt à lui proposer de se reposer quelques minutes si elle avait besoin, ainsi que lui offrir un peu de boisson et nourriture - repousser son départ de quelques minutes était plus acceptable que de quelques heures - mais il fut devancé par la proposition l'hybride, dont il avait oublié qu'elle n'avait pas froid aux yeux. Nir laissa éclater un rire bref, oubliant ceux qui dormaient encore et qui, de toute façon, avaient peu de chance de l'entendre d'ici.
- Hé bien, je n'aurais pas osé te le proposer, mais si ça te va, ça ne me pose pas de soucis! Tu as besoin d'une petite pause ou on peut partir de suite?
Lui, en tout cas, il était prêt. Et Lulla avait beau avoir un ton affirmatif, Nir avait bien noté la présence du "pourrait". C'était peut-être juste pour mettre les formes, mais c'était assez pour lui donner l'impression d'avoir le choix d'accepter ou non cette présence, et ça lui suffisait. Dans un autre contexte, ou même simplement s'il avait été de moins bonne humeur, ça aurait pu suffire à le vexer, mais pas là. Il avait beau être tôt, il était heureux de la voir, et ça suffisait à faire pencher ce début de journée du bon côté.
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- Alors en route! Lança Nir en commençant à marcher une fois que Lulla lui eu confirmé pouvoir partir de suite.
Elle ne lui avait pas semblé très fatiguée de toute façon. Son ouïe et son odorat l'aidaient souvent à se rendre compte de l'état de fatigue des gens comme des animaux, mais une proposition de courtoisie ne faisait jamais de mal. Il avait bien entrevu que sa compagne de route était du genre à rarement se poser, mais ce n'était encore qu'une impression dont il n'était pas sûr, ne la connaissant pas depuis très longtemps.
Néanmoins, on pouvait dire que le courant passait bien entre eux. Ils avaient un avantage que peu de gens avaient, et qui participait à ce que Nir se sente bien avec elle : ils pouvaient parler sans mots. Bien sûr, il le faisait aussi avec sa famille, qu'il connaissait bien, mais ici c'était différent. Par le fait d'avoir une queue et des oreilles mobiles, c'était comme tout un nouveau pan de langage corporel qui s'ouvrait à eux, et cette fois, Nir ne faisait pas que s'exprimer et être comprit, il pouvait aussi lire et réagir en conséquence. Et ça... Ça faisait du bien parfois. Cela offrait une façon de communiquer simple, mais qui permettait de dire l'essentiel.
Nir regarde une dernière fois derrière lui en entendant un trottinement et fait les gros yeux à Irin, qui avait commencé à les suivre, pour qu'il rentre. Ils étaient toujours en vue de l'élevage mais commençaient déjà à le voir disparaître derrière la végétation au fur et à mesure du chemin. Heureusement, le chien n'insista pas. Le dresseur se tourna à nouveau face à la route, une oreille surveillant que l'animal ne faisait pas de bêtise, l'autre tournée vers Lulla. Oui, c'était très pratique! Sa queue ondulait doucement, signe qu'il était content, dans de bonnes dispositions. Ses ailes, hélas, étaient un peu écrasées par le sac malgré ses tentatives d'alléger le poids qui pesait dessus. Enfin, au moins il avait trouvé de quoi rembourré la partie au contact des ailes afin d'éviter de se faire mal, et il pouvait techniquement encore les déplier sur le côté, mais ce n'était pas très pratique.
Nir se tourna légèrement vers Lulla pour écouter sa série de question, essayant de garder le fil.
- Houla, doucement, une question à la fois! S'amusa-t-il.
Son ouïe l'avait informé qu'Irin n'avait pas désobéit, et un coup de vent venant de l'arrière se révéla vide de l'odeur du chien. De toute façon, Irin était un des chiens les plus obéissants, mais c'était toujours mieux de vérifier! Nir tourna donc son oreille de libre vers Lulla, la tournant de temps en temps vers la forêt quand il entendait un bruit intriguant.
- Alors, pour la raison de mon voyage, tu as vu juste, c'est pour le travail. Un client m'a demandé un familier de compagnie, un solnar pour être exact. Il y en a peu près des humains. Je vais tenter ma chance à quelques heures d'ici, où il y en a parfois, mais je crains de devoir aller plus loin. Je verrais bien!
De toute façon, il n'était pas pressé, et sans doute que Lulla non plus vu son incrust'. Il leur faudrait juste être plus prudents s'ils s'éloignaient d'avantage, car il y avait plus de risque de croiser des bestioles agressives dans les zones où Nir allait moins souvent, et donc connaissait moins bien.
- Pour le pinplume, il est parti à une de ces vitesses! Une famille avec un enfant est passée, et je pense que les parents vont s'arracher les cheveux tant leur gamin et le familier font la pair. Niveau bêtise, je ne sais pas qui a la plus mauvaise influence sur l'autre... S'amusa-t-il.
Il faut dire que les pinplumes étaient souvent plutôt joueurs, mais alors celui là, il en avait fait tout un art... Et Nir n'était d'ailleurs pas mécontent de ne plus l'avoir dans les pattes, en toute honnêteté! La proximité des chiens ne l'avait pas inquiété plus que ça, au contraire, il adorait les taquiner eux aussi, et s'il n'avait pas vite trouvé une famille, Nir était prêt à parier que Reyli, une des chiennes de l'élevage, aurait finit par le croquer d'énervement.
- Et toi, quoi de neuf? Tu reviens d'une mission je suppose? Demanda Nir.
Tout comme Lulla, il se permettait d'être assez direct, sachant qu'elle dirait d'elle-même si elle voulait en parler ou non, mais il n'y avait a priori pas de raison! En tout cas Nir était toujours curieux d'écouter ses histoires au parfum d'aventure, même si elle avait déjà eu l'occasion de lui expliquer que certaines quêtes étaient plus passionnantes que d'autres. C'est une activité qui l'aurait sûrement attiré, s'il n'y avait pas eu l'élevage et le reste.
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- Vu qu'ils évitent les humains, si par environs tu parle d'un kilomètre ou deux, c'est sûr qu'on risque peu d'en voir, s'amusa Nir. Heureusement, il n'y a pas trop de gens dans la région, surtout dans cette direction, donc avec de la chance, certains solnars un peu moins peureux que les autres peuvent s'y trouver. Lodjur avait en tout cas croisé des traces de pas il y a peu, mais on ne peut pas être sûr pour autant.
Lodjur, c'était la sœur jumelle de Nir. Elle travaillait aussi aux Mille et une Bête. Elle était très bonne pisteuse, et avait comme Lulla un côté assez franc. Elle se liait cependant moins facilement aux gens. En tout cas l'aspect plein d'énergie de la personnalité de Lulla amusait Nir. Beaucoup de gens avaient en tête l'image de gros dormeurs en pensant à des félins, après le fait que ce sont de bons prédateurs. Cependant, les onces parcouraient de grandes distances en montagne, donc il n'était pas impossible que cet aspect influe sur la personnalité de l'aventurière.
Le dresseur eu une grimace compatissante à la mention du koutoulou. Oui, il en avait entendu parler. Il n'en avait fort heureusement jamais croisé lui-même, et n'avait jamais essayé d'en observer. Les connaissances théoriques lui suffisaient, et même si une part curieuse de lui avait envie d'en voir en vrai au moins une fois, l'idée des illusions le rebutait, et il y avait souvent d'autres bestioles dangereuses dans les milieux de vie de cet animal.
Il discutèrent un peu du koutoulou et d'autres animaux semblables, avec une apparence trompeuse, avant de dériver sur d'autres sujets liés à leurs activités respectives. Les heures de trajet passaient ainsi sans s'ennuyer. Tous deux restaient attentifs aux environs. Les risques d'être attaqués ici par des humains ou des animaux étaient faibles mais pas inexistants, et surtout la fréquentation du chemin était un bon indicateur de si c'était le bon moment ou non pour commencer à bifurquer dans la forêt pour chercher l'objet de leur venue.
Naturellement, Lulla se doutait aussi qu'ils risquaient de prochainement se mettre en chasse - façon de parler - et elle s'enquit de la meilleur façon de faire. Nir avait de toute façon prévu de la briefer avant. Quitte à être deux, autant en profiter pour mettre toutes les chances de leur côté!
- C'est une mission un peu particulière. Le but ici n'est pas de ramener un adulte. En théorie, c'est possible, mais assez difficile. Ma mère a déjà gagné la confiance d'un solnar adulte, pourtant sauvage, au point de pouvoir l'approcher et le caresser sans soucis. Pour autant, les familiers sont des cas un peu particuliers. Mon client m'a demandé un œuf, notre but est donc de trouver une femelle solnar gestante et de trouver son nid. Pour ça, c'est les odeurs et l'observation des traces qui seront les plus importants. Ensuite, peureuse ou pas, elle défendra ses petits, il faudra donc la convaincre qu'on ne lui veut pas de mal.
Même parmi les gens dont ce n'était pas le métier, il était plutôt répandu que les familiers naissaient d’œufs. Ainsi, les familiers adoptés adultes étaient presque tous des animaux nés de ces mêmes œufs, mais s'étant retrouvés séparés de leur maître initial pour une raison ou une autre. Si un jour Nir adoptait un familier, sans doute qu'il adopterait un de ces adultes délaissés. Sinon il s'occuperait d'un œuf, il verrait bien. Même si l'idée lui trottait dans la tête depuis longtemps, il était trop hésitant sur quel familier choisir pour passer le pas, et il ne pouvait pas se permettre d'ajouter trop d'animaux à la charge des Mille et une Bêtes. Il avait néanmoins déjà réussi à créer de beaux liens avec des animaux sauvages, un peu comme sa mère. Mais le but n'était pas d'arracher ces animaux à leur vie dans la nature, et aucun n'aurait été prêt à suivre Nir de toute façon.
Tout en continuant de marcher sur la route, le dresseur continua ses explications et conseils, expliquant qu'habituellement, il partait avec sa sœur, qui était encore plus douée que lui pour pister les animaux. Mais elle était occupée, et il connaissait assez la région et la nature pour avoir de bonnes chances d'éviter le territoire d'animaux dangereux.
Cela faisait un moment qu'ils marchaient sans avoir croisé aucune nouvelle personne, prenant des embranchements les menant sur des sentiers de plus en plus étroits allant vers des zones presque sauvages de la forêt. Ils étaient encore à quelques heures des montagnes, et surtout assez loin maintenant de toute présence humaine. Arrivant dans une petite clairière naturelle pourvue de rochers qui feraient de très bons sièges improvisés, Nir avisa le soleil maintenant haut dans le ciel et se tourna vers Lulla, entendant leurs deux estomacs commencer à grogner.
- Je pense qu'on peut commencer notre recherche ici. Je te propose de se reposer un peu ici pour grignoter, histoire de ne pas trahir notre présence à cause de nos estomacs, et on y va. Ça te va?
Franchement, il n'était pas sûr de trouver des solnar ici, c'était peut-être encore un peu près, mais qui sait! Ils avaient quand même fait plusieurs heures de marche depuis le village, et il y avait peu d'habitations dans le coin, donc avec de la chance, ils trouveraient ce qu'ils cherchaient ici. Enfin, même s'il y avait des solnars, encore fallait-il les trouver et trouver l’œuf en question! Cette tâche à elle seule risquait de prendre du temps, mais Nir pensait qu'ils avaient de bonnes chances de réussite, surtout à deux. Il n'avait pas encore trouvé de traces attestant de leur présence, mais sur les routes ça aurait été étonnant de toute façon, donc l'espoir restait permis. Sinon, hé bien, après être sûr qu'il n'y en avait pas ici, ils iraient plus loin. Tous deux avaient de quoi bivouaquer pour quelques jours de toute façon.
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Ici, c'était un familier de compagnie, donc seule l'impatience entrait en compte, il n'y avait pas d'urgence. Ce n'était pas une raison pour traîner plus que de raison, d'autant qu'il essayait d'aider quand il pouvait à l'élevage, entre le soin aux animaux et les différents projets, mais ça faisait aussi office de... Bon, pas vraiment de pause du coup, mais le fait que Lulla l'ai accompagné à l'improviste ajoutait certainement un côté agréable à son objectif actuel.
Forcément, son amie, de part son activité d'aventurière, était également plutôt dégourdie. Nir savait qu'il existait des aventuriers moins dégourdis que ça en milieu naturel, mais la plupart savaient quand même se débrouiller au moins un minimum, même quand ils venaient de la ville.
- Ok, je m'occupe du feu! Ne t'inquiète pas, je ne suis pas venu les mains vides non plus.
Techniquement, ils pourraient sans doute se contente de ce que chacun avait amené, mais dans la mesure où cela pouvait se conserver, autant ne pas tout finir de suite. Dans le cas où ils seraient sur une piste par exemple, ils seraient bien contents de pouvoir continuer la traque en grignotant en chemin sans avoir à s'écarter pour trouver à manger, quitte à perdre toute trace de l'animal qu'ils suivaient.
Nir fait malgré tout le tour de la petite clairière, ramassant tout ce qui pouvait servir à épicer ou assaisonner leur repas, ou juste était comestible. Il rangea tout ça dans la partie de sa besace dédier, ayant un peu de place vu que la majorité de la nourriture qu'il avait amené était dans le sac à dos qu'il avait posé dans la clairière. Il en profita pour prendre le bois dont il aurait besoin avant de commencer à préparer le foyer et sécuriser un rayon autour du futur feu.
Lulla fut si rapide que Nir avait tout juste fini de préparer l'endroit quand elle revint. Il s'employa ensuite à faire partir doucement le feu pendant qu'elle lui montrait sa prise. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle était efficace! Nir ne s'amusait pas à pêcher ainsi à mains nues. Il ne le pouvait pas vraiment, n'ayant pas de griffe pour retenir le poisson glissant, ses ongles ne suffisant pas vraiment à le maintenir en place. Le désavantage d'être hybride avec un animal ne possédant pas de griffes! Enfin, il n'avait pas trop à se plaindre.
- Joli! Il va falloir patienter un peu pour le feu, le temps que les braises soient assez chaudes, mais on peut commencer à manger les baies en attendant.
Un coup d’œil dans les environs l'aida à repérer quelques touffes de plumes et poils cachées ici et là. Peureux, mais pas trop non plus, sinon ils ne seraient pas cachés aux abords de la clairière. Nir sourit, amusé. Effectivement, ils étaient observés, n'ayant pas fait une arrivée très discrète pour l'ouïe de nombre d'animaux. Heureusement, ils n'avaient attiré l'attention de rien de dangereux. Nir soupçonnait la présence de chouettes griffines, ou tout autre prédateur ou animal omnivore de petite taille. Il agita les oreilles, amusé.
- Qui sait, on arrivera peut-être à convaincre nos invités de montrer leur frimousse avant la fin du repas. Disons que ça nous fera un petit échauffement pour ce qui va suivre!
Nir avait sorti de son sac à dos ce qu'il avait prévu d'utiliser pour leur repas et la préparation de la prise de Lulla. Il avait une attitude posée, y comprit dans son langage corporel, mais ayant les attributs d'un grand prédateur pour ce qui était de la queue, les oreilles, les ailes et en partie l'odeur, sans parler de Lulla, il ignorait si les espions les entourant oseraient se montrer. Mais qui sait!
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Cela se voyait par un autre phénomène normalement assez rare : proies et prédateurs s'étaient rassemblés pour les observer, rendus curieux par une même opportunité de repas qui semblait être assez riche pour tout le monde, sans que les prédateurs aient à essayer de croquer les proies qui s'approchaient. Nir était en effet coutumier du fait de nourrir les animaux sauvages quand il pouvait, et les petits animaux l'avaient bien compris et avaient conclus d'une sorte de trêve.
Ce qui les retenait, outre leur prudence naturelle même face à un individu connu, c'était aussi la présence de Lulla. Son hybridation n'était sûrement pas pour leur inspirer confiance, et c'était bien compréhensible! Mais ils avaient bien fait confiance à un hybride kaetsu, qui n'était pourtant pas un herbivore non plus, même s'il était plus omnivore qu'une panthère.
- Si on ne bouge pas, on devrait avoir droit à un éclaireur bientôt, confirma Nir avec un sourire.
Il n'avait pas parlé fort, pour ne pas les effrayer, mais heureusement deux hybrides à l'ouïe plutôt fine, même si celle de Nir était moins performante que celle de Lulla, n'avaient pas besoin de hausser la voix pour se comprendre.
Et en effet, comme l'avait prédit le druide, un lapillon ne tarda pas à s'approcher. Nir tourna l'oreille dans la direction du buisson d'où venait le courageux, reconnaissant l'animal à l'odeur, sans néanmoins avoir souvenir d'avoir déjà croisé cet individu en particulier. Oh, le message comme quoi il était synonyme de nourriture gratuite s'était donc transmis? Intéressant! Il faudrait vérifier. Cela ne l'étonnait qu'à moitié, Nede avait déjà observé le phénomène, mais il ne l'avait encore jamais vu pour son propre cas.
Nir tendit tout doucement quelques baies dans sa main ouverte. Le lapillon eu plusieurs sursauts, comme s'il hésitait à s'enfuir, mais il resta, la patte toujours posée sur son genou pour se redresser assez haut pour avoir vue sur ce qu'il convoite. Il s'approcha doucement, prit quelques unes des baies qu'on lui tendait et détala à proximité pour les grignoter. Il s'enfuit vers les feuillages quand Lulla s'occupa de leur poisson, mais Nir ne doutait pas qu'ils restaient nombreux à les observer. Il cru même sentir l'odeur d'un tenko, et les piaillements divers à proximité semblaient plus nombreux et plus proches.
- Je crois que notre invité de tout à l'heure est loin d'être le seul intéressé par ce qu'on a amené!
Il faut dire que, aussi étonnant que cela paraisse, nombre d'animaux sauvages étaient curieux de la cuisine. Ils pouvaient trouver les baies eux-même, et n'auraient pas réellement d'intérêt à risquer d'approcher des humains pour ça, surtout pour les herbivores. Mais ils avaient bien remarqué qu'ils avaient parfois des variétés inconnues, des aliments séchés, des ensembles exotiques... Et ça, ça les rendait très curieux!
Nir félicita son amie pour la cuisson et l’assaisonnement, et ils commençaient à manger doucement quand ils remarquèrent tous les deux un bruit plus marqué. Les pas étaient discrets, léger, mais un quelque chose dans les bruissements, dans sa façon de marcher, trahissaient qu'il était plus gros que les autres. D'ailleurs, cela semblait suffisant pour inciter une partie de leurs spectateurs au silence, voir à s'écarter. Même une des chouettes griffines qu'il avait repéré derrière le feuillage d'une branche semblait sur le qui vive.
Donc, il s'agit d'un animal un peu plus gros, et visiblement un prédateur. Celui-là ne sera sûrement pas intéressé par leurs baies, et vu la bonne odeur de poisson grillé qui flotte dans les airs, ce n'est sûrement pas ce qui a pu l'attirer ici de toute façon.
Un rapide coup d’œil lui permet de vérifier que Lulla l'a bien repérer aussi. Nir essaie de ne pas trop regarder dans la direction de la bête approchante, cela pourrait l'inciter à ne pas sortir de sa cachette. Hélas, le vent ne souffle pas dans la bonne direction pour lui apporter son odeur, et une simple oreille tournée dans sa direction ne suffit pas à savoir de quoi il s'agit.
Lulla semble se détendre un peu, comme pour l'inciter à venir. Mais ayant séparé sa prise en deux, chacun avec son plat, ils étaient tous deux sûrement trop proches de la nourriture pour que l'animal, bien qu'ayant visiblement très envie de tenter sa chance, n'essaye de leur dérober. Et vu son hésitation à la simple vue de leurs oreilles se tournant vers lui, il doutait qu'il soit là pour les chasser eux.
Bon. Cela pouvait être plusieurs animaux. Ce serait beau s'il s'agissait d'un solnar, mais ils étaient beaucoup plus à l'aise avec Nede, sa mère, qu'avec Nir. Ce n'était pas impossible, mais cela lui paraissait peu probable, surtout avec Lulla avec lui. Un coup d’œil semblait néanmoins trahir une fourrure rousse, bien que les fourrés assombrissaient et cachaient sa couleur. Quand même pas un kaetsu sauvage? Se serait amusant, mais cela pouvait aussi être d'autres animaux encore... Un sombrev albinos, peut-être.
Nir essayait de passer en revue les animaux qui pourraient correspondre au peu d'informations dont il disposait. Voyant que malgré son entrain, il n'osait toujours pas sortir, comme il le craignait, il décida de poser l'air de rien un bout assez gros pour l'intéresser à l'écart, de sorte qu'il puisse l'attraper et retourner se cacher sans avoir à trop s'approcher d'eux. Est-ce que ça suffirait à le faire sortir de sa cachette? En tout cas, les deux hybrides attendaient patiemment, et avec une pointe d'impatience. L'animal en embuscade devait craindre un piège, aussi Nir continua de manger doucement, comme si de rien était, échangeant des regards amusés et impatients avec Lulla.
Ah, ça bougeait! Il allait bien finir par craquer devant la tentation...
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Ici, c'était différent. C'était la nature, et si elle pouvait se montrer généreuse, elle pouvait aussi être cruelle, et trouver de la nourriture rapidement était parfois une question de survie à court terme. Alors le choix devenait plus difficile à prendre, entre le risque représenté par le danger et la perspective d'enfin se remplir la panse, sachant que la prudence n'était pas forcément meilleure que la témérité quand un animal crève vraiment de faim.
Celui-ci avait l'air d'avoir besoin d'être motivé en tout cas, car mettre l'assiette un peu à part ne suffit pas à le décider. Pas fan de poisson? La part était peut-être trop petite pour lui. Lulla trouva rapidement la solution et lui offrit généreusement un morceau tout à fait honorable de jambon, se détournant plus nettement pour inciter leur visiteur à se dévoiler. Le druide fit de même, rangeant la nourriture qu'ils n'avaient pas incorporé au plat dans son sac, se retenant même de tourner les oreilles dans la direction du leurre.
Et puis cela prit. Un éclair roux passa, envoyant son odeur en direction des deux hybrides, et le druide reconnu aussitôt ce qu'il était venu chercher : un solnar. Difficile de dire rien qu'à l'odeur s'il s'agissait d'un mâle ou d'une femelle, elle ne resta pas longtemps et son odorat n'était pas assez bon, mais il n'en fallut pas plus au dresseur : ayant fort heureusement déjà commencé à ranger, il jeta un dernier coup d’œil pour vérifier ne rien oublier d'important avant de mettre son sac sur ses épaules et de hocher la tête, talonnant le solnar aux côtés de Lulla qui avait également aussitôt comprit la chance qu'on leur offrait.
La course poursuite ne fut évidente pour personne. Le solnar tenait absolument à ne pas lâcher son morceau de jambon, et cet entêtement démontrait toute sa faim et son désespoir. Habituellement, il ne se serait pas autant approché, nourriture ou pas, et aurait encore moins osé s'approcher autant. Est-ce que c'était un des solnars qui connaissait Nede, et que sentir son odeur sur Nir l'avait incité à moins de prudence? Impossible à dire pour l'instant, mais son poids, bien que léger, le ralentissait assez pour que les hybrides puissent le suivre. Le kaetsu était d'ailleurs particulièrement heureux de son pouvoir en cet instant, sinon il n'aurait sans doute pas été assez rapide et endurant pour suivre leur cible. Lulla se débrouillait aussi très bien, malgré que les onces ne soient pas du genre endurants, chacun faisant son possible pour garder son équilibre pendant la course. La densité de la végétation et leur chargement n'aidait pas, mais ils réussirent quand même à suivre l'animal pendant un moment, jusqu'à finalement le perdre.
Bon. Il n'était pas aussi bon que Lodjur, mais il devrait quand même pouvoir se débrouiller pour retrouver une piste aussi fraîche. Essayant de croiser le dernier endroit où ils avaient vu le solnar, la végétation, la position du vent et la recherche d'indices, Nir finit par désigner une trace de pas très fraîche et reconnaissable à son amie :
- Je pense qu'on devrait réussir à le savoir en suivant ses empreintes.
Il avait recommencé à parler bas, suivant les indices comme il pouvait. L'odeur de jambon revint, entêtante, les aidant à suivre la piste jusqu'à un endroit où ils pouvaient voir à ses empreintes qur le solnar avait arrêté de courir. Il avait sans doute continué un peu avant de réaliser que ses poursuivants n'étaient plus derrière lui, ce qui les arrangeait. Ainsi, il penserait peut-être qu'ils avaient abandonné.
Petit à petit, à force de patience, de recherche de poils, empreintes et odeurs, ils remontaient sa piste. La densité de la forêt empêchait certes Nir de s'envoler pour repérer le solnar depuis les airs, pouvant à peine déployer ses ailes, surtout avec son sac à dos, mais elle rendait aussi difficile de se déplacer sans laisser de traces derrière soit, au grand bonheur des deux pisteurs.
Ils finirent par remarquer que les traces allaient jusqu'à un trou dans le sol. Nir la contourna aussi discrètement que possible et fit signe à Lulla de s'accroupir à côté de lui, en face de l'entrée, leur donnant vue sur le chemin sombre qui s'enfonçait, mais surtout, tendant les oreilles. Le druide n'avait pas remarqué de traces d'animal dangereux, mais gardait quand même une oreille sur les alentours. Pour le reste, il cherchait à voir du mouvement - même s'ils ne pouvaient avoir vue directe sur l'intérieur, seulement l'entrée, et c'était pas plus mal - veillant aussi à ce que le vent ne pousse pas leur odeur à l'intérieur, mais surtout à entendre les occupants.
Et assez rapidement, alors qu'ils étaient aux aguets, ils entendirent des bruits, sortes de jappements caractéristiques. Nir sourit alors qu'il chuchotait :
- Je crois qu'on a trouvé ce qu'on cherchait. On a plus qu'à attendre que la mère ressorte pour voir si un œuf de familier s'y trouve. Ce sera moins risqué que de l'acculer. Soyons patients.
Là, c'était la partie potentiellement un peu chiante pour les gens n'étant pas habitué, mais Lulla avait sûrement un avantage par rapport aux gens n'ayant pas l'habitude de ce genre d'exercice : son instinct de prédateur, comme celui du kaetsu, ne voyait pas d'inconvénient à rester longtemps sans bouger à un endroit, caché dans les fourrés, guettant une proie. Le but ne serait pas de courser à nouveau le solnar cette fois, juste d'attendre que la voie soit libre, en espérant que cette tanière contenait ce qu'ils cherchaient. Nir n'oubliait pas pour autant de surveiller les alentours des oreilles, pouvant se contenter de ses yeux pour surveiller l'entrée de la tanière.
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C'est la partie du métier qui demande le plus de patience. La nuit tombe doucement, mais même si sa vision nocturne est loin d'égaler celle d'un vrai animal nocturne, il se débrouille quand même bien, mieux qu'un humain, et la nuit semble assez lumineuse, permettant d'éclairer un peu le sol de la forêt malgré l'ombre des branchages. Alors il guette les odeurs pouvant trahir l'arrivée d'un prédateur, mais surtout les sons, autour d'eux et dans la direction qui l'intéresse. Car d'expérience, il sait que dans ses conditions, il a bien plus intérêt à se fier à son ouïe qu'à sa vue, sens plus développés ou pas.
Il ne tique pas plus que ça quand Lulla s'assoupit sur son épaule, lui tirant juste un sourire un peu attendrit. Sa présence à côté de lui le réchauffe, donc il ne s'en plain pas! Il n'ose cependant bouger, de peur de la réveiller. Elle n'a sans doute pas l'habitude des attentes aussi longues, mais lui se doit de rester éveillé. Seuls ainsi dans la forêt, de nuit, ils pourraient faire pas mal de mauvaises rencontres, et il faut être prudent.
Il commence malgré tout lui aussi à piquer un peu du nez, la journée ayant été épuisante mine de rien, lorsqu'un glapissement le fait redresser la tête. Il dirige ses oreilles vers le terrier sans ouvrir les yeux, profitant de ce moment particulier de calme où, à la frontière du sommeil, il a l'impression d'entrer dans une sorte de communion avec ce qui l'entoure. Cela ne s'éternise guère, hélas, alors que Lulla, aussi réveillée par le bruit, lui fait discrètement signe qu'il y a du mouvement.
Comme à regret, il rouvre les yeux, pour voir en effet le solnar de tout à l'heure revenir. Il n'en est pas sûr, à cause de la différence de luminosité, mais le peut qu'il peut voir semble coller en tout cas, en terme de stature. L'animal regarde aux alentours, passant sur leur cachette heureusement sans réagir, avant de filer discrètement entre deux buissons. Il n'est néanmoins pas encore totalement en mode chasse et Nir parvient à l'entendre légèrement s'éloigner avant de ne finalement plus l'entendre du tout. Lulla conseille d'attendre encore un peu, ce qu'il approuve d'un hochement de tête, avant de se relever, étirant comme il pouvait ses membres engourdis d'être resté immobile aussi longtemps, mais le tout en restant aussi discret que possible, avant de s'approcher doucement de l'entrée de la tanière, guettant le retour de la mère.
Bon. Là va venir une étape un peu délicate. Le terrier n'est absolument pas assez grand pour qu'il s'y faufile à autre chose que quatre pattes, et même ainsi ça risque d'être délicat. Et surtout, il n'y verra plus rien et ne pourra alors se fier qu'aux sons et au toucher.
En soit, sa suffit largement pour inspecter un petit terrier dans le noir... Ce n'est pas cela qui l'inquiète. Le solnar qu'ils ont vu, s'il s'agit bien d'une femelle, n'est pas gestante. Pour autant, pour utiliser un terrier ainsi, c'est qu'il doit bien y avoir des petits dedans, et qui risquaient donc fortement d'alerter leur mère de l'intrusion dès qu'il mettrait le nez dedans, ce qui provoquerait très rapidement son retour. Le tout était de voir s'il y avait un œuf le plus vite possible avant de partir pour éviter de les déranger plus que nécessaire.
- Je vais regarder à l'intérieur. Je te laisse surveiller mes arrières, les petits risquent d'alerter leur mère tout de suite et je préfère éviter qu'elle le retrouve la tête dans sa tanière si elle revient avant que j'ai fini...
Pas besoin d'expliquer pourquoi en principe! Et puis là non plus, cela n'excluait pas la présence d'autres bestioles moins sympathiques, même s'il ne ressentait rien en ce sens pour l'instant, ni en terme d'odeur, ni de son, ni d'instinct, ce dernier point étant, il avait maintes fois eu l'occasion de le confirmer, très important!
Laissant donc la surveillance des environs à sa binôme, le druide s'accroupi pour passer la tête dans le terrier, commençant aussitôt à tâter l'intérieur avec ses mains en essayant d'être à la fois doux et rapide. Hélas, bien que le kaetsu ai des vibrisses, lui n'en avait pas hérité, ce qui aurait pourtant été bien utile dans une telle situation!
Il sent rapidement des boules de fourrures qui se mettent à piailler, mais pas d'alarme : ils sont trop jeunes pour réaliser qu'il s'agit d'un intrus, et pensent probablement qu'il s'agit d'un de leur parent, sans doute leur mère car si le père participait, ils alterneraient la surveillance des petits et la chasse pour qu'un d'eux reste toujours avec les petits, qui est de retour.
Enfin, jeunes ou pas, ils risquent de vite réaliser qu'il y a un problème, alors Nir ne s'attarde pas. Mais il ne peut pas s'en empêcher... Un petit, deux petits, trois petits... Ils sont jeunes mais ils ont tous l'air en bonne santé.
Et puis, enfin, il sent quelque chose avec une texture différente, une forme arrondie. Il touche avec douceur, et reconnait bel et bien le contour d'un œuf, un peu à l'écart du reste des petits mais néanmoins assez près pour bénéficier de la chaleur de la mère. Il s'en empare délicatement et sort péniblement la tête de la tanière.
Il s'est mit à plat ventre pour mieux accéder et moins se tordre le dos, ce qui l'aurait mit dans une position très vulnérable si un animal était arrivé à ce moment là, surtout la mère qui l'aurait sans doute attaqué directement pour le faire fuir, mais heureusement, il n'a pas entendu de bruit particulier venant de dehors, donc il est probable que tout ce soit bien passé. Il se redresse donc, l’œuf à la main, et le montre à Lulla en souriant.
- Et voilà, objectif accompli! Je n'ai plus qu'à rentrer et contacter mon client pour lui dire que c'est bon, il peut repasser pour venir le chercher.
Il continue de chuchoter, pas idiot non plus. Mais à peine ont-ils fait demi tour pour essayer de revenir sur leurs pas qu'un grondement se fait entendre.
La mère solnar est revenue, et elle n'a pas l'air enchantée de retrouver les deux humains qu'elle a semé juste à côté de l'entrée de sa tanière, et sans doute encore moins de voir Nir tenir l’œuf qui s'y trouvait, si elle l'a bien remarqué. Même s'il était à l'écart, il n'avait pas été rejeté non plus, et bien que la luminosité rende toute vérification impossible, d'après sa silhouette et au toucher, il semblait avoir la forme et la texture normales d'un œuf de solnar.
- Doucement. Essayons de jouer la carte de l'apaisement. Murmure-t-il à Lulla tout en adoptant lui-même un langage corporel qui se voulait, non pas amical, mais en tout cas aussi peu menaçant que possible, comme pour dire qu'il n'y avait pas de problème.
Il commença par s'éloigner de l'entrée de sa tanière et fit signe à Lulla de l'imiter. Qui sait, elle n'avait peut-être pas remarqué qu'il tenait l’œuf et voulait simplement retourner à l'intérieur pour aller voir ses petits, donc autant la laisser faire et voir si cela suffisait à la calmer.
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Ici, l’œuf était toujours dans la tanière et n'avait pas été rejeté en dehors, il était donc à craindre que les parents en prennent soin malgré le côté atypique. Néanmoins, en voyant le solnar s'engouffrer dans le terrier dès qu'il eu la voie de libre, le druide espéra que cela suffirait. Si l’œuf avait été considéré comme un petit à part entière, jamais il ne serait rentré dans la tanière en les laissant partir avec, pas avec cette attitude en tout cas. Pour autant, c'était le bon moment pour essayer de filer avant de vérifier cette théorie, le duo étant largement assez sur ses gardes pour remarquer si le solnar décidait de leur donner la chasse.
Hélas, ils se retrouvèrent rapidement face à un second solnar, plus imposant mais surtout plus agressif, faisant se figer net sur place les deux hybrides. Lulla suggéra aussitôt qu'il s'agissait du père, mais Nir n'en était pas si sûr. Le fait qu'il soit plus gros ne signifiait en effet pas grand-chose, vu que le dimorphisme sexuel était très faible voir inexistant chez les solnar, mais la plupart des gens peu connaisseurs avaient tendance à penser que le plus gros était souvent le mâle, vu que c'était le cas chez certaines espèces. C'était cependant loin d'être le cas la majorité du temps, dans certaines familles d'animaux c'était même plutôt l'inverse qui était le plus courant.
Enfin, les sens du dresseur n'étaient pas assez développés pour déterminer si oui ou non Lulla avait raison, et vu la situation c'était bien le cadet de ses soucis. Il n'eut en effet pas le temps d ne serait-ce que réfléchir à une réponse à formuler, son attention tournée vers l'animal hostile qui leur faisait face, que ce dernier attaquait. Le druide y était préparé, et avait la chance de bénéficier en bonne partie de la rapidité du kaetsu, ce qui lui permis de reculer, laissant ainsi la place à Lulla qui tournoya pour lui donner un coup de sa longue queue pour le déstabiliser, afin de l'étourdir et de le dissuader d'aller plus loin.
Hélas, la technique de l'apaisement ne fonctionnerait sûrement pas ici. Si cet individu avait été jusqu'à les attaquer, si vite, c'était soit pour l’œuf, soit car il considérait leur présence ici, toujours très proche de la tanière, comme un danger et une violation de leur territoire. Être la cible d'une attaque de solnar n'était en effet vraiment pas anodin, et voyant le solnar en profiter pour se placer entre eux et sa tanière, Nir écarta un peu ses ailes pour se grandir, prenant une attitude plus offensive, même si chez les animaux défense et attaque étaient parfois très proches surtout ici, afin de dissuader le solnar de repasser à l'attaque. L'avantage avec ses ailes, c'est qu'il pouvait très facilement donner l'impression d'être bien plus gros qu'il ne l'était réellement, alors qu'il était déjà imposant pour le solnar. Vu l'agressivité en face, il jugea bon d'étendre complètement ses ailes en arc de cercle, faisant un peu comme une queue de paon dans son dos, profitant qu'il avait la place, le tout assorti d'un grondement sourd pour montrer qu'il était prêt à en découdre.
Tout en faisant cela, il reculait doucement, incitant Lulla à faire de même, adoptant l'attitude prudente du prédateur qui s'écarte doucement d'un autre de sorte à ne pas risquer une attaque dans le dos. Cela sembla fonctionner, puisque le solnar recula un peu, intimidé par l'envergure des ailes du kaetsu. Son grondement sembla venir à bout de sa témérité, et sans un regard pour l’œuf, il fit demi-tour rapidement, sans doute pour rejoindre l'autre solnar dans la tanière.
Les deux hybrides ne se firent pas prier et en profitèrent pour prendre leurs jambes à leur cou, préférant s'employer à quitter rapidement le secteur en guettant un éventuel retour d'un ou deux deux membres du couple avant de reprendre un rythme plus normal permettant à nouveau la discussion plus loin, permettant à Nir de placer soigneusement l’œuf dans son sac.
- Hé ben, on a eu affaire à un couple très soudé et courageux ! Je pense que c'est plus notre proximité avec la tanière qui l'a rendu agressif, il est rare que les animaux comme les solnars considèrent un œuf comme un de leurs petits, ce n'est pas habituel, mais ça arrive… Enfin, ça devrait aller maintenant !
Il continuait quand même à surveiller les environs des oreilles, et pas juste parce qu'il guettait le retour des parents. Des créatures dangereuses pouvaient rôder la nuit, et il n'avait aucune envie de les croiser. Ils se remirent en route en marchant, silencieux et attentifs, rebroussant chemin pour le moment, jusqu'à ce que Nir ne demande :
- Tu rentres avec moi ou tu veux essayer de rentrer chez toi ? Il fait déjà nuit, autant rentrer à deux, je t'invite dormir sans soucis si tu veux !
Il ne chuchotait plus exactement, mais il parlait très bas, afin de ne pas trop trahir leur présence et sachant que l'hybride qui l'accompagnait l'entendrait sans soucis vu l'acuité de ses sens et leur proximité, vu qu'ils marchaient a à peine quelques mètres l'un de l'autre, du fait de la végétation toujours assez importante le temps de retrouver un chemin praticable.
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Aussi le druide, après avoir hoché la tête aux réflexions de Lulla, qui même sans être du métier comprenait tout aussi bien que lui la réaction des parents solnar, proposa-t-il rapidement à sa complice du moment de dormir chez lui. Il lui restait sans doute trop de route pour finir ce soir, et eux-même risquaient d'avoir besoin d'un certain temps avant de rentrer, finissant ainsi la journée épuisée. Pas de très bonnes conditions pour finir un voyage, même de jour, la plupart des prédateurs sachant très bien repérer les faiblesses de leurs proies.
L'hybride fut donc rassuré de voir son amie accepter son offre. Il la rassura, toujours à voix basse :
- Aucun soucis, tu ne nous gêne pas! C'est plutôt nous qui risquerions de te réveiller de bonne heure! Surtout Yang, la petite copine de ma sœur, elle a la sale manie de se lever avant le soleil quand elle a une commande à finir... Quand elle daigne aller au lit!
Le trajet se termina ainsi, parsemé de petites discussions anodines sur le quotidien, Nir parlant de sa sœur Lodjur et de sa belle-sœur Yang, des activités et projets du moment, faisant de même avec Lulla. Mais ils continuaient à parler à voix basse, et à un rythme lent, afin de toujours prendre le temps d'écouter et d'être sur leurs gardes. La majorité du trajet se passa en silence, aux aguets, jusqu'à enfin arriver à la maison.
Là, épuisés, les deux hybrides prirent un rapide encas pour calmer leurs estomacs, Nir prépara le lit de Lulla puis les deux s'écroulèrent et ne tardèrent pas à s'endormir, épuisés. Ils ne croisèrent personne, et le druide ne pouvait qu'espérer que leur arrivée n'avait réveillé personne.
Après une telle nuit, il aurait volontiers fait une bonne grasse matinée, mais il devait prévenir son client qu'il avait récupéré l’œuf tant convoité. Il se leva d'ailleurs juste à temps pour voir Lulla se préparer à partir. Il eu à peine le temps de la retenir pour le petit déjeuner qu'elle partait, voyant Sassran s'affairer à un projet de construction et ne voulant pas déranger. Se doutant qu'elle devait aussi avoir hâte de rentrer, Nir ne la retint pas plus longtemps et lui souhaita simplement bon voyage. Il ne doutait pas qu'elle saurait se montrer prudente, surtout vu son métier!
De son côté, son client fut réactif, proposant de passer dans la journée, et Nir n'eut que le temps de s'occuper des animaux de l'élevage avant de voir débarquer ce dernier. Il s'était déjà assuré du sérieux de son client, aussi il n'eut que quelques dernières vérifications à faire avant de lui remettre l’œuf et de récupérer son du. Profitant qu'il n'avait plus aucune tâche à faire dans l'immédiat, il en profita pour piquer un somme, allongé au milieu de la court, entouré de chiots et de pinplumes hyperactifs. Mais vu sa journée de la veille, rien ne saurait troubler son repos bien mérité!
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