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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Capitale en ruine, partie 2
    InvitéInvité
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    Capitale en ruine, partie 2
    Mar 1 Sep 2020 - 21:10 #

    Capitale en ruine





    L'écho de sa voix semblait onduler et se moduler sur les ondes de l'eau qu'il avait précédemment effleuré, la pièce, vide et dépourvue tant de bruit ambiant que de musique comme on aurait pu l'imaginer à ses heures de gloire, faisait son office tel une grosse caisse d'orchestre. Éminente et douée d'une aura puissante, aussi forte que l'autorité parentale, aussi impressionnante que l'orage et malgré tout, aussi nécessaire que l'un comme l'autre. Elle n'était autre que le reflet de sa voix mais elle lui imposa le silence, ne souhaitant troubler plus que ça l'endroit. Les bains royaux, glorieux comme à leur dernière heure, dont les rayons de la lune traçaient une délimitation et de manière occulte, semblait disperser les feuilles mortes à la surface du bassin pour ne laisser aucune ombre au fond de l'eau. Une pensée de plus envers les disparus fit détourner le regard du chasseur lorsque le bruit du tissu qui frotte contre la peau parvint à ses oreilles. Bien évidemment, il n'était pas dupe, l'air bien trop frisquet n'invitait pas à se dénuder bien au contraire, le jeune homme s'apprêtait à proposer sa cape à la demoiselle, bien que visiblement, elle n'en aurait pas besoin. Dans une symphonie de bruits étouffés, le brun aurait pu s'imaginer chaque mouvement de la rousse alors qu'elle retirait chaque habit un par un avec une lenteur à en languir. A quoi pensait-il, sérieusement ?! Il n'allait tout de même pas bafouer de ses pensées malsaines son amie ! Bien que, sa définition de l'amitié avait été chamboulée lors de sa rencontre avec Rebecca et même encore, cela ne justifierait pas son délit de voyeurisme mental. La sonorité des pas feutrés sur le sol de pierre, résonnant, puis celui de l'onde forcée à s'ouvrir pour laisser pénétrer la demoiselle dans sa mimique du ciel étoilé, dessina une scène qui aurait pu donner au jeune homme l'envie de la rejoindre, au-delà de sa propre pudeur. Bien trop inquiet cependant pour leur situation, il était resté là, pensif, observant les murs couverts de lierre avec un regard perdu. Ce même regard qui se perdit un instant sur les délicieuses courbes de la rousse aussitôt l'avait-elle appelé. Luttant contre lui-même pour le décrocher, il fut aussi dur à retirer qu'il est dur d'outrepasser sa timidité, le rouge flagrant sur les joues et ce malgré son maquillage improvisé, moindre après avoir essuyé la sueur d'une journée d'exploration.

    - "Je ... ah ... je suis désolé ! Je ne voulais pas regarder !"

    Raide comme un piquet, le jeune homme n'osa bouger d'un millimètre après s'être tourné. La tentation était grande, mais par considération et respect, il se garda de jeter un œil de plus, tout ce dont il avait besoin maintenant, c'était d'un prétexte pour faire autre chose et ainsi s'épargner cet exquis supplice qu'était les bruits du mouvement d'eau, à chaque pas de Luz dans le bassin. Allez, Lucy, un prétexte, une excuse, quelque chose, quoi que ce soit !

    - "Si tu n’as pas cœur à accompagner la fougue d’une croupe féminine à la nage, peut-être pourrais-tu aller nous chasser de quoi satisfaire notre estomac pour ce soir ? J’ai cru comprendre que tu disposais d’un très grand doigté pour le gibier…"

    - "Oui ! Absolument ! ... Attends, non, c'est pas ce que je voulais dire ! Je ... Je suis désolé, j'y vais de suite !"

    Fuyant lâchement la pièce en refermant soigneusement la porte derrière, il resta un instant contre celle-ci en reprenant son souffle. Son cœur battant à un rythme effréné, sa respiration accélérée, il s'accorda un instant de repos avant de repartir. Il était après tout nécessaire de concentrer ses esprits sur la tâche à venir, c’est-à-dire la chasse. Se saisissant du bois nu de son arc, le chasseur posa un genou au sol pour jouer de la souplesse du manche et bander la corde jusqu'à son extrémité. Tirant avec précaution sur la ligne droite de l'arc, il s'assura que tout soit en ordre avant de repartir par le chemin qu'il avait emprunté.

    Dehors, l'air avait une odeur d'apocalypse, celle des feuilles mortes et du fer, celle de la terre battue à la cendre, des larmes écoulées et de la pierre froide sur laquelle résonne les talons de l'aventurier, scrutant du regard l'horizon à la recherche de potentiel nid. Les jardins semblaient déserts, au moins au premier abord, les tours de guet autour présentaient le même constat. Se dirigeant vers la plus proche et la plus en état, le garçon emprunta un passage permettant d'escalader le premier rempart et une fois en hauteur, il sortir sa longue vue et activa la vision nocturne. Au loin, dans les rues où les bâtiments n'avaient d'entier que les fondations, s'attroupaient plusieurs groupes de goules et autres atrocités humanoïdes, se battant des chairs et des biens, probablement celles de camarades plus faibles qui n'avaient pas survécus à la famine. Plus loin encore, d'autres formes, plus animales, ressemblant à s'y méprendre à celles de prédateurs, smilodon, warg, les murailles ne servaient plus qu'à couper le vent, à créer un abri idéal pour une majorité de bêtes sauvages. L'observation du brun s'arrêta sur une rive proche côtoyant les remparts du palais, là où sa future pitance l'attendait. Des volailles, bien plus grosse que ce qu'on a l'habitude de voir chez les petits fermiers, c'était là une espèce similaire en beaucoup de point aux coqs de Léral. De ce coq là ils avaient la taille, la queue écailleuse et le plumage. Concernant le comportement, ils avaient l'air bien plus belliqueux que dans ses souvenirs, malgré que ce soit une espèce docile en temps normal. Le jeune homme sortit alors de son refuge et en surveillant ses arrières, emprunta la même grille qu'il avait précédemment enfoncé pour ouvrir la voie à Luz et lui-même, plus tôt dans la journée. D'un pas feutré et avec la souplesse d'un félin en chasse, le prédateur tira d'ores et déjà une flèche de son carquois et tourna Achromat pour activer sa seconde utilisation : sans soleil pour trahir son camouflage, le chasseur mit toutes les chances de son coté en devenant invisible, se faufilant jusqu'au nouvel habitat de cette espèce de volatile. Un spécimen isolé, cherchant le bec au niveau du sol une source de nutriment s'arrêta pour jeter un œil autour de lui. Le camouflage du chasseur n'était pas parfait et ne dissimulait ni le bruit, ni l'odeur, ainsi les sens du coq en alerte, il observa sans pour autant lever la tête. Nora profita du fait qu'il se soit raidit pour lentement tirer la corde de son arc, gardant la flèche bien au milieu de celle-ci et la stabilisant avec son index gauche. Inspirant tout doucement jusqu'à remplir ses poumons, le chasseur bloqua sa respiration pour garder sa cible dans sa ligne de mire, puis au moment opportun, décocha. La flèche fila se ficher sous l'aile gauche de l'animal, touchant certainement un organe vital car l'oiseau, décontenancé par cette attaque surprise ne put que battre des ailes frénétiquement en s'agitant au sol. Tirant une deuxième flèche sur sa corde, Nora lâcha un nouveau projectile qui se planta à côté du premier. Enfilant la corde de son arc sur son épaule, le chasseur sortit son couteau pour faire taire la volaille qui piaillait dans un boucan sans nom, au loin, d'autres poules et coqs observaient la scène dans le silence, pendant que Nora s'apprêta à viser juste sous les côtes pour achever l'animal. Profitant de ses derniers instants d'invisibilité, il attendit que la bête rende son dernier souffle pour lui retirer la tête, les pattes et la queue. Ce serait moins de travail sur place et permettrait de vider de son sang l'animal avant de revenir au portail, là où il ne voulait laisser aucune trace pour se garantir la paix pour la nuit. Avec encore une charge d'Achromat pour se tirer d'une situation désavantageuse, l'aventurier prit la route inverse et retourna dans l'enceinte du Palais avec sa prise sur l'épaule, là où Luz lui proposa de s'en occuper le temps qu'il prenne un bain aussi. Effectivement, ce ne serait pas de refus, il lui laissa donc la proie pour se retrouver seul dans la gigantesque salle de bain.

    Soupirant longuement, il tenta de se changer les idées. Nul besoin de se tracasser au-delà du nécessaire, l'essentiel était de survivre à l'instant présent. Ils ne s'en sortaient pas si mal que ça, jusque-là, après avoir échappé à une embuscade de goules et avec un abri et de quoi manger. Retirant le lacet qui maintient sa cape, Nora la posa sur un banc en marbre proche de l'entrée et fit de même avec ses bottes et sa chemise. Vêtu que d'un pantalon, il retourna au bord de l'eau pour s'y asseoir et y plongea ses doigts une nouvelle fois. Elle semblait plus chaude, sûrement dû au fait qu'il avait affronté la brise à l'extérieur, l'intérieur du Palais était relativement mieux isolé que le jardin, par exemple. Le brun se leva pour retirer sa ceinture et faire glisser le tissu le long de ses cuisses et mollets, manquant presque de s'étaler au sol en perdant l'équilibre – quelques sauts sur un pied et il retrouvait sa stabilité en même temps que de libérer sa cheville de la toile capricieuse. Plus que le sous-vêtement et bientôt, il imita Luz plus tôt, entrant dans l'eau jusqu'aux hanches et piquant une tête aussitôt accoutumé à la fraicheur du bain. Les yeux clos, il glissa sous la surface de la piscine en se projetant depuis un bord, naviguant jusqu'au centre du bassin avec grâce. Retrouvant ses appuis à la verticale, l'aventurier sortit la tête de l'eau et fut aussitôt submergé par le spectacle. En se redressant, gardant le niveau de l'eau sous la ceinture, il leva le regard au ciel et contempla la lune illuminant la pièce, reflétant sur les piliers lisses de marbre et sur la peau du jeune homme les motifs formés par le mouvement à la surface du bassin. Le chant des criquets, l'hululement des hiboux, le clapotis de l'onde sur les marches à demi brisées, voici le tout qui composait une scène faisant s'arrêter le garçon dans sa nage. Tout comme s'il se voyait octroyer une place au sein de cette harmonie, il ne voulut pas ternir de sa hâte les nuances d'azur et de lapis qui dansaient sur les murs et les fresques de la pièce. Silencieusement et le regard serein, pour la première fois depuis le début de cette expédition, il ne fit qu'un avec son élément.

    Sortant de l'eau pour se sécher à l'air libre, il profita encore quelques minutes du silence avant de se rhabiller partiellement et de rejoindre Luz qui avait préparé le repas. Ce fut un véritable réconfort que de manger un repas aussi bon dans de telles conditions. Avait-elle trouvé les cuisines pour profiter des aménagements ? Et ces épices, les avait-elle emmenée avant le changement qui les transportait dans cette nouvelle réalité ? Tant de questions qui ne trouvèrent aucune place dans la bouche du garçon, bien trop heureux de savourer un plat de ce calibre-là, il s'en donna à cœur joie et malgré l'absence de légumes ou d'accompagnement, cela n'empiéta pas sur le plaisir qu'il éprouvait en grignotant ce repas improvisé. Nul doute qu'après s'être remplit l'estomac, il faudrait trouver un endroit confortable pour dormir. La majorité des chambres en piteux état, le choix d'appartement se tourna par défaut sur une des seules pièces encore – plus ou moins – intacte. En accédant a leur future chambre, le duo jeta son dévolu sur un tapis en fourrure, à défaut de pouvoir utiliser la literie dans une condition déplorable. Lorsqu'il fut convenu de faire des tours de garde, Nora se proposa naturellement pour prendre le premier.

    - "Tu devrais te reposer la première, je surveillerais nos arrières pendant que tu dors."

    Et ainsi la nuit commença, dans le calme relatif et surtout, les joyeux cris de quoi que ce soit qui rodait actuellement dans la ville.



    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
    Informations
    Re: Capitale en ruine, partie 2
    Ven 13 Nov 2020 - 13:04 #


    Luz avait fait rouler sa tête d’un côté et de l’autre de ses épaules ankylosées. Accroupie dans l’obscurité pâle du petit jour, elle tendit haut les bras et ses reins se creusèrent à la manière d’un chat s’étirant avec une lascivité toute calculée. Elle n’eut guère besoin d’effleurer l’épaule de Nora du bout des doigts, ses yeux étaient déjà grands ouverts quand elle s’approcha. De toute évidence, son morceau de nuit avait été aussi paisible que le sien… Un sommeil entrecoupé de sursauts et de mirages cauchemardés, le cœur surpris et déboussolé à chaque bruit incongru résonnant dans la nuit. Aux environs de 4 heures du matin, cela avait gratté contre la roche éboulée de la façade du palais. Un raclement de pierre provoqué par des griffes malignes, suivi d’un bref jappement. Alors la chose s’était éloignée et Luz, le souffle ramassé entre ses lèvres, avait encore longtemps après écouté le silence. Nul oiseau n’était venu annoncer l’aurore. Aucun pépiement n’avait franchi la barrière éventrée du jardin royal. Elle avait glissé un œil par une ancienne fenêtre, son corps froid plaqué contre les aspérités du mur. Un filet de brume s’était faufilé dans les environs de la bâtisse, remous traitres aux allures de serpent dont les anneaux gonflaient et se traînaient dans les anfractuosités. Ils ne verraient probablement pas à cinquante mètres dans les décombres de la Capitale. Ils convinrent donc d’attendre des heures plus propices à un départ, eux qui ne bénéficiaient pas de l’odorat ou de l’ouïe fine de leurs prédateurs…

    Luz prit la décision de mettre à profit ce temps d’attente. Elle avait passé la paume de sa main sur le tissu rugueux des draps à moitié dévoré par les mites et une idée avait surgi entre les remugles préoccupés de son esprit. Si le tissu avait survécu, bien qu’en très mauvais état, des vêtements plus appropriés à une randonnée sauvage devaient avoir été préservés quelque part, méticuleusement rangés dans une étagère. Elle s’engagea donc dans un couloir, la plante de ses pieds glissants sur le sol avec la prudence d’une proie explorant les opportunités d’un nouveau terrier. Sa première trouvaille fut une paire de bottes sensiblement trop grandes dans la chambre oubliée d’une courtisane. Les chaussures étaient une remarquable composition de cordonnier, protégées dans une boîte scellée. Des perles avaient été cousues en fil d’or sur le haut de la cheville et des initiales avaient été gravées dans le cuir en petits points dentelés. Un cadeau, vraisemblablement. Elle remercia silencieusement la jeune dame qui devait initialement en hériter et savoura le roulis de ses doigts de pieds enfin au chaud sur une semelle confortable. Elle laissa là son unique sandale abîmée et reprit ses recherches sans un mot. Elle dut aller jusqu’aux appartements de la Reine elle-même pour trouver de quoi se vêtir. C’est au fond d’une interminable penderie abritant une kyrielle de colifichets et de vêtements d’apparat mangés par le temps qu’elle découvrit enfin une tenue d’équitation à peu près sobre et pratique. Cette fois-ci, elle adressa une prière à la Souveraine. Où qu’elle soit présentement en ce monde, elle tâcherait de faire honneur à son nom.

    Ils reprirent leur route sur ces entrefaites. Un soleil timide avait chassé les dernières bribes de brouillard et la terre se réchauffait lentement en exhalant une douce vapeur de rosée. A la file indienne, les yeux plissés, leurs prunelles longeaient avec méfiance chaque arrête prostrée des bâtiments alentours. Ils avaient le pas souple, une arme à la main et s’interrompaient chaque fois qu’un mouvement indécelable se lisait en périphérie de leur regard. Bien évidemment, Nora avait pris la tête de leur bien étrange expédition. Luz voyait ses talons laisser une infime trace dans la poussière tandis qu’elle tâchait de se fondre dans ses indications.

    « Par là, lui souffla-t-elle en désignant du doigt une allée contraire. »

    Ils n’étaient qu’à quelques mètres encore du portail de téléportation. Mais la faim se faisait sentir, dévorante et insatiable dans des corps en alerte depuis la veille. Elle sentait son esprit s’alléger au fur et à mesure des heures, comme si la brume de la ville avait glissé ses anneaux dans sa conscience même, traitreusement affaiblie : c’était dans ce type d’état que l’on en venait à faire des erreurs. Elle avait ainsi frôlé le poignet de l’Aventurier avec un regard complice, et l’index de sa senestre avait désigné l’ombre emplumée d’un coq de léral –encore un- qui se dessinait à peine à la lisière d’une masure. Il avait hoché la tête. Une fois. Un trait soigneusement ajusté partit comme un trait de soleil dans les airs, et l’animal surpris ne fit pas plus de bruit lorsqu’il s’effondra au sol. Ses plumes d’un rouge soyeux frémirent dans la mort. Elle s’avança, dépassa l’encoignure de l’allée et le soleil vint l’éblouir quelques instants.

    Ils demeurèrent précisément où ils étaient. Car à cent cinquante mètres de là, un ronronnement fugace leur répondit. Sa queue s’agita d’un bref soubresaut interrogatif et ses immenses prunelles dévidèrent les ombres, s’ancra aux deux silhouettes humaines qui lui faisaient face. Il était tapi et ses iris se fendirent comme le sourire d’un crocodile.

    Un solstice.

    Dans la Capitale.

    Avec la fascination morbide qu’exerce une puissance extérieure sur une âme esseulée, Luz regarda l’animal s’ébrouer. Ses muscles roulèrent sous sa peau lorsqu’il se redressa, et le craquellement de la glace s’étendit en écho contre les mornes squelettes des bâtiments alentours. Un souffle blanc s’échappa de ses babines, s’enroula en volutes autour du tranchant de ses crocs sous la forme de constellations scintillantes. Dans ses grands yeux de chat, une pointe carnassière, vorace s’invita comme une lame de silex. Alors, le solstice s’élança avec l’implacabilité d’un boulet de canon explosif.

    Ils pivotèrent dans un parfait ensemble. Luz entendit Nora lui hurler quelque chose, mais la terre tremblait sous les bonds du solstice et une masure précaire s’effondra à leur droite, engloutissant les voix. Il lui fit un signe de la main tandis qu’il prenait la tête de leur course folle et la praticienne comprit qu’il cherchait à lui désigner le portail magique qui ne se trouvait qu’à trente mètres. Elle parvint à faire coulisser sa sacoche sur son épaule et enfourna sa dextre dans les replis du sac – ses doigts en fouillèrent le contenu avec la fébrilité désespérée de la dernière solution. Derrière eux, le solstice n’était plus qu’à cinq claquements de mâchoire. La structure du portail n’avait pas été épargnée par le temps, mais elle demeurait droite et altière dans la lueur du jour. Marcherait-elle… ? Elle songea qu’ils n’auraient guère le choix : elle devrait marcher ou leur escapade s’achèverait ici et maintenant.

    Elle dérapa dans la poussière pour freiner sa course, glissa sur un genou, parvint à rétablir in extremis son équilibre. Elle s’arracha à la terre, referma ses doigts dans le même temps sur la clé de leur délivrance. Elle brandit son pass, haut, très haut au-dessus de sa tête. Sa longue crinière d’un feu embrasé se déroula dans son dos et sa voix claqua comme un fouet glacial et sec dans l’esplanade lorsqu’elle rugit à s’en érafler la gorge :

    « Au Grand Port ! »

    Les runes du portail s’activèrent et ils disparurent tous deux dans un froissement d’air.

    InvitéInvité
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    Re: Capitale en ruine, partie 2
    Sam 14 Nov 2020 - 21:32 #

    Capitale en ruine



    Une drôle de première nuit. A vrai dire, elle n'avait rien de drôle, plutôt une étrange nuit car si Nora était habitué aux conditions peu favorables à un sommeil réparateur, il ne fut même pas certain de pouvoir fermer l'œil lorsque viendra son tour de se reposer. Les bruits de la nuit, bien moins agréable que tout à l'heure lors de son bain, rythmèrent le tour de garde du chasseur qui ne trouva pas le courage de soulager sa fatigue en se permettant une poignée de seconde, les yeux clos. Non, bien au contraire, il avait parfaitement imprimé dans sa mémoire chaque aspérité du papier peint rongé par l'usure du temps, chacun de ses défauts, si bien que même sans le vouloir, il se mit à en dessiner les motifs du regard, même là où seul le plâtre était apparent, traçant une ligne fantôme jusqu'à la reprise des courbes et arabesques. Les minutes sont bien trop longues, aucune pensée réconfortante ne gagna son cœur, aucun souvenir gênant ne vint le tourmenter non plus. Il était seul, planté contre un pan de mur, bras et jambes croisées, bercé par la respiration légère de Luz dormant non-loin. Dans d'autre circonstances, son imagination fertile et sa pudeur l'auraient taquiné, charriant le brun et l'accusant de voyeurisme à ainsi dévisager la rousse endormie. Mais à l'heure, ce fut surtout la prudence et l'inquiétude. Il devait la garder en vie, quoi qu'il arrive. La seule et dernière humaine connue à ce jour, accompagnée d'un maigre garde du corps tant et si bien qu'elle excellait dans les domaines auxquels il ne se laissait toujours qu'à aspirer. Un soupire, discret. Il ne trouvait la paix d'aucune manière et retourner au bain en laissant sa partenaire ici était inimaginable. Quelle aurait été son expression en la retrouvant victime d'un mauvais tour, pire, disparue et sans laisser de trace ? L'horreur grandissait dans l'esprit du chasseur lorsque bien pire encore le fit sursauter. Un cri déchirant, au loin. Sûrement en ville à plusieurs quartiers de distance. Le son fit écho et il ne put en percevoir qu'un infime indice, suffisant malgré tout pour lui glacer le sang. Luz ne bougea pas. D'un coup d'œil dans l'entrebâillement de la porte à l'entrée de la chambre, Nora se permit une furtive curiosité, ne décelant que plus de mirage et de ténèbres dansants qu'il n'en aurait fallu pour le dissuader de sortir. Cet endroit, foyer de la famille royale et lieu de nombreux sorts ayant été traité pour le bien d'Aryon entier n'était ce soir qu'une pâle figure, l'ombre de ce qu'il aurait pu être il y a de ça ... et bien, il y a de ça autant de temps s'étant supposément écoulé entre ce charmant début de journée et cette esquintante soirée.

    Bientôt vint le tour de Luz et sans avoir défini d'horaire précis, l'estimation d'un sommeil suffisant aura décidé de l'heure de coucher du jeune homme. Il se délesta des plus grosses couches de tissu, ne gardant sur lui que sa chemise et son pantalon pour la nuit. Et ne se fit donc pas prier pour aller prendre sa place, encore chaude, pour s'emmitoufler dans la couette partageant l'odeur de la poussière et un peu de celle de Luz. Aussi surprenant soit-il, aussitôt les yeux fermés, le garçon s'endormit sans plus d'effort. La fatigue émotionnelle et physique dissimulée derrière un masque de prudence avait assez vite fait de tromper le brun, pensant ne pas arriver à gagner ce précieux sommeil. Lorsqu'il rouvrit les yeux, ce fut le grattement de pierres éboulées le long des parois et frappant l'ardoise des tours moins hautes qui l'accueillit, puis le regard de Luz, remplissant à merveille son rôle de guet. Le premier mouvement du chasseur fut de passer une main sur sa nuque, déplorant une légère rigidité, puis il massa son épaule gauche, sur laquelle il avait dormi. Le sol, bien que tapissé d'une fourrure ne permettait pas un confort irréprochable, si bien qu'il en venait à préférer la terre meuble en guise de matelas, les racines moussues pour oreiller. Sans un bruit, il se redressa, l'office de couverture glissa de ses épaules et bientôt fut jetée sur le côté alors que son hôte chercha déjà à se rhabiller. La plante des pieds froide, il ne lui fallut pas bien longtemps pour comprendre que la météo ne serait pas clémente aujourd'hui et pour cause, la luminosité ambiante était bien amoindrie par rapport à la veille, son souffle laissait derrière un trait de vapeur, l'air est humide. L'ordre de la journée commença par trouver une meilleure vêture à la rousse et après avoir examiné chaque pièce préalablement à son emprunt par la demoiselle, Nora en garda la porte depuis l'extérieur. Il aurait été inconvenant qu'il s'invite à ses sessions d'habillage, bien que les propos de la veille semblaient tout droit le mener à une idée qu'il tenta de chasser de sa tête. Il serait possible que Dame Weiss le charrie, en toute amitié, ainsi peut-être n'était-ce que de l'humour ? Mais son regard lui fit penser à celui de Rebecca, lorsqu'elle s'apprêtait à le mener dans un endroit propice au confort intime. Les femmes sont terrifiantes et encore plus pour la tête brune, peu dégourdi lorsqu'il s'agit de décrypter leur langage subtil. Ce fut bien heureusement sans pointe grivoise que la rousse sortit des appartements de la Reine dans une toute nouvelle tenue que l'aventurier approuva du regard. Elle serait bien plus à l'aise ainsi pour le voyage, la route moins pénible leur permettra aussi de parcourir de plus longues distances. Applicable dès à présent car le départ fut donné et méfiant, le duo s'arma pour procéder, évitant à tout prix le moindre danger jusqu'à arriver à proximité du portail de téléportation. Une bien étrange invention, réservée à ceux ayant le sou pour se permettre l'achat d'une permission, leur laissant emprunter librement le passage magique menant à chaque grande ville. Une chaleur familière caressa le poignet de l'aventurier et le regard de Luz le dirigea vers la silhouette d'un gibier, grattant le sol à la recherche de ver et de rejet d'autres espèce exigeante sur la nature de leur repas. Un coq de léral qui comme son confrère de la veille, tomba après un trait bien aiguillé qui transperça son abdomen, juste au-dessus des poumons. La silhouette s'écrasa au sol dans un bruit étouffé par sa masse de plume et le duo s'arrêta à quelques pas à peine de la proie.

    Un soleil éblouissant et un danseur bleu, roulant des épaules peu après avoir trouvé son potentiel futur repas. Ou n'étaient-ils pas qu'une vulgaire paire de jouets, rapidement cassés par la fragilité du squelette humain ? Car l'artiste performant devant eux laissa filer une exclamation si puissante qu'elle en fit vrombir la terre, ses pas, eux, la déchirèrent. L'alter du démon fenrir, connu pour partager son goût du froid, fière créature qu'on ne conte que dans les histoires pour bambin, un solstice de toute sa hauteur qui n'en attendit pas plus pour mettre fin aux présentations. Il se rua sur les deux égarés.

    - "Au portail, vite !"

    Comme deux pivots bien huilés, ils dévièrent l'un vers l'autre en entreprenant une course contre la montagne affamée, trente mètres semblaient lointains et Nora se tourna vers Luz, prenant la tête de la course, pour la tirer par le bras avec lui. Comment fonctionnait ses portails ? Aucune idée. Pourtant la rousse sembla détenir la solution entre ses mains et Nora ne put que la suivre, se jeta pour rouler au centre du cercle de téléportation et s'assura de préserver un contact physique avec sa partenaire de misère. Son chant éreinté annonça le début d'un vertige puissant alors qu'ils furent transportés au Grand Port.


    ---


    Il faisait froid, horriblement froid. Avaient-ils réussi ? Ou étaient-ils dans l'estomac du solstice ? Qui sait, peut-être que l'intérieur de leur corps aussi est gelé, ce qui expliquerait le bout de ses doigts aussi froids, comme ankylosés. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il reconnut une arche similaire à celle de la Capitale, aussi était-il adossé à un de ses pilier, la nausée lui fit tourner la tête et il se tourna pour rendre le contenu de son estomac. Était-ce ça, le mal de la téléportation ? Au moins, ils n'avaient pas été dévorés. Lorsqu'il passa le revers de sa main contre ses lèvres, il sentit l'humidité de cette dernière, comme si ... comme s'ils étaient trempés, jusqu'aux mollets. A vrai dire, c'était le cas. Malgré l'obscurité de la pièce – elle semblant toujours être en état, au moins suffisamment pour ne pas s'effondrer sur le duo – il pu sentir les remous de l'onde déplacée par la présence de vie aquatique. Le goût de la bile et d'un repas à moitié digéré estompa le nouveau à venir lorsqu'il inspecta le liquide du bout des lèvres, il s'agissait de surcroît d'eau marine. Ainsi s'ils étaient bien arrivés à destination ...

    Le chasseur chercha Luz et finit assez vite par trouver un bout de peau, était-ce son épaule, sa hanche ou son mollet ? Aucune idée, simplement en retrouvant le son de sa respiration, il se rassura et se retira tout aussi prestement.

    - "Luz, rien de cassé ?"

    Sa voix, légèrement enrouée par son rejet encore frais avait du mal à porter. Elle résonna dans la pièce et l'eau fit assez de miracle en réverbérant celle-ci pour affliger le brun nauséeux.

    - "Sortons d'ici ..."

    Il s'exécuta en se redressant, épaulé à un pilier de l'arche en agitant une main dans le noir à l'égard de la demoiselle, pour l'aider à se relever. Peut-être ne la verrait-elle pas, peu importait tant qu'ils pouvaient vite sortir d'ici. Et ainsi, ouvrant la porte menant à la salle de transport, une lumière nouvelle vint choquer les pupilles du garçon.

    L'eau, omniprésente, gracieuse de multiples courbes légères, habitée par toute une faune progressant dans son circuit limpide, si seulement une épaisse couche de brume n'estompait pas le champ de vision du chasseur, tentant son mieux pour trouver ses repères. Le bruit d'un drap fouetté par la brise attira son regard vers les hauteurs et à une vingtaine de mètres, le blason du Grand Port dansait au vent, partiellement déchiré et s'élevant comme rare pointe surplombant le brouillard. Au niveau du sol, il faisait froid et la condensation dans l'air ne laissait pas voir bien loin, seulement à une dizaine de mètres tout au plus. D'un coup d'œil vers Luz, Nora se remémora le coq qui leur aurait servi de repas, si seulement le solstice ne s'en était pas mêlé. Puis, après avoir rendu son cousin lointain avant d'avoir terminé de le digérer, il avait lui-même un début de fringale qui allait mettre du plomb dans l'aile à cette expédition.

    - "Nous sommes bien au Grand Port ... mais tout semble inondé, je doute que l'on puisse faire cuir quoi que ce soit avec des conditions pareilles."

    Ceci était, sans même parler du bois trempé qui ne prendrait jamais feu, même avec la puissance d'un pyromane brun aux cheveux longs sous l'emprise de la colère. Que leur restait-il donc ? Avec un peu de chance, la belle aimerait les sashimis, quoiqu'il n'était pas sûr de quel poisson attraper, encore moins de vouloir chasser sans être assuré que quelque chose d'encore plus gros ne rôdait pas sur son nouveau territoire aux airs d'aquarium urbain.

    - "Peut-être devrait-on explorer l'endroit avant de repartir ... Je ne sais pas où ça nous mènera, mais il serait d'autant plus sage de ne pas reprendre le portail de suite ... J'ai, comment dire, un peu de mal avec la téléportation ..."

    Pour peu qu'elle n'ait pas le nez et les oreilles bouchées, elle l'aurait certainement vite déduit.



    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Capitale en ruine, partie 2
    Lun 16 Nov 2020 - 10:55 #


    Elle toussa, et l’air violenté dans ses poumons déclencha une vive douleur dans sa gorge. Un goût de sel macula ses lèvres et sa langue ne trouva que la surface d’une lèvre rêche, légèrement écornée par une escarre de débris qu’elle n’était pas parvenue à éviter dans la précipitation. La téléportation ne s’était pas déroulée correctement. A vrai dire, ils n’étaient en un seul morceau que par pur miracle. La magie de ces runes s’était étiolée et altérée avec le temps et le manque flagrant de soins : l’arche au-dessus d’eux vibrait d’ailleurs d’une plainte sourde de mauvaise augure et de la poussière s’envolait présentement des glyphes surchauffés et gravés dans la pierre. Voilà un moyen de transport qu’ils ne pourraient pas réutiliser de sitôt… Au moins étaient-ils en vie et à l’autre bout du continent, bien loin des griffes et de la gueule affamée du solstice. Elle était tombée à genoux dans sa précipitation, et ses mains fouillaient une fange limoneuse infecte qu’elle n’était pas certaine d’apprécier. Elle devait plisser les yeux pour déceler les contours fugaces de leur silhouette dans l’obscurité, et elle ne voyait de Nora qu’une masse indistincte dont le souffle se perdait dans un indécelable clapotement d’eau continu. Cela formait comme un bruit de fond incessant, un poc poc souligné d’éclaboussures brèves par instant, aussi léger que les remous d’une nageoire dans les mètres environnants.

    Elle ne se sentait pas au sommet de sa forme. Fort heureusement, elle n’avait pas suffisamment la nausée pour rendre le maigre contenu de son repas, bien plus habituée que Nora à traverser les distances par magie – Zahria et ses propres activités ne cessaient alors de l’envoyer à un bout à l’autre d’Aryon, parfois même jusqu’à deux allers retours par jour. En revanche… Sa course effrayée n’avait pas manqué de lui retourner sensiblement les entrailles et la redescente pouvait s’avérer violente. L’adrénaline ne laissait plus dans son corps éprouvé que des courbatures désagréablement familières, agrémentées des menus tracas provoqués par un portail de téléportation défaillant. Elle attendit donc quelques précieuses secondes que ses prunelles parviennent à nouveau à faire le point sur sa vision, haletant dans l’eau glacée tandis qu’elle fixait quelques points imaginaires sous la surface. Elle parvint alors à s’accroupir et grimaça lorsque la morsure du liquide monta jusqu’à ses cuisses, imbibant sans vergogne le tissu récemment acquis. Elle jura tout bas – sa voix était rauque – et pesta contre le saint dieu des vêtements qu’elle avait de toute évidence outragé. Etait-ce donc impossible de conserver une tenue décente après la fin du monde civilisé ?! Etait-elle condamnée à finir en pagne ou autre foutu tissu troué, trempé, ou encore à moitié décousu ?

    A ses côtés, Nora parvint péniblement à se relever. Elle attrapa la main qu’il lui tendait, davantage pour s’assurer de sa tangibilité et de sa bonne santé que pour s’aider elle-même à reprendre une position de bipède. Sous la paume de sa main, sa peau était aussi trempée et glissante de vase que la sienne, mais au moins lui rendit-il bien volontiers l’étreinte de ses doigts. S’il avait conservé cette force-là, il devait à peu près être entier. Elle le suivit dans la lumière extérieure et franchit la porte trouée juste après lui. Cette frontière indolente entre obscurité et jour lui brûla la rétine et elle dut immédiatement porter sa dextre à son visage. Elle couvrit d’ombre ses prunelles plissées à l’extrême et attendit une nouvelle fois patiemment que son regard daigne s’habituer aux éléments extérieurs.

    Un lac à l’étrangeté flagrante filait tout autour d’eux par-delà l’horizon. Il était difficile d’en discerner les limites à cause du brouillard ambiant qui en étouffait les rumeurs et les aspérités, mais le Grand Port ressemblait à une vaste vasque oubliée du monde dont les doigts salés tentaient vainement d’atteindre le ciel. La blancheur de la brume se réverbérait à l’infini sur la surface aquatique et plate de cette mer intérieure sans âge, et cela créait comme un miroir réfléchissant à des mètres à la ronde, une nappe argent et miroitante qu’une ridule provoquée par quelque habitant marin venait parfois troubler. Ici et là, les carcasses arrachées d’anciens bâtiments s’élevaient à l’image d’arches oubliées par-dessus cette mer d’acier, à présent quasiment recouverts de coquillages cristallisés dans le froid ambiant. L’eau ne lui arrivait qu’à mi mollet. Aucune vague ni souffle de vent ne venait la troubler. Le niveau de l’océan avait-il monté jusqu’à déborder dans les rues, les investir d’une forme de lac intérieur salé… ? Les biomes de cet acabit étaient d’ordinaire un endroit idéal pour la ponte à l’échelle du règne animal… Si tel était bien le cas, la zone devait aussi attirer son lot de prédateurs terrestres.

    Elle sortit de sa torpeur lorsque l’éclat métallique d’un poisson passant entre leurs jambes lui renvoya son propre reflet. Elle se rapprocha de son compagnon et posa avec chaleur sa main dans son dos. Les doigts comme des ailes d’hirondelle soyeuses, une empreinte qui traversait sans peine la finesse de ses vêtements.

    « Je suis d’accord avec toi. Je ne suis pas non plus prête à retenter ma chance avec ces runes, à moins d’un danger immédiat… »

    Dans le silence de ce qu’elle ne disait pas, la main qu’elle frottait contre son dos avait toute la valeur d’une inquiétude muette pour la santé de Nora.

    « J’ai une petite idée de ce que nous pourrions faire pour le repas… Nous aurons peut-être une chance de trouver un endroit sec où nous réfugier pour avaler un bout, nous ne pourrons pas continuer longtemps autrement. »

    Elle se fendit d’un sourire renard et lui offrit un clin d’œil volontairement théâtral.

    « Laisse-moi t’offrir un repas de Roi pour te remercier de ton coq de la veille. Tu ne refuserais tout de même pas les avances d’une Dame qui ramasse tout son courage pour t’aborder dans la rue et t’inviter au restaurant ? ronronna-t-elle avec un rire dans les prunelles. »

    Elle l’invita ainsi à escalader les plus proches décombres de sorte que son corps ne soit plus en contact avec l’eau. Elle jeta un long regard autour d’elle, s’avança de deux ou trois mètres dans un endroit dégagé, observant la surface ouatée de l’eau de part et d’autre de ses jambes. Des poissons multicolores s’y faufilaient avec un air outré, subitement dérangés par cet outrecuidant mammifère qui n’avait cure de leur tranquillité et menaçait de les écraser à tout instant. Elle perçut le museau effilé d’une murène à sa droite, juste avant que celle-ci ne retourne s’enrouler pesamment dans son antre. Oui, les milieux aquatiques étaient sa spécialité. Un vaste terrain de jeu pour une personne dotée d’un pouvoir tel que le sien, si tant est qu’elle n’ait aucun allié à proximité.

    Un mordoré métallique s’embrasa dans ses prunelles et sa peau se mit subitement à crépiter. Un feu vrombissant à la morsure bien plus violente dont les zigzag erratiques rebondirent immédiatement comme une fleur mortelle autour d’elle, jaillissant des cœurs et des écailles pour se propager en remous électriques saccadés. Elle expira profondément et son pouvoir s’éteignit en une longue langue de fumée paresseuse. Alors, avec l’enthousiasme joyeux d’un pêcheur dans des eaux poissonneuses, elle se pencha et entreprit de ramasser les cadavres flottant alentours qu’elle plaçait ensuite en équilibre dans les replis de son haut tendu à l’aide de sa senestre. Le vêtement relevé en panier dévoilait la peau nue de son ventre et les prémices de sa poitrine, bientôt alourdie de cinq poissons fumant qui détrempaient le tissu et traçaient des rigoles malicieuses jusqu’à ses hanches.

    « Attachons-les ensemble, ils seront plus pratiques à transporter, héla-t-elle Nora tandis qu’elle le rejoignait. Je vous suis pour le reste de la route que nous avons à faire, Capitaine. »

    Le taquiner l’aider à mieux appréhender la situation présente. Le fait qu’ils étaient perdus dans un monde qu’ils ne comprenaient pas. Qu’un prédateur pouvait surgir de ce brouillard à tout instant. Cela instaurait un semblant de normalité entre eux parfaitement agréable, et cette chaleur humaine lui était aussi essentielle qu’une drogue de qualité. Pour tout le reste, elle lui vouait une confiance aveugle.

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    Re: Capitale en ruine, partie 2
    Sam 21 Nov 2020 - 14:33 #

    Capitale en ruine



    Aussi douce que la lueur matinale qui caresse le visage de Nora presque tous les matins, ce fut sans timidité que Luz entreprit un contact physique le faisant frissonner de tout son être. Il faisait certes froid dans l'eau, mais cette scène de désolation constante n'avait pas épargné même le chasseur solitaire qui déplorait la vie humaine tout autour de lui, à tel point qu'une caresse dans le dos avait suffit à lui faire oublier la misère. Il se tourna alors vers sa partenaire et lui offrit son plus tendre sourire, comme possédé d'une envie soudaine de lui faire part du même présent. Elle, contrairement au brun, semblait être un animal parfaitement à l'aise en société, aussi avait-elle sûrement des amis, des proches, des gens qui l'entourent et rient avec elle. Il n'envia pas tant les bons souvenirs, mais le fait d'avoir un foyer auquel envoyer ses pensées, si bien qu'elle devait souffrir de sa soudaine disparition. Elle proposa une solution, pour se nourrir et non pas sans une pointe d'humour, l'invita à la laisser faire. La moue triste du garçon se transforma au coin de ses lèvres, laissant naître le symbole rarement exhibé de son appréciation pour autrui. Un sourire timide en somme, car le langage du corps valait mieux que toute la prose du monde.

    Ainsi il trouva avec elle un pan de mur partiellement affaissé, grimpant sur les pierres dénudées en débarrassant sa surface praticable des gravats en équilibre pour ouvrir la voie, puis sagement, il observa la rousse pratiquer son art, debout face au bassin dans lequel ondulait les silhouettes paisibles et surtout, loin des éclairs qu'elle y noya, faisant remonter en un instant leur futur repas avant d'aller les repêcher. Avec légèreté, elle retourna à l'eau et commença à stocker ses prises contre elle en relevant son haut, dévoilant une partie de son ventre duquel le chasseur eut du mal à décrocher le regard. Espérant ne pas avoir été découvert et le teint légèrement rougi, il s'approcha de sa partenaire pour lui proposer un lacet et en nouant les queues ensemble, il put lui débarrasser les mains en accrochant le tout à son sac de voyage. Le fumet s'échappant des carcasses grillées de l'intérieur ne valait pas celle d'une belle brochette cuite en suspension au-dessus d'un feu de bois, ni même n'avait-il sur lui de quoi agrémenter ce repas et pourtant, elle conquit son cœur sans difficulté, comme si au milieu de l'iode et des algues, cette senteur lui rappelait un peu de son milieu naturel. Affublé d'un surnom certes flatteur, mais surtout inhabituel, le brun adressa un acquiescement verbal et un sourire discret à Luz, dissimulant derrière celui-ci une pointe d'excitation. De nouveau retournés à l'exploration et loin du Solstice jouant dans les décombres de la capitale, il pu lâcher un peu de la tension habitant tout son corps.

    Le décor, dépourvu de la moindre brise suffisante pour chasser la brume fut un obstacle dans leur expédition, tantôt progressant l'amont d'une ruelle et forcés de faire demi-tour à cause des déchets balayés depuis les quais, ne laissant là qu'une majorité d'axes obstrués par les caisses et décombres que la marée n'arrivait pas à chasser. En parlant de cette marée, était-elle haute ou basse ? N'ayant que peu de notion sur les mouvements de l'océan, le jeune homme commença à redouter de devoir progresser avec l'eau jusqu'au torse, ce qui serait il va sans dire, une expérience plutôt désagréable.

    - "Sais-tu à quelle heure monte la marée, Luz ? J'avoue ne pas être très avisé de ce genre de détail ..."

    Un coup d'œil bref sur les pans de murs alentours ne laissait que peu d'indice concernant ce sujet, car aucune délimitation n'avait été creusée plus haut, malgré que les plantes sous-marines elles n'aient pas attendu un tsunami pour vêtir la pierre à déjà deux mètres de hauteur. Comment étaient-elles arrivées si haut ? L'air songeur, le chasseur s'en remit à l'avis de Luz sans pour autant débloquer de leur objectif : trouver un abri et éventuellement, de la vie. Reconstituant au mieux ses connaissances bien maigres de l'endroit, Nora en guide observa chaque bâtisse supposément assez solide pour leur servir de refuge isolé du clapotis constant de l'eau et surtout, du froid mordant de celle-ci, commençant à laisser la marque de son emprise sur les pieds et chevilles rouges du garçon. Luz ne devait pas elle non-plus être à son aise et une halte provisoire pour se réchauffer s'annoncerait nécessaire sitôt qu'ils auraient trouvé de quoi lancer un feu dans un endroit un peu plus sec. Chose compliquée lorsque l'air lui-même est imprégné de cette humidité rendant même la respiration moins aisée.

    Nora proposa alors un arrêt spontané en reconnaissant la devanture d'une taverne qu'il avait fréquenté par le passé, assez savant de l'apparence des lieux, il avait également une petite idée, le pari d'une solution pour permettre au duo de se tenir un peu plus chaud.

    - "Par ici, j'aimerais voir si on ne trouve rien d'utile dans le coin."

    Nora fit halte devant la porte menant à l'intérieur et si sa première tentative d'ouverture fut infructueuse, la seconde lorsqu'il donna un coup d'épaule sec fut bien plus efficace qu'escompté, laissant la frêle silhouette valser à l'avant en réel capitaine, cette fois-ci, celui d'une porte dégondée en guise radeau et trempe de la tête aux pieds. Il se redressa vivement, toussant l'eau infiltré dans sa gorge et lança un regard gêné à Luz. Finalement, en croisant son regard, il termina tout simplement son numéro en se fendant d'une demi-lune timide et lança sa chevelure en arrière pour éviter l'effet rideau mouillé.

    - "Hum ... sans commentaire."

    Il reporta alors son attention sur la pièce, au sein de laquelle seul le haut des quelques banquettes encore droites transparaissait au-dessus de l'onde troublée par un aventurier maladroit, ainsi que le bar, lui laissant une petite vingtaine de centimètres entre son sommet et le niveau de l'eau. Il s'avança alors, évitant précautionneusement le bois pourri des chaises trop longtemps couchées sous la surface et s'épargnant par la même occasion une seconde chute, ce jusqu'à arriver au niveau du bar sur lequel il posa provisoirement son sac. Il invita Luz à s'y installer pour soulager ses gambettes avant qu'ils ne soient contraints de repartir.

    - "Le comptoir m'a l'air assez stable, tu devrais t'y installer. Je vais fouiller les cuisines de mon côté, tu pourrais voir si tu trouves des bouteilles d'alcool fort à proximité ?"

    Les étagères derrière l'emplacement habituel du tavernier semblaient en un bien piteux état, aussi si quelques bouteilles subsistaient en équilibre sur ses étages affaissés, elles avaient l'air pour la majorité vides. Son attention se reporta alors sur deux endroits distincts. Les cuisines comme il l'avait dit à l'oral mais également le local dans lequel était stocké le bois pour la cheminée. Avec un peu de chance, les buches empilées le plus en hauteur n'aurait pas trop souffert de l'inondation, un pari sûrement bien trop optimiste mais dans ces conditions, il ne pouvait se permettre de passer à côté d'un miracle.



    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Capitale en ruine, partie 2
    Jeu 26 Nov 2020 - 12:22 #


    Elle n’avait pas répondu, offrant un simple mouvement de négation de la tête à son interrogation. Tout comme lui, ses méninges travaillaient à plein régime pour tâcher de résoudre l’incommensurable mystère qui leur était proposé. Le Grand Port était étrange. Différent, bien sûr, du fait de ses bâtiments effondrés et de ses rues impraticables, mais également divergent de la version qu’elle connaissait. Tout d’abord, le soleil se couchait remarquablement vite, énuméra-t-elle mentalement, et puis, ce lieu autrefois doté d’une saison chaude particulièrement délicieuse n’offrait plus qu’une glaciale humidité désagréable. Elle plissait les yeux dans le brouillard ambiant et ne trouvait aucun des repères qu’elle aimait parcourir auparavant, ici la grande maison aux volets violets, ici un joaillier à la devanture criarde, là… Elle cessa bien vite son inventaire : il ne restait rien de plus de ces joyeuses constructions que des amas souterrains et des poutres trouant le ciel. Qu’en était-il du « Au Rexus Cuit », cette taverne dansante au sein de laquelle elle avait si longtemps auparavant traîné Lou, sur les quais ? Etait-il à présent six mètres sous la surface de l’eau… ?

    « Le niveau de l’eau n’a jamais été aussi haut, il semble que l’océan ait progressé, traduisit-elle pour son compagnon d’infortune. Je ne saurais dire à quel phénomène nous faisons face. »

    Un tremblement de terre massif avait-il détruit la civilisation, entraînant une succession colossale de tsunami et raz-de-marée dévastateurs, en plus d’effondrements ? Elle avait peine à croire que ce petit rien suffirait à annihiler une population se reposant sur sa force magique pour repousser les éléments. Si toutefois cette hypothèse était vraie… Peut-être que la Ville Aquatique demeurait intacte sous les eaux ? Protégée par un dôme protecteur d’une puissance inégalée, aucune cité ne lui arrivait vraisemblablement à la hauteur. Si le tremblement de terre ne l’avait pas détruite. Elle sortit de ses pensées lorsque Nora la conduisit à l’intérieur d’un bar qu’elle ne connaissait guère. La bâtisse avait cependant survécu vaillamment aux éléments et au temps et bien qu’envahie d’eau, elle proposait un soudain confort retranché du monde extérieur auquel elle n’était plus habituée. Son semi sourire satisfait se mua donc progressivement en un enthousiasme entier, d’autant plus souligné lorsqu’elle constata en effet l’excellente tenue du bar.

    « C’est formidable Nora ! Quel hôtel de luxe tu nous as dégotté… »

    Elle passa la paume de sa main sur le bois massif et lustré du meuble, appréciant le travail précis et qualitatif du menuisier. Si d’aventure ils parvenaient à retourner dans leur monde, elle se promit de retrouver celui-ci pour lui passer quelques commandes de son cru. Elle acquiesça donc à sa proposition et se mit à la tâche sans attendre. Le bar était large et courait sur toute la longueur du bâtiment, signe qu’il devait autrefois accueillir un grand nombre de clients journaliers. En patinant dans l’eau trouble pour éviter les décombres, elle parvint à le contourner et à se diriger vers les étagères suspendues qui avaient tenu par un miracle indicible jusqu’alors. Les mains curieuses et sournoises, elle parvint à faufiler ses doigts dans tous les recoins à peu près en vie du bois miteux. Derrière d’anciens pots au contenant oublié qui exhalaient une infecte odeur d’iode, elle parvint à effleurer la surface lisse de bouteilles. Peu inquiète de déranger les bocaux du propriétaire, elle chassa le tout d’un mouvement négligeant du bras et se pencha sur les étiquettes rongées par le sel. L’une des bouteilles était ouverte –elle s’en débarrassa aussitôt-, mais deux autres présentaient un liquide sirupeux transparent et n’avaient pas été entamées. Elle les déboucha d’un mouvement expert du poignet et renifla le tout avant de s’accorder une lichée tentatrice de chaque.

    « Pouah… »

    Bon, ces dames n’étaient plus de première jeunesse. La première contenait néanmoins du rhum et la seconde de la vodka, deux alcools susceptibles de résister paisiblement des millénaires sans risque. Si elles avaient perdu leurs notes florales et leur complexité gustative, hé bien, elle n’était malgré tout pas femme à refuser l’hospitalité à ces deux rescapées. Elle les posa sur le bar et s’apprêtait à y grimper lorsque ses prunelles tombèrent sur un casier clos à la lisière de l’eau. Le bois moulu ne résista heureusement guère longtemps à ses tractions et ses imprécations se transformèrent bien vite en une exclamation enjouée.

    Lorsque Nora revint armé de petit bois, une dizaine de plateaux soigneusement vernis et décorés flottaient sur l’onde tranquille de part et d’autre du bar. D’étonnantes et colorées bougies avaient été disposées sur chacun d’entre eux, leur tige n’attendant qu’une étincelle pour doter l’endroit d’un halo mordoré.

    « Je parie que l’odeur sera épouvantable, rit-elle. Au moins, nous ne risquons pas de craindre le moindre incendie dans ces lieux… »

    Elle avait pris soin d’imbiber les tiges d’alcool, certaine que Nora trouverait un moyen de les embraser dès qu’ils auraient du feu pour cuisiner. Joueuse, elle présenta successivement ses deux trouvailles à son compagnon, inclinées à la manière d’un grand chef caviste présentant sa meilleure cuvée à un glorieux invité :

    « Si Monsieur veut bien me faire l’honneur… Nous avons le choix ce soir entre deux millésimes rares. La célèbre vodka pailletée d’or aux pointes de citron, ou du rhum à la cannelle au goût de soleil. »

    Certes, ils pouvaient mourir à tout instant par n’importe quel prédateur chevronné. Mais Luz était par nature outrecuidante et versatile, elle se fichait bien comme d’une guigne de sa propre sécurité. Elle avait survécu jusqu’ici, et ils étaient toujours ensemble. N’était-ce pas déjà un signe évident qu’ils s’en sortiraient aisément ? Elle opta pour sa part pour un apéritif au rhum, buvant à même le goulot faute de verre décent. Elle était redevenue sérieuse, durant ce laps de temps infime où le feu commençait à prendre vie sous leurs yeux, savourant les éclats de chaleur qui zébraient sa peau par intermittence.

    « Ce monde est décidément étonnant. Je n’arrive pas à éloigner l’idée que quelque chose nous échappe, une règle qui gouvernerait tout… »

    Elle lui expliqua ses soupçons sur un potentiel tremblement de terre et reprit avec une visible interrogation dans la voix :

    « Si nous ne trouvons rien après avoir exploré l’endroit, nous devrions emprunter le seul chemin existant pour tenter de rejoindre la Ville Aquatique… Je ne vois pas d’autres lieux où l’humanité aurait pu survivre, hormis en hauteur dans les montagnes du nord. Ils vivent peut-être sous l’eau en autarcie, et nous y trouverions des réponses… »

    Elle laissa filer en profond soupir. Ce n’était toutefois qu’un maigre espoir sans le moindre argument, et ils le savaient tous les deux. Qui plus est, si le chemin avait été détruit… Alors il leur serait tout bonnement impossible de savoir si le dôme existait toujours. A moins de plonger, ce qu’elle répugnait à faire – à voir les grands prédateurs qui arpentaient désormais le continent, que leur réserveraient d’immenses profondeurs sous-marines… ? Elle s’arracha à sa contemplation et ancra le vert lagon de ses prunelles à celles de son compagnon, un sourire affleurant ses lèvres :

    « Que ferais-tu si nous revenions soudainement dans notre présent, l’aspect de la civilisation qui te manque le plus ? Qu’aurais-tu fait, aujourd’hui, dans ton quotidien, si je n’étais pas venue le perturber hier par notre rendez-vous ? »


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    Re: Capitale en ruine, partie 2
    Jeu 18 Fév 2021 - 17:05 #

    Capitale en ruine

    Ce fut une moue confuse qui salua l'exclamation de Luz, à l'entrée dans le bar. Un hôtel de luxe ? Pour un humble aventurier tel que lui, probablement, mais il s'attendait certainement à ce que Luz préfère de grands établissements plutôt que de petites tavernes comme celles-ci. S'il devait se l'imaginer, alors certainement la verrait-il prendre le thé dans un kiosque, dont le chemin pavé au cœur d'un jardin fleurit mènerait à une somptueuse loge. Celle-ci serait équipée de grands rideaux et d'une literie en soie, aussi ne faudrait-il qu'un claquement des mains pour amener à sa porte un majordome prêt à porter aux cuisines ses moindres fantaisies culinaires. Il est vrai que la rousse rayonne, même au cœur des débris, semble-t-elle repousser la crasse et la misère pour rendre vie aux taudis qu'elle foulait du pied. L'imagination fertile du brun n'en fut que plus épatée de la débrouillardise naturelle dont avait fait preuve Luz et ce depuis la veille, visiblement n'était-il pas au bout de ses surprises avec un tel élément à ses côtés.

    Vint alors l'heure d'inspecter par lui-même les lieux et pour ce faire, il emprunta l'accès aux gonds nus en direction des cuisines. Si l'eau était toujours portée à une certaine hauteur rendant la progression désagréable, elle le fut d'autant plus à mesure qu'il progressait et ce, pour une raison mise en évidence sitôt observa-t-il son flanc droit. L'eau avait figé autour d'un placard, suffisamment froide à vrai dire pour créer un bloc compact de glace ancré dans son coin de la pièce. Malgré le givre parcourant un pan de mur et les meubles alentours, cassant partiellement l'onde projetée par le chasseur, celui-ci s'approcha plus proche en frissonnant. Face au bloc congelé le jeune homme posa instinctivement le bout des doigts sur la glace et les retira aussitôt en tirant une mine déplaisante. Le froid s'était infiltré dans sa peau jusqu'aux premières phalanges, brûlant superficiellement les extrémités confrontées à l'îlot froid. Jurant dans son souffle contre sa propre insouciance, Nora tenta autre chose pour tenter d'isoler le bloc, définitivement intrigué par le phénomène. Il installa alors le bout d'une de ses bottes sur la tranche du placard et en étirant sa cheville, chercha à provoquer un mouvement de levier pour chasser le meuble alien de son cocon. Ce fut sans effet flagrant. Une dernière solution, pour ne pas annoncer violence comme dernier recours, fut un grand coup avec le plat du pied dans la porte dissimulée sous un épais centimètre congelé. Encore une fois, rien à y faire. Il ne faisait quasiment aucun doute qu'il se trouvait face à un cristal réfrigérant, confiné dans sa prison givrée et au contact d'un élément qu'il se plaisait à altérer. Pour autant, le brun aurait aimé trouver quelque chose de plus au sein de la commode, comme des pièces de viande conservée par le froid ou le sel, tout autre victuaille qu'il aurait été bon de transporter pour poursuivre l'ascension du duo vers ... vers n'importe où à vrai dire, tant qu'ils pouvaient obtenir des réponses, ou tout du moins des indices concernant cette drôle d'époque dans laquelle ils se trouvaient. Sans plus s'attarder sur son défouloir sortit triomphant – haut-la-main – d'un duel perdu d'avance, Nora retourna sans plus tarder à ses recherches et débarrassa les étagères de la cuisine sans y trouver quelconque nourriture. Ou alors, elle n'y ressemblait plus et n'était certainement plus comestible.

    Si la frustration avait encore du chemin avant de pleinement se saisir du garçon, la faim elle le tiraillait déjà et ce n'était pas à défaut d'avoir de quoi se repaître sur eux. Il pressa alors l'observation pour terminer prestement sa tâche, puis il se dirigea vers le petit local à bûches fendues caché tout proche d'un monte-charge rudimentaire, duquel on tirait les cordes pour porter les assiettes chaudes à l'étage. Une fois n'est pas coutume, cette porte-ci semblait en bon état et n'opposait aucune résistance. Mieux encore, le miracle se produisit et si les bûches les plus larges, soutenant le reste d'une pyramide bancale, étaient vertes, celles au sommet semblaient pour le coup utilisable, à condition d'y mettre un peu d'huile de coude. Ravi, le jeune homme prit sous son épaule un petit fagot ficelé et retourna dans la salle principale, où il fut accueillit par l'agréable créature ayant dégoté elle aussi de quoi se réchauffer. De l'intérieur cependant. Ce qui en somme n'était pas forcément plus mal, un peu d'alcool saurait remonter le moral des troupes si consommé avec parcimonie. Le spectacle fut d'autant plus agréable que tout autour de leur assise de fortune, flottait multiples plateaux chevauchés de bougies n'attendant plus qu'une étincelle pour s'embraser et réchauffer l'atmosphère. Sans plus attendre, Nora installa son sac de voyage là où il ne dérangerait pas et en tira sa pierre de feu qui saurait une fois de plus leur sauver la mise. En un tour de table, en un tour de main, l'ambiance changeait, les bougies éclairaient la pièce qui témoignait lentement du déclin de l'astre flamboyant. La journée s'achevait bien vite, s'étonna Nora, pourtant il ne fit aucun commentaire, laissant sa confusion après la téléportation comme seule responsable de ce fait curieux. Plutôt il prit place sur le comptoir et essora son pantalon de toile ayant bu bien plus qu'eux ne pourraient boire en une soirée, disposa le fagot de bois à proximité et profita de la largeur du bar pour s'étirer légèrement. Pendant ce temps-ci, Luz lui présenta ses trouvailles en prenant son rôle très à cœur, tirant une mine amusée au brun qui l'écouta en haussant un sourcil, l'air certes dubitatif, mais aussi joueur. Il faut dire que s'ils ne s'amusaient pas maintenant, ils n'auraient peut-être pas d'autre occasion par la suite, alors autant profiter de la pénombre s'installant pour livrer quelques secrets à la nuit, qui pointait déjà le bout de son nez.

    - "Je vais m'essayer à cette vodka pailletée d'or, dans ce cas."

    Empruntant la bouteille à son amie, il imita son geste et leva le coude pour laisser glisser l'élixir dans son gosier. Une gorgée, puis deux, il devint vite agréable de sentir sa gorge s'enflammer, car elle diffusait dans son corps entier de quoi lui faire oublier le froid, mais surtout momentanément leur situation. Tirer le goulot de ses lèvres lui arracha un soupire long et rauque de contentement, aussi pour ressentir cette chaleur sur son épiderme, il tira le petit bois et après lui avoir partagé une maigre lichette de sa potion réconfortante, alluma une petite flammèche qui lécha le bout de ses doigts gelés. La demoiselle face à lui semblait alors pensive, laissa filer le cœur d'une inquiétude partagée que le brun avait déjà oublié grâce à l'alcool. Il l'écouta alors et ne répondit qu'en acquiesçant d'un court ronronnement, rendu pensif lui aussi. Lui aussi avait cette impression de manquer un détail important, essentiel. Lequel ? La question flottait dans son esprit, faisant écho à la manière d'une mélodie familière qui résonne dans une cathédrale, sans que l'on ne puisse déterminer sa provenance exacte. Cruelle était Lucy, pensait Nora. Miséricordieuse aussi, de leur accorder le temps de penser. A quel jeu tordu pouvaient bien jouer la déesse et le destin ? De concert charriant deux âmes innocentes ou presque, quelle serait la moralité à la fin de cette aventure, s'ils en sortaient vivants ? Il resta alors silencieux, repassant les évènements dans sa tête à la manière des souvenirs qu'il avait prit l'habitude de déchiffrer au fil des années. Pourtant rien ne sortait du commun ... ou plutôt, tout sortait du commun, de telle manière que rien ne semblait plus pouvoir l'étonner. L'aventurier posa sa tempe contre la paume de sa dextre et massa son cuir chevelu, comme pour y dénicher une solution miracle. Rien ne vint et Luz posa une question laissant place à la l'imagination de Nora.

    - "Ce qui me manque le plus ... ?"

    Cette question semblait plutôt évidente pour le chasseur. Il reprit une gorgée de sa boisson.

    - "Mon familier, Nocturne ... dans un sens, je suis également soulagé qu'elle n'ait pas à subir la même chose que nous. Quant à ce que j'aurais fais ... je ne sais pas, j'aurais probablement pris un contrat à la guilde. Et toi ? Quels sont les choses que tu aimerais retrouver ? Qu'est-ce qui te manque ? Et si tu pouvais retrouver une chose de ton quotidien dans cette pièce, qu'est-ce que tu choisirais ?"

    Un défilé de questions pour le moins banales, mais la communication avait du bon, elle faisait relativiser et si certaines pensées égratignaient le cœur du brun, ce n'était ni plus ni moins un signe qu'il était encore en vie. Et comme on le dis souvent, s'il y a de la vie, il y a de l'espoir.


    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Capitale en ruine, partie 2
    Mer 3 Mar 2021 - 19:42 #


    Son familier, Nocturne ? Luz prit quelques instants pour se creuser la tête à la recherche de l’information manquante, passant en revue les précédentes missions que Nora avait accomplies pour elle. Il ne s’était jamais alors présenté accompagné du moindre animal. Peut-être une adoption récente, mue par la nécessité. Après tout, de ce qu’elle voyait au quotidien du travail de Naëry, la vie d’Aventurier ne pouvait être que facilitée par l’apport d’un animal. De nos jours, enfin, dans l’ancien temps, se corrigea-t-elle, il n’était pas si difficile de faire l’acquisition d’un familier utile en échange de quelques cristaux. Elle eut d’ailleurs une brève pensée à l’intention de Chrystielle, d’Elia et d’Elvann. Tous trois avaient consacré leur existence au bienêtre des animaux, qu’auraient-ils pensé de ce nouveau monde ? Celui qu’aucun être humain ne pouvait venir ternir, s’il n’y avait bel et bien aucun survivant ? La faune n’avait pas l’air particulièrement malheureuse dans les environs et à vrai dire, elle n’avait même jamais vu une eau aussi poissonneuse à proximité du Grand port… Elle cilla quelques instants dans la semi obscurité de leur bougie, et ce froissement de cils fut suffisamment salvateur pour chasser les indéniables pensées qui menaçaient de franchir ses barrières. Renkhi, Mirabelle. Peut-être… Peut-être le passé continuait-il sans elle. Au moins avaient-ils la chance de ne pas être abandonnés, confortablement installés dans la Volière aux dragons. Zahria ne laisserait jamais périr ses deux adorables partenaires à écaille et à salive.

    « J’opterais immédiatement pour une tasse de thé et un bon bain chaud, si je devais choisir, répondit-elle en riant. »

    Il valait mieux cela que de se laisser sombrer dans l’âpreté. Mentir était moins ardu que de prononcer à haute voix ses craintes intérieures – tout pourvu que de constater l’absence.

    « Je crois que nous négligeons trop l’invraisemblable confort dont nous profitons quotidiennement. C’est toujours dans ce type de situation que je me rappelle disposer d’un grand bassin d’eau chaude à demeure et d’une masseuse professionnelle… »

    Elle eut un signe de dénégation faussement théâtral, refoulant ses mèches flammes éparses derrière l’une de ses épaules. D’ordinaire, ses expéditions lui étaient moins pesantes. Parce qu’elle connaissait une porte de sortie et que le chemin vers sa tribu ne lui était pas inconnu. Les pires situations n’avaient jamais étiolé ses espoirs et elle s’était toujours sentie envahie d’une remarquable immortalité enfantine. Sans doute à tort, constatait-elle à présent, mais cette confiance en l’avenir lui avait maintes fois confié des ailes. Peut-être devait-elle cette fois encore faire un effort et renier la possibilité que ce voyage soit sans retour. Une solution devait exister, quelque part, semblable à la porte d’entrée qu’ils avaient empruntée.

    Ils mangèrent bruyamment. La source de vie qu’ils s’acharnaient à créer embellissait grandement le concert aqueux qui se jouait autour d’eux. Quelques visiteurs vinrent agiter leurs longues nageoires cristallines à la lisière de l’eau pour jauger l’étincelle fugace de leur feu, visiblement peu effrayés par leur présence. L’être humain leur était un prédateur inconnu, et les rares morceaux de chair jetés plus loin remportèrent une franche adhésion auprès des carnivores du coin. Voilà qu’elle se mettait à nourrir leur public comme s’il s’agissait de vulgaires pigeons, s’amusa-t-elle de sa propre nostalgie. Cela donnait un semblant de normalité supplémentaire à leur situation.

    « Nous devrions nous remettre en route… »

    Ils se pourléchèrent une dernière fois les doigts, conscients que leur route risquait de s’avérer trop aléatoire pour un prochain repas à heure fixe. Ils éteignirent les bougies, et elle se souvint vouloir lui dire quelque chose, à demie retournée vers lui, dans une expectative saisissante.

    L’unique syllabe qui franchit ses lèvres se perdit tout aussitôt. Avalée par une courte bourrasque, son oxygène happé par ce trou d’air vorace, un coup de poing saisissant dans ses côtes. Ses semelles glissèrent dans la glaise sous-marine et ses mains ne rencontrèrent que du vide.

    A nouveau, elle vit Nora disparaitre et plonger dans l’obscurité.

    ►◄

    Elle sentit tout d’abord la caresse lumineuse du soleil sur sa peau. Une chaleur bienvenue et bienheureuse qui emplissait ses sens d’une mélodie connue et aimée. Et puis, brutalement, ses sens furent assaillis d’une nuée de voix inquiètes, une tonalité plus grave se détachant du lot – on la secouait désormais et elle crut discerner sur sa joue l’empreinte cuisante d’une ancienne gifle qu’elle n’avait pas vue partir. Péniblement, avec effort, ses paupières se soulevèrent.

    « Madame, Madame, vous m’entendez ?! »

    « … Gndj… Oui… N’en faites pas tout un plat… »

    Elle agita sa dextre dans le vide, incertaine de la portée de ce geste qui se voulait d’une gracieuse irritation. Autour d’elle, un soulagement palpable se communiqua de visage en visage. Tous des inconnus, constata-t-elle dans un soigneux froncement de sourcil. Elle eut pour réflexe de se redresser et retint un gémissement lorsque son cerveau protesta ardemment contre la manœuvre.

    « Aïe… Par Lucy, que s’est-il passé ? »

    « Vous vous êtes écroulée subitement
    , précisa son bon samaritain. »

    Le serveur du café, reconnut-elle subitement.

    « Vous et… Votre ami, là-bas, qui vient de se réveiller aussi. Quelqu’un est parti chercher les secours. »

    « Je vais bien
    , trancha-t-elle. Je vous en conjure, donnez-nous un peu d’espace. Et un verre d’eau. Primordial, le verre d’eau. »

    Par tous les dieux, ses prunelles allaient-elles enfin daigner se fixer sur une image semblable ?! Elle étouffa un troisième marmonnement injurieux et ramassa ses jambes sous elle. A deux mètres de là, Nora lui retournait le même regard stupéfait.

    « Il semblerait que nous ayons été confrontés à… Une anomalie magique, mon cher. »

    Elle eut un léger rire de gorge. Presque hystérique, assurément nerveux.

    « Hé bien… Promesse du futur ou illusion… Re-bienvenue à la maison ? »


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    Re: Capitale en ruine, partie 2
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