Petit poney
Alraqs lui retourna un regard enthousiaste, juste avant que l’une de ses oreilles ne pivote brusquement vers un bruit incongru sur sa droite, et que son museau ne cesse de s’intéresser à sa maitresse. Son licol enroulé autour de ses doigts, Luz se contracta par avance, anticipant la traction qu’il ne manquerait pas d’immédiatement exercer vers la source du bruit. En l’occurrence, une pauvre marchande qui tâchait de ranger son étal et qui avait fait tomber par mégarde son panier. Bon sang, que faisait-elle déjà en pleine Capitale avec un animal aussi peu concentré et conciliant qu’un enfant de 5 ans ? Que promettaient les parents pour s’attirer leurs faveurs et s’éviter par la même occasion une honte monumentale ? Elle lâcha un profond soupir, pour la 10ème fois de cette vaste épopée.
Sa tendre Zahria et elle-même avaient hérité de biens étranges compagnons. Des familiers d’élite qui avaient jeté leur dévolu sur elles par un soir d’orage. Une belle amitié était certes rafraichissante, mais encore fallait-il la tisser… Luz se souvenait de ses derniers déboires avec Renkhi, les toutes premières semaines. Apprivoiser pleinement Alraqs s’avérerait de toute évidence un tantinet plus compliqué. Cette fois, la praticienne n’avait donc pas souhaité déranger Carci, fort occupée de toute façon depuis que le blason des Saphirs ornait sa poitrine. Une réunion au sommet avec Zahria plus tard, et Luz avait appelé Elia Pol, la seule vétérinaire de sa connaissance. Qui plus est, cette dernière avait déjà fait montre à plusieurs reprises de ses compétences en matière de règne animal, et Luz lui faisait entière confiance pour mater un chien-loup-ours aussi têtu qu’une brique.
Malheureusement, elle n’était pas disponible en cette période. Mais elle connaissait à son tour quelqu’un qui le serait. Une consœur du Village Perché dont la qualité de service était vantée unanimement par ses clients et qui ne rechignerait vraisemblablement pas à leur donner quelques cours… La petite fille du Capitaine du Village Perché, avait-elle ajouté. Hé bien, tant qu’elle n’avait pas peur de gérer Zahria, son skur nocturne, Luz et son rarwük déchainé…
Luz épousseta ses manches lorsqu’elle parvint enfin à placer Alraqs sur la plateforme du portail de téléportation. Renkhi était bien sûr resté à demeure afin de ne pas perturber toute l’attention qu’elle devait accorder aujourd’hui à Alraqs, mais le mist lui manquait terriblement pour cette faculté qu’il avait d’occuper le rarwük à des jeux discrets. Au contraire d’elle, son mist bénéficiait en effet d’une autorité naturelle sur Alraqs… Oui, la vie était injuste. Il faudrait encore un brin de chemin avant qu’elle ne puisse librement le détacher en pleine Capitale sans qu’il ne renverse trois étals et ne vienne réclamer moult caresses auprès des passants du monde entier.
Elle dut mettre une main en visière lorsqu’ils réapparurent au cœur du Village Perché. Ses yeux peinèrent à s’accommoder quelques secondes au brusque changement de luminosité, après quoi descendit-elle de la plateforme, Alraqs derrière elle. Le rarwük fit immédiatement claquer ses deux queues dans l’air, le museau haut et les pupilles dilatées, flairant toutes nouvelles odeurs disponibles à sa portée. Elle passa une main sur son encolure dans le but de l’apaiser, savourant la douceur du pelage qui formait une écharpe de neige blanche autour de son crâne.
Elle prit le chemin du centre vétérinaire dans lequel officiait la dénommée Chrystielle Keyser. Zahria devait censément la rejoindre devant l’établissement à l’heure de leur rendez-vous. Il fallait dire que trouver un temps commun avec le Maître espion en personne relevait souvent du miracle, tant Zahria semblait toujours courir à perdre haleine derrière les rendez-vous et les missions plus confidentielles que la couleur de la culotte de la Reine.
Suivant Dhim qui l'a guidée à travers la Volière et son jardin, Zahria passe la porte de l'écurie baignant dans la pénombre créée artificiellement par des volets fermés. Des petits bruits s'échappent du deuxième box, dans lequel Dhim se précipite. Le maître-espion s'avance, pour voir le spectacle attendrissant d'Ykhar, couchée dans la paille, avec un Delkhar blotti entre ses pattes. La lumière produite par le pelage du Lumios aveugle immédiatement le Skur Nocturne, qui s'agite en voyant Zahria et son premier familier entrer dans la pièce.
Comme pour parfaire le tableau de ses familiers réunis, Wendy sort de la poche de la métisse qui ne l'avait pas vue y entrer, pour absorber la lumière de Dhim. Etrange, cette fascination ou cette peur qu'ont presque tous ses familiers pour cet élément qui est le sien. Le destin est finalement bien fait. Zahria enlève alors sa cape de fourrure rouge à pois blancs, pour la poser sur la Skur nocturne. D'abord méfiante, la présence apaisante du Drarbuste à ses côtés la décide à laisser agir sa nouvelle maîtresse.
Depuis que Luz et elle ont recueilli les deux rares et fascinantes créatures qui sont devenues les leurs, le maître-espion rencontre beaucoup de difficulté à amadouer la femelle qui semblait pourtant l'avoir choisie. Si Alraqs, le Rarwük de Luz, présente surtout des difficultés de comportement, pour Ykhar c'est un manque total de confiance en tout humain qui s'approche d'elle. Elle ne supporte que très mal la présence de la brune aux cheveux fous, et il va sans dire que le reste de la population ne peut pas l'approcher sans qu'elle ne vienne se réfugier dans son box, repliant ses ailes sur elle-même pour se cacher de tous. Seule la compagnie des familiers de Zahria, et évidemment d'Alraqs, semblent la satisfaire.
Au milieu des mille inquiétudes de Zahria, elle se serait bien passé de celle qui consiste à apprivoiser longtemps un familier. Mais le lien qui s'est créé entre la maître-espion et la skur le soir de l'orage est fort et impossible à nier, et elle ne peut s'empêcher de vouloir son bien. Qui passe par le fait de la réconcilier avec le genre humain. Alors quand Luz lui a proposé une séance conjointe auprès d'une vétérinaire du Village Perché, Zahria a sauté sur l'occasion, et fait en sorte de dégager un maximum de temps pour pouvoir profiter de cet après-midi avec sa colocataire et leurs familiers.
Dehors le soleil brille encore haut, mais il faut qu'ils se mettent en route si elle veut qu'ils soient rentrés pour son rendez-vous de ce soir. Alors elle déplie la cape sur le dos de la skur, et ouvre une ombrelle. Les trois autres familiers encouragent chacun à leur façon la skur nocturne à se lever, et il faut batailler encore cinq bonnes minutes avant de la convaincre de sortir des écuries. Le trajet jusqu'aux portails de téléportation se fait dans la douleur et la crainte, du côté d'Ykhar, les trois autres familiers perchés sur son dos, et Zahria tenant l'ombrelle à ses côtés, à distance raisonnable, mais suffisamment proche pour la protéger des autres êtes humains qui l'affolent tant.
Le passage aux portails est toute une épreuve, à son tour, Ykhar refusant de rester dans le rang en attendant leur tour. Il faut une distraction de Dhim et les encouragements discrets de Delkhar pour l'empêcher de repartir aussitôt vers les écuries, et quand enfin tout ce petit monde arrive sous les hauts arbres du Village Perché, l'ambiance semble se détendre un tant soit peu.
Ils arrivent rapidement en vue du centre vétérinaire devant lequel Luz et Alraqs les attendent. Zahria observe la réaction de la skur, excitée par la présence de son ami et effrayée par celle de Luz, puis soupire. Cette séance est plus que nécessaire... Et avec un peu de chance, cette Chrystielle arrivera même à la mettre suffisamment en confiance pour qu'Ykhar laisse enfin Zahria monter sur son dos...
Aaaaah....Enfin une journée de repos. Depuis le temps que je n'en avais pas eu. Personne aux adoptions, personnes au centre de soin, aucune urgence pour l'instant. Pourrais-je ne serait-ce qu'imaginer pouvoir monter sur mon toit pour me reposer ? Bronzer un peu, en cette fin de saison chaude ?
- Maman ! Je monte !
Je n'entend aucune réponse, mais je sais pertinemment qu'elle est encore chez moi. Elle est TOUJOURS ici.
- S'il y a une urgence, tu tires sur la corde, hein !
- Mais oui, comme à chaque fois que tu montes là-haut.
Et qu'est-ce que je disais : toujours chez moi.
Je prend tout ce qu'il me faut pour ne pas à avoir à redescendre après. Livres, boissons, couverture, tout ce qu'il faut pour passer une très bonne journée à l'abri du soleil grâce à des arbres centenaires. L'échelle contre le mur, je m'apprêtais à monter quand la voix de maman se fit entendre.
- CHRRRRRRRRYYYYSTIIIIIEEEELLLLE !
Bon...Et bien voilà. Le repos fut de très courte durée... Je retourne dans la maison, pour découvrir qu'elle n'est plus là. Mais où est-elle partie ?! Je fouille dans toutes les pièces, mais aucune trace de maman. Je regarde aux alentours de la maison, passe dans le jardin, va voir chez elle.
- Ta mère ? Bah non, elle est pas là.
- Mais tu sais où elle est ?
- Je suis son mari, pas sa secrétaire ou son agenda...
- Tu aurais pu quand même le savoir...
- Elle n'était pas venu de voir ?
- Si, mais elle m'a appelé.
- Et tu ne sais pas où elle est ?
Je souffle. Discuter avec papa est toujours compliqué. Il pose plus de questions qu'il n'y en répond. Notez qu'il ne faut jamais le voir quand on a une question. JAMAIS.
Je la retrouve finalement devant le centre de soin. Deux jeunes femmes sont avec elle.
- Maman ! Je te cherche depuis plus de dix minutes !
- Mais ma chérie, j'ai toujours été là, pendant ces dix minutes.
- Non, mais tu étais dans la maison, puis tu as disparue, et tu me dis que tu n'as pas bougée ?!
- Jeune fille, pas devant des clients, s'il te plait.
C'est vrai que je n'ai pas fait attention... Je rougie et cache mon visage du mieux que je peux.
- Bo-bonjour...Excusez...mon....lan-langage...
Je jette des petits coups d'œil aux familiers qui les accompagne. Un Rarwük et un Skurnocturne. Je peux difficilement cacher mon stress par rapport à leur grande carrure. Mais peut-être est-ce à cause de ma petite taille...
- Vo-vous..C'est pour qu-quoi ?
Un moment de doute plana. Troublée, Luz battit des cils à plusieurs reprises pour se redonner contenance, et même Alraqs parut hésiter un infime instant sur la conduite à tenir, une patte à demi-levée du sol, comme s’il n’avait véritablement pas vu l’inconnue s’approcher. Et puis, le flottement s’étiola jusqu’à disparaitre tout à fait, et le grand chien fou délaissa subitement la queue d’Ykhar qu’il avait entrepris de mâchonner méticuleusement pour bondir brutalement dans la direction de Chrystielle. Soudainement arrachée à ses deux appuis, Luz gesticula à la manière d’une quinquagénaire en perte d’équilibre, agita les bras, parvint à planter son talon droit dans le sol et amorça aussitôt une traction en arrière. Le licol se tendit aussi dans un claquement sec avec un grincement de mauvais augure. C’est qu’elle n’en était plus à son coup d’essai la bougresse et dégainait à présent l’art du contrepoids au quart de tour pour empêcher Alraqs de couvrir de salive et d’amour à peu près tout ce qu’il trouvait sur son chemin. L’immense langue de l’animal effleura d’ailleurs le visage adorable de la nouvelle venue, manquant d’un cheveu de lui refaire le portrait, ses deux pattes arrières frémissantes de puissances.
Son compagnon à poil et à entrain parut comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un comportement approprié après la troisième injure grommelée de sa maîtresse : il rabattit ses oreilles en arrière, et se transforma en museau même de la culpabilité incarnée, tout tassé sur lui-même comme s’il pouvait faire oublier son foutu mètre cinquante de hauteur. Echevelée et hors d’haleine, Luz posa ses mains sur genoux, non sans un regard furibond en direction de son nouveau familier.
Elle se redressa et esquissa un sourire chaleureux, n’ayant que peu de chance de se tromper dans son hypothèse. La Dame plus âgée qui les avait accueillies n’avait eu de cesse que de couvrir d’éloges le travail de sa fille, et au vu de leur brève interaction juste avant ainsi que de leur ressemblance… Une main qu’elle espérait apaisante posée dans la crinière d’Alraqs, Luz échangea un rapide regard avec Zahria et jugea qu’il serait utile de replacer un ou deux éléments de contexte :
Elle jeta d’ailleurs présentement un regard désabusé sur Alraqs qui s’était à nouveau foutu dans les pattes d’Ykhar, un air de pure adoration sur sa bouille. Le lien indéfectible qui le liait au skur était décidément bien plus puissant que la propre voix de sa maîtresse ! A se demander comment le familier de Zahria trouvait la patience de subir les tentatives de jeu incessantes du grand chien…
Tandis que Zahria se présentait à son tour, elle détailla la demoiselle des pieds à la tête, plus fine et fragile qu’un roseau. Elle arborait des pommettes charmantes délicieusement teintées de rouge et ses cheveux roux étaient joliment coiffés. Ils lui donnaient une apparence jeune à laquelle Luz fut bien en peine de donner un âge. Elle la voyait en tous cas difficilement réfréner les élans dévastateurs et sauvages d’un rarwük et d’un skur réunit… S’en sortiraient-elles, toutes les trois ?
A l'approche de deux nouvelles personnes, Ykhar se fait toute petite, ses écailles se redressant sur son dos, et entreprend de reculer jusqu'à s'emmêler les pattes et s'effondrer les quatre fers en croix. Quand Zahria s'approche pour tenter de l'aider à se relever, elle doit éviter un coup de tête violent de la skur qui n'a visiblement aucune intention de la laisser s'approcher, tout aussi ridicule soit sa position. Il faut l'intervention d'Alraqs et Delkhar pour que la skur se remette sur pied, et la poigne ferme de Zahria sur le licol à peine harnaché à son cou pour la maintenir non loin et éviter qu'elle n'aille se réfugier derrière le premier arbre ombragé qu'elle trouvera.
La présence du rarwük de Luz a au moins l'avantage de calmer un minimum sa skur, et les deux familiers s'enferment presque dans leur bulle quand Ykhar relève son aile au-dessus d'eux, tout autant pour cacher la lumière du soleil que pour cesser de voir ces humains qui l'importunent. Zahria se passe une main dans les cheveux en soupirant avant de se tourner à son tour vers la jeune vétérinaire qu'on leur a recommandé.
« Zahria Ahlysh, et elle c'est Ykhar. Elle refuse toute présence humaine auprès d'elle, même moi elle ne fait que me tolérer. On pense qu'elle et Alraqs appartenaient au même maître qui les aurait abandonnés. Ils sont liés à nous, mais visiblement le traitement qu'ils ont subi auparavant a laissé des séquelles... »
Elle prend le temps de détailler quelques secondes la jeune femme rousse. Est-elle vraiment capable de gérer leurs deux créatures ? Elle ne paye pas de mine, et si Zahria a appris à ne pas se fier aux apparences, elle-même n'étant pas du tout ce qu'elle paraît, il y a tout de même de quoi se poser des questions. Mais c'est Luz qui l'a menée ici, et elle fait entièrement confiance à son amie. Malgré le petit doute dans son regard à elle aussi.
« L'idéal serait de la rassurer suffisamment pour qu'elle me laisse la monter, évidemment, mais déjà si au moins je pouvais lui offrir un semblant de confort et lui ôter ses peurs, je serais ravie. Elle aurait une belle retraite dans notre demeure si elle le souhaite. »
Dhim monte sur l'épaule de sa maîtresse et lui envoie une onde d'amour pour lui témoigner son soutien. Delkhar, lui, posé nonchalamment sur la tête d'Ykhar, est tout concentré à rassurer la plus grande des compagnons de Zahria, alors que Wendy a entrepris de grimper tout en haut d'un arbre, certainement dans le but de prendre de la hauteur et les toiser avec son air arrogant.
Redescends tout de suite.
Non.
Tu vas te faire mal.
Pas vouloir.
Wendy viens ici ou tu es privée de cookies ce soir.
Ça semble avoir son petit effet, puisqu'elle détourne le regard tout en redescendant fièrement. Zahria se détourne de sa Glooby avant d'adresser à nouveau la parole à leur jeune vétérinaire.
« Désolée pour toute la ménagerie qui va avec, c'était le seul moyen de convaincre Ykhar de me suivre... »
Une nouvelle main dans les cheveux, histoire de finir de se décoiffer complètement, et un petit sourire désolé, puis Zahria plante son regard dans celui de Luz, résignée. Si cette jeune femme ne peut pas les aider, il faudra songer à d'autres solutions. La veille au soir elles en discutaient autour d'une tasse de thé, et la métisse a évoqué, le coeur brisé, l'éventualité de relâcher Ykhar si cela peut la rendre plus heureuse... Elle refuse tout simplement de la voir s'enfermer dans un box jusqu'à la fin de ses jours, juste parce qu'un débile n'a pas su s'occuper correctement d'elle dans sa vie précédente. Elle fera tout ce qu'il faut pour que la skur soit heureuse.
Bon...on va s'amuser, j'ai l'impression. C'est vrai que dès que je suis arrivée, j'entendais déjà pas mal de bruit devant le centre de soin, mais de là à imaginer qu'il allait y avoir autant de familier en même temps...un rarwük, un skurnocturne, un glooby, un drarbuste... je n'arrive pas à tous les compter...
Mais j'essaye tout de même de me concentrer, et de comprendre leur besoin. Besoin que je n'ai nulle besoin de chercher bien loin. Les deux animaux sont assez turbulents, mais pas dans le même sens. Quand un déborde d'énergie, l'autre est assez craintif. S'il faut palier à cela, le travail sera complètement différant sur les deux créatures.
Le travail reprenant le contrôle, je me rapproche tout d'abord du familier tenu par la jeune femme aux cheveux rouges. Mon pas est assez calme, pour ne pas qu'une scène de chaos se mette en place.
- Je ne pense pas que les faire entrer dans le centre de soin ou même celui d'adoption serait une bonne idée. Les espaces clos doivent leur faire peur, non ?
Je tends une main vers le rarwük. La première chose à faire, quand l'animal ne nous connaît pas, c'est de lui faire sentir son odeur. Dos de la main tendu vers son museau, j'attend qu'il s'approche. Mieux vaut garder ses distances, avec un animal avec autant d'énergie.
Pour lui, il faut commencer par vider sa batterie, tout simplement, le canaliser un peu. Des exercices sont possibles, comme par exemple créer un mur avec différentes friandises à l'intérieur. Il prendra ça pour un jeu, et s'amusera à trouver toute la nourriture cacher à l'intérieur. En plus de le vider, cela renforcera un peu les liens avec sa maîtresse.
Je propose l'idée à la jeune femme, qui se prénom Luz. Pour commencer, il faudra faire cela dans le jardin juxtaposé au centre d'adoption.
Maintenant, pour l'autre...
Une fois que le rarwük ai fini de me sentir, j'essaye de me diriger vers le skurnocturne, mais la tâche paraît beaucoup plus compliqué. L'animal ne me laisse pas m'approcher, reculant d'autant de pas que j'avance. Dans ce genre de situation, il faut connaître son passé.
- Un mauvais maître peut-être la cause principale, mais pas forcément la seule. Il suffit qu'il n'est pas été stimulé pendant ses premiers mois pour qu'il soit peureux.
On appelle ça le syndrome de privation sensorielle. Un manque d'activités et de jeux peuvent rendre le plus gros des skurnocturne aussi inoffensif qu'un glooby...
- Pour lui, je dirais qu'il faut commencer par un travail de la maîtresse. Il faut rester calme, ne pas le caresser quand il a peur. Il prendrait ça pour un bon comportement, et continuera à le faire.
Il est toujours compliqué d'enlever la peur chez un familier, donc n'en parlons même pas pour un skurnocturne... Pour lui, aucun exercice ou jeu ne pourra vraiment fonctionner. Il faut simplement être patient, et calme en toute circonstance.
Une fois mes informations données, je propose aux deux femmes de me suivre, et d'aller dans le jardin du centre d'adoption. Je leur demande tout de même si elles veulent faire un passage dans celui de soin, pour s'assurer que leur familier aillent bien. Même si je sais que cela sera compliqué, pour l'un comme pour l'autre.
Luz eut un grand rire de gorge et se contorsionna pour orienter le museau d’Alraqs vers la sixième cache. Ils se tenaient tous deux devant un mur artificiel adroitement constitué de planches légères et de mousses, troué ici et là d’espaces suffisamment étroits pour contraindre le rarwük à se démener pour s’emparer des trésors qu’ils contenaient. Chrystielle y avait fait déposer diverses friandises non grasses dont l’odeur alléchante devait sans doute parler au rarwük enthousiaste puisqu’il ne cessait d’y glisser les griffes et de flairer avec animation la surface piégée. Ses simagrées faisaient grandement rire Luz qui avait pour rôle de l’aider dans sa tâche, parfois en déplaçant une friandise d’un point bas à un point élevé, principalement pour le contraindre à interagir avec elle tout en dépensant cette insatiable énergie qui le caractérisait. Aucun doute, le stratagème était malin et la praticienne pouvait déjà voir des effets bénéfiques se produire sur son familier. Ils avaient un peu couru côte à côte tout d’abord – Luz en soufflant comme un bœuf passées les 10 premières minutes et Alraqs galopant mieux que si sa vie en dépendait -, et ce second exercice venait renforcer une tranquillité apparente et progressive chez l’animal. Le mur était qui plus est suffisamment large et haut pour l’inciter à bondir, caractéristique principale de sa race. Pour la première fois depuis des lustres, Luz pouvait savourer à loisir les muscles qu’elle voyait rouler souplement sous son pelage et son contact chaud contre ses paumes.
Elle se retourna et dut plisser les yeux pour mieux détailler les silhouettes de Zahria et d’Ykhar qui s’adonnaient à leurs propres exercices, à une distance suffisamment respectueuse pour que les deux animaux cessent d’interagir l’un avec l’autre. Car si cela contribuait à distraire la concentration déjà infinitésimale d’Alraqs, le skur s’appuyait en retour bien trop sur la présence de son ami à quatre pattes pour calmer ses angoisses lorsqu’il devait apprendre à se fier à sa maîtresse. En bref comme en mille, Luz ne pouvait aucunement aider Zahria dans sa lutte et inversement. Elle sentit la truffe chaude du rarwük s’infiltrer dans sa paume, ce qui lui arracha un nouveau rire chatouilleux : l’animal se faisait beaucoup plus câlin enfin soulagé de son énergie débordante. Elle s’accroupit et entoura son cou de ses bras, enfonçant son visage dans le pelage chaud. Elle n’ignorait pas qu’il lui faudrait trouver une solution pérenne une fois de retour dans la Capitale. Peut-être louer les services d’un parc ou réaliser régulièrement des balades en forêt pour lui permettre de dépenser son énergie ? Une idée lui traversa subitement l’esprit. La Volière aux Dragons débouchait sur la Luisante et la nage était un sport excellent, juste fatiguante ce qu’il fallait sans risquer de détruire un quartier entier.
Alraqs couvrit sa main d’une imposante léchouille et Luz se surprit a brusquement reconsidérer la possibilité d’une chevauchée. Elle se redressa et entreprit prudemment de verser progressivement son poids sous le garrot du familier. Oh, ce n’était pas la première fois qu’elle tentait l’aventure ! Néanmoins, Alraqs ne la projeta pas au sol comme de coutume, mais tourna plutôt vers elle une moue curieuse, presque attentive. Certaine de ne pas mordre immédiatement la poussière, Luz rajusta sa pose, prenant garde à ne gêner aucun mouvement du rarwük tout en s’agrippant à ses poils. Elle serra les cuisses et cela fut suffisant pour constituer une erreur fatale : Alraqs partit tel un boulet de canon à travers la piste, la mine absolument excitée et ravie, hasardant des sauts de chats et des bonds chaloupés impossibles à suivre pour une néophyte. La praticienne eut beau déployer des trésors de souplesse et d’adresse, elle décrocha brutalement au bout de trois effroyables minutes et partit s’écraser dans la pelouse. A demie sonnée, elle roula sur le flanc et se redressa d’un coude.
Et là, un miracle se produisit. L’interpellé pivota une oreille dans sa direction et d’une foulée supplémentaire réalisa un parfait volteface pour trottiner calmement jusqu’à elle. Abasourdie, Luz l’observa s’asseoir sagement à ses côtés, l’air d’attendre la suite ou du moins une nouvelle tentative de monte.
Tout en dépoussiérant ses vêtements, elle lança à l’intention de Chrystielle :
Dans son coin du parc, confortablement installée sur un transat, Zahria lit. Un simple roman d'aventures, nul rapport d'espion ni Savoir des Anciens à décortiquer, pas le dernier roman d'Apolline qu'elle lit d'un trait pour se mettre au courant des derniers potins, avant de le relire pour en apprécier toutes les autres saveurs, non un simple roman, à l'ombre d'un tilleul, comme si sa retraite était arrivée plus tôt que prévue.
Dhim, Delkhar et Wendy ont été menés à l'intérieur, où ils sont chouchoutés et bichonnés. Il y aura certainement un extra à débourser pour le soin qu'on leur prodigue en ce moment, mais si cela peut donner des résultats pour Ykhar et faire du bien aux autres familiers, Zahria est prête à mettre la main à la bourse.
Car, oui, évidemment, Zahria, malgré les apparences, est en plein dressage. Si la majeure partie de sa concentration est focalisée sur son livre, son regard se détourne parfois pour voir où en est sa skur. Le tilleul sous lequel elle s'est installée est le seul point d'ombre de ce côté-ci du parc, délimité magiquement par les murs de Chrystielle, et la skur, privée de tout autre appui et cherchant désespérément à se cacher du soleil, est obligée de se rapprocher de Zahria avec la course du soleil qui fait bouger l'ombre du tilleul dans sa direction.
Le calme, a préconisé la jeune vétérinaire, aussi la métisse profite de ce moment pour se détendre elle aussi, chose rare qu'elle n'a presque jamais l'occasion de faire au quotidien. Ykhar se tient maintenant à deux mètres de sa maîtresse, et si sa nervosité devrait en être décuplée, c'est plutôt sa curiosité qui s'est enfin réveillée à l'odeur des friandises cachées sous le transat.
Elle s'approche, doucement d'abord, puis d'un pas plus ferme, avant de faire demi-tour, se stopper en plein mouvement, et fixer Zahria du regard. Le maître-espion reste planté sur son livre, tentant de ne pas montrer qu'elle est autant intéressée par Ykhar que celle-ci par les friandises.
Et quand finalement, la skur vient s'installer au pied du transat pour déguster son goûter, ayant décidé que le risque en valait la chandelle, le cœur de Zahria rugit silencieusement d'une victoire triomphante. Vite remplacée par un sursaut de frayeur lors qu'une voix douce et féminine s'élève tout près d'elle.
« Merci. »
Elle en fait tomber son livre, de stupeur, et le mouvement brusque éloigne immédiatement la skur d'elle, se sauvant comme si sa vie en dépendait. Mais bien vite elle s'arrête, se tourne à nouveau vers sa maîtresse, puis vient se saisir du lit tombé à terre du bout de sa mâchoire pour le ramener.
« Livre Zahria. »
La même voix qui s'élève alors qu'elle fait le dernier pas pour que sa mâchoire, et le livre par conséquent, soient à portée de main de la métisse, qui comprend enfin que ce n'est pas une ultime attaque invisible de la Cabale, mais seulement la voix d'Ykhar. Qui parle.
« Tu... parles ?
- Oui.
- Depuis combien de temps ?
- Maître apprendre.
- Pourquoi tu ne m'avais jamais parlé auparavant ?
- Peur.
- Et maintenant ?
- Moins peur. Zahria gentille. Zahria fait efforts. Ykhar fait efforts. Zahria pas aimer orage. Ykhar pas aimer orage. Zahria protéger Ykhar. Ykhar protéger Zahria »
Les yeux de la métisse s'embue, et la skur s'en rendant compte lève alors son aile au-dessus d'elles pour cacher le soleil.
« Soleil brûler yeux Zahria. Pas pleurer. Ykhar protéger.
- Merci, Ykhar.
- Rester comme ça. Zahria lire, Ykhar protéger soleil. »
La jeune femme acquiesce, puis se rassoit, son livre à la main, un regard tendre posé sur la skur nocturne qui prend tout à coup son travail très à cœur. Le calme. Chrystielle avait raison.
Voir les deux familiers commençaient à s'ouvrir à leur maîtresse me met larme à l'oeil. Vraiment. C'est tellement beau, remplie d'un amour inconditionnel. Aaaah...ce genre de moment me donne envie d'avoir un familier, moi aussi. Puis je me rappelle de tous les cas que j'ai eu, des blessures, des cadavres aussi...et puis cette envie part aussi vite qu'elle était apparue.
Je commence par aller voir la jeune femme allongée sur le transat. Je vois bien qu'elle essaye tant bien que mal de ne pas regarder son familier. J'assiste alors à une scène vraiment attendrissante : le skur s'approche lentement d'elle. La peur ne l'a pas encore totalement quitté, cela se voit à sa façon d'avancer, tête et oreilles basses. Mais les choses commencent à s'améliorer.
On pourrait négliger cette partie, mais le calme du maître ou de la maîtresse est vraiment quelque chose d'important. Votre patience est primordiale pour votre animal, surtout quand il doit passer par un moment de peur, comme la visite chez un vétérinaire. Il faut lui montrer que cette situation ne vous fait pas peur, et cela l'aidera grandement à regagner son calme. Le mettre en hauteur aussi peut l'aider, si sa taille le permet, bien évidemment. Un animal en hauteur, c'est un animal apaisé.
J'arrive au niveau de Zahria, le skur s'étant momentanément reculer à chaque fois que je faisais un pas dans sa direction.
- Avez-vous déjà vu des améliorations dans son comportement ?
La femme me fait donc son rapport, notamment sur le fait que son familier s'est rapidement rapproché d'elle.
- C'est un très bon début ! Il va falloir continuer ce genre d'exercice. Peut-être un fois par jour, si cela vous est possible. Pas besoin que cela soit bien long. Assisez-vous par terre, fermez les yeux, et laisser votre skur s'approcher à son rythme. Patience, calme et apaisement. C'est tout ce qu'il faut pour que votre familier s'approche un peu plus de vous chaque jour.
Après avoir donné mes consignes à ma première patiente, je pars voir la deuxième. Nous avons installé un mur de fortune, remplie de différentes friandises. Comparé au premier cas, celui-là demande beaucoup plus d'énergie. Il faut faire courir le rarwük, par tout les moyens. Le faire perdre toute cette énergie, l'essouffler. Même, s'il commence à s'endormir, on aura gagner une petite bataille.
A la question de si les rarwük savent nager, je dû réfléchir. C'est une bonne question, oui. J'essaye de trouver la réponse.
- Je pense que oui. En tout cas, je ne verrai pas pourquoi ils ne le sauront pas. Tous les animaux savent nager, plus ou moins bien.
Et même si ce rarwük ne le sait pas, il pourra apprendre rapidement. On peut le négliger rapidement, mais les animaux apprennent très bien. On pourrait comparer ça à l'intelligence d'un bébé d'un ou deux ans. Ca emmagasine tout, même les bêtises. Et ils savent très bien quand les refaire...
- La nage peut être un très bon moyen pour lui faire perdre toute son énergie, oui ! Mélangé à l'appât des friandises, votre familier ne pourra pas résister bien longtemps.
Quand la jeune rousse essaye de monter sur le rarwük, et se retrouve rapidement par terre, je me dépêche d'aller à son niveau, pour l'aider à se remettre debout. Bon...il va falloir passer au niveau supérieur, avec lui. Le mur de friandise à visiblement pas suffit.
- Tenir fermement le harnais et prier Lucy pour rester dessus ?
Le rarwük fit rapidement demi-tour pour rejoindre sa maîtresse. Et une idée me vint à l'esprit.
- Nous pouvons essayer d'aller faire une promenade, si cela vous va, à toutes les deux. Pas forcément les monter, mais prendre le nécessaire pour plus tard. Je dois avoir un cheval quelque part, je pourrais le prendre pour vous suivre. Les alentours du village perché sont assez vierge de monde, vos familiers auront tout le loisir pour se vider, ou se reposer en votre compagnie à l'abri du soleil.
Monter Alraqs sans mordre la poussière au terme de deux minutes avait nécessité cinq essais. La lèvre inférieure de la praticienne avait subi son content d’attaques dentaires durant cette période, désolée de constituer un tel poids pour sa colocataire et la charmante vétérinaire. Heureusement, sa patience fut finalement récompensée lorsque le rarwük comprit soudainement que sa maîtresse n’attendait pas de lui un départ explosif, mais plutôt une marche tranquille. Il gagna tout d’abord un trot désordonné, juste avant que son énergie rentrée ne ploie sous les nombreux exercices effectués jusqu’alors : il réalisa un dernier petit saut de chat joyeux et allongea la patte sur un pas paisible, plus agréable. A bout de souffle, Luz dut se contraindre à desserrer les cuisses et à faire taire sa peur de tomber à nouveau. A priori, Alraqs n’avait pas prévu de repartir au quart de tour cette fois-ci. Elle le fixa d’ailleurs longuement pour s’en assurer, guettant dans sa moue enamourée toute potentielle lueur de culpabilité excitée. Au moins en avait-elle eu pour son argent, car ses vêtements étaient définitivement sabotés pour cette journée. Elle épousseta la pellicule de poussière qui recouvrait ses cuisses et chassa une feuille morte emberlificotée dans ses cheveux flammes.
Elle commençait à comprendre le pas chaloupé de son familier. Ses hanches ne se heurtaient plus à un contre mouvement douloureux et suivaient au contraire plus spontanément le ressac de sa démarche. La sensation était étonnante, sinon déroutante… Un peu comme de chevaucher un grand félin, avec la dureté de l’ossature en supplément. Elle dut lever les yeux pour vérifier que Zahria était également parvenue à monter sur Ykhar, le garrot du skur étant plus haut d’une grande poignée de centimètres. Autour d’elles, la nature redoublait d’ardeur sous les caresses du soleil d’après-midi, et la lumière chatoyait entre les branchages environnants avec cet aspect presque aquatique qui donnait des airs de bassins au Village Perché. Elle fut presque tentée de clore les yeux pour écouter les pépiements des oiseaux et la rumeur des rongeurs fourrageant la terre, mais n’eut pas encore suffisamment confiance dans la tranquillité apparente d’Alraqs pour s’adonner à pareil exercice périlleux.
A la place, elle sursauta lorsque la voix de Chrystielle retentit tout à côté d’elle, ayant totalement oublié la présence de la vétérinaire. Elle lui retourna un vif regard surpris et relâcha tout aussitôt la ligne stressée de ses épaules. Décidément, la jeune femme était d’une discrétion sans commune mesure… Impossible de prévoir ses allées et venues ! A croire que sitôt qu’elle sortait de leur champ de vision, sa présence s’effaçait… Serait-il impoli de lancer une conversation sur le sujet ?
Elle flatta distraitement l’encolure d’Alraqs et leur petit groupe démarra son expédition. Elles louvoyèrent entre les grands arbres du Village, le pas adroit et délicat des animaux contournant habilement les nombreux obstacles naturels au sol. Découvrant un peu plus loin un tronc renversé et jugeant qu’Alraqs s’était suffisamment tenu docile jusqu’alors, Luz se pencha sur son garrot, presque aplatie sur son corps :
Sans comprendre le sens exact de ses mots, le familier parut saisir ses intentions. Il lui renvoya un jappement fou de joie et elle put sentir sous ses cuisses ses muscles se bander d’une puissance insoumise. Ses griffes raclèrent la terre lorsqu’il s’élança et bondit par-dessus les fourrées, décollant du sol pour mieux racler l’écorce et s’y propulser. Solidement accrochée à lui et cette fois-ci prête pour ce qui s’annonçait, Luz parvint à ne pas tomber. Lorsqu’il se stabilisa de l’autre côté du tronc et s’immobilisa sur une consigne muette de la part de sa maitresse, cette dernière se redressa tout à fait et leva haut les bras en signe de victoire :
Elle le grattouilla tendrement tout en esquivant les coups de langue qu’il tentait de lui décerner. Elle plissa ensuite les yeux et chercha Zahria pour constater ses propres avancées.
Quand le museau froid d'Ykhar se pose sur son bras, Zahria manque de sursauter. Les contacts physiques avec la skur sont très rares, et jamais demandés par le familier, depuis qu'elle est arrivée, à part la fameuse soirée de l'orage. Aussi il est surprenant de la voir réclamer de l'attention comme ça. La métisse se penche légèrement vers la skur pour comprendre ce qui lui arrive, et capte le regard de l'équidé, fixé vers Luz et Alraqs, partis en avant sur le chemin, en trombe. Chrystielle monte à cheval légèrement devant, et Zahria marche à côté d'Ykhar depuis le début de la balade, en essayant de ne pas la couvrir d'attention tout en restant présente. Le calme.
« Faire comme Alraqs. »
Cette voix si douce et mélodieuse est un plaisir pour les oreilles de la métisse, qui voit son nouveau familier à grande vitesse sous les conseils de Chrystielle. Elle a bien compris qu'elle ne s'y prenait pas comme il fallait, et que la vétérinaire l'avait surtout éduquée elle, et elle ne la remerciera jamais assez pour tout cela. Perdue dans cette pensée, Zahria oublie de répondre à Ykhar, qui insiste.
« Zahria. Comme Alraqs.
- C'est-à-dire ? Tu veux sauter ?
- Non. Zahria monter. »
Un frisson parcourt l'échine du maître-espion, alors que son visage s'illumine d'un grand sourire. Elle acquiesce, et peut deviner une certaine appréhension mêlée d'excitation chez la grande équidé, alors qu'elle s'immobilise pour laisser sa maîtresse installer lentement et fébrilement l'acharnement prêté par Chrystielle. Celle-ci apparaît soudainement à ses côtés, sans qu'elle ne l'ait vu arriver, pour lui donner un coup de main bienvenue, puis l'aide à monter sur le dos d'Ykhar. La selle n'est pas exactement adaptée à sa morphologie, et leur appréhension à toutes les deux est perceptible, aussi quand la skur fait le premier pas et que Zahria se cramponne à son cou, elle se cabre sur ses pattes arrières, manquant de faire tomber sa cavalière. Après un hennissement de peur, elle retombe sur ses quatre pattes, et commence à tourner en rond, entraînant la maître-espion qui ne contrôle plus rien.
Ce cirque dure une bonne minute avant que la vétérinaire n'intervienne pour sauver Zahria, qui se laisse tomber sur un tapis de verdure. Ykhar revient alors vers sa maîtresse, tête baissée comme pour se faire pardonner.
« Ce n'est pas grave. Ce n'est pas ta faute. On va continuer à pied, si tu veux.
- Non. Encore. Pas abandonner.
- On n'est pas obligées tu sais...
- Moi vouloir.
- D'accord, alors... »
S'accrochant au cou de l'animal pour se remettre sur pied, Zahria remet rapidement le pied à l'étrier, s'installant un peu plus bas dans la selle pour ne pas appuyer sur le garrot de la skur, pas placé exactement au même endroit que chez les chevaux, calant ses jambes entre les ailes pour ne pas déranger ses mouvements. Ykhar fait un pas maladroit, puis un autre, Zahria se tenant seulement au pommeau de la selle, une tenue lâche sur ses rennes pour laisser la liberté au familier d'avancer dans la direction souhaitée.
Et avant même qu'elles ne s'en rendent compte, elles avancent. Tranquillement, à leur vitesse, slalomant entre les ombres des arbres pour éviter la lumière du soleil, la cavalière et sa monture finissent par rattraper leurs amis un peu plus loin, pour continuer la balade comme s'ils avaient fait ça toute la vie. Elles en oublient rapidement Chrystielle, pour se mettre à papoter tranquillement, laissant leurs montures les guider entre les arbres.
Le soleil est bien bas, et un petit frisson vient ramener Zahria à la réalité alors que la température refroidit. Elle se tourne en arrière, pour retrouver leur vétérinaire, avant de se rendre compte qu'elle était juste à côté d'elles, marchant en silence. La métisse lui fait un grand sourire, et ils regagnent rapidement les locaux de son petit centre de soin.
Ecoutant d'une oreille distraite Luz vanter les mérites de l'Astre à Chrystielle, Zahria récupère toute sa petite ménagerie, bien occupée avec des petits jeux ou des friandises, mais ravie de la voir revenir avec une Ykhar métamorphosée, qui accueille le Drarbuste sur sa tête dans la sérénité la plus totale, alors que Wendy retrouve sa place dans la sacoche du maître-espion, et Dhim son creux dans l'épaule de leur maîtresse, qui s'avance enfin à son tour vers la vétérinaire.
« Merci pour tout, Chrystielle, ce que vous avez fait est exceptionnel. Faites nous parvenir votre facture à la Volière aux Dragons, à la Capitale, nous vous réglerons ça au plus vite, avec les intérêts. Et je compte sur vous pour assurer les soins de tous mes familiers à partir d'aujourd'hui, vous êtes notre sauveuse...
- Merci aider nous. »
Les trois petits familiers de Zahria se retournent d'un même geste vers Ykhar quand sa voix s'élève, et se jettent tous sur elle pour lui faire la fête en comprenant qu'elle peut parler. Zahria éclate de rire, puis serre la main de Chrystielle, avant de les embarquer vers la sortie. Il est temps de rentrer, et de se remettre au travail...
La fin de journée arrivait rapidement. Le travail avec ces deux familiers a été éreintant, mais tellement intéressant est plaisant. On pourrait croire qu'il est simple de dresser un animal, mais cela demande plusieurs jours de travail, voir même plusieurs années pour les cas les plus durs.
Le travail de Luz et de Zahria ne se finit pas aujourd'hui. Non, ce n'est que le début. Même si de fortes améliorations ont été faites en un jour, il en faut le triple pour pouvoir les assimiler. Il ne faut pas qu'elles perdent patience, qu'elles arrêtent tout ce soir. Il faut continuer, persévérer.
Alors oui, il va arriver des moments où l'animal ne veux plus faire d'effort, qu'il se rebique, qu'il morde même. Mais n'abandonnez pas, continuez à combattre ses démons ! Un jour, tout vos efforts seront récompensés.
Une fois la balade terminée, nous retournons tous devant le centre d'adoption. Les deux femmes me remercient beaucoup trop, et je ne peux pas m'empêcher de rougir.
- N-non...je...je n'ai fait que mo-mon travail...
Trop de compliment me met vraiment dans tous mes états. Je leur dis qu'il n'y a pas besoin de me payer, que ce double dressage était très intéressant, et que cela m'a permit de m'aider dans la compétence de dressage.
- Je vous attends avec impatience ! En espérant que vos familiers ne seront pas trop blesser non plus...
Sur ce, je leur serre la main, attend qu'elles soient hors de la portée de mon regard, et retourne sur mon toit, même si le soleil est déjà entrain de descendre....