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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    La valse à milles temps
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
    Informations
    La valse à milles temps
    Dim 4 Oct 2020 - 16:43 #
    Dehors le temps était maussade. La saison fraiche venait de débuter, et avec elle un vent froid descendu des lointaines montagnes du nord avait poussé jusqu’aux reliefs de la Capitale de lourds nuages remplis de larmes. Rabattues par la brise taquine, elles enveloppaient de leur manteau humide les bâtisses de la ville comme les âmes affairées qui bravaient les pavés devenus glissants. Le ciel, d’un camaïeu de gris pour l’occasion, ne cessait de s’assombrir davantage et de plus en plus vite à mesure que les jours passaient. Les journées agréablement ensoleillées de la saison chaude semblaient à présent n’être plus que du domaine du souvenir. Et pourtant. Dans cette atmosphère chagrine invitant à la lecture d’un bon bouquin au creux du nif douillet d’une couverture dans un fauteuil à proximité d’un âtre flamboyant, Calixte déambulait à poil.

    Il faut peut-être là remettre un brin de contexte. L’espion déchargé de ses obligations de garde pour la fin de l’après-midi – parce que des fois il lui arrivait d’être efficace – avait regagné la colocation de Luz et Zahria où il avait, une nouvelle fois, posé ses valises pour quelques jours. Enfin, posé ses valises. Vu le temps qu’il y passait dernièrement – peut-être même plus qu’au studio de Naëry actuellement – il était peut-être plus exacte de dire qu’il était revenu chez lui, et qu’il attendait son rappel au Bastion du Grand Port. Auquel il était affecté. Sur le papier. Mais ces temps-ci le lieutenant Emeor Calyx ne semblait pas être tout à fait dans son assiette, ce qui expliquait peut-être ses fréquentes assignations du côté de la Capitale. Enfin, ça n’était pas le coursier qui allait s’en plaindre. S’il appréciait grandement la vie dans le sud, il n’était jamais contre passer un peu plus de temps auprès des êtres chers qu’il avait laissés à la ville royale. Néanmoins, s’il était heureux de partager son temps avec eux, ça n’était pas pour cette raison qu’il était présentement nu comme un ver. Il y avait des limites à l’enthousiasme.

    - Regarde-toi dans les yeux ! s’exclama avec amusement Apolline dans son dos, captant effectivement son regard par l’intermédiaire du miroir qui lui faisait face.

    Profitant d’un moment de tranquillité dans la demeure chaleureuse, Calixte avait décidé de tester l’un des objets de pouvoir qu’il avait acheté quelques lunes auparavant.

    - Y a toujours moins d’arguments que chez Soly chérie, commenta la trousse de cuir qui effectuait des allers-retours sur son lit, armée de sa scribouilleuse.

    Instinctivement, les deux iris ambrés plongèrent leur attention au niveau des nouvelles courbes de sa poitrine, et les contemplèrent, fascinés. Il n’avait pas eu l’occasion d’utiliser son stylet auto-piqueur d’inter-change jusque-là, et comme il l’avait acquis dans l’idée de l’utiliser en mission d’espionnage, s’était fait la réflexion qu’il lui serait sans doute plus intelligent de l’expérimenter avant d’être dans le feu d’une assignation. Il n’avait pas pensé qu’il développerait une fascination toute perturbante pour ses propres nouveaux atours. Mais peut-être était-ce là le charme de la nouveauté. De l’interdit. Car après tout, il y avait une saveur toute particulière à transgresser la ligne du genre sexuel pour visiter, aux premières loges, celui opposé.

    - Ca fait une sacré amélioration de Psolie. Je sens que je vais la revisiter dans mes prochains bouquins, continua à s’esclaffer Apolline.
    - Je ne pense pas changer Psolie, commenta distraitement Calixte en tournant sur lui-même pour apprécier pleinement le changement de ses formes.

    Sa voix avait changé pour des tonalités plus féminines, mais l’oreille attentive pouvait encore percevoir des notes communes à ses intonations de base. Voilà qui allait lui être d’un confort certain. Moduler la voix de Psolie avait été un exercice amusant, puis familier. Mais qui lui demandait cependant un certain effort comme une concentration plus accrue. Ne pas avoir à se soucier de ce genre de détail le rendrait plus libre de ses actions en mission.

    - La différence serait potentiel à trop de problèmes, poursuivit-il en notant peu à peu la différence légère, mais marquée, de la courbe de ses épaules à celle de ses chevilles. Je ne tiens pas tellement à me faire une Fameuse Soirée bis.
    - Si elle avait fini comme ma Fameuse Soirée, j’suis sûre que tu ne dirais pas non ! Un autre personnage du coup ? Une « Cal-Psolie » ? Une « Cal-Lipso » ?
    - D’autres personnages, oui. Béni soit l’inventeur du peigne magique. Et celui des cosmétiques.
    - Ca fera pas grand-chose pour ta démarche de charretier bourré par contre.
    - Ma démarche de Psolie est parfaite, merci. J’ai juste un souci de balance avec ces nouvelles… proportions.
    - Lève les yeux de tes œufs au plat déjà, tu verras ça aide de regarder autour de soi pour marcher.

    Alors qu’il allait rétorquer, du bruit au rez-de-chaussée interrompit la tirade qu’il avait sur le bord des lèvres. A travers le miroir, il échangea un nouveau regard avec Apolline. N’étaient-ils pas seuls ? Il n’avait pas vraiment fait attention à l’état de la demeure lorsqu’il était rentré de la Caserne, tout impatient de tester son objet de pouvoir. Et l’âme artificielle, jamais la dernière à approuver ce genre d’occupation foireuse, avait été prompte à l’y encourager. C’était à peine s’il avait pensé à refermer la porte d’entrée à clef avant d’enjamber l’escalier menant à l’étage.

    - J’ai un chapitre qui commence comme ça, nota avec intérêt la petite trousse. Un réparateur qui arrive au domicile d’une jeune femme sortant de la douche et n’ayant malheureusement pas assez de cristaux pour régler le brave.

    Levant les yeux au plafond, Calixte attrapa une tunique colorée qui trainait sur le dossier de sa chaise de bureau, s’en drapa rapidement, et sortit de sa petite chambre.

    - Tout un univers de nouveaux paiements qui s’offrent à toi, lui cria dans un rire Apolline.

    Tant pis pour la discrétion. Faisant encore quelques pas mal assurés, le garde appréhenda l’escalier et se pencha légèrement par-dessus la balustrade.

    - Zahria ? Luz ?
    - Demande-leur un cours de maintien ! Et de lingerie ! Quoi que la lingerie n’a déjà plus de secrets pour toi.

    Dans une manière tout à fait mesurée, il tira la langue en direction de l’âme artificielle même si, dans cette configuration, elle ne pouvait plus le voir. Il nota cependant qu’elle n’avait pas tort. Bon, pour la lingerie, mais aussi surtout pour le fait qu’étudier les postures des deux colocataires pourrait vraiment lui servir sous ce nouveau visage. Dans leurs mouvements, il ne connaissait pas plus féline que Zahria, pas plus généreuse que Luz. Pris de curiosité et tenté de s’y essayer, il repassa en mémoire toutes ces fois où il avait vu sa mentore dévaler les marches de son pas agile. Redressant son buste, laissant sa dextre flotter à distance de la rambarde, il déploya une jambe à la recherche de grâce. Passa un palier, et risqua un nouveau pas mesuré. L’affaire fût plutôt concluante jusqu’à mi-chemin, où un nouveau bruit lui fit lever les yeux de sa tâche. Et rater une marche.

    Dans une exclamation surprise qui lui sonna presque étrangère dans ces tonalités plus aiguës, il effectua un plongeon vers le rez-de-chaussée où il atterrit bien plus rapidement qu’initialement prévu. Dans une tornade de membres, quelques mouvements de valse du tissu, et un tableau tout à fait à l’opposé de la finesse qu’il avait cherchée à imiter, il fusionna instinctivement avec le parterre. Avant de réapparaitre dans une grimace. Qui donc l’avait troublé dans l’apprentissage de son nouveau corps ?
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
    Informations
    Re: La valse à milles temps
    Dim 11 Oct 2020 - 20:42 #


    Luz écoutait le souffle du vent dans les ramures échevelées des arbres. Elle s’était lovée dans un ample coussin, bercée par le son de la pluie qui tambourinait en un lent rythme énamouré contre les tuiles d’ambres et d’argent de la demeure. Le crépuscule y dessinait des remous insaisissables, des rigoles malicieuses qui serpentaient en torsades joueuses puis s’évasaient soudainement sur l’arrête du toit en cascades morcelées d’ombre. La gouttière, vaillante, recevait ce don du ciel sans faiblir, malgré le point de suture apparent qui maculait son flanc : Luz avait fait changé cet empan le matin même, constatant que la pluie n’y pénétrait plus du fait d’un nid désormais abandonné. L’agglomérat avait appuyé sur la structure qui avait malheureusement fini par se fendre sur sa largeur, dégouttant avec peine ses entrailles sur la terrasse du dessous. A présent que le soir tombait, elle s’était absorbée dans la lecture d’un ouvrage passionnant, emmitouflée dans un pull tissé en laine de talbuk alpha. Quelques fils d’or avaient été tressés dans la matière en motifs complexes, protégeant la peau fine et exposée de sa gorge d’un col roulé dentelé de pelage de lugnipus. L’on disait leur crinière capable de repousser la morsure de l’hiver lorsqu’un tisserand de talent parvenait à en extraire l’essence la plus pure. Cette composition vestimentaire était du moins idéale pour lire un bouquin à la faveur d’un soir d’automne, et Luz qui s’était laissé surprendre par la dérobade des heures plissait à présent les prunelles pour déchiffrer les lignes fantomatiques qui hantaient ses pages.

    La tour centrale de la demeure était d’ordinaire très peu habitée, pour ne pas dire désespérément solitaire. Cette terrasse aérienne était uniquement protégée d’un bastingage et trônait en simulacre de troisième étage, telle la proue d’un navire. Un toit élégant surélevait l’endroit et le protégeait des intempéries tout comme du soleil brûlant – en échange de quoi la place était exposée aux quatre vents, quatre larges ouvertures parsemant chacune de ses longueurs. L’été venu, Zahria et Luz aimaient y installer des coussins à la manière d’un château fort retrouvé, riant avec candeur lorsque la légèreté de leur quotidien le leur permettait. Une autre fois, les colocataires étaient parvenues à y installer un télescope finement ouvragé. L’instrument était capricieux, mais elles ne se lassaient guère alors de leurs trouvailles souvent bien plus alcoolisées que révérencieuses.

    A présent, la maison était froide et vide. Cet endroit uniquement accessible par une échelle avait été délaissé depuis plusieurs semaines au profit du petit salon, agréablement doté d’une cheminée et de la proximité du service à thé. Peut-être avait-elle espéré y retrouver une pointe de la compagnie d’antan en se réfugiant dans cet espace, ou peut-être s’accrochait-elle encore aux bribes déjà lointaines de l’été. Il y avait là un geste de ténacité, un dernier entêtement avant l’acceptation du passage des saisons. C’était également le seul endroit où personne ne songerait à la trouver et ainsi en quelques sortes une bulle de sérénité loin des rumeurs acides de la cité. Elle songea à l’héritier royal, tandis que son marque-page venait agacer sa lippe pensive d’un mouvement presque machinal. Le rendez-vous de l’après-midi avait été éreintant et l’adolescent boudeur ne progressait que trop peu lorsqu’il s’agissait de donner de la voix à ses démons intérieurs. Elle peinait à apporter à la Reine des preuves de leur progression et se désolait de reprogrammer continuellement des entretiens de suivi médical de mois en mois. Que faire pour aider quelqu’un qui refusait toute main tendue, dès lors que celle-ci le sortait de son confort ?

    Et puis… Il y avait l’hôpital. Un projet d’envergure auquel elle devait prêter toutes les ressources nécessaires pour lui permettre de battre des ailes. Sans quoi l’oisillon risquait de s’écraser tout bonnement sur la surface dure et sans pardon du sol. Obtenir l’accord de la royauté était une prouesse technique dont elle se sentait capable, récupérer une part de leur trésorerie à titre de financement demanderait un tantinet plus d’athlétisme. En somme, de nombreux mois de tension et une multitude d’aspects dont elle devait impérativement se souvenir, un peu comme le déroulement d’un combat ne pouvait se passer du bon tempo et de la bonne succession de pas. Oui, parfois, Luz fuyait et se réfugiait dans son propre espace intérieur, cette tourelle de froid vide et venteux que la pluie délavait à tout rompre.

    Et parfois, elle ressentait le besoin d’y coupler la chaleur de l’être humain, car il n’y avait guère que ses embrassades qui parvenaient à chasser définitivement les doutes et les complaintes qui la taraudaient. Leur rendez-vous était un événement qu’elle n’aurait pas daigné manquer. Louve aux aguets dans son écrin familier, Luz perçut le bruit de la porte d’entrée avec la clarté d’un animal captant la démarche singulière de son maître. Elle referma promptement son ouvrage, se releva d’un bond léger et s’étira à la manière d’un chat trop longtemps alangui devant la rumeur d’un feu de bois. L’immense coussin à ses pieds avait conservé ses formes, mais elle n’y jeta qu’un rapide regard désintéressé : elle n’avait pas de temps à perdre puisque rien n’était plus impérieux qu’accueillir Naëry. Sa dextre habile vint soulever l’ample torsade de ses cheveux flammes, ôtant les mèches rebelles qui s’étaient faufilées dans son col roulé et qui lui chatouillaient la nuque. Elle s’accroupit ensuite et s’engagea dans une cavalcade glissée de l’échelle qui aurait vraisemblablement eu toutes les chances de lui rompre le cou malgré son pied sûr.

    Elle atteignit le premier étage lorsqu’un bruit sourd résonna contre les murs. Cela ressemblait au galop d’un troupeau de chevaux de lune, la grâce en moins. Prise d’un terrible pressentiment, Luz s’élança dans le couloir et déboucha en haut des escaliers juste au moment où une étrange jeune femme nue se redressait péniblement tout en bas des marches. A mi-chemin entre l’incrédulité et la stupeur, les prunelles de la praticienne glissèrent lentement de la chevelure sable rehaussée de deux perles d’ambre à l’étonnement tout aussi perceptible sur le visage de Naëry.

    « … Calixte ? »

    Un froncement de sourcil, et puis, une once de méfiance sceptique :

    « … Qu’est-ce que vous avez encore fait, tous les deux ? »


    Naëry WigLe Lynx conteur d'Origamis
    Naëry Wig
    Informations
    Re: La valse à milles temps
    Mer 21 Oct 2020 - 20:16 #
    Valse à milles temps
    ─ avec Luz & Cal

    Je marche rapidement dans les rues de la Capitale, le vent me soufflant l’haleine humide de ce monde en plein visage, la pluie ne cessant de crachoter des perles d’eau qui s’accrochent sur mes mèches rebelles. Je m’empresse de retrouver Luz à la colocation, cette vieille bâtissent que sa meilleure amie – Zahria – et elle ont ressuscité. Une demeure qu’elles ont réussi à rendre chaleureuse et accueillante malgré les drames qui tourmentent le cœur de chacun de ses occupants. Un espace convivial que, je l’avoue, je délaisse bien volontiers, préférant le calme et l’austérité de mon studio. Enfin, austérité … peut-être est-ce là un mot qui définissait jadis mon cocon, il se veut bien plus personnalisé maintenant que Calixte y a ajouté ses petites touches personnelles. J’entends par là une statue de Glooby de deux mètres, ou encore un aquarium. Il y a bien quelques toiles de cet art qui le lie à Luz qu’ils affectionnent tous deux. Comment ça s’appelle déjà ? Hokusai ? Non, c’est le nom d’un peintre ça. Je ne le retiens jamais … indigne de moi.
    Mon appartement témoin s’est ainsi transformé en salle d’exposition. Ou en animalerie lorsque tous nos animaux s’y regroupe, au choix.

    Toujours est-il que je suis là, à sillonner les pavés de la ville pour retrouver ma dulcinée. La belle flamboyante m’a appelé quelques heures plus tôt au creux de son édredon, ses mots suaves et sensuels ont trouvé en moi un écho qui, l’espace de quelques instants, a détourné mon attention de mon objectif premier. Attention très vite refixé lorsqu’un mot qui m’a que trop éloigné de mes proches ses dernières lunes a été prononcé. La Cabale ! Et j’y suis resté quelques heures à farfouiller pour obtenir des nouveaux noms. Après des saisons de recherche, il me semble enfin toucher à mon but ! Et c’est avec un nouvel élan d’espoir que je pars rejoindre ma moitié, espérant sans trop de conviction trouver par la même Zahria pour lui livrer mes dernières découvertes. Bien que la métisse m’est interdit d’enquêter seul il y a de cela belle lurette, je la soupçonne de m’avoir donné quelques tuyaux par contact interposé – qui n’est autre que notre espion favori Calixte – pour m’aiguiller dans cette affaire ardue. Qu’ils aient été de base de bons ou mauvais tuyaux, cela n’importe plus, le résultat est là, je me rapproche un peu plus de Calia. Et par la même, des dangers que cette organisation semble bien cacher.

    C’est donc tout guilleret que j’arrive à la coloc, tout guilleret et trempé. Tout guilleret, trempé, et balafré. Je dois avouer que cette dernière information m’a valu quelques ennuis, fort heureusement j’ai filé avant que les grosses complications n’arrivent. J’entends déjà les sermons de la fauvette réprimander mes oreilles et la douceur de sa main soigner ma plaie. J’en profiterai pour demander l’existence ou non d’effet secondaire de la potion de changement d’apparence.  Pour en avoir bu peut-être à outrance ces derniers temps, j’ai remarqué quelques tâches qui apparaissent sur ma peau. Elles finissent toujours par s’évanouir mais tout de même, cela commence à m’intriguer.

    J’entre sans toquer, avec le temps qui se gâte la porte claque. Au moins pas besoin d’annoncer mon arrivée à Luz. Gouttant comme une serpillière usagée j’enlève les couches supérieurs, mon pull devenu étriqué par l’effet de la pluie se veut plus difficile à retirer. Il accroche ma chemise qui se soulève avec, je grogne ce qui m’empêche d’entendre la voix inconnue appeler, seule le vacarme d’une chute me presse, arrachant d’un geste vif mon bras coincé. Me voilà débraillé avec manteau et pull au sol, chemise à moitié relever quand le corps d’une femme apparaît au sol, encore moins vêtue que moi, à quelques pas. Je reste interloqué par cette présence pas si inconnue lorsque la voix de Luz résonne.

    - Calixte ?

    Un dixième de seconde de silence peut-être un peu trop prononcé appui ses soupçons.

    - Qu’est-ce que vous avez encore fait tous les deux?

    Mes yeux passent de Luz à la jeune femme, puis de la jeune femme à Luz, pour enfin se fixer sur la blonde.

    - Psolie?!

    Les gouttes de ma chevelure coulant sur mon visage me ramènent enfin à la présente réalité.

    - De quel artifice as-tu usé pour obtenir ce corps?

    Je dois bien avouer qu’il n’est pas déplaisant à regarder. En quelques pas furtifs Luz nous rejoint et s’empresse de vérifier que tout va bien pour l’espion. Quant à moi, après un baiser, pas si rapide, ses yeux s’attardent sur l’égratignure à mon épaule. Bon okay, une égratignure qui mérite peut-être un ou deux points.

    - C’est rien. la stoppé-je avant de recevoir sa réprimande. Je sais bien qu’il s’agit là d’inquiétude plus que d’une réelle remontrance. Je t’expliquerai tout à l’heure, pour l’heure, j’ai hâte de connaître l’histoire de Psolie!

    Les joues de Cal rosissent, il tire sur sa chemise pour tenter de couvrir son nouveau corps. Un bruit sourd et régulier nous interpelle, voilà qu’Apolline rejoint la partie.

    - Faites comme si je n’étais pas là, mon nouveau roman est en cours d’écriture ! Le retour à la Fameuse soirée! Avec dans le rôle principale, Caliiipso. Dit-elle fièrement prononçant le prénom avec lasciveté.

    Je lève un sourcil interrogateur vers la fameuse Calipso qui ne sait plus trop où se mettre.

    Arrangeant ma propre chemise Luz donne ses ordres, nous invitant tous à la chambre où elle pourra soigner ma légère blessure tout en écoutant le récit, qui ne manquera pas de rebondissement je suis certain, de notre cher espion à la démarche quelque peu chaloupé. Un sourire m’échappe.

    - Il va falloir réviser ta démarche, Cal transcende encore un peu trop encore.

    Le garde nous informe que là est son soucis et qu'il est désireux de quelques conseils. A peine pose-t-il les pieds sur la dernière marche que mes mains glissent sur ses hanches. Je le sens sursauter et se raidir.

    - Détends toi déjà, et sens, accompagne ta démarche.

    Je l'invite à faire quelques pas, mes mains fermement posées sur ses flancs lui impose la cadence. Je regarde Luz :

    - C'est mieux comme ça non ?

    code ─ croquelune

    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: La valse à milles temps
    Ven 23 Oct 2020 - 23:49 #
    Rajustant automatiquement la simple tunique dont il avait drapé ses formes, Calixte nota qu’elle limitait le nombre de mouvements qu’il pouvait considérer comme décents, même si, dans cette position assis au sol, sa coupe était assurément moins révélatrice pour cette silhouette féminine que pour son corps initial d’homme. Cela n’empêchait que, dans sa chute tout en battement d’ailes inefficaces, le tissu avait adopté un peu trop de libertés quant à son agencement, et qu’Apolline n’avait peut-être pas eu tort concernant l’accueil particulier qu’il pouvait réserver à quiconque se présentait à lui. Et, vraiment, il avait une bonne explication pour la légèreté de son habit. Mais Naëry ? Qui s’avançait à travers la pièce en s’effeuillant comme s’il s’agissait là d’une habitude tout à fait banale ? Les sourcils du garde s’arquèrent davantage à chaque bout de tissu quittant la silhouette de l’aventurier pour gagner nonchalamment le sol, mais l’ambre de ses yeux ne quitta pas un instant la chair peu à peu révélée.

    Et il faut peut-être là, à nouveau, remettre un poil – fut-il de fesse – de contexte. Si les chemins de Naëry et Calixte, s’emmêlant et s’entremêlant, avaient principalement joué de mélodrame sur les premières lunes de leur relation, le temps – et l’amour, mais surtout beaucoup de temps – avait fini par adoucir les affects de leur histoire, dissipant, comme l’eau érode doucement mais inexorablement la roche, la maladresse de leurs rapports. Comme Rebecca avait jeté l’Arthorias de ses rêves par-dessus le rebord de la falaise de leurs songes partagés, le garde avait laissé ses sentiments amoureux s’étioler au fil des lunes, pour disparaitre tout à fait derrière une amitié plus naïve en émois. Mais pas plus chaste. Car après tout, si son cœur s’était déchargé de son intérêt enflammé, son service trois pièces ne s’était pas senti obligé de suivre le programme. Ainsi, alors que l’atmosphère de leurs échanges – en ville, à la colocation, ou dans l’intimité du studio de l’aventurier – avait retrouvé une joyeuse simplicité, l’espion avait tout de même gardé une attirance des plus physiques pour son camarade de péripéties. Et si le temps toujours plus empressé – comme la décence qui lui restait encore un peu – l’avait toujours retenu de faire un pas en direction de la satisfaction de son désir charnel, ses yeux n’en avaient pas moins continué à profiter de chaque seconde du spectacle.

    Comme dans le cas présent. Le regard de Calixte remonta le long de la chemise débraillée de Naëry et, le temps d’un instant, l’ambre se perdit dans le mordoré. Une inflexion, interrogative de surprise, l’arracha à sa noyade pour se fondre cette fois-ci dans des champs d’émeraudes. Instinctivement, les doigts du garde vérifièrent que rien ne dépassait de dessous sa tunique légère. Ils passèrent d’abord un peu bas, avant qu’un éclair de lucidité lui rappelât que ses attributs les plus protubérants étaient à présent situés un peu plus haut. Automatiquement, il baissa à nouveau les yeux pour vérifier – contempler fasciné – les nouvelles courbes de sa poitrine, avant de lever brusquement la tête ainsi que les mains en signe d’innocence vers Luz qui semblait tout à fait sceptique.

    - Rien ! Enfin, pas à deux, poursuivit-il tandis que la médecin reprenait sa descente pour rejoindre son aventurier. Tout va bien, s’empressa-t-il d’ajouter alors qu’elle effectuait une pause à sa hauteur en lui adressant un regard soucieux, et peut-être un poil suspicieux.

    Il la regarda poursuivre son chemin, et alors qu’il s’apprêtait à répondre à Naëry, son attention se perdit dans l’étreinte des corps. Son œil avisé n’avait déjà pas perdu une miette de la démarche fluide de Luz – qu’il était bien décidé à copier à un moment ou un autre – et la sensualité naturelle de la flamme s’approchant de sa cible n’avait fait que captiver davantage sa curiosité. Et comme il suivait chaque pas de la médecin, ombre à distance de l’âme de lumière, il s’arrêta lorsqu’elle s’arrêta au niveau de la plaie ornant l’épaule de l’aventurier. La vie des membres de la Guilde était souvent pleine de péripéties, mais il nota distraitement qu’il ne lui semblait pas que le brun fût récemment parti sur une quête. L’espion n’eut cependant pas le loisir de trop s’attarder sur cette notion, même si elle chatouillait d’autres interrogations latentes à l’orée de sa conscience, car la taquinerie de Naëry le fit revenir soudainement à lui, et à ses formes inhabituelles. Et si celle-ci n’avait dû suffir à l’inciter à se recentrer sur ses propres préoccupations, la voix amusée et triomphale d’Apolline aurait sans aucun doute fini d’accomplir cette tâche.

    Grommelant, Calixte laissa Luz l’aider à se relever, et observa la jeune femme les précéder à nouveau dans l’escalier pour se diriger vers les chambres à l’étage. Après une seconde d’hésitation, il posa un pied incertain sur la marche la plus proche, et emboita le pas à la médecin. Pris entre l’observation enchantée de la grâce fauve de son amie et l’effort de concentration pour tenter d’imiter celle-ci, il fut surpris de la douleur, légère mais bien présente, saisissant sa cheville alors qu’il s’élançait. Si sa fusion instinctive avec le parterre lui avait évité quelques maux, sa glissade initiale lui avait tout de même laissé quelques souvenirs. Les mains de l’aventurier sur ses hanches le surprirent, puis le stabilisèrent. Et ils poursuivirent leur ascension ainsi.

    - Je voudrais t’y voir, toi, avec l’équilibre tout chamboulé, marmonna-t-il en faisant référence à sa silhouette modifiée comme, à mi mot, à son pied défaillant. Et ma démarche de « Cal » est parfaite, merci, répéta-t-il en levant le menton, faussement vexé.

    L’espion entrelaça ses doigts à ceux de Naëry pour réajuster leur position afin de mieux compenser sa jambe en difficulté, et ils franchirent les dernières marches sous l’œil attentif de Luz. Et les commentaires lubriques d’Apolline.

    - Néanmoins j’admets que j’aurai bien besoin de quelques conseils, admit Calixte en éludant par habitude les propos de l’âme artificielle. De manière assez évidente c’est là une nouvelle forme – temporaire, rendue possible par un objet de pouvoir – pour laquelle il me manque pas mal d’expérience. D’une part pour m’habituer aux nouvelles proportions – aussi peu importantes soient-elles – et d’autre part pour acquérir un certain…
    - Sex-appeal !
    - … charme ?
    - Parce que Cal prévoit d’aller faire le tapin. Espion ça paie pas assez.
    - Parce qu’il est intéressant d’avoir accès aux deux sexes. Ça ouvre des portes.
    - On appelle ça des portes maintenant ? Ces codes d’espions que vous avez…

    Calixte voulut répliquer, mais le changement de positionnement des mains de l’aventurier sur ses hanches le déséquilibra – peut-être avait-il un peu trop compté dessus – et le premier étage l’accueillit sur une nouvelle culbute où il se serait mangé le parquet si Luz ne l’avait pas réceptionné au creux de ses bras. Et de son pull tout en onctuosité.

    - C’est tout chaud ! Et tout doux ! s’exclama-t-il en éloignant finalement son nez de la laine tissée mais en laissant encore ses doigts profiter de la chaleur du vêtement ; et nul doute de sa porteuse.

    Certainement que le textile fort agréable au toucher l’avait été beaucoup moins pour les finances de la jeune femme. L’œil de l’espion reconnaissait là un tissu de très bonne facture, l’œil du noble le détail d’une certaine rareté et exclusivité. Se détachant tout à fait de la flamme de la médecin, le garde laissa le couple le devancer alors qu’il s’arrêtait à la hauteur d’Apolline.

    - T’sais quoi d’autre est chaud et doux ? lui demanda-t-elle narquoise.

    Si cela avait pu être possible, ils se seraient probablement bêtement défiés du regard. Mais comme elle n’en avait pas de bien défini, et que le coursier pouvait aussi être puéril lorsqu’il le voulait, il l’envoya valser d’une pichenette bien placée. Dans un grand éclat de rire, la trousse décrivit un parfait arc de cercle au-dessus des escaliers, et disparut au rez-de-chaussée à présent déserté pour mieux le remplir de son hilarité.

    Se forçant à relever la tête pour obtenir un semblant de port altier, Calixte reprit son chemin clopin-clopant. Sur le palier de la chambre de Luz, il hésita une brève seconde avant que, à travers l’embrasure de la porte, le regard de sa propriétaire lui fît comprendre qu’il – et sa cheville où soi-disant tout allait bien – pouvait/devait entrer. Il franchit le seuil de cette bulle d’intimité, et avisa une commode sur laquelle il hissa son postérieur, déchargeant sa cheville et gagnant un point d’observation des deux êtres chers évoluant sous les lueurs artificielles des cristaux de lumière. Au rythme du bruissement des branches ballottées par le vent au dehors, il y avait là une danse tout en complicité, tout en sensualité, qu’on lui permettait d’appréhender en toute simplicité. Sans artifices, sans complications. Sans mélodrame. Et comme enfin Naëry laissait les mains capables, attentives, aimantes, de Luz s’approprier cette blessure de sa chair à hauteur de son épaule, Calixte laissa son regard couver d’émerveillement les gestes synchronisés d’une chorégraphie tout en passion. Distraitement, il nota qu’en dépit de la légèreté de sa tunique, il était loin d’avoir froid. Et qu’il y avait, en la matière, certains avantages à disposer du corps d’une femme.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: La valse à milles temps
    Dim 8 Nov 2020 - 18:14 #


    Luz passa la pulpe de son pouce sur la rainure qui traversait la peau de Naëry. Sa chair était chaude, vivante sous la paume de sa main, et elle sentait les sons vivre et rebondir dans son torse tandis qu’il parlait – une voix basse et roulante comme les galets l’été dans la fraicheur d’une rivière de montagne. Les sourcils de la praticienne s’étaient plissés. Une fine ridule incrédule, à peine perceptible, dans laquelle s’était ramassée une angoisse silencieuse. Ce n’était pas une blessure anodine, pas une blessure que l’on se faisait par mégarde au détour d’un meuble, le souffle brusquement ôté des lèvres au contact honni du doigt de pied contre un coin. Il ne s’était pas fait cela en cuisinant chez lui, en faisant ses courses ou en évoluant dans son quotidien paisible et bienveillant. Elle ne parvenait pas tout à fait à identifier la nature du coup, mais elle en devinait la violence, la tentative mortelle derrière l’hématome, ce bruissement de chair qui avait manqué ne plus jamais franchir son pallier. Qu’avait-il fait ? Qui l’avait attaqué ? Comment s’était-il blessé ? Où était-il all…

    La main de Naëry effleura sa joue, entoura sa mâchoire comme un écrin à sa juste place. C’était une main d’homme, grande, déliée, la main d’un Aventurier qui avait plusieurs fois arraché sa vie aux dangers du terrain. Et pourtant… Elle était là à sa plus juste place, en coupe autour de son visage : ses rondeurs lui seyaient comme un manteau d’hiver taillé sur mesure. Il parlait avec Calixte, le regard rieur, le sourire heureux, lorsque ses prunelles s’ancrèrent avec confiance dans celles de Luz l’espace d’un infime instant. Son pouce vint spontanément lisser le pli soucieux qui avait pris racine au coin de son regard, effaça d’un seul geste la ridule qui s’y était discrètement glissée. Et ce fut tout. Comme cela, comme l’on chasse les nuages grondant d’un orage. La main de Naëry quitta son visage et vint sagement patienter sur la cuisse de son amante. Elle se redressa imperceptiblement et se mit à la tâche, ses longs cils sombres recouvrant le vert redevenu limpide de ses iris, ses doutes balayés d’un souffle par la foi aveugle qu’elle vouait en son Lynx.

    Elle puisa dans Vol vie tout en intégrant distraitement les explications de Calixte. Le découvrir dans un autre corps que le sien la surprenait peut-être moins qu’un observateur extérieur – elle vivait après tout avec plusieurs espions depuis de nombreux mois et les potions de changement d’apparence étaient vraisemblablement le moins étrange qu’elle ait eu à croiser. Il n’était pas rare que Zahria elle-même se grime en quelqu’un d’autre au cours de ses missions, et Luz s’amusait régulièrement à découvrir de parfaits étrangers dans son salon, sirotant paisiblement l’une de ses cent trente-deux tisanes différentes. Cela avait considérablement contribué à canaliser sa surprise puis à instaurer une forme de constatation passive en son for intérieur. A présent, elle se contentait de jeter un regard torve au grand inconnu basané à la barbe soyeuse qui utilisait la salle d’eau, ou saluait avec flegme la grand-mère abîmée par le temps et emballée dans son châle qui sautait quatre à quatre les marches de l’escalier à la manière d’un agile cabri. Et ce n’était là que les anecdotes les moins spectaculaires lorsque l’on vivait quotidiennement avec le Maître espion et sa vaste famille. Elle n’évoquait plus le vacarme de feu d’artifice qui l’avait réveillée une fois en pleine nuit ni l’inondation qui était brusquement partie du bureau de Zahria pour gagner progressivement le rez-de-chaussée. La praticienne retrouvait encore parfois des restes de poisson étonné derrière les placards. Manipuler d’étonnants artefacts confidentiels n’était pourtant que le quart du travail de sa colocataire.

    Cette fois, du moins, Calixte avait opté pour un objet de pouvoir. Son corps était considérablement plus travaillé, une œuvre ciselée qu’elle devinait sous les remous du drap, à la lueur succincte de sa chambre. Il.. Se ressemblait. Et était différent tout à la fois. Ses yeux étaient sans doute l’élément le plus reconnaissable de sa panoplie – il arborait le même regard curieux, observateur et intelligent que sous sa forme masculine. Cette manière presque enfantine de poser sur le monde un regard prêt à tout avaler, réfléchi… Anxieux ? Elle songea qu’elle ne l’avait jamais véritablement détaillé, plus préoccupée par les fissures et les joies qu’elle saisissait sous les traits de ses proches que leur véritable physique. Cette enveloppe charnelle lui sautait à présent aux yeux avec l’évidence des phénomènes naturels, et elle se fit la réflexion que son apparence présente réussissait l’exploit de traduire à merveille tout autant sa fragilité que sa force. Nu(e ?) comme au premier jour de sa vie, à peine vêtu d’un drapé soyeux avec pour seul outil son regard désarmant. Un coup d’épaule peut-être suffirait à le chasser de son meuble avec son équilibre défaillant, perdu dans son propre corps comme un navire jeté dans la tempête. Et cependant… Des muscles fins et noueux se lisaient dans sa silhouette féminine, cette poitrine ravissante qui soulevait le drapé au rythme de sa lente respiration. L’aisance d’un espion silencieux, ce pied sûr qu’il ne tarderait pas à trouver sous cette forme également, la férocité de crocs sous la fragilité d’une peau porcelaine. Il n’oubliait rien. Réfléchissait à tout, recoupait les éléments, s’était révélé l’une des recrues les plus prometteuses du Maître espion. Il n’était pas – ou plus – une âme à secourir. Mais un ami, un allié, bien plus que l’enfant égaré qu’elle décelait parfois en contre mesure dans certains de ses rapports au monde.

    Oui, Luz était heureuse de la relation qui s’était bâtie entre Calixte et Naëry. S’ils veillaient l’un sur l’autre, elle n’aurait plus jamais à s’inquiéter. Chacune des personnes présentes dans la pièce ce jour se serait battue plus ardemment qu’une mère louve pour protéger les autres… Ils ne craignaient rien. Ni personne.

    « C’est terminé, te voilà flambant neuf, espèce d’indécrottable casse-cou, annonça-t-elle à son Lynx tout en tapotant son épaule à présent réparée. »

    Une évidente affection avait ourlé ses lèvres d’un sourire malicieux, torpillant bien malgré elle sa tentative de remontrance. Elle se leva dans une souple torsade de cheveux et s’approcha d’un pas glissé jusqu’à Calixte sans se départir de son sourire. Renarde flairant quelque faisan appétissant, elle tendit la main pour inviter son ami à la saisir et à se redresser :

    « Laisse-moi te voir un peu. Crois-moi, tu ne manques déjà pas de charme dans ton plus simple appareil ! ajouta-t-elle dans un rire. »

    Elle recula et l’observa à la manière d’un Maître sculpteur contemplant la plus splendide de ses créations. Sa moue se fit appréciatrice, et une lueur plus… Rapace ourla ses prunelles.

    « Tu as de la chance, je t’offre la première leçon gratuitement. Elle lui glissa un clin d’œil. Ces attributs qui te déséquilibrent, ils sont ta meilleure arme. Souligne-les, transfigure-les, mets les en avant. Ne les dévoile pas tout à fait, laisse planer l’imagination de ceux qui te regarderont. Juste de quoi attirer leur regard, les faire rêver, fantasmer… »

    Une grimace la saisit et elle passa deux doigts dans son propre col roulé.

    « Enfin… Je ne suis pas le meilleur exemple qui soit. Le charme est cependant une chose complexe, je ne suis pas certaine de pouvoir te le décrire… Cela varie considérablement selon les goûts et les couleurs. »

    Elle tapota son menton de deux doigts pensifs et se retourna vivement vers Naëry, aussi malicieuse qu’un matou s’apprêtant à renverser volontairement une tasse de café chaud :

    « Dis-nous Naëry. Que regardes-tu chez moi ? Qu’est-ce qui t’attire présentement chez Calixte ? »

    Alors, sa dextre sournoise se tendit et s’enroula autour du poignet de Calixte et elle le tira vers elle avec une sensualité tout en douceur. Leurs corps se frôlèrent puis se collèrent l’un à l’autre, et elle put sentir la chaleur de sa peau à travers le fin drap qui peinait encore à poursuivre son office. Elle se fendit pour sa part de son plus beau sourire, ne résistant guère à cette petite taquinerie qu’elle ignorait être beaucoup plus sérieuse que prévu… Personne ne lui avait en effet parlé des anciens sentiments de Calixte. Ses doigts légers comme des hirondelles se faufilèrent dans le dos de la belle espionne, laissant une traînée chaude et soyeuse dans le creux de ses reins.

    « En tous cas, tu féliciteras ton enchanteur, ronronna-t-elle tout contre son oreille. »

    Naëry WigLe Lynx conteur d'Origamis
    Naëry Wig
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    Re: La valse à milles temps
    Mar 17 Nov 2020 - 22:59 #
    Valse à milles temps
    ─ avec Luz & Cal

    - Accès aux deux sexes pour t’ouvrir des portes ? As-tu réellement besoin de changer de genre pour cela Cal? interviens-je en souvenir de la croisière et des allusions d’Apolline.

    Disparaissant régulièrement, notre cher espion semblait bien se plaire parmi les matelots. Le regard que l’un d’eux portait au blondinet ne m’avais pas échappé, encore moins le désir qu’il éprouvait à son égard. Peut-être est-ce là des interprétations libres de mon imagination. Après tout, on parle des sentiments non clairs du garde à mon égard, mais les miens sont-ils si limpides ?

    Je couve Cal d’un regard énigmatique. Installée sur sa commode, son alter féminin n’est pas des plus déplaisants à regarder. Encore moins lorsque mon amante lui rôde autour, le regard chapardeur et le sourire malicieux. Les goûts et les couleurs … Heureusement qu’il en faut pour tout le monde, il y a tout de même des corps et des charmes qui plaisent au plus grand nombre, avouons nous le. Et celui de Psolie, bien que discrètement formé, devrait faire son petit effet. Est-ce cet air innocent qui accentue l’attraction qu’elle dégage ? Nul doute que le besoin de protéger cet être qui semble presque fragile entre en jeu, le syndrome du héros. On ne m’y prendra pas, sous ses airs séraphiques je reste persuadé de Calixte saurait parfaitement se défendre, sa langue peut se faire aussi acerbe que le venin d’un cobra.

    Et à côté de cela il est capable de se faire trancher en deux car Monsieur a décidé de faire copain copain avec des Wärdans dont le comportement ET l’apparence appellent à la plus grande prudence. Quoiqu’il en soit, l’espion reste pour moi une ambivalence, un paradoxe, une subtile contradiction que je n’arrive pas à cerner.
    Une ambiguïté sur laquelle je veille, accordant toute son importance à chacune de ses réactions, de ses gestes. Jusqu’à ce que Luz tente de me piéger de son espièglerie taquine.

    - Je regarde tes yeux ma douce évidemment. Tu sais bien que ce sont les fenêtres de l’âme.

    Quant à Calixte, que dire sur ce qui m’attire …

    - Et bien je dois avouer que ta tenue n’est pas pour me déplaire Psolie.

    Oui, on ne va pas se mentir, l’atmosphère réchauffée me chatouille le bas ventre.

    - Luz t’a très bien décrit ce qui est séduisant : la suggestion.

    Le regard de l’espion est intense, ce qui me trouble un tant soit peu. Une force que je retrouve dans les yeux de mon amante, beaucoup plus maîtrisée.

    - Te dévoiler sans vulgarité, reste naturel/le. Je ne pense pas que ... Je tais la fin de ma phrase. « Je ne pense pas que tu es eu beaucoup de refus jusque là. » Qu’en sais-je réellement ? Je l’ai bien fait moi. Et il m’en a coûté. Il aurait été facile de se laisser tenter, de répondre à sa demande, à son désir. A quel prix ? Un cœur dévasté ? Est-ce mieux qu’un esprit torturé ?

    Je m’approche et lui tends mes mains. Elle s’en saisit avec la délicatesse que je lui connais sous ses traits masculins.

    - Voyons cette démarche...

    Bras dessus, bras dessous, nous faisons quelques pas de la chambre au couloir puis du couloir à la chambre sous l’oeil vigilant et futé de ma renarde. De nouveau dans le cocon de mon amante j’invite Psolie à tourner sur elle-même avec ma main pour guide, ce qui à le mérite de lui faire perdre un peu plus l’équilibre.
    Luz se glisse à nouveau derrière la blonde des sables pour épouser ses formes et l’inviter à suivre son corps de louve. Attrapant ses mains, elles se rapprochent dans un parfaite ensemble de moi pour glisser leurs doigts entre les mains et une danse sans musique débute.

    - Un, deux, trois et un, deux, trois ... souffle ma bien-aimée à l’oreille de Psolie.

    La valse se poursuit quelques instants, jusqu’à ce que les pas de la garde deviennent un peu plus sûr, la douleur de sa cheville oubliée par ce trio d’étoiles improvisé. La chaleur de nos corps se confond, et alors que Luz se détache petit à petit je tourne encore quelques fois avec Cal-femme avant de laisser ce nouveau corps rejoindre son homonyme pour une tango un peu plus pêchu.
    J’attache mes cheveux sommairement et je rentre dans cette danse improvisée.

    code ─ croquelune

    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: La valse à milles temps
    Sam 21 Nov 2020 - 23:30 #
    Il observa un temps les mains présentées devant lui, ces mêmes mains qui s’étaient opposées à lui un jour de Fameuse Soirée, qui s’étaient tendues vers lui dans la tension d’un livre à l’histoire plus vraie que nature, qui s’étaient trouvées déroutées, sidérées, une belle nuit au Village Perché. Avant de le repêcher à nouveau, lors de temps sombres à la fin de l’innocence. Et de continuer à l’accueillir, au fil des lunes, de leur chaleur bienveillante. Il avait pensé observer de loin les corps agiles de ses colocataires, et s’approprier leurs charmes à force de persévérance face à l’intransigeance du miroir. Mais n’y avait-il finalement pas plus solide comme barre d’appui que ces larges mains aux contours qu’il connaissait si bien ? Plus révélateur comme reflet que celui que lui renvoyaient les yeux mordorés de l’aventurier ? Plus adaptée comme mélodie que celle des directives prévenantes énoncées par la voix grave ? Quittant la douce flamme de Luz, se détachant d’un corps pour mieux s’approcher d’un autre tout en restant dans ce cocon confortable qu’on lui offrait, l’espion lia ses doigts à ceux de Naëry. Et se laissa entraîner dans le couloir.

    Le bruit du parquet chantant sous leurs pas rappela à Calixte le souvenir de Zahria, traversant les pièces de sa démarche féline. La silhouette de l’escalier lui fit se remémorer le pas généreux de Luz, dévalant les marches dans un enthousiasme communicatif. Les propos de la médecin effleurèrent son esprit, et le garde songea que celle-ci n’avait pas tort. S’il s’arrêtait sur ce qui l’attirait lui-même chez les autres, et le fascinait au plus haut point, c’était bien la suggestion. Celle qui happait les sens, et conservait leur intérêt d’un voile de mystère. Et au-delà des diverses toilettes pouvant faciliter la donne, il y avait tout de même dans le maintien du corps, dans son évolution à travers l’espace, un travail plus complexe à faire pour obtenir la grâce des lignes, fussent-elles immobiles ou actives. La grâce imputable au désirable secret sous-entendu. Et cela, l’espion était bien moins certain de ses capacités pour appréhender cet état de charme. Alors que son esprit s’emmêlait dans les réminiscences, dans les notes, dans le calcul méticuleux mais complexe de la position de ses membres comme de leur apparence, il chancela au virage proposé par Naëry, et s’accrocha au bras lui servant de barre comme l’oisillon craignant de tomber de son nid.

    Sans compter sa cheville qui se taisait peu à peu, peut-être mettait-il trop de poids sur le talon de ses pieds ? Mais ne fallait-il pas compenser celui, même relatif, de ses nouveaux attributs ? Le pas de Zahria lui semblait toujours leste, n’y avait-il pas là un positionnement optimal de la voûte plantaire à obtenir ? Ou était-ce une question de cadence ? La cambrure de ses reins ne lui paraissait pas tout à fait naturelle. Mais son équilibre ne serait-il pas trop précaire à moins se pencher vers l’arrière ? Comment garder un semblant d’adresse, de souplesse, tout en acquérant davantage de dignité ? La rigidité de ses membres, à la recherche de la position idéale, était-elle seulement fonctionnelle ? Ses omoplates devaient-elle lui donner l’impression de se rejoindre pour que son buste fût droit ? Ses repères d’homme étaient-il absolument caducs sous cette forme féminine ? N’y avait-il pas de terrain commun ? De mimiques communes ? De beauté transcendant la forme et le genre ? Sourd à ses interrogations, ou peut-être trop conscient de leur existence, Naëry leva soudainement sa senestre et entraina le corps de Calixte dans une rotation.

    Sa chair accusa un sursaut de surprise, ses pieds vacillant davantage, son bras libre battant vainement de l’aile, ses mèches courtes fouettant ses tempes. Ses pensées préoccupées s’envolèrent dans le mouvement centrifuge, pour disparaitre quelque part au-delà du cocon de bienveillance qu’il y avait ici. Nid de tendresse, entre les murs de la chambre de Luz, entre les mains de ce couple étonnant. Et un rire – décontenancé, amusé, émerveillé – traversa le buste de l’espion pour franchir sans peine ses lèvres, avant de rebondir contre les parois molletonnées de cet espace chaleureux. Et peut-être que, sans chercher tout de suite l’effort de l’apprentissage méthodique, sans s’engoncer dans un tas de théories complexes et de contorsions alambiquées, il pouvait déjà profiter de cet endroit pour apprendre à être lui. A être elle. Ni l’un, ni l’autre ; un peu des deux. Et peut-être complètement les deux à la fois. Car s’il y avait bien un lieu où il pouvait laisser tomber le masque, oublier ses rôles, et se montrer en tant que lui-même, elle-même, pleinement, sereinement, n’était-ce pas ici ? Dans cette bulle affectueuse, entre Luz et Naëry ?

    Son rire s’étiola à la faveur d’un silence à la fois moins lourd de préoccupations, mais plus épais d’indécision. Un moment de flottement, de possibilités. Ses dents marquèrent doucement son hésitation contre sa lippe, et il sentit son embarra s’inscrire de sa nuque à ses chevilles. Faisant vaciller l’ambre de ses yeux, et frémir de doute son être. Alors la présence de Luz s’affirma dans son dos, plaquant la douceur chaleureuse de son âme contre la sienne, lui offrant le confort et la sécurité nécessaires pour se dévoiler tout à fait. Les doigts mentors s’entremêlèrent aux siens novices, et ils resserrèrent leur union autour de ceux plus robustes de l’aventurier. Le souffle de la médecin effleura le pavillon de son oreille pour glisser le long de sa joue, et Calixte se laissa guider sur ce nouveau pas de deux. A trois. Et bien à eux trois. Pas de Psolie. Pas d’Alix. Pas de Calipso. Pas de Théophan. Pas d’autre facette ni d’autre nom malgré une apparence inusuelle pour lui. Simplement, pour une fois, lui. Elle. Il aurait bien l’occasion de se forger de nouveaux rôles, après avoir appris à être lui. Elle. Iel ?

    Malgré l’entrelacement de leurs mains, les siennes lui parurent soudainement plus légères. Malgré l’ancrage plus fort de ses pieds au sol, dans un glissé comme dans un tour, ses pas lui semblèrent plus agiles. Malgré le confinement des troncs qui l’entouraient, sa charnière se trouva alors plus aisément libre de souplesse. Les doigts sous les siens comme barre de maintien. Les corps l’enveloppant comme tuteurs. La mélodie des cœurs entraînant le sien comme métronome. Le reflet des prunelles face aux siennes comme miroir. Une chaleur bienheureuse se saisit de sa poitrine, diffusant jusqu’au bout de ses ongles. Inscrivant des étoiles au fond de ses iris, un sourire le long de ses lèvres, une félicité rayonnante sous chaque parcelle de son derme. Ils firent encore un pas de côté, sous l’impulsion de Naëry et le tempo fredonné de Luz, et un nouveau rire échappa à l’espion. Moins surpris, plus sincère. N’était-il pas agréable, d’en plus de faire danser les corps, faire danser les âmes ?

    Ils se regroupèrent une nouvelle fois, et leurs lignes s’épousèrent davantage. Et comme leurs flammes virevoltaient en se frôlant toujours plus, presqu’au point de se confondre, et qu’il y avait là livrée nue l’essence comme – presque – la chair, à la mesure où cette dernière renouait avec la première pour s’affranchir du poids du devoir, en contretemps se développait davantage la passion. Mise de côté à la faveur d’un interlude maladroitement studieux, l’attirance naturelle pour ces deux personnalité – et corps – remarquables s’était tue un temps. Mais à présent que l’honnêteté valsait sur le devant de la scène comme dans les coulisses, il était difficile à Calixte de ne plus s’attarder sur certaines évidences. Certaines tentations. Celle du visage impénétrable lui faisant face, pourtant si attachant dans ses quelques expressions livrées. Du large torse, solide, ciselé par les entrainements pour rester digne du titre d’aventurier. Des jambes volontaires, dont le vêtement encore quelque peu imbibé d’eau soulignait les reliefs sensuels. Des mains chaudes, guidant les siennes à chaque mouvement, promettant toujours plus d’horizons. Celle du souffle tentateur, caressant sa joue à chaque mesure, épargnant cruellement ses propres lèvres. De la voix envoûtante, dont le velouté laissait espérer à chaque tournure une cadence un peu plus enivrée. Des courbes généreuses toutes en suggestion contre son dos, qu’il aurait pu retracer les yeux fermés à force de les observer, de les apprécier, et présentement de les sentir aussi intimement. Des doigts habiles et déterminés, guides plus d’une fois, en plein soleil comme dans la tempête, faiseurs de miracles comme de rêves.

    La douceur de la béatitude céda sa place à la brûlure du désir charnel, accélérant le rythme de son cœur, ravivant les braises de ses prunelles, diffusant au plus profond de sa chair le picotement d’anticipation défiante de l’envie. Ils effectuèrent un nouveau tour, leurs corps se démêlant pour mieux s’entremêler, et alors que Luz se retrouvait dos contre le torse de Naëry, Calixte finit plus rapidement sa rotation pour faire face au couple ainsi regroupé. Et n’y avait-il pas plus naturel, plus beau, que la louve de foudre réunie avec le lynx mystérieux ? Il y avait là une harmonie simple, presque parfaite, attendrissante, réconfortante et fascinante. Séduisante, aussi. Terriblement désirable.

    Les lignes du sourire qui étirait ses lèvres se modifièrent quelque peu, faisant écho aux lueurs plus lascives de ses iris. Et, rassemblant le duo de mains entre les siennes, l’espion se fendit d’une lente révérence, laissant le léger tissu de sa tunique dévoiler tout en mesure certaines de ses formes. L’éclat de l’ambre s’accrocha un temps au mordoré solaire, avant de se perdre dans les prairies émeraudes. Le rose de sa lippe effleura la chaleur des doigts entre les siens.

    Une suggestion. Une interrogation. Une permission.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: La valse à milles temps
    Mer 2 Déc 2020 - 19:52 #


    Luz observa leurs mains tendues par-devers l’espace, ce gouffre autrefois infranchissable désormais réduit au souffle de l’espion devenu femme. Leurs cavalcades et sauts de chat les avaient conduits au travers du couloir puis jusqu’à l’entrée de la bibliothèque. Luz en percevait la fragrance légèrement poussiéreuse et celle plus épicée du whisky que Zahria et elle avaient dégusté l’autre soir. Lorsque les prunelles de Calixte remontèrent dans les siennes, une onde irisée y avait pris racine, un doré ambré comme la rumeur d’une flamme maligne et roublarde. Ils étaient très précisément où la louve souhaitait qu’ils soient. Ô pauvres mortels qui s’étaient jetés dans ses filets, elle qui était plus vile qu’une Impératrice à la tête d'un Royaume absolu, son front ceint d’une couronne de luxure et l’éclat embrasé de sa chevelure fauve pour toute parure. Ses iris s’ombragèrent, à demi voilées sous ses longs cils sombres, embusquées et aux aguets d’une alléchante trace de faiblesse chez sa proie : sa senestre glissa sournoisement sur l’arrête de la mâchoire tendue et elle se coula d’un pas contre Calixte. Sa main poursuivit sa route dans les crins d’or de sa compagne, se coula dans sa nuque tandis qu’elle la contournait, se plaçait dans son dos avec la reptation souple d’une couleuvre en chasse.

    Alors, ses lèvres rouges comme un fruit s’ourlèrent d’un fragment de sourire tout de miel sensuel. Derrière elles, son fessier put prendre appui contre le dossier du large canapé, lui permettant du même temps de soulever une jambe fuselée et gracile dont le pied nu vint s’appuyer sur le torse de Naëry pour l’empêcher d’avancer, Calixte bien malgré elle prise au piège entre eux deux. Un pétillement provocateur traversa la moue de la praticienne, son regard ancré au mordoré de son amant en une forme de défi proclamé et silencieux. Cette proie serait à elle tant qu’il ne revendiquerait pas son territoire ! Vile féline, sa dextre glissa avec lenteur sur la cuisse de Calixte, retroussa le tissu d’un blanc crémeux sous ses doigts habiles, une pluie d’étincelles diffuses entre leur deux peaux brûlantes. Son autre main se faufila sous le drap, remonta sur son ventre plat dont elle pressentait les muscles tendus, dévoilée au regard de Naëry par le froissement du tissu et l’ombre suggérée sous cette bien mince paroi factice. Oh, quel doux son pouvait bien produire Calixte ? Ses lèvres s’entrouvrirent sur un sourire taquin et ses dents se refermèrent en une morsure échaudée sur le lobe d’oreille de l’espionne – guère plus qu’une caresse suggérée pourtant, mère de toutes les promesses qu’elle se jurait de tenir en cet instant.

    Encore, toujours, son regard n’avait pas un seul instant quitté celui de Naëry, son lynx qu’elle tenait en respect de sa royale cheville, victorieuse et éblouissante. Il n’y avait pas plus terrible torture que ce spectacle offert aux mouvements restreints, et ses ongles ne cessaient d’effleurer la peau affamée de l’espionne sans la nourrir, un frôlement ici et là qui dérangeait progressivement la bonne mise de sa tenue, dévoilait une épaule, révélait la courbe charnue de sa poitrine, plus désarmée et frémissante devant Naëry qu’un homme soudainement projeté dans le corps d’une femme. L'étagère proche frissonna contre les protestations du canapé mit à rude épreuve dans ce jeu du chat et de la souris, et quelques livres éparses tombèrent à terre dans une pluie de papier aux reflets moirés sans les toucher. Dans cet écrin de savoir, schémas anciens tracés à l’encre et secrets millénaires révélés dans l'indifférence, elles demeuraient alanguies l’une contre l’autre et Luz se sentait mourir d’une envie cavalière de se saisir de ces deux âmes que le destin lui avait si généreusement remises. Empreinte d’une grâce toute féminine, elle savourait l’impatience qu’elle voyait bouillir dans les muscles et la silhouette de son tendre Lynx, se délectant par avance de cette cassure qui le saisirait très bientôt et de cette seconde délicieuse où tout basculerait à nouveau…

    Naëry WigLe Lynx conteur d'Origamis
    Naëry Wig
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    Re: La valse à milles temps
    Mar 22 Déc 2020 - 11:49 #
    Valse à milles temps
    ─ avec Luz & Cal

    Une valse effrénée nous mène par delà les couloirs et les portes, tout droit dans l’antre de la connaissance dont nous faisons fi. Je soupçonne ma chère et tendre de mener la danse comme elle l’entend, un sourire satisfait et gourmand étirant ses lèvres qui n’attendent que d’être goûtées par l’avide délicatesse d’un baiser. Luz virevolte autour de sa partenaire sans me perdre du regard, un jeu que je connais que trop bien, je m’avance et me vois refuser à cette nouvelle danse. Les gestes graciles de ma partenaire surprennent l’esprit envoûté de notre invitée qui finit par se laisser prendre dans cette atmosphère charnelle, moi-même hypnotisé par le divertissement offert par la renarde.

    La tension monte, nos souffles s’accordent dans la lenteur d’un tango répété inlassablement, seul celui de Calixte ajoute un nouveau pas à notre ancien duo. Le pied de ma belle me tient à distance avec fermeté, me défiant de venir m’imposer. Un sourire téméraire s’associe à mon regard devenu mutin, et alors que la fauve effeuille la nouvellement femme blonde une caresse après l’autre, je me recule d’un demi pas, laissant sa jambe battre l’air, un regard surpris disparu aussi rapidement qu’il m’interroge pour laisser place à l’avidité de mes actes. Que vais-je faire ?
    Lui retirer tout bonnement la douceur de la peau de notre garde que je ramène contre moi d’un mouvement de bras, sa main dans la mienne nous chavirons ensemble dans un demi-tour qui plaque Calixte contre la bibliothèque, mes lèvres si proches des siennes. Mon regard plonge dans ces prunelles dorées que je connais si bien, une attraction intense me prend. Depuis quand je le désire autant ? Un éclair de lucidité se fraye un chemin pour me murmurer que ce sentiment n’est pas nouveau, juste muré dans un coin de cet amour que je porte à Luz. La chute du mur est instantanée, tout comme la raison qui tente de me raisonner quant au mal que je pourrais causer. Trop tard, mes bras viennent plaquer ceux de l’espionne contre les livres qui viennent rejoindre leurs congénères au sol, mes lèvres effleurent son cou pendant que mon souffle chaud exécute son méfait.

    Un spectacle qui laisse la rousse prise à son propre piège, seule sur le canapé à observer les muscles de mon dos se mouvoir, cachant les spasmes de plaisirs de Calixte. Un regard furtif vers Luz l’invite à nous rejoindre alors que mes dents promettent une douce morsure sur le lobe érotique précédemment stimulé par ma partenaire. Dans cette danse de meneurs nous en oublions les désirs du garde qui s’échappe un instant d’un pas développé qui me repousse dans les bras d’une féline arrivant subrepticement. Nos bras se retrouvent avant nos lèvres, une caresse apportée par la nouvelle femme appelle chacun de nos corps qui l’invitent à rester dans cette bulle de jouissance promise.

    code ─ croquelune

    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: La valse à milles temps
    Jeu 24 Déc 2020 - 17:16 #


    L'esprit de Zahria déraille, sa concentration baisse, et elle rate une ligne dans sa lecture mentale du Savoir des Anciens. Le rapport qu'elle était en train d'étudier date d'il y a presque trois cents ans, et le maître-espion de l'époque avait un style assez... soporifique. Si bien qu'elle doit s'y reprendre à plusieurs fois pour le relire, malgré le système de lecture magique du Savoir des Anciens. C'est dans ces moments-là qu'elle est ravie que les fameux Anciens lui aient légué un carnet magique, et non pas des enregistrements de leurs voix.

    Posant le carnet sur son bureau, elle se passe la main dans les cheveux ébouriffés en se laissant tomber en arrière dans son fauteuil. Depuis combien de temps est-elle en train de lire ? Il lui semble que ce n'était qu'il y a cinq minutes, qu'elle a cru entendre la voix de Calixte et d'Apolline dans le couloir, et qu'elle s'est promis d'aller les voir quand elle aurait fini ce paragraphe. Pourtant, si l'on en croit la quantité de cire dans le bougeoir, ça doit facilement faire une heure de cela. Elle n'a dit à personne qu'elle travaillait de la Volière cet après-midi, si bien que même Luz ne devait être au courant de sa présence aujourd'hui. Normal qu'on ne l'ait pas dérangée.

    Elle s'étire en bâillant à s'en décrocher la mâchoire, puis recule son fauteuil et se lève. Prenant tout son temps, Zahria vient déposer le Savoir des Anciens dans son coffre à serrure enchantée. Il y a des rires et des chuchotements discrets qui lui parviennent dans le couloir, et plusieurs pas. Naëry et Luz ont dû retrouver Calixte et sont certainement en train de partager une tasse de thé dans la bibliothèque. Elle rêve d'un thé chaud avec ses amis. Glissant sur le parquet, féline, Zahria sort de son bureau. La porte de la bibliothèque est entrouverte, mais on n'entend plus personne parler, bizarrement. Ont-ils trouvé leur bonheur dans les ouvrages des rayonnages ?

    Quand le maître-espion passe un oeil par l'entrebâillement, son sourire se fait carnassier. Le spectacle est magnifique, une danse érotique d'une toute autre saveur que le concerto qu'elle a pu jouer il y a quelques lunes avec le couple tenant la baguette. Et si elle n'était pas au courant pour le dernier achat de Calixte, ce regard doré l'aurait trahi plus que toute parole. Voilà une bonne façon pour son frère d'apprivoiser son nouveau corps, son nouvel équilibre, de faire la paix avec ses démons et ses désirs inavoués.

    Le pied de Zahria glisse à nouveau dans le couloir alors qu'elle recule dans un moonwalk silencieux. Ce moment n'est pas le sien, et elle taira à jamais d'en avoir été témoin pendant une seconde. Pourtant, elle sait, elle était là. Et la voilà déjà partie, laissant la Volière à ses danseurs nocturnes.

    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: La valse à milles temps
    Ven 25 Déc 2020 - 21:44 #
    Il y avait une liberté inconvenante à la nudité. Ses membres délivrés de l’entrave de tout tissu, même léger, habités de cette allégresse simple de pouvoir être sans prétention, sans devoir, juste en profitant du moment présent – et quel moment présent ! – se coulèrent avec adresse contre le bois vernis de la bibliothèque pour lui permettre d’échapper, d’un pas agile, aux bras de Naëry pour mieux que ceux-ci retrouvassent ceux de Luz. Alors que les deux partenaires reprenaient leurs marques fiévreuses l’un contre l’autre, Calixte se glissa à son tour dans le dos de la flamme, et d’une ondulation suggestive les amena à nouveau contre l’étagère déjà malmenée. Les larges épaules de l’aventurier délogèrent quelques livres qui s’effondrèrent à leurs pieds, et un savoir mésestimé se découvrit à son public autrement préoccupé. Il n’y avait eu aucun doute dans les gestes matois de la médecin, dont les mains avides avaient effeuillé l’espion. Ni de retenue dans l’ardeur de l’aventurier, lorsque ses lèvres avaient plongé au contact des siennes. Et le coursier, qui était presqu’aussi joueur qu’il était curieux, pour toute sa compliance naturelle, laissa son envie se teinter d’espièglerie.

    Rendant à la flamme le service de lui ôter ces drapés assurément de trop pour la danse à venir, il laissa ses doigts s’aventurer sous les étoffes devenues incommodes par ce climat échauffé. Bientôt le pull en laine de talbuk alpha rejoignit les lattes du parquet pour se mettre à la lecture, et explorant d’un intérêt gourmant les formes qui se dévoilaient sans honte, Calixte suivit celles-ci d’une caresse labiale pour défaire son amie des épaules aux chevilles. Au passage de la cambrure de ses reins, le regard mordoré de Naëry accrocha le sien par-dessus la courbe de la nuque laiteuse et, taquin, l’espion lui tira la langue avant de poursuivre sa course sous ce nouveau développement. Il ne fallut pas longtemps pour que le lynx se détachât de l’étagère alors que le bois faisait entendre son mécontentement, et que ses pas déterminés vinrent à la recherche de nouvelles positions pour ce ballet improvisé. Il y eut un premier enveloppé engagé par l’homme, puis un second imprimé par la main agile de la féline de flammes qui, dans son adresse renarde, arrêta son fauve certainement là où elle le voulait exactement. Face à elle, dos à leur partenaire temporaire de valse.

    Le bassin de Calixte rencontra à son tour le dossier de la méridienne, et hissant son séant sur celui-ci, il laissa l’aventurier reculer tout contre son nouveau corps pour mieux s’enrouler contre lui. Sa peau nue mais fébrile se plaqua contre la fine barrière qui avait résisté à l’effeuillage spontané de Naëry à son arrivée à la Volière, et humant le parfum musqué de l’homme, réhaussé par les gouttes persistantes de son passage sous la pluie, il laissa son souffle joueur taquiner le cou de celui-ci tandis que Luz veillait à ne le laisser qu’en tenue de danse. Un instant, l’ambre croisa l’émeraude pétillant de malice gourmande, et le sourire de l’espion laissa dépasser de blanches saillies qui s’attaquèrent au pavillon de chair le plus proche. Il n’en fallu pas davantage pour que l’équilibre ne basculât à nouveau, comme le canapé dans leur ferveur. Les prunelles de Calixte s’arrondirent tout à fait alors que son assise culbutait, et il se cramponna à nouveau au corps fuselé de l’aventurier, projeté de fait encore plus – si c’était possible – contre celui-ci. La chute inattendue leur fit à leur tour gagner le parquet de la bibliothèque, et le moment de passion rayonna un instant de leur amusement désinvolte. Puis la chaleur de la peau contre la peau, rappelant le délice de leurs explorations interrompues, impossiblement croissante dans leurs entremêlements, mua les rires en silences, les silences en anticipation. La pression de la main de Naëry contre son flanc se fit plus prononcée. Et l’espion usa d’une fusion glissée pour s’échapper à nouveau. A porté de bras, mais loin de la chair.

    Il put lire la frustration temporaire dans le regard mordoré, avant que celui-ci ne se réattachât au corps lascif de Luz dont les propres prunelles, sur une extension grâcieuse de la nuque, cherchèrent celles de Calixte. Il y eut un court instant de flottement où les mains des deux amants se trouvèrent automatiquement. Comme si leurs doigts liés reflétaient l’union de leurs êtres, de leurs désirs, dans l’attente, la décision, et la prévision de ce qui allait suivre. De leur complicité dans la réalisation de celles-ci. La résolution prédatrice se lut bientôt dans leurs iris assombries par le prélude, et lorsque la dextre libre de l’aventurier se remit en mouvement, l’espion comprit que le ballet, de plus en plus attendu, appelait ses étoiles. Observant d’abord avec attention les gestes de Naëry, doux mais fermes, avides mais retenus, il leva sa propre main pour imiter le ballet qui lui était proposé. Contrairement au coryphée, il y avait une maladresse toute débutante de ses propres caresses dans ce jeu inconnu. Inconnu et surprenant ; non pas dans la teneur, mais dans les sensations inusuelles. Nouvelles. Et à mesure de cette exploration presque naïve, devenant de plus en plus audacieuse, il dut fermer les yeux pour ne pas sombrer tout à fait dans ceux lui faisant face.

    Il manqua ainsi l’accord indicible entre les deux partenaires réguliers de danse, mais ne fut guère étonné de constater que le temps d’une pause paupières closes, l’espace entre leurs trois corps avait été réduit. Curieux, l’empressement bourdonnant sous son derme hérissé de tentation, il se laissa guider dans ce nouveau pas de deux, à trois. Ou peut-être bien à deux. Puisque les hanches de Luz collées contre les siennes sur le bassin de Naëry, et les doigts entrelacés de celle-ci aux siens d’une impulsion contre le torse luisant de l’aventurier, imposèrent au lynx de rester spectateur de leur valse. Juste un temps. Et certainement pas sagement. Mais spectateur néanmoins. Et alors que la flamme mutine s’enroulait autour de lui, presqu’à fusionner tout à fait, pour lui montrer de gestes plus félins les douces possibilités de ce nouveau corps, Calixte eut l’impression d’entrer peu à peu en fusion.

    Le silence devint bientôt compagnon de la passion. Bien que parler de silence n’est peut-être pas tout à fait exacte. Une mélodie en respirations saccadées, plaintes délicieuses et bruissements concupiscents accompagna leurs actes et entractes. Il leur fallut presque tout l’espace de la bibliothèque pour réaliser convenablement leurs chorégraphies entreprenantes, et le son du bois malmené – du parquet, des étagères, de l’armature des sièges, de la table – fut bientôt une voix supplémentaire à l’orchestre de bruits accompagnant leurs danses. Il y eut des instants de langueur langoureuse sur des pas contrôlés de rumba, des mouvements plus empressés à la faveur d’ondulations de salsa, des ralentissements de valse sur les pauses taquines, et des moments plus bestialement lascifs dans les étreintes du tango. Des envols brefs ou prolongés, fragiles ou intenses, retenus ou délivrés ; mais toujours d’un abandon confiant. Les costumes de chair accusèrent la fièvre de la passion, de son déchainement ; et les vitres qui parfois leur renvoyaient leurs reflets sauvages, ajoutant d’éphémères spectateurs consentis, se teintèrent d’un voile de perspiration à l’image de leur peau. L’atmosphère échauffée, entretenant jusque-là le parfum poussiéreux des livres et épicé des alcools accompagnant la lecture, se chargea du musc du ballet à huis clos – ou presque.

    Au dehors, indifférent aux milles temps de celui-ci, le ciel continua à déverser ses larmes froides contre les reliefs de la Volière, entretenant une tempête toute autre. Du rythme de la pluie contre la pierre, de son atmosphère humide glaçant jusqu’à l’os, des odeurs de la terre se liquéfiant. Dansant brusquement sous la voûte s’obscurcissant toujours plus, nul doute que les arbres jalousaient la scène abritée des dragons valsant.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: La valse à milles temps
    Jeu 7 Jan 2021 - 20:04 #


    A la lisière de ses songes, un bruit inconvenant écorna son inconscience. Elle remua, roula sur le flanc, le visage enfoui dans le moelleux des multiples coussins qui tapissaient le sol d’un revêtement agréable au corps. Son souffle, un instant suspendu, reprit son lent aller-retour… Et fut interrompu par ce nouveau bruit obsédant. Elle ouvrit les yeux, ses prunelles égarées fouillant les gravures du plafond et les dorures du lustre, haletante comme au sortir précipité d’un rêve. Un filet de lune franchissait l’une des fenêtres et se répandait paresseusement sur les dormeurs : cela allumait des perles de nacre sur sa poitrine dénudée, soulignait ici et là la courbure d’une hanche – celle de Calixte, enroulée à proximité, ou l’angle d’une épaule – celle de Naëry, lynx gardien de leur forteresse de coussins. Luz écouta. Dans le silence de la nuit, la pluie avait cessé de tambouriner avec affolement contre les carreaux et ce n’était plus à présent qu’une bruine fine et évanescente qui s’étiolait par moment dans l’obscurité. Avait-elle imaginé ce son insidieux ? Elle fut tentée de se rendormir, mais la turbulence se reproduisit.

    L’on toquait à la porte d’entrée de la Volière aux Dragons.

    Toute humaine qu’elle était, Luz amorça les prémices d’une grimace, songeant à l’audacieux qui exigeait avec autant d’empressement la présence des propriétaires de l’endroit. Et ce, à quatre heures du matin, lui apprit son tempus, délaissé sur une étagère malmenée par ses partenaires. Hé bien, puisque Zahria n’était pas là, cela faisait d’elle l’unique propriétaire présente… Nul autre qu’elle n’aurait donc l’obligation de chasser les délices du sommeil pour courir s’enquérir des raisons d’une telle intrusion. Elle savait qui plus est la demeure glacée en l’absence d’une majorité de ses habitants, car déjà la chaleur dégagée par leurs activités rapprochées achevait de se perdre dans la pudeur paisible de la nuit. Elle se redressa sur ses avant-bras et son regard se posa avec affection sur les deux représentants présents de sa tribu. Naëry et Calixte, tout emberlificotés comme une seule et même personne : celle de son cœur, probablement. Leurs postures et leurs visages traduisaient cette étrange histoire qui les reliait et que Luz ne pouvait que soupçonner, effleurer entre les lignes de leur relation officielle. Il y avait plus entre eux qu’une amitié seule, de l’intimité, de la confiance, de la souffrance aussi peut-être. Du vécu du moins, et elle ne se sentait pas l’âme d’entacher celui-ci parce qu’il demeurait le dernier bastion de Naëry qu’elle ne pouvait ni posséder ni savourer. Ce secret-ci dormirait entre eux deux, et c’était cela qui lui donnait toute sa beauté.

    Un sourire flottant sur les lèvres, elle leur fit signe de se rendormir et se hissa tout à fait sur ses jambes. Elle savait qu’ils n’en feraient rien, qu’ils écouteraient les silences de la maison pour comprendre la nature de l’intrusion jusqu’à s’assurer que rien ne viendrait mettre en danger sa sécurité. Après Ruth, comment le leur reprocher ? Elle fit toutefois mine de l’ignorer et arbora la tranquille assurance d’une maîtresse en sa demeure. Revêtue du long drap blanc qui avait auparavant recouvert les frêles épaules de Calixte, elle ramassa d’une main ses propres vêtements et descendit les escaliers avec le pas léger d’une louve. Elle brossa rapidement le tissu froissé et rabattit en arrière sa crinière échevelée de quelques doigts habiles. Les mèches rebelles quittèrent enfin le col de son pull, nasse de boucles flammes emmêlées. Derrière la porte, une forme féminine s’agitait, le poing levé pour cogner avec insistance contre le chambranle. Luz la prit de cours en ouvrant à sa place le battant, ne cachant guère ses yeux empreints de sommeil et la rudesse de son habillement :

    « Oui ? »

    « Docteur Weiss !
    s’écria immédiatement l’autre. »

    Luz reconnut l’une de ses voisines. Elle leur apportait parfois les tartes qu’elle confectionnait sur son temps libre, coincée à demeure par la santé hasardeuse de son mari.

    « C’est Nicolas i-il… Il ne va pas bien du tout. Je ne savais pas vers qui me tourner... »

    Ses lèvres fines tremblèrent et elle dut baisser les yeux pour cacher les larmes qui lui rougissaient les paupières.

    « Il… Il ne se réveille plus, ajouta-t-elle, et cela parut lui coûter l’énergie d’une existence de l’avouer. »

    Ses paroles résonnèrent dans la langueur qui rôdait alentour, et la praticienne sut que Calixte et Naëry sauraient. Ils sauraient pour quelle raison elle remettait à présent son manteau, pour quelle raison elle franchissait le seuil et emboîtait désormais le pas à sa voisine. Il y avait d’autres nids de tendresse que le leur à protéger. D’autres clans, d’autres histoires qui ne se racontaient qu’à mi-voix. Le monde ne les attendait pas pour évoluer et accélérer la course folle de leur destinée…

    Alors, pour toutes ces raisons, Luz jeta un dernier regard vers la fenêtre du premier étage puis s’engouffra dans la nuit.

    « Je vous suis, murmura-t-elle. »

    Naëry WigLe Lynx conteur d'Origamis
    Naëry Wig
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    Re: La valse à milles temps
    Mer 24 Mar 2021 - 11:31 #
    Valse à milles temps
    ─ avec Luz & Cal

    Noir. Blanc.
    La nuit noire est perturbée par le rayon blanc de la lune.
    La peau délicatement blanche de Calixte scrutée par mes pupilles noires.
    Luz, ce merle blanc absorbée par l’humeur noire qui me taraude.
    Les couleurs se sont échappées comme si la danse effrénée de notre trio les avaient épuisées jusque la dernière goutte.
    La torpeur prend le dessus, mes pensées s’éteignent au fur et à mesure des respirations apaisées de mes partenaires. La lumière m’échappe, il ne reste plus que ce noir qui me happe.

    Un froissement, un frôlement. Je m’éveille l’esprit engourdi. Le regard fauve de ma douce fauve me caresse le visage. Une autre chaleur m’enveloppe, je tourne la tête, il est là, enfin elle. Et s’il était resté lui ?
    Luz s’échappe, je comprends ce qui l’empêche de rester dans ce cocon. Je veux la suivre, le temps s’étire, elle est déjà sur le palier. La respiration de Calixte s’accélère silencieusement. Il écoute lui aussi qui ose retirer notre lien. Le travail, l’humanisme de Luz l’éloigne de notre bulle. Nous voilà amputés.

    Je me lève, posant mon sombre regard à travers la fenêtre. Elle se retourne, un sourire compatissant étire ma lèvre, courage Luz, mon coeur part avec toi. Une nouvelle chaleur s’étend contre mon flanc. Mon visage fixé sur le dos de mon amante, je sais que Calixte porte le même regard sur la flamme. Nous restons ainsi jusqu’à ce que les silhouettes disparaissent de notre champ de vision. Je me retourne alors vers le corps frêle et plein d’assurance qui me talonne. Une ambiguïté qui, à mon grand damne, me touche plus que de raison. Ma main mue d’une initiative qui lui est propre vient se poser du bout des doigts contre la joue pouponne de la femme qui se tient là.

    - Et si tu retrouves ton corps?

    Loin d’être anodine cette question soulève une tempête de sentiments. Visage impassible, seul mon regard brûlant cherchant des réponses dans les prunelles ambrées du garde témoigne de mon émoi. Suis-je prêt à reconnaître notre affinité si spéciale? Allons-nous la taire une fois que tu retrouvas ce corps chétif qui t’appartient ? Je ne pourrais plus nier ce sentiment à ton égard, où que tu sois, une part de moi t’accompagnera.

    Et alors que sous mes yeux des traits plus familiers apparaissent, nos regards ne se lâchent plus. Ma main reste collée à ta joue pour en effleurer la délicatesse bien avant que mes lèvres, dans une dernière promesse, retrouvent tes lippes si taquines quelques heures plus tôt. Et cette fois, c’est bien toi Calixte que je vois et que je chéris.


    La nuit s’étire et emporte dans son secret noir l’éclat blanc d’une innocence pleine de nuances.

    code ─ croquelune

    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: La valse à milles temps
    Ven 26 Mar 2021 - 13:47 #
    Quelque part dans le cheminement indolent des ténèbres de la nuit embrassant la Capitale, une pluie fine avait succédé aux averses diluviennes, drapant la ville d’un manteau chagrin dont les rayons matinaux du soleil peinaient à traverser l’épaisseur. Le contraste entre la froideur de la bruine et l’intérieur chaleureux de la Volière aux Dragons avait masqué d’un voile de buée les vitres du petit salon où Calixte se prélassait sous l’ample couverture dans lequel il avait fait son nid. L’heure était encore jeune, mais les obligations avaient déjà rappelé ses compagnons de danse, et lui-même reprendrait bientôt le chemin de la Caserne. Puis certainement du Village Perché, comme semblait l’avoir sous-entendu sa hiérarchie la veille. Dépliant ses jambes pour étirer ses membres agréablement fourbus, il porta sa tasse de thé encore fumante à ses lèvres où un sourire comblé semblait s’être définitivement accroché.

    - Pour l’enchainement on est sur des cabrioles ou de l’entrechat ?

    Apolline, qui paraissait avoir aussi peu dormi que les danseurs, décrivait de joyeuses circonvolutions autour de son manuscrit se noircissant toujours plus d’encre.

    - Un bon début pour le second tome d’A.M.I.S. ça ! J’avais raison pour le tatouage de Naë et la cicatrice de Luz en Zones Interdites ? Hé, Zones Interdites ça ferait un bon titre ça aussi.

    Encore transi d’une langueur bienheureuse, ramollissant ses muscles mais avivant la flamme de son être, Calixte ne rebondit par sur les propos de la trousse de cuir, la laissant fabuler et fantasmer des secrets en clair-obscur couvés par le regard vigile de la demeure. Peut-être n’y avait-il pas tant d’inexactitude, cette fois-ci, dans ses présomptions. Mais il y avait là une parenthèse que le coursier, s’il l’observait avec tendresse, avait définitivement close et qu’il chérirait sans effusion. Les souvenirs de celle-ci, ancrés dans sa mémoire comme, pour le moment, dans sa chair, resteraient aussi précieux que ce cadeau avait été inattendu, opportun à la croisée de chemins se frôlant et s’entremêlant à la faveur du destin, mais l’espion sentait qu’il y avait là une page qui se tournait. La curiosité satisfaite, le désir assouvi, l’inaccessible rendu accessible avaient finalement offert au coursier un horizon plus large, délié des illusions passées. Défait totalement du fardeau des émois. Libre de l’envie coupable. Sincèrement heureux de l’union de la louve et du lynx, au sein de laquelle il avait été invité, temporairement, à virevolter. Ravi des prolongations, autrement authentiques. Soulagé de leur familiarité, de leur affection. Du sentiment, aussi, que la félicité dans son intrusion – invitation – n’était tout à fait pleine qu’à trois. A deux, plus un.

    Reposant sa tasse à moitié vide contre la laque de la table basse devant lui, en profitant pour déployer la courbure de son dos dont la cambrure gardait quelques délicieux élancements courbaturés, il défit son refuge laineux pour attraper une feuille, la scribouilleuse d’Apolline, et un livre comme support improvisé. Chassant doucement les reviviscences de valses achevées, les abandonnant au royaume vaincu d’une passion révolue, il dicta à la plume les premiers mots de la brève missive qu’il aurait le temps d’écrire avant de prendre, à son tour, la route du devoir :

    - « Soly,… »

    Si la chaleur des explorations de la nuit passée l’accompagnerait aussi certainement qu’une ombre bienveillante, il y avait là un avenir tout autre à découvrir, dont le caléidoscope des possibilités faisait autrement frémir son être d’impatience. De curiosité. D’espoir naïf. Il y aurait certainement ici des impairs, des erreurs et des complications, mais Calixte était habitué aux aléas que sa maladresse et sa malchance dressaient sur son chemin, et dans son état actuel de contentement, il se sentait tout à fait capable de les affronter. Pour le moment, il pouvait bien se délecter sereinement de cet interlude agréablement gourmand et des perspectives intrigantes qui s’étaient offerts, et s’offraient, à lui. Rien, il était convaincu, ne lui ferait regretter cet instant de félicité, au rideau d’une danse achevée, à l’orée d’un jeu à définir. Rien.
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    Re: La valse à milles temps
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