Début de la saison fraîche
La matinée était douce, une nouvelle saison commence sur Aryon. Les arbres prennent leur couleur dorée, certaines feuilles commencent à tomber pour certains. Le soleil se fait de plus en plus timide et prends congés rapidement en fin de journée. Cette période était certes agréable surtout avec toutes ses nuances dans les jardins. Aujourd’hui, c’était notre rendez-vous hebdomadaire avec la Reine, on parlait toutes les affaires courantes et préparons ensuite pour la réunion mensuelle ministérielle. J’appréciais toujours cette matinée partagée avec elle, il n’y avait pas le Roi même si cet homme ne me dérangeait point mais nos discussions déviaient le plus souvent pour des sujets qui nous intéressent plus, pas besoin de Grimvor pour qu’on rigole un peu, sortir de cette routine.
Je prépare l’eau pour le thé, range mes papiers inutiles, dépose des gourmandises sur la petite table basse quand Miranda finit par m'appeler pour me prévenir de la présence de sa Majesté. Je m’étais faite belle comme à mon habitude et depuis mon rêve de l’autre jour, ça me fait toujours bizarre de la revoir. Sekyung avait eu la brillante idée de me donner cette pastille qui m’a fait “ délirer “, mais c’était délicieux rêve… je l’avais même mis dans mon livre mémoire au cas où. J’ouvre alors la porte de mon bureau et aperçoit Allys, bien apprêtée comme à son habitude.
- Bonjour Majesté, je vous en prie, entrez.
Oui d’un commun accord, nous faisons notre réunion à mon cabinet. Beaucoup moins de chance de se faire déranger par une tierce personne. Je tends la main et l’invite à entrer dans mon bureau. Je ferme la porte derrière elle et elle prend sa place habituelle. Tel un vieux couple, nous avions nos petites habitudes. Je chauffe son thé et lui propose un des thés qu’elle adore. Je m’amuse parfois à lui changer ses mélanges et j’adapte selon le temps ou la saison. Pour aujourd’hui, c’était un thé noir à la pomme, amande et canelle de ceylan. C’était léger et la cannelle était une épice qui stimulait le système immunitaire parfait pour le froid qui se prépare.
- Vous m’en direz des nouvelles Allys.
Oui, en privé, les formalités étaient moins présente. Je n’aimais pas l’appeler devant tous par son prénom. Je préférais l’appeler par son titre par signe de respect essentiellement mais j’ai bien compris qu’elle voudrait que je le fasse plus souvent, je m’y efforçais mais c’était encore dur.
- J’ai pris des petits gâteaux dans une nouvelle boulangerie sur la route. Louise m’en a raconté que du bien, j’espère qu’elle a raison.
Si mon intendante chez moi me dit que c’est bon, ça ne pouvait être vrai. La bouilloire dans la main, je prépare sa tasse puis la mienne sur cette petite table basse. Je finis par m’assoir et attrape ses quelques dossiers qui trônaient sur le siège d’à côté. Il y avait plusieurs sujets importants à évoquer dont un plus sérieux que l’autre. Je ne voulais pas venir à ce moment là mais notre feu Roi Melvis est décédé il y a bientôt de cela, onze ans dans à la fin de cette Lune. Il faut préparer une petite cérémonie intime et c’était la première fois que je me devais me charger de ça. Je voulais connaître le protocole et ce qu’elle souhaitait. Nous parlons jamais de son père et je croise quelques fois la Mère Régente qui était dans une annexe du Palais. Malgré ses quatre-vingt quatre ans, elle avait encore son caractère indépendant. C’était une femme juste, droite, elle a été toujours de bons conseils pour le Roi en tant que Reine Consort. Je n’ai jamais su sa relation avec sa fille. Peut-être un peu sévère avec l’unique héritière et enfant. Elle aime sa fille, j’en suis sûre, rien à voir avec la mienne. Peut-être un jour, elle m’en parlera.
- Nous avons quelques points à traiter. Encore une fois, les pâtissières de la cuisine royale me parle de gâteaux qui disparaissent. Je n’en doute pas que votre fille n’a pas perdu de son appétit ! Peut-être pouvez-vous mener une enquête de ce côté là.
Même après cette petite aventure, Atheas était toujours Atheas. Moins capricieuse, elle a toujours été une très gourmande.
- Nous avons la guilde des marchands qui demande plus de protection de la part de la Couronne. Une recrudescence d’attaque sur convoi depuis une Lune. Evidemment j’ai fais un point avec la Commision et le Commandant Höls. La Guilde des Aventuriers proposent leur service pour accompagner ces convois. Vous devinez qu’on va devoir encore allouer un budget pour cela.
Les divers points défilent jusqu’à arriver à celui dont je ne voulais pas parler. Le Roi Melvis… Comment aborder le sujet ? Je me tais quelques secondes, je vois bien que la Reine essaye de comprendre ce qu’il se passe. Je finis alors par parler en faisant attention à mes mots.
- Il y a aussi… ce dernier point...
Je regarde la Reine Allys droit dans les yeux. J’étais peinée d’évoquer ce sujet. Elle doit pleurer certainement son père et nous allons devoir parler de ça, je n’en avais pas le choix.
- Nous sommes à la première Lune de la saison fraîche et à la fin de celle-ci… Il y a … ce moment de commémoration...
Allez courage Haru, elle ne va fondre en larmes pour ça. D’ailleurs, je ne me rappelle pas de l’avoir vu pleurer une seule fois, ni à l’enterrement de son père. Tu ne crains rien, au pire, tu lui proposera un câlin de réconfort.
- Oui, pour votre père. Prévoyez-vous quelque chose pour cette année ?
Dis-je d’un air compatissant.
Pareil à ce matin anodin qui se souvient
Je t'attends... "
Chaque année, la reine s'essayait à la poésie en ce jour si particulier qui se rapprochait... Son sport était aussi de ne pas croiser sa mère. Elle s'était mise dans son boudoir un peu reculé où sa plume pouvait couvrir l'ensemble de ses mots que lui donnait son esprit. Ce soir, elle n'avait pas beaucoup d'inspiration. Elle couvrit son visage dans ses mains... C'était véritablement trop difficile. Elle se leva pour poser un regard plein d'amour au portrait de ses parents. Son père lui manquait d'autant plus quand il fallait organiser la commémoration de son décès. C'était loin d'être une corvée, il avait été uhn aussi bon père qu'un aussi bon roi... mais justement on lui avait arraché trop tôt. Il n'avait pas vu ses petits-enfants grandir lui qui aurait sans doute tant aimé assister à l'expansion de leur grande famille. Sa mère lui répétait que vivre dans le regret revenait à s'étouffer en pleine course... Quel mal y avait-il à regretter un absent ? Surtout quand on regardait tout le bien qu'il avait su apporter... Le roi Melvis était un modèle de courage et savait porter sur son dos un monde paisible... Même son regard sur cette peinture respirait la douceur... Elle se souvint d'une fois où il l'avait prise sur ses genoux, ensemble ils avaient parlé des heures sur le balcon. Sa mère Nelia en était folle car le lendemain Allys avait attrapé un rhume. Son père avait passé son temps à s'en vouloir. Elle voudrait encore replonger dans les "je t'aime papa" au coucher, retourner dans cette enfance. Son père l'avait quitté non pas dans un combat, mais d'une maladie qui lui avait pris le plus simplement du monde la main. Son état se dégradait peu à peu, mais jamais elle n'aurait pensé que ce jour aurait pu venir. Elle ouvrit les yeux en réalisant qu'elle s'était endormie sur son encrier... Son papier s'était gorgé d'encre, le plancher était taché... de toute évidence, il fallait dormir. Alors qu'elle se redressait, elle aperçut une feuille au sol sans doute issue d'un livre. Ses mots entaillèrent le coeur de la reine. Elle les laissa au sol pour quitter la pièce pour la nuit. La feuille pliée avait des écritures caligraphiées de bien jolie manière, mais ses mots étaient secs.
"Je suis un millier de vents qui soufflent,
je suis le scintillement du diamant sur la neige,
Je suis la lumière du soleil sur le grain mûr,
je suis la douce pluie d’automne, je suis l’envol hâtif.
Des oiseaux qui vont commencer leur vol circulaire quand tu t’éveilles
dans le calme du matin,
je suis le prompte essor qui lance vers le ciel où ils tournoient les
oiseaux silencieux.
Je suis la douce étoile qui brille, la nuit,
Ne restez pas à vous lamenter devant ma tombe, je n’y suis pas : je ne suis pas mort."
Ni plus ni moins que le texte que lui avait composé un noble pour la mort de son père... Elle n'aurait pas dû le conserver, il avait dans son essence même tout le chagrin qu'elle avait jadis ressenti. C'était comme s'il avait été conservé à travers le temps... Demain, c'était le jour de réunion avec Haru, elle ne voulait pas lui paraître fatiguée ou tourmentée. Elles avaient toutes les deux pris leurs habitudes. Allys portait sous son bras trois dossiers surchargés, elle voulait notamment lui évoquer le projet dont lui avait fait part le professeur Néma. Ses retours constituaient une part importante dans ses prises de décision. A peine saluée, Haru faisait déja chauffer le thé, c'était si adorable une odeur de miel qui venait lui chatouiller les narines... Non... de cannelle, mais étrangement en s'asseyant elle avait cru reconnaître l'odeur douce et sucrée, mais c'était une épice. Elle soupira en arrangeant sa coiffure tout en croisant les jambes pour se mettre à son aise. Allys s'adonnait avec bonheur à ce moment léger en compagnie de son amie.
" Je vous fais confiance Haru... vous savez j'y pense. Vous avez moins de difficultés à m'appeler par mon mon prénom. Je suis heureuse de pouvoir toujours vous retrouver. C'est une bonne façon de rendre le travail plus agréable... "
Rien ne valait le thé et une bonne compagnie pour donner le meilleur de soi-même. A la vue des gateaux, la reine sourit tout en redressant son menton. Elle avait toujours une posture élégante même si elle se détendait davantage et que cette vue la perturbe tout autant.
" Vous remercierez Louise, je crois qu'ils seront très appréciés. J'ai parfois l'impression de ne pas être au château tellement je suis en compagnie d'une bonne hôte. J'en prends bonne note, vous savez qu'en plus je souhaiterai organiser une fête de la science pour que les chercheurs puissent se réunir. Il n'y a même pas de doute que je pourrai vous confier le dossier les yeux fermés."
Elles avaient très vite migré du bureau à la table basse, c'était comme si un salon de thé ouvrait à chacun de ses passages. L'odeur de cannelle ne fut que plus forte sitôt l'eau chaude versée. Les dossiers d'Haru équivalaient presque aux siens, elles n'allaient pas chômer... Haru reposa la théière qui contenait encore de quoi tenir quelques tasses. C'était si bien étudié jusqu'aux moindres détails.
" Je crois que votre flair a vu juste... ma fille est loin d'être innocente. Quand j'ai vu qu'ils fondaient, j'ai mis de côté quelques gâteaux pour Aeron et Grim. C'est une sorte de goûteuse, dès qu'ils disparaissent vite, c'est que l'arrivage est d'excellente qualité. Je vais tenter d'y remédier... enfin dans un sens je suis contente que les mauvaises habitudes reviennent. C'est sans doute étrange de dire les choses ainsi, mais tout avait fini par me manquer..."
Aussitôt elles attaquèrent des sujets plus sérieux notamment ces attaques répétées. La reine hocha la tête avant de porter une tasse à ses lèvres. Elle souffla pour réfléchir à cette situation qui leur échappait...
" Bien évidemment, après je pense qu'il nous faudra privilégier les plus forts lieux de passage. Egalement, il faudra avertir les guildes avec un trajet à privilégié pour éviter de se disperser. Il nous faudra agir finement pour leur assurer une sécurité plus accrue. Peut-être aussi limiter les trajets le temps de tout mettre en place sera une nécessité."
Les sujets s'enchainèrent. La reine évoqua l'idée de ce centre de recherche pour lequel elle comptait aussi apporter des financements pour prévenir toute attaque. Elle parla avec une grande emphase en ne se laissant pas le temps de respirer tant elle avait hâte de voir ce projet naître.
" J'ai également prévu quelques rénovations... mais je n'ai pas mis une priorité haute au vue de tous les projets à mettre en place. Je commence la peinture... une nouvelle étape et puis ce sera un moyen d'avoir un petit espace pour ce loisir. Lorsque j'aurais plus de toiles à vous montrer Haru, j'espère bien vous y voir. Le toit mérite une rénovation suite au récent orage qui s'est produit... Je ne voudrais pas que mes projets ressemblent à des serpillères... Enfin, je divague excusez-moi.. mais je voulais vous faire part de mon envie de vous inviter. En plus, il y a de nombreuses étagères, parfaites pour mettre quelques boites à thé."
Sa voix chantonnait tant la perspective d'exploiter ce lieu mis de côté la mettait en joie. Elle adressa un sourire à Haru qui semblait un peu ailleurs sur le coup... à moins qu'elle n’interprète mal ce léger regard figé. La reine pencha la tête en levant un sourcil tout en lui adressant un léger signe de la main.
" Je crois que vous jouez du violon, ce sera l'occasion sans doute que je vous écoute enfin. "
Elle espérait la faire revenir dans la conversation. Haru avait dû être bien inquiète ces derniers jours. Sa dernière visite surprise lui avait montré une Haru fatiguée, les yeux secs sans doute fatigués de ne pas assez se fermer. La reine la sentait davantage dans leur conversation, mais malgré tout elle devait sans doute penser à lui, ce qui était légitime.
" Alors votre aventurier a remontré le bout de son nez ? "
La reine la sentit revenir plus ou moins, elle en fut rassurée. Elles passaient ainsi de sujets travail en sujets plus personnels pour son plus grand plaisir. Une amitié sincère se construisait ainsi en brisant une à une les tabous. La reine suivait le cours de la conversation tout en savourant ces petits gateaux si fins. Elle croqua dedans en fermant les yeux tant leur saveur était agréable avec ce léger goût de cannelle. L'assemblage des saveurs était du meilleur éclat. Comme si elles s'étaient donnés le mot, un silence se fit naturellement pour savourer ce goûter si savoureux. Tout du moins, ce silence avait été dessiné par la reine. Il n'en était rien. Haru lança un galet dans leur mare tranquille. La reine pivota sur son assise légèrement, elle fit mine de s'asseoir plus à son aise. Ce sujet était bien sûr d'actualité... Toutes ces heures à composer un texte en son honneur lui revinrent... tous ses échecs pour faire un texte digne de lui. C'était vraiment son rituel. Après avoir rédigé, elle bâtissait ses premières idées d'organisation...
"Bien entendu, je souhaite que cette commémoration soit à la hauteur de l'homme qu'il a été. C'est important de se souvenir pour mieux avancer... "
Pour les dix ans, elle avait tenu à organiser un concert privé avec quelques tableaux réunis d'enchères prisées. Un des tableaux avait été récupéré décrivant un portrait du roi défunt. Ces collections avaient rejoint une salle du palais pour devenir la salle du souvenir qui réunissait également d'autres portraits. 11 ans qu'il avait quitté cette terre...
" Nous pourrions... "
Dans le même temps, quelqu'un frappa à la porte du bureau. La reine fut surprise d'être interrompue d'autant que pour accéder au bureau, la personne avait dû traverser une première salle. Personne ne l'avait arrêtée... Allys allait bientôt comprendre pourquoi... L'ancienne régente avait demandé aux gardes où elle pouvait trouver la reine et tout naturellement ils avaient indiqué ce lieu. Allys allait expliquer qu'elle allait organiser un temps de recueillement avec de nouveaux musiciens ... mais elle n'était pas préparée à cette venue. Une voix assez impérative se faisait entendre. De toute évidence, cette personne ne voulait pas attendre et n'était pas satisfaite "à cette quête impromptue". Rien qu'à l'entendre derrière la porte, elle savait que cette voix légèrement exaspérée était celle de Nelia. A ses yeux, une reine se devait de rester dans ses quartiers pour être atteignable en cas d'urgence. Allys avait dérogé à une loi pour être juste tranquille. Sa voix n'avait pas de sécheresse, non elle était juste pleine d'assurance. La reine régente n'avait rien perdu de son allure. Cette femme était vêtue d'une robe bleu ciel aux bordures de dentelles. Elle avait un style différent de sa fille, mais les années ne lui avaient rien ôté de sa beauté. Son pouvoir agissait également sur ses entrées...tout comme sa fille il était constamment activé. Comme toute noble, elle ne se serait pas permise de perturber cette réunion et s'était arrêtée devant la porte après avoir tapé. Elle était convaincue que sa fille viendrait à sa rencontre. Pour rien au monde, elle ne voulait mettre en péril son autorité dans une réunion importante... même si l'idée de trop attendre lui était difficile.
Allys inspira doucement en se disant que le bureau de sa première ministre allait vite devenir comme une auberge au train où allaient les choses. Ses joues avaient pris une teinte rosée. Une certaine gêne venait tapisser son visage doucement. Elle se recoiffa rapidement pour que sa mère ne la trouve pas relâchée comme elle était. Ces petits ajustements faits, elle se leva pour ouvrir la porte à sa mère.
" Salutations ma fille, Madame Du Lys, vous êtiez bien difficile à trouver dans ce château."
C'était un constat plus que vérifiable, pire c'était presque un objectif. Bien entendu, Allys avertissait les gardes du lieu de sa présence pour des raisons de sécurité, mais se gardait bien de trop répandre le lieu de sa réunion.
" Bonjour mère, je suis enchantée de ta présence, nous en venions à parler du sujet dont tu souhaitais sans doute me parler. Mais avant je t'en prie, prends donc un siège et une tasse chaude."
Autant dire que la reine s'arrangeait de son mieux pour faire la transition entre leur moment et cette irruption non prévue, Allys ignorait si Nelia en serait satisfaite.
" Je t'ai déjà parlé de la nomination de ma première ministre ainsi que tout ce qu'elle met en place pour le royaume, voici donc Haru Du Lys. "
Nélia lui témoigna une grande attention en restant figée face à elle tout en inclinant la tête dignement la tête. La reine était partie prendre un autre siège pour se mettre aux côtés de sa ministre et de sa mère. Elle sentait une certaine atmosphère un peu lourde. A présent, elle allait devoir expliquer son idée face au jugement implacable de sa mère, de quoi rebuter plus d'un. En plus, elle ne se voyait pas poursuivre directement sur ce sujet.
" Et donc vous discutiez sur la commémoration, je vous écoute".
Sa mère n'avait pas évité le sujet ... c'était prévisible en un sens. Allys voulait sans arrêt la préserver alors qu'elle semblait si solide. Elle ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux sans pouvoir répondre sur le coup. Sa mère dirigeait son regard vers l'un ou l'autre tandis qu'elle attendait sa tasse promise. C'était fou mais normalement sa présence ne la stressait pas autant, mais comme elle arrivait à ce moment précisément, Allys se sentait obligé de raccorder quelques circuits avant de poursuivre...
" Et donc je pensais organiser une commémoration plus intimiste avec quelques familles ayant eu une affinité avec mon père et créer une commémoration digne de lui entouré des personnes qu'il a aimées avec éventuellement un ... feu d'artifices avec sa couleur préféré le bleu afin de faire partager aux concitoyens les actions qu'il a eu envers ce ro... royaume."
Dans l'idée, elle voulait créer un double événement pour que les citoyens s'ils le souhaitent puisse partager des pensées pour leur souverain disparu... C'était ce qu'elle voulait faire l'année précédente, mais pour une raison dont elle ne se souvenait plus, son idée n'avait pas été portée au final... Elle était très incertaine sur cette idée là... mais elle tenait à faire quelque chose de grand.
Allys avait raison, reparler de nouveau des petits problèmes d’intendance à la cuisine était la preuve que la princesse était bien de retour. Nous étions encore loin de ses exploits d’antan mais le fait qu’ils soient de nouveau présent réchauffait le coeur de la régente et à moi également. Savoir la petite famille au complet était un moyen de passer à autre chose et se consacrer totalement au Royaume. Certes le Prince n’était toujours pas au top de sa forme hélas mais quelques médecins et érudits se penchent sur son cas. Il faut donc laisser le temps au temps et tout rentrera dans l’ordre.
Nous discutions des nombreux dossiers en cours entre thé et gâteaux. La Reine avait raison, des réunions comme celles-là, je ne le ferai pas avec n’importe qui, pas avec le Roi par exemple et disons que j’étais heureuse de partager ce moment privilégié. On s’intéresse à préoccupations plus personnelles, j’étais un peu étonnée qu’elle propose de rénover une partie de l'aile des artistes, pour aussi stocker ses toiles. Elle a pris quelques leçons avec Maître Ukiyo, un homme charmant plein de savoir, de toute façon la dynastie Ukiyo sont expert dans l’art et Kagami avait un don particulier, on croirait presque ses oeuvres vivantes !
- Je m’arrange avec la trésorière royale pour trouver le budget nécessaire alors. Ne vous en faites pas.
Cette aile des artistes n’est pas composé que de peintres, nous avons également sculpteurs, mosaïstes, émailleurs, vitraillistes mais également musiciens. La Reine savait très bien de quoi était composé cette partie du palais et profite pour me taquiner. Irrémédiablement, ça me fait penser à mon rêve récent. Je me dis qu’elle avait un nouveau pouvoir, connaître mes pensées, mes rêves mais j’essaye de rien laisser paraître surtout à ce doux moment d’égarement que j’ai eu dans mes songes.
- Oui, peut-être vous aurez le droit d’un concert privé.
Et je repense alors à cette chanson, ces paroles, les yeux brillants de la Princesse Allys, ses gestes. Je retournais peu à peu vers ce désir quand elle me rappelle à l’ordre en évoquant Jin. Je ressors doucement de ma rêverie.
- Mon aventurier ?
Je reprends mes esprits et soutient son regard. Oui, Jin. Il était revenu, en vie et “ entier “. Son esprit était encore un peu au fond de cette grotte, nous n’avions jamais vraiment parlé de ce qui s’est passé là-bas. Il devait encore affronter ses démons, seul.
- Oui, il est sain et sauf. L’équipe de recherche a réussi à le localiser dans les montagnes proche de Forteresse. Il s’est passé quelque chose d’étrange là-bas, il faudrait qu’on mène d’ailleurs une enquête là-dessus. Mais comme vous savez, un aventurier ne s’avoue jamais vaincu. Il est reparti en mission pour se prouver qu’il était encore l’homme qu’il était.
J’en avais parlé au Maître-Espion discrètement de cette affaire, il a dit qu’il s’en chargerait. Je pense qu’un homme de confiance est dans l’équipe de Jin mais lequel ? Nous n’avons pas eu l’occasion de parler.
- Quoi qu’il en soit, quand je l’ai revu, mon coeur s’est senti apaisé. Ne me faites pas dire ce que vous avez pu comprendre. J’essaye de le comprendre encore moi-même mais peut-être quand il sera revenu de cette mission, j’aurai peut-être besoin d’une oreille attentive comme la votre...
Oui, tout prête à croire que ce jeune aventurier ne me laisse pas du tout indifférente. Cela me fait peur ce que je ressens mais ce n’était le moment de parler de ça… La Reine sait parfaitement où j’habite maintenant, elle trouvera toujours le moyen de m’embêter pour satisfaire sa curiosité.
Nous parlons enfin du sujet délicat. Allys ne laisse rien paraître, elle se place au fond de son assise. Oui, elle voulait quelque chose à la hauteur du feu Roi Melvis. Cet homme le méritait, il n’a pas pu profiter de son enfant, née tardivement. Oui Allys était un enfant miracle. La Reine ayant du mal à concevoir, c’est presque à l’âge de 43 ans que la jeune et unique héritière fut née. Si on compare la situation de maintenant, Allys était Reine et deux enfants presque adulte…
- Oui votre père le mérite, le peuple l’aimait beaucoup.
Nous allons évoquer comment nous allons procéder que la porte de mon bureau s’ouvre. Personne n’aurait osé ouvrir cette porte, Miranda connaissait les règles. Mise à part le Roi Grimvor et encore. Queen n’aurait pas fait ça, elle sait très bien qu’en présence de la Reine, elle se montre irréprochable et ma mère tient trop à son image pour m’importuner lors de mon rendez-vous hebdomadaire. C’était une règle tacite, ne jamais venir ce jour-là, ô grand jamais.
La Mère Régente était dans mon bureau, la Reine Neila était là et je me lève aussitôt pour faire les salutations d’usage. Allys me devance et s’approche de sa mère. Personne ne connaissait réellement son pouvoir, peut-être un charisme supérieur à la moyenne mais mon cerveau me disait de la regarder. Allys était la Reine sur ce Royaume mais rien ne pourrait supplanter le pouvoir d’une mère. Même si Neila connaissait sa place d’ancienne reine consort, elle attendait qu’on respecte son rang. J’aurai pu faire un point d’humour à sa remarque, que je me trouvais toujours à mon bureau mais je ne jouerai jamais à ce petit jeu avec elle. Je me commente de baisser ma tête.
- Mère Régente, ravie de vous rencontrer à mon bureau.
Un léger sourire de bienséance, je ne montre aucune hypocrisie. La jeune Renmyrth se charge de s’occuper de sa mère, comme si ce bureau était le sien et je la laisse faire. Je ne voudrais pas qu’on s’emmêle les pinceaux. Elle prépare alors le nécessaire et comme si elle connaissait les goûts de sa génitrice, elle lui glisse un demi-sucre et deux gâteaux pour combler la gourmandise de celle-ci. Cette réunion m’échappait de plus en plus des mains. Parler du Roi Melvis devant sa femme et sa fille va devenir plus compliquer et j’avoue avoir eu peu d’entretien avec la Reine Neila. Tout le monde connaissait son caractère fort, une femme juste et qui a éduqué sa fille pour qu’elle soit une reine parfaite. Certains diront qu’elle était sévère alors que je pense qu’elle a fait ça par amour, pour que sa fille soit apte à gouverner. Elle était fille unique et elle n’aura aucun frère ou soeur pour l’aider à la morte de ses parents. De toute façon, en côtoyant la brune, on sait qu’elle est indépendante, elle réfléchit à toutes les situations, essaye de se montrer digne et s’entoure de personne digne de confiance. Elle ne déléguait pas trop au début mais entre nous deux, elle accepte de plus en plus à l’aider dans sa tâche de tenir le royaume debout.
Le regard perçant de l’octogénaire nous étaient destinées à nous deux.
- Et vous Madame Du Lys, vous en pensez quoi ?
Est-ce un test ?
- Ne prenez pas ça pour une question piège. Nous n’avons jamais pris le temps de converser ensemble. Je vous ai connu en tant que Ministre de la Culture et maintenant vous voilà comme la Première Ministre de ma fille. Ce gouvernement change souvent ses derniers temps, il y a la Ministre de la Justice qui est partie récemment, je me trompe ?
- Oui pour raison familiale, Mère Régente.
- Dame Neila, ça suffira. C’est ma fille qui est la Reine maintenant et j’ose croire en ses choix en matière de bras droit. Vous ne souhaitez pas partir, vous aussi ?
- C'est un honneur de servir ses Majestés et le Royaume. J’ai étudié de nombreuses années durant pour me montrer digne de ce poste. J’espère ne jamais vous décevoir.
- Bien donc que pensez-vous du choix de ma fille ?
Je te jette un regard vers Allys et me fait un léger signe de la tête pour je continue.
- Après l'évènement des mille ans de notre ère. L’effervescence du peuple pour les feux d’artifice était non négligeable. Avec nos artificiers actuels et quelques enchanteurs, nous pourrons faire quelque chose de grandiose pour le feu Roi Melvis. C’était un roi bon et aimé par tous.
Le visage de la vieille femme semble se dérider un peu ou c’était peut-être mon imagination mais je me détendis légèrement.
- L’idée de faire quelque chose de plus privé permettrait de réunir ses amis sincères et rendre la chose plus intime. Un moment de recueillement autour duquel nous pouvons chanter quelques chansons à son nom par les artistes de la cour. Votre fille a certainement une idée plus précise de la chose, jamais je me permettrais de d'influer sur cette décision qui concerne essentiellement votre fabuleuse famille. Mais le feu d’artifice est une très bonne idée pour la Capitale !
J’attendis quelques secondes son verdict, je ne sais pas trop quoi en penser. C’était de son défunt mari qu’on était en train de parler et je n’ai jamais eu l’occasion de parler avec ma patronne de ce qu’elle pensait de son père. J’ai entendu conter certaines fois, l’histoire de la rencontre de ses parents. La famille Zora était une riche famille de la Capitale de collectionneurs et possédaient quelques musées un peu partout dans le Royaume. La réputation de Neila fut rapide en digne successeur de ses parents. Lors d’une vente enchère compliquée, elle a dû pour la prochaine fois baisser les bras, le Roi Melvis se plaisait à enchérir pour voir cet air contrarié sur la belle Neila. Oui le Roi Melvis était taquin et Neila était une femme au caractère bien trempée. Sa famille décide d’envoyer Neila pour négocier avec la famille royale pour mettre une partie de leur collection dans l’aile des artistes. Melvis prétextait de nombreux rendez-vous et la jeune femme fut séduite au fil du temps. C’était une histoire d’amour tout simple et on reconnaissait alors les deux personnages. Neila ne s’est pas laissée séduite dès le premier rendez-vous, oh non ! Le Roi utilisa plusieurs stratagème et elle tomba enfin dans ses filets.
- Allys qu’en pense-tu ?
Son attention se détourne de moi et je me sens enfin libérée de son joug. Elle n’avait rien à voir avec ma mère mais elle avait le don de me mettre mal à l’aise. Peut-être est-ce une qualité que de avoir une femme de cette statut. J’espère que je ne serai jamais comme ça si j’ai des enfants… Est-ce que Jin veut des enfants ? Pourquoi je pense à Jin ? Pourquoi je pense soudainement à des enfants ? Non, je ne devais pas penser à ça et me concentrer sur le sort que réserve Neila à sa fille...
- Fiche Neila:
- PNJ
Neila ZORA 84FemmeNobleMère Régente
En quelques mots...
Nelia est une femme qui sait ce qu’elle veut bien qu’elle ne soit pas la personne la plus chaleureuse au monde, ses intentions sont nobles.
+ Pouvoir : Captation. Elle attire l’attention des personnes croisant son regard.Caractère
Nélia est une personne droite, sans doute trop directe. Elle ne mâche pas ses mots pour dire le tréfonds de sa pensée. Un regard que rien ne peut ébranler, elle est une femme qui n’a jamais eu à baisser la tête face à l’adversité. Très perfectionniste, elle cherche à paraître au mieux de sa forme dans de riches vêtements. On lui reprochait souvent parmi ses proches une certaine froideur mal comprise par ceux qui ne la connaissait pas. Dotée d’un fort répondant, on lui connaissait un bon caractère, mais aussi un caractère juste. C’était une maman sévère, mais qui ne cherchait qu’à donner les plus belles armes à sa fille sur qui les espoirs reposaient. Elle ne lui passa aucune erreur en la reprenant autant de fois qu’il le fallait et toujours avec la même tenacité. Elle voulait le meilleur pour elle et c’était ainsi qu’elle le défendait.Histoire
Naissance dans une famille noble de conservateurs et collectionneurs. Leur collection de tableaux, sculptures et objets d’art ont été pendant un moment une des plus prestigieuses de la capitale. Autrement, ils étaient également les propriétaires de plusieurs habitations luxueuses dans le port qui leur donnaient des rentes confortables.
Lors d’une enchère, elle dut en tant que jeune femme se battre pour l’acquisition d’un tableau dont la somme aurait pu vous donner le vertige. C’était ainsi que la famille montrait sa force : ce qu’ils voulaient leur appartenait. C’était aussi simple que cela. Cette fois-ci ne fut pas aussi aisée, un homme surenchérit sur ses sommes sans cesse. Il attendait toujours le dernier moment pour augmenter la mise juste pour voir cette légère contrariété sur son visage. Elle dut se coucher et lui laisser le bien. Dès la fin des négociations, elle se rendit pour dire le fond de sa pensée à cet homme si peu genthleman.. quelle ne fut sa surprise de voir qu’il s’agissait du roi. Nelia fit demi-tour en félicitant sa majesté pour ce bien.
Quelques mois plus tard, elle voulut se présenter au château pour céder une partie de leur collection pour l’aménagement d’une aile du palais. La famille avait été flattée qu’on pense à leur si gracieuse proposition. De fil en aiguille, les visites se multipliaient jusqu’à ce qu’il fut évident que leur union était à proclamer.
Elle aima le roi Melvis de tout son coeur et se désolait de ne pouvoir agrandir la famille… Les médecins se succédaient, mais elle ne parvenait pas à avoir d’enfant jusqu’à l’arrivée tardive d’Allys. Elle fut baignée d’amour dès sa naissance, amour qui se changea dans une volonté d’un avenir radieux pour elle.Fille uniqueAllys Renmyrth
Elles n’ont pas toujours eu des moments faciles, mais Allys sait qu’elle ne serait pas la personne qu’elle est sans tout l’apprentissage de sa mère. Intransigeante, elle lui a permis d’évoluer dans le milieu de la noblesse sans y laisser de plume et lui a appris à se tenir droite en toute circonstance ou presque…
" Oui... "votre" aventurier "
Elle avait même insisté sur ce petit pronom qui faisait toute la différence. Elle ne pouvait s'empêcher de l'imaginer. Quel genre de personne était cet aventurier ? Avait-il une forte stature ? Des muscles suite à toutes ses missions ? Des récits à vous faire tourner la tête. Elle imaginait tellement Haru avec une personne capable de la faire rêver et l'emporter dans leur petit monde à eux. C'était une histoire qui se poursuivait bien fort heureusement. Jin était reparti en mission non loin des montagnes, près de la forteresse, ce n'était pas une zone très paisible. Il devait rencontrer bien des embûches, mais elle n'attendait qu'une chose : qu'il revienne. La reine avait son visage entre ses mains et elle était en train de baigner dans cette satisfaction d'un retour prochain et de retrouvailles à vous faire décrocher des larmes. Elle mit sa main derrière son oreille et lui tendit en souriant.
" Et elle sera tout à vous Haru aussi longtemps que vous la sollicitiez. "
Ce serment annoncé, une autre situation bien différente. Un noeud se formait, il l'avait obligé à se redresser. D'autant plus qu'une entrée non ... prévue disons le fit son apparition. Sa mère avait une certaine prestance, elle avait toujours l'impression en sa présence que le moindre détail avait son importance. Elle passa, repassa ses mains sur sa robe pour en chasser des poussières imaginaires. Leur moment d'intimité venait d'être changé en une sorte de réunion improvisé. Il ne faisait que rappeler qu'à leurs devoirs respectifs. Une légende voulait que l'ancienne reine par sa seule présence donnait plus de la prestance à la garde royale, mais elle avait une telle prestance... Allys avait souvent reçu de sa part qu'elle n'était pas assez concentrée sur toutes les petites subtilités de l'apparence sur les autres, que la garde royale était plus resplendissante à son époque... Elle imaginait bien que tous les parents devaient avoir des exigences identiques envers leurs enfants. Sa mère ne lui avait jamais parlé de ses doutes sur son gouvernement en revanche, elle eut comme un regard de reproches. Haru ne se départit pas de son calme, Lucy seule savait comment elle devait prendre sur elle, mais elle géra la situation d'une main de maître. Elle soutint même l'idée de la reine actuelle. Allys cligna des yeux comme si elle avait eu envie de la bercer de remerciements. L'attention de sa mère se reporta vers elle, elle tourna le plus simplement du monde la tête.
" J'ai toujours soutenu qu'un hommage est aussi fort dans un cercle restreint qu'en le partageant avec tous ceux qui l'ont connu. Pour moi, c'est la meilleur façon de l'organiser."
Neilia l'observa un moment, un moment suspendu, où tout pouvait s'inverser au moins elle savait que son gouvernement semblait soutenir les idées de sa fille. Effectivement, elle pouvait chercher à certains moments notamment quand elle lui avait demandé si son gouvernement tiendrait la route. C'était aussi une façon pour une mère de faire pression pour en connaître la réalité, elle qui ne participait plus qu'en coulisse à la vie royale. Elle n'en avait aucun regret, c'était maintenant à sa fille de régner, mais autant savoir ce qu'elle projetait de faire en détail... C'était bien là son défaut qu'elle lui reprochait ... le manque de précisions.
" Que comptes-tu donc faire pour cette cérémonie intimiste et pour ce feu d'artifice ? Comptes-tu faire venir des personnes en un lieu particulier ou rester à la capitale ? As-tu déjà commencé à prévenir tes citoyens de ce que tu comptais faire ? Dites m'en plus sur ce qui a déjà été construit ? Je ne suis pas avare de nouvelle, comme tu le sais Allys. D'autant que cette affaire m'est chère."
La reine était déjà satisfaite qu'elle ne s'oppose pas à ce qu'un événement joyeux vienne pour célébrer cet hommage. Le peuple l'aimait beaucoup, il était même parti sans un bruit comme pour laisser son oeuvre se poursuivre dans une paix durable.
" Un repas où pourrait être lus des extraits de textes qu'il appréciait si certains le souhaitent. Je voudrais faire une sorte de moment privilégié en laissant les rênes à ceux qui le souhaitent de faire partager un sujet de leur choix. Pour ma part, j'écris actuellement un texte que je compte lire durant cet événement... mais je ne souhaite pas forcer les personnes à entendre des textes ou des choses qu'il n'aurait pas choisi."
C'était bien typique d'Allys : poser un cadre et laisser aux autres la fantaisie de le remplir. C'était bien ainsi que sa mère le comprit... Chacun pouvait apporter n'importe quoi, elle en serait satisfaite... Allys pourtant vibrait à cette idée sa concentration était telle que même sa voix avait pris un peu de hauteur. Elle poursuivit dans le même élan alors que ses mains suivaient son énergie.
" Pour le feu d'artifice, je pensais faire un feu d'artifice qui viendrait de la cour du château, il serait visible depuis toute la Capitale. Nous aménagerions la cour arrière pour qu'elle puisse accueillir les artificiers. J'ai même ma propre idée à quelle compagnie je vais faire appel. Ils sont capables de faire des feux d'artifices uniques qui s'animent uen fois les lumières lancées dans les cieux. Nous pourrions retracer quelques épisodes qui ont marqué la vie du roi.... J'ai également l'idée de faire lanternes à souhait qu'il serait possible de lancer dans le ciel avec les souhaits de nos citoyens pour une période de prospérité sur Aryon... Faire de cet hommage une commémoration de paix. C'est bien toujours ce que souhaiter mon père...? Je vous avouerai que j'hésite entre les deux.. à présent"
"Comme il nous faut préparer... tu ne peux pas avouer surtout devant ta ministre ton hésitation. Tu dois prendre une décision"
Très bien, elles en étaient arrivées à ce point précis. Ne montrer aucune faille, se montrer sûr de soi. Très bien, Allys en était capable. Son visage se crispa légèrement en sentant qu'un reproche grondait derrière cette remarque sans qu'elle en devine les contours.
" ... Auriez-vous des idées pour compléter les miennes Haru ? Vous savez mère, j'ai beaucoup de chance d'avoir une ministre aussi appliquée. Je pense que ce serait intéressant d'impliquer les personnes, mais vous pensez que les citoyens suivraient cette idée. Le feu d’artifice ne demande au moins aucune implication.. juste de profiter du moment. Ce serait sans doute mieux ainsi... "
Elle ne comptait pas changer sa sincérité face à ses doutes, c'était aussi un moyen qu'elle avait de fonctionner. Allys n'était absolument pas une reine trop autoritaire, elle savait se montrer ferme, mais restait toujours ouverte au dialogue. A l'inverse de sa mère, elle était convaincue que ce dialogue forgeait des liens avec son gouvernement et lui donnait toute sa force également.
Si ce n’était pas mon bureau, j’aurai peut-être déjà pris la fuite face à cet échange. La mère de sa majesté sondait sa fille sur ses choix mais aussi sur l’image qu’elle donnait elle. Je comprends alors l’éducation qu’elle a eu plus jeune. Tout le pouvoir reposait maintenant sur ses épaules, elle devait se montrer sans faille, sans le moindre doute, elle était le Royaume et sa chère mère lui rappelait. Certes mon éducation était du même principe mais mes décisions ne seront jamais autant discutées ou sondées par tout un peuple. Mère faisait ça pour l’honneur de la famille sans aucune marque d’amour dans son entreprise malsaine. Neila a fait ce choix justement pour aider sa fille à supporter ce fardeau car elle n’était pas éternelle, elle avait un âge bien avancée, on pourrait même croire qu’elle faisait du rab mais je ne doute pas qu’avec la volonté de faire qu’elle a, elle attendra d’avoir un arrière petit enfant pour tirer sa révérence.
Je reste donc en retrait, essayant de me faire oublier, c’était un membre de leur famille qu’on parlait, je n’avais pas mon mot à dire dans cette histoire quand Allys se tourne vers moi, attendant mon avis. Je sentis aussitôt le regard de la reine mère et déglutis silencieusement. Bon c’était le moment que la belle brune peut compter sur moi, c’est ça ? Le moment où je montre qu’elle a choisi le meilleur bras droit possible ?
- Nous pouvons effectivement faire appel aux artificiers-enchanteurs pour faire le meilleur spectacle pour honorer la mémoire de votre mari. Un moment de joie et de bonheur pour nos concitoyens, je pense que le feu Roi Melvis serait ravi d’apprendre qu’on se souvient de lui dans des moments festifs et non dans la tristesse.
Je m’arrête un instant, la reine-mère semble réfléchir à quelque chose. Je repasse dans ma tête ma réponse, pensant que j’ai dis une bêtise mais Allys ne me dévisage pas.
- C’est vrai, c’est tout lui. Toujours à rire dans n’importe quel moment comme avec ce vieux Commandant Delancy.
Ce commandant qui a voulu se battre contre un Fenrir. Un sacré phénomène et si je me souviens bien, que la jeune Reine appréciait un peu comme un oncle.
- Assure-toi de faire un feu d’artifice digne de lui ma fille.
Allys semble se détendre. Son idée a été accepté.
- Et vous souhaitez faire quoi pour l’autre partie de la commémoration ? Je vous écoute Madame Du Lys.
Finalement, mon sort n’était pas scellée encore. Je devais encore lui plaire et je dois trouver une idée grandiose. J’en vois une qui arrive aussitôt. Le roi aimait particulièrement une pièce dans le palais. C’était la grande salle d’armes où se déroulait certaines des entrevues avec les citoyens ou autres réunions. Je me rappelle encore de ce moment pour l’anniversaire du roi Melvis, Allys avait une dizaine d’années et moi pas très loin non plus. Mère m’avait amené de force à cette fête. Oui les Du Lys devaient se présenter au Palais pour être bien vu surtout que je n’avais toujours pas de petit frère pour prendre le relais de la famille, donc on va devoir me trouver un bon parti à cette allure. Bref quoi qu’il en soit, je me rappelle de cette grande salle avec mes yeux d’enfants. Cette longue allée, ses bancs sur le côté, un peu comme un temple avec sa nef. Des charpentes impressionnantes, ses armures accrochées aux piliers, les armoiries royales qui flottaient sur des tapisseries. Oui c’était beau avec ses vitraux et il y avait cette petite fille, non loin du trône, fière de son papa. Les mains derrière son dos, elle faisait son maximum pour être irréprochable devant ses parents et son futur peuple. Une vraie princesse sage mais je me rappelais toujours le moment où elle voulait offrir son cadeau à son père. Connaissant son goût pour les plaisanteries et les feux d’artifice, elle avait choisi une fusée à main qui ferait flotter un mist. Evidemment, la jeune princesse tira sur la cordelette et la fusée pris d’un élan de fusée traversa toutes les armures décoratives, embarque les tapisseries et explose juste au dessus de roi, mettant le feu à sa cape. Neila était furieuse mais Melvis, au contraire a ri et prends alors sa fille dans ses bras pour la remercier de ce magnifique cadeau. Voilà comment était le roi, un homme généreux, un homme bon….
- Vu que nous choisissons les choses préférées de votre mari, pourquoi pas dans la salle d’armes. Hissons les anciennes couleurs, celle de Melvis. Invitons son ancien état major, ses anciens conseillers proches ainsi que d’autres invités qu’on ne pourra malheureusement pas se soustraire.
Car ne pas inviter telle ou telle personne, la Couronne pourrait perdre quelques financements comme ma famille par exemple, entre autres.
- Préparons un petit spectacle d’enchanteurs pour divertir nos invités et passer à une partie solennelle avec les discours ou autres. Si vous le souhaitez Dame Neila, vous pouvez nous aider à choisir la décoration de cette grande salle, je serai ravie de vous aider dans cette tâche. Nos couturières royales pourraient rafistoler quelques anciens fanions ou autres. Que pensez-vous.
- Vous… Vous essayez de m’amadouer non ?
Je ne peux m’empêcher de sourire un peu et de regarder sa majesté.
- Votre fille pourra en témoigner, j’essaye toujours de faire de mon mieux et de faire plaisir à tout le monde. Tous vos désirs sont mes ordres.
- Je ne sais pas où tu l’as trouvé mais je l’aime bien cette petite !
c'était peut-être la première fois de ma vie que je vois la vieille femme esquissée un petit sourire sur son visage...
" Il en sera fait ainsi, je pense d'ores et déjà qu'il sera magnifique." assura t-elle en souriant.
Alors que son regard se perdaient sur les contours de la petite table basse, elle perçut une future menace... Sa mère ne s'impliquait que très peu dans les affaires royales, elle lui avait complètement remis les rênes même si elle pouvait donner son opinion de manière tranchée. A présent qu'elle avait le sourire aux lèvres, Haru lui ouvrait grand la porte pour décorer la grande salle. Elle ne savait pas dans quoi elle s'engageait. Au moins le courant avait bien passé semble t-il, bien mieux que la reine n'aurait espéré. Sa mère avait tout d'abord rué dans les brancards en mettant en doute sa fiabilité et à présent elle lui disait " petite" dans un ton affectif. Elle avait bien essayé de la mettre dans sa poche, mais là... elle y allait un peu fort.
" Mère a toujours eu bon goût pour tout ce qui est décoration"
Neila et la décoration.. c'était de famille me direz-vous... Comment voulez-vous que des conservateurs avides de tableaux prestigieux n'aient pas l'oeil pour harmoniser une pièce ? Elles étaient parties pour de longs moments d'hésitations à trouver les couleurs parfaites qui iraient avec telles teintes. Le pire dans l'histoire c'était que Haru s'était avancée pour être avec elle dans l'élaboration de cette décoration... Elle s'était piégée en vérité. Vu comment elle l'avait intriguée, sa mère allait être ravie... et ce fut bien sûr le cas. Elle ajouta qu'elle allait se rendre dans cette salle pour avoir des suggestions, qu'elle était "impatiente d'être le jour suivant pour commencer la décoration".... Les délais se serraient. Le jour suivant pour la décoration. Et à présent, elle regardait avec insistance sa fille avec fierté. Allys comprit qu'elle se devait de : définir la date précise de l'évenement, définir la liste des invités, contacter l'artificier, contacter les couturières royales... et elle savait que d'autres étapes étaient nécessaires. Le lancement de cette cérémonie n'était plus en stade de projet, il venait de totalement prendre son envol... et c'était peu de le dire...
" Je pense que la décoration pourra être réfléchie d'ici deux ou trois jours. Nous devons poser les bases tout d'abord de la cérémonie..."
D'ailleurs, elle n'avait pas senti un tel enthousiaste depuis un moment de sa mère. Elle devait être reconnaissante d'être invitée par sa première ministre à participer. Allys n'avait bien sûr rien contre au contraire, elle trouvait cela même normal. Chaque année, elle était intervenue en apportant ses idées notamment. Sa mère était notamment très satisfaite d'être assignée à cette tâche. Après avoir pris congé suite à ces nouvelles, sa mère laissa à nouveau planer une atmosphère détendue, paisible. Elle avait même quitté la pièce en posant une main sur l'épaule d'Allys tout en souriant. Allys était tout de même assez sensible dès que l'on parlait de cette cérémonie. Même si elle se répétait, qu'elle mettait en avant la meilleure image de son père, elle avait toujours certains regrets. L'idée de pouvoir donner tous ses ressentis de cette façon lui apportait un certain soulagement, voire même une inspiration. Trouver une idée pour son discours serait sans doute plus facile à présent. Ses épaules tendues se relâchèrent avant de laisser un léger souffle soulever les quelques feuilles posées sur la table. Elle se tourna vers Haru avec un visage plus fatigué comme si elle venait d'essuyer un rude combat. Ses petites inquiétudes intérieures se montraient davantage comme elle se sentait en confiance avec sa première ministre.
"... Haru... je ne saurais vous remercier. "
Si elle venait un jour à tomber... parmi ceux qui la retiendraient, il y aurait Haru, elle en était de plus en plus sûre. Son père aurait été satisfait de voir que son oeuvre était soutenue par des personnes de mérite comme elle.
" Vous savez, je pense qu'il aurait été rassuré de vous voir première ministre. Vous avez même réussi à amadouer ma mère... et elle l'a remarqué" rit-elle. "Vous savez... je n'éprouve plus tellement de chagrin avec le temps... des regrets par compte oui, je dirai que c'est bien ce qu'il me reste après que le temps ait tout emporté... Enfin... je divague. Ce que je voulais dire c'était que vous avez été brillante comme toujours."
Allys se mit à enchaîner sans lui laisser le temps de commenter ses paroles dites avec beaucoup de franchise. Elle se mit à lui demander si elle avait déjà été à un feu d'artifices, si elle en avait vu des semblables à celui qu'elle avait en tête. De son côté, la reine avait déjà eu l'occasion d'en voir un sur le grand port. Cela ne s'était produit qu'une fois un spectacle de cette rare qualité, mais cela l'avait toujours inspirée depuis. Une question demeurait sur ses lèvres.
" Dites moi, vous êtes vraiment au courant de plein de choses. Je n'y avais pas pensé, mais la salle d'armes c'était parfait. J'y ai notamment un souvenir... je n'ai pas toujours été... très sage en vérité, comme beaucoup d'enfants, je pense. Il se peut que j'ai mis un certain désordre et que j'ai manqué de brûler la cape de mon père, juste pour lui montrer une fusée... Une fusée à l'intérieur d'un château... Ce serait bien Athéas qui aurait pu avoir cette idée... "
Etait-ce cette coïncidence ? Avait-elle suggéré ce lieu en faisant de simples suppositions ? Comment savoir ? La reine préféra autant lui demander, elle était tellement au courant de nombreuses choses qu'elle aimait connaître l'étendue de ce savoir stupéfiant. Soudain l'idée lui vint qu'elle pouvait être au courant de d'autres moments dans ce cas... la vie d'une princesse n'était pas discrète décidément. La reine finit par jeter un oeil à l'extérieur. La nuit commençait à faire doucement son office. Elle s'excusa de tout ce temps qu'elle lui avait pris. Le crépuscule n'était pas encore là, mais la journée avait bien décliné. Avant de partir, elle posa sa main sur l'épaule d'Haru en lui disant qu'elles se reverraient sans doute le lendemain.
Les préparatifs demandèrent du temps, de la patience comme tout grand événement. Toutes les lettres furent expédiées le lendemain avec la précision de la date et du lieu de la cérémonie. Les invitations étaient donc faites avec l'aide de sa mère notamment pour n'oublier personne. Elle lui posa plein de questions sur Haru... c'était affolant, mais ce n'était pas pour critiquer, mais par simple curiosité. C'était amusant quelque part. Deux jours plus tard, Allys et sa mère étaient toutes les deux dans le bureau de la reine. Sa porte était entrouverte, elle donnait sur une petite salle qui faisait antichambre lorsqu'elle avait des réunions en petit comité.
" On ne peut pas dire que ta première ministre est oisive, puis elle a de l'éloquence, c'est une vraie qualité. "
Quand on parle du loup... la reine croyait entendre des pas non loin de la porte, des pas qui s'étaient arrêtés. Les préparatifs étaient loin d'être terminés, d'autant qu'il manquait le travail des couturières ainsi que toute la décoration à mettre en place. Comme Haru avait proposé à sa mère de se joindre à elle pour cette partie... Comme elle ignorait tout du visiteur, elle fit une petite annonce :
" Si un visiteur veut se joindre à nous, qu'il se fasse savoir et nous fasse part de sa présence..." s'amusa t-elle à dire comme pour adoucir toute cette ambiance cérémoniale. Sa mère eut un regard un peu étrange, mais ... la reine avait oublié, c'était plus fort qu'elle, de ne pas se montrer trop taquine ou familière. Toute cette préparation lui donnait envie de respirer.
J’avais quelques arrêtés à faire signer à la Reine ainsi que d’autres papiers pour la prochaine réunion ministérielle. Je profite de l’occasion de lui porter pour me dégourdir les jambes et me faire un peu d’exercice. Ce week-end a été un week-end merveilleux, Jin avait la nuit et la journée avec moi et j’ai encore quelques traces du manque de sommeil sur le visage. Je pouvais compter sur quelques crèmes magiques pour faire disparaître tout ça. Nous avions fêter nos retrouvailles bien entendues, des retrouvailles attentionnées et bien plus encore mais pas que. S’endormir dans ses bras a été un luxe que je n’avais jamais eu encore. La seule personne avec qui j’avais eu une relation fut Nyx Anger. J’ai connu des hommes, des femmes, jamais quelque chose de sérieux. Nyx était la partenaire certes idéale pour ma famille mise à part que c’était une femme mais elle répondait à de nombreux critères, pas comme Jin.
Mais hier, nous avions sauté le pas. Nous avons pris le petit déjeuner ensemble puis comme un jeune couple, nous n’avions pas tant parlé que ça pendant cette longue journée. Sekyung revenait en fin d’après-midi et je devais pousser mon amant à la porte avant son retour. Certes à contre-coeur mais une fois dans nos lits respectifs, à la nuit tombée, je n’ai pas pu m’empêcher de l’appeler pour entendre de nouveau sa voix. J’avoue, ça me fait toujours quelque chose quand j’entends le timbre de sa voix. Jamais je lui dirais, je ne veux pas me faire passer pour une jeune adolescente en proie à ses hormones. Cette voix lui allait tellement bien, elle était posée, rassurante et il faisait plus en plus d’efforts pour utiliser de nouvelles expressions. Ses cours commençaient à prendre ses fruits et je sais qu’au fond, il le fait un peu pour moi. Je me dis que je le change bien, ou du moins en mieux. Comme à chaque fois qu’on s’appelle, il y avait toujours des plaisanteries qui étaient glissées dans des moments plus sérieux. Mais le fait qu’après une journée entière passée à ses côtés, je ressenti ce manque de sa présence. Il était mon réconfort et le savoir près de moi m’indique qu’il ne risquait pas sa vie à travers une forêt ou autre précipice. Il était en sécurité dans la capitale, il ne risquait presque plus rien. Evidemment, je veux refaire l’expérience, l’avoir plus souvent avec moi, savoir qu’il m’attends le soir ou inversement. Pouvoir discuter de nos journées, m’endormir près de lui. Oui, j’aimerai bien mais il y a encore de nombreuses étapes comme la suggestion de me présenter officiellement à sa mère. Je pense que le week-end prochain va être éprouvant pour toutes les deux. D’ailleurs, il faut que je m’assure d’avoir des places pour qu’ils puissent voir le feu d’artifice aux premières loges, ça fera certainement plaisir à sa mère puis quelques places en plus pour les enfants qui traînent souvent proche du bureau du chasseur de prime, Mikki trouvera certainement des volontaires. Non ce qui me tracasse depuis ce matin ce sont ses paroles. Jin m’a tendu un piège avec son “ je crois que tu m’aimes bien non ? “ Comme si il attendait que je le dise la première fois. Je n’étais pas prête et je ne l’ai jamais fait surtout. Ridicule pour une femme de mon âge, peut-être je devrais demander conseil à Allys, elle pourrait m’aider mais je dois me débarasser du problème Neila avant, j’entends sa voix d’ici.
Hélas, Allys trahit ma présence et je passe la porte en faisant les salutations d’usage.
- Majesté, Dame Neila.
La vieille femme se tourne alors aussitôt, légèrement furieuse de s’être faite avoir par sa propre fille. Mais je ne laisse pas paraître mon amusement.
- Comment allez-vous mesdames ?
- Vous tombiez bien Madame Du Lys, nous allions partir pour la salle d’armes.
Allys ouvra la bouche pour dire quelque chose mais sa mère lui coupa la parole.
- Nous avons beaucoup de choses à voir, une autre paire d’yeux n’est pas de trop.
- je vous suis alors.
La brune quitte sa place et se place à côté de moi. Je la vois me dire désolée tout doucement et nous suivons sa mère.
- Donc, il faut encore établir la disposition des différents éléments de décoration mais aussi le plan de salle. Il ne faut surtout pas mettre Dame D’Arphéos près de Dame Tsukishi, elles se crêpent le chignon tout le temps.
- je ferai attention à toutes vos recommandations. J’ai déjà quelques tableaux dans mes dossiers pour certains cas mais si vous pouvez m’aider à compléter mes données, j’en serai ravie d’éviter un soucis diplomatique.
- Bien entendu, je viendrais m’entretenir avec vous. J’avais des dizaines d’années de notes sur ce sujet. Ma fille, j’espère que tu as fais de même, c’est important de savoir ce genre de choses car si on doit compter sur notre cher roi !
- je partage mes notes avec votre fille mais ce sont surtout des notes personnelles.
- Il faudrait inventer le conseiller royal de la diplomatie. Ca devient de plus en plus compliqué surtout avec cette histoire de la mort des Milans. Ils sont de votre famille de mémoire non ?
- Oui ma mère est une Milan de naissance. Une terrible tragédie, ce sont les parents de la trésorière royale. Nous n’avons toujours pas trouvé les coupables, certainement un règlement de compte, nous faisons en sorte de protéger les autres enfants mais c’est assez compliqué.
- Encore des gens qui règlent leur compte tout seul sans passer par la justice. Un jour, ses querelles inutiles s’arrêteront. Ma fille, tu devrais faire quelque chose là-dessus. Ta ministre de la justice pourrait nous faire un dossier sur ce point non ? Mais bon, on n’est pas là pour ça, allons dans cette salle d’armes.
Pour son âge, elle marchait très vite. Je me surprends à sourire quand on essaye de rattraper la reine mère avec Allys. Cette femme avait son tempérament mais au fond, c’était une personne au bon fond. Nous arrivons dans la grande salle. De nombreux artisans étaient déjà présents.
- Alors, ici se trouvera l’estrade, a sa place habituelle. Des charpentiers vont faire un cadre pour une énorme toile de mon défunt mari dans sa plus grande bataille. Les peintres royaux sont sur le qui-vive, il leur reste peu de temps pour finir la fresque mais on m’a assuré que ca sera fait.
Et quand Dame Neila demande quelque chose, c’était fait même si on ne devait pas dormir pour le reste de la lune. Elle avait le don pour nous faire n’importe quoi et je sais que ma semaine va être longue, très longue que je n’aurai pas le temps de penser à Jin.
- Des enchanteurs vont mettre des amplificateurs pour les musiciens., mais aussi pour le jeu des lumières; Avec cette nouvelle magie, on peut maintenant tout faire ! J’ai commandé des bancs plus confortables. Le bois, c’est bien pour les jeunes mais beaucoup de nos invités auront mon âge alors je préfère penser au confort de leur arrière-train. Vous ne voyez pas d’inconvénients.
- Non bien entendu. On les stockera dans les entrepôts pour nos prochaines cérémonies, il suffira de changer la couleur du tissu.
- Le sens des économies ! Notre royaume ne fera pas faillite, c’est bien.
- Si vous connaissiez notre trésorière royale, vous sauriez que sortir de l’argent de la caisse demande des efforts surhumains. Elle est redoutable et demande de nombreux papiers.
- Au moins, ça décourage certains à dépenser pour rien. Je comprends pourquoi ma fille ne fait peu d'extravagance puis ce n’est pas ton genre. Pas comme ton arrière-arrière-arrière-arrière grand-mère Lyss. Cette femme n’a rien fait de son règne. Bon au moins, elle a créé le gouvernement mais ca aurait pu mal finir. Bon passons. Tu as prévu quoi de plus ma fille ?
Bon, j’avais échappé de peu au dragon, au tour d’Allys te répondre à sa mère. Chacun son tour...
Les soucis diplomatiques... autrement dit les incompatibilités entre individus. Elle se souvint avoir pris la parole étant enfant à ce sujet : " Est-ce le rôle d'un souverain de veiller à dissoudre ces querelles ou serai-je obligée d'y assister ? " La réponse était toute simple : elle devait se montrer neutre et veiller à ce que les personnes passent un bon moment. La neutralité avant tout et le respect d'une harmonie. La reine se mit à sourire en ajoutant également que dame Tsukishi aimait tout particulièrement la compagnie de Monsieur de Romphaire ainsi que de ses amis qui faisaient partie du même univers. Ils n'avaient pas grandi ensemble, mais c'était tout comme. Certaines âmes s'arrangeaient comme si elles ne s'étaient jamais quittés.
" Tant qu'à dame Arphéos, elle déteste être en bout de rang, c'est là qu'elle se montre la moins conciliante au monde."
C'était le genre de femme qui faisait regretter de n'avoir pas ce qu'elle appelait une place "désirée". Etre au bout de la table était selon elle le moyen d'écarter les personnes les moins importantes. La reine avait discuté avec elle en disant que pourtant le maître des lieux était souvent en bout de table, ce à quoi elle avait rétorqué " Je vous parle d'être aux extrémités non d'être placée au bout de ce banc, où vous êtes oubliée." Bien sûr Madame... Elle était bien la plus enquiquinante à supporter et à placer. Allys en soupirait en son fort intérieur en se disant pourquoi certaines personnes sont invitées alors même que ce mot leur était étranger. C'était la vie politique, rien à redire là dessus. La reine consultait toute la liste, elle se réjouissait déjà de la présence de certains, dont la présence était comme une sorte de rayonnement. Elle avait volontairement écarté le sujet du roi, soit disant ignorant. Elle n'avait pas son pareil pour lui rappeler que Grimvor ne faisait pas partie du même univers.
" Il n'y a pas lieu de s'inquiéter, je me souviens de chacun des noms et de leurs affinités"
Et de leurs affinités... Allys était devenue incollable sur cela, sa mère avait tant insisté pour qu'elle soit mêlée à toutes ces histoires. Elle avait au moins le mérite de se souvenir des noms assez facilement. Elles s'étaient mises en route suivant ce que disait sa mère qui prenait tellement à coeur cette affaire qu'elle semblait la tenir à bout de bras. Allys et Haru peinaient à la suivre dans les couloirs. Allys n'affichait pas un quelconque air de surprise, elle pressait le pas simplement un peu plus pour s'adapter aux circonstances. On aurait dit que la salle aux armes était en flammes et que leur présence était de toute urgence requise. Une envie de plaisanter se faisait sentir, mais l'heure n'était pas à de la " taquinerie" comme l'aurait dit sa mère en souriant du bout des lèvres. Elle adressa un léger sourire à Haru pour s'assurer qu'elle tienne le coup. Visiblement, elle pressait le pas, suivait le rythme; tout allait bien. Par la suite, Haru exposa qu'une peinture allait être faite, que des coussins agréables seraient disposés ( Allys eut un regard vers sa mère qui n'avait pas souligné la moindre contrariété.), des amplificateur et des effets de lumière... Il y avait déjà une très bonne base. Sa mère ne pouvait s'empêcher de critiquer à l'envi les générations précédentes tout en attestant le côté raisonnable de sa fille. Pour gérer les finances, elle avait un personnel compétant.
" Nous avions également évoqué la possibilité de refaire des fanions aux couleurs du roi Melvis, nous avons reçu quelques échantillons avant la livraison totale. Au sujet de la nourriture, j'ai fait appel à notre cuisinier habituel, mais il se trouve qu'il est souffrant. Des recherches ont été menées pour faire appel à une autre personne apte à confectionner un buffet froid. Je pensais proposer cela pour l'occasion avec la possibilité pour les invités d'évoluer dans ce lieu décoré. "
" Quel dommage Monsieur Tharim n'a pas son pareil pour confectionner des plats à la hauteur de tout type d'occasion. Sais-tu ma fille quand il sera remis ? "
" Les propos de la Capitale rapporte qu'un nouveau service de restauration appelé la "Farandole de Saveurs" vient de s'établir dans notre ville, je pensais laisser une chance à la nouveauté."
Ce n'était pas vraiment un nouveau cuisinier qui avait fait surface, mais le nom de cette enseigne avait eu le mérite de venir dans les discussions de la haute société et donc aux siennes. La reine était tout à fait d'accord de faire venir un nouveau cuisinier sans compter qu'elle avait eu de très bons échos à son sujet. Sa mère l'avait regardé fixement, puis avait souri. Elle se disait bien que connaissant sa fille, elle prenait cette décision en toute connaissance de cause. Il fallait bien que les gens aient à manger, ils n'allaient pas vu le temps octroyé chercher trop loin dans les adresses du royaume. Il n'y avait plus qu'à espérer que ce cuisinier ait du temps pour effectuer une commande pareil.
"Les plats qu'il propose sont fins, tout à fait adaptés à de telles circonstances. Pour ce qui est des invitations, je pensais réaliser sur du papier de lin, la présentation vaut plus que mille discours. Les invités n'en seront que plus satisfaits."
Depuis tout ce temps, elle savait que citer des paroles qu'elle avait entendues pouvaient lui donnaient d'une part une force dans ses propos et d'autres part une légitimité dans ce regard qui lui faisait face. La reine ne comptait pas le nombre de fois où elle avait du : réécrire des décrets suite à une écriture tremblante, défroisser une robe froissée ou encore d'autres faits anecdotiques, mais d'une importance capitale. Tous ces petits ajustements faisaient d'elle la reine d'à présent, elle avait bien retenu ces leçons comme inscrites dans ses pensées en lettres d'or.
" D'autres part si nous avons les lumières, la musique, les invitations, une chose manque encore j'ignore depuis combien de temps nous n'avons pas changé l'arrangement de la table. Ce serait sans doute le moment de marquer le coup en investissant dans des nappes finement travaillées. La salle n'en gagnerait que plus de majesté. L'estrade pourrait être amélioré également par l'usage de bannière aux couleurs des fanions. "
" En parlant de l'arrangement des tables, il serait bon également de ne pas prendre le service en argent que nous prenons d'habitude."
" Très bien." acquiesça la reine sans chercher à contredire. Elle ne comprenait pas en quoi les invités le remarqueraient, mais ce n'était qu'un détail. Allys ne se serait pas risquée à demander en quoi ce serait une offense de conserver les mêmes habitudes que lors des réunions officielles. Les services étaient somptueux. Le personnel avait l'habitude de sortir celui réservé pour les grandes occasions et tout marchait divinement bien, mais soit. Sa mère n'avait pas tant dirigé qu'elle ne l'aurait pensé, non elle commentait simplement leur idée. Rien que pour cela, elle était satisfaite qu'elle s'en remette à leur gestion alors changer ou non de service n'était rien d'autre qu'un détail.
" Autrement, je pense que Grimvor saura raconter des faits lui étant arrivés. Nous pourrons le placer auprès de l'ancien état major. "
La reine faisait confiance au roi pour tenir le rôle qu'il affectionnait dans la défense du royaume. Elle se souvenait encore de leur rencontre, où il avait pris sa défense. Cette image lui parlait à chaque fois que les défenses du royaume étaient en branle. Elle savait que de nombreux soldats comme lui sauvegarder la paix. Bien qu'il ne soit pas friand de ce genre d'événement, elle espérait que ce ne soit pas trop long à ses yeux. De cette façon, il serait près des gens ayant partagé une expérience similaire.
On parcourt la grande salle avec Dame Neila. Appuyant ses avis par sa longue expérience, je prends note de ses divers conseils cachés. Mais malgré tout, je trouve toujours Allys plus compétente, plus séduisante surtout. Elle essaye de garder contenance face à sa mère mais je vois qu’elle lutte pour ne pas l’envoyer dans les cordes. C’est toujours ainsi avec les parents, on ne peut rien leur dire. La discussion repart sur les couleurs des fanions et sur le rôle de Grimvor dans cet hommage. Même s' il n’était pas présent ce jour pour la préparation, il fera le nécessaire pour que ce moment se passe bien. Il connaît l’importance du défunt père dans le coeur de sa femme. Tout le monde garde un excellent souvenir de notre ancien souverain et il doit assumer le rôle maintenant le rôle du père de la patrie. On le sait, Grimvor était bien aimé de nos forces militaires, étant ancien garde de carrière. Il entretient encore aujourd’hui des liens avec certains capitaines, c’est bien qu’il soit là pour s’occuper de cette partie de l’administration du Royaume. Ce n’était pas mon domaine, ni celui de la Reine, ça me fait un truc en moins à m’occuper.
- J’ai cru comprendre que les anciens capitaines adoraient parlé avec ton mari. C’est une bonne idée puis ils parleront de leur bataille entre hommes, comme ils le font à chaque fois. Ils ne se renouvellent jamais…
Elle n’avait pas tort et j’esquisse un léger sourire qu’Allys pu apercevoir. J’avais de la chance que Jin n’était pas encore à ce stade là à me raconter en détail tous ses fameux combats ou autres chasses à l’homme. Nous n’étions pas encore à ce stade là de notre relation, je préférais passer mon bien autrement.
- Cette journée spéciale est pour bientôt, j’espère que tu as prévu une magnifique robe pour ce jour. Ton père aimait bien le bleu-roi, j’ai parlé avec quelques couturières et fait quelques patrons. Tu as rendez-vous avec elles. Et pour vous…
Dame Neila se tourne et me regarde de la tête aux pieds. Son oeil inquisiteur me fait froid dans le dos. Je serre mon dossier contre ma poitrine. Qu’est-ce qu’elle avait prévu pour moi encore ?
- Vos tailleurs vont très bien pour vos fonctions habituelles, c’est beaucoup strict pour une cérémonie. Vous avez de belles robes en plus, lors du festival du solstice.
- Mais...
- Il n’y a pas de mais qui tiennent. Vous devriez porter plus de robes, ça vous irait à ravir, comment aller vous charmer de beaux jeunes hommes ? A votre âge, vous devriez faire des efforts.
- Mais Dame Neila.
- Mon petit Aeron est beaucoup trop jeune pour vous et puis je sens qu’il vous fait quelqu’un de spirituel. Pas ses gros bras qui ne pensent qu’à leurs muscles, t’inquiète ma fille, Grimvor n’est pas comme ça mais ses gardes et aventuriers, pas un pour rattraper l’autre !
Je m’étais arrêtée quelques secondes. Elle avait raison peut-être sur un point, oui je pense qu’il me faudrait quelqu’un plus de mon niveau social et intellectuel mais Jin… Jin me faisait sentir vivante malgré tous les défauts qu’elle me disait.
- Allys, pensons à placer Dame Du Lys près du fils de Sir Espada. Son fils est charmant, votre âge, un astronome accompli au Village perché.
Certes Hoani Espada était un charmant jeune homme, intelligent, une longue chevelure blanche qui pourrait rendre jalouse n’importe quelle femme. J’ai pris plusieurs fois le thé avec lui, nous avions ris et partager nos opinions mais jamais accroché. Peut-être qu’il me manquait un peu de piquant, un peu de Jin quoi.
- Ne prenez pas cette peine avec moi. Nous avons autre chose à penser !
- Si cette cérémonie peut servir à autre chose et vous ne pouvez rester seule aussi longtemps. Je fais ça pour vous après il sera trop tard pour fonder une famille.
Un sujet qu’on n’a jamais parlé avec Jin. J’avais un certain âge et ma carrière était trop importante pour m’arrêter un certain temps pour avoir un enfant. Allys essaye alors de changer de sujet pour m’aider et je lui en remercie. Mais avant de partir, Dame Neila finit par m’attraper.
- Vous avez aussi rendez-vous pour votre robe. Il faut que la première ministre porte une robe qui va avec le ton de la cérémonie. Pressez-vous, il faut prendre toutes vos mensurations.
Je fais une légère révérence et je pars avec Allys dans les ateliers de couture. Une fois assez éloigné, la brune me glisse un mot.
- Vous connaissez maintenant ma mère. Je suis navrée pour tout ce qu’elle a dit, n’y pensez pas.
- Ne vous inquiétez pas Allys. Vous avez une mère aimante et elle fait tout pour votre bonheur. Je crois qu’elle a décidé de s’occuper de mon cas aussi.
On rigola sur le trajet pour ensuite passer entre les mains expertes des couturières. Cela dura une bonne heure et on repart chacune à nos occupations pour la journée.
Pour cette longue journée, j’avais enfilé cette robe faite sur mesure pour l’occasion. Il faut dire qu’elle m’allait parfaitement bien et je m’imaginais le regard que pouvait avoir Jin en me voyant. Je ne me rappelle pas d’avoir enfiler une seule robe en face de lui et la perspective qu’il m’enlève me réchauffe le bas-ventre. J’attrape alors le collier jumeaux et lui transmets cette douce sensation pour le taquiner qu’il me revoit aussitôt. J’étais enfin prête pour affronter la mère d’Allys mais aussi tout le reste. Les invités arrivent un par un, les deux reines à l’entrée pour recevoir les salutations de chacun. J’étais en arrière pour saluer à mon tour et restait à disposition en cas de soucis. Je supervisais l’ensemble de la fête pour laisser tranquille les Renmyrth. Il a fallu une bonne heure pour que tout le monde soit prêt, Dame Neila fait le discours d’introduction et le petit concert commence. J’étais assise au premier rang, tous les Renmyrth dans un coin, je faisais partie de l’autre colonne avec d’autres ministres. L’idée des banquettes sur les bancs étaient une très bonne idée pour nos invités. Ils bougeaient beaucoup à l’accoutumé dû à l’inconfort. Le premier rang avec de vrais fauteuils, royauté oblige. C’était maintenant au tour d’Allys de parler devant l’assemblée. Je lui fis un petit clin d’oeil d’encouragement et l’observe se déplacer pour atteindre l’estrade. Elle était époustouflante comme toujours, prête à montrer qu’on pouvait compter elle et qu’elle garderait toujours la tête haute...
- La robe:
" Je crois que non malheureusement, nous devons partir sur un coin de table plutôt bavard."
Allys n'en était pas déçue au contraire, elle se ferait un malin plaisir de passer juste pour entendre quelques récits. Elle était persuadée qu'elle n'avait pas encore tout entendu. La source était tellement intarissable que c'était même plus que probable. Mais l'heure n'était pas à sourire et à se relâcher, sa mère était encore dans ses projets, projets qui visiblement avaient commencé sans que les intéressées soient au courant. Elle était comme une calèche lancée à pleine vitesse embarquant tous ses passagers. Très bien, elle avait rendez-vous avec ses couturières, elle allait se faire un plaisir de prendre une nouvelle robe... Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas renouvelé sa garde-robe... depuis quelques mois... Les habitudes se créaient, le temps filait à une vitesse ; il serait temps par la suite d'y remédier. Avec le départ de ses enfants, elle n'avait pas eu le coeur de rendre visite aux couturières. Sa lingerie en revanche avait bénéficié d'un petit coup de jeune grâce à leur dernière virée avec Haru. Elle était partie à être pensive quand l'obstination de sa mère atteignit de nouveaux sommets... Elle n'allait tout de même pas forcer Haru à enfiler une robe choisie par ses soins... Ce serait le monde à l'envers.
Le pompom ce fut quand lui proposa Aeron...Allys eut un soupçon de honte. Un léger far aux joues naissait... ainsi qu'un regard légèrement insistant à sa mère qu'elle n'avait pas dû voir visiblement... La priorité était de s'excuser auprès de Haru, puis d'avoir une discussion avec sa mère... C'était quoi ces manies d'organiser des rendez-vous, elle lui avait certes fait le coup, mais c'était sa fille... Dans un sens c'était flatteur, mais elle n'aimait pas que l'on dicte les faits et gestes d'une personne. Allys toussa discrètement avant de saluer sa mère et de suivre Haru après s'être entendues sur la suite des événements. De toute façon, sa mère avait quasiment pris les choses en main, mais Allys voulut rappeler les termes convenus suivant toute réunion que tout d'abord ce serait en petit comité, puis un feu d'artifices, que pour le moment elle s'occupait de rencontrer ce traiteur pour lui indiquer les plats voulus et que pour les travaux de couture... elle marqua un temps d'arrêt.
" Nous y allons de ce pas, mère, en vous souhaitant une bonne fin d'après midi. Je viendrais vers toi pour les plats proposés pour le repas. Je passerais sûrement dans les prochains jours...Encore merci pour ton soutien."
Il n'y avait là aucune ironie, elle était vraiment reconnaissante de l'engagement de sa mère, mais certaines choses méritaient d'être mesurées... Comme elle lui avait pourtant toujours dit, la différence entre l'autorisation et l'interdit est souvent perceptible pourvu que les sens soient en alerte. Aujourd'hui elle avait eu beau lui envoyer des regards réprobateurs, elle était restée dans son idée jusqu'au bout en oubliant même ce que disait Haru. Elle n'aimait pas cette attitude. Par la suite, le ton devint plus léger. Allys ne put s'empêcher de lui dire " cela m'évoque un souvenir... vous savez une escapade pour acheter des vêtements. " Elle lui adressa un petit rire montrant qu'elle était passée à autre chose, même si on la sentait toujours un peu remontée.
***
Le jour de la cérémonie arriva tout s'exécutait tel qu'elles l'avaient envisagé. Les fanions, les banquettes, tout jusqu'au plus infime détail. Il faut dire que cet événement avait été porté par trois femmes désirant s'investir. Même les invités étaient rentrés avec un léger sourire, c'était aussi un moyen de croiser à nouveau tout le monde.. Certaines personnes de l'état major vinrent vers Alyss alors que sa mère s'adressait à la foule en rappelant à quel point la présence de cet homme avait été essentielle à la fois en tant que souverain, mais aussi en tant qu'époux. Elle n'en dit que peu sur le deuxième aspect par simple pudeur de sentiments, la reine aurait pu le parier. Allys se tenait près de Grimvor, comme à son habitude elle attendait que la musique fasse la transition entre la parole de sa mère et la sienne. Ce fut à présent à elle de s'adresser aux personnes lui faisant face.
" Mes chers amis, si nous nous tenons ici c'est un hommage non plus à un homme, mais à ce qu'il a bâti. Beaucoup diront qu'il a juste fait son devoir, mais il a fait ce que tout bon monarque se doit de réaliser. Non pas parce qu'il le devait même... " Elle avait finalement décidé quelque chose d'inhabituel : un discours sans prise de notes au naturel. Allys se dit que l'hommage n'en serait que bien plus fort. " mais parce qu'il le voulait... Tout comme vous finalement qui êtes venus partager ce moment de retrouvailles en sa mémoire, je vous souhaite de vivre votre vie à votre image tout en renforçant tous les liens que nous avons su forger... Cette année, aucun texte de ma main, j'ai voulu vous témoigner un remerciement sincère, quoi de mieux pour cela qu'une parole non préparée et sans artifice. Je vous souhaite une agréable soirée..."
Comme c'était une réunion intimiste, elle avait voulu se fondre dans cette intimité et imiter sa mère dans sa sincérité émouvante. Elle descendit de l'estrade dans sa robe bleutée aux couleurs du roi Melvis. Sa robe était parsemée de broderies réalisées avec du fil d'argent, elle n'avait pas résisté à y ajouter de la dentelle pour le buste. Elle n'avait voulu aucune dorure, aucune voilure, rien que cette simplicité qui à ses yeux était à son goût (Image de la robe). Des détails étaient perceptibles dès lors que l'on se rapprochait. La reine avait la fâcheuse manie de toujours vouloir accompagner les confections sans jamais abandonner. Les couturières avaient l'habitude... pour la plupart. Des personnes dès lors voulurent lui dire à quel point ils étaient heureux de se retrouver et qu'ils retrouvaient bien la petite princesse qu'ils avaient connue... Allys se mit à rire en songeant que la petite princesse n'avait pas toujours été sage. Et forcément l'un d'eux raconta à nouveau cette histoire " Vous savez que la reine a tenté de brûler tout le château ? Enfin non, elle voulait que son père change de cape d'abord. Vous êtiez très imaginative, ma reine"
" Qui vous dit que ce n'est plus le cas?" demanda t-elle par pur esprit de contradiction. Dès que l'on arrive au pouvoir, les gens s'imaginaient que la créativité chutait. L'effet avait été inverse pour elle, elle n'avait jamais autant dessiné. Comme elle vit le signe d'un serviteur, la reine annonça la venue des amuse-bouches en souhaitant à tous un bon appétit. Vint ensuite cette partie de soirée où elle pouvait doucement s'effacer pour prendre part aux discussions. Elle n'avait pas chois le terme ami pour rien, ils étaient tous des associés, des amis, des collègues, des personnes avec qui les échanges s'étaient faits et se font encore pour certains. Elle avait vu que Grimvor était en grande conversation, c'était parfait elle allait pouvoir se glisser derrière lui pour se poser sur une chaise. Un peu de récits épique ne faisait pas de mal, puis Haru avait l'air aussi en grande discussion. Elle n'avait pas remarqué d'ailleurs qui l'avait abordé depuis tout à l'heure.
Au moment où la musique avait commencé de nouveau à battre la mesure, après que la reine se soit tut, Hoani Esapada avait déjà fait un rapprochement stratégique. Il avait été personnellement salué par Dame Neilia, ils avaient échangé des banalités avant qu'elle ne lui souligne la présence de la première ministre. Il s'était penché pour apercevoir les longs cheveux bruns ainsi que la belle robe noire, qu'elle avait dû enfiler pour l'occasion. Elle était tout aussi ravissante qu'à la fête du solstice. Hoani se souvenait de leurs discussions sur certaines dérives qu'ils avaient pu remarquer. L'homme était très au fait des nouvelles du royaume, il avait assez de culture également pour susciter une certaine curiosité. Il pensait la même chose d'Haru et aurait bien eu envie de tenter sa chance s'il n'avait senti un certain retrait. Les conversations ne s'étant pas arrêtées, il s'en était nourri et n'avait nullement regretté d'avoir passé son tour. Quand il arriva non loin d'Haru dans un costume vert clair, il l'avait salué de son sourire habituel. Après avoir pris de ses nouvelles, il enchaîna en lui demandant si tout se passait bien dans sa prise de position.
"Nous n'avons pas eu l'occasion de nous revoir très souvent, mais je tenais à vous féliciter une nouvelle fois. S'il y a bien une personne qui méritait ce poste, c'est bien vous. Avez-vous terminé la lecture de ce dernier livre qui vous avez donné tant de fil à retordre ? Je l'ai terminé pour ma part une fin surprenante..."
Lors de leurs dernières entrevues, ils avaient échangé sur certains propos d'actualité, puis Hoani avait remarqué que Haru lisait le même livre que lui. Il lui avait simplement dit qu'ils auraient bien l'occasion de l'évoquer lors d'une prochaine rencontre. Bien conscients que leurs routes n'allaient pas se retrouver avant un moment, il avait cependant conservé ce souvenir, d'autant que c'était une bonne accroche pour reprendre leurs discussions.
" C'est même assez aspirant comment l'auteur évoque des événements appartenant à notre passé en conservant la fiction. " Le jeune homme prit appui sur la banquette comme pour inciter Haru à prendre place pour discuter posément.
La robe avait son effet tout comme celle de la Reine. Ce bleu avec toutes ses broderies dorées avait le chic pour attirer l'œil. Comme toujours Allys était superbe, son mari à son bras. Pour cette journée spéciale, Dame Neila était de nouveau à l’honneur après avoir quitté la politique du pays. Le début de la cérémonie se passe très bien puis une fois que la première partie du programme finie, on peut prendre un peu l’air devant un généreux buffet qui nous attendait. La musique accompagnait très bien le repas et alors que je prenais une flûte d’un délicieux crémant, un homme m’interpelle.
J’aurai reconnu cette voix entre mille. Suave et charmante, Hoani Espada était un astronome accompli et littéraire dans l’âme. Nous avons occupé les mêmes bancs de cours dans notre jeunesse avec l’archiviste royale pendant une saison. A cette époque, il était déjà très charmant et comme certains vins, il se bonifie avec l’âge. Sa longue chevelure blanche, un visage fin, un costume mettant en valeur sa silhouette finement musclée n’arrangeait pas les choses. Ce n’était pas le charme de Jin qui était de loin plus sauvage, plus brute mais Hoani jouait dans ma cour, celle des nobles, enfant ou futur héritier de telle ou telle famille. Nous étions liés d’amitiés dans nos longues heures d’étude et nous nous sommes trouvés des points communs. Nous avions échafaudé plusieurs plans pour nous échapper pour partir au village perché pour rejoindre les tours d’astronomie. La plupart de mes voyages étaient d’ailleurs avec lui et il m’a appris tout ce qu’il savait. Je ne dépasserai jamais son savoir mais sa connaissance du ciel me vient du lui. Vous pouvez vous imaginer qu’avec tous ses souvenirs, nous étions amants ? Et bien non, même pas le moindre baiser. Même si à l’aide de mon pouvoir, j’ai pu comprendre que pour lui, il aurait bien voulu tenter quelque chose avec moi, je n’ai jamais sauté le pas. Je dirais que j’étais amoureuse de son savoir et non de la personne. Il était un livre avec la silhouette d’un homme mais je n’ai jamais pu voir au-delà. J’étais heureuse de le voir en face de moi et nous trinquons à nos retrouvailles. On finit alors par s’éloigner pour discuter plus tranquillement. J'aperçois la mère d’Allys nous jeter quelques regards et curieuse comme toujours, j’interroge mon ami.
- Je parie que Dame Neila m’a dressé un magnifique tableau.
Il esquisse un sourire et je sens une pointe d’amusement dans ses mimiques.
- Oh vous savez Haru, même sans ça, j’avais déjà un magnifique tableau de la situation, tout comme cette robe.
- Toujours aussi charmeur Hoani.
- Je ne changerai jamais ça, tout comme l’amour pour nos étoiles.
- Avez-vous trouvé de nouvelles étoiles ?
- Oui, il y a un saison de là dans la constellation du Phoénix. J’ai réfléchi pendant longtemps et je l’ai appelé Kimura.
- Un heureux hasard n’est-ce pas ?
C’était le faux nom que j’utilisais lors de nos escapades pour éviter de nous faire attraper pour certains contrôles. L’astronome s’était un peu plus rapproché. De loin, nous pouvons passer aux yeux de tous de personnes très proches. Je suis soulagée de savoir que Jin ne soit pas dans la salle, il pourrait mal interpréter la situation même si je pouvais très bien m’éloigner de lui mais je sais que la mère régente nous observe, je sens son regard sur nous.
- En l’honneur de vieux souvenirs, puis Lucy a décidé qu’elle se trouve dans la même constellation de votre naissance.
- Lucy est d’humeur joueuse depuis quelques temps. Je crois qu’elle vous envoie cependant de mauvais signaux.
- Pourtant je pense certainement qu’on peut prendre cet heureux hasard comme bénédiction non Haru ?
Sa main se glisse dans mon dos. Je sentis aussitôt sa chaleur, ce contact était certes grisant mais totalement défendu.
- Je vais devoir malheureusement refuser, mon cher ami.
- Mais vous êtes ici, seule, accompagnée d’aucun homme. Je ne vois ici qu’une invitation, Dame Neila m’a certifié que vous êtes un coeur à prendre.
- Un coeur à prendre ne veut pas dire que je le souhaite. Puis Dame Neila ne sait pas tout non plus.
- Alors votre coeur est enfin pris ou vous voulez servir la couronne coeur et âme ? Vous êtes romantique, vous avez besoin de passion. Je vous connais et observe depuis longtemps. Toujours curieuse, vous avez eu à votre bras différents amants et même amantes. Alors pourquoi pas moi.
Mes yeux s’écarquillent en entendant ses réflexions. Est-ce que j’ai manqué de discrétion depuis toutes ces années ? Pourtant, je me rappelle d’avoir fait attention. Oui quelques rumeurs avaient circulé que j’étais en compagnie d’un charmant jeune homme quelques saisons plus tôt au centre-ville. Mais le visage de Jin étant peu connu, personne n’a fait le rapprochement. Dans mes pensées, je sentis sa main sur sa joue, attirant mes yeux dans les siens.
- Alors pourquoi ? Je n’aurai pas le privilège de passer une agréable nuit avec vous ? Je ne suis pas à votre goût ?
- Ce n’est pas ça Hoani. Je...
J’attrape sa main pour la faire quitter ma joue. Sa main encore dans la mienne, j’essaye de trouver mes mots.
- Expliquez moi
- Car vous ne méritez pas ça. Nous avons vécu d’agréables moments comme camarades, comme amis. Je souhaite garder votre amitié et à quoi ça sert de briser cette chose pour un avenir sans lendemain ?
- Mais peut-être sommes- nous faits l’un pour l’autre ? Nous avons les mêmes centres d’intérêt. On sait que notre travail est primordial pour nous, c’est réciproque. Vous êtes une femme délicieuse, vous voir si proche de vos anciennes conquêtes m’a fait si mal alors je me suis toujours demandé pourquoi ? J’ai travaillé d’arrache-pied pour être digne de vous.
- Hoani, ne dites pas ça ! Vous n’avez pas besoin de faire tout ça pour moi. Vous ne méritez pas d’être jeté comme une vieille chaussette car je n’arrive pas à ouvrir mon cœur. Ce n’était que des relations physiques consentantes entre adultes. Est-ce ça que vous voulez ?
- Si ça peut me permettre d’être avec vous le temps d’une nuit.
- Hoani...
- Mais je comprends, vous ne m'aviez jamais vu autrement, c’est ça ?
- Vous êtes quelqu’un de bon coeur et mériter une femme qui vous aime pour l’homme que vous êtes. Vous me mettez sur un piédestal que je n’ai pas.
Sa main quitta la mienne et me tendit son coude.
- Acceptez-vous de danser avec moi. Nous ferons fuir tous les autres prétendants de la soirée ? Ca vous va ?
- Mais avec plaisir, j’avais besoin d’un chevalier servant pour ce bal.
Mon pouvoir activée, je sentis sa détresse mais une pointe de fierté était présente. J’étais désolée pour lui, il n’y aurait pas eu Jin, peut-être j’aurai cédé à cette demande. Me disant que peut-être qu’une personne était ce qu’il me fallait mais au fond, je préférais l’avoir comme ami plus qu’autre chose.
- A défaut de pouvoir danser avec la reine, j’aurai l’honneur d’accompagner la deuxième femme la plus importante du Royaume.
Il se penche vers mon oreille pour me chuchoter quelques mots.
- Qui à mes yeux est encore plus jolie que sa majesté.
- Arrêtez de dire des bêtises !
- Vos désirs sont mes ordres, Madame la Première Ministre !
Je rougissais légèrment à cette phrase, pensant aux rêves avec Allys... c'était si exaltant. Enfin au centre de la piste, nous dansions comme un couple. Par notre éducation, nous avions appris les mêmes pas danses, connaissant chacun son rôle, sa mélodie. Il n’a jamais été mon cavalier plus jeune, Mère préférant choisir mes cavaliers dans ma jeunesse.
- Alors, vous allez me dire le nom de la personne qui comble vos pensées.
- Comment vous le savez ?
- Je vous connais et je pense que j’aurai eu ma chance même quand vous étiez avec Dame Anger.
Je voulais m’arrêter pour le dévisager mais au milieu de la musique, ça aurait été malvenu. Je me raidis quelques secondes mais en bon cavalier, il m’aide à continuer mes pas.
- Je vais finir par croire que vous m’espionnez.
- Il y a un peu de ça mais Dame Kuzu est une amie d’enfance et à bien voulu jouer à un petit jeu pour moi.
Dame Kuzu Shana, fille héritière d’une entreprise d’épices rare avait un charme exotique. Metisse, un accent unique avec ses yeux émeraudes. On s’était rencontré dans une réunion quand j’étais une assistante du ministre de la culture. Tout de suite, nos regards se sont croisés et le charme opéra. Curieuse, exploratrice, elle avait aussi une plastique de rêve. Avec Shana, ça dura moins d’un saison mais c’était intense mais vouer à s’arrêter dès qu’elle devait rentrer au village perché.
- Donc Shana est une amie à vous… Je pense qu’elle a dû vous raconter plein de choses sur moi alors.
- Celles qu’elle pouvait bien dire mais assez pour comprendre comment vous fonctionnez. Vous vous cherchez, en quête de l’amour, vous faites des expériences. J’ai compris alors que vous teniez à moi pour ne pas tenter de faire la même chose. Prendre et lâcher ensuite. Juste ce soir, j’ai vu une autre crainte en vous. Je ne saurai comment l’expliquer.
- Vous êtes toujours aussi doué et oui, peut-être que j'ai trouvé quelqu'un. Je ne suis pas prête à en parler encore. Si je me marie, je pense que vous demanderais comme témoin. Mais avant ça, peut-être nous devrions avoir des échanges plus réguliers. Nos discussions scientifiques me manquent certaines fois.
- Avec plaisir, j’ai un nouveau ouvrage à vous faire lire.
On rentre alors dans un silence apaisant, dansant sur des musiques plus ou moins entraînantes.
De larges portes s'étaient ouvertes pour profiter d'une salle plus spacieuse pour ceux qui voulaient se lancer dans ce doux enchainement. Les mains de Grimvor étaient toujours aussi délicieuses, elle entremêlait ses doigts aux siens en cherchant toujours à avoir ce mouvement qu'il ne pouvait anticiper. Leur danse était un mélange de pas convenus et d'improvisation à l'image de leur union. Ils avaient dû comme à leur habitude lancer la piste de danse pour que tout le monde ait l'opportunité d'entamer leurs douces démarches. La reine se mettait contre lui tendrement. En déposant sa tête contre son épaule, elle put également voir le duo que formait Haru et ce jeune homme. Ils avaient l'air de passer un bon moment, elle était heureuse que sa mère ne lui ait pas gâché ce moment. Néanmoins, elle était dans leur dos presque en train de se féliciter, pour elle c'était une affaire conclue. La reine n'en était pas si sûre. L'amour ne pouvait se prévoir ainsi, elle espérait aussi que sa mère ne misait pas trop sur cette alliance. Le temps de cela, elle tournait, virevoltait aux côtés de celui qui à ses yeux était l'amour de sa vie. A la fin de cet air, elle ne put s'empêcher de poser sur ses lèvres un baiser tout en le regardant amoureusement. En passant près d'Haru et Hoani, elle put voir le visage visiblement satisfait de sa ministre. Elle avait les joues un peu rosies... Elle s'en amusa en se disant qu'elle l'inviterait à son tour pour cette danse qu'elle réservait pour une des personnes les plus importantes à ses yeux. Après tout si elle parvenait à gagner la confiance dans ses décisions, elle la devait au sérieux implacable mais aussi à la douceur de sa ministre. Dès que les notes se finirent, que chacun ait remercié les musiciens comme ils le devaient, une autre musique allait débuter. Les musiciens laissaient juste assez de temps aux danseurs pour se trouver une nouvelle compagnie s'ils le désiraient pour poursuivre. Suite à cette seconde danse, il y aurait le ciel qui se couvrirait de lumières pour célébrer la mémoire du roi Melvis. Un balcon avait d'ores et déjà était ouvert pour laisser aux invités tout le loisir de le contempler depuis ce point de vue donnant un panorama sur la capitale. Hoani la regardait approcher tout en s'écartant avec un léger regret perceptible, visiblement sa mère n'avait pas eu à beaucoup insisté pour qu'il tienne compagnie à Haru. S'étaient-ils déjà connu autrefois ? Ils semblaient assez proches quand la reine les avait rejoints. Elle s'inclina devant Haru en lui tendant la main pour l'inviter tout en souriant à partager ce moment avec elle.
" M'accorderiez-vous la prochaine danse dame Du Lys ? Il me tarde de voir si vous sauriez suivre mes pas..."
Une petite lueur de défi brillait dans ses pupilles, elle avait envie de lui faire vivre ce moment tout en lui offrant une belle performance. La reine était connue pour ses talents de danseuse. Avec les années défilants, c'était bien la seule activité qu'elle n'avait jamais arrêté. Tout son maintien, sa souplesse lui venaient précisément de toutes ces années à positionner ses pas correctement tout en s'essayant à de nouveaux enchaînements. Elle s'adapterait bien sûr à sa partenaire à son niveau, son exigence. Si elle sentait qu'elle pouvait accélérer, qu'elle pouvait poussait ses enchainements, elle le ferait.
" Vous me feriez un tel honneur d'accepter... " compléta t-elle d'un léger clin d'oeil. Elle attendit que la main d'Haru se place dans la sienne avant de poursuivre. Sa main vint doucement se fermer sur la sienne, elle mit sa main sur sa taille pour ce début de valse. Les pas étaient très lents pour commencer ce passage. C'était un avantage car elle pouvait d'ores et déjà voir la souplesse de sa cavalière et envisager la prochaine évolution. Elle connaissait ce morceau, il accélérait progressivement. Une sorte de valse ponctuée de moments plus corsés. Dans le pire des cas, elle prendrait le rôle du meneur pour guider leurs pas. Un pas à gauche. Un pas un arrière. Elle fit tournoyer légèrement Haru en faisant glisser son bras contre le sien pour le repositionner sur sa taille de façon à la guider. La musique commença par devenir plus cadencée, elle montait peu à peu. La reine testa alors la capacité d'Haru à suivre en faisant tout d'abord un mouvement simple. Elle leva sa main face à Haru pour qu'elle appose sa main pour qu'elle puisse tourner en s'observant du regard. D'un côté... puis de l'autre. Ce pas demandait de bien lire dans l'esprit de l'autre danseur. Elle avait tenté par lui donner des indications par le regard en orientant du côté où elle allait se tourner. La reine tentait de communiquer au maximum par les gestes pour donner l'illusion d'une préparation parfaite de cette danse parfaitement improvisée. Quand la musique s'accéléra, elle se rapprocha un peu plus de son épaule pour qu'elles puissent se caler sur l'une et l'autre. Allys lui donnait toute l'opportunité de prendre les commandes si elle le souhaitait sinon elle continuerait dans un pas à la frontière d'une salsa et d'une valse. Elle ne plaisantait jamais à propos de la danse et sortait tout son savoir-faire. Des personnes les regardaient en songeant éventuellement à lui demander une danse par la suite. Ces pas de danse n'étaient du moins pas pour eux, mais pour cette femme qui l'inspirait tant. A la fin, elle leva son bras tenant la main d'Haru comme pour marquer la fin d'une danse magnifique. Allys s'était époumonée à donner le maximum au niveau de sa concentration ainsi qu'au niveau de ses techniques. Déjà des explosions donnaient au ciel des allures de bal comme si elles s'imposaient comme une troisième danse tout aussi unique. La reine avait gardé la main d'Haru dans la sienne pour s'orienter vers la fenêtre. Le spectacle était somptueux... elle en avait même les larmes proches de couler. Elle les retenait en songeant que cette cérémonie était telle qu'elle l'avait voulu.
"... Je pense que mon père est là quelque part et qu'il nous jette un regard aussi reconnaissant que peut l'être le mien. "
On avait souvent comparé le regard chaleureux à celui du roi son père pour toute la compréhension dont elle savait faire preuve pour son prochain. Ce n'était pas un hasard si elle y faisait mention tout en détachant ses mains de celle de sa partenaire de danse. Elle savourait ce moment de paix bien qu'elle se sente toujours lestée d'un certain poids.
" Votre soirée s'est passée à votre convenance, je l'espère. "murmura t-elle en profitant que Hoani ne soit pas dans les parages et que sa mère... ah discute avec lui. Très bien, elle avait trouvé le moyen de revenir sur le devant de la scène de façon subtile. Pour le moment, elle ne souhaitait pas le souligner à Haru pour avoir un moment de nouveau tranquille toutes les deux.
" Vos pas étaient bien trouvés, j'ai réellement passé un bon moment. Je vous remercie pour la danse. Nous aurons des moments moins festifs que celui-ci à suivre... autant profiter des moments plus riches. D'ailleurs.. comment danse Jin à ce propos ? Je m'inquiète pour ces futurs bals que nous organiserons... "
Danser avec Hoani était quelque chose de simple, nous avons reçu la même éducation, appris les danses de salon pour bien se faire voir en gala. Il est vrai que danser avec un partenaire qu’on affectionne particulièrement rendait la chose plus aisée et plus agréable à regarder certainement. L’astronome était de cette catégorie, j’avais une aisance remarquable de le suivre et même si je ne pouvais répondre à ses attentes, nous dansions comme nous avons pu le faire plus jeune pour le plaisir de nos parents et autres invités. Du coin de l’oeil, j’observais Allys qui comme toujours, dansait avec brio. Il était reconnu ses talents de danseuse. De toute façon, tout le monde la regardait, c’était un peu la dirigeante de notre royaume, si il y a bien un moment où elle ne devait pas s’arrêter, c’est bien là. Resplendissante aux bras de son mari, on pouvait voir d’ici tout l’amour qui régnait entre eux, c’était magique. Je doute que j’aurai une alchimie comme telle avec Jin. La question était surtout de savoir si il pouvait danser. A cette idée, un léger sourire se dresse sur mon visage. C’était même certain que mon bel amant ne connaissait pas ce genre de danse et raide comme il est, il n ‘arriverait à rien. Mais j’ai espoir que je me trompe, il faudrait faire un essai un jour.
Nous restons ainsi longtemps, agrémentant nos pas de quelques discussions quand nous le pouvions, ça dépendait essentiellement du rythme que nous imposait. Depuis toujours, je n’ai dansé qu’avec des hommes et je me demandais si j’étais encore avec Nyx, si j’avais eu le courage de me présenter ici, lors de cette cérémonie à son bras. Avec sa force de caractère, elle m’aurait obligé de faire ce premier pas, car pour elle, il faut arrêter de se cacher et qu’au bout d’un moment, il faut sortir du placard. Je n’étais pas encore prête à l’époque de le faire à la cour sans me faire tuer par Mère. Mais ce sujet est reporté car je suis avec Jin et là, je vais devoir faire une autre sorte de coming-out. Me présenter aux bras d’un jeune aventurier qui sort des classes populaires de notre royaume. Je ne sais pas lequel était le pire car Nyx aurait eu du répondant à n’importe quelle discussion avec un petit nobliau du coin mais Jin ? Allez, arrêtons de penser à ça, profite de cette soirée. Hoani, remarque mon désarroi et taquin.
Je pourrai toujours donner des cours à votre aventurier si c’est à ça que vous pensez.
- Je pensais à plein de choses, c’est vrai. Vous croyez que je serai aussi resplendissante que la Reine un jour ?
Ahahaha, vous avez toujours eu des idées farfelues. Vous l’êtes déjà, juste que vous n’avez pas de couronne sur la tête. D’ailleurs, je crois que quelqu’un vient.
- Qu’est-ce que vous racontez là ?
Puis je tourne la tête et je vois la démarche féline d’Allys. Sa robe était magnifique, j’aimais particulièrement cette couleur. Il était connu qu’elle choisissait toujours ses habits selon ses humeurs. Aujourd’hui était un jour différent, c’était Dame Neila qui avait fait le choix et elle avait bien raison de choisir cette teinte d’étoffe. Sa main se leva dans ma direction et j'ai reçu cette invitation inattendue. J'entends le léger rire de mon camarade derrière mon dos mais je regardais à la place cette main que je décide alors d’attraper. Elle était douce et chaleureuse, comme elle. Je décide enfin de lever les yeux et je vois ce regard rempli de défi. Est-ce un challenge me donne-t-elle ? Elle sait très bien que c’est un domaine que j’aurai bien du mal à rivaliser mais je ne pouvais lui faire honte, c’était même certain, je vais devoir être à la hauteur.
- Mais je ne pourrai refuser une telle faveur, ma Reine.
Appuyant légèrement sur le “ ma “, je finis par me laisser guider au centre de la piste. C’était bien étrange de se trouver si proche d’elle avec autant de témoins. J’ai rêvé de nombreuses fois à ce moment. Celui où elle me choisit moi et non son mari. Je venais de lui prendre sa place en quelque sorte, peu de gens avaient l’honneur de danser avec elle alors imaginez, moi une femme. Un spectacle bien rare à la cour et je vais inaugurer ce moment. Le stress monte un peu, j’étais peu habituée aux surprises, préférant contrôler le déroulement de mes soirées mais, Allys avait fait un coup de maître. Sa main se trouve sur ma hanche, à mon plus grand plaisir. Une de mes mains est sur son épaule, l’autre encore sur la sienne. La musique se lance, nos pas aussi. Automatiquement Allys prends la place du meneur et je me laisse guider. Nos regards se croisent, nous étions proches, très proches. Je pouvais sentir une partie de son corps contre le mien. Se rendait-elle compte ce qu’elle me faisait, de ce qu’elle faisait subir à mon cœur ainsi que de la triste réalité de mes prochaines nuits ? Nous effectuons des chassés progressif, open impetus et tous les autres pas possibles et inimaginables. La Reine pouvait faire ce qu’elle voulait de moi et au bout d’une danse, je reprends alors le contrôle du flot de mes pensées. La brune avait assuré pour toute cette partie, à moins de faire le reste. La prochaine danse était plus dynamique et bien plus amusante, d’un commun accord non verbal, je deviens la meneuse. Un peu plus collée, certes mais excitante de ma part. Mon sourire se fit un peu plus grand. Certes je n’étais pas aussi douée qu’elle mais pour un duo improvisé, on s’en sort bien. On ferait un si joli couple toutes les deux… La musique pénétrait nos âmes et on décide de changer de rôle en cours de route. Allys prenait peut-être un malin plaisir de jouer ce rôle pour une fois. Je sais qu’elle essaye de toujours trouver un moyen pour me déstabiliser et elle avait gagné haut la main. Bien heureusement, elle ne pouvait lire mes pensées, j’espère qu’elle ne posera aucune question sur ce que j’ai bien pensé. Je n’arriverai pas à contenir tout ce qui peut cogiter en moi.
Cet interlude se finit et elle me tire vers un balcon. Sa main tenant encore la mienne, je ne fis aucun geste, bien au contraire. C’est alors que je compris pourquoi cette proximité. Elle était en deuil malgré ces festivités. Le nez pointé vers le ciel, ses yeux brillants, je me sentais impuissante face à sa tristesse. Je m’approche près d’elle, nos mains se lâchent et m'appuie sur la rambarde en pierre. Ne préférant pas la regarder, du moins la dévisager. Je regarde les constellations.
- Vous voyez, ici au centre du ciel. Cern et toute sa constellation. Je pense que votre père y trône sur cette étoile brillante. Elle a toujours été de bon conseil et voyez l’étendue de la constellation d’Orion. Votre père n’était pas avare en sourire et il vous aimait particulièrement, je me rappelle encore de ces câlins à la dérobée qu’il vous faisait. Vous suivez son exemple, vous êtes une femme bien, une merveilleuse Reine mais pas que.
Je tourne alors la tête et lui adresse un sourire chaleureux. Plein de non dits mais je les garderais pour moi. Ne voulant pas rester sur cette note nostalgique, on glisse sur un autre sujet, plus amusant si le plan de Neila avait réussi.
- Votre mère a bon goût. Hoani est un homme charmant mais même si nous sommes de vieux camarades de classe, rien ne pourra se construire entre nous enfin plus maintenant.
Peut-être si Jin n’était pas là et que le bel astronome avait apparu à un moment opportun mais hélas non, j’avais un fougueux brasier à la place. Saisissant cette ouverture, la reine commence son interrogatoire. Je me retiens de rire à cette allusion de la maladresse de mon amant.
- Pour être honnête, je pense qu’il ne sait pas danser et des cours s’imposent ! Vous êtes une excellente danseuse Allys mais je le savais déjà en vous observant depuis quelques années mais le vivre est bien différent !
Notre discussion devient moins sérieuse. Elle avait raison, profitons de ce moment pour se détendre un peu.
- Mais avant de l’amener à un bal, j’ai déjà les présentations avec sa mère à faire. Puis je le vois tellement mal à l’aise ici, dans la cour. Vous allez me le tuer et j’ai encore besoin de lui dans cette période de grand froid.
Je lui avais déjà parlé une fois rapidement des pouvoirs de Jin et je veux ce petit rictus sur le visage de la Reine.
- Peut-être je devrais vous le présenter bien avant. Ca évitera les surprises, son coeur ne s’y remettra que si vous lui parlez comme ça. Il a toujours du mal à me croire que je vous parle tous les jours alors bon...
Je sais que j’ai touché la curiosité de la Reine. Plein de questions sont prêtes à sortir mais aujourd’hui n’était pas le bon jour. Une autre fois, autour d’un thé lors d’une réunion qui n’en sera pas une. Un feu est lancé. Le spectacle va bientôt commencer, l’orchestre lance sa douce mélodie. J’entendis les pas de Grimvor, accompagné de sa belle-mère à son bras. Tout le monde se tait et admire le spectacle du feu d’artifice. On voit les citoyens qui regardent en direction du Sud, la cour du palais était ouverte pour permettre de mieux voir l’évènement. Le spectacle pyrotechnique dura une bonne demie-heure. Contant alors les exploits du roi Melvis en image. La magie permettait de faire toutes les figures qu’on le souhaitait, un peu comme une constellation animée. On voit des images du roi lors de bataille, avec sa famille et autres. Le concert continuait pour nos oreilles, suivant le même rythme que les feux. C’était grandiose et Grimvor s’approcha de sa femme, la prennant tendrement dans ses bras pour affronter cette “ épreuve “. Tout ceci était très beau et les dernières minutes de la mise en scène étaient simplement de la pure pyrotechnie pour le plaisir du public. Tout le monde applaudit et la foule commence à se disperser. Ici au palais, la soirée dura encore un peu, l’orchestre fit une musique douce pour enfin laisser les gens rentrer chez eux dans le calme.
Je finis par rentrer, accompagnée par Lancelot qui a tenu absolument à rester auprès de moi. Beaucoup de gens étaient dans les ruelles et il était inquiet. Je fis la conversation avec lui pendant qu’il me raccompagne jusqu’à mon portail. Je finis alors par le laisser, des rêves plein la tête mais surtout de cette danse que je n’oublierai jamais…
- musique ouverture feux d'artifice: