Et si je t'adoptais ?
Cela faisait quelques jours à peine que le père de Thétis venait d’être incarcéré pour détournements de fonds. Elle avait regagné la maison familiale, où elle vivait avec le majordome, Hamon. Elle le connaissait depuis son enfance et c’est sans doute pour cela qu’elle le traitait avec respect et gentillesse. Il avait toujours tout fait pour aider les Alinac, même lorsque la petite sirène lui en faisait voir de toutes les couleurs et que Felis se montrait dur avec lui.
Aujourd’hui, une page venait de se tourner et ils devaient aller de l’avant. Il savait à quel point cette épreuve serait rude pour Thétis, elle, qui ne connaissait rien du monde extérieur, qui avait toujours pu compter sur son père. Il était présent le jour de leur séparation au tribunal et comme tout bon majordome, il ne pu s’empêcher de tendre l’oreille et d’entendre leur dernière discussion. M. Alinac lui avait finalement conseillé de prendre la mer et de quitter l’archipel. Il n’était pas dupe, il avait bien comprit que sa fille adoptive souhaitait plus que tout partir à l’aventure et trouver des réponses à ses questions. Ainsi donc, par ce temps pluvieux, Hamon vint toquer à la porte de Thétis.
- Entrez Hamon.
- Bonjour Mademoiselle. Excusez-moi de vous déranger, mais je souhaiterais aborder votre voyage à venir.
- Je vous écoute, dites-moi tout. Répondit la jeune femme en se tournant vers lui.
- Je sais que vous souhaitez vous rendre à la ville aquatique mais je suis trop âgé pour vous accompagner et ne serai qu’un poids... En revanche, je ne peux vous imaginer partir seule sans la moindre protection. Il se trouve que je connais une résidente de l’archipel qui a fait appel à un aventurier et ce, à plusieurs reprises. Elle m’a assuré qu’il s’agissait d’un homme de confiance, qui a toujours rempli ses missions à bien. Peut-être pourriez-vous faire appel à lui pour vous escorter ?
- Hamon, que ferais-je sans vous ? Vous êtes pleins de ressources. Je dois avouer que je suis dans tous mes états à l’idée de quitter l’étoile du sud. Je n’étais qu’une enfant la dernière fois que je suis allée dans cette ville sous-marine… et père était avec moi. Silence. Je pense qu’une escorte serait avisée. Puis-je compter sur vous pour qu’une missive lui parvienne dans les plus brefs délais ?
- Mademoiselle. Dit-il en inclinant la tête. C’est comme si c’était fait.
Thétis lui adressa un sourire reconnaissant avant qu’il ne sorte. Les dés étaient jetés, maintenant elle ne pouvait plus faire marche arrière. Très bientôt, elle serait partie.
**
Comme convenu, l’homme en question fut prévenu de leur demande d’escorte. La missive fut écrite de la main du majordome et directement envoyée à la Guilde des Aventuriers au nom de Fauve Nalim. Une fois la demande acceptée par le garde du corps, Thétis pu commencer les préparatifs.
Le jour du départ, Thétis était en train de terminer ses bagages dans sa chambre. C’est en regardant ses deux gros sacs pleins à craquer qu’elle hésita. Elle ne savait pas combien de temps elle partait et elle avait peur de manquer… peut-être devait-elle en prendre un de plus ? Haussant les épaules, elle partit fouiller dans ses placards pour prendre un sac de taille moyenne et le remplir. Robes, corsets, souliers et accessoires en tout genre… voilà qui relevait de l’indispensable. Le majordome vint la prévenir de l’arrivée de leur hôte et constata avec horreur qu’elle était encore en chemise de nuit… il la pria de se hâter avant de descendre les trois bagages et de proposer un rafraichissement à M. Nalim. Il déposa la boisson demandée sur la table basse du salon et l’invita à s’asseoir dans le fauteuil en velours. Il s’excusa du retard de Thétis et préféra le laisser seul pour ne pas le mettre mal à l’aise.
Thétis ne s’alarma pas le moins du monde et prit le temps de faire sa toilette. Après tout, la journée promettait d’être longue, autant profiter du confort quelques minutes de plus. Elle finit par se vêtir, optant pour une robe mauve à épaules dénudées, accompagnée d’un corset noir. Elle coiffa sa longue chevelure flamboyante, se tapota les joues pour les faire rosir et descendit de sa tour pour rejoindre l’homme qui allait l’escorter. Hamon l’avait sagement attendu en bas des marches et lui ouvrit la double porte qui menait au salon. Thétis pénétra dans la pièce dans pas léger, la tête haute et sans la moindre gêne d’avoir fait attendre ce monsieur plus de 40 minutes.
- M. Fauve Nalim, je vous présente la maîtresse des lieux et celle que vous allez escorter, Mlle Thétis Alinac. Dit-il en la désignant respectueusement d’un geste de la main.
Cette dernière lui adressa un rapide bonjour, avant de plonger son regard dans le sien, impassible. Il devait avoir la trentaine environs, grand, cheveux blonds tirant sur le blancs, de jolis yeux bleus et une cicatrice sur le visage. Un petit sourire étira les lèvres de notre sirène : c’est le genre d’homme qu’elle aurait volontiers payé pour lui tenir compagnie. Du haut de ses 1m60, elle semblait le toiser complètement.
- Et bien M. Nalim, je suis prête à prendre les voiles.
Pour en revenir au sujet initial, ça fait quarante minutes que j’attends attends dans un petit salon, Ardent, ma chienne, un berger blanc suisse de 8 ans, bien sagement assise à mes pieds. Il est parfaitement visible qu’elle voudrait s’allonger de tout son long, mais souhaite quelque part faire bonne figure, une bête très fière. Avec pas mal la bougeotte quand elle attend trop longtemps, je ressens presque en moi son envie de faire autre chose qu’attendre une noble un peu trop coquette souhaitant soigner son entrée.
Pourquoi en faire autant ? Surtout que quand la famille trucmuche, dont j’ai avalé le nom, mais que sa fille n’est pas terrible niveau tour de poitrine par rapport à sa corpulence, meilleur souvenir du monde, promis. Bref, quand cette famille m’a dit que l’on souhaitait avoir mes services pour une escorte et que en suite j’avais pris quelque renseignement sur qui était la demoiselle en question. Le seul truc qui m’attirer l’intérêt sur le moment était l’arrestation de son père. Visiblement ça n’avait pas retiré sa fierté à la demoiselle. Être une chieuse est aussi une qualité. Mes sœurs en sont bien l’exemple même.
— Bonjour aussi, j’étais presque sûr que c’était monsieur qui était notre demoiselle à escorter, c’est un plaisir de voir que vous êtes bien plus fraîche que lui. Enchanté mademoiselle Alinac.
J’ai attendu longtemps, j’ai le droit à ce genre de remarque, même si officiellement je suis à un rang social plus bas qu’elle et qu’elle est, je le répète, un joli petit morceau. Un grand sourire, me relevant de mon siège que j’avais pris pour attendre, il est important de prendre ses aises tout de même. Puis je ne vais pas changer qui je suis juste pour faire plaisir, si mon attitude ne plait pas le client trouve une autre personne pour le faire, ça sera simplement moins bien que moi. De la vantardise ? Si peu. Est-ce vraiment un mal de savoir ce que l’on vaut ?
M’approchant je la toise de plus en plus, être plus grand qu’elle est un certain délice dans ce genre de situation. C’est comme dominer d’avance la situation alors que rien n’a changé de base. Tout dans l’attitude de base. Ardant c’est levé aussi et me suis bien dans ma démarche, cette brave bête sais vraiment quand suivre et comment le faire. Même le fait de savoir à nouveau une fois que je me stop à la distance d’un bras d’elle est du grand art pour elle. Je suis fier de ma chienne.
— C’est agréable de voir que tu es autant mieux en beauté pour moi, mais j’aurais préféré apprécier ta fraîcheur naturelle plus longuement de mes yeux plus que le confort de tes sièges. Enfin, si mademoiselle veut bien me suivre pour prendre la route, nous avons un bateau à prendre pour mettre les voiles. Même avec de l’argent j’ai un doute qu’il accepte les mêmes retards d’embarcation pour tes jolis yeux.
La provocation est purement gratuite, mais me faire attendre m’a agacé, pas pour moi, mais pour ma chienne. Autant, j’aurais été seul, certes ça m’aurait aussi fait chier, il ne faut pas mentir, mais moins. Un animal a besoin de se dépenser, encore un peu plus et j’autorisais Ardent à faire ses besoins sur le tapis sans aucun gène. Tout n’est qu’amusement, puis une part de moi est certaine d’avoir vu de l’intérêt dans ses yeux. Même si ce n’est que mon imagination je souhaite jouer avec tout de même. Visiblement mon attitude est tout sauf au goût de son personnel. De mieux en mieux tout cela.
Sans un mot de plus, un simple sourire moqueur qui parle bien plus que tout ce que j’aurais pu ajouter, je lui tends mon bras de manière des plus grossières, comme pour l’inviter à le prendre. Si mademoiselle souhaite se la jouer petite noble qui fait attendre son monde comme une parfaite princesse, peut-être qu’elle souhaite aussi que je sois bon prince. Même si c’est juste le passage au lit qui m’intéresse au final si ça arrive. Ardent, elle, est totalement surexcitée de son côté, sa queue battant d’impatience à se mettre en route. Ce que je ferais une fois qu’elle aura commencé à faire un pas. Un début de trajet en calèche ça reste calme.
Et si je t'adoptais ?
Thétis ne répondit pas à ses salutations et à ses petites remarques. Il pouvait bien être mécontent, elle n’en avait que faire. En revanche, elle ne pu s’empêcher de jeter un coup d’œil à sa chienne, sagement assise à ses pieds. Elle ne s’y connait que très peu en animaux, mais bizarrement, elle avait toujours été attirée par eux. Elle avait d’ailleurs très envie de lui faire une gratouille, mais cela serait plutôt mal vu. Fauve Nalim finit par se lever de son fauteuil et s’approcher ; elle se sentit très vite minuscule à côté de lui. Celui-ci ne se gênait pas pour la toiser elle-aussi. Apparemment, il avait vite compris à qui il avait à faire.
— C’est agréable de voir que tu es autant en beauté pour moi, mais j’aurai préféré apprécier ta fraîcheur naturelle plus longuement de mes yeux, plus que le confort de tes sièges. Enfin, si mademoiselle veut bien me suivre pour prendre la route, nous avons un bateau à prendre pour mettre les voiles. Même avec de l’argent j’ai un doute qu’il accepte les mêmes retards d’embarcation pour tes jolis yeux.
C’était de la pure provocation ! Thétis le fusilla du regard. Il osait la tutoyer en si peu de temps ? Elle n’était peut-être pas une princesse, mais les nobles méritaient un tant soit peu de respect. Décidément, voyager en sa compagnie ne serait pas de tout repos. Hamon tiqua aussi à ses paroles mais se retint de tout commentaire, de peur de faire exploser la demoiselle. Il voyait bien qu’elle était déjà tendue et prête à craquer…
Un sourire moqueur accroché aux lèvres, le bras tendu comme invitation, ce garde du corps mettait le paquet. Levant les yeux au ciel, Thétis passa devant lui sans lui porter plus d’attention. Elle sortit de la maison et se dirigea vers la calèche. Le valet déplia le marchepied et l’aida à se hisser à l’intérieur tandis que Hamon apportait les sacs. Une fois les affaires de la demoiselle à bord, il vint lui adresser ses mots d’adieux.
- Mademoiselle, je vous souhaite bon voyage. Surtout, n’hésitez pas à m’écrire ! Que ce soit en cas de problème ou simplement pour me tenir informé.
- Ne vous inquiétez pas Hamon, tout se passera bien. Dit-elle en posant sa main sur son épaule, comme pour le réconforter. Je vous écrirais c’est promis. Je m’en voudrais de vous laisser sans nouvelle. Portez-vous bien !
Le majordome acquiesça, satisfait de sa réponse, puis laissa place à Fauve Nalim.
- Veillez bien sur elle ! Je compte sur vous mon brave. Dit-il aux bords des larmes.
La séparation n’était pas simple. Il connaissait Thétis depuis son plus jeune âge et la voir partir le mettait dans tout ses émois ; sans compter que le père était en prison. Agitant un mouchoir sur le bas de la porte, il les regarda partir, la gorge nouée. Notre sirène lui fit de grand signe de la main jusqu’à ce qu’il soit trop loin.
La jeune femme regarda le paysage défilé à travers la fenêtre de la calèche. Elle quittait pour de bon l’étoile du sud ! Elle eut un pincement au cœur lorsqu’elle aperçu le casino de son père, fermé et éteint. C’était une bien triste vue et cela lui rappelait l’horrible condition de son père à l’heure actuelle… sentant que les larmes lui montaient elle aussi aux yeux, elle inspira une profonde inspiration pour se calmer. Préférant reporter son attention sur le jeune homme qui partageait la voiture d’attelage, elle finit par rompre le silence.
- Nous ne sommes pas partit du bon pied tous les deux. Tâchons de faire un effort jusqu’à notre arrivée à la ville aquatique. Dites-moi, vous nous avez été chaudement recommandé, mais pouvez-vous me dire quels sont vos talents ? Et cette chienne toute blanche, pourquoi l’avoir amené ?
Notre sirène n’était pas très bavarde d’ordinaire, mais le temps allait paraître bien long s’ils se regardaient dans le blanc des yeux. Et puis, il était rare qu’elle côtoie des aventuriers. Cela avait quelque chose d’excitant de se retrouver seule avec un homme potentiellement dangereux. La plupart des nobles ne se salissaient pas les mains, alors se battre… cela tournait souvent au ridicule. Thétis appréciait les visiteurs de l’étoile du sud, car ils apportaient de la fraicheur… et parfois des nuits endiablées. Fauve Nalim ne faisait donc pas exception à cette règle.
Même si les adieux bien trop larmoyants entre les deux prouts me font royalement chier, je ne dis rien qui pourrait le laisser entendre. Ce n’est pas parce que je suis frustré de ne pas avoir eu une relation telle à un moment de ma vie avec mon entourage que je me dois de pourrir le moment des autres. De plus, être renvoyé chez moi pour insolence est encore possible et ce n’est pas le but recherché dans l’histoire. Faire chier c’est une chose, ne plus avoir de travail encore une autre.
Ardent monte avant moi dans la calèche, à la suite de Thétis, en chienne bien éduquée elle s’installe assez loin pour ne pas gêner notre douce compagnie. L’odeur de son parfum ne doit pas forcément être à son gout de base en plus. Pas que la demoiselle pu le parfum, mais un chien sensible, habitué à plus une odeur dite brute pour rester poli, a un peu plus de mal avec certaine douceur plus artificielle pour le coup. Je me lave, ce n’est pas la question, mais pas avec le même genre de produit que mademoiselle, sinon on va devoir reparler tous les deux sur ses goûts en matière de produit de beauté, mais ce n’est point le sujet pour le moment.
Pour le coup je regarde le paysage en faisant attention au son de la route, après je ne suis pas là pour faire du tourisme et il faudrait faire attention tout de même qu’on n’en veuille point à la vie de la miss. C’est dans le silence que je m’attendais à faire le trajet, tout prêt à commencer ma drague une fois qu’elle aurait été trop chiante à garder le silence, mais elle me surprend en parlant avant moi. Son approche est simple, mais amusante, je ne cache pas le rire amusé que cela me provoque.
— Nous ne sommes partis de rien du tout poussin, ni d’un mauvais, ni d’un bon pied. Si tu as pris mes mots personnellement, demande-toi pourquoi simplement. Demande pourquoi surtout tu n’as retenu que le négatif trésor.
Ma voix est clairement moqueuse. La faire tourner un peu en bourrique pour l’attente n’est pas une mauvaise chose. Avoir l’impression d’avoir le contrôle de la situation alors qu’on est l’employé est vraiment plaisant. C’est toujours amusant de rabattre le claquet de ceux qui tortillent le cul pour chier droit.
— Pour moi tout a été dit chez toi, aucune rancune ne reste, je ne suis pas payé pour t’en vouloir. Je suis supposé te protéger, même si l’envie de te refaire le portrait d’une manière ou d’une autre se fait ressentir. Faire attendre n’est pas le pire qu’on est pu me faire, ça ne me tuera pas.
Il y a du vrai dans mes mots. J’ai eu pire et si j’avais vraiment été de mauvaise humeur, je serais partie tout simplement et aurait laisser ma place a un autre, ce n’est pas comme si je n’avais pas le choix, je suis très loin d’être dans la misère. En tout cas, elle reste amusante en plus d’être jolie, c’est tout bonus. Je vais jouer ma meilleure carte de base, le culot.
— J’ai beaucoup de talent en tout genre, ça dépend sur quoi on m’a recommandé. Si c’est mon travail au corps à corps pendant mon travail ou mon service après escorte, dans tout les cas même ceux qui grogne savent voir mon talent.
La vanité à l’état pur, mais je sais être doué et je l’assume parfaitement. Pas parfait, personne ne l’ai, mais je ne doute à aucun moment de moi. Douter c’est mourir de toute façon.
— Sinon, je pense que tu as pu remarquer que j’ai une langue que je sais utiliser à outrance, autant que je sais manier mon sabre ou dresser mes chiens pour attaquer en cas de danger. Aussi surprenant que ça puisse paraitre, je sais aussi me faire passer pour le parfait petit noble en cas de besoin pour des baquets, n’est-ce pas impressionnant ?
Un peu d’humour tout de même pour lui faire comprendre que je sais parfaitement que mon attitude pose souci et que je ferais attention en cas de besoin de sauvegarder les apparences pour elle. Savoir se la fermer et quand le faire fait aussi partit de mon travail, mais je pars du principe qu’une jeune femme, seule, qui demande une escorte de cette façon, peut supporter quelques piques tout de même.
— Sinon, elle s’appelle Ardent cette chienne et si besoin, ça sera elle qui ira mordre le cul de nos attaquants si on en a ou retrouver notre chemin si on se perd. N’est-ce pas ma fille ?
Ardente relève le museau et jappe une fois avant de reposer son museau au sol. Non, je ne parle pas aux animaux, elle a simplement réagi à son nom et au mouvement de tête et main que j’ai fait dans sa direction. Vraiment, l’entraînement paye pour presque donner l’illusion d’une communication.
— Et sinon, même si c’est moins plaisant à savoir, de quoi as-tu peur pour faire appelle à un garde du corps recruter par simple recommandation ? Je doute que ton majordome m’ait engagé s’il s’était renseigné sur mon répondant ou alors ça veut dire qu’il y a de gros poissons qui souhaitent te manger peut-être.
Où que je suis pris pour un rigolo de première catégorie capable de faire un travail simple sans ouvrir la bouche à aucun moment. C’est aussi une possibilité, mais cela m’agacerait de le dire à voix haute tout de même. Alors je continue à sourire narquoisement en restant attentif à ce qui se passe dehors tout de même. Ça ne fait pas sérieux de se faire prendre alors qu’on vante son professionnalisme un peu plus tôt.
Et si je t'adoptais ?
- Nous ne sommes partis de rien du tout poussin, ni d’un mauvais, ni d’un bon pied. Si tu as pris mes mots personnellement, demande-toi pourquoi simplement. Demande pourquoi surtout tu n’as retenu que le négatif trésor. Dit-il amusé.
Thétis déglutit. Elle pensait qu’en se montrant un peu plus douce, il baisserait sa garde, mais visiblement elle se trompait. Ce qui était certain, c’est qu’il s’amusait bien à la faire tourner en bourrique. Soit, peut-être était-ce mérité au vu de l’attente qu’elle lui avait fait subir.
- Pour moi tout a été dit chez toi, aucune rancune ne reste, je ne suis pas payé pour t’en vouloir. Je suis supposé te protéger, même si l’envie de te refaire le portrait d’une manière ou d’une autre se fait ressentir. Faire attendre n’est pas le pire qu’on est pu me faire, ça ne me tuera pas.
Alors pourquoi se montrait-il si violent dans ses mots ? « Lui refaire le portrait », vraiment ? Il allait un peu loin et Thétis fronça les sourcils, le regard dur. Elle n’avait guère l’habitude d’être menacée ; les nobles qui venaient se frotter à elle, elle parvenait très bien à s’en débarrasser en leur faisant fermer leur clapet, mais Fauve Nalim était différent et le pire dans tout ça, c’est qu’elle l’avait engagé. Elle devait donc se montrer plus maligne si elle ne voulait pas qu’il l’abandonne quelque part. Ce qui entre nous, serait très fâcheux. Thétis seule dans la nature ? Laissez-moi rire. Elle irait vite se terrer sous l’eau. Préférant jouer la carte du silence, notre demoiselle attendit patiemment que son interlocuteur termine de parler.
- J’ai beaucoup de talent en tout genre, ça dépend sur quoi on m’a recommandé. Si c’est mon travail au corps à corps pendant mon travail ou mon service après escorte, dans tous les cas même ceux qui grogne savent voir mon talent. Reprit-il d’un air vaniteux.
C’était juste une impression ou il faisait des allusions sexuelles ? Thétis avait décidemment, de plus en plus de mal à se concentrer. Les nouvelles rencontres la mettaient dans tous ses états. Ou peut-être était-ce simplement parce qu’il était grand, fort et qu’il lui tenait tête. Elle fit de son mieux pour rester impassible et attendit la suite.
- Sinon, je pense que tu as pu remarquer que j’ai une langue que je sais utiliser à outrance, autant que je sais manier mon sabre ou dresser mes chiens pour attaquer en cas de danger. Aussi surprenant que ça puisse paraitre, je sais aussi me faire passer pour le parfait petit noble en cas de besoin pour des banquets, n’est-ce pas impressionnant ?
- C’est ce que je constate en effet… une fois lancé vous ne vous arrêtez plus. Dit-elle tout en sentant ses joues s’empourprer. Et je ne sais pas ce que vous entendez par « le parfait petit noble » mais si vous vous montrer respectueux tout ira pour le mieux.
Thétis appréciait son côté tête brûlé mais elle ne souhaitait pas être traitée comme n’importe qui. Il y avait des limites, et tôt ou tard, les assiettes finiraient par voler entre ces deux-là s’ils ne mettaient pas de l’eau dans leur vin.
- Sinon, elle s’appelle Ardent cette chienne et si besoin, ça sera elle qui ira mordre le cul de nos attaquants si on en a, ou retrouver notre chemin si on se perd. N’est-ce pas ma fille ? Dit-il en regardant l’animal blanc qui venait de relever son museau.
- Je vois… et bien, espérons que nous n’ayons personne à nos trousses.
- Et sinon, même si c’est moins plaisant à savoir, de quoi as-tu peur pour faire appel à un garde du corps recruter par simple recommandation ? Je doute que ton majordome m’ait engagé s’il s’était renseigné sur mon répondant ou alors ça veut dire qu’il y a de gros poissons qui souhaitent te manger peut-être.
- Il est vrai que je me suis reposée sur Hamon pour cette demande d’escorte… mais je suis toutefois soulagée d’apprendre que je n’ai pas engagé un incapable. Lorsque l’on recommande quelqu’un, il est rare que l’on soit déçu. Et même si Hamon n’apprécie probablement pas votre répondant, ce n’est pas là ce qui l’intéresse. Tout ce qui nous importe, c’est que vous fassiez correctement votre travail et qu’il ne m’arrive rien. Mon père est un gros poisson, comme vous dites, et dernièrement il s’est attiré pas mal d’ennuis… je ne suis pas stupide, je me doute qu’il y aura des représailles. Certains de ses anciens « collaborateurs » vont bien tenter quelque chose en son absence. Et le plus simple pour accéder à leurs désirs, c’est de passer par moi pour avoir un point de pression. Ouvrez donc l’œil, M. Nalim, l’Archipel est plein de malfrats dissimulés par leurs vêtements luxueux et leurs bonnes manières.
Détournant son regard vers l’horizon, Thétis serra les mâchoires. Elle devait attendre un an avant que son père ne puisse sortir de prison, mais que se passerait il d’ici là et même après ? Allaient-ils seulement s’en sortir ? Certains de ses collaborateurs étaient eux aussi incarcérés, mais pas tous. Allaient-ils rejeter la faute sur Felis Alinac, essayer de lui voler ses biens, de lui voler sa fille ? Pleins de questions restaient sans réponse pour le moment, mais Thétis se préparait au pire. Aujourd’hui, elle n’avait qu’une hâte : prendre le large.
— Mine de rien, savoir parler autant c’est souvent assez utile.
Pour déstabiliser l’adversaire, gagner du temps, détourner l’attention, agacer et provoquer des erreurs, faire que ma magie commence à agir sur les animaux du coin et ainsi de suite. Cela entraine même l’endurance mine de rien, cela demande un certain souffle de se battre en parlant, en plus sans se mordre la langue. Je vous assure, dans mes premiers temps faire les deux en même temps était une sacrée galère qui m’a valu pas mal de problèmes.
— Enfin, au moins vous avez un personnel compétent qui vous reste fidèle, c’est déjà bien. Certains nobles quand ils chutent voient aussi tout le petit personnel lui tourner le dos ou les poignarder sans aucune race.
C’est peut-être ce qui est arrivé avec le reste de son personnel, mais elle a eu une personne de confiance qui a su me conseiller. En me vantant totalement, c’est le mieux qui pouvait lui arriver là tout de suite. Même si on me propose une meilleure paye pour lui tourner le dos ou la laisser tomber, du moment que j’ai accepté un contrat de base, quoi que je pense de mon employeur, je reste fidèle à mon contrat jusqu’au bout.
— Est-ce qu’au moins tu fuis vers un endroit où tu sais que tu vas avoir de l’aide ou est-ce une fuite dans le premier endroit qui te passes par la tête ? Oh ! Et pas besoin de me prévenir, tous les malfrats se dissimulent avec ce qu’ils trouvent de mieux, plus ont est important, plus il est simple d’être simplement un connard.
Après tout, c’est ceux qui ont de l’argent qui demande bien plus facilement des contrats de protection contre leurs voisins de peur de se faire trouer par tous les côtés. Plus on a dû pouvoir, plus on pense être mieux que tout le monde. Ça, c’est la base même de comment les Milan ont toujours vécus et comment certain sont mort aussi. La belle ironie.
— Un fiancé qui t’attend peut-être ? Ou peut-être est-ce que tu as décidé de changer de vie et devenir boulangère ? Tu as déjà une belle paire de miche si tu veux mon avis.
C’est plus pour s’amuser de la situation qu’autre chose, de toute façon elle doit bien savoir par elle-même à quel point sa situation est merdique. Elle n’a pas besoin de la pitié ou du soutien d’un parfait étranger, je ne suis pas assez en manque d’affection pour lui offrir cette merde si spécifique. Si elle veut survivre dans ce monde de requin, il faudra qu’elle s’endurcisse de toute manière.
Ardent jappe joyeusement en remuant la queue, visiblement pour elle tout roule comme sur des roulettes et la tension ne la dérange pas. Je ricane un peu suite à son jappement et elle se met assise en remuant encore plus la queue, fière d’avoir réussi à me faire sortir ce son de ma gorge. Je flatte l’animal de ma main droite en attendant ce qu’aller faire la demoiselle. Qu’elle réponde ou non n’est pas mon souci, à elle de voir si elle a besoin de penser à autre chose ou non.
Et si je t'adoptais ?
Fauve admit qu’elle avait un personnel compétent et fidèle, ce qui fit plaisir à Thétis. Ce bon vieux Hamon méritait effectivement ces compliments. Et il n’avait pas tort, la plupart des employés de nobles finissaient par quitter le navire lorsqu’il coulait… mais pas Hamon, il était resté et avait veillé sur elle. Thétis avait été forcée d’en renvoyer certains, les autres avaient pris la décision de partir et elle ne pouvait pas leur en vouloir. Elle ne pouvait se permettre de payer autant de monde au vu de sa situation actuelle.
— Est-ce qu’au moins tu fuis vers un endroit où tu sais que tu vas avoir de l’aide ou est-ce une fuite dans le premier endroit qui te passes par la tête ? Oh ! Et pas besoin de me prévenir, tous les malfrats se dissimulent avec ce qu’ils trouvent de mieux, plus on est important, plus il est simple d’être simplement un connard.
Fauve marquait encore un point : les riches et les gens de pouvoirs, avaient une certaine facilité à faire de mauvaises actions. Ils pouvaient profiter de leur influence et agir dans l’ombre la plupart du temps. Petit à petit, ils se laissaient corrompre.
— Un fiancé qui t’attend peut-être ? Ou peut-être est-ce que tu as décidé de changer de vie et devenir boulangère ? Tu as déjà une belle paire de miche si tu veux mon avis.
-Plus rien ne me retient pour le moment à l’archipel. Plutôt que de gaspiller mon temps, je préfère parcourir le royaume et en apprendre davantage sur mes pouvoirs. Si je vais à la ville aquatique ce n’est pas pour rien. Je tiens à rencontrer une chercheuse en magie. En revanche, je vais devoir me débrouiller par mes propres moyens. Silence. Je ne suis pas fiancée et ne tiens pas à le devenir. Pour ce qui est de ma « belle paire de miche », je ne vous ai pas demandé votre avis. Dit-elle calmement.
Thétis savait très bien que ce voyage allait l’endurcir, qu’elle allait être confrontée aux difficultés de la vie. Mais au fond, elle aimait se challenger. Elle ne se considérait pas comme une fille fragile et souhaitait se prouver qu’elle en était capable. Elle n’hésiterait pas à montrer les griffes si cela était nécessaire.
-Et vous, est-ce que votre vie d’aventurier vous convient ? J’imagine que vous avez dû en voir du paysage… Vous faites ce métier depuis longtemps ? N’est-ce pas trop dur d’être constamment sur les routes et loin de chez vous ?
Peut-être que Fauve ne souhaitait pas aborder le sujet, mais Thétis était du genre curieuse. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander quelle vie cela pouvait être… s’il avait de la famille quelque part, des amis. Etait-il aussi solitaire qu’elle ? Avoir un père riche et influent, cela n’aidait pas en amitié. L’appât du gain venait forcément tout gâcher. Avec le temps, elle s’y était habituée, mais il faut bien avouer que par moment, elle se sentait très seule. A 20 ans, elle ne connaissait rien du monde et craignait encore son pouvoir. Est-ce que Fauve connaissait les Sirènes, en avait-il déjà vu dans ces voyages ? C’est une question qu’elle ne manquerait pas de lui poser.
— C’est bien que tu saches dans tu t’engages et de chercher à le faire par toi-même. Ne pas se reposer uniquement sur les autres est une leçon à apprendre rapidement, mais je dis cela, il est possible que tu le saches depuis bien longtemps. Par contre, cela m’intrigue un peu que tu souhaites en savoir plus sur tes pouvoirs. Est-ce qu’ils se sont déjà manifestés et tu veux en savoir plus parce que tu as du mal en voir toute leur limite ou bien est-ce que tu cherches à savoir ce qu’est ton pouvoir que tu n’as pu utiliser ou su que tu utilisais ? Je t’avoue que personnellement il m’a fallu un long moment pour comprendre que j’utilisais mon pouvoir et encore plus pour en connaitre les limites. Quand ça s’est manifesté, je n’ai pas eu le réflexe d’aller voir les bonnes personnes pour savoir.
C’est quelque part pour lui montrer aussi que ce n’est pas de la moquerie gratuite. Du donnant donnant pour avoir une information que ta seule curiosité a soif de savoir. Seulement mademoiselle semble elle aussi curieuse et il serait dommage de ne pas lui répondre. Parler, même de paysage, sera toujours mieux que de se regarder en silence dans cette calèche.
— J’ai eu bien d’autres vies avant d’être aventurier et je ne crois pas avoir été une seule fois plus à ma place que dans cette vie-là. Même quand je rentre chez moi, dans le chenil que j’ai monté de mes mains, avec mes chiens qui m’accueillent toujours avec une fidélité sans égale, même là, ça ne vaut pas le frisson de l’adrénaline que la vie d’aventurier offre. Je fais ce métier depuis plus d’une dizaine d’années et je ne vais pas me la jouer en racontant que c’est facile au bout d’un moment ou qu’il n’y a pas de moment où l’on se fait chier. C’est comme vivre une aventure à chaque fois, sans jamais en connaitre la fin. Même une simple récolte d’herbe pour une grand-mère peut devenir quelque chose de mortel et épique, quand à contrario retrouver une créature dangereuse perdue en pleine montagne et d’une simplicité qui rend même le récompense amer. Après, il est vrai qu’il y a des paysages qui sont superbes, mais moi mon truc c’est vraiment l’adrénaline. Je pense que j’en suis complètement drogué et qu’un jour c’est ce qui aura ma peau, mais c’est quelque chose de si grisant.
C’est presque si j’en avais le gout en bouche rien que d’en parler, le sentir dans chacune parcelle de mon corps, c’est si beau. C’est ce qui finit part tuer les aventuriers, il faut être honnête, ceux qui reste sur du long terme c’est pour cela et c’est ce qui les fait passer l’arme à gauche en prime.
— C’est une vie que tu voudrais tester ? Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. C’est pas une question de classe sociale ou de genre qui définis si tu es un bon aventurier, mais si tu en as dans le ventre et de comment Lucy t’apprécie pour t’offrir sa chance. J’aimerais pouvoir dire que je suis un bon aventurier, mais personne ne sait s’il l’a vraiment avant de faire la quête de trop… enfin de mon point de vue. Parce que beaucoup se contente de dire que les Saphirs sont des légendes vivantes, ça suffit pour en faire de bons aventuriers. Les légendes ne sont pas mauvaises, loin de là, mais ça peut toujours briller de plus en plus fort un saphir. S’arrêter de travailler une fois juste trouver cela fait perdre l’opportunité de tailler et polir la pierre, après certain préfère… et je parle, je parle, mais tu as peut-être un avis sur tout cela.
Cela me fait un peu rire, je me suis laissé entraîner par mon flot de paroles, je n’aurais pas pensé que ça sortirait aussi facilement je l’avoue. Je me suis laissé tellement entraîner qu’elle s’est tranquillement endormie, comme une enfant. Pas plus mal, au moins elle ne sera pas trop embêtante pour la reste du trajet. Un trajet bien calme au final, aucune attaque, aucune surprise, juste nous deux qui attendons la fin de cette escorte au final. Un mal pour un bien. Enfin, je suppose.