C’est un signal de DED : Demoiselle En Détresse

Les dernières semaines ne furent pas de tout repos pour notre jeune Thétis. Elle avait prit une grande décision, quitter l’archipel, son foyer. Après avoir été escortée jusqu’à la ville aquatique et avoir rencontré une chercheuse en magie, elle avait prit la route pour le grand port. Aujourd’hui, un énième voyage commençait puisqu’elle comptait se rendre à la Capitale pour la toute première fois. Elle avait prit en assurance mais la route allait être bien différente cette fois-ci, car elle se retrouvait livrée à elle-même. Parviendrait-elle à la Capitale sans encombre ? Voilà une question qu’elle ne cessait de se poser.

Contrairement à son tout premier départ, elle ne s’était pas encombrée de ses sacs. Elle avait préférée laisser sa garde-robe sur place et se la faire envoyer plus tard. Elle ne pouvait pas se permettre d’être encombrée, pas si sa vie pouvait être mise en danger. Elle aimait le luxe, mais tout de même, il y avait des priorités. C’est donc avec un simple sac à dos qu’elle entama son périple. Pour commencer, elle s’adressa à un marchand aux portes du grand port. Celui-ci se rendait dans un petit village dans les plaines et accepta de l’avancer jusque là en échange de quelques cristaux. Thétis ne se rendit même pas compte que la somme demandée était bien trop élevée par rapport au service rendu. Il faut dire que lorsque l’on a toujours vécu avec une cuillère en argent, la notion d’échanges monétaires ne parle pas beaucoup… c’est donc sans la moindre hésitation qu’elle donna ses cristaux et qu’elle monta à bord de la charrette.

La première partie du voyage se déroula parfaitement bien, hormis le fait que ce véhicule rustique était très inconfortable et que le dos de Thétis souffrait du manque de suspension ! Les routes empruntées était toutes plus chaotiques les unes que les autres, ce qui n’arrangeait rien. A bien y réfléchir, Thétis s’était plaint les trois quart du chemin.

Après plusieurs heures de route, le marchand finit par s’arrêter sur le bas côté. Il laissa la demoiselle (ou plutôt la peste), descendre de sa charrette et lui indiqua le chemin presque à contrecœur. Elle le remercia brièvement et partie de son côté, pour le plus grand bonheur du monsieur.

Quelques minutes de marche plus tard et voilà que notre sirène s’essoufflait. Elle avait suivi les indications du marchand et longeait le grand fleuve pour ne pas se perdre, mais en cette saison fraîche, elle sentait la fatigue pointer le bout de son nez. Heureusement qu’elle avait opté pour une robe peu encombrante et suffisamment chaude. Sa fourrure en revanche était trop volumineuse, et elle ne voyait presque pas où elle posait les pieds. Bon, il faut dire qu’elle n’était pas très débrouillarde non plus. S’autorisant une halte près de l’eau, elle vint remplir sa gourde et boire quelques gorgées. Peut-être aurait-elle dû poursuivre son chemin car voilà qu’elle avait de la visite…

Qui aurait cru que d’autres personnes parcourraient les plaines par cette saison ? Les hommes en question n’avaient rien de marchands, il s’agissait en réalité de bandits. Thétis, qui était penchée au bord de l’eau, n’eut pas le temps de les voir venir. Elle lâcha un cri sous l’effet de la surprise, qui résonna aux alentours. Un des bandits venait de l’attraper par les cheveux, tandis qu’un autre lui prenait son sac.

- Mais qu’est-ce qu’on a trouvé là hm ? Tu t’es perdue mon chaton ?

Thétis était paralysée par la peur. Elle ne s’était jamais retrouvée dans une telle situation, seule face à des ennemis. Que pouvait-elle bien faire maintenant ? Les yeux embués, elle prit son courage à deux mains pour leur répondre.

- Ne me touchez pas !

- Oh, mais c’est qu’elle pourrait mordre ! Pas d’panique, on veut seulement tes cristaux et tes bijoux. Mais si tu te montres pas plus docile j’me chargerai d’te punir. Rétorqua celui qui fouillait son sac, un sourire mesquin aux lèvres.  

L’homme qui lui agrippait les cheveux lui faisait mal et plus elle se débattait, plus il resserrait son étreinte. L'autre balançait ses affaires sur le sol, jusqu’à ce qu’il trouve la bourse remplie de cristaux. Son bourreau glissa sa main dans sa nuque et vint arracher son collier de perles nacrées. Thétis fondit en larmes lorsqu’elle constata qu’il venait de le briser. Ce n’était pas son plus gros problème à l’heure actuelle c’est vrai, mais ce bijou avait une valeur sentimentale à ses yeux.

Sentant la colère monter, elle agit par instinct et se propulsa en arrière, sachant que le fleuve était juste derrière eux. Ils tombèrent alors tous les trois dans l’eau glacée, le bijou échoué au bord, les bandits stupéfaits.

Un autre contrat, une autre prime, un autre voyage.

Il fallait reprendre du service avant que j'commence sérieusement à rouiller. Reprendre confiance en moi en me retrouvant face à moi-même, sur le terrain. Être accompagné de Nora, Luciole et j'en passe ne va pas me permettre de savoir si j'suis capable de tenir le coup en mission, seulement un indicateur.

Alors me voilà, seul. Putain de silence. J'l'avais presque oublié celui-là. Parce que, même quand je poireautais des nuits entières il y avait toujours un moment où j'taillais la bavette avec quelqu'un, que ça soit avec Xylia ou Java bref, c'est pareil, mais pas comme dans cette plaine. Seul comme le furoncle sur une fesse d'un obèse qui n'a pas vu le soleil depuis l'époque où j'connaissais pas l'existence de la conception des gosses. C'est moche? Ha, de rien, tout le plaisir est pour moi.  

Aujourd'hui, sur ma monture féline, on marche tranquillement. Selon les informations, j'serai sur la bonne voie pour trouver les frères Brittle. Deux connards qui se gênent pas à embusquer des innocents pour remplir leurs poches, aussi vu pour harcèlement, agression et même braquage dans une auberge relais qui fait la connexion entre la capitale et le Village Perché.

Deux emmerdeurs de trop qui vont connaître une rouste à l'ancienne. Les cristaux vont tomber. A faire gaffe par contre avec la concurrence sur mon chemin.  

"Qui se taille la part du lion", c'est la seule chose qui compte vraiment. Que ce soit chez les mioches, les animaux ou les chefs de guerre. Le problème, c'est pas que tout le monde veut une part, c'est que tout le monde veut la plus grosse part. Et cette grosse part n'est pas pour les oiseaux, la hyène ou le Gévaudan. La plus grosse part c'est pour le lion. C'est comme ça que ça marche depuis des milliers d'années, bien avant que les humains prétendent le contraire et c'est surement comme ça que ça doit marcher.

Mais j'suis pas un lion, quand on m'appelle pas le Châtieur Ardent on me compare à un Corbeau, des fois. Mais shhhht, des fois le Corbeau vole la part du Lion, mais il ne le répète à personne. Ca reste entre nous? Z'êtes bien aimable.

Des cris stridents, celle d'une donzelle va me sortir de ma réflexion alors que Gromyr oriente ses esgourdes dans ladite direction.

- T'as entendu pareil ?
*Oui, une femelle.*
- Bravo, et elle a l'air dans la mouise. Tu t'sens de sprinter, là?

Il baille.

- Elle va peut-être canner, hein.

Il grogne, puis pousse avec ses pattes arrière pour nous propulser à toute vitesse. Épousant le terrain par ses pattes musclées, j'ressens quasi aucune secousse sur la selle alors que les silhouettes se précisent devant moi. Deux tocards qui font trempette et une donzelle. Mes yeux s'écarquillent quand j'vois qui sait. Des fois, j'me dis Lucy n'est pas si injuste.

Les Brittle, juste devant moi, sur un plateau. Enfin dans la flotte, exactement. Gromyr pousse un énorme rugissement qui surprend notre auditoire.

- Eh ! Déblaye du chemin, 'pas tes affaires.
- Oh si mon cher Marcus Brittle !
- Comment tu connais le nom de mon frérot toi ?!
- J'vais te répondre mon p'tit Julius, figurez vous les amis que vos têtes sont mises à prix. Je suis le chasseur qui vient vous récupérer pour choper le pognon.

Mes yeux ambrés prennent feu quand j'regarde la belle rouquine. Bordel, on jurerait une cousine de Luz Weiss. Elle est aussi mignonne qu'elle en tout cas. D'une révérence ridicule, j'incline légèrement le buste.

- Merci, la donzelle, j'vais pouvoir faire le ménage.

Un clin d'œil, un sourire carnassier, et j'descend de mon Catosorus quand ils jugent bon de venir patauger dans ma direction.

- T'es tout seul, chasseur de mes deux.
- Visiblement, la p'tite dame n'a pas eu besoin d'être avec quelqu'un d'autre pour vous foutre dans le lac.

J'vois pas comment sinon, hé. Ils grognent tout les deux, la rage montant, leurs têtes rougit jusqu'aux oreilles. J'fais une moue faussement coupable on me mordillant le doigt.

- Oh, j'vous ai vexé, les pucelles...?
- Enfoiré !

Ils chargent. J'déploie un mur de flamme devant l'un d'eux qui s'arrête et s'éjecte en arrière, l'autre hésite, mais fonce quand même. il déploie sa dague et essaie de me planter d'une attaque verticale, mon gantelet géant vient attraper la lame et c'est un énorme coup de tête qui s'enfonce dans son crâne. Exceptionnellement, j'dois pas trop les abimer, donc utiliser le feu va pas être possible. Le contrat risque de perdre sa valeur si j'procède comme d'habitude.

Il se déséquilibre vers l'arrière alors que son frère contourne mon mur enflammé.

C'est parti.

Crochet du gauche puissant à la tempe de l'un, esquiver coup de dague de l'autre, répliquer par un coup de talon au plexus. Revenir sur le premier d'un uppercut à la mâchoire, j'pivote sur moi-même pour achever le deuxième par une descente du coude dans le crâne alors qu'il est au sol.

Un saut carpé pour revenir sur mes pieds pendant qu'il envoie un estoc vers mon estomac. Mon gantelet vient faire bouclier et il n'anticipera pas mon genou remonter dans son menton. Sa mâchoire vibre, il prendra une, deux, trois, quatre directs du droit avant de tomber comme un arbre mort. J'pousse un long soupir avant de me frotter les mains.

- Et pas une goutte de sang. Magique. Que j'termine, satisfait.

J'viens chercher une longue corde avant d'attacher mes gains. Un regard curieux reviendra sur notre chère Rousse, trempée, alors que ses vêtements révèlent certaines courbes. Si c'est pas appétissant tout ça...

- Plutôt risqué de se promener toute seule dans les environs, mademoiselle.

Mais bon, j'suis pas le genre de salaud qui abuse à ce point. Seulement le type de salaud qui adore abîmer d'autres salauds.

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Alors que Thétis et les bandits se trouvaient dans l’eau du fleuve, un homme fit apparition sur une majestueuse monture féline. Celui-ci se mit à rugir, attirant l’attention de tout ce petit monde. La demoiselle sursauta avant de jeter un coup d’œil au nouvel arrivant : brun, les yeux rouges orangés, de taille moyenne et portant des vêtements sombres et un étrange gantelet de métal. Louée soit Lucy, celui-ci venait traquer les deux bandits, apparemment connu sous le nom de Marcus et Julius Brittle. L’espace d’un instant, notre sirène avait bien cru qu’un de leur acolyte rappliquait.

Le chasseur de primes s’inclina tout en la regardant, avant de la remercier. Si vous voulez mon avis on ne peut pas vraiment dire qu’elle est servie à quelque chose… ! Les joues pourpres, Thétis s’enfonça un peu plus dans l’eau. Ce jeune homme semblait pour le moins… taquin.

S’ensuivit un combat entre les trois énergumènes, durant lequel Thétis retint un cri toutes les 5 secondes en observant la scène de loin. Cela faisait beaucoup d’émotions pour une seule journée et elle n’y était guère habituée. Ce chasseur allait-il venir à bout de ces odieux frères Brittle ? Accrochée à un rocher, la jeune femme retenait son souffle. Le chasseur maniait le feu et il faut admettre que cela était très impressionnant. Thétis pouvait sentir la chaleur des flammes d’ici. Ce nouvel arrivant démontra une réelle performance au combat, c’est à peine si elle parvenait à suivre les coups et les esquives. En un rien de temps, il avait réussit à mettre les deux bandits hors d’état de nuire.

Il alla chercher une corde pour les ligoter et finit par porter son attention sur notre jeune Thétis. Elle crut voir qu’il détaillait ses courbes sous sa robe trempée, ce qui la gêna quelque peu. Elle lui était cependant redevable et n’allait donc pas en faire toute une histoire. Pas cette fois du moins.

- Plutôt risqué de se promener toute seule dans les environs, mademoiselle.

- Je ne vous le fait pas dire ! dit-elle en soupirant.

Observant les alentours, Thétis trouva un endroit plus simple pour se hisser hors de l’eau, juste un peu plus loin de son rocher. Elle plongea la tête sous l’eau et fit onduler sa queue de poisson, donnant au passage un ou deux battements de nageoire. Une fois près de la berge, elle sortit tant bien que mal sous son apparence de sirène, suffisamment pour que l’eau ne la recouvre plus. Lorsque ce fut fait, elle rabattit sa robe sur ses écailles vertes, juste avant qu’elles ne se changent en une paire de jambes. Trempée de la tête aux pieds, Thétis essora sa longue chevelure flamboyante avant de se relever et d’aller ramasser son collier de perles brisé. Elle le regarda dans le creux de sa paume, avant de resserrer ses doigts dessus, le cœur lourd.

- Vous vous êtes fort bien battu. dit-elle sans même le regarder.

Thétis lui devait beaucoup, mais pour l’heure, elle ne se sentait guère d’humeur à bavarder. Son collier était cassé, ses vêtements trempés et déchirés ça et là… ses affaires quant à elles, étaient éparpillées un peu partout. La fraicheur du vent la fit frissonner puis éternuer. Oh non, il ne manquerait plus qu’elle tombe malade ! Grelottant de froid, elle leva ses yeux bleus vers ceux du jeune homme.

- Puis-je connaître le nom de mon sauveur ?

Toujours dans la flotte, elle confirme qu'effectivement, être une donzelle seule dans un milieu hostile c'est pas la fête.

Bien, ça veut dire qu'elle n'est pas cintrée. Bonne chose, les nanas fendues du casque c'est pas rare dans le coin. Surtout vu le contexte. J'continue de lier pied et poing quand elle retrouve le sol et bordel de merde...

Un poiscaille ? Non, une femme. Ou alors une nana mi-femme, mi-poiscaille et remi-femme derrière. Une hybridation que j'ai pas trop l'habitude de voir. Pas le temps d'en voir davantage quand elle vient se cacher et pouf, voilà qu'elle se retrouve avec ses deux cannes. J'ai pas rêvé, c'était une queue d'un truc qui nage. En tout cas c'est pas un thon, mais j'me réserve la vanne, elle a dû la ramasser à la pelle.

J'me redresse et j'vois qu'elle tient un machin assez précieux, félicitant de mon intervention. J'hausse un sourcil sur les deux vauriens attaché dos à dos dont la corde est nouée sur la selle de Gromyr.

- N'importe qui aurait pu les calmer, j'vous assure. Mais bon, ils coutent cher alors...

Les aléas du turbin, de la demande et de l'offre. Ouais, y'a un aspect commercial à ne pas négliger dans mon travail. En s'arrêtant davantage sur elle j'vois qu'elle tire la tronche sur la gueule du bien, vraisemblablement les Brittle n'ont pas été tendres non plus avec ses effets personnels.

- J'connais un bijoutier à la Capitale, il va vous le remettre sur pied.

Mon Collier jumeaux n'est pas venu tout seul, j'l'ai acheté chez lui et il est très bon dans son domaine. Une pensée pour Haru et le sien qui décore sa poitrine magnifiquement bien. Arrive l'instant nul où j'sais pas si j'dois l'aider à ranger ses affaires, elle vient de se faire braquer, elle a peut-être peur que sa recommence. La voyant grelotter de froid une idée me vient à l'esprit quand arrive le moment des présentations.  

J'fouille dans mon sac sans fond et en extirpe ma Serviette Sèche. Le meilleur ami de mon pouvoir. Marchant vers elle, j'lui tends dans sa direction, le visage indifférent et le regard dur.

- Jin Hidoru. Tenez, c'est une serviette magique, elle sèche instantanément n'importe qu'elle surface de votre corps et vos vêtements. Et en quelques secondes vous êtes aussi sèche qu'une caillasse qui traîne sur la plage du Grand Port. Et pour le froid...

Mes yeux toujours dans les siens, une gerbée de flammes se déverse de manière interrompue de la paume de ma main, dans une petite broussaille sur notre flanc. Le brasier dégage un souffle chaleureux qui balaye le froid environnant. Puis j'lui tourne le dos pour commencer à fouiller mes nouveaux copains.

- Et votre nom ? Z'allez quelque part ou vous êtes ce genre de vagabond sans adresse ?

Elle, vagabond?

Mon fion.

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Le chasseur de prime était plutôt modeste, d’après lui, n’importe qui aurait pu venir à bout des frères Brittle. Thétis n’était pas vraiment de cet avis, mais elle n’en dit rien. Il remarqua son air sombre et lui indiqua connaître un bijoutier à la Capitale, qui serait en mesure de lui réparer. Elle releva aussitôt la tête vers lui, soulagée de cette nouvelle. Si ce bijoutier était qualifié, peut-être qu’après réparation, il serait comme neuf. Elle le remercia de cette information et commença à rassembler ses affaires pour les remettre dans son sac.

Le jeune homme ne semblait pas savoir où se mettre, néanmoins, il remarqua qu’elle avait froid et lui apporta une serviette.

- Jin Hidoru. Tenez, c'est une serviette magique, elle sèche instantanément n'importe qu'elle surface de votre corps et vos vêtements. Et en quelques secondes vous êtes aussi sèche qu'une caillasse qui traîne sur la plage du Grand Port. Et pour le froid... dit-il avant de déverser des flammes dans la petite broussaille sur son flanc.

- Je vous remercie Jin, ça va nettement mieux ! répondit-elle en constatant qu’elle était sèche de la tête aux pieds une fois enveloppée dans la serviette.

Le brasier quant à lui, dégageait un souffle de chaleur des plus appréciables et Thétis se rapprocha un peu plus près pour en profiter. Les talents de ce Jin étaient fascinants et surtout, très pratiques.

- Et votre nom ? Z'allez quelque part ou vous êtes ce genre de vagabond sans adresse ? reprit le chasseur en fouillant les deux bandits.

Thétis ne pu s’empêcher de rire. Soit il n’avait pas l’œil, soit il faisait exprès !

- Vous trouvez vraiment que j’ai l’air d’un vagabond sans adresse ? Non non non, je m’appelle Thétis Alinac et j’ai récemment quitté l’archipel, où se trouve ma demeure. Croyez-moi, j’ai horreur des journées comme celle-ci mais je n’ai guère le choix si je veux rejoindre la Capitale. A vrai dire, j’ai vécu dans une prison dorée et je me heurte au monde et à ses dangers. Peut-être pourriez-vous m’aider ?

Pour tout dire, Thétis n’avait même jamais eu besoin de se faire à manger à la maison. Elle n’avait pas honte de le dire. Cette vie luxueuse lui avait convenu durant plusieurs années, mais elle ne pouvait nier le fait d’avoir toujours été attirée par le reste du royaume. Aujourd’hui elle avait la chance de pouvoir découvrir la Capitale et c’est ce qu’elle comptait faire. Pour commencer, il lui faudrait trouver un logement adéquat et faire rapatrier ses affaires laissées au grand port.

Retirant la Serviette Sèche, elle vint près de Jin pour lui rendre. Elle resta figée face à sa monture féline, tendant la main comme pour le toucher, avant de se raviser.

- Quelle est cette magnifique créature ? A t’-elle un nom ?

Une bourgeasse, une noblarde, une femme de salon.

Bref, quelqu'un qui a du pognon. Maintenant la question, est-ce que j'lui demande de raquer pour l'emmener à la Capitale?

Hm, j'ai déjà les Brittle, et la gourmandise est un vilain défaut.

En tout cas, la donzelle n'est pas de mon monde, littéralement. Que ce soit ni à Aryon ni dans ma classe sociale. Mais maintenant que j'fréquente Haru, que j'bosse pour le Prince depuis quelque temps, j'commence à piger leurs univers et comment ils fonctionnent. L'Archipel alors...

- Je reviens de mission de l'Archipel. J'ai participé à la grande livraison de céréales de la Saison Froide dernière. Mais les choses se sont compliqué et on m'a renvoyé là-bas pour enquêter. C'est pas mal, il fait meilleur, la bouffe est pas dégueu' et le paysage est canon.

J'garderai pour moi les jolies filles qui ont autant de monde au balcon que la population entière d'Aryon.

- Ca se voit que vous êtes pas du coin, et c'est pas impossible qu'il vous arrive d'autre conneries.

J'souffle du nez.

- Allez, t'façon moi aussi j'dois y aller.

Haru m'a trop adoucit, bordel.

Sa main tendue me rend ma serviette, mais ses prunelles sont figées sur Gromyr, sa dextre se veut curieuse mais pas entreprenante et j'en souris, moqueur. Gromyr ne calcule pas le mouvement, trop occupé à regarder les Brittle ligotés dos à dos, devinant déjà qu'il va devoir les traîner jusqu'à la capitale.

J'me mets en face du bestiau, au côtés de Thétis en croisant les bras.

- C'est Gromyr. Un Catosorus Rex mâle.

Il se retourne.

*Parler à moi?*
- Non t'inquiètes. Ah, on parle par télépathie, plus facile à le piger. Et j'ai compris que c'est le plus grand râleur qu'Aryon est porté, faute de lui avoir sauvé la vie.

Il grogne, j'pouffe un rire amusé. Finalement il capte le regard intrigué de mademoiselle et renifle rapidement en approchant son museau dans sa direction.

- Eh, doucement, hein.
*Femelle, bonne odeur*
- Hé, tu m'étonnes.
*Toi, pas bon*
- Va t'faire voir.

J'jette un oeil gêné vers ma nouvelle rencontre.

- Euh, apparemment il vous aime bien. Bon, j'suppose qu'on peut y aller? J'ai des aménagements sur la selle pour ranger vos affaires si vous sentez pas de porter votre sac. Gromyr, pas trop vite, ces connard vont frotter le sol durant tout le voyage.

S'ils sont pas contents je les calmerai. J'range la serviette sèche dans mon sac sans fond avant de monter. Gromyr quant à lui frottera son immense tête contre l'épaule de la rouquine, j'fais pas trop attention comment elle réagit, j'fais assez confiance pour pas qu'il en fasse d'elle son déjeuner. J'monte en selle, m'attachent correctement les cheveux pour éviter qu'elles les prennent dans la tronche durant la route.

Une main tendue dans sa direction pour l'aider à grimper.

- Vous montez ? On va pas crécher ici, non ?

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Le chasseur de primes lui apprit qu’il revenait de mission de l’Archipel, ce qui attisa forcément sa curiosité. Il avait participé à une livraison de céréales de la Saison Froide dernière et après quelques complications, il y était retourné pour enquêter. Il ajouta que le temps était meilleur qu’ici, que la nourriture était plutôt bonne et le paysage très beau. Voilà ce qu’elle avait plus ou moins déduit de son langage de rustre. Quoi qu’il en soit, cela fit sourire Thétis, qui appréciait que l’on parle ainsi de son foyer.

- Je suis ravie d’entendre que l’Archipel vous ait plu ! Et je ne peux qu’être d’accord avec vous… c’est un petit coin de paradis.

- Ca se voit que vous êtes pas du coin, et c'est pas impossible qu'il vous arrive d'autre conneries. Allez, t'façon moi aussi j'dois y aller.

Cela se voyait tant que ça ? Hm, à bien y réfléchir, il n’avait pas tord. Elle faisait surement peine à voir habillée de la sorte, seule dans les plaines. Une brebis perdue, voilà ce qu’elle était.

Observant Jin qui venait de se placer à ses côtés, face à sa monture, il lui expliqua que c’était un Catosorux Rex du nom de Gromyr. C’était bien la première fois qu’elle voyait une telle créature. La bête se retourna à son nom et aussi incroyable que cela puisse paraître… Jin lui parla on ne peut plus normalement. Ils pouvaient parler par télépathie ! Bouche bée, Thétis ne releva même pas l’anecdote. Elle sortit de ses pensées lorsque Gromyr vint la renifler, reculant par réflexe. Ils continuèrent de discuter entre eux, laissant la jeune femme perplexe. Forcément, lorsque l’on n’avait pas toute la conversation, on n’y comprenait absolument rien !

- Euh, apparemment il vous aime bien. Bon, j'suppose qu'on peut y aller? J'ai des aménagements sur la selle pour ranger vos affaires si vous sentez pas de porter votre sac. Gromyr, pas trop vite, ces connards vont frotter le sol durant tout le voyage.

- Oh, voilà une bonne nouvelle. Je ne finirai pas en casse-croute au moins. Dit-elle avant de rire nerveusement.

Thétis comprenait petit à petit que Jin semblait disposé à l’emmener à la capitale grâce à sa monture. Oui, elle pouvait être longue à la détente. Il faut dire qu’elle n’avait pas l’habitude qu’un inconnu lui vienne en aide gratuitement, par simple bonté de cœur. Il allait forcément lui demander quelque chose en échange non ?

Notre sirène le regarda monter en selle jusqu’à ce que Gromyr vienne frotter son énorme tête poilue contre son épaule, la faisant presque perdre l’équilibre. Elle sentie son cœur palpiter dans sa poitrine, tant c’était impressionnant de l’avoir si près. Elle ne pu s’empêcher de glisser ses doigts dans sa fourrure, dissimulée en une caresse délicate.

Jin ne semblait pas inquiet de la réaction de sa monture, il s’attachait les cheveux. Une chevelure sombre et longue dont il devait être fier. Cela lui donnait un petit côté ténébreux que Thétis aimait particulièrement. Secouant la tête, elle se dit qu’elle avait l’esprit mal placé et vint ranger son sac dans les fameux aménagements de la selle.

- Vous montez ? On va pas crécher ici, non ? dit-il en lui tendant la main.

Déglutissant, Thétis attrapa la main du chasseur et se hissa du mieux qu’elle pu sur le dos du Catosorux. Cela n’avait rien d’une prouesse… encore une fois, elle n’était pas très dégourdie comme gamine. L’espace d’une seconde, elle cru qu’elle allait tomber de l’autre côté, ce qui aurait été très gênant. Ecartant sa mèche rebelle de son front pour se redonner de la contenance, elle toussota à l’arrière.

- C’est très aimable à vous de m’aider. Je craignais de ne jamais arriver avant la nuit. La Capitale est-elle encore loin d’ici ?

Jetant un coup d’œil à la selle, elle se demanda comment elle allait parvenir à rester bien assise et ne pas glisser. Devait-elle se tenir à Jin ? Ils se connaissaient à peine, cela restait délicat. Ah, vraiment, quelle aventure !

J'sentais qu'elle s'agitait dans mon dos pour essayer de s'assoir correctement, j'en déduis que un, c'est le premier cato qu'elle croise et deux, j'crois que même sans ça, c'est pas tout les jours qu'elle fricote avec les joies de l'équitation.

Le contraire m'aurait étonné de toute façon, mais on est jamais à l'abri de surprises, pour ça qu'on a signé, hé?

Elle se racle la gorge, avant de baver que j'suis aimable. Aimable? Merde... Alors j'suis aimable ? Alors comment j'me sens... Bah, ça change absolument rien. J'crois qu'à force de faire ces quêtes ou les missions du prince où j'dois sauver la veuve et l'orphelin, j'me prends comme des déformations professionnel à faire ça même quand j'taffe.

Bon bin, j'suis aimable. Première nouvelle.

- Eh bien, j'compte y aller, ça serai idiot de vous laisser là, surtout si vous étiez à deux doigts de subir la cruauté de deux tanches qui méritent les fers.
*Nous, partir?* Qui me dit, pressé.
- Ouaip, Gromyr, on peut y aller. Accrochez-vous mam'zelle.

Comme j'ai déjà embarqué ma mère pour lui faire un tour avec, j'ai bien compris qu'il fallait qu'elle s'accroche à ma taille si elle veut espérer rester parmi nous. Alors j'saisis une main, un peu nonchalant pour la poser sur ma taille et attendre gentiment sa jumelle se pointer alors que Gromyr commence à marcher. Douce, délicate et fine, clairement une pogne de bonne femme. Mes criminels adorés se font entendre sur le frottement au sol, mais ils sont toujours dans les vapes. Donc on devrait être peinard pour un p'tit moment encore.

- On a deux jours, à cette vitesse, pour rejoindre la Capitale. Désolé pour la mauvaise nouvelle.

J'me retourne pour zyeuter nos autres comparses dessiner un sentier sur leur passage.

- Faudra que j'fasse gaffe avec les deux loustics. Et vous aussi.

Un moment d'inattention et elle peut ramasser une deuxième fois. Fin bref, même si la saison fraîche est bien présente le ciel était quand même clément, et pis j'étais assez bien habillé pour bien vivre le trajet. Ajoutez à ça la fourrure de Gromyr dans l'équation, on peut conclure que c'est même plutôt une promenade de santé. Le moment d'en profiter pour discuter. Parce que, oui, j'aime être seul, mais si on peut tailler le bout de gras sur une route aussi ennuyante qu'un bouquin sur les plantes, ça me va.

- Alors ? Pourquoi quitter l'Archipel ? Trop de coup de soleils? Vous pouvez plus nager avec vos copains les poissons? J'ai vu votre transformation, impressionnant.

Elle aurait été incroyablement efficace contre notre Dragon-Tortue à la saison chaude dernière. Quand j'pense que j'me suis battu le sifflet à l'air contre un monstre de catégorie "Très Dangereuse", hé, la voie de l'Elite m'appelle bientôt.

C’est un signal de DED : Demoiselle En Détresse

Même si Jin comptait se rendre à la Capitale, rien ne l’obligeait à embarquer notre demoiselle avec lui. Elle saurait bien le récompenser d’une manière ou d’une autre pour son geste. Thétis jeta un coup d’œil derrière elle avant qu’un petit sourire s’affiche sur son visage : c’était assez satisfaisant de voir ces deux-là ligotés au sol.

-Accrochez-vous mam'zelle. Dit-il en saisissant sa main pour la poser sur sa taille.

Thétis frissonna au contact de sa peau sur la sienne avant d’acquiescer et d’entourer sa taille de ses bras pour s’agripper. C’était un peu étrange d’être si proche d’un inconnu mais entre ça et se retrouver les fesses par terre, il n’y avait pas à hésiter ! Gromyr avait déjà commencé à avancer et rien qu’à cette allure, elle comprit très vite que ça allait secouer.

- On a deux jours, à cette vitesse, pour rejoindre la Capitale. Désolé pour la mauvaise nouvelle. Faudra que j'fasse gaffe avec les deux loustics. Et vous aussi. Dit-il en se retournant.

- Deux jours ?! reprit-elle en haussant la voix.

Diable, elle ne s’était pas attendue à ça ! Elle s’était vraiment lancée dans un long périple en voulant rejoindre la Capitale à pied. Heureusement qu’elle était tombée sur Jin en chemin, sinon elle se serait attirée bien d’autres ennuis. Pour ce qui est des frères Brittle, elle se dit que ça devrait aller maintenant qu’ils étaient attachés. Mais il n’avait pas tort sur un point : mieux valait les garder à l’œil durant le reste du voyage.

- Alors ? Pourquoi quitter l'Archipel ? Trop de coup de soleil ? Vous pouvez plus nager avec vos copains les poissons ? J'ai vu votre transformation, impressionnant.

- Oh, et bien je souhaitais en apprendre un peu plus sur mon pouvoir, c’est pourquoi je suis allée voir une chercheuse en magie située dans la ville aquatique. Et puis, plus rien ne me retenait à l’Archipel…

Un silence pesant s’installa. Thétis avait toujours un peu de mal à parler de son foyer et des raisons pour lesquelles elle l’avait quitté. Son père lui manquait beaucoup, son majordome aussi d’ailleurs. Tous deux avaient veillé sur elle depuis son enfance et seule, elle s’était rendue compte qu’elle n’était pas bien débrouillarde. Il lui restait encore tant de choses à découvrir, à apprendre. Un séjour à la Capitale lui serait certainement bénéfique.

- A vrai dire, je ne sais pas par où commencer mon séjour à la Capitale… je me dis juste qu’un peu de changement me ferait du bien. Auriez-vous des conseils à me donner ?


Le paysage défilait tandis que notre sirène s’accrochait fermement à Jin. Elle avait des crampes aux abdominaux tant elle était tendue. Les minutes, les heures passaient et bientôt la fatigue pointa le bout de son nez. La jeune femme rapprocha son visage de l’épaule du chasseur de primes pour qu’il puisse l’entendre.

- Pourrions-nous faire un arrêt ? dit-elle d’une petite voix.

Thétis avait l’impression qu’elle allait lâcher prise à tout moment. Le soleil baissait de plus en plus dans le ciel et elle redoutait la nuit qui allait suivre. Où allaient-ils dormir dans ces plaines désertiques ? Le froid se faisait un peu plus mordant et même sous sa fourrure, elle grelotait. Thétis n’avait rien d’une aventurière et c’est donc avec beaucoup d’appréhension qu’elle attendit la réponse de Jin. Ce qui était certain, c’est qu’elle ne pourrait pas passer la nuit entière sur le dos de ce bon vieux Gromyr.

La donzelle a des secrets et une vie avant ici.

Mais elle est en quête.

En quête de pouvoir. Donc elle veut en savoir plus? Bizarre, enfin, pour ma part, j'ai eu mon père pour travailler le mien, comme il maîtrisait lui aussi un élément. Maintenant j'pense que ça reste différent d'une transformation avec notre Dame de L'Archipel.

- Le village Aquatique, donc. J'y suis jamais allé...

Peut-être une Flammèche dans mon genre n'a peut-être rien à y foutre. Hé, j'ai bouffé assez de flotte comme ça j'pense. En tout cas, j'ai vu que j'avais posé la question qui fallait peut-être pas, très bien, rien à cirer dans l'immédiat et j'suis personne pour forcer à quelqu'un de baver sur sa vie. Sauf si cette personne me doit des réponses, comme les Brittle par exemple.

Mais c'est une partie de mon boulot qui implique une caisse à outils et des idées tordues, j'vais le garder pour moi. La p'tite rouquine n'a pas besoin de savoir. Finalement elle rebondit sur le prétexte utilisé par 99% des touristes. "Voir du pays". Pff, comme si j'étais une hôtesse dans un office de tourisme. Après tu me diras, mon boulot me permet de voir les quatre coins d'Aryon.

- Hm, la guilde marchande est le carrefour d'Aryon, on trouve de tout et de tout le monde, vous pouvez vous acheter des souvenirs, rencontrer du beau monde qui voyage. Si vous avez un titre de noblesse vous pouvez faire une demande de noble pour que des types comme puissent vous aider, à condition que ça soit justifiable.

Ouais bon après, on est pas des larbins qui récurent les chiottes non plus.

- C'est à la capitale qu'on fête le Solstice, l'évènement est pas mal, restez dans les parages. Puis si vous voulez visiter le Palais de la Reine, c'est là-bas que ça se passe. J'ignore si c'est possible, mais j'ai déjà fait un tour au deux pour.... Le travail.

Encore désolé pour votre bureau et votre chemise, madame la ministre.


Le relief change et m'indique que nous sommes bien sur la bonne voie. De toute façon les routes commerciales sont assez faciles à repérer et à suivre. Le soleil se barre et la lune pointe sa tronche en nous fixant comme un oeil qui ne cligne pas. La respiration de ma passagère me sors de ma transe quand elle veut faire un arrêt.

- Hm, ouais, on va poser un camp. Gromyr, on s'arrête.

Il plante les pattes puis j'descend. Quand Thétis me suis? Je l'a réceptionne pour éviter qu'elle bouffe ses genoux à l'atterrissage. J'tourne la tête pour éviter le moment gênant si nos yeux se connectent, j'suis pas un chevalier servant et j'en ai pas envie. En tout cas elle n'a pas l'air sereine. Mon sac sans fond sur le dos, j'me choisis un coin assez plat puis sort mon Emport'Tout; un petit objet en forme d'un Phoenix au couleurs de feu. D'un sourire blagueur, j'montre l'objet devant la donzelle, alors qu'elle m'affiche l'inquiétude et l'appréhension. Vraiment marrant.

- Voici votre chez vous pour ce soir.

J'laisse un silence, autant qu'elle connaisse l'objet, mais j'en ai pas l'impression. J'ricane nerveusement avant de la lancer au sol. Après une grosse fumée noire, une immense tente apparait; à la toile ébène et des ornements orangées qui dessinent des flammes en forme d'arabesques.

- Une tente pour huit personnes. J'dormirais dehors, surveiller mes primes. Pis j'ai Gromyr si j'me les caille. Z'aurez de la place normalement.

D'ailleurs elle continue de greloter, donc le moment aussi de faire un feu.

- Gromyr, surveilles les loustic, t'as le droit de leur faire mal.
*Compris.*
- J'vais chercher du bois pour le feu, vous pouvez vous installer dans votre tente, c'est pas un château mais croyez-moi il y a vraiment pire.

J'm'absente quelques minutes et reviens avec assez de broussailles pour tenir une braise toute la soirée. Une gerbée de flammes sors de ma main pour cramer le tout, et j'y fous des caillasses pour contenir le foyer. De la viande sèche au bout de mon épée, j'commence à cuire deux lanières en jetant un œil à ma nouvelle comparse tout en sortant ma gourde fontaine dans sa direction.

- Si vous avez soif vous pouvez taper dedans, buvez à votre convenance, c'est une gourde magique. Z'avez faim?

J'pointe la lame dans sa direction.

- Attention, c'est chaud. Fin, j'ai jamais vraiment su ce que ça voulait dire, mais vous avez compris j'suppose.

C’est un signal de DED : Demoiselle En Détresse

Jin lui parla de la guilde marchande, de la possibilité de faire une demande de noble mais aussi de la fête du Solstice et du Palais royal. Il avait plus ou moins survolé le sujet mais cela apportait déjà quelques informations à Thétis, qui ne connaissait rien de la Capitale. Visiter le palais devrait la divertir et rien que pour admirer l’architecture, cela en valait le coup. Le chasseur de primes y était apparemment déjà allé pour le travail, ce qui étonna quelque peu notre demoiselle. Elle ne releva pas pour autant et se contenta de le remercier.

Lorsque la lune fit son apparition dans le ciel, Jin décida de monter le camp. Gromyr s’arrêta, laissant descendre le jeune homme. Celui-ci vint aider Thétis, qui aurait probablement fait un mauvais atterrissage sans son intervention. Une fois au sol, il partit en quête d’un terrain suffisamment plat avant de sortir un petit objet en forme de Phoenix.

- Voici votre chez vous pour ce soir.

Thétis le regarda, impassible. A vrai dire, elle ne connaissait que très peu les objets magiques de ce royaume. Son père, qui n’avait jamais découvert son pouvoir, avait fini par détester la magie. De ce fait, il n’encourageait guère sa fille à utiliser ce genre de gadgets. Jin comprit bien vite qu’elle ne connaissait pas cet objet et ricana nerveusement. Il le lança ensuite au sol et une grosse fumée noire s’échappa de cette étrange babiole. Thétis recula par instinct, avant de s’apercevoir qu’il venait de faire apparaître une immense tente ornée de flammes orangées.

- Une tente pour huit personnes. J'dormirais dehors, surveiller mes primes. Pis j'ai Gromyr si j'me les caille. Z'aurez de la place normalement.

- Vous êtes pleins de ressources. J’ai bien cru que j’allais passer la nuit à la belle étoile ! Une chance que vous ayez cet objet. C’est fascinant. Dit-elle en contemplant la toile d’ébène.

- J'vais chercher du bois pour le feu, vous pouvez vous installer dans votre tente, c'est pas un château mais croyez-moi il y a vraiment pire.

Thétis hocha la tête en le regardant partir. Pour un chasseur de primes, il était plutôt gentleman. D’abord il lui venait en aide avec les frères Brittle, ensuite il acceptait de l’emmener à la Capitale et voilà qu’il lui proposait de dormir dans sa tente et qu’il allait chercher de quoi faire du feu !

Sortant de ses pensées, elle s’approcha de Gromyr pour récupérer son sac. Elle en profita pour lui faire une petite caresse avant d’entrer dans la tente. Pour sûr, c’était spacieux. Elle profita d’être à l’intérieur pour retirer son corset et être plus à l’aise. Elle y était habituée mais le soir, cela faisait toujours du bien de le retirer. C’était un peu comme une libération. Poussant le rabat de la tente lorsqu’elle entendit Jin revenir, elle vint le rejoindre tout en enfilant à nouveau sa fourrure.

Le chasseur de prime déposa les broussailles par terre, embrasa le tout grâce à ses pouvoirs et rajouta quelques pierres autour pour contenir le foyer. Thétis l’observa sagement sans rien faire, car comme vous vous en doutez, et bien elle n’avait jamais fait de feu. C’était pour le moins très instructif de le voir faire, même si dans son cas, elle ne pourrait pas faire apparaître les flammes par magie. Jin vint ensuite empaler de la viande au bout de son épée et la plaça au-dessus du brasier pour les cuire. Un délicieux fumet vint rapidement chatouiller les narines de la jeune femme, qui était affamée après une telle journée. Jin lui tendit subitement sa gourde, ce qui lui rappela qu’elle n’avait effectivement pas bu depuis plusieurs heures.

- Si vous avez soif vous pouvez taper dedans, buvez à votre convenance, c'est une gourde magique. Z'avez faim?

-Merci, je suis desséchée. Dit-elle en attrapant la fameuse gourde magique.

Elle la porta à ses lèvres et avala plusieurs gorgées, tellement qu’elle crut que cette gourde n’avait pas de fond. C’était vraiment pratique ces objets, cela lui serait fort utile. Son père n’était plus là pour la chaperonner, elle pourrait donc faire quelques entorses à son règlement…

Reposant la gourde par terre, elle fixa la lame que lui tendait Jin.

- Attention, c'est chaud. Fin, j'ai jamais vraiment su ce que ça voulait dire, mais vous avez compris j'suppose.

Sans plus attendre, Thétis détacha le morceau de viande à l’aide de ses doigts et croqua dedans à pleines dents. En quelques secondes à peine, elle avait tout mangé. Pas très classe vous me direz hm ? A la guerre comme à la guerre (bon pas vraiment), mais en pleine nature, elle n’avait pas besoin de faire des manières non ? Il faut aussi dire que ses instincts primaires refaisaient surface lorsqu’elle avait le ventre vide. Elle essuya sa bouche d’un revers de main avant de prendre pleinement conscience de ce qu’elle venait de faire. Jetant un coup d’œil à Jin, elle lui adressa un sourire gêné.

-Navrée, comme vous pouvez le voir, j’avais faim. C’était… très bon.

Elle croisa le regard des frères Brittle qui s’étaient réveillés depuis, et qui avait un étrange sourire aux lèvres. Un frisson lui parcouru l’échine, elle n’aimait guère ces deux-là. Espérons qu’ils se tiennent tranquille cette nuit.

-Alors dite-moi Jin, vous vivez à la Capitale ? Le métier de chasseur de primes paie bien ? Sans vouloir être indiscrète, quel âge avez-vous ? demande t’elle pour changer de sujet.

Il ne semblait pas très vieux, peut-être un peu plus qu’elle. Elle trouvait cela admirable de parcourir ainsi le royaume et de se charger de bandits tel que les deux zoziaux. C’était sans nul doute quelqu’un de courageux. Thétis avait quant à elle, bien du mal à se faire à cette nouvelle vie, loin du confort de son foyer. Le seul point positif, c’est qu’elle avait retrouvé sa totale liberté.

Bon appétit.

J'la regarde, assez amusé alors qu'elle tape dans sa viande comme une mort de faim. Déjà, ça veut aussi dire qu'elle n'a pas peut-être pas assez de vivres pour faire le voyage, ce qui veut dire qu'elle ne s'est pas assez préparée et c'est pas vraiment très responsable. Mais comment lui en vouloir alors que le seul bout métallique qu'elle a touché avant mon épée est une aiguille de broderie ? Encore quelques lanières de viandes avec moi, j'embroche une nouvelle fois l'épée sur le feu.

Thétis zyeute dans mon dos, visiblement, les Brittle sont réveillés. J'fais mine de faire comme si de rien était pour éviter de la faire paniquer. Montrer qu'on a l'impression de gérer la situation permet aux foules de rester calme.

Même si on gère que dalle.

J'hausse un sourcil à sa tornade questions. Vrai qu'elle a racontée sa vie, mais j'ai pas raconté la mienne. Faut-il tout raconter? Nan, s'arrêter sur ses questions suffit. J'lui tends Portecendres avec les morceaux de viandes qu'elle pourra se donner un plaisir de dévorer de nouveau tandis que j'sors un canif pour commencer ma broche à moi.

- Attention, c'est lourd. Ouais, mon bureau de Primes qui me sert aussi de piaule se trouve à la Capitale, étant donné que j'suis aventurier à côté de ça, ça arrondit très bien les fins de mois. Pour être honnête, j'commence à avoir pas mal de pognon en ce moment.

Quand on a eu un mécène qui se trouve une dame du Royaume, ça donne un coup de pouce. Une viande cuite finit dans ma bouche et j'prends mon temps pour la savourer avant qu'elle me traverse le gosier.

- Sinon, j'ai vingt-six berges. Pourquoi, j'suis à la convenance de mademoiselle.


Un clin d'œil taquin, un sourire pour traduire que j'déconnais, et j'passe à autre chose en récupérant la gourde pour faire descendre tout ça. Marcus Brittle se raclera la gorge avant de siffler.

- Eh, on a faim aussi.
- J'entends rien entre la queue dans ta bouche et l'apitoiement qui t'étouffe.
- On peut bouffer, non?
- Absolument rien. Quitte à vous livrer desséchés à la Garde.
- Ca y est, tu me reviens. Coupe son frère.
- Oui, Luke, je suis ton père.
- T'es Le Châtieur Ardent. On en entendu parlé de ta façon... De traiter tes captifs.
- J'le serai quand j'prononcerai le mien sur vous. Pour l'instant j'suis qu'un chasseur de primes.
- Pour qui tu te prends au juste? La Garde?! Le Roi ?!

J'me retourne, agacé.

- Comme le type qui se trouve du bon côté de l'épée.

Gromyr grogne et se retourne sur le duo avant d'ouvrir la mâchoire, les narines pliées et les oreilles écrasées. Un filament de bave tombe sur l'un d'eux, le duo tombe, flanc au sol et toujours dos à dos alors que le Félin les reniflent comme un potentiel festin.

- Z'avez de la chance, un Catosorus Rex peut jeûner longtemps. Tout doux, Gromyr.

Pas besoin de télépathie, la monture leur tourne le dos, avant de faire un tour sur lui-même et de commencer à fermer les yeux. Aurevoir le flirtillage avec la donzelle, j'en oublie mon boulot.

- Allez, terminez et essayez de vous reposer.

Un bref signe de la tête pour lui souhaiter bonne nuit et j'dérange mon familier pour lui retirer sa selle, pour m'en servir d'appuie tête. Blotti contre lui, j'me trouve en face des Brittle avec Portecendre planter sur mon flanc.

- Si vous bougez, le gros chat me le dira. Et ensuite j'vous briserez morceau par morceau.

Ils ravalent tout les deux leurs salives, t'façon, j'parle clairement pas aux criminels les plus téméraires d'Aryon. S'attaquer à deux sur une jeune femme on a vu plus courageux, hein. J'me suis rendu compte que je n'ai pas utilisé mon cristal de communication pour appeler Haru, alors je lui envoies une vague d'apaisement pour lui dire que je ne l'oublie pas. J'attends que son collier jumeau me renvoie l'appareil et je m'abandonne à des rêves peu conventionnels.

***

- Debout les connards.

Un coup de talon dans le torse de chacun alors qu'ils essaient de reprendre leurs souffles suite à un sursaut matinal qui m'arrache un sourire sadique. D'habitude j'renverse une casserole d'eau bouillante, mais ils me coutent cher ses salauds... J'entends la tente s'ouvrir, j'en profite donc pour servir le thé qui chauffait plus tôt.

- Bien dormi ?

Moins coiffé, le teint pâle, elle aurait aimé se réveiller plus tard, hé. Bizarrement, elle reste encore très mignonne... Les deux frères pensent apparemment la même chose en sifflant, coupé par Gromyr qui rugit comme le tonnerre, avant de rejoindre la rouquine pour des papouilles qui commencent très vite à prendre l'habitude.

Un sourire timide alors que j'nous fais des tartines, avant de décoller.

C’est un signal de DED : Demoiselle En Détresse

Jin la regarda en silence mais ne fit aucune remarque sur sa façon de manger, ce qui il faut l’admettre, soulagea la demoiselle. Pour une noble on avait vu mieux. Son père aurait été le premier offusqué. Le chasseur de primes semblait quant à lui, plutôt amusé par la scène. Il remit quelques morceaux de viandes à cuire avant de lui tendre à nouveau son épée. Il avait vite compris qu’elle n’était pas rassasiée. Et puis c’est bien connu, si vous voulez une femme de bonne humeur, il faut qu’elle ait le ventre plein. Thétis accepta donc avec plaisir les pièces de viande mais prit cette fois le temps de les déguster.

Elle apprit qu’il avait un bureau de Primes à la Capitale, qui servait également de lieu de résidence. Il était également aventurier, ce qui l’un dans l’autre, lui permettait de vivre correctement. Visiblement, c’était un garçon bien occupé et qui menait bien sa barque. Il accepta de répondre à sa dernière question, lui confirmant qu’il était effectivement plus âgé qu’elle. Il se permit un petit pique, accompagné d’un clin d’œil. Thétis avala son morceau de viande avant de sourire discrètement. Partir en chasse ne lui faisait pas peur si c’était là le fond de sa pensée… mais voyant bien qu’il rigolait, elle garda cela pour elle pour ne pas mettre un malaise.

- C’était plus par curiosité. Dit-elle naturellement.

Les frères Brittle commençaient à s’agiter dans leur coin, entamant une charmante discussion avec Jin, qui était à deux doigts de se lever pour leur botter les fesses. Thétis observa les trois hommes calmement, retenant néanmoins le surnom de Jin : Le Châtieur Ardent. Un surnom dû à sa façon de traiter les captifs d’après ce qu’ils disaient…

Gromyr mit fin à tout ceci en grognant et Jin lui conseilla de terminer son repas et d’aller se reposer. L’espace d’un instant, Thétis eu l’impression d’être traitée comme une enfant à qui on disait d’aller dans sa chambre. Ne voulant pas se fatiguer inutilement, elle lui rendit son signe de tête un peu froid, avant de le regarder détacher la selle de Gromyr pour s’en servir d’appuie-tête.

Terminant en vitesse, elle s’en alla dans la tente.


- Debout les connards.

Thétis ouvrit les yeux subitement. Elle venait d’être réveillée par la voix de Jin. Se redressant sur son lit de fortune, elle s’étira et se frotta les yeux. Elle avait eu du mal à trouver le sommeil et s’était réveillée plusieurs fois dans la nuit, autant dire qu’elle n’était pas au top de sa forme. Elle sortit un petit miroir de son sac pour regarder les dégâts : le teint encore plus pâle que d’habitude, de légères cernes, la peau sèche et les cheveux ébouriffés. Soupirant, elle rangea l’objet et se leva.

La jeune femme sortit de la tente, en chemise de nuit (faite de soie, je tiens à préciser) et sa fourrure sur les épaules. Elle avait les gambettes à l’air et il faisait pas bien chaud mais elle ne comptait pas rester longtemps dehors avant de s’habiller. A sa grande surprise, Jin avait préparé du thé.

- Bien dormi ?

- Hm… plus ou moins. Dit-elle encore à moitié endormie.

Les deux frères Brittle se mirent à la siffler et elle les foudroya du regard.

- Tss… Gardez ça pour vos conquêtes. Nous ne sommes guère du même monde. Reprit Thétis d’un ton glacial.

Au même moment, Gromyr rugit bruyamment avant de la rejoindre pour avoir quelques caresses. Changeant du tout au tout, elle lâcha un petit rire joyeux et vint lui gratter l’encolure. Elle reporta son attention sur Jin et vint prendre une tasse de thé et une tartine qu’il était en train de préparer.

- Merci pour le petit-déjeuner. J’espère que vous n’avez pas eu trop froid cette nuit. Nous entamons la dernière ligne droite aujourd’hui n’est-ce pas ?

Thétis lui adressa un sourire avant de détourner son regard vers le fleuve un peu plus loin. Elle aurait bien fait un petit saut dans l'eau mais elle ne voulait pas s'imposer encore plus. Jin était déjà fort sympathique de l'emmener et avec les deux boulets, ce n'était peut-être pas une bonne idée. Ils avaient encore de la route à faire, autant se préparer et y aller. Une fois à la Capitale, elle pourrait y retourner en restant aux abords. Il devait être pressé d'empocher sa prime.

J'en suis presque jaloux.

Pourtant, ça reste ma monture. Il écoute aux ordres, mais ça s'arrête là. Il maronne, râle, fait parfois comme ça lui chante, si je l'appâte pas avec de la bectance ou une promesse d'avoir le cul peinard dans un grand coussin géant, autant dire que j'peux aller me faire voir.

A les voir tous les deux, j'me rends compte qu'il faudrait peut-être que j'revois mon comportement avec le bestiau. Sans pour autant me parfumer comme une noblarde, quand même. Alors j'dois juste être... Gentil? Fin bref, ces deux-là me font sourire dans mon coin et j'laisse notre bonne femme déjeuner tranquillement. Elle devine très bien que nous sommes à la dernière partie de notre voyage et pour le coup, même à moi j'en ressens un profond soulagement.

- Ouais, un super roupillon. L'habitude de dormir dehors. Même si en temps en normal j'dors dans la tente, mais, vous l'auriez sans doute mal pris, non?

Question rhétorique, c'est même évident, hé. Et pis dans le genre, j'suis le type qui se chauffe beaucoup trop vite selon la situation. Son déjeuner en main, j'vois que son regard est porté vers l'horizon, la branche d'un fleuve passe pas loin de notre position et j'me prends d'empathie pour elle. J'me redresse avant de me poster derrière elle, le regard dans la même direction, discret et pas intrusif, pis ma bouche se met à parler, volant mes pensées contre ma volonté.

- C'est votre élément. La flotte. J'peux comprendre. J'suis peut-être un élémentaire de feu, mais j'ai besoin de retrouver les flammes pour m'y sentir bien, encore plus en cette saison. On se retrouve, on pense à l'essentiel ou bien tout oublier le temps d'un instant, un ancrage réconfortant qui remet les pendules à l'heure.

J'pousse un soupir.

- Sa propre bulle.

J'regarde le camps, sacré chantier.

- J'vais tout ranger, préparer Gromyr. Ca vous laisse le temps de piquer une tête, et vous remettre d'aplombs. Après tout, vous êtes un poisson dans l'eau, c'est ça?

J'sors une clope de mon manteau, que j'allume en claquant des doigts et sans lui le laisser le temps de négocier, que je l'abandonne pour mes nouvelles tâches. Une main sur l'épaule et un signe de tête avant de la quitter et j'retourne vers la tente où le Phoenix était suspendu à une cordelette fixée à la pointe de l'ouverture. Je l'active et la tente disparaît dans une autre fumée noire, avant qu'il ne retrouve mon petit sac sans fond.

Mon gros matou plantait les deux pattes avant devant mes primes qui respirait assez fort, appréhendant sans doute de se faire décapsuler le crâne comme une bouteille de champagne. On est pas à l'abri d'une bavure, mais normalement il sait se tenir. J'attrape sa crinière pour le diriger vers moi pour poser la selle.

- Tu peux pas nous tuer. Commence Julius, confiant.
- C'est vrai.
- On coûte trop cher. Confirme Marcus.
- C'est vrai. Allez savoir pourquoi par contre...
- Nous sommes des hors-la-loi connus et reconnus !

J'm'esclaffe de rire avant de les mépriser des yeux.

- Vous êtes deux tanches, deux débiles qui sont pas foutu de fermer leurs claques-merdes. Vous êtes habillé comme des mendiant, vous refoulez du bec. Vous êtes minable, et vous allez rejoindre d'autres minables comme vous à l'ombre.
- Détaches nous et oses nous le redire en face.
- Nan, j'aurais trop de tentation à vous carboniser tout les deux.
- Nous...
- Ouais, tu parles à un bûcher sur pattes. Alors regarde tes pompes et tente rien qui pourrai te coûter un "léger" coup de chaud.

J'pose la selle, sangle les rennes, et j'repense à Thétis en imitant ses caresses sur l'encolure. Il bouge le museau dans ma direction, surpris, en reculant d'une patte.

*Pourquoi faire ça?*
- Euh, t'avais une connerie sur la fourrure, trois fois rien.

S'il pouvait hausser un sourcil, il le ferait.

- Rien, laisse tomber.

Bon, bah, y'a du boulot, hein.

C’est un signal de DED : Demoiselle En Détresse

- Ouais, un super roupillon. L'habitude de dormir dehors. Même si en temps en normal j'dors dans la tente, mais, vous l'auriez sans doute mal pris, non?

-Je vois… tant mieux dans ce cas.

Thétis préfère ne pas répondre à sa question, qui elle sentait bien, n’en était pas vraiment une. La taille de la tente était tellement grande que cela n’aurait pas été vraiment gênant. Mais maintenant qu’il venait de passer la nuit dehors, c’était stupide de le dire.
Jin capte alors le regard de notre sirène en direction du fleuve. Il se poste juste derrière elle, fixant le même point.

- C'est votre élément. La flotte. J'peux comprendre. J'suis peut-être un élémentaire de feu, mais j'ai besoin de retrouver les flammes pour m'y sentir bien, encore plus en cette saison. On se retrouve, on pense à l'essentiel ou bien tout oublier le temps d'un instant, un ancrage réconfortant qui remet les pendules à l'heure. Silence. - Sa propre bulle. Conclut-il.

Thétis tourne légèrement la tête vers lui, silencieuse. Elle a un petit pincement au cœur. Ce qu’il venait de dire était plein de vérité. Pour une raison inconnue, elle était touchée par son discours.

- J'vais tout ranger, préparer Gromyr. Ça vous laisse le temps de piquer une tête, et vous remettre d'aplombs. Après tout, vous êtes un poisson dans l'eau, c'est ça ?

-Vous êtes sur ?...

Jin était déjà en train de s’allumer une cigarette, prêt à s’atteler à la tâche. Visiblement, il n’y avait pas de négociation. Il posa une main sur son épaule tout en lui faisant un signe de tête, puis la quitta pour se diriger vers la tente.

Reportant son attention sur le fleuve, Thétis inspira profondément. Bien, puisqu’il la laissait y aller avant de partir… autant en profiter. Elle termina sa tartine et son thé rapidement avant d’attraper son sac, et de partir en direction de l’eau. Elle marcha à vive allure, resserrant sa fourrure autour de son buste. Il faisait froid, mais très bientôt, elle serait dans son élément et ne sentirait plus la morsure du vent.

Lorsqu’enfin elle se trouva au bord de l’eau, elle posa son sac par terre, laissa tomber sa fourrure ainsi que sa nuisette et plongea tête la première sans réfléchir. Ses jambes se collèrent avant de fusionner et de se transformer en une longue queue recouverte d’écailles vertes et scintillantes. Sous cette forme, pas de chichi, Thétis restait la plupart du temps seins nus. Ses longs cheveux pouvaient aisément les dissimuler au besoin.

Prenant de la vitesse, elle ondula sous l’eau, savourant les courants, effleurant les galets du bout des doigts, suivant par moment des petits bancs de poissons… et puis, sous l’excitation, elle sauta à la surface, un peu comme le font les dauphins, avant de s’engouffrer à nouveau dans le fleuve. Les minutes s’écoulèrent tandis que Jin rangeait le campement… et lorsque Thétis ressortit enfin la tête de l’eau, elle regarda autour d’elle et eu un peu de mal à reconnaître les lieux.

Elle remonta alors le fleuve à la nage, se rappelant le sens du courant et finit par apercevoir… Gromyr au bord de l’eau qui buvait tranquillement. Il était posté juste à côté de ses affaires. Elle se rapprocha, jusqu’à s‘agripper à un rocher.

-Ah, Gromyr tu es là ! Heureusement que je t’ai vu au loin. Tu veux bien approcher mon grand ? dit-elle d’une voix douce.

La créature obéit sans broncher, baissant la tête pour la renifler. Thétis profita de ce moment pour attraper sa crinière et se hisser hors de l’eau. Elle attendit que sa queue disparaisse pour se relever, et lui faire une gratouille en remerciement. Mais très vite, elle grelotta, nue comme un ver. Notre demoiselle sortit sa robe de son sac et l’enfila avec hâte, remis son jupon, ses bottes et sa fourrure, avant de s’enfouir le plus possible dans celle de Gromyr.

Les deux revinrent vers l’ancien campement, collés l’un à l’autre. Essorant encore ses long cheveux flamboyants, Thétis toussota en regardant Jin.

-Gromyr avait soit une petite soif, soit il a compris que j’étais perdue. Dit-elle en laissant s’échapper un petit rire. Dans l’eau, tout est différent et quand on refait surface, parfois on se retrouve à des kilomètres… enfin, merci d'avoir patienté. Je me sens revigorée et suis prête à terminer ce voyage. J'ai hâte de voir la Capitale !

Un p'tit moment qu'elle est partie.

Seul.

Quelques images d'elle dans la flotte me donnent envie d'aller l'accompagner, et pas que. Mais c'est pas vraiment ce qu'elle recherche j'crois. Elle a besoin de retourner aux sources des choses, et c'est l'eau pour elle. Mon regard balaye un peu le paysage; pas un rat. Ça m'rappelle un peu mes angoisses avec mon vieux quand j'avais l'impression que personne pourrait nous sauver lorsque j'me baladais dans le coin avec lui.

"Le monde est trop grand, p'pa". Et lui, simplement, et avec une main rassurante me disait de fermer les yeux, de me concentrer et ajoutait paisiblement "alors, rapetisse-le, imagine que c'est une grande maison." J'en rigole aujourd'hui, mais c'était un super moyen de relativiser et d'avoir un regard moins "perdu" sur les choses. Il avait toujours quelque chose pour me permettre de garder mon cap. Même aujourd'hui alors qu'il est plus là, j'trouve ma boussole me permettant de rester dans mes bottes malgré mon boulot.

Le bien commun, la paix, l'harmonie. Pour ça, j'suis bien prêt de déblayer la vermine à gros coup de pompes dans le derrière. Et plus si nécessaire.

Maintenant sorti de ma tête, fallait bientôt partir. Et évidemment, fallait que Gromyr ne soit plus là. J'pousse un juron, pis finalement j'vois qu'à l'horizon deux silhouettes familières vont dans ma direction.

- Hé, voyez-vous ça...

Leurs silhouettes se précisent, et j'vois un Gromyr qui tire une tête attendrit alors que la sirène dévoile une chevelure ruisselante, la moiteur de sa peau renvoie la lumière du soleil. Ses yeux brillent comme des pierres précieuses. La nana canon par excellence. Elle avance ces deux théories, alors que j'me rapproche du félin pour l'emmener vers les deux idiots afin de les embarquer comme la veille.

- J'dirai, un peu des deux. Gromyr?
*Soif, et femelle.*
- Tu serais venu si j'étais à sa place? Gromyr? Gromyr?

Il me tourne le dos et s'avance pour me donner la possibilité d'atteler la corde à sa selle et traîner les criminels. J'écoute pendant ce temps attentivement Thétis, m'imaginant comme un poisson dans une vaste étendue d'eau, intemporelle, sans repère dans l'espace. Ca doit être libérateur mais aussi flippant.

- J'ose même pas imaginer combien de bornes vous aviez dû faire. Aha.

Pour essayer de répondre à sa question, j'regarde au loin en plissant les yeux tout en tendant la serviette sèche à la demoiselle comme la première fois qu'elle était trempée.

- On y arrive. Aujourd'hui vous allez pouvoir regarder les remparts de la capitale et ses entrailles. En route.

Elle me rejoint et nous voilà en route. Nos pas sont rythmés par nos conversations, mais aussi par le bruit constant des deux loubards frotter le sol sous leurs jurons et autres plaintes qu'on se serait bien passé d'écouter. Sans doute la chasse la plus inédite qu'il m'a été donné de vivre depuis autant d'années en service. Le vent se lève, Thétis profite de sa fourrure ainsi que celle de ma monture alors que de mon côté ma cape anti-climat remplit pour l'instant bien son boulot.

Un ciel bleu, partiellement nuageux, laisse passer un soleil timide mais lumineux. les plaines sont effacés par un relief plus important au moment où quelque chose se détaille, lorsque nous arrivons en haut d'une bute qui surplombe la vallée.

La Capitale. Comme toujours, la vue est spectaculaire. Un regard vers celle de mon binôme, cachant un sourire plutôt fier.

- Il reste plus grand chose.

On commence à descendre et rejoindre la vallée, un immense sentier utilisé par bon nombre de caravanes, de diligences et de montures de toutes sortes se croisant indéfiniment. On le rejoint, à une vitesse normale pour éviter les accidents et surtout pour que les deux tanches se trouvent pas écraser par un véhicule qui a pas eu le temps d'anticiper. Une grande ligne de fortification se dévoile devant nous. On passe l'immense entrée principale et j'me dis que c'est le moment de l'aider à se repérer.

- La ville est traversée par la rivière luisante séparée en deux bras par le centre par plusieurs ilôts; Ile Royale, Ile Citadelle, Ile Lutetia, et Ile Rocheuse. Une première ligne de fortification existe depuis des siècles, elle protège la partie centrale de la Capitale, une seconde ligne de fortification fut construite dans les années 600 en périphérie de la ville pour protéger l'ensemble de la population après l'expansion du territoire au fil des années. Le Palais est au centre de la ville.

Deux gardes nous interceptent. Heureusement, j'les connais.

- M'sieur Tran, m'sieur Adelard.
- Hidoru, la pêche fut bonne? Regardez-moi ça...

Ils font un signe de tête à la Rousse avant de détailler mes primes.

- Les Brittle. A Aryon? Commente moqueusement Tran.
- Faut croire qu'ils ont pas eu le temps de partir. Conclus Adelard.
- Non, c'est deux crétins, ils ont tenté leurs chances avec la demoiselle.
- Mademoiselle, bienvenue à la capitale. Hidoru, tu recrutes des jeunes femmes maintenant?
- Nah, j'rends service, elle voulait venir ici.
- Alors tu vas devoir la laisser et nous suivre, je suppose que t'as les documents sur toi.
- Ouais, bien sûr.

Sans plus tarder, ils les détachent et y foutent des menottes anti-magie avant de dégainer leurs épées. J'descends de ma selle avant de prendre la longe de Gromyr et accompagner Thétis au sol. Les pieds sur les pavés de la capitale, j'hausse les épaules, alors que nous sommes face à face. Les yeux dans les yeux, j'laisse un sourire mystérieux avant de me mordre les lèvres. Avec un regard et, j'dois l'admettre, assez concupiscent.

- J'aime pas dire aurevoir.

J'lui tends deux cartes que j'sors de la poche intérieur de mon manteau.

- Mon bureau de prime. C'est aussi chez moi, si un jour ça vous botte, passez. La deuxième carte, c'est le bijoutier. Pour votre collier. C'était sympa Thétis. Gromyr?

Il s'approche en posant son front contre sa tignasse, puis d'une pichenette du doigt sur son joli nez, nous nous séparons après un dernier regard pour enregistrer cette magnifique créature.

Haru l'aurait adoré, hé.