L'agitation de la compétition avait rapidement laissé place à une réalité bien plus terre à terre. Après les jeux, le long et lent retour au calme sur les routes du pays. Le petit groupe, malgré sa victoire voyageait avec un calme presque olympien alors que chaque chevalier se perdait lentement dans ses pensées.
Parés de leurs harnois de parade, ils arboraient fièrement les couleurs de la famille royale, les lourds pans de tissus s'agitant au gré des vents et les fanions levés hauts sur les hampes du chariot claquant au vent.
Une inhabituelle procession, qui parcourait la campagne sous le regard parfois fasciné des enfants et souvent surpris des adultes.
De telles occurrence étaient rares et si croiser un noble en manque d'aventure n'était plus vraiment de saison, un groupe de cavalier aux couleurs de sa majesté l'était d'autant plus. Dans les villages les plus reculés, se fut sans doute le premier contact réel avec ce qui s'approchait de la royauté.
Arthorias tachait toujours de se montrer cordial envers ces gens dont il ignorait tout. C'était ici le royaume de la garde civile, et l'officier se sentait parfois un peu déconnecté de tout cela.
Comme pour réaligner ses pensées, un des soldats l'appela depuis le fourgon, la solide cariole transportant une bonne partie matériel du groupe.
-Capitaine, le soleil va commencer à se coucher, nous ne devrions pas tarder à trouver refuge quelque part, une nuit de plus à la belle étoile n'enchanterait personne
En temps normal, rien n'aurait posé le problème, mais en temps normal, ils n'auraient pas été quatre pour un convoi pareil.
Arthorias, menait la colonne, son haut palefroi de guerre donnant le rythme alors que deux autres chevaliers suivaient sur des animaux tout aussi fier.
Le dernier membre du convoi n'était autre que le chariot qui, il fallait le dire en imposait bien moins.
-Tout juste, nous chercherons refuge dans la prochaine ferme que nous croiserons, en espérant qu'ils aient assez de place.
Le pays était assez inégal, et si parfois ils croisaient d'énormes bâtisses regroupant plusieurs familles dans une exploitation gigantesque, c'était souvent de petits villages qui exploitaient la terre de façon familiale... Difficile de leur demande plus que nécessaire, même en payant car les marchands n'étaient pas si fréquent.
Et alors que le soleil déclinait lentement à l'horizon, privant le groupe de la chaleur habituelle de l'astre, ce dernier leur fit un dernier cadeau en leur montrant une ferme à même de les accueillir.
Peut être dame Lucy leur souriait elle.
Au pas, le petit groupe longea les terres avant de trouver l'entrée de la ferme ou personne n'était visible sinon une jeune femme qui semblait terminer quelques travaux.
Arthorias mit pied à terre, tirant doucement sur le tabard brodé pour en chasser la terre et la poussière, tachant de se rendre un peu plus présentable qu'à l'accoutumée.
Enlevant le casque qui masquait ses traits, l'homme secoua la tête pour laisser respirer sa longue crinière d'or, se portant à la hauteur de la jeune femme avec un geste de salut qui se voulait amical.
-Bien le bonsoir mademoiselle !
Commença t-il d'une voix un peu enrouée par le mutisme du voyage et l'agression de la poussière.
Même ainsi, cette dernière restait quelque peu androgyne, ne venant donner aucuns indice sur l'identité du capitaine.
-Excusez moi de vous importuner à une heure aussi tardive, mais la lune commence à poindre, et mes camarades et moi-même souhaiterions savoir si vous n'aviez pas quelque grange à nous louer le temps d'une nuit ?
Voyez vous, nous voyageons depuis bien des jours, et l'idée de passer une nuit avec un toit sur la tête ne serait pas de refus
L'accent et le ton de la voix du jeune homme trahissait cependant qu'il n'était pas de la région, son élocution n'appartenant clairement pas au noble du coin.
Accompagnant ses paroles d'un salut plus formel cette fois, il s'inclina légèrement alors que le reste des chevaliers attendaient patiemment à l'entrée.
-Mais j'en oublie mes bonnes manières... Arthorias, pour vous servir
C’est l’esprit bien plus léger, quoiqu’encore préoccupé par les prochains temps qui allaient encore s’avérer difficiles le temps de remonter la pente, que Faye envoya Tessa se laver les dents. Cette dernière ne se fit pas prier, se précipitant presque à l’étage avant de redescendre à moitié pour interpeller sa grande sœur.
“Tu me liras un rêve après hein Feyfey ?”
Bien que fatiguée, Faye se mit à rire légèrement. L’enthousiasme de sa petite sœur était contagieux et la fermière chérissait ces moments de complicité qu’elles partageaient avant que Tessa ne sombre dans le sommeil.
“Oui, on fera ça. Allez, file te laver les dents !”
Le grand sourire que lui offrit Tessa réchauffa le cœur de la jeune femme, puis la petite remonta à l’étage pour accomplir sa tâche. Faye se passa alors une main dans les cheveux à moitié décoiffés, elle avait encore quelques petites choses à faire dehors, elle avait sans doute le temps de finir ça avant qu’il ne fasse nuit noire. Elle enfila son châle et sortit d’abord récupérer le linge propre qui battait encore dehors avant de vérifier que toutes les bêtes étaient bien rentrées pour pouvoir verrouiller tous les enclos un à un.
Achevant de vérifier le dernier, Faye entendit une foulée de pas ainsi que des hennissements tout près. Elle se retourna juste au moment où on l’interpellait. La fermière ne pu réprimer un pas en arrière en comprenant vaguement à qui elle avait à faire. Les couleurs malgré la lumière déclinante ne trompaient pas. Faye resserra son châle autour de ses épaules en observant le chevalier qui se tenait devant elle alors que les autres attendaient un peu plus loin. Que voulaient-ils ? Apportaient-ils avec eux un nouveau lot de problèmes qui concernait la famille Sunwing ? Elle baissa imperceptiblement la tête, incapable de regarder la personne qui se tenait devant elle dans les yeux, d’ailleurs peu sûre de savoir s’il s’agissait d’une femme ou d’un homme.
“B-bonjour…”
Elle se mit à prier silencieusement Lucy. Pitié, elle n’avait pas besoin de ça maintenant. Cependant, elle releva la tête avec surprise devant la requête qui venait de lui être faite. Ils voulaient passer la nuit ici ? Elle réfléchit rapidement. Avait-elle réellement le choix de la réponse ? Elle ne voulait pas paraître incorrecte ou manquer d'hospitalité mais il ne restait plus grand chose. Pouvait-elle se permettre un tel accueil ? D’un autre côté, que se passerait-il si elle refusait ? L’image de Tessa et Meymey s’imposa dans son esprit, elle devait avant tout les protéger toutes les deux. Obtempérer était sans doute la solution la plus sage. Pour le reste, elle se débrouillerait. Comme toujours, n’est-ce pas ? Elle tourna la tête vers l’écurie et la grange. Une grange. Elle n’allait quand même pas les faire dormir là-dedans, d’autant plus que ça risquerait de perturber les animaux…
“Je...je vois que vous êtes chargés. Vous pouvez éventuellement entreposer tout ça dans la grange et mettre les montures à l’écurie mais je ne vais pas vous laisser dormir dans une grange. J’ai deux chambres de disponibles, l’une d’elle est double et l’autre est simple. Ce n’est pas grand chose j’en suis navrée mais si cela vous convient, vous êtes les bienvenus.”
Faye s’interrompit ne sachant que trop ajouter. Son interlocuteur se présenta alors, s’excusant de ne l’avoir fait avant et s’inclina. Peu sûre du comportement à adopter, la jeune femme lui retourna une révérence maladroite.
“Faye...Faye Sunwing. Vous pouvez faire entrer vos compagnons, je vais vous aider avec les chevaux, suivez moi je vous prie.”
Se dirigeant déjà vers les écuries d’un pas lent, Faye se sentait toute petite. Déjà parce que ces gens avaient l’air bien plus grands qu’elle en bien des aspects. Ils étaient plus imposants, plus vieux aussi sans doute et plus élevés socialement. Elle, n’était que peu de choses à côté d’eux.
L'accueil était un peu craintif, mais l'officier c'était attendu à bien pire, ce fut donc avec un grand sourire qu'il fit signe aux soldats de venir le rejoindre. Les deux dirigèrent leurs chevaux dans la cours avant de démonter pour imiter leurs commandant, enlevant leurs casques pour révéler un un homme aux traits marqués, mais donc une certaine douceur émanait, contrastant avec son corps qui ridiculisait même l'officier par sa taille, l'armure de plate semblant a peine pouvoir contenir sa vigueur
-Cela me rappelle mes jeunes années, une ferme et un peu de bétail
-Oula, papy Tancred va nous ressortir ses vieilles histoires du temps d'avant... Dit moi, tu as connu le premier Renmyrth ou simplement le second
Dit la voix féminine de l'autre chevalière qui laissa apparaitre un visage plus jeune et plus innocent, bien que ses yeux soient teinté d'amusement.
Arthorias soupira en entendant les deux recommencer à se chamailler, sans doute leur activité la plus courante durant le voyage. La cariole suivit bien rapidement, le soldat à son bords restant de marbre, ne quittant même pas les reines des mains jusqu'à ce qu'on lui ordonne de rentrer la carriole dans la grange.
-Mademoiselle Sunwing donc, merci pour votre accueil, nous n'en demandions pas tant !
Dit l'officier, sincèrement soulagé de ne pas dormir dehors ce soir. Il faudrait bien un garde pour la cariole, mais il disposait d'un soldat tout désigné pour l'occasion.
Lucy devait les avoir favorisé ce soir car dans l'esprit du soldat, une nuit à la belle étoile se profilait.
-Nous tacherons de ne pas vous déranger, je vous le promet, il serait plus qu'inconvenant d'incommoder notre hôte, allez on suit la demoiselle !
Et les deux soldats guidèrent les chevaux de guerre derrière la fermière, se chamaillant toujours gentiment derrière le capitaine qui lui, suivait sans un bruit, ses yeux vairons fixant la jeune femme.
-Navré encore une fois de vous déranger, les routes du sud sont longues et j'avoue avoir mal calculé notre trajet et peut être ai-je confondu un embranchement... D'où notre présence.
Guidant son propre cheval, il fit de son mieux pour se montrer aussi courtois que possible, même s'il n'était pas noble, l'habitude de s'adresser à des gens au dessus de lui avait la vie dure.
A vrai dire, la possibilité de dormir dans un vrai lit l'enchantait, et il faudrait qu'il trouve comment récompenser leur bienfaitrice de la soirée.
Passant sous la toiture de l'écurie, il purent attacher leurs chevaux, et l'officier pu dégager une partie des tissus qui encombraient le destrier, les pliants soigneusement pour ne pas les tacher.
-Nous laisserons un de nos compagnons à la carriole pour veiller sur nos affaires, ne vous en faites pas pour lui, il saura rester là sans vous causer de soucis, je vous le garanti.
Ce n'était pas comme s'il pouvait faire autrement, et l'armure à la visière toujours fermée opina du chef en s'asseyant dans la cariole, toujours sans le moindre mot
-Peut on vous aider d'une quelconque façon ?