Sans mot dire, Aelith leva sa torche aussi haut que le lui permettaient ses membres engourdis pour offrir au groupe une vision plus précise de la paroi gravée. Ses chaussettes gorgées d’eau glacée roidissaient ses mouvements, et elle se surprit à imaginer rêveusement la flammèche grandir, encore et encore, jusqu’à leur apporter la chaleur enivrante d’un feu de cheminée.
Alors que Luz examinait la roche cendreuse, l’aventurière se laissa absorber par ses pensées. Elle ne parvenait pas à se pardonner sa perte de sang froid quelques minutes plus tôt, qui avait mis en péril ses comparses. Non seulement elle avait attiré l’attention de l’une des créatures, mais en prime, elle n’avait pas été suffisamment vive pour la réduire au silence par elle-même. Elle avait bien conscience que si Dahlia n’avait pas réagi, la retardataire aurait pu avertir ses congénères de son hurlement déchirement, et les condamner par ce biais. Sa fierté et sa dignité s’en voyaient meurtries, d’autant plus que son erreur pouvait remettre en cause sa légitimité à détenir le flambeau. Pourquoi ses compagnons d’infortune consentiraient-ils donc à laisser leur précieuse lumière entre les mains d’une personne indigne de confiance ? Une maladresse pouvait suffire à les priver de leur torche, et à les condamner à errer tels des somnambules dans les tréfonds.
Secouant sa tête, elle chassa ses craintes. La meilleure chose qu’elle pouvait faire à présent, c’était prouver sa valeur. Pour cela, rien de mieux que d’élucider l’énigme qui scellait l’artefact. Elle scruta la roche nervurée et laissa ses doigts couler sur ses aspérités, pour tenter d’y déceler des protubérances anormales. Mais, rien.
« Aucun mécanisme apparent, se désola-t-elle. »
Elle recula de quelques pas pour adopter une vue d’ensemble sur l’entrée énigmatique, tandis que Luz se plaquait à la paroi dans une posture qui lui arracha un sourire. Un éclat attira alors son attention, en direction de la voûte qui les surplombait. Les sourcils froncés, Aelith tendit son bras pour illuminer le fragment concerné. Deux émeraudes étaient profondément enfoncées dans la roche. Alors qu’elle allait en informait ses comparses, Luz la prit de court en annonçant leur désir d’entrer. Lorsque les mains de la médecin touchèrent la paroi, les deux joyaux s’illuminèrent d’une vive étincelle absinthe. Un craquement résonna. La pierre qui entourait les émeraudes se fractura, pour dessiner les contours d’un visage. Un crâne oblong, piégé dans la concrétion, s’esquissa dans une pluie de poussière. L'ossement paraissait humanoïde, mais était hideusement disproportionné. Les deux perles lustrées étaient enfoncées dans ses orbites de calcaire et semblaient rivées sur la guérisseuse.
Une voix graveleuse s’éleva impérieusement. Aelith avait l’étrange impression qu’à défaut de se répercuter dans la cavité, le son résonnait dans son esprit à la manière d’une pensée.
« Vous qui souhaitez remporter l’artefact de vérité,
Pour pénétrer en ces lieux, votre honnêteté vous devrez prouver.
Je jugerai de votre sincérité au cours d’une brève discussion.
Commencez, jeunes vagabonds, par répondre à cette question : »
Le gardien marqua une pause de quelques secondes, et l’atmosphère sembla s’appesantir soudainement. Les mains moites et le ventre noué, l’aventurière crût distinguer un léger mouvement du crâne, comme s’il pivotait délicatement vers Vrenn.
« Suis-je belle ? tonna-t-il. »
La voix du veilleur – ou de la veilleuse ? – de pierre avait une inflexion profondément sentencieuse, qui prit Aelith aux tripes. Mentir n’était pas concevable, mais une vérité offensante pouvait également s’avérer préjudiciable.
‘’Et là, la porte, elle parle !’’ Sûr que ça va faire son p’tit effet sur les collègues, quand j’vais leur raconter, mais probablement pas autant que le contenu de ce qu’elle va nous demander : c’est une espèce de face tracée dans la roche, un peu comme si un gamin à moitié aveugle et pas très doué de ses mains avait décidé de se mettre à la pâte à modeler et, on va pas se mentir, y’aura bien que les parents pour trouver ça extraordinaire. Que l’enfant ait des mains. Evidemment.
Le pire, c’est qu’il se tourne vers moi. Sûr que s’il dit belle, c’est qu’il se considère féminin, donc il veut l’opinion d’un individu du sexe opposé ? En tout cas, avec sa voix, dans le noir, m’est avis que ça ferait quelques frayeurs si elle ramène des gens en sortant de soirée. Quoique, la tessiture va avec le reste, finalement c’est assez raccord.
Reste que, d’après le poème entonné au début, faut être sincère, a fortiori pour le côté artefact de vérité. Dans un coin de ma tête, j’sens des monstres qui se rapprochent, qui tournent autour, mais encore loin. Ils nous cherchent, p’tet, ou patrouillent autour de l’énorme concentration que j’sens plus loin, aux confins de mon esprit. Bizarre, ce truc, et jusqu’à présent ça s’est pas trom…
J’suis ramené à l’instant présent par un mouvement à côté de moi. C’est qu’il serait temps que j’réponde, j’suppose, l’hésitation devient franchement visible. Le souci, c’est que dire mes quatre vérités, ça risque pas de lui faire plaisir, et que les nanas sont toujours vachement sensibles à ce genre de remarques. Elle serait foutue de se vexer même si c’est vrai, quoi. Quel enfer, putain.
« La beauté est dans l’œil du contemplateur. »
Voilà, un lieu commun. Chacun voit midi à sa porte, après tout. P’tet que d’autres personnes la trouveraient charmantes, cette face de porte. Même si elle est proprement immonde. Mais les faces de portes ressemblent p’tet toutes à… ça. J’jette un regard à mes p’tites camarades, et j’me dis que j’m’en suis pas si mal sorti.
« Si la beauté est subjective,
Toutes, pour peu qu’elles vivent,
Ne sauront jamais ce que chacun pense
De leur apparence. »
Elle va continuer à parler en poèmes ? Elle doit se sentir drôlement seule, en fait, là, dans le noir, sans personne à qui parler. J’me contente de hocher la tête. Pas la moindre envie de faire des vers, c’est ni l’endroit ni le moment, et j’crois que ça partirait plutôt en insultes pour qu’elle nous laisse passer, prendre l’artefact de vérité –peut-être un genre de sérum ou un truc du genre ? J’ai entendu parlé de globes de vérité qui détectent les mensonges. Rudement pratiques, faudrait que j’en récupère un, d’ailleurs.
Reste que le premier test semble passé. J’regarde attentivement la porte, mais elle s’ouvre pas. A la place, Face-de-porte se tourne vers l’autre Garde, dans ce qui semble manifestement être un complot contre la Couronne, et se met à lui adresser la parole.
« Unis dans l’adversité
Prenez-vous par la main
Confirmez votre pensée
En réponse à ce quatrain. »
J’mate les collègues. J’ai compris que le début et la fin, mais le troisième vers, sur le coup, j’vois pas trop. C’est quoi, notre pensée, au juste ? Et une autre question me vient. Est-ce qu’elle va continuer à nous faire faire des trucs ? Ca se trouve, elle se fout royalement de notre gueule en dedans, en se demandant jusqu’où elle peut nous faire aller juste avec quelques mots débiles qui riment vaguement. C’est quoi, l’étape suivante ? Faire une chanson ? Danser ? Tourner en rond en équilibre sur les mains ? Allez, quoi. On va quand même pas monter un cirque, non plus, on veut juste l’artefact et le chemin vers la sortie, merde.
Au plus grand étonnement de Dahlia, Vrenn trouva un moyen fin et habile d'éluder sa question. Cela lui paraissait plutôt inattendu, de la part du garde qui ne lui semblait pas verser dans la dentelle, d'ordinaire, dans ses propos souvent sans ambages. Mais il fallait croire que tout homme se devait d'affûter son sens de la répartie face aux questions impromptues de la gente féminine. À défaut de percer leurs mystères, les hommes parvenaient ainsi au moins à rester dans les bonnes grâces de leurs amantes.
Alors que la garde était persuadée que leur interlocutrice allait les laisser passer, cette épreuve à priori surmontée avec succès, il fallut qu'elle leur oppose une autre énigme. Dahlia soupira intérieurement de lassitude. Si elle avait eu une rivelaine en sa possession, elle aurait bien abrégé cette mascarade. Mais puisqu'il fallait se plier à ce nouveau logogriphe, elle attrapa d'une part la senestre d'Aelith, puis d'autre part la dextre de Luz. Se râclant la gorge, elle osa alors, d'une voix dont elle forçait quelque peu l'assurance :
« À tout, nous sommes prêts
Pour atteindre l'artefact de vérité
Merci de nous laisser entrer
Nous vous en saurons fort gré. »
Faire montre de politesse ne pouvait pas les desservir, après tout. Un ricanement aux intonations rauques ébroua alors le faciès rocheux, qui leur répondit en retour :
« À tout, dites-vous
Eh bien au pire, préparez-vous
Dans le sanctuaire, vous trouverez votre repentance
Très chers aventuriers, bonne chance. »
Sur ces mots, ses deux joyaux jumeaux s'éteignirent, puis les contours de la porte s'ébranlèrent, coulissant dans un vrombissement de poussière. Relâchant ses comparses, Dahlia avança prudemment dans le passage découvert, plus que sur ses gardes, surtout après ce dernier quatrain proféré par la porte. Mais il n'était plus le moment de rebrousser chemin… Oh, par Lucy, qu'elle avait hâte de retrouver son chez elle pour s'enrouler dans la douceur d'un plaid, une tasse de chocolat chaud à la main. En admettant qu'ils parviennent à rentrer.
Le groupe déboucha finalement dans une salle assez vaste, ce qui ne fut pas sans soulager Dahlia de l'oppression qui l'étreignait, après tout ce temps passé à se contorsionner dans ces corridors exigus. Un craquement sous ses pas attira rapidement son attention, et lorsqu'elle baissa les yeux, le halo projeté par la torche d'Aelith confirma ses soupçons :
« Des ossements… humains, semblerait-il. » conclut-elle, tandis qu'un long filet glacé serpentait le long de son échine.
Jonchant le sol, ils miroitaient, polis et luisants sous la flamme papillonnante du flambeau. Relevant tant bien que mal le regard, Dahlia remarqua finalement l'autel qui trônait au centre de la salle. Celui-ci était érigé sur un monticule composé de ces mêmes fagotins osseux de radius, cubitus, et autres fémurs, entassés sur plusieurs mètres dans une colonne macabre. Qui l'avait agencée ainsi et à quelle fin ? Dahlia n'était pas certaine de vouloir le savoir.
« Un volontaire pour escalader ce soutènement mortuaire et aller récupérer l'artefact là-haut ? »
Pour sa part, cette idée lui inspirait plutôt une défiance viscérale, mais elle se garda de le préciser.
Les os craquaient sous ses pas comme une fine couche de glace cristalline, dégageant des volutes de poussières dans cet air renfermé depuis des centaines d’années. Luz ne pouvait quitter des yeux l’objet qui trônait sur le monticule d’ossements. Il prenait la forme d’un orbe de pierre lisse dont les contours miroitaient étrangement sous les feux de leur torche, et même de là où elle se tenait, Luz percevait la morsure du froid glaçant qui régnait dans cette pièce. Un nuage de vapeur ourlait déjà ses lèvres au rythme de sa respiration, la température chutant de plusieurs degrés tandis qu’elle se rapprochait de l’obstacle. Aucune créature mortelle ou dangereuse ne semblait vivre en ces lieux, et aucun potentiel trou n’aurait pu servir de passage au travers des larges parois minérales qui les entouraient comme le carcan d’un cercueil. A première vue, l’endroit était donc désert. S’il en était l’unique occupant, du moins. Luz plissa ses prunelles, tentant d’adapter sa vision à la pénombre omniprésente et l’air parut se voiler un infime instant en périphérie de la boule mystérieuse.
Elle fit rouler le mot contre sa langue, savourant les intonations avec une fascination mal contenue. Du gardien, nulle trace. Alors Luz se désigna pour l'escalade :
Elle n’était qu’une civile après tout, et il n’y aurait pas meilleurs veilleurs que trois combattants avertis. Elle se pencha au pied du monticule et se saisit d’un tibia à la manière d’une jeune mariée sélectionnant méticuleusement la décoration à installer dans la chambre à coucher. L’os était encore ferme contre sa paume et n’avait d’autre but que de déplacer l’artefact sans avoir à le toucher directement. Elle n’était pas téméraire au point de jeter l’un de ses membres au feu et désirait tester toute présence éventuelle de mécanismes de défense avant de s’engager physiquement. La structure organique était sensiblement plus grande qu’elle –peut-être trois mètres cinquante de hauteur ? Elle cessa de se dévisser la nuque pour obtenir un aperçu du chemin à emprunter et tendit la main pour se saisir de la première prise.
C’est alors qu’elle se figea. Sa peau d’ordinaire de velours s’était mouchetée d’étranges tâches noires. Un terrible frisson se coula dans ses reins, et elle rapprocha immédiatement sa senestre de son visage. La peau s’était froissée, désormais parcheminée tout en tirant vers le gris. Précipitamment, elle tira sur sa manche jusqu’à presque l’arracher, ce qui dévoila son avant-bras pris de cette fulgurante maladie jusqu’au coude.
Sa voix s’érailla, elle peinait brusquement à respirer. Son autre main, déjà, se couvrait à vitesse grandissante du même phénomène : ses doigts se racornissaient sous son regard impuissant et ses ongles s’allongeaient en griffes noirâtres de mauvais augure. Par-delà le voile trouble de son regard, elle perçut la panique qui grandissait également chez ses alliés. Elle n’eut cependant pas le temps de s’en formaliser car quelque chose crissa juste derrière l’autel. Une main aux dimensions gigantesques glissa sur la pierre, à peine un froissement, et une figure cauchemardesque émergea des ombres. Sa face, trouée de dents, exhibait un sourire impossible et comme planté à l’envers sur son corps détraqué. La chose eut un rire guttural qui fit trembler la pierre :
Ne sachant plus guère quelle problématique traiter en première – l’énorme créature ou son corps tout entier qui mutait à vitesse grand V-, Luz recula d’un pas incertain et ne parvint guère à mobiliser ses muscles lorsque ses genoux flanchèrent. Fort heureusement, la chose semblait étrangement placide et peu désireuse de les attaquer.
« C… Comment ? parvint à lâcher Luz dans un grondement de souffrance. »
« Ô pauvres, pauvres mortels… Seul celui qui n’a jamais menti peut approcher notre mère. Elle lit vos péchés sur votre peau et son jugement est terrible. »
Dans un éclat de lucidité, la praticienne comprit que le gardien n’était pas cette gigantesque réplique des monstres qui les avaient attaqués plus tôt. Ceux-là, tous ceux-là, n’étaient que d’anciens explorateurs frappés par la malédiction de l’artefact. La créature en face d’eux était peut-être même le tout premier Aventurier à avoir foulé ce sol.
Non, le véritable danger était l’artefact lui-même. Cette sphère si petite, si fragile, qui les dominait de toute sa hauteur…
Et le mensonge était son gardien.
Luz se désigna rapidement pour escalader la montagne d’os. Le choix semblait cohérent : il valait mieux que les trois combattants restent au sol, en alerte et prêts à réagir en cas de menace. Aelith se rapprocha du piédestal funèbre, pour éclairer du mieux qu’elle le pouvait les pas de la médecin. Lorsqu’elle atteignit le pied du monticule, des reflets métallisés attirèrent son regard. Fronçant les sourcils, elle repéra une armure, enchevêtrée dans la pile d’ossements. Un coup d’œil circulaire lui permit de discerner quelques boucliers, épées et cottes de mailles dispersés face à l’autel macabre. Visiblement, de nombreux guerriers avaient succombé en ces lieux. L’aventurière se mordit la lèvre inférieure.
« Quelque chose ne va pas, c’est trop simple, murmura-t-elle. »
L’exclamation de Luz confirma ses craintes. Dans un frisson, elle releva lentement la tête vers la grimpeuse. Sa gorge se serra à la vue de ses membres déformés et rongés par la noirceur. Elle recula de quelques pas ; ces griffes et cette peau gangrenée ne lui étaient pas inconnus. Était-ce donc là le châtiment que réservait l’artefact à ceux qui tentaient de le dérober ? Les réduire à l’état de créatures aveugles et assoiffées ?
Elle n’eut guère le loisir de se questionner davantage. Une silhouette funeste se détacha de la pénombre pour se dévoiler, les griffes fermement plantées dans l’autel. De sa voix rocailleuse, elle leur dévoila le destin sinistre qui attendaient les âmes indignes de s’emparer de l’artefact de vérité. Le sang de l’aventurière ne fît qu’un tour. Bien qu’elle ait toujours eut l’honnêteté à cœur, elle ne pouvait pas se targuer de n’avoir jamais menti, et elle doutait que ses comparses soient bien plus honorables. S’ils n’agissaient pas vite, leur sort serait scellé. La Guilde l’avait missionnée pour rapporter la relique ? Qu’il en soit ainsi, elle ramènerait ses miettes !
Tout en reculant, elle empoigna doucement le manche de l’un de ses javelots de sa main gauche. Le gardien pivota dans sa direction, aux aguets. A l’instar de ses comparses, l’abomination avait le crâne perforé de deux orbites vides. Seuls son ouïe et son odorat affutés semblaient lui permettre de situer les voyageurs. Le regard d’Aelith se posa sur l’orbe qui resplendissait à ses côtés, sur son trône sinistre. Elle pouvait l’atteindre, elle en était persuadée. Mais si la créature entendait le projectile fendre l’air, un coup de ses immenses griffes serait suffisant pour le détruire. Il lui fallait d’abord détourner son attention… bruyamment.
L’image des boucliers qui jonchaient le sol lui revint en tête. Cela pouvait fonctionner, mais comment les faire résonner de concert ? Elle plongea dans ses souvenirs, se remémorant leur entrée dans la grotte, leur chute, les créatures, le gouffre, la rivière, Dahlia jetant une pierre sur stalactites… Son regard s’éclaira et sans plus attendre, elle prît fermement appui sur ses jambes et brandit son javelot.
« Luz, baisse-toi ! »
Le projectile quitta ses doigts gelés, tandis que le gardien entourait l’orbe de son corps difforme pour la protéger. Contrairement aux attentes de la créature, le dard fila en direction de la voûte rocheuse pour y percer ses concrétions. Telle une pluie de calcaire, ses fragments ruisselèrent sur les cuirasses et tapissèrent les ossements. Des tintements discordants se répercutèrent en un écho strident sur les parois de la cavité. L’hideux gardien tempêta en couvrant ses oreilles de ses mains griffues.
« Arrêtez ! Insolents mortels ! »
Dans sa plainte, il secoua ses membres cagneux, et son dos heurta rudement l’autel. L’artefact bleuté oscilla dangereusement sur son socle.
Merde, j’étais persuadé que l’artefact de vérité, c’était un ramassis de conneries, le genre de rumeurs qui servent à attirer des aventuriers dans une ville miteuse pour le vendre du matos de mineur, une nuit à l’auberge et qu’ils repartent tranquillement les mains vides. Mais en ayant vécu une belle aventure, évidemment, et n’est-ce pas ça le plus important ? Pas le trésor, mais les amis qu’on s’est fait sur le chemin.
Non, c’est le trésor, évidemment.
Reste que le tas d’ossements avec le monstre débile devant, et surtout la malédiction qui s’répand, c’est vraiment une sale histoire. Ça veut dire qu’il pourrait y avoir de plus en plus de monstres, jusqu’à ce qu’ils essaiment autour de leur orbe maudite, là. Putain, si seulement on avait nos pouvoirs, j’balancerais un coup de Focus et on rentrerait chez nous avec le sentiment du devoir accompli… Et sans artefact, mais c’est aussi ça, la vie d’aventurier : beaucoup de déceptions.
Personne se sent de pas avoir menti de toute sa vie. Personnellement, comme toute la mienne est construite sur le mensonge, même avec un bâton, j’y touche pas, à leur babiole. Même Aelith, elle pense pareil, alors que ça n’a pas dû lui arriver souvent non plus. Elle refait le coup des stalagtites. Bonne idée. Groméchan le vit pas bien, en plus, le vacarme. Faudrait juste suffisamment d’une ouverture pour profiter du chaos et péter l’orbe qui chancèle tout en haut de sa pile d’ossements…
Par réflexe, j’fourre la main au contact de mon grand sac sans fond, et y’a un zeste de magie qui s’manifeste. C’est vraiment une goutelette, mais j’vais pas cracher dessus. Pas le temps de réfléchir et de fouiller dans mes deux cent merveilles qui sont fourrées dedans. J’sors un objet étrange, dont personne sait exactement ce que c’est, ni même comment en jouer réellement, et moi le premier. C’est bien pour ça que j’l’ai eu à si bon prix, après tout : pas un quidam était prêt à lâcher des cristaux pour acheter ce truc.
Ça va être la deuxième fois que j’vais utiliser le harp’a’gong dans une situation dangereuse. Quelque part, c’est déjà rentabilisé, non ? J’essaie de sortir autre chose de mon sac, mais la magie a disparu à nouveau illico. Quelle merde, putain. On s’croirait au Palais.
« J’vous ai parlé de ma carrière de musicien ? »
Celle qu’est au point mort pasque j’y comprends rien, bien sûr.
J’pose une main sur les cordes, et l’autre sur la surface plane qui donne le nom de gong à la harpe. Et, sans réfléchir outre-mesure à ce que j’fais, j’me contente de gratter un peu dans tous les sens, en tapant sans le moindre rythme et en évitant les débris qui tombent du plafond. La dernière fois que j’ai utilisé ce truc, j’ai été obligé de m’éviscérer pour que le crocotaupe me bouffe pas, donc on espère que tout ça connaîtra une fin plus agréable.
Un vacarme cacophonique, sans queue ni tête, retentit et résonne salement dans la pièce.
« Cessez immédiatement ! »
Il peut crier, mais, franchement, le concert vient à peine de commencer. En plus, j’sors des sons que j’ai jamais réussis à faire jusqu’à présent, c’est marrant. Enfin… ça le sera deux minutes, ensuite, même moi, j’aurai mal aux oreilles. Mais si ça suffit pour qu’il se mette à vomir du sang par tous ces orifices, moi, ça me va. Maintenant, faut juste un volontaire pour aller péter l’orbe avant que Weiss ne rejoigne le camp des saloperies, pasque ça serait dommage de devoir mettre fin à ses souffrances… Et que j’me vois mal expliquer à la patronne que c’est à elle de payer tout le loyer dorénavant…
Rien que la pensée d’une autre soirée de veillée funèbre, ça me déprime. Faut vraiment qu’elle survive. Encore, les deux autres, bon, on s’en fout, quoi.
Toutes les filles de l’orbe se sont radinées et poussent des cris stridents, maintenant qu’on est là, et la porte rit à gueule déployée, ça fait un contrepoint parfaitement charmant aux rochers qui tombent et au bruit démoniaque du harp’a’gong. Mais on est dans un cercle de quatre mètres de diamètres, et aucune ose s’approcher. Mes collègues sont les mains sur les oreilles aussi, pasque j’joue drôlement fort, mais ça marche, alors j’vais certainement pas m’arrêter là.
J’fais un signe de tête vers l’orbe, et on s’met à avancer prudemment sur les amas d’ossements, toujours dans notre bulle de bruit. J’espère qu’une des deux nanas a sur elle de quoi détruire un artefact millénaire et surpuissant, sinon, on risque d’être salement emmerdé. Et j’aurai joué du crincrin pour rien.
Qui pouvait s'enorgueillir de n'avoir jamais menti ? Aucun être humain, assurément, car pouvait-on réellement occulter les tares liées à son engeance ? Les atténuer, tout au plus, de l'opinion de Dahlia, et en étant pourvu d'une certaine volonté – à laquelle il fallait encore réussir à s'astreindre. Ils venaient de tomber dans une nasse, et risquaient fort de connaître un sort identique à ces malheureux aventuriers dont les derniers vestiges tapissaient le sol à leurs pieds. Mais comment se tirer de là, et endiguer l'effroyable malédiction qui affectait Luz de façon de plus en plus inquiétante ?
Aelith fut la plus prompte à ébaucher une réponse. Dans un vrombissement, son javelot trancha l'air vicié de la nécropole, fusant droit vers la voûte, puis une cacophonie dissonante s'ensuivit, lorsque les débris engendrés ricochèrent sur les rebuts des équipements mélangés au fatras d'ossements. L'idée était brillante. Et le concert n'était visiblement pas fini.
Jaugeant de prime abord d'un œil circonspect l'instrument dont Vrenn venait de s'emparer, Dahlia ressentit bientôt l'envie absolue et impérieuse de se boucher les oreilles, ce qu'elle s'empressa de faire. Mais les tonalités atroces qui émanaient de la harpe ne meurtrirent pas que son ouïe : elles éprouvaient surtout celle de l'abomination, qui coassa une dernière supplication rauque avant de se recroqueviller derrière le monceau, visiblement éprise d'une intense douleur.
Protégé par le vacarme salvateur que le garde produisait allègrement – il avait assurément trouvé sa vocation – le groupe pouvait se rapprocher de l'orbe… Mais était-ce opportun ? Ne risquaient-ils pas de voir leurs membres s'étioler, à l'image de ceux de Luz, avant même de pouvoir arriver à sa hauteur ? Dahlia porta la main à sa ceinture. Si cet instrument honni pouvait fonctionner, peut-être parviendrait-elle à user de son lasso ? Elle le saisit, et fut soulagée de le voir luire d'un éclat ténu. D'un moulinet expert elle le lança alors vers l'artefact, autour duquel la corde chatoyante de magie vint s'enrouler.
Dahlia pouvait le ramener à elle, mais elle craignait toujours d'en subir les effets. À la place, elle décida donc de le projeter violemment contre l'une des parois rugueuses de la pièce, misant sur le fait que l'impact parviendrait à le détruire. L'artefact heurta rudement la roche hérissée d'aspérités, avant de retomber au sol et de rouler sur quelques mètres. Sa surface s'était marbrée de nombreuses lézardes, et il ne restait visiblement plus qu'à lui porter un ultime coup pour la fendre totalement. Dahlia tira son épée au clair et s'en approcha, prête à l'asséner… mais elle n'en eut pas le temps.
Cela aurait été trop beau.
Elle fut interrompue par un spasme tellurique, qui fit soudainement trembler et s'entrechoquer les ossements. Certains d'entre eux commencèrent alors s'élever dans les airs, et à se diriger vers… l'artefact, comme aimantés par ce dernier. Ils s'agglutinèrent peu à peu autour de l'orbe, dans une masse tout d'abord informe, qui esquissa bientôt un squelette étrangement… reptilien.
« On dirait que l'artefact possède un ultime mécanisme de défense... »
Un dragon, formé par l'agencement d'une myriade d'os, et dont l'artefact constituait le cœur. Décidemment, ce dernier ne manquait pas de gardiens.
- Missions:
Luz : Dahlia - n'est pas d'accord avec son intuition concernant la direction de la sortie - doit l'isoler
Aelith : Luz - craint que Luz lui vole sa torche - doit l'isoler
Vrenn : Aelith - craint qu'Aelith se barre avec la torche - doit l'isoler
Dans les beaux livres reliés de son grand-père, les héros surpassaient brillamment leurs adversaires sans la moindre goutte de sueur, ou du moins toujours harmonieusement disposée sur leur silhouette majestueuse… Aelith, Dahlia, et même Vrenn dans sa cacophonie, tenaient tous de cette caractéristique du génie, leurs réflexes et leur promptitude à l’action ayant sauvé Luz d’une perte de civilisation désastreuse. Qu’auraient dit ses ancêtres nobles, si le reste de son existence avait consisté à pousser des grognements gutturaux, la bave aux lèvres, les yeux creux et pour toute grâce cette aptitude à produire des bonds de bonobo détraqué ? Etalée sur le sol à la manière d’un glooby crevé en fin de vie, le souffle court, la joue suintante collée contre elle-ne-savait quel mélange de terre, de poussière et de restes humains, Luz songea effectivement que les Weiss devaient se retourner dans leur tombe. En figure de chignon, elle n’avait plus qu’un effroyable amalgame de nœuds crasseux. Et l’impression tenace d’être passée sous un fenrir. Lorsque ses prunelles trouvèrent la force de se lever vers l’agitation qui régnait dans la pièce, elle comprit soudainement que sa métaphore n’était pas très loin de la réalité : elle allait passer sous un dragon en colère. Un bon gros dragon d’os dégueulasse.
Les pensées quelque peu hagardes, son premier réflexe fut de vérifier que l’ensemble de ses membres étaient revenus à leur état d'origine. Suite à l’intervention magistrale de ses coéquipiers et surtout à la fêlure qui marbrait désormais l’artefact, une nouvelle douleur l’avait envahie au seuil de sa conscience et son corps avait péniblement entrepris une marche arrière dans sa métamorphose. Elle était à présent redevenue entièrement humaine, quoique la longueur de ses ongles fût encore suspecte. S’ils parvenaient à détruire entièrement l’objet… Les êtres infâmes qui rôdaient dans les environs redeviendraient-ils à leur tour des êtres humains décents ou était-ce trop tard pour eux ? L’enchantement n’avait-il guère eu le temps de faire pleinement effet sur sa silhouette ou l’ensemble de sa magie était-elle réversible ? Bien que peu enthousiaste à l’idée de chercher une sortie à cet enfer sous-terrain en compagnie d’une armée de grabataires –depuis le temps, certains devaient avoir atteint l’âge canonique de trois cent ans à en juger par l’état des lieux, la praticienne jugeait plus sûr d’errer dans les couloirs en l’absence de bestioles affamées et bigrement agiles.
Etendue-là comme un vieux sac de farine, elle constata soudainement que le gardien d’os ne lui prêtait aucune attention. Entièrement tourné vers les trois sacripants qui lui avaient fait l’affront de rester humains et de lui infliger cette fêlure, il tournait pratiquement le dos à la rousse exténuée. Irritée par la pensée qu’il la considérait déjà enterrée, Luz trouva la faible énergie nécessaire pour se redresser sur ses jambes peu assurée. C’est alors qu’elle le sentit. Cet infime décalage, cette faille dans la chape de plomb qui annulait toute magie depuis qu’ils avaient chuté dans ces boyaux. Une perturbation dans l’espace autour d’elle, comme une expiration après une inspiration, dont l’origine prenait racine dans l’artefact.
Il n’avait de toute évidence pas apprécié d’être balancé contre un mur par un fouet magique. S’ils parvenaient à le briser définitivement… Il serait beaucoup plus aisé de trouver la sortie en possession de l’ensemble de leurs moyens magiques ! Peinant à croire en sa chance, Luz plongea sa main dans son grand sac sans fond et entreprit d’en retourner le contenu exactement comme Vrenn un peu plus tôt. Lorsqu’elle en sortit la main, un petit objet rond se tenait dans sa paume. Cela brillait, et cela ne servait à rien.
Elle jeta la bille à ses pieds, s’activant de plus belle dans la panique du moment. Combien d’infimes secondes avant qu’il n’attaque ou ne parvienne à attraper l’un de ses coéquipiers… ? Elle entendait déjà ses mâchoires se refermer sur le vide en un claquement lugubre d’ossature… Elle sentit à cet instant du métal sous ses doigts et tira vivement le crochet foreur de son sac dysfonctionnel. Impossible de mettre la main sur la paire, aussi ne prit-elle guère le temps de tergiverser et s’élança-t-elle vers le gardien qui ne lui prêtait toujours aucune attention. Puisqu’il se dressait sur ses pattes arrières pour aplatir les outrecuidants, Luz glissa plus qu’elle ne grimpa sur la queue reptilienne qui s’était subrepticement agitée au sol, ripa contre une vertèbre et s’écrasa douloureusement le visage contre cette masse osseuse. Son gant, lui, poursuivit néanmoins sa course dans cette matière étrange comme dans du beurre, forant l’os jusqu’à l’artefact sur lequel il se referma. Emporté par son élan malhabile, l’outil mis à la va-vite se détacha de sa dextre et surgit du poitrail de la bête, la boule pernicieuse exhibant soudainement sa lueur sournoise aux yeux de ses compagnons, exposé sans défense. Toute empêtrée dans cet horrible amas d’os, Luz sentit immédiatement le corps du gardien amorcer une lente recomposition pour tenter de recouvrir à nouveau l’artefact de son armure…
- HRP - Réflexion de fin de RP:
- Dahlia (la boussole) - Devait tuer Vrenn (le détecteur). Devait convaincre la lampe de ne pas suivre le détecteur pour l'isoler. Devait donc isoler Vrenn.
Aelith (la lampe) - Devait tuer Luz (la carte). Devait se méfier de la carte et constamment la maintenir devant elle pour la surveiller.
Vrenn (le détecteur) - Devait tuer Aelith (la lampe). Devait convaincre la lampe de ne pas suivre la boussole. Devait donc garder Aelith à ses côtés.
La silhouette du gardien reptilien se dressa, gigantesque et épurée. L’éclat rubis de l’artefact perçait faiblement à travers ses orbites vides, telle l’étincelle d’un incendie au cœur d’une forêt enneigée. La bête étendit ses ailes dentelées, toisant hautainement les ridicules êtres qui osaient se tenir devant elle. Un frisson d’adrénaline parcourut l’échine d’Aelith. Guettant les mouvements du dragon, ses yeux étincelaient d’une lueur farouche, mêlée à un soupçon d’admiration. Elle raffermit la prise de sa main gauche sur sa torche, tout en enserrant doucement un javelot de l’autre.
Les griffes de la créature fendirent l’air, balayant l’enchevêtrement d’ossements et d’armures qui recouvraient le sol. L’aventurière recula d’un bond pour éviter d’être percutée. Visiblement, ce second gardien était prêt à en découdre, contrairement à son prédécesseur. Tout en s'éloignant, elle scruta le poitrail du dragon, pour tenter d’y déceler une crevasse. Dahlia était parvenue à fissurer l’orbe; un coup supplémentaire serait certainement suffisant pour détruire définitivement l’artefact. Il lui fallait trouver une faille au sein de cette armure squelettique, coûte que coûte. Et pour cela, la rapidité serait certainement sa meilleure alliée.
Tandis que l’attention du dragon était focalisée sur Vrenn et Dahlia, la jeune femme s’élança en avant et entama sa métamorphose. Pour parvenir à ébrécher le gardien, il lui fallait se rapprocher. Malheureusement, la bête était bien plus vive qu’elle ne le soupçonnait. Le claquement sourd de ses sabots avait attiré son attention et elle se dressa sur ses pattes arrière, prête à broyer l’impertinente.
Soudain, une clameur rauque retentit. Dans une effusion d’os, un foreur traversa le poitrail de la créature, dévoilant le rubis qui y palpitait. Profitant du trouble du dragon, Aelith galopa de plus belle. Une fois dans l’axe de sa cible, elle lança souplement son projectile. Le javelot fondit vers l’orbe rougeoyante. Un sourire soulagé se dessina sur les lèvres de la jeune femme… avant de s’effacer aussitôt. D’un coup de griffes, la bête chassa le javelot, qui termina sa trajectoire dans les décombres.
Parcourus d’une vibration sinistre, les ossements qui tapissaient la grotte s’élevèrent pour entamer la reconstruction de l’armure osseuse.
« Le tout pour le tout, murmura Aelith en se saisissant d’un bouclier au sol. »
Résolue, elle chargea. Le dragon tenta à nouveau de l’intercepter, mais ses mouvements étaient ralentis. Elle parvint à s’esquiver de justesse, tandis que les griffes osseuses effleuraient son écu dans un crissement sinistre. Voyant la reconstruction s’accélérer, elle rassembla ses forces pour projeter le bouclier vers l’artefact. La soucoupe métallique fendit l’air et percuta l’orbe de plein fouet dans un éclat cristallin.
La sphère fût expulsée hors de la bête et se brisa définitivement contre la paroi de la grotte. Privé de son cœur, le dragon se décomposa dans une pluie organique, qui manqua d’ensevelir les combattants. Toussotant, Aelith se dirigea vers les fragments ternis, pour les éclairer à la lueur de sa fidèle torche.
« Il est définitivement détruit, clama-t-elle en broyant les éclats sous ses sabots par précaution. »
Elle se retourna alors vers ses partenaires.
« Tout le monde va bien ? »
Un doute s’empara d’elle.
« Et les créatures ? Que sont-elles devenues ? »
- Missions:
Luz (Carte) : Dahlia (Boussole) -> ne fait pas confiance aux directives de Dahlia -> l’abandonner derrière
Dahlia (Boussole) : Vrenn (Détecteur) -> ne pense pas que les monstres sont une réelle menace -> le décrédibiliser et l’isoler
Vrenn (Détecteur) : Aelith (Lampe) -> pense qu’Aelith utilise mal la torche et craint qu’elle ne s’éloigne avec -> la convaincre de rester soudée avec le groupe
Heureusement, y’a des gens qui sont plus dégourdis et mieux équipés que moi.
Weiss et Aelith arrivent à nous débarrasser du dragon d’os, en deux étapes, en abîmant la cage thoracique puis en détruisant la gemme de vérité. Et, sous nos yeux ébahis, toujours, des fissures deviennent de plus en plus visibles au milieu du monstre jusqu’à ce qu’il se délite totalement, en une fine poussière d’os. Y’a comme un vent surnaturel, magique, et bientôt, il ne reste rien.
Moi, bien sûr, j’continue à cogner mon engin, pour maintenir les créatures étranges à l’écart, les mains plaquées sur les canaux auditifs, inaptes à nous attaquer. Et, alors que le joyau se brise, j’sens que la magie revient autour de nous. Enfin, autour… En tout cas, j’sens que j’peux à nouveau l’utiliser. Ça fait du bien, comme une chape de plomb qui se lève, ou la circulation sanguine qui revient dans un membre, quelque chose du style. J’avais fait plusieurs semaines sans magie, et c’était pas terrible, quand j’étais en taule.
Directement, j’commence à accumuler de la magie dans Focus, et j’suis prêt à me téléporter. J’pense que l’incarnation mémorielle, aussi, en utilisant Weiss comme point focal, ça sera pas mal pour équilibrer le surnombre, et…
Mais tout ça s’avère assez rapidement inutile : les créatures étranges sont comme figées, le regard vers leur reine, ou leur gemme, immobiles. Même Weiss qu’avait plus l’air si fraîche, semble avoir son attention portée sur l’artefact brisé, tout comme nous autres, les trois vrais humains restants. Puis Les gueules s’ouvrent sur un cri silencieux, et les attributs dégueulasses, comme les crocs, les crânes chauves et les griffes se résorbent petit à petit.
La créature la plus proche de moi a encore une main tendue dans ma direction, l’ongle jaunâtre et les canines baveuses, et son visage redevient humain, les pupilles ne sont plus une sclère noire avec une pupille trop grande. Bref, elle ressemble bientôt au tout venant, le genre que tu pourrais croiser au détour d’une forêt, d’une rue, d’une grotte glauque dans une montagne moisie.
N’empêche, elle est pas mal, l’harmonie dans les traits du visage, les rides qui apparaissent tout à coup, les cheveux blancs qui deviennent comme de la paille avant de tomber, les orbites qui se creusent… jusqu’à ce qu’elle tombe elle aussi en poussière. Oulah, putain, c’était bizarre, ça. J’tourne la tête vers la reine, alors que tous les monstres autour de nous deviennent des macchabées, des squelettes, ou du néant, et la patronne reste les bras ballants, jusqu’à ce que sa transformation à elle aussi s’inverse, et qu’elle disparaisse.
Puis nos regards se tournent tous vers Weiss, qui était en cours de métamorphose négative. Mais elle ne redevient qu’elle-même, visiblement, sans même prendre un coup de vieux.
« Pensez que l’artefact les maintenait en vie et bloquait la magie ? »
Ou absorbait la magie pour la redistribuer à ses gardiens, une connerie du genre. Même la porte magique est redevenue une gargouille inanimée.
On reprend nos souffles respectifs, on ramasse nos affaires, on inspecte nos bobos. C’est pas tout ça, mais on est toujours dans une grotte merdique au fin fond d’une montagne, au final, alors il faudrait commencer à se demander comment sortir, aussi. Pasque j’sens plus aucun monstre, en plus. J’me racle la gorge.
« Comme l’artefact est manifestement brisé et qu’il y a eu des trucs bizarres ici, j’pense que la Garde va vouloir mettre la main sur ce qui reste de la gemme. Si elle s’avère sans intérêt et sans danger, la Couronne vous la rendra sûrement. Hésitez pas à faire une réclamation à l’occaz. »
Ça prend jamais qu’un an ou deux à être traité, après tout. Ça faisait partie des pires dossiers qu’on traitait, du temps où j’étais examinateur, et que les aventuriers se plaignaient que le Royaume leur fauchait leurs trésors. Interminable, personne était content, et à la fin… Ben, rien. C’est dire la déception de tout le monde, quoi. Mais ça faisait partie du boulot.
Dahlia signale qu’elle a quand même mémorisé une route pour sortir, avant que tout disparaisse de nos crânes. On n’a pas de mal à sortir des lumières de nos sacs sans fond, en prime. Un peu sonnés, on arrive finalement à retrouver le chemin de la surface, parfois en améliorant des ouvertures un peu étroites à l’aide de nos multiples sacs à malice. Puis le Royaume enverra sûrement les pignoufs du ministère de la Magie pour enquêter, j’suppose.
N’empêche, c’est une mission brillamment réussie pour la Garde, ça.
Moins pour les aventuriers et chercheurs de reliques mais, hé, on peut pas gagner à chaque fois, hein.
- Missions:
- Aelith (Torche) : Vrenn - Convaincre Vrenn de pas rester avec Luz
Dahlia (Carte) : Luz - Isoler Luz
Luz (Boussole) : Dahlia - Isoler Aelith
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