Les courriers arrivaient toujours à la même heure, à cette même heure il régnait dans le bureau de la reine une grande agitation. Elle s'agitait pour procéder rapidement au tri des provenance des missives : du privé au professionnel, de l'urgent à l'ordinaire. C'était un tri arbitraire mais nécessaire pour avancer rapidement. Les constructions en cours méritaient par exemple bien moins sa vigilance que les projets en cours de négociation , tout comme les décrets d'application venaient avant ceux en cours de création qui demandaient encore des réunions interminables. Tout n'était qu'une affaire de gestion et d'organisation. Un courrier provenant d'une villa située sur les côte se démarqua des autres, c'était un destinataire des plus connus... Dans la case, pouvait-elle mettre un ami proche... Un sentiment de culpabilité l'envahissait en songeant à tout ce temps qu'elle avait accordé à ses affaires royales, à d'autres personnes que lui. Ce n'était bien sûr pas intentionnel. Liory et elle avaient toujours eu des rapports profonds jusqu'à ce que ses affaires prennent de l'envergure notamment quand elle s'était laissée envahir lorsque ses enfants avaient disparu...D'une certaine façon, elle avait aussi disparu soit dans ses pensées soit dans son travail. Comme Liory n'avait pas dû oser passer à la Capitale la voir, il lui avait envoyé une lettre, symbole de son attachement pour elle. La reine tenait l'enveloppe avec tendresse, il avait toujours été bon vis à vis d'elle. Même sa lettre jusque dans ses plus fines lignes retraçaient une grande application, elle aimait cette manière qu'il avait à tourner sa gentillesse vers les autres. La lettre était ainsi faite :

« Ma chère Allys

Ou peut être devrais-je dire votre Majesté Renmyrth, reine d’Aryon par droit de naissance, grande protectrice du peuple ?
Oublions ça, mon amie, j’ai essayé de te voir aujourd’hui, mais ta cours est plus imperméable que le dôme de la cité aquatique. Il est loin le temps des jeux sous les dômes, que ce soit au ballon ou à chat.
Bien que j’ai peu de chances de pouvoir te voir en privé dorénavant, sache que comme nous en avions parlés, je suis à la capitale, un peu plus près de toi qu’avant.
Promis je ne viendrais pas te vendre mes produits !

Sache que malgré les années et les titres, je te considère toujours comme Aly, qui m’a coûté une semaine de pain sec pour une histoire de vitre brisée.
Malgré les nouvelles pour tes enfants, j’espère que tu te porte bien, et si d’aventure tu souhaiterai venir à la maison mère de la compagnie, je ferais de mon mieux pour te recevoir dignement

Ton ami
Liory »

Oui, elle était Aly à ses yeux et le resterait peu importait la distance, le manque de temps.. très cruel qu'elle faisait peser sur leur amitié. Elle ne doutait pas une seconde qu'il sache la recevoir. La reine s'absentait à nouveau ces temps-ci de façon répétée... Cette fois, elle emmènerait du travail à faire en route. Son esprit était beaucoup plus clair depuis qu'elle était revenue de cette excursion en forêt. C'était comme si ces arbres avaient su prendre au plus profond de leurs racines tous ces affects qui l'avaient torturé ces derniers temps. Elle partit voir son mari pour l'avertir de cette nouvelle : " Je m'en veux... il n'a aucune rancune envers moi... Je crois qu'il est temps que je me rachète une place pour ce temps écoulé. Je ne serai partie longtemps... " Elle abusait ces derniers temps. Comme elle ne tenait pas à perdre trop de temps, elle allait usait des portails pour vite revenir et vite partir également. Son ami serait sans doute surpris de voir qu'elle s'était ainsi déplacée aussi rapidement. Si elle prenait un portail de téléportation du côté du port, elle se rapprocherait fatalement du lieu sans risquer une trop grande escorte. Elle partirait avec trois gardes et Wiliam... Wiliam... par Lucy.. il faudrait qu'elle voit réellement pour une solution. Ce n'était pas un mauvais gars mais juste.. non. Elle avait eu de la patience, de la compréhension.. mais son poste supposait de savoir tout de même un tant soit peu se tenir. La reine allait d'ailleurs faire un courrier à Arthorias en ce sens pour lui  faire ce rapport consternant... cela lui fendait le coeur de l'écrire, mais il lui fallait un autre garde.

Elle se prépara dans la précipitation en ne prenant rien d'autre qu'une robe des plus ordinaires. Par pure malice, elle rédigea un courrier qu'elle lui remettrait par la suite.Entre Liory et elle, tout avait toujours été simple et tout le serait toujours ainsi. Elle partit par le portail avec une légère garnison. Arrivée non loin du port, elle prit des destriers. Elle monta en amazone, ce qui lui rappela sa jeunesse, où elle se déplaçait essentiellement ainsi. En arrivant près de la belle villa de son ami, elle choisit d'y entrer seule pour renouer avec leur simplicité. Un air de violon planait dans cette atmosphère quasi éthérée bien loin de toutes les préoccupations de la Capitale. La reine laissa sa jument dans le chemin avant de se rendre sur la propriété, prête à saluer son ami de toujours.

Bien qu'ils aient des années qui les séparaient, elle se sentait proche de lui comme s'ils avaient été élevés ensemble. Les années pouvaient séparer bien des personnes, de toute évidence ils n'en faisaient pas partie. A son arrivée, elle trouva le jeune noble en train de danser joliment. La reine avait bien précisé qu'elle ne voulait qu'en aucun cas sa venue ne soit annoncée.. C'était d'autant plus beau qu'il en fasse la découverte. Le voyant avec son violon en train de danser, elle n'y résista pas bien longtemps et se joignit à lui en lui faisant un clin d'oeil. Elle tournoya en faisant virevolter sa robe autour d'elle. Allys attendit la fin de la musique pour finalement poser un mot sur ces salutations ayant débuté de façon étrange. De toute manière, ils n'avaient jamais fait dans les règles, c'était bien ce que les différenciaient. Avec lui, elle se sentait comme une femme ordinaire, mieux elle était son amie.

" Bonjour Liory, quel joli air dis moi, un air de ta composition ? Il te va à merveille ! Il faut dire que ce lieu te correspond tellement ainsi que cette belle musique. J'ai écrit une lettre, mais je me suis dit que le mieux à faire était de la remettre en main propre. Ai-je seulement bien fait ? Je me suis dit que toute missive méritait bien une réponse. "

La lettre était très simple " Bonjour cher ami, je viendrai ce jeudi, mais tu ne seras pas préparé à cette venue. A tout de suite". C'était plus une boutade qu'autre chose. La reine voulait faire écho à cette petite hésitation pour venir aussi rapidement que possible ou le prévenir pour que sa venue soit plus organisée. La décision avait été facilement prise, elle était venue aussitôt. Elle tendit l'enveloppe en souriant.

" Comment te portes tu ? Je suppose que tu progresses toujours dans la musique, tu pourras bientôt nous éblouir dans une salle comble. "

A ses yeux, Liory avait beaucoup de qualités, mais surtout ce qu'elle appréciait en lui c'était toute cette bienveillance qui émanait de sa personne, c'était comme si c'était naturel chez lui, qu'il était tout simplement né ainsi. Danser à ses côtés était une manière douce de s'approcher de lui sans que ce fut ni conventionnel ni ordinaire tout en ne dérogeant pas cette charmante ambiance. Cette musique aurait pu être la sienne, elle portait en elle des petites accélérations joyeuses que ses pas essayaient de rendre grâce. S'il y avait bien un talent dont la reine pouvait détenir, c'était bien la danse. Son charisme y jouait beaucoup, mais également sa grande aisance dans des mouvements cadencés. Sa robe tournoyait tout en cherchant à se rapprocher du violoniste. Cet instrument avait le don de la charmer, il savait tellement transmettre les émotions humaines. Elle faisait des écarts puis revenait dans une position plus propre à une valse bien rythmée. Son épaule allait presque contre son ami comme pour danser véritablement avec lui qu'importe ce qu'il tenait entre ses mains. Elle fit une pirouette avant d'arriver face à lui pour faire des pas vers lui, puis qui le fuyaient dans une démarche fluide et vive jusqu'à ce que la dernière note soit apportée par les cordes. Un sourire étincelant venait éclairer son visage tandis qu'elle se reprenait tranquillement en faisant allusion à cette missive.. Elle s'était tellement amusée à l'apporter.

" Ne doute pas ainsi de toi... il me tarde d'entendre une de tes compositions pour danser dessus.. Je ne suis pas venue depuis longtemps, mais tes compétences musicales m'ont toujours étonnée.."

Déjà plus jeune, elle avait remarqué son oreille toujours attentive aux nuances, sans aucun doute il saurait bientôt manier l'archer comme un virtuose. Elle tenait même à être l'une de ses fans les plus fidèles. Sans prendre le temps de poser son archer, il la saisit contre lui. Elle sentait dans son dos son instrument mais aussi son étreinte agréable. Allys compléta ce moment de retrouvailles en  inspirant doucement comme si son manteau de souveraine venait de retomber à ses pieds. Elle n'était plus qu'Allys Renmyrth, une femme qui n'avait pas vu les années passer et retrouver avec bonheur son ami. Finalement le temps avait beau faire, il ne fragilisait en rien ces tendres retrouvailles. La reine imaginait assez son ressentis, pire elle s'en sentait toujours coupable. Elle avait souvent l'impression de laisser derrière elle une partie de ce qu'elle était. Bien sûr ce n'était pas le cas quand sa famille était présente, mais dès lors que le lien se trouvait éloigné de sa routine, elle avait comme perdu ce petit morceau d'elle. Si elle avait serré son ami fortement, elle rigidifiait ses bras en laissant sa culpabilité prendre le pas sur le reste. Elle avait manqué à tous ses devoirs en tant qu'amie et pourtant même s'il éprouvait des regrets, aucune note de colère. Liory était tel qu'il l'exprimait dans sa lettre aussi calme et posé que pouvait l'être cette villa dans laquelle il se reposait.

" Si tu savais comme... "

Elle avala sa salive en mesurant chacun de ses mots avec la gravité qui convenait à ce contexte. Allys avait une pression constante sur ces épaules qu'elle parvenait à moins sentir avec le temps, étrangement ce n'était pas le cas pour ses proches. Elle aurait dû maintenir plus correctement ce lien à ses yeux...

" Je m'en veux.. " finit-elle en souriant légèrement en murmurant ces mots à son oreille.

Autant dire les choses, la honte la prenait doucement dans une course folle où tournaient les pensées suivantes : " Tu as de la chance que rien n'est changé", "Ce sourire le mérites-tu ? ", "Comment peut-il être si gentil...? ", "Aurais-je dû apporter cette boîte de thé étranger ? "... " Des pensées en vrac. Sans logique. La culpabilité y tenait une place importante cela dit. Le visage toujours posé sur son épaule, elle lui faisait cet aveu qui la fit serrer son étreinte davantage. En reculant, on pouvait lire sa grande émotion dans son regard. L'homme lui adressa des compliments alors que rien ne l'y encourageait. Il avait été le témoin de ses fuites, parfois même dans son adolescence, elle lui avait demandé de la couvrir... Comment dire ces faits sans ressentir un peu de honte ? Elle lui avait une fois dit qu'elle devait quitter la fête trop pesante à son goût. Il était alors âgé d'une dizaine d'année, elle de seize ans, un âge fou.. Certaines cérémonies s'écourtaient plus vite que d'autres. En prenant de l'âge, elle s'était assagie en public, mais se lâchait dès qu'elle savait que ses agissements ne pouvaient être perçus. Quand il lui parlait d'être rebelle, elle comprenait très bien qu'il relatait cette période.

" Ah oui...? Pourtant .. tu te rappelles quand je te demandais de me couvrir.. Quand j'y pense.. ah ! Grandir est tout de même une sacrée aventure !! Et je te remercie Liory quand on pense que toi-même était même très courtisé, je trouve cela révoltant que tu n'aies personne à ton bras. Cela ne saurait tarder..

Liory était très beau garçon. Son charme se dessinait autant dans son attitude que dans ses gestes. En grandissant, ils avaient développé une espèce d'attraction amicale comme si l'un se retrouvait dans l'autre. A ses yeux, il était l'ami fidèle avec qui elle avait tant de fois ri devant certaines pratiques ridicules des nobles, pleuré lorsque son père était mort et tant d'autres états dont elle s'était sentie vivre. Ces dernière années avaient été l'exception. Il avait été présent lorsque ses enfants avaient grandi, s'était éloigné un peu quand ils furent enfants. Allys se demandait même parfois si son nouveau rôle de mère n'avait pas joué dans cette affaire. Elle avait voulu être la souveraine modèle, la mère attentionnée en délaissant d'autres moments agréables.. Tout cela s'était fait sans qu'elle en ait conscience... Et c'était vraiment chic de la part de liory de ne pas garder ombrage.

" Qui te dit en plus que la forte tête rebelle ne te fait pas encore face ? Monsieur Allkh'air, vous allez bien vite en conclusion hâtive, cela ne vous ressemble guère... "

Voir le violon ainsi posé lui posa envie de poser ses doigts sur ses cordes. Elle sentait toute la rugosité ainsi que la tension exercée sur chacune d'elle, nécessaire pour produire un son.

"... Je t'en demanderai volontiers... "

Elle s'avança pour reposer son manteau dévoilant davantage ses épaules fines. La chaleur était en effet bien présente, elle n'avait fait que très peu état de sa tenue. Elle ne s'était pas donnée le temps de changer de tenue. Allys lui faisait face à présent bien plus à l'aise qu'à l'instant.

" Alors raconte moi tout... je ne veux m'effacer à présent et profiter pour t'entendre à nouveau... D'ailleurs... trouve-t-on toujours du thé chez toi ? "

La reine avait souvenir qu'elle venait toujours s'asseoir sur le même fauteuil... et avait même laissé un coussin.. Enfin laissé, disons le.. elle l'avait oublié. Son étourderie était très connue par son ami qui avait dû rassembler une collection d'objets lui appartenant, dont elle n'avait plus le souvenir.. La table était toujours présente face à cette grande baie vitrée... les sièges aussi.. Allys se rapprocha pour voir si son coussin y était toujours... Juste par curiosité.

Choisir qui doit s'en vouloir ou non, voilà une manière de tourner les choses à la Liory, aussi légère que le vent. Elle avait toujours l'impression que rien ne pouvait l'atteindre. Une certaine force tranquille l'habitait, une force à sa façon presque inspirante. Il se tenait de la même façon que que soit son état qu'elle soit souriante ou sur le point de s'effondrer. A sa façon même juste en étant présent, il savait être son roc, mais aussi cette présence réconfortante. Son sourire à elle habitait souvent son visage, mais les remords l'avaient changé en une expression plus mitigée. Sa remarque venait ponctuer sa morosité par un retour de sa bonne humeur. Elle mit un doigt sur sa tempe, le tapota doucement comme pour lui rappeler ce fameux moment où ils avaient parlé de ses doutes sur son avenir... Il avait fini par lui dire que de toute manière, elle saurait prendre les bonnes décisions et qu'il fallait taire ses doutes. Parfois même si des choses nous semblent évidentes, les entendre leur donner vie. En faisant cela, c'était comme si elle lui disait que oui elle taisait ces remords qui n'avaient pas lieu d'être. Ses mains se mirent dans les siennes face à lui, il n'avait pas changé depuis tout ce temps.

" Pardonnez moi votre Altesse, j'ai oublié où était ma place, j'éviterai de l'oublier à l'avenir" s'inclina t-elle en riant. Son dos s'inclina, ses jambes se penchèrent doucement tout en ployant doucement la tête. Elle était si élégante quand elle le faisait, on y sentait toutes ces années d'apprentissage pour avoir une stature droite, un bon maintien, une bonne souplesse. Elle avait tout d'une danseuse au pas souple et aux gestes gracieux. En revanche, il n'en avait pas toujours été ainsi. Liory savait fort bien rappeler des moments espièglerie, des moments où ils s'étaient empiffrés sous la table à l'abri des regards indiscrets. Le jeune homme était enfant, elle était une jeune femme qui avait ses petits moments de folie. Même si elle tenait à le dissimuler, elle avait eu ses moments où elle s'était laissée plus aller comme pour compenser toute cette pression qu'elle sentait au-dessus de sa tête.

" Je tiens à dire que je n'étais pas la plus gourmande... Nous devions toujours en rechercher car monsieur mangeait si vite que l'assiette se vidait rapidement. "

Liory lui avait manqué, il n'était jamais sorti de sa vie ; il était juste entré en dehors de ce maudit planning dont elle avait des difficultés à se sortir. Le jeune noble était adorable dans sa façon de décrire cette liberté.

" Liory... tu devrais te mettre à écrire des poèmes, tu as toujours eu cette sensibilité unique qui fait que tu es ce que tu es, une personne riche. J'avoue  que cette plage doit t'aider à trouver ces mots... "

Lorsqu'elle s'était approchée, elle avait trouvé ce cadre particulièrement idéal. Elle posa ses yeux azurés sur ce jeune noble voulant perturber ses nuits de cette manière. Elle ferma l'un de ses yeux comme si elle avait des doutes sur la présence de ce violon.

" Tu voudrais que je ne dorme pas lorsque je suis ici ? Je risque de devoir me séparer de toi lorsque le jour viendra... Je ne suis pas sûre que ce soit judicieux. Mon coussin bien sûr ! Et dire qu'avant tu n'avais que des coussins bien de trop durs pour le dos..."

Disant ces mots, elle avait mis ce petit ton un peu noble que prenait ceux parlant de sujets triviaux tels que le confort d'absolu nécessité. Même si elle caricaturait la noblesse et son besoin de confort, elle ne s'en excluait pas. Elle avait déjà demandé à changer certains meubles juste parce qu'ils n'étaient pas assez confortables. Autant se trouver à son aise lorsque l'on est amené à travailler un certain nombre de temps assis, aussi il était nécessaire que soit changé le mobilier si le besoin s'en sentait. Elle soupçonnait Liory de veiller à ce petit détail comme autant d'autres éléments indispensables à son bien-être. Il avait toujours été si attentionné et c'était justement aussi un des traits sur lesquels elle aimait le taquiner... mais bien avant cela elle voulait revenir sur cette petite gêne qu'elle avait vu sur son visage. Son garde Wiliam avait fini par suivre bien qu'elle lui ait demandé de n'en rien faire. Il était obnubilé par l'idée de ne pas la lâcher. Sa présence rendait sans doute Liory plus nerveux.. du moins c'était ce que la reine croyait jusqu'à ce qu'il s'adresse directement à lui. Borné comme il était, il ne démordait pas de l'idée de ne pas la laisser seule..

" Monsieur, il est de mon devoir de.... "

"Vous savez Wiliam.. Monsieur Alkh'eir ici présent est maître en ce lieu et je m'en voudrais de lui faire l'insulte de ne pas intercéder sur cette faveur... " fit-elle en prenant à nouveau ce ton officiel qui vrillait légèrement sans doute les oreilles de son ami. Sitôt qu'ils furent véritablement seuls, elle poursuivit dans leur discussion.

" Dis moi... tu parles que tu ne souhaites pas d'une étrangère dans tes bras, mais dès lors que les premiers échanges se font.. je suis sûre que tu trouverais une compagnie agréable mon Liory. Donc je n'aurais droit qu'à une seule tasse, quel affreux sort tu me réserves là... Tu aurais une plantation non loin.. j'ai toujours su que tu appréciais les bonnes choses de la vie, mais là j'en suis ravie."

Liory n'était vraiment pas fait pour les grandes villes où vivait une trop grande animation, il y décrit l'ambiance grise, presque de manière austère tout en vantant les mérites de ce thé.

" Tu... devrais revenir à la Capitale... " dit-elle en posant la main sur son épaule. " Je te ferai découvrir ou redécouvrir sans doute des lieux parsemés de couleurs. Si ne regardes que les pierres formant les enceintes, bien entendu la ville ne peut être que triste. Je me rappelle pourtant que tu n'as pas toujours fui cette ville.. "

Elle se pencha comme pour lui délivrer un secret qui n'en était pas vraiment un. En plus comme il avait éloigné tout personnel, personne ne pouvait les entendre, mais elle le faisait par pure espièglerie.

" Même que tu aurais fait n'importe quoi, juste pour te rendre à un récital avec moi. Tu n'as pas d'aussi grand orchestre symphonique par ici, c'est un véritable drame ... voyons. D'autant que tu rates toutes ces manifestations mondaines qui feraient ton bonheur, j'en suis certaine... Tu changerai alors d'avis sur "ma" si grande ville"

Elle sentit son pouvoir se manifester face à ce mensonge volontaire. Son bras posé sur son épaule frissonna légèrement avant qu'elle ne le retire de ses épaules. Elle était une vraie potion de vérité même pour elle-même. Elle n'y échappait pas, mais ici c'était purement volontaire. Elle s'était assise à présent sur l'un des fauteuils en plaçant le précieux oreiller dans son dos.

La reine ne put s'empêcher d'éprouver beaucoup de tristesse face à cette déclaration , elle qui ne pourrait vivre sans l'amour de sa famille qui la propulsait beaucoup en avant. Elle l'avait vue notamment quand ses enfants avaient disparu et qu'elle avait un peu relâché sa vigilance. Ils étaient tous à ses yeux autant de lumières éclairant son chemin : il y avait ceux qui lui avaient donné la vie, qu'elle avait eu la chance de connaître et d'aimer, ceux qu'elle avait rencontrés par la suite et qui lui avaient apporté toute cette énergie pour aimer... Dire qu'il n'était pas fait pour aimer lui donnait des frissons dans tout le corps. Allait-il se mal tout ce temps où il avait été isolé ? Avait-elle été à ce point aveugle... Avait-il connu des déceptions ? Etre assis face à lui en cet instant était délicat, d'autant qu'elle voyait bien qu'il n'avait jamais été aussi sincère qu'ici et maintenant. Liory avait toujours été assez transparent avec elle, mais sa sincérité du moment était frappante. Elle sourit à nouveau quand ils évoquèrent le thé comme si ce seul sujet permettait d'écarter une vérité douloureuse... Son ami n'allait pas bien de toute évidence et elle était là à parler de la saveur du thé... Son coeur se serrait en se disant que ce n'était pas la bonne démarche, qu'elle avait tout faut sur toute la ligne. Pourtant elle persévérait dans cette voie, elle s'accrochait de son beau sourire... Elle mettait cette discussion pour plus tard dans un coin de sa tête le temps qu'elle puisse trouver les bons mots pour lui répondre au lieu de lui afficher cette mine désolée et distante... qui ne lui correspondait pas.

" Tu as toujours eu une âme généreuse de mécène, je te reconnais bien là mon cher."

Elle avait dit ces mots avec toute la douceur qu'elle ressentait à son égard. Liory était un amour qui savait toujours encourager ceux qui le méritaient. Bien entendu comme tout à chacun, il avait ses défauts, mais jamais elle ne lui aurait reproché tout cet investissement acharné qu'il pouvait déployer pour les autres. Elle se souvenait encore de cette pauvre femme ne parvenant pas à faire décoller son affaire et qu'il avait soulagé de sa peine en lui donnant ces cristaux, qui avaient entre temps fait bien des petits. A présent, cette femme n'était plus dans la misère et ne pouvait que soutenir son bienfaiteur. Liory savait vraiment soutenir les producteurs méritants, elle ne le savait que trop bien pour l'avoir déjà vu à l'oeuvre par le passé.

" En plus, oui ce thé est délicieux Liory, tu as bien raison"

Elle pouvait sentir la saveur unique sur le bout de ses lèvres. Allys ignorait tout du procédé pour la culture de cette merveille qu'était le thé. Comme elle profitait de la présence de son ami, elle se rapprochait sans réellement savoir ce qui l'attendait. L’atmosphère était belle, les fenêtres donnaient sur l'océan, les tasses étaient à moitié vidées tant le liquide se dégustait bien et pourtant dans la plus douce des atmosphère une émotion allait poignarder Allys. Tout se passa progressivement. Tout d'abord, il lui évoqua la possibilité d'une chambre. La monarque évoqua la suggestion comme étant tout à fait possible.

" Au vue de toutes les pièces que nous gardons pour nos invités, ce serait tout à fait possible. Mais n'aie crainte je ne t'y emploierai pas pour me le faire. Tu le dégusterai avec moi certains matins calmes en regardant la rivière passer sous un soleil aveuglant. Ce ne serait pas comme ce bel océan s'offrant à nous, mais je t'assure que le spectacle en vaut la chandelle.. Tu.. vas bien ?"

Sa main tressaillait comme s'il luttait contre quelque chose, c'était difficile de le voir ainsi. Allys eut un regard inquiet, prêt à éponger ce qui tenait à ce point son ami dans un état aussi tendu. Cela ne lui ressemblait pas, lui qui était le calme incarné. Qu'avait-il subi en ces jours d'absence ? Ce qui suivi ne lui ressemblait pas non plus, mais que lui était-il arrivé ? Ne plus venir à la Capitale, en rester loin au nom d'une lassitude... Que t'arrivait-il donc Liory ? Etait-ce réellement une des raisons de ce repli ? En vérité, elle avait bien pressenti qu'il évitait quelque chose sans parvenir à vraiment définir quelque chose. Elle avait été occupée, divertie par ses affaires royales, son abandon en devenait presque cruel. Les remords revinrent comme autant de nuages gris dans son ciel bleu. Elle était secouée de ne pas réussir à enchaîner une parole suite à cette déclaration. Elle ne fit que plonger dans son regard pour parvenir à apercevoir cette petite lueur de joie.. pour le moment elle s'était éloignée tant il était empreint d'une forte émotion. Ses émotions vinrent la percuter sitôt qu'il fit ce mensonge comme quoi sa présence ne changeait rien... elle se vit elle... puis lui pleurant. C'était une image qu'elle n'avait quasiment jamais vue.. qui la chamboula tellement qu'elle se figea. Tout ce qu'il disait sur cette retraite qui lui correspondait n'était en fait qu'un épouvantail dressé devant tous ces regrets... Elle en était toute retournée. Et quand il revint sur sa déclaration précédente, elle eut une image radieuse d'elle à ses côtés sur une place de la Capitale en plein soleil... L'image iradiée tellement qu'il n'était pas difficile de comprendre à quel point cette idée lui faisait plaisir. Allys sentit le pesant silence, un brouillard sans image s'installer maintenant que son pouvoir ne s'affolait plus suite à deux mensonges... Elle ne songea pas à ce qu'elle faisait, ce qu'elle aurait dû faire, elle le prit dans ses bras avec force. Le thé avait été oublié.. refroidissait.... Ils auraient tout le temps pour s'en faire d'autre, mais en revanche elle songeait avec amertume à ce temps qui les avait trahis tous les deux. La tête posée sur son épaule, elle lui murmura :

" C'était la raison de ton départ... de ton absence... je l'ai toujours un peu senti. Mais ... Oh Liory, tu aurais dû me faire part de tout ceci. Je n'aurais pu t'apporter ce que tu recherchais, mais j'aurais été là... Tu es si important à mes yeux et te savoir à ce point dans un regret latent m'attriste... "

Peut-être qu'elle aurait dû venir bien plus vite, elle imaginait bien l'état dans lequel il était à écrire sa lettre. Elle avait dû lui demander des efforts en sachant que venir à la Capitale lui coûtait. A présent, elle allait être présente à ses côté... enfin s'il le souhaitait au vue des circonstances. Elle retira sa tête de son épaule, ne reprit pas pour autant sa tasse de thé pour changer de sujet. Allys attendait quelque chose.. quoi exactement elle ne savait plus.

" Je ne sais pas ce que je dois faire... je voudrais t'apporter le bonheur que tu me donnes par ta seule présence, mais j'ignore ... si cela ne te fait pas plus de mal... Dis moi ce qui te convient... Je ne veux pas que ce soit à ton détriment.. "

Dans un sens même quand il ne la voyait pas, il avait également souffert... Elle se retrouvait donc dans une situation ... difficile. Si elle était présente, elle pouvait entretenir quelque chose qu'il fuyait.. Il recherchait le frisson et l'interdit.. elle comprenait assez bien à quoi il faisait référence au vue de tout ce qu'elle connaissait de lui. Si elle était absente... il lui manquerait autant que lui.. Une impasse joliment tracée somme toute. Elle clignait des yeux en soupirant face à ce dilemme.

"... Tu sais, j'ai toujours pu compter sur toi.. et j'aurai voulu te dire que toi aussi, mais je me sens honteuse pour le dire à présent. "

Allys n'aimait pas ce qu'elle entendait, tout simplement parce qu'elle ne savait pas comment réagir. Sitôt qu'elle lui avait demandé ce qu'elle devait faire... il n'avait pas répondu et n'avait cherché qu'à s'éloigner d'elle. Elle avait ramené son bras vers elle en baissant la tête légèrement tout en gardant son regard posé sur lui. Parler ne lui ferait rien... rien ne serait donc efficace. Voilà une vision bien pessimiste. Elle voulait tellement arranger un problème dès qu'il apparaissait que le sentir toujours présent lui donnait une froideur sans nom le long de son dos. Elle avait comme un frisson, mais ce n'était pas son pouvoir, c'était le poids de sa frustration, de son impuissance. Allys était figée dans un silence plus que palpable. Elle le suivit de quelques pas quand il se rendit vers cette carafe, puis se contenta de le suivre du regard sans oser se rassoir. L'apparence du liquide était tout à fait fascinante avec son nuage brumeux lorsqu'il le versa. Ses mots furent de véritables aiguilles dans son coeur... un poids inutile.. Elle y sentait toute la force de cette émotion qui parlait dans ce mouvement tremblant quand il versait sa boisson... Elle se sentait coupable, si coupable.. Si elle n'avait pas vu cette image, elle n'aurait pas été si bouleversée.. Allys se contentait de lui laisser tout le silence et tout le temps de se reprendre... Elle n'avait même pas voulu se rapprocher comme si elle était figée... Pourtant il ne disait rien qui n'aurait dû la surprendre... que leurs vies étaient différentes, que il ne pouvait être indifférent à ce qu'il ressentait.. et qu'il était heureux de la voir. Dans toute cette cacophonie, elle ne voyait qu'un homme sur un fil tendu qui ne savait comment avancer, à moins que ce soit elle pour le coup qui hésitait de la conduite à tenir....

" Bien sûr... "

Même si elle s'était bien doutée à certaines fois, il y avait une nette différence entre savoir et voir son ami effondré... Elle aurait eu envie de le rassurer, mais ses méthodes ne semblaient pas porter leurs fruits. La seule chose qu'elle pouvait faire, qu'elle devait sans doute faire... Elle lui prit son verre pour remplacer la présence de ce verre par sa main. Elle n'avait jamais été contre les boissons alcoolisées, mais elle ne supportait pas de voir les personnes qu'elle aimait s'enfoncer dans une autre réalité juste pour fuir.... D'autant qu'il le faisait devant elle... Elle préférait à tout ceci.. partir se promener d'autant que la plage n'était pas si éloignée.

" Partons nous changer les idées dehors... je n'ai que peu l'occasion de venir par ici et je te crois maître pour trouver des paysages à couper le souffle."

La reine prenait sur elle pour reprendre un grand sourire en dépit de tous ces sentiments contraires qu'elle avait vu naître sur le visage de son ami. Elle n'allait certainement pas le laisser finir son verre et le regarder ... Marcher un bon permettait de vider beaucoup de nerfs et ici au moins ils se changeraient les idées. Allys était en revanche bien contente qu'il ne voit pas sa présence que comme quelque chose pouvant apporter du négatif. Elle avait passé tellement de bons moments en sa compagnie. Sa vision agréable de la vie l'avait guidé à bien d'occasions et elle lui avait rendu de son mieux. A présent, elle nageait dans le brouillard en se disant que le mieux à faire était de penser à autre chose… comme semblait être l'avis de Liory…

" Autant profiter tant que nous sommes dans la même pièce pour nous forger des souvenirs, tu ne crois pas ?"

Allys sentait qu'elle ne faisait pas fausse route, mieux qu'elle retombait sur ses pieds plus que jamais. Elle avait juste besoin de cette petite étincelle dans ses yeux pour repartir, jamais elle n'aurait pris de décision pouvant encore plus envenimer sa peine. Elle s'y sentait beaucoup trop mêlée. S'il était difficile de se montrer objectif autant laisser toute cette pesanteur de côté.

La reine avait envie qu'ils se forgent d'autres souvenirs, son ami vivait dans un paysage qui aurait pu faire pâlir n'importe quel artiste dont elle qui aurait pu emmener son chevalet pour l'occasion. Il pouvait encore la charmer plus d'une fois par ce beau paysage, elle aurait d'autant plus d'inspiration à son retour à la capitale. La ville n'avait pas toutes ces teintes bleutés, toutes ces couleurs diluées si belles. Elle pensait même faire peut-être quelques croquis pour pouvoir les réutiliser et peindre à Liory un portrait de ce lieu tel qu'elle l'avait ressenti. Ce ne serait pas d'un grand secours par rapport à tout ce qu'il ressentait, mais elle voulait d'ores et déjà le remercier de l'avoir accueillie. Elle lui sourit dès qu'il la prit par la taille avec douceur. Elle se sentait si jeune à ses côtés comme si le temps n'avait pas eu son impact et qu'ils étaient encore des adolescents, si jeunes découvrant la vie et les responsabilités qu'ils n'assumaient pas encore pleinement.

Même ce paysage semblait ne pas être ordinaire, elle accompagna pas à pas Liory dans un silence contemplatif tant la vue était saisissante. Tout était fait pour se poser, rêver et ne plus penser à rien d'autre qu'à sa tranquillité. Les planches du ponton ne grinçaient même pas comme si elles ne voulaient pas briser les bruits propres au rivage marin. Les mouettes, mais surtout le bruit des vagues s'échouant sur le rivage embarquaient notre souveraine dans une douce caresse marine. Elle sentit le bras de Liory glisser de son dos, elle inspira doucement en écartant les bras comme pour savourer ce moment de liberté. Elle posa ensuite les yeux vers le ponton pour voir Liory en train de retirer ses chaussures. Ses jambes battaient au dessus de cette eau si limpide, clairement il donnait envie de suivre son idée. Il lui ébouriffa même ses cheveux comme autrefois, elle devait ressembler à cette jeune femme un peu espiègle d'autrefois. Allys ne tarda pas à s'asseoir également près de lui en prenant soin toutefois de remonter sa robe.

" Mes vêtements sont peu pratiques parfois, je les adore mais.. " Elle sourit en retirant ses escarpins pour mettre également ses pieds à nus. La monarque avait de la peine pour son ami qui venait à redire qu'il ne profiterait pas de la situation.. pourquoi lui disait-il.. Si elle était venue ici, c'était qu'elle avait confiance en lui. Elle redressa sa robe un peu trop longue pour éviter qu'elle ne sot mouillée avant de l'imiter. Son bras vint entourer la taille de son ami dans une étreinte amicale en ne cherchant rien d'autre que sa compagnie.

" C'était idiot d'avoir laissé filer le temps.. Tu sais, j'ai dû laisser beaucoup de mes relations amicales au profit de rencontres plus intéressées pour les affaires du royaume. On pourrait croire cela normal.. ça ne l'est pas. Je ne manquerai plus de faire une halte de ce côté dès que je serai en déplacement. Ce qu'il faut c'est multiplier nos chances de nous retrouver au lieu de toujours remettre ces moments.. et de laisser le temps nous perdre à nouveau. "

L'eau allait au venait au rythme des mots comme une sorte de musique agréable. Voir passer ses journées devait être comme séjourner dans un paradis à ciel ouvert.

" Si j'ai quelques dossiers difficiles, je viendrai pour une échappée par ici, je suis sûre que je serai bien plus motivée" ajouta t-elle en clignant des yeux. " Tu sais que j'ai bien failli tourner chèvre, mes deux enfants ont disparu la même année. Je ne savais plus où j'en étais comme si mon rôle de mère de famille n'avait pas été assumée. " Elle soupira en songeant à cette année un peu épuisante, mais également à cette nouvelle qui lui ramenait une personne chère en son coeur. " Cette nouvelle année sera bien meilleure, déjà je pourrais compter sur quelques journées loin de la capitale. Tu vois, tu me laisses parler de moi et je prends déjà beaucoup trop de place ... tout ce qui m'intéresse c'est savoir comment se passent tes journées. Pour ma part, je m'essaie au dessin et.. un peu à la peinture, tu en verras sûrement la trace prochainement. "

Elle n'avait encore aucune idée de la forme que prendrait la peinture qu'elle allait lui dédicacer. Elle serait sûrement unique juste parce que déjà elle lui était adressée. Après elle le serait sûrement dans son esprit, mais exprimerait-elle tout ce que la reine voudrait y mettre ? A son niveau, sûrement que non, mais c'était bien le geste qui compte.

" Cette eau donne terriblement envie de prendre un bain.. il fait plutôt frais, mais si tu savais depuis combien de temps je ne me suis rendue près de l'océan... mais je crois que je vais tenter de te représenter dans ce paysage, ce sera déjà juste parfait. "

Elle se saisit de son carnet de dessin pour tenter d'en tracer quelques courbes tout en fixant son visage pour en mémoriser les détails.

" J'ai eu un professeur un temps, un professeur renommé, mais il a eu tout juste le temps de me donner les bases avant d'être appelé sur des projets plus ambitieux... ne sois pas trop dur.. On doit déjà te l'avoir dit mais je trouve que ta douceur et ta gentillesse transparaissent dans chacun de tes traits... "

Alors qu'elle finissait la base de son dessin, son crayon ripa sur le papier avant de tomber entre deux planches du ponton... Il faut croire que ce dessin ne serait pas achevé finalement. Allys n'en fit pas toute une affaire même si son dessin faisait encore comme une esquisse inachevée.

" Je crois que tu ne verras le résultat final que dans tes prochains courriers.. désolée.. mais voilà tu vois un peu mes progrès.. qui ne sont pas encore très poussés. J'apprécie bien plus ton talent au violon.. " La reine s'arrêta d'un seul coup, une mouette s'était posée sur un rocher face à eux et les dévisageait totalement.

" Tu aurais des oiseaux domestiqués...? On dirait bien qu'elle nous écoute. " commenta -t-elle vaguement amusée en se demandant si son ami avait eu envie de se prendre des familiers. S'il savait à quel point la reine était bien suivie à présent avec Sirius qui devenait de plus en plus bavard, il en serait peut-être surpris. Allys disait souvent ne pas avoir le temps pour s'occuper de ces créatures, d'avoir même quelques craintes pour se décider. Comme si la mouette avait compris l'objet de la discussion, elle poussa un cri avant de déployer ses ailes pour se poser plus près d'eux en poussant un cri plus fort.

" Ton lieu de paradis est revendiqué cher Liory, tu vas devoir prendre les choses en main.

Depuis toujours Allys avait cherché à être ce qu'on attendait d'elle : être présente en chaque occasion relevait bien sûr de ce devoir qu'elle s'était imposée. Quand elle s'adressait aux personnes, on pouvait y sentir toute la pression sur ses épaules surtout en étant proche d'elle. Elle sentit cette tape amicale sur sa tête comme pour lui dire qu'elle parlait encore de devoir, là où d'autres parleraient de façon plus détendue. Elle lui adressa un sourire complice reconnaissant. Sa mère lui avait souvent dit que les vrais amis n'étaient pas ceux qui vous en demandaient le plus, mais bien ceux qui savaient vous prendre tel que vous êtes : Liory était de ceux-là. En sentant ses doigts dans ses cheveux, elle se pencha sur son épaule pour s'y adosser pleinement tout en respirant doucement. Malgré tout, elle savait bien sa présence présupposait de n'être jamais accompagnée, elle n'avait aucun doute sur la compréhension de son mari. Elle allait devoir néanmoins lui en faire part pour éviter toute mauvaise compréhension de la situation. Comme il avait confiance en elle, elle ne se faisait aucun doute qu'il ne suspecterait pas qu'elle puisse le tromper en aucune façon. Du moins le temps que la situation s'améliore...

" Sa présence t'est difficile.. je peux tout à fait le comprendre... Je ne pourrais venir ici en totale clandestinité, il en sera bien sûr averti. Je t'imposerai pas bien sûr sa présence."

Bien sûr qu'elle aurait aimé intégrer son ami de façon plus nette, mais tant qu'il lui était possible de le voir, elle pouvait bien consentir à veiller à toujours venir seule. Ce n'était là qu'un mince effort pour conserver son amitié auprès d'elle. Liory l'encouragea à venir aussi souvent qu'elle le souhaitait . Bien sûr qu'elle n'y manquerait pas... elle inspira doucement en se laissant envahir par ce sentiment de l'avoir enfin retrouvé. L'idée de se baigner dans cette eau la séduisait, elle la regardait fascinée en laissant des filets d'eau entre ses orteils.

" J'aurais simplement une question.. est ce que tu nagerais à mes côtés. Dans mon souvenir, tu étais plutôt bon nageur et ... moi je risque d'être bien rouillée... "

Depuis combien de temps n'avait-elle pas nagé ? Trop longtemps, elle avait peur d'être maladroite voire même d'avoir perdu des réflexes élémentaires. A y bien réfléchir, cela devait bien remonter à son adolescence. Elle allait réfléchir comment bien faire cette baignade. Allys allait défaire cette robe pour se retrouver en jupons, mais une mouette tapageuse ralentit son idée. Elle ne put s'empêcher de taquiner Liory à ce propos. Elle avait toujours été fascinée par son pouvoir. Ce petit renard était ravissant et bien assez intimidant pour leur invitée à plumes. L'oiseau rancunier avait déployé ses ailes avant de s'élancer dans ce ciel azuré qui leur faisait face. La reine inspira avant de défaire les fils de sa robe dans son dos pour se libérer de cette première épaisseur. Elle se retrouverait en jupons.

" Prépare toi mon ami... car le départ est pour bientôt. "

Toutes les épaisseurs qu'elle avait pouvaient impressionner, mais ils étaient pratiques dès qu'il était question de se devêtir sans le faire totalement. Quand elle était plus jeune, elle disait que sa tenue se trouvant sous sa robe était "son pyjama", ce que sa domestique reprenait horrifiée " mais madame il s'agit de votre chemisier et de vos jupons." Tout cela pour dire que du moment qu'il avait de quoi la changer, elle pouvait tenter le tout. Elle ne repartirait pas en robe tout simplement ou resterait une soirée de plus. Allys mit la robe derrière elle pour arriver dans ce qu'elle appelait dans sa jeunesse son pyjama. Rien d'indécent à ses yeux, il n'était en rien transparent, elle voulait simplement ne pas peser de tout son poids en arrivant dans l'eau.

" Quoi... encore sur le pont ? Mais que faites vous mon capitaine ?"

Sans prévenir elle le prit par la taille en se laissant glisser ton ponton. Elle avait entendu lors de ses premières nages que l'important était de se lancer. Quand ils glissèrent, elle le serra contre elle pour veiller à ne pas lui faire de mal avec ses bêtises. Dès qu'elle sentit l'eau les entourer, elle se rendit bien compte que si elle dépliait les jambes en s'enfonçant légèrement elle avait pied. Elle était donc rassurée. En revanche, elle s'amusa à voir la tête de son ami.

"... Alors on profite de cette eau...? Sauf si tu es trop secoué...? "

Bien entendu, elle ne donnait pas cher à ses vieux réflexes, elle se sentait un peu engourdie pour le moment. C'était bien différent que les sources chaudes, bien plus intimidant quelque part de voir tout cet océan à perte de vue. Elle aurait du mal à trop s'éloigner du ponton et perdait même quelques gestes rudimentaires qui lui avaient paru si évidents aux sources.