Cela fait deux années que j'ai quitté la capitale pour accomplir mon rêve. Mais j'ai dû le mettre rapidement dans un coin, face à la réalité de ma nouvelle vie. Dépenses imprévues, faibles revenus ... des débuts assez standard chez un aventurier débutant en somme. Mais depuis que je travaille en duo pour la guilde, ma situation s'est améliorée, de quoi refaire surface et reprendre ma respiration. À présent, ayant plus de temps, mes envies d'explorations reviennent sur la table de réflexions. Si ces deux années m'ont appris quelque chose, c'est bien que dans une aventure, la préparation est primordiale, si ce n'est l'élément crucial. J'ai donc décidé d'entreprendre un séjour au village perché afin d'écumer sa grande bibliothèque.
Sept jours de trajets annoncés contre une quinzaine à pied. Gain de temps peu négligeable, mais c'était sans compter sur un détail majeur. Le dit moyen de transport, une charrette avec deux chevaux de trait. Le voyage s'annonce des plus... plaisant. Durant les deux premières journées, seulement des frissons venait me titiller à chaque hennissement de ces satanées bêtes. Mais le fait est que j'étais stressé en permanence, a tel point que j'en eu l’appétit coupé. Cinq jours sans manger à part quelques bouts de pain trop sec, de quoi me garder conscient. Mais bien évidemment, mon angoisse grandit aussi, pour couronner le tout, un des autres voyageurs me lançait des regards noirs à chaque sursaut de ma part.
Au sixième jour, alors que nous installions le campement, l'homme qui ne me tenait pas dans son cœur me prit à part dans la forêt. Une carrure imposante de travailleur, il avait des outils dans un sac, certainement un mineur ou quelque chose du genre. À son ton, je savais déjà où il voulait en venir. Ce fut rapidement confirmé lorsqu'il remonta ses manches face à moi, prêt à grogner comme un chien.
« Dis-donc, t'en as pas marre de gémir comme une salope ?! »
Dit-il avec une délicatesse certaine, accompagnée de postillons en nombre.
« Moi, j'en ai ras-le cul de t'entendre geindre, si tu continues, je vais t'en donner une bonne raison, et là, tu vas me supplier d'arrêter »
Poursuivit-il en faisant un pas vers moi.
Le soleil était encore rasant, et mes forces, quasiment inexistantes. Impossible d'utiliser mes flammes, ou de lui faire face. Je dû me résigner à un hochement de tête silencieux, même si cela me démangeais, je n'avais aucune chance. Mon agresseur s'approcha toujours plus et m'empoigna violemment l'épaule.
« Je n'ai rien entendu sal... »
Il fut alors interrompu par le magnifique accent de notre transporteur qui cria depuis le camp.
« J'sais pas c'que vous foutez là-bas, mais s'avez intérêt à m'ramner du bois et plus vite qu'ça sinon j’alourdis l'prix du trajet ! »
L'homme lâcha son emprise puis s'en retourna chercher du bois après avoir craché à mes pieds. J'étais bien trop faible pour faire quoi que ce soit. Fébrile, je me rendis au camp et m'assoupis sans rien manger. Le levé fut compliqué, en plus de cela, j'avais perdu l'habitude d'être éveillé le jour. J'ai passé la quasi-entièreté de la dernière journée de voyage assoupi, au moins, cela ne m'a pas attiré d'ennui avec mon agresseur de la veille.
Enfin arrivé, le transporteur me tira de mon sommeil avec son magnifique patois. Je saisit alors mon sac de voyage puis descendit de la charrette en jetant un regard noir aux montures, m'ayant causé tant de tracas. Il était certains que j'envisagerai le retour à pied. Mais pour l'instant, il faut que je me remette sur pied afin d'être lucide pour mes recherches. Mon premier problème étant une migraine qui persistait depuis le matin. Je me mis en quête d'un apothicaire et de je ne sais qui pour me venir en aide. Monter jusqu'au village n'était bien sûr pas une partie de plaisir dans mon état. On pourrait croire à un mort-vivant, tant mon teint est livide, bien qu'il soit clair de nature. Loin de ma forme habituelle et de la bonne humeur que j'exprime aux autres, j'aborde les passants un à un. L'un d'eux finit par me dépouiller de cinq cristaux noirs, certainement de quoi étancher sa soif contre l'information que j’espérais.
Une petite boutique, par chance pas trop loin. Quelques passerelles traversées, et m'y voilà. Heureusement, je n'avais pas le vertige, ma phobie était largement suffisante. Un écriteau indiquait l'entrée, je m'y dirige puis pénètre à l'intérieur, personne apparemment, apercevant une pièce derrière un comptoir, je me hasarde à un appel, un peu faible, mais suffisant pour être entendu. C'est alors que je me rendis compte de mon état déplorable après seulement sept jours en charrette. Elle est bien belle l'aventure tiens. Légèrement courbé en avant, une main sur le front comme si ma tête pesait une tonne.
« Il y a quelqu'un ? J'aurais besoin d'un peu d'aide ... »
Un homme vint frapper à sa porte en courant. Sion fils venait de croiser un jeune homme pâlot, il l'avait pris pour un fantôme et depuis lors il était introuvable. Une chose à la fois, une chose à la fois, Lyra passa par sa porte de service pour sortir des lotions qu'elle avait eu le temps de produire. Une pour dormir... une toujours pour les soucis musculaire... Avait-elle le temps pour préparer des linges chauds ? La personne présente à son bureau la voyait s'affairer sans comprendre. Elle lui conseilla d'aller voir du côté de l'observatoire. Pour une raison inconnue, elle avait déjà vu son fils errer de ce côté. L'homme aurait bien souhaité d'avoir son soutien, mais il comprenait bien que la jeune femme avait choisi d'être présente pour ce fantôme errant plutôt que pour un enfant. Elle avait l'air si convaincue de ses propos qu'il eut envie de suivre son avis. De toute façon, elle ne voyait pas trop ce qu'elle pouvait faire. En revanche lorsque ce grand homme frêle entra, elle se précipita pour qu'il puisse se servir de son épaule en le saluant rapidement.
" Entrez, entrez monsieur, vous êtes au bon endroit.. tenez asseyez vous sur cette chaise. Je pars vous chercher une boisson le temps que vous me racontez ce qui vous amène... "
Lyra disparut à nouveau dans sa maison, elle ramena deux tasses chauffées à une excellente température ni trop chaude ni trop froide. Elle n'en avait pas mis trop de crainte qu'il n'apprécie pas. Pour sa part, elle était confiance et avait pris la grosse tasse dans laquelle elle trempait avidement ses lèvres. Il y avait un goût de mélisse, de passiflore et... qu'avait-elle mis encore dans celui là... de la Crécia ! Une fleur aux pétales blancs qu'elle avait trouvée et dont elle servait pour s'endormir après avoir gratté dans son cahier toute la nuit. Elle but une gorgée, puis rapprocha sa chaise derrière le comptoir du jeune homme pour mieux l'entendre. Lyra espérait juste qu'il ait pu percevoir sa petite voix toute à l'heure, parfois elle oubliait que sa voix ne portait pas et était très fluette. Sa peau paraissait même plus blanche que la sienne, c'était pour dire qu'il ne paraissait pas bien. Lyra subissait les aléas de son pouvoir, elle ne pouvait pas réellement bronzer. Sa peau restait soit très claire soit carbonisée par les rayons du soleil soit rougie à cause d'émotions envahissantes.. Le jeune homme était toujours penché vers l'avant comme si sa tête avait doublé voire triplé de volume... Elle n'avait rien pour le soulager dans l'immédiat, il faudrait lui laisser un peu de temps de faire bouillir quelques herbes. Dans tous les cas, elle écouterait ce qu'il avait à lui raconter...
Aussitôt pris en charge, je ne me fais pas prier pour enfin me poser quelque part. J'accueille alors la chaise que l'on me tends comme un trône de grande qualité. Mon séant posé, je me sens déjà légèrement mieux. La marche et les migraines n'étant pas les deux meilleures amies du monde. J'ai à peine le temps de relever la tête pour la remercier, que la jeune femme s'est éclipsée. Une bonne boisson, en y repensant je n'avais ni mangé, ni bu depuis un moment. Le simple fait d'avoir le mot boisson à l'esprit assécha instantanément mes lèvres, me suppliant de les hydrater.
La jeune femme aux cheveux argentés réapparu peu de temps après dans mon champ de vision. Mes yeux se fixent alors sur les tasses qu'elle tient dans ses mains, tel ceux d'un chat ayant repérés une proie. Les mains un peu tremblantes, je m'empare de la tasse proposée, pour vite en boire une gorgée. Heureusement pour moi, le breuvage n'était pas brûlant. La gorge un peu sèche, les saveurs ne me parvinrent pas tout de suite. Et quand ce fut le cas, elles m'étaient inconnues. Il faut le dire, je n'ai pas l'habitude des boissons chaudes, ou plutôt, il ne me vient pas à l'esprit spontanément d'en boire. Mais dans une telle situation elle fut accueillie à cœur joie.
Je réalise alors que je ne l'ai toujours pas remerciée, dans la précipitation. Je tourne alors la tête dans sa direction pour les transmettre.
« Excusez mon impolitesse, mais je vous dois une fière chandelle... je ne sais pas si le malaise était proche, mais il est évité ... »
Pour l'instant, si la boisson adoucissait ma gorge, mes migraines étaient toujours présentes. Ma main inoccupée s'empare alors de mon front et le masse doucement comme si cela allait changer quelque chose. Me voilà tout de même dans un état pitoyable, pour de satanés de chevaux. Je me le répète une nouvelle fois, mais il est bien beau l'aventurier... Après avoir bu une nouvelle gorgée, mon esprit commence à se désembrumer. Je réalise alors que je me suis fait servir sans rien même avancé. Un peu paniqué, je commence à porter ma main à ma bourse tout en essayant de ne pas renverser la tasse.
« Euh, excusez moi ! Ne vous inquiétez pas j'ai de quoi vous payer ! »
Je sens alors la tasse me glisser de la main, mais par chance tous mes sens ne sont pas endormi et in-extremis, je la rattrape avant qu'elle ne touche le sol. Seulement quelques gouttes ont pu prendre la poudre d'escampette. De nouveau, je relève la tête, paniqué dans la direction de la jeune femme.
« Encore une fois désolé, je... je suis assez maladroit... et cette fichue migraine... »
Pour éviter tout problème supplémentaire, je porte à nouveau là tasse à mes lèvres et finit d'en boire le contenu. Je me lève ensuite, m'appuyant sur le dossier de la chaise pour déposer la tasse sur le comptoir. Conservant ma position droite, mon estomac dû sûrement se dénouer, car il se mit à gronder. Y portant une main dessus, comme pour essayer de l'endormir, je m'adresse à elle une nouvelle fois un peu gêné.
« Désolé de tout ça... serait-je impoli si je vous demandais quelque chose pour combler mon appétit ? »
De nouveau, n'ayant même pas terminé ma phrase, je porte ma main vers ma bourse.
« J'ai de quoi payer... »
Un instant je m’interromps, puis réalise toute la scène que je venais de produire. En voilà une bien belle d'entrée en scène. Elle doit certainement penser que je suis fou ou je ne sais quelle bizarrerie.
" Monsieur... vous êtes ici chez moi. Je ne laisse personne partir sans qu'il ait retrouvé la forme. Adossez vous à mon épaule.. Vous ne paraissez pas tenir sur vos jambes... "
Lyra ne voulait surtout rien précipiter, elle avait peur de mal faire, de ne pas parvenir à le soulager... et pourtant elle ne souhaitait qu'une chose : le voir se porter mieux qu'importe quelle personne il pouvait être. Bon ou mauvais, l'herboriste avait une volonté naturelle de vouloir se rendre utile. Elle ignorait s'il allait oui ou non accepter, mais elle allait veiller à son bien-être d'une façon ou d'une autre, quitte à rendre cette chaise plus confortable ou venir lui apporter de la nourriture jusqu'ici. La jeune femme hésitait à prendre une décision, elle attendait son aval... alors qu'il n'était sans doute pas en état de lui soumettre quoi que ce soit et que... ce n'était pas son rôle en fait... Elle inspira en se relevant pour lui tendre la main en prenant ainsi les devants pour le soulever.
" Vous n'êtes en rien impoli.. dites moi simplement ce que vous aimez.. j'ai une soupe sur le feu prête à être dégustée."
Lyra adorait cuisiner des légumes, dire qu'elle était végétarienne serait exagéré, mais elle trouvait leurs saveurs fascinantes. C'était même une très bonne cuisinière avec très peu de moyen. Parfois elle trouvait quelques baies très nutritives, deux oeufs et des morceaux de salade ; elle faisait des petites merveilles gustatives. Ce n'était pas de la haute cuisine, mais elle se défendait pour avoir vécu dans des camps à de multiples reprises, ils avaient peu de moyens mais avaient toujours envie de varier les plaisirs. Lyra avait en plus un petit appétit et une habitude de cuisiner toujours en grande quantité comme si plusieurs personnes allaient débarquer, ce qui s'était pour le moment produit par deux fois.Dans un sens elle n'avait pas tord.. mieux valait toujours prévoir...
" J'ai même quelques croûtons avec un peu de fromage... si vous aimez...Vous ne m'avez toujours pas dit ce qui vous amène dans ma boutique... manger vous en donnera la force"
Manquer de manières, eh bien en fait si. Alors que la jeune femme souligne que je n'en manque pas, je réalise que je ne me suis même pas présenté. C'est un bien noble geste de sa part d'ailleurs, que de venir en aide à quiconque frappe à sa porte sans même donner son nom. En parlant de geste, la voilà devant moi, prête à m'aider à me lever pour aller je ne sais où. Son regard est bienveillant, je pense pouvoir lui faire confiance, et puis, je n'ai pas trop le choix.
« Avant de vous demander quoi que ce soit d'autre, je tiens à me présenter.. Je m'appelle Kell. Pour le repas, je ne vais pas faire le difficile, je mangerais ce que vous avez à m'offrir »
C'est vrai que pour l'instant, ce n'est pas le goût qui m'importe, mais bien de me ragaillardir. Avec un peu de chance cela aidera ma migraine à passer. Alors que je saisis la main de la jeune femme aux cheveux argentés, je me souviens qu'elle a demandé la raison de ma présence. Bien ridicule, et à la fois simple.
« À vrai dire, c'est pour comme vous l'avez dit, retrouver la forme.. J'ai passé un voyage affreux, dont je vous conterez bien les circonstances, si cette satanée migraine voulait bien disparaître »
Il est vrai que cette tension au sein de mon front en devenait insupportable, j'avais l'envie d'arracher ce clou planté, malheureusement il n'est qu'imaginaire. Même si la boisson portée par ma sauveuse m'avait déjà aidé, ce n'était pas encore suffisant pour rattraper cinq jours de jeun. Prenant appui sur elle, j'avance lentement dans la direction qu'elle m'indique, prenant bien attention au placement de mes pieds pour ne surtout pas chuter. Surtout que vu la corpulence de la jeune femme, je risquerai de l'emporter dans ma chute. J'ai déjà manqué de lui briser une tasse, alors n'en rajoutons pas. Je finis ensuite par réaliser, que malgré avoir abordé deux fois la question d'un paiement, elle n'en avait à aucun moment fait la mention. C'est sûr que ce n'est pas la priorité vu mon état, mais pourtant, les deux seules fois où j'avais du demander des soins, l'ont m'avait demandé paiement à l'avance. Deux possibilités, soit les soigneurs de la capitale sont des rapaces, soit la jeune femme à le cœur sur la main.. ou bien elle est étourdie. Bref pas de raison de l'importuner plus avec cela pour le moment, je pense que l'information est transmise.
« Ah et puis, maintenant que cela me viens à l'esprit, j'aurais quelques questions pour vous. Je n'y connais rien en plantes ou médecine, je serais curieux de savoir si cela pourrais remédier à l'un de mes maux. Mais je préfère en reparler quand j'irais un peu mieux »
Je suis bien curieux de savoir si une phobie peut se guérir d'une quelconque manière. Je n'ai jamais entendu parler d'une telle chose, mais sait-on jamais. Mes interrogations sont rapidement interrompues. Plus j'essaye de réfléchir, plus la pointe fictive semble s'enfoncer dans mon front. J'en secoue la tête alors que j'avance plus lentement. De ma main libre, je fais pression sur ma gène, mais évidement, rien ne change. Au même moment, mon pied heurte je ne sais quoi au sol, probablement rien, simplement la semelle de ma bottine. Je manque alors de perdre l'équilibre complètement, précipitant mon prochain pas vers l'avant pour tenter de me rattraper avant une éventuelle chute.
" Vous pourriez faire votre difficile, il n'y a pas de problème. "
Il était sous sa responsabilité dès lors qu'il passait le pas de sa porte. A ses yeux, les choses étaient faites ainsi. Le pauvre semblait souffrir mille mots, son débit de paroles n'était pas bien rapide, ses gestes étaient lents. De toute façon, elle allait l'aider pour se mouvoir. En tendant la main vers lui, elle avait bien conscience qu'il pouvait tout à fait vouloir se débrouiller par lui-même. Kell mit la main dans la sienne pour qu'ils puissent faire quelques pas vers un endroit plus agréable pour lui. Rester sur une chaise n'avait rien de très confortable. Lyra plaça son autre main dans son dos comme pour rassurer sa démarche, la rendre plus sûre également.
" Votre voyage a dû être bien éprouvant, vous revenez de la forteresse peut-être ? "
Des récits lui avaient été rapporté comme quoi les conditions de vie y étaient effroyables. De toute façon, elle savait qu'elle n'avait aucune attirance pour ce genre de lieu, mais elle imaginait assez qu'on ne puisse ne pas courir vers des températures aussi basses. Quitte à choisir elle préférait l'archipel, même si elle n'y avait jamais posé le pied à sa connaissance. Alors qu'elle imaginait les lieux où il avait pu se rendre, qu'elle était très à l'écoute d'une éventuelle demande arriva l'inévitable dans sa petite boutique; il se prit la chaussure dans une poterie au sol. Lyra eut comme un ralentis où elle le vit presque à sa hauteur. Sans même réfléchir, elle tenta de freiner sa chute pour ne pas que sa tête ne heurte le sol, c'était là son seul objectif. Sauf qu'un corps en pleine chute n'était pas évident à freiner, elle conclut vite qu'elle devait vite se mettre sous lui complètement que sa main seule ne le retiendrait pas. Vu sa taille c'était joué d'avance que si elle misait sur sa force, elle n'aurait pas l'avantage, c'est ainsi qu'elle fit volte face pour se retrouver sous lui. Son pouvoir lui rendait la vie beaucoup plus facile, elle pouvait ainsi encaisser certains coups sans avoir trop de séquelles. Elle avait appris à s'y fier comme d'autres misent sur d'autres forces... Ses jambes cédèrent un peu sous le poids du patient, mais se ployèrent doucement pour accompagner la chute juste qu'au sol. Kell était littéralement étalé sur son dos à deux centimètres de son comptoir, heureusement sa tête n'avait rien heurté... Elle soupira en se laissant totalement aller quitte à devenir un matelas humain pendant quelques secondes. Encore heureux que personne ne rentre à ce moment précis.
"Kell... " toussa t-elle sous son poids tout en se demandant s'il n'avait pas eu un choc comme il ne répondait pas et n'avait pas de réaction. Son coeur battit d'un coup, elle tapota son épaule comme pour lui indiquer qu'elle était complètement bloquée et qu'elle ne pouvait lui être d'aucun secours. Elle espérait juste qu'il n'ait pas de malaise... Le problème dont il voulait lui parlait était-ce ce manque d'équilibre ? Etait-ce bien plus que cela.. ? " Si vous êtes conscient, répondez moi... que je puisse réagir" Réagir comme elle le pouvait bien sûr. Elle avait le ventre complètement bloqué, la tête presque sous ses bras... Elle pouvait forcer sur ses jambes pour tenter de rétablir la situation, mais elle ignorait tout de l'état de son patient. Pourquoi était-elle forcée d'avoir des chutes de tous les patients dans sa boutique... Il allait falloir songer à avoir des allées plus spacieuses...
À peine debout, que malgré mon avertissement, des détails me sont demandés. Je ne vais pas pour autant me comporter en vaurien et l'ignorer, alors qu'elle me vient en aide. Je lui donne un peu de détails alors que nous nous mettons en marche.
« C'est assez loin de ce que je viens de traverser, bien moins spectaculaire pour sûr, mais comme je l'ai dit, je m'y attarderai volontiers une fois devant cette soupe .. »
C'est ainsi que nous continuons nos pas vers la direction choisie par mon aide. Un peu de curiosité de ma part finit par s'échapper, malgré cette tension intracrânienne. Mais je finis par me raisonner, m'évitant de me tirailler plus l'esprit qu'il ne l'est déjà.
Et c'est sans réaliser ce qu'il m'arrive, que mon champ de vision se met à défiler de haut en bas. Voyant le sol se rapprocher des plus en plus vite, mes yeux se closent naturellement, instinct protecteur afin de protéger cette partie sensible. Je n'eu bien sûr pas le temps de placer les bras en avant, l'un d'eux étant appuyé dans le dos de la jeune femme. La chute me parait bien longue, le choc fut moins violent que je ne l'aurais soupçonné. Mais assez pour me sonner. Ajouté à cela les restes de migraines, un superbe mélange résultant en un bruit sourd résonnant dans ma tête.
Le temps que je reprenne mes esprits, je ne pouvais guère comprendre ma situation. Petit à petit, les éléments se présentent à moi, mais le lien n'est pas immédiat. Premièrement, je remarque que le sol n'est pas si dur, je me dis que par chance, j'ai dû chuter sur un tapis ou quelque chose de genre. Toujours ce vrombissement aigu dans l'oreille, j'ai même l'impression qu'une chose s'en rapproche, se posant sur mon épaule. Un petit geste reflexe comme pour éjecter cet insecte de mon épaule. La chose semble résister, le son au contraire, revient à la normale. Je surprends alors une phrase entamée. Un léger grognement s'échappa alors d'entre mes lèvres, pour témoigner de ma présence. Et c'est seulement après tout cela que je songe à ouvrir les yeux. Je constate que je ne suis pas directement sur le sol, il est vrai que ma tête ne l'a pas heurté. Je tente de pivoter, afin de voir ce que j'écrase, mais mon menton bute. Je comprend alors, la provenance de la voix, "l'objet" sur lequel je suis étalé, et ce qui m'a touché l'épaule. J'étais allongé sur la pauvre herboriste. Je ne sais pas comment mais voilà qu'elle est en dessous de moi. Un afflux de vigueur, me donne soudainement la force de me mouvoir. Sans trop de difficulté, de par la non-régularité de ma couche de fortune je roule sur le côté, encaissant le choc et me retrouvant à plat dos. Moi qui avait essayé d'être vigilant, je me retrouve sur le sol, au moins je ne tomberai pas plus bas. Le choc déclencha une unique toux, suivit de mes premiers mots intelligibles.
« Rien de cassé ... enfin ... je ne crois pas ... »
En effet, j'essaye d'agiter chacun de mes membres, et ils semblent tous répondre. Je percute alors, si il y a bien une personne en mauvaise posture, ce n'est pas moi. Je tourne le visage, en direction de celle qui était captive de mon corps. Un double choc, le sol et mon poids, je m'enquéris de son état.
« Et.. vous ? »
"Oui... oui, tournez vous... que.. je ... puisse..."
Elle tira l'un de ses bras pour aider au besoin son patient à se redresser. L'affaire n'était pas facile, elle tenta même de pivoter de son mieux juste pour changer le point d'appui qui commençait à lui faire mal. Sa tête se rapprocha de la sienne qui s'était tournée. Ses yeux s'agrandirent de plus en plus honteuse.
" Vraiment... j'ai... voulu bien faire... "
Le temps de cela, il fallait qu'il reprenne ses esprits et pas trop lentement pour qu'elle puisse se sortir de là. En tirant sur son autre bras, elle put au moins doucement plus participer pour qu'il se redresse un peu. La respiration lui revint de façon beaucoup plus naturelle. L'air lui faisait un bien fou surtout que cette position prêtait vraiment à confusion. Elle avait été littéralement sous lui... C'était stupide. C'était le seul réflexe qu'elle avait pu avoir... Au moins si elle était sonnée, elle n'avait pas détérioré l'état de son patient comme lors de sa première tentative, pouvait-on autant parler de réussite ? Visiblement sans doute non. Elle replia ses jambes en sentant bien comme un vertige, elle voulait se lever rapidement pour ne pas que son patient reste au sol trop longtemps... Il avait besoin de repos et elle ne savait pas lui offrir. Les joues rougies, elle tentait de son mieux de se rattraper. La première des choses était de reprendre son accompagnement comme si de rien n'était. On oubliait cette histoire. On oubliait qu'elle venait de se faire claquer le dos contre le carrelage.. que son dos venait de craquer en lui tendant le bras... Elle aurait tout le temps de se régénérer ensuite, mais elle pouvait faire penser qu'elle s'oubliait... mais non elle jouait sur cet avantage totalement.
" Prenez ma main... ne restez pas au sol plus longtemps. Ne vous en faites pas, je vais bien"
Elle lui tendait la main en sentant vaguement son épaule tirer un peu, c'était un beau fatra. Fort heureusement, elle pouvait bénéficier du pouvoir de la lune. Elle ne ressentirait plus la douleur d'ici quelques temps. En revanche, son patient n'aurait pas ce bénéfice. Comme elle le sentait assez faible, elle pencha son dos pour lui faire une sorte d'accoudoir... Le salon n'était pas loin heureusement. Mine de rien cette chute les avait quand même rapproché un peu... Elle se crispait un peu en se sentant tendue de partout. En poussant la porte, elle ne put s'empêcher de s'exclamer :
" Voilà... ! Alors.. encore un petit effort. La chambre est ici. Vous.. pourrez vous reposer (et moi aussi par la même occasion, pensait-elle).
Elle avançait au rythme d'une tortue en hibernation, mais peu importe... Elle gardait le regard fixé sur ses chaussures comme par crainte qu'il ne se prenne encore les pieds dans quelque chose. Lyra priait même pour que la table basse ne lui soit pas fatal... elle avait l'impression d'avancer sur des pièges pouvant s'activer à tout moment. Elle ne parlait même plus tant elle appréhendait une nouvelle chute avant qu'elle n'arrive à l'asseoir ... sur autre chose qu'un sol froid. Après cette chute, elle voulait lui offrir le meilleur des conforts, c'était le minimum qu'elle puisse faire...
" Prenez votre temps.. je reviens avec la soupe... "
Lyra se disait que elle voulait bien faire jouer sa magie, mais qu'elle allait se prendre un truc contre ces vertiges... Un verre d'eau... et une plante pour aider à la cicatrisation. Elle allait aider à ce qu'elle puisse être très vite opérationnelle. Elle sortit un bol en terre cuite, une cuillère qu'elle ramena en étant légèrement baissée à son patient. Lyra tenta de faire une figure agréable en montrant le moins possible qu'elle ramait un peu.
" Voilà... Et... je vous pose ça... sur la table là.. "
A tous les coups elle allait renverser, il fallait qu'elle se rapproche. Elle étira pour passer ses bras au-dessus du meuble en ne se risquant pas dans un autre mouvement hasardeux... Elle prit place en souriant, toujours en étant un peu penchée, sur une chaise près du lit. Lyra avait meublé cette pièce pour ce cas précis, elle veillait de cette manière ses patients.
" Je.. suis tout à vous... " dit-elle en effectuant quelques mouvements simples pour juste sentir son pouvoir commencer enfin à faire de l'effet.
Après un tel évènement, je pense que seulement du bien pourras m'être apporté. Mais pour l'instant me voilà étalé au sol, j'avais réussi à éviter cela depuis l'arrêt de mon transport jusqu'ici, mais il fallait bien que cela arrive à un moment. L'absence de chance entraîna dans ma chute ma bienfaitrice. Je finis par la dégager de mon poids et après lui avoir adressé mon inquiétude en retour à la sienne, mais sa situation semble si peu la préoccuper qu'elle se confond en excuses presque aussitôt.
« Je le sais ... cela se voit ... comme moi ... j'ai voulu marcher ... mais le sort en a décidé autrement ... »
Je vois alors qu'elle s'est relevée, ne se déplaçant pas d'une manière habituelle mais qu'elle finit par me tendre la main, essayant de me rassurer.
« Que vous alliez bien ... j'en doute ... mais je sais bien, que vous ne vous reposerez pas ... avant de vous être assuré de ma bonne condition ... »
J'accepte alors la main tendue espérant la libérer de ma prise en charge au plus vite pour qu'elle puisse prend soin de son cas. Après un effort qui paru durer alors que ce n'en était point le cas, nous voilà à nouveau tout deux sur pieds, en route pour le rétablissement pensais-je. Elle finit par me guider jusqu'à une chambre, entonnant des encouragement, je ne saurais dire si ils m'étaient destiné ou bien adressés à nous deux. Je pense en tout cas qu'ils nous étaient bénéfiques, car en plus de supporter ses propres douleurs elle devait me soutenir. Après cet ultime effort je pu enfin m'asseoir sur le couchage, mais cela fut de courte durée, m'écroulant de soulagement sur ce support moelleux. En réalité, il ne l'était pas tellement, mais pour quelqu'un dans mon état, c'était presque du luxe.
« Oooh oui ... prenez votre temps de même »
Elle m'apporta ensuite, sans ralentir bien sûr, mais avec une précaution toute particulière, redoutant certainement de réitérer l'accident qui venait d'avoir lieu, un bol contenant certainement la soupe. Je l'avoue, je ne souhaite pas me faire arroser du breuvage qui est censé m'aider à me remettre sur pieds. Une fois sécurisé, j'attends un peu avant de m'en emparer à mon tour. Je m'installe alors sur le côté, cela avec une petite grimace, une légère douleur aux côtes faisant surface. Mais assez supportable pour me permettre de boire en maintenant la position.
« Eh bien, je n'en demande pas autant, mais je suppose que je vous dois bien au moins les explications de ma présence ici. Si je puis me permettre, quel est le nom de ma bienfaitrice avant de commencer ? »
Je me permet alors de goûter ce que l'on m'avait servit. Je dois l'avouer, ce n'est pas le meilleur repas que l'on m'ait servit, mais cela à cause bien sûr de mon aversion pour les soupes et autre potages, mais bon il me faut faire le plein d'énergie.
« Alors attention, voici l'histoire la moins trépidante d'un aventurier. Je voulais donc me rendre à la grande bibliothèque ... pour faire des recherches ... et il se trouve que pour venir ... j'ai du faire environs une semaine de trajet ... qui me parue interminable. Car en fait ... j'ai la phobie des chevaux, et notre charrette était tiré par deux d'entre eux ... résultat ... j'en suis devenu malade au point de ne plus pouvoir manger ... et j'ai manqué de me faire démolir à l'arrivée ... à cause de mes complaintes ... voilà ... fin ... »
Il faut dire que je n'en étais pas fier, mon regard restait abaissé n'osant croiser celui de la jeune femme. Mon expression, pourrait même inspirer la pitié chez les plus cléments. À cela s'ajoute ce superbe teint blanchâtre ne faisant qu'accentuer le tout. Un fier aventurier !
Le repas se passa. Finalement, après que j'eusse raconté mon histoire, l'atmosphère se détendit davantage. Nous parvînmes même à échanger quelques éclats de rires autours d'histoires banales du quotidien, n'ayant pas de grandes épopées à conter, et cela nous faisant oublier la chute malencontreuse qui avait eu lieu plus tôt. L'heure se fit tardive et j'avais encore besoin d'un peu de repos, après tout non seulement mon corps, mais mon mental devait être préparé pour accumuler des connaissances à la grande bibliothèque. Le lendemain, Lyra prit à nouveau soin de moi avec toute son attention, préparant plusieurs décoctions avec les plantes dont elle connaissait le secret. C'est donc requinqué après ce voyage pénible, que je quitte la bonne humeur accompagnée d'une petite touche de maladresse qui caractérise l'herboriste, gardant dans un coin de mon esprit, le souvenir de la jeune femme qui était venue en aide à l'aventurier fébrile que j'étais.