Parce que 3 semaines, c'était long.
3 semaines ?
Oui. Depuis la visite d'Hel, cela avait fait 3 semaines, et non les 2 semaines que la femme à tout faire avait prévu. Non pas qu'elle avait menti pour éviter qu'Hel aille chercher ailleurs en trouvant 3 semaines trop long, mais pour d'autres raisons.
Il fallait dire aussi que trouver un semblant de journal ce n'était pas facile quand le seul indice qu'on avait c'était le nom de la personne et son écriture. Aussi, Astrid avait passé quelques journées à fouiller la bibliothèque familiale et le grenier. Sa famille était aujourd'hui pauvre, mais avait eu la magnifique idée de garder les livres et non de les vendre. Allez savoir pourquoi. Garder un semblant de culture probablement. Pour instruire les enfants aussi. Elle aimait bien lire après tout Astrid, et pendant son enfance, elle avait eu le temps d'en parcourir une bonne quantité.
3 semaines aussi parce que Astrid avait pris son temps avant de contacter la jeune-vieille, histoire d'avoir un peu de temps pour soi et de finir d'autres trucs.
Ah oui, elle n'était pas totalement sérieuse la Astrid, mais faisait toujours son travail, tôt ou tard et plus ou moins bien.
Aujourd'hui donc, en cette belle journée, elle avait laissé un message à la guilde pour Hel lui donnant rendez-vous chez elle pour la prévenir qu'elle avait ce qu'elle voulait, et qu'il ne fallait pas oublier le reste de l'argent comme convenu. Elle lui avait aussi demandé, si possible, de lui rapporter plus de bières. Mais elle n'en espérait pas grand-chose.
-Nomnomnom. Hmmmm !
La mastication était rapide, sans mouvements inutiles, sans perte de temps. De grosses bouchées, peu dignes d'une femme raffinée mais correspondant plus à un homme sans manière. Des gouttes de gras tombaient sur le bureau. Elle s’arrêta un instant, buvant sa bière avec soif, et reposa son verre sur….un journal intime. Le livre en question était en mauvais état, définitivement. Il avait été écrit environ 240 ans auparavant après tout. L'écriture était à peine lisible, à cause de l'encre qui avait pâli depuis. Et puis, vu que sa famille avait fait faillite, il n'avait pas été super bien conservé. Elle l'avait trouvé entre un livre sur la reproduction des insectes et un autre sur comment dépecer et cuisiner du sanglier. Pas du joli en somme.
Et puis, enfin, elle entendit un « toc, toc, toc ».
-Vos p'vez fentrer !! Réussit-elle à dire la bouche pleine, du gras dégoulinant le long de son menton et plein les doigts, suivi par la suite d'un: Buuuuuurp.
Oh. Elle irait se laver les mains et la bouche. Après.
Qui a dit que la présentation était importante, déjà ?
C’est donc en trottinant que j’avais acheté les bouteilles, et sur le même rythme que j’étais allé chez Astrid. Et c’est donc en moins de deux que je m’retrouvais d’vant la porte de l’enquêtrice. Celle qui allait apparemment résoudre mon problème. J’avais pris l’argent. Les bouteilles tout. J’frappais donc à la porte et on me dit d’entrer.
J’ouvris la porte sur un gros burp. Dégueu. Tout comme la pièce. Comme la dernière fois quoi. J’crois qu’le pire c’était la gueule d’Astrid en train d’bouffer. Genre t’imagine un monstre ? Beh pareil. Mais bon hein. C’est ce monstre qui a ce qu’ j’veux et fallait faire avec. Je sortis les bouteilles de mon sac. Oui, j’ai un sac, j’l’ai pas dit plus haut mais on s’en fou hein. Et, m’approchant du bureau, j’les posais dessus.
- Salut, tient c’est la meilleurs qu’je connaisse.
J’en ouvris une bouteille pour moi. Une chacun hein, ça suffira. Après, y’a la taverne. J’pris une gorgée avant d’ajouter.
- Alors ta trouvé quoi du coup ?
Ouais direct, le reste c’pas ouf, on s’en fou en vrai, c’est le résultat qu’on veut. Fin que j’veux. Tu m’as comprise fais pas chier hein. C’est ma mémoire qui m’intéresse. Pas si Astrid digère son repas.
-Oh mhel, merchi pour cha ! Dit-elle toujours entre deux bouchées, sans s’arrêter un seul instant pour accueillir sa cliente.
Elle n’éprouvait aucune réelle gêne à se montrer sous une forme aussi pitoyable et grossière. Manger était aussi naturel que de roter, pourquoi éprouver de l'embarras ? Bien sûr, on pouvait manger de manière propre et avec délicatesse, mais c'était inefficace et bien moins rapide.
Tout était dans l'efficacité, la précision, et...
-Avor, j'ai trouvé….Ugh ! UGH !
Parler la bouche pleine, en plus d'être une vision d'horreur était fort dangereux. Elle en faisait d'ailleurs l'expérience d'une manière assez douloureuse, s'étouffant avec la bouchée qu'elle venait de prendre.
-KOF KOF KOF.
Elle recracha sur son bureau (et également peut-être un peu sur Hel) des bouts ci et là déjà mastiqués et se jeta sur la bière – doux nectar - pour faire passer la nourriture. Bonheur et joie ! Elle arrivait enfin à respirer et avait évité une mort des plus stupides !
-PFIOOUUUUU. Soupira-t-elle en reposant son verre, toussotant encore un peu. Kof kof. Oh fait chier, putain de merde de Fenrir. Ta question a failli me tuer sur place, et regarde moi le bordel sur le bureau. Urgh.
Elle prit un mouchoir pour nettoyer le tout et continua tout en se léchant les doigts (il ne fallait pas gâcher, hein) :
-Alors, comme j'ai dit dans le message, j'ai trouvé ce que tu veux. J'y ai jeté un coup d’œil, on en discutera plus tard.
La tâche avait été longue, mais loin d'être difficile. Cela dit, Astrid savait pertinemment que ce serait bien plus difficile pour les autres. Elle prit le bouquin du bout de ses doigts encore gras et le présenta à Hel, en nettoyant à l'occasion le bout de jambon et de salade mastiqués qui s'étaient collés sur la couverture.
-Il est en mauvais état, et pourtant il date que de 200 ans. J'imagine pas l'état des autres bouquins ayant 500 ans. Tu peux le lire, pendant que je termine mon...euh...repas. Oh, et merci pour la bière ! Ma petite farce t'a plu la dernière fois d'ailleurs ? Heh.
Elle se demandait combien de câlins Hel avait du recevoir d'étrangers avant qu'elle ne s'apercevoive de la supercherie, haha.
- J’ai crû que j’rentrerais jamais avec ta connerie-là. À la fin, j’pouvais même plus avancer.
J’fouillais ma poche et en sortis le papier avant de le poser sur sa table.
- Tiens j’te l’rends au cas où tu veux r’faire ta connerie avec quelqu’un d’autre.
J’ouvris le livre. Bien sûr que j’allais le lire. La plupart des pages étaient vierges, l’écriture des premières pages était vieille. Et je commençais ma lecture. Ainsi, c’tait bien moi qui avait écrit ça. La précision des indications était suffisante pour m’en convaincre. Oui, j’avais bien les tatouages. Oui, tout correspondait. Une larme coula sur ma joue lorsque j’appris que j’avais eu un mari et une fille. Des gens qui n’exister plus maintenant. La suite était bourrée d’indice. La ville portuaire. Un livre plus ancien y était. Oui, peut-être qu’il fallait que je continue las bas. Et le mot « palais » m’intriguait tout autant. Oui, il allait falloir qu’on discute. D’autres larmes coulèrent au fils de ma lecture et la fin m’intrigua tout particulièrement. Une fuite. Clairement s’en était une. Je refermais le livre et le serrer contre moi. J’étais en vie, donc ma fuite avait réussi. Ça, c’était une certitude.
- Merci.
Je souris sans regarder Astrid, la tout de suite, j’en avais pas l’courage.
- Effectivement, y’a des pistes pour la suite. À la ville portuaire. Et même le mot palais en est un. Tu crois que y’a quelque chose au palais ?
Question intéressante hein. Oui, de quoi passer le temps. J’étais bien plus touché que je n’en laisser paraître. Un peu plus, j’allais m’effondrer. Tout, ça, je l’avais perdu à cause de ma mémoire défaillante. Tout ça à cause d’un pouvoir absurde et stupide. Mais j’voulais savoir la fin. Oui, c’était ma seule raison de vivre. Pour le moment.
-Hahahaha ! Oué oué, merci heh. T'inquiètes pas, t'es pas la seule, héhé.
Alors que la jeune-vieille se mit à lire son journal, Astrid recommença à manger son repas tout en observant les réactions d'Hel. Elle ne se priva pas de faire des bruits de mastications que certains détestaient par dessus tout, mais cela ne semblait pas gêner Hel, aussi elle arrêta rapidement pour manger en silence, tout en dégustant la bière que Hel avait ramenée. Pas mal ! Il faudrait qu'elle lui fournisse l'adresse.
À aucun moment elle ne fut surprise de sa cliente qui s'était mise à pleurer. Elle venait d'apprendre qu'elle avait de la famille dont les gens étaient morts mais dont la descendance était peut-être encore vivante. Il fallait s'y attendre, et Astrid pouvait la comprendre. Cela dit, elle avait fait son choix, celui de connaître son passé, et si le simple fait de savoir qu'elle avait eu une famille suffisait à lui soutirer des larmes, Astrid craignait pire pour la suite. Peut-être qu'elle finirait par se pendre, qui sait. Ce n'était pas la femme à tout faire qui allait l'en empêcher cela dit. Elle pouvait ressentir un peu de compassion, mais ça se terminait là. Elle était une cliente, pas une amie. Et même si une amie se décidait à mettre fin à ses jours pour des raisons valables, ce n'était pas comme si Astrid avait le pouvoir de l’arrêter. Tenter de la convaincre, peut-être.
Oh, elle était un peu nihiliste et pessimiste, oui. Mais cela ne l’empêchait pas de profiter elle-même de sa vie.
Hel termina sa lecture au moment même ou Astrid commença à lécher ses doigts après avoir terminé son sandwich.
-La ville portuaire oui. Je la connais pas trop. Il faudrait voir si la compagnie que t'as décrite existe toujours. Pour le palais je sais pas, c'est probable. Ils conservent bien les livres là-bas. Mais y avoir accès ce n'est pas facile. Il faut une autorisation spéciale, et ni toi ni moi n'avons un réel pouvoir.
Astrid aurait pu user de son ancien nom et de ses contacts pour essayer, mais cela l’embêtait plus qu'autre chose. Elle laisserait l'indice du palais pour plus tard. Il restait quand même 70 bouquins à tenter de choper avant ça.
-Faudra également prendre en compte les églises. Même si à l'époque tu n'as rien trouvé, tu as peut-être changé d'avis et tu as peut-être confié des bouquins plus tard à des églises. Heh. En fait ça se trouve, à une époque, tu devais être sacrément croyante, et ptete même une prêtresse de Lucy qui sait ! Mais avant de continuer et maintenant que t'as vérifié le bouquin, tu me payes l'autre moitié de la paye?
- Tiens, tu peux compter si tu veux mais y’a le reste.
Je souris en ajoutant.
- J’suis toujours croyante donc ça m’étonnerais pas qu’il y ait quelque choses dans un temple quelque part. Mais ça peut p’tête faire référence à autre chose considérer comme sacré.
Oui, dans une croyance, y’a toujours quelque chose de sacré. Maintenant, fallait trouver quoi. C’est là que ça dev’nait compliquer.
- Bien, j’vais aller fouiner un peu d’mon côté j’ai p’tête quelques contacts qui peuvent m’aider dans le port. Pis ça peut mener à autre chose pour le palais après.
Je m’étirais essuyant mes joues encore humides, le livre dans la main droite je terminais.
- Bon, si tout est en ordre, je vais partir chercher la suite. Merci encore.
Je repris une gorgée de bière en me levant. Ouais, j’avais plus rien à faire ici. J’avais eu ce que j’voulais. J’avais des infos pour la suite. Maintenant, j’pouvais partir en quête de mon ancienne vie par moi-même.
Bah. En vrai c'était surtout à cause de la flemme, heh.
-Ah ? S'étonna Astrid en entendant la nouvelle que Hel était croyante.
Étrangement Astrid n'avait jamais cru dans des dieux quelconques. Ou en tout cas, il refusait de croire en des dieux qui avaient rendu sa vie précédente aussi merdique et qui pouvaient dicter son destin ou sa chance. Elle était maitre d'elle même, et il n'y avait pas vraiment de place ou de temps pour une déesse quelconque. Cela dit, elle savait qu'une bonne partie du royaume croyaient pour expliquer l'inexplicable.
Donc Hel avait décidé de reprendre son enquête seule huh. Welp, pas étonnant. Elle préférait peut-etre économiser de l'argent, ou encore une fois, ne faisait pas confiance en Astrid, ce qui ne serait pas étonnant non plus après le spectacle que cette dernière avait offerte deux fois de suite. Tant pis.
-Aight, dans ce cas je te souhaite une bonne chance dans tes recherches.
Astrid se leva et accompagna Hel jusqu'à la porte. Une fois que celle-ci traversa le sueil, la revenante lui donna une petite tape sur les fesses et ricana, légèrement moqueuse :
-Si tu veux mon aide la prochaine fois, que ce soit pour ta mémoire ou pour des massages comme on en avait discuté la dernière fois, hésite pas à me recontacter, haha.
Elle ne pensait pas la revoir de si tôt pour être honnête. Peut-être même qu'elle ne la reverrait jamais. Telle était la nature du travail d'Astrid, et cela lui allait tant qu'elle était payée, heh.
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