La place vacante de Nyx ne pouvait le rester aussi longtemps. Après plusieurs entrevues avec sa Majesté, un choix a été arrêté. Cassandra Heydell, quarantenaire au curriculum vitae sérieux. Après l’avoir relu plusieurs fois, je me suis demandée pourquoi c’était Nyx à sa place. Peut-être un concours de circonstance a fait que Nyx a eu l’opportunité et pas Dame Heydell. Il est vrai que ce nom ne m'est pas du tout inconnu, non pas que c’était l’une des assistantes de la précédente ministre, oh non.

Dès que la démission de Dame Anger fut connue par toute la noblesse de la Capitale, j’ai reçu plusieurs courriers ou autres rendez-vous pour me présenter telle ou telle personne. C’était ses Majestés qui choisissent leurs ministres mais je faisais un petit tri avant pour présenter des candidats potables. C’était une période éprouvante pour les nombreux pots de vin que j’ai vu passer mais le plus étonnant fut celui de mon père lors du traditionnel repas de famille lunaire. Il me raconta que notre famille était liée par une vieille promesse avec celle des Heydell. Il ajouta aucun détail supplémentaire et j’ai dû me renseigner envers mon grand-père qui ne souhaitait pas lui non plus s’étendre sur le sujet. C’était Mère qui finit par me rentrer dedans au détour d’un couloir que je devais appuyer sur sa candidature mais je ne fis rien. Allys avait confiance en mon jugement et je pouvais me permettre pareil traitement de faveur. Mais ma curiosité était sans faille et je fis mes recherches. J’ai essayé le maximum d’informations sur cette femme et elle était la candidate idéale. Un heureux hasard ? Seule Lucy le sait mais effectivement, Cassandra fut choisie.

Aujourd’hui était son premier jour, elle avait reçu sa missive officielle, elle était nommée à son poste. Allys m’a délégué la charge de l’accueillir au gouvernement, elle passera en fin de matinée pour la recevoir comme il se doit.  Mais avant tout, j’avais réservé toute ma matinée, fait préparer son futur bureau pour sa nouvelle promotion. Il faut dire que je n’avais jamais pris le temps d’apprendre à connaître les assistants de Nyx, elle ne s’étendait jamais sur ce sujet juste son délicieux secrétaire. Mon bureau se trouvait au deuxième étage, orienté plein sud évidemment. Mon cabinet était relativement grand, on y trouvait mon bureau, celui de Queen Milan, trésorière royale et aussi mon assistante à mi-temps, une salle des archives, un petit salon, une salle d’attente, le bureau d’accueil avec ma secrétaire Miranda Herondale, une vieille femme sérieuse qui tenait mon agenda d’une main de fer. Comment décrire mon bureau ? Un grand espace vitré avec des bibliothèques au mur dès que c’était possible. Sous les fenêtres, des commodes et autres meubles pour classer mes dossiers. Mon bureau était un énorme plan de travail en chêne avec des fauteuils en cuir confortable. Dans l’autre coin de la pièce, un petit salon avec une banquette et deux fauteuils en cuir bas avec sa table basse. Lieu privilégié pour mes réunions avec Allys et surtout prendre notre thé tranquillement. Sur un des meubles bas, on peut trouver un terrarium où un glooby traîne. Un cadeau de mon petit frère qui a décidé que je passais trop de temps au bureau alors il m’offre des familiers. J’avoue aussi un gloot, une sorte de chat bleu à six pattes qui était le roi des bêtises et il avait le don de paroles comme mon Floki, une sorte de panda roux avec une longue queue. Lui aussi parlait et s’amusait à intervenir dans certaines de mes réunions. Généralement, ces deux-là étaient souvent éclipsés dans mes appartements privés cachés derrière une porte dérobée de la bibliothèque. Lieu de refuge lors de grosses journées de travail mais je dormais le plus souvent chez moi, à quelques minutes de marche du Palais. Bref tout était prêt, j’étais plus que ravie de compter un nouveau membre dans mon gouvernement, un peu de sang neuf me fera du bien. Puis pour le peu que j’ai pu voir, c’était une très jolie femme. Une peau légèrement métissée, des yeux miels. On verra bien. Miranda m’appelle à travers la porte, mon rendez-vous était présent. Habillée de mon pantalon noir en pince, une chemise blanche à la soie délicate et d’une veste entreouverte du même noir que mon bas, j’ouvre la porte d’un grand sourire.

-  Dame Heydell, je vous en prie.  

Je lui tiens la porte de mon bureau et la fait rentrer. J’interpelle Miranda avant de renfermer derrière nous.

-  Je souhaite ne pas être déranger Miranda pour la prochaine heure.    

Un signe de la tête de ma secrétaire et nous voilà tranquille. Je tends la main vers un des fauteuils de mon petit salon. Tout était bien rangé, il était rare que ce soit le bazar sauf quand Natsu, mon gloot décide de faire une course effrénée entre mes dossiers avec un Tsubaki en furie.

-  Asseyez-vous, je vous en prie.  Un thé ?    

Attendant sa réponse, je sors mon service à thé de mon buffet, prépare la bouilloire et retourne auprès de mon invité pour m'asseoir sur l’autre fauteuil de libre, en croisant les jambes l’une sur l’autre.

-   Je suis ravie de vous rencontrer Dame Heydell et félicitation encore pour votre nomination. Sa majesté la Reine m’a chargé de vous accueillir ce matin ainsi que de vous parler de nouvelles prérogatives. Elle nous rejoindra plus tard, si vous avez la moindre hésitation, je serai enchantée d’y répondre.  

Avant que la bouilloire siffle, je me lève pour récupérer une sorte de pin’s qu’on peut accrocher à notre chemise pour montrer notre appartenance au gouvernement. Une rosette bleue avec les armoiries de la Couronne.

-  Tenez, c’est pour vous. Cadeau de la Couronne

Je lui tendis chaleureusement pour qu’elle récupère. La bouilloire décide de couper ce moment solennel et je me dirige aussitôt vers la fenêtre.

-  Promis, j’arrête de bouger. Je serai entièrement à vous.    

Je glisse deux tasses sur le plateau, un sucrier, un panel de thé, des cuillères et quelques gourmandises pour ensuite déposer le tout sur la table basse. Je pouvais enfin m’asseoir et attendre les questions de Cassandra.

Je fais un regard noir à Natsu, mon gloot bleu pour qu’il retourne se cacher dans son panier dans mes appartements. C’était une réunion sérieuse et il ne fallait pas qui gâche tout dès les premières minutes. Il est vrai que ces deux là avaient toujours le don d’arriver au bon moment mais nous ferons les présentations bien plus tard. J’observe cette femme qui avait une stature droite et fière. Je lui prépare son thé et nous installons enfin confortablement dans nos fauteuils respectifs. Elle sort alors de quoi noter, il est vrai que c’est moi qui vais beaucoup parler dans un premier temps. J’ai préparé mon discours depuis quelques jours déjà, c’était la première fois que j’accueillais une nouvelle ministre dans mon gouvernement tout comme j’ai dû affronter la démission de la précédente. Certes, peu de gens étaient au courant de notre relation Nyx et moi, peu de rumeurs sont sorties et je n’ai pas eu à affronter notre séparation et les commérages.

-  Vous allez vite apprendre que ce poste est très prenant ! Même votre vie personnelle va en pâtir mais acceptez ce poste en toute connaissance de cause.  

Même lors de mon jour de repos dominical, la Reine a trouvé le moyen de venir chez moi pour parler de certaines affaires. C’était certes plus par curiosité de savoir où j’habitais et les jours précédents, je n’étais pas dans mon assiette. Enfin lors que ma ministre accroche cette petite cocarde à son chemisier, il y avait ce sentiment de fierté qui émanait d’elle. Qu’est-ce que je peux la comprendre. Des années durant, j’étais assistante de ministre et quand on m’a promue Ministre de la Culture, c’était l’aboutissement d’une vie mais quand la Reine Allys est venue me chercher pour être sa Première Ministre, mon cœur avait explosé de joie. Bon mes heures de sommeil avait drôlement diminuer mais maintenant que ça fait plus d’un an que je suis au poste, je gère beaucoup plus facilement mon temps.

- Vous avez beaucoup d’énergie à revendre mais oui effectivement, il y a quelques sujets en suspens. Je vous invite à ne pas aborder tout de suite le sujet des sentences des prisonniers. Ce sujet est délicat auprès de la Reine…    

Nous étions déjà disputés pour cette affaire. Même si j’ai beau montrer les chiffres et les conséquences de l’exil, celle-ci refuse tout changement.

-  Ce n’est qu’un simple conseil mais il y a d’autres dossiers qui vous attendent. Discutons de l’affaire de l’exil un autre jour, il faut un dossier et des arguments que même la Reine ne pourra réfuter mais ça ne sera pas une simple affaire.    

Oh que oui et je lui souhaite bien du courage. J’ai essayé de m’y frotter mais je ne pouvais pas perdre mon énergie pour cet amendement. D’un commun accord, nous avons décalé cette discussion à plus tard mais un jour, on devra y revenir.
- Sinon pour votre poste en lui-même. Des assistants et un secrétaire sont déjà présents dans votre cabinet. Vous êtes libres de changer sur un avis motivé.    

Jusqu’à là, personne ne semblait incompétent ou autre. Puis connaissant parfaitement Nyx, si il y avait un fainéant dans ses troupes, ça ferait longtemps qu’elle l’aurait mis à la porte.

- Deux assistants-senior connaissent bien les dossiers en cours, n’hésitez pas à demander leur aide. Bien entendu, on peut vous donner des ressources supplémentaires pour la mise en place. Les réunions ministérielles sont tous les mercredis en présence des autres ministres. Ses Majestés viennent généralement à la séance du dernier mercredi de la saison. Pour votre part, nous avions généralement un créneau toutes les deux le lundi en début d'après-midi, si vous voulez le changer, on choisira une autre date ensemble.    

Chaque ministre avait une réunion hebdomadaire en privé pour mieux préparer la réunion avec tous les autres. C’était le moment de survoler tous les dossiers ou s' ils souhaitaient avec ses majestés. Je me chargeais de débroussailler les dossiers pour Allys mais celle-ci était relativement présente dans notre vie courante. Il n’était pas rare de venir aux différents bureaux d’elle-même.

-  De mémoire, la précédente ministre organisait un rendez-vous par saison avec chacun des juges. Vous êtes libre de garder cette organisation ou non. J’ai pris l’initiative de convoquer tout votre personnel pour dans deux jours. Il est assez difficile de les avoir tous disponibles le même jour.  

Avec une convocation de la Reine, tout était possible ! Un courrier avec le sceau royal et nous voilà obligés d'assister à la réunion.

-  Pour votre nomination, il y aura un banquet mais ça sera la Reine qui s’en chargera, ça lui tient à cœur.  

Car c’est elle et son mari qui ont nommé Cassandra, ils souhaitent l’inviter à un petit banquet et quelques invités pour fêter cette nouvelle nomination. C’est aussi le moyen de l’accueillir dans cette nouvelle “ famille “ qui est le gouvernement.

-  Préparez vous à subir de nombreuses questions de la part de Sa Majesté, elle est très curieuse.  

Elle aimait savoir qui elle avait en face d’elle puis avec son pouvoir permettant de savoir si on mentait ou pas, il était très facile de savoir les arrières-pensées de chacun. J’avais fait le choix de ne jamais lui mentir ou de jouer avec les mots pour esquiver les questions. C’était de là était née notre confiance mutuelle.

- Avez-vous d’autres questions ? Questions techniques, administratives ou autres. Je ferai un effort pour y répondre avec le plus de précision possible.    

A l’évocation de cette mise en relation, ma respiration s’arrêta net. Pensait-elle que cette promesse était la raison de sa prise de poste. Je ne voulais absolument pas être mis dans ce genre de cases. Je ne supporte pas la corruption, passe-droit et autres artifices de ce genre.

- Je me permets d’ajouter quelque chose. Même si effectivement j’ai reçu quelques recommandations dirons-nous pour vous faire entrer au gouvernement, ne pensez pas que je me suis sentie obligée.    

Reprenant une meilleure assise dans mon siège, je continue alors mon récit calmement.

- ll est vrai que cette demande m’a permis de sortir votre dossier de la pile que j’avais sur mon bureau. Après lecture et quelques recherches, votre profil convenait parfaitement à ce ministère. Voyez un signe de Lucy que cette vieille promesse de nos aïeux m’a permis de prêter plus d’attention à votre dossier.  

Jamais, je ne me serais permise de faire ça à ses Majestés. Allys me fait totalement confiance sur mes choix, je ne peux biaisé ce fait par une ridicule histoire que mon grand-père a pu contracter.  

-  Ce poste, vous l’avez obtenu par votre savoir-faire, votre talent et votre personnalité. La Reine a apprécié votre profil, je n’ai fait que proposer quelques candidats qui me semblaient pertinents, vous étiez dans le lot, Dame Heydell.  

Il faut dire que mon grand-père était plus que ravi de la tournure de la situation. Pensant réellement que j’ai forcé cette candidature, je n’ai pas eu le courage de lui dire que ce n’était pas le cas. Lucy était tout bonnement avec moi, ce jour-là.  Enfin, nous parlons maintenant de son travail, des possibilités qu’elle a, son équipe, etcetera. Elle était enjouée de cette perspective de pouvoir rencontrer son équipe. Elle le sait certainement mais les prochaines Lunes risquent d’être longue et épuisante, mais comme elle le dit si bien, elle était intransigeante.

- Nous allons très vite se retrouver pour parler travail, ne vous inquiétez pas, les sujets ne manquent pas ici !  

Dis-je d’un ton amusé. On se dira même où était le temps où on pouvait prendre le thé tranquillement sans qu’on essaye de trouver un moment de calme pour se poser dans ce sofa sans espérer se faire déranger. Mais ce petit bruit provenant de Cassandra me fit comprendre qu’il était temps que je sorte les prochaines armes si elle veut survivre à toutes les questions de la Reine. Je me lève délicatement du fauteuil pour ouvrir une porte de mon buffet. Sortant tout un attirail de gâteaux secs et autres biscuits à la cannelle.

- il m’arrive de prendre des pauses et surtout besoin de réconfort. Ces gourmandises vont vous mettre d’attaque pour la suite de notre matinée.    

Car oui, il était temps d’aller rejoindre son bureau et présenter ses collaborateurs. On prit alors quelques instants pour finir nos thés respectifs avant de finir par se lever pour quitter mon bureau.

-  Suivez-moi ma chère, je vais vous présenter votre cabinet.  

L’invitant à me suivre, j’adresse quelques mots à Miranda avant de retrouver le couloir de l’aîle ministérielle.

- Vous êtes l’étage au-dessus de celui-ci. Votre prédécesseur aimait avoir une vue dégagée des environs. J’avoue que la vue de votre bureau est magnifique, l’orientation est différente qu’ici, vous êtes à l'opposé mais vous gagnez au change.    

On prend alors le premier escalier à gauche pour retrouver le niveau supérieur. Plus lumineux, les tableaux sur les murs étaient différents de mon étage. Beaucoup de symboles de Lucy étaient présents ainsi que quelques décrets de la dynastie Renmyrth. Le cabinet était au fond avec les armoiries du ministère de la Justice. Le cabinet était un peu plus grand que le mien car elle pouvait recevoir plusieurs juges en même temps que quand elle fait appel à d’autres conseillers pour cette affaire de justice délicate. Elle avait aussi des greffiers à disposition et une classification de ses affaires impressionnantes pour tout ce qui concerne les jurisprudences. Etre ministre de la Justice demande beaucoup d’organisation et n’est pas donné à tout le monde.

-  Allez, entrée la première. C’est chez vous de toute façon non ?  

Je la laisse passer devant pour qu’elle voit ses nouveaux quartiers.

Les deux assistants nous attendent au garde à vous quand on entre. Ce matin encore, j’avais fait un petit tour dans le cabinet pour voir si tout était prêt. On s’était assuré de respecter au maximum les recommandations de Cassandra. Il faut dire que la Reine veut à tout prix que ses collaborateurs se sentent le mieux possible. Gustave prit le devant, il a toujours été sérieux même avec Nyx. Très prometteur, il finira par gagner quelques galons encore, peut-être il pourra devenir juge mais sa beauté était un fait avéré. Plusieurs fois, Nyx m’a raconté l’avoir taquiner pour pouvoir observer son magnifique fessier mais de manière subtile ne voulant pas se faire attraper dirons nous. Au travail, c’était une femme sérieuse, ne commetait aucun impair mais dans la sphère privée… c’était tout l’inverse. Sa langue se déliait. C’est pour ça, je me méfiais des personnes trop sérieuses, trop réservées, on ne sait jamais comment elles étaient réellement. Est-ce que Cassandra avait un secret ? Rangeait-elle aussi ses chaussettes par couleur et saisons  ou c’était complètement l’inverse ? Quoi qu’il en soit, la classification des dossiers ne plaisait guère. Je m’imagine alors mon exe-amante alors lui dire que sa façon de faire était bien meilleure. Revenir ici me fait plus mal que je ne le pensais. Ça ne serait plus la femme aux cheveux roses qui m’attendrait ici dans ce grand bureau, plus cette femme que j’ai désirée, un peu aimer. Elle était un peu ma source de réconfort après un long dossier. Un baiser volé à la dérobée, un câlin, une petite discussion anodine. Voir ce siège vide me laissait espérer que ce n’était pas vrai, qu’elle n’était pas partie mais maintenant que Cassandra prend sa place, la page est définitivement tournée. Enfin tout ceci était de ma faute non ? J’ai fais un choix, j’ai préféré Jin, un avenir incertain, difficile, voué à rien certainement mais j’ai suivi mon coeur… On verra où ça nous mène.

Pendant que la garde des sceaux discute avec son assistant, je prends la peine de regarder sa bibliothèque. Plein de livres de théologie, bien différent des écrits policiers ou érotiques de sa prédécesseur. Même si elle écrivait sous un nom de plume, beaucoup de ses ouvrages étaient connus. Preuve qu’il faut se méfier des gens sérieux… J’attrape un volume important, des écrits d’Angie Harmon, une femme qui a essayé de détailler l’ensemble des cultes sur notre royaume.

-  Je connais bien cet ouvrage. Mon précepteur me l’a fait lire de nombreuses fois et m’a demandé de nombreuses interprétations. Je pense que mon livre est rempli de notes en tout genre.  Je n’ai jamais réussi à avoir un entretien avec elle mais je ne désespère pas.  

Dame Harmon était une chercheuse contemporaine, la cinquantaine passée mais toujours en service pour élucider de nouveau mystère. Je sais qu’elle travaille beaucoup sur la rivalité entre le culte de Lucy et celui d’Helmex. Cette rivalité était même présente sur le terrain, les fidèles d’Helmex commettant de nombreux méfaits ou autres actes barbares.

-  Bien entendu, si un jour j’ai un entretien avec elle, je vous préviendrai.  

Dis-je spontanément avant qu’elle me pose la question.

- Peut-être, si vous le souhaitez, nous pourrons prendre le temps sur des hypothèses théologiques autour d’un bon thé.    

Pour certains, ce n’était pas un sujet passionnant mais mon ancien poste était Ministre de la Culture et même lors de ma formation, je me suis spécialisée dans l’histoire du royaume, la religion en fait partie…

- Mais je pense qu’au début, vous avez beaucoup à faire. Par exemple, vous appropriez les lieux. Ne vous inquiétez pas, je ne vous embêterai pas dès demain sur des dossiers…. Peut-être dans deux jours.    

Dis-je en plaisantant pour détendre l’atmosphère. Je n’étais pas que sérieuse, je savais rire au travail, c’était rare mais pas impossible.

- Plus sérieusement, prenez votre temps mais je dois vous amener dans la grande salle au rez-de-chaussée pour vous présenter le reste de votre service.    

On ressort de son bureau, Yves et Gustave toujours en alerte, nous suit du regard.

- Messieurs, pouvez-vous nous accompagner. Réunion de service !    

Il était rare qu’on laisse le cabinet vide mais c’était un jour exceptionnel. On descend les différents niveaux pour rejoindre une grande salle de réception. Une cinquantaine de personnes étaient déjà là. Il nous restait quelques minutes avant de commencer. Les deux secrétaires filent rejoindre des collègues. Il avait dans la salle magistrats, juges, quelques représentants de la Garde et de la commission en invité. La Reine devrait apparaître également, peut-être à la fin de la réunion, ne voulant certainement pas voler la vedette à Dame Heydell. Maintenant rien que toutes les deux, proche de l’estrade. Je lui glisse quelques mots.

- Prête pour cette première grande réunion ? Je vous laisse faire et bienvenue au Ministère !    

Dame Heydell était définitivement le bon choix. Son discours d’investigation était clair et elle était bien sûr d’elle. J’ai l’impression de voir la ténacité de Queen Milan, la jeune trésorière royale qui est un vrai démon avec les chiffres. Rien ne peut lui échapper et lui demander l’argent de la Couronne est un périple que plusieurs se sont cassés les dents. Par ces mots, Cassandra confirme qu’elle veut mettre fin à certains passe-droit qui règnent encore au Palais. Même si le copinage devient de moins en moins flagrant, il est toujours aussi présent. Choisir une ministre qui n’a aucun lien avec certains était un choix primordial pour ses Majestés. D'ailleurs, Allys était dans un coin, un léger sourire aux lèvres. Elle était fière de cette nouvelle candidate et espérait que cette fois-ci, elle restera longtemps sur son siège. Avoir une équipe qui change trop souvent nous fait perdre notre temps et aussi notre motivation. Les collaborateurs doivent s’adapter et les affaires n’avancent pas.

La nouvelle promue me jette un regard dans un direction, j’affiche un discret sourire et la voilà repartie dans les paroles que j’écoute avec délice. Elle n’avait rien à voir avec Nyx. Plus déterminée, plus réfléchie, on peut comprendre son intransigeance par son regard. A la fin de ses mots, les collaborateurs sont conquis, applaudissent leur nouvelle responsable. J’ai un peu de peine pour eux car avec le peu que j’ai vu, elle compte refaire tout l’archivage de nos dossiers et ça… Les plus anciens vont hurler au scandale. Ce sera le premier chantier important de Cassandra et lui souhaite bien du courage. Je finis donc par la rejoindre sur l’estrade. La main derrière son dos pour la remercier de son discours, je finis par prendre sa place.

- Encore toutes mes félicitations à la nouvelle Ministre ! Que Lucy veille sur elle et notre Royaume !  

J'applaudissais encore quelques secondes avant d’apposer mes mains sur le pupitre.

- Comme vous avez pu l’entendre, Dame Heydell compte donner une nouvelle vie à ce ministère. Je sais que ça sera difficile mais toute votre compétence et votre savoir-faire pourront nous permettre de faire cette passation de manière sereine. Bien entendu, la Couronne fera tout pour vous aider Dame Heydell mais aussi vous chers collaborateurs.  

Un rapide coup d’oeil à Allys et elle me confirme mes dires. Bon nous avons préparé ce petit discours toutes les deux et cette fois-ci je m’occupais un peu de cette nouvelle arrivée. Ca me permettait de tourner une page sur une ancienne vie, une ancienne amante et d’amorcer de nouvelles perspectives.

- Depuis le règne de la Reine Allys et du roi consort Grimvor, nous souhaitons rétablir un climat serein dans notre si beau royaume. Encore aujourd’hui de nombreux mystères persistent sur notre territoire. Nous ne pouvons pas lutter contre certaines magies mais contre l’homme oui. Nous devons faire cesser les conflits d’intérêts, l’extorsion, milices ou autres groupuscules qui veulent prendre le pouvoir ou défendent une cause irraisonnable !  

Plusieurs rapports de la garde montrent des signes de sectes qui sévissent dans les montagnes. Des mages noirs et autres enchanteurs se prennent pour des sorciers même à la Capitale, de nombreux trafics existent.

- C’est pourquoi, il faut qu’on soit juste, irréprochable pour que nos ennemis ne se retournent pas contre nous. Nous devons être unis et forts !  

Car une pierre bancale et l'édifice tombe.

- Donc mettons les bouchés doubles et pour vous motiver, profitons de ce petit banquet avant de retourner au travail.  

Je quitte alors le pupitre, laissant au personnel de faire ce qu’il souhaite. Je pars à l’encontre de Cassandra pour la féliciter en personne avant qu’elle se fasse accaparer par tout le monde.

- Merveilleux discours, on dirait que vous étiez faites pour ça depuis des années.  

Un serveur nous arrive avec un plateau. Ils présentent des boissons, je prends une flûte et la donne à ma nouvelle collègue avant de trinquer à sa réussite.

- Félicitation à vous et que ce poste vous plaise !  

Allys avait fini par arriver et je pus constater qu’elle était élégante comme toujours. Je voyais qu’elle était un peu chagrinée de ne pas avoir réussi à arriver plus tôt mais connaissant son emploi du temps, la réunion n’a pas été facile. Je l’imagine très bien, impatiente, voulant mettre fin à son calvaire mais de nature calme, elle aurait dû user de divers stratagèmes pour arriver à s’extirper.  

Après ces discours plein d’émotions, nous finissons par trinquer à nouvelle collaboration quand sa Majesté décide de nous rejoindre. Aussitôt, Cassandra remarque cette arrivée majestueuse. Ayant l’habitude de travailler avec la Régente, son incroyable aura me fait moins d’effet mais parler avec ses majestés étaient toujours un privilège immense pour le commun des mortels. Nous finissons par trinquer quand un juge vient nous rejoindre un présent à Dame Heydell. Je connaissais son nom mais pas plus. Il était dur de connaître tout le personnel du palais individuellement mais ce Dominique était le beau-frère de ma nouvelle collègue, donc il était plus facile de mettre une histoire à cette personne.

Curieuses, nous jetons un coup d'œil aux cadeaux. Cette plume était d’une finesse sans nom et je fus amusée de voir cet attrape-rêve aux couleurs de notre Royaume. L’artisan a dû prendre un plaisir à faire cet objet, la précision des armoiries était délicate et juste. Faudrait que je lui demande le nom de l’artiste pour lui passer quelques commandes. Nous attendons que l’homme finisse par disparaître pour ne rester que toutes les trois. Une question reste au bout de nos lèvres. Pourquoi elle dormait mal ? D’un accord silencieux avec Allys, je décide de l’interroger. Peut-être sera-t-elle moins intimidée avec moi qu’avec la Régente.

- Cette plume est magnifique mais j’avoue que cet attrape-rêve m’intrigue. Puis-je vous poser une question personnelle ?  

J’affiche une mine sincère, ne la forçant pas à me répondre si elle le souhaitait et attendit son accord pour continuer mon envolée.

- Pourquoi avez-vous besoin de cet objet ? J’ai entendu mauvais esprit, avez-vous un quelconque problème, j’ai peut-être des connaissances qui peuvent vous aider. Enfin si vous le souhaitez bien sûr…  

Je prends alors le temps de déguster ma flûte, laissant le choix à Allys de continuer notre petit interrogatoire. Elle a toujours le don de rassurer les gens avec de simples paroles…

Lorsqu’elle évoque ses sois-disants mauvais rêves, je m’égare à penser aux miens. On ne peut pas appeler ça cauchemars, mauvais rêves ou autres. C’était tout autre, ça me permettait de m’évader dans une autre dimension aux bras de la Reine ici présente. J’ai l’impression que depuis j’ai pris cette fameuse pastille pour m’aider à m’endormir lors d’un soir difficile, que mon esprit me joue des tours. Fort heureusement, je n’ai pas besoin de parler de ce genre de choses avec la première concernée mais cela me ronge quelques fois mais à qui je pourrai parler de ça ? Mon amant ? Ca serait totalement risible surtout que ce n’était que des rêves subjectifs, des moments d’égarement dans une relation fantasmée depuis de nombreuses années..  Mais je me rappelle encore des nuits terribles que passaient ses majestés lors de la disparition du prince puis ensuite de la princesse. N’importe quel parent serait fou de savoir ses enfants dehors, sans aucune sécurité. C’était une période difficile pour notre Reine mais maintenant que ses deux enfants sont sous le dôme du Palais, son sourire est devenu resplendissant comme toujours.

J’aurai voulu poser une main réconfortante sur l’épaule de ma collègue. Lui montrer que nous pouvons l’aider à notre manière surtout pour ce nouveau travail qui va l’accaparer de nombreuses heures, nuits et j’en pense. Elle s’écroulera certainement de fatigue car elle souhaitera bien faire. Nous sommes tous passés par là, moi la première mais maintenant je fais attention. Réfléchir l’esprit fatigué ne menait à strictement rien…

- Je vous donnerai des adresses alors si vous le souhaitez. Passez à mon bureau quand vous le souhaitez, ça sera toujours un plaisir.    

Dis-je dans toute la sollicitude qui me caractérise. D’ailleurs ses deux assistants finissent par arriver. Gustave était charmant et mignon, Nyx s’amusait à le taquiner quelques fois et j’avoue que le pauvre a dû en baver. D’un commun accord, on décide de la laisser avec ses collaborateurs pour qu’elle puisse profiter de cette petite cérémonie pour son investiture. Je prends tout de même le temps de la saluer.

- Dame Heydell, Messieurs. Nous vous laissons dans vos occupations. Profitez bien de cette matinée de libre, ce n’est pas tous les jours !  

Une petite plaisanterie avant de faire un dernier signe de tête avant de retrouver l’aîle ministérielle. Nous étions maintenant qu’Allys et moi, à l’abri d’oreilles indiscrètes.

- J’ai l’impression que nous avons fait un bon choix pour Dame Heydell. Elle a l’air très motivée, c’est quelqu’un de bien.  

Non pas que la précédente ministre était tout l’inverse. On ne retira jamais que Nyx était quelqu’un d’intégre, sérieuse et passionnée par son travail. Encore aujourd’hui, je me demande comment elle a pu choisir de partir loin d’ici, loin de cette passion de la justice. C’est ainsi que j’ai compris la portée de ses sentiments et à chaque fois que je passe devant son bureau ou son siège vide lors des conseils de ministres, je me rends compte de mon erreur. C’était quelque chose que j’allais devoir porter toute ma vie.

-  Et si nous en profitons pour prendre une petite pause. Tout le monde est dans la salle, nous serons tranquilles et personne pour nous déranger !  

J’affiche mon plus grand sourire. Il était facile de motiver la Reine pour un petit thé improvisé. Quoi qu’il en soit, j’attends avec impatience notre prochaine réunion des ministres, je pense que certains vont essayer de se la mettre dans la poche et jouer de nouvelles stratégies mais en politique… tout existe !