- Pose-le ici. Ordonna simplement Olenna sans même lever les yeux vers sa domestique aussi mutique qu’un fantôme.
Avec des mouvements mécaniques dignes d’un automate, la servante masquée prit la théière pour verser un peu de la boisson chaude dans une tasse de porcelaine décorée d’or. Le thé avait une couleur ocre et fumait légèrement, dégageant une fragrance fruitée qui arrivait à chatouiller les narines d’Olenna malgré la distance qui la séparait de la tasse. Sans quitter son croquis des yeux, elle attrapa la tasse avec deux de ses doigts fins pour en boire une gorgée, des arômes de rose, d’épices exotiques et de fraise des bois envahirent son palais délicat. Le thé n’était pas spécialement conseillé le soir afin de passer une bonne nuit, mais la lady était bien partie pour ne pas dormir du tout. Elle avait l’habitude de passer des nuits blanches pour travailler jusqu’à l’aube ; elle préférait dans ce cas-là s’adonner à des sessions de sieste après un bon bain de lait tiède. Les yeux rivés sur un croquis de tenue de nuit rouge carmin en satin et gaze de soie, elle ne portait pas vraiment attention à sa domestique, toujours présente à ses côtés. Plutôt que de repartir, cette dernière se tenait curieusement au milieu de la pièce, fixant un coin comme si elle attendait quelque chose.
- Qu’as-tu remarqué ? Fit nonchalamment la noble, remarquant la servante après plusieurs secondes.
Olenna regardait la domestique en plissant les yeux. On ne pouvait entendre que le bruit du balancier de l’horloge, au fond du bureau ainsi que le tic-tac inlassable des aiguilles. Quelque chose ne tournait pas rond. La noble n’arrivait pas à attendre quoi que ce soit, mais il était clair que la domestique pouvait percevoir quelque chose. Positionnée ainsi, la servante masquée avait l’air menaçant d’un prédateur entendant une proie, n’attendant qu’un signe pour fondre et lui briser les os du cou. Une vingtaine de secondes dans le silence avait déjà eu raison de la patience d’Olenna qui, d’un geste agacé, reposa son papier avec les autres croquis.
- Alors ? Rien ? S’exclama-t-elle sans que la servante ne bouge. Si tu…
Olenna venait subitement de s’arrêter. Un bruit rauque venait de se faire entendre en provenance du rez-de-chaussée, comme une chaise qu’on bouscule malencontreusement. Un bruit un peu trop gros pour avoir été provoqué par une vulgaire souris. Les deux femmes n’étaient plus seules dans la demeure de Lady Belmont… Olenna soupira avant d’étirer un fin sourire sur son visage de marbre. Elle mit un peu d’ordre dans ses papiers qu’elle rangea dans un tiroir avant de se lever en faisant attention d’être silencieuse. D’un flegme des plus olympiens, elle s’adressa à nouveau à la servante :
- Tu avais vu juste, nous avons un nuisible. Allons l’accueillir comme il se doit, et lui montrer ce qui arrive quand la mouche atterrit volontairement dans la toile de l’araignée.
Semblant glisser sur le sol, la servante masquée disparut la première dans les ténèbres du couloir.
Inaros
Inaros soupira. Il portait une combinaison intégralement blanche et un élégant ruban rouge qui lui permettait de garder en place ses longs cheveux blonds. Il n’osait même plus regarder ses chaussures, blanches avec des rayures rouges à l’arrière. Qu’est-ce qu’Ivara n’avait pas compris dans le mot “discrétion” ? Il lui avait seulement demandé de lui préparer une tenue (c’est-à-dire de ne pas se mettre en robe de chambre) pour quand il se réveillerait, pas de lui confectionner une nouvelle tenue ! Il aurait bien deux mots à lui dire. Plus tard. Quand son objectif du jour serait accompli. De toute façon, le temps lui était compté et il n’avait pas le temps de se changer. Il avait au moins pu enfiler son habituel masque qui recouvrait le bas de son visage et la capuche blanche se contentait de dissimuler une partie de son regard. Lui, il pouvait tout voir. Ses lunettes de jour sur le nez, il s’enfonça dans l’obscurité.
Son projet pour cette nuit était de s’introduire dans une demeure aristocratique. C’était un défi personnel qu’il s’était fixé. Il ne comptait pas faire du mal à quelqu’un, ni tuer qui que ce soit. Non, la violence ne serait pas nécessaire cette nuit. Il voulait juste s’enrichir sur le dos de ces nobles qu’il avait tendance à ne pas apprécier. Ils étaient tous faits de la même façon et ils avaient tous tendances à ne penser qu’à eux-mêmes. Sa défunte mère n’aurait pas pu prouver le contraire.
Après une longue marche dans les ruelles labyrinthiques de la Capitale, il arriva finalement devant sa cible : la maison de la couturière royale. Rien que ça. Ce n’était pas encore le Palais qu’il visait, mais il pouvait au moins s’en approcher en s’introduisant dans cette bâtisse. Elle respirait la noblesse. Le jardin semblait très bien entretenu et les murs imposants ne dissuadèrent pourtant pas le mercenaire de les escalader avec précaution. Il s’agissait d’arriver à la fenêtre de l’étage, sa porte d’entrée. Une fois devant, il extirpa de sa poche une petite lame de verre qu’il avait pris soin de créer avant d’arriver. Extrêmement solide et résistant, ce n’était pas le même verre que la fenêtre. Sans difficulté, il réussit à découper un disque dans la fenêtre qu’il récupéra pour le ranger dans sa besace sans fond, passa le bras au travers ce trou créé et ouvrit la fenêtre. Comme une ombre, il se glissa à l’intérieur de la maison. D’ailleurs, pour éviter de prévenir de sa présence, il déposa un peu de sable (qu’il transportait tout le temps sur lui) dans la paume de sa main et recréa le verre brisé de la fenêtre pour la réparer.
Il était rentré. Il restait maintenant à s'infiltrer dans l’une des pièces où il espérait bien trouver de grandes richesses : le bureau ou la chambre de la couturière.
En faisant ses repérages, deux jours auparavant, il avait déterminé le trajet qu’il devait emprunter pour arriver où il voulait et il avait aussi repéré deux silhouettes dans la maison. Il restait donc sur ses gardes, la couturière ne vivait pas seule. Ils étaient peut-être encore plus. Il devait faire très attention. Au bout d’une dizaine de minutes, il s’aperçut qu’il n’y avait personne d’autres que la couturière et une autre femme. Bien, cela lui faciliterait la tâche. Il devait absolument en maîtriser une dans une pièce et une autre là où il comptait voler, de préférence la couturière pour pouvoir l’interroger et la faire parler sur les richesses de sa maison.
Il décida donc de les attirer avec un bruit sourd. Lorsque ce fut chose faite, il put voir les deux femmes arriver vers lui. Ce n’était pas la couturière qui était devant, Inaros le devinait à la posture. Il utilisa alors un second bruit - produit par les fils de verre qu’il avait relié à un objet - pour attirer la servante et qu’elle se presse en premier lieu dans la pièce où il se tenait. Il avait failli ne pas la voir venir et la louper. Elle était silencieuse. Diaboliquement très silencieuse. Un coup porté derrière la nuque, à la hâte qu’il loupa presque, et il profita de sa neutralisation pour l’attacher avec la corde qu’il avait prévu dans son sac sans fond.
Mais elle n’était pas seule. Il y avait également l’autre femme qui, un peu en retrait au moment des faits, était maintenant à portée du mercenaire. Relevant la tête vers elle, il attrapa la lame de verre qu’il avait créé et la lança vers elle. Le bruit de la lame s’enfonçant dans le mur juste derrière dissuada la couturière de faire un pas de plus.
“Conduis-moi à ton bureau.”
Un ordre accompagné des poignets de la femme qu’il attrapa pour les plaquer contre son dos et les attacher à son tour. De sa main libre - et il avait aussi récupéré la lame dans le mur - il enfonça la pointe entre les côtes de la couturière.
Une fois arrivés dans le bureau, il la somma de s’asseoir sur une chaise et de lui indiquer où se trouvait les objets de valeur. Il barriqua la porte, s'attendant à tout moment à ce que l'autre femme puisse se réveiller et se libérer. Il n'était jamais trop prudent. Il commença ensuite à ouvrir tous les tiroirs pour en dénicher quelques uns.
“C’est tout ce que t’as à dire ?” lâcha-t-il brusquement, sachant très bien qu’elle ne lui disait pas tout.
Conservant son calme, Olenna restait assise là où l’avait lâché son assaillant, croisant les jambes comme si de rien était. Dans des situations délicates, elle l’avait déjà été. Être menacée par un homme se voulant intimidant, elle l’avait déjà été aussi. Des curieux, des insistants, des mauvais séducteurs ou des harceleurs, elle en avait croisé moult quand elle se produisait sur scène à l’opéra. Elle en croisait parfois dans son quotidien d’impératrice de la mode, mais ces derniers sont bien trop effrayés en raison de son statut pour oser l’effleurer. Mais cette nuit-là, un imprudent avait osé le faire. Et le voilà que l’intéressé farfouillait dans son bureau à la recherche de quelques richesses pour agrandir son maigre pécule. Alors que l’inconnu jetait plusieurs dossiers et parchemins en l’air, ruinant le rangement impeccable des diverses armoires, Olenna soupira bruyamment, marquant son mécontentement grandissant. Elle aurait sans doute dû être apeurée, mais elle était bien loin d’être comme ça. Le voleur ne s’en était toujours pas rendu compte. Il se retourna brusquement, la fixant après après avoir entendu son soupir.
- Vous pensez que je suis sans défense parce que je suis une riche nobliarde qui n’a jamais connu la rue comme vous, complètement à votre merci, n’est-ce pas ?
Il ne répondit rien. Peut-être en avait-il le temps mais Olenna s’empressa de reprendre, son ton se voulant de plus en plus glacial et autoritaire, loin du cynisme qu’elle avait au départ :
- Laissez-moi vous faire un topo sur l’ironie de la situation. Je suis parfaitement capable de me libérer de mes liens. Je suis parfaitement capable de vous tuer. Vous ne manquerez à personne, et je m’en sortirai les mains propres. Alors que vous, si vous touchez à un seul cheveu de ma tête… je ne donne pas cher de votre peau dans les cachots du donjon des prisonniers, ou par delà le mur. On raconte que la plupart sont complètement brisés après quelques jours d’emprisonnement, tous fous en devinant peu à peu quel destin les attend. C’est le vôtre, si vous persistez à emprunter le chemin que vous avez choisi.
Une tension électrique s’était imposée dans la pièce. L’homme avait cessé sa recherche compulsive et les vagues de parchemins qu’il balançait s’étaient tout autant arrêtées. Serrant le poing, il la fixait en respirant étrangement fort. Peut-être était-il essoufflé en raison du chaos qu’il avait lui-même provoqué dans le bureau ? La lady arrivait à le discerner, il fronçait les sourcils. Mais avec sa face masquée, elle ne pouvait pas voir si son expression désignait de la confusion ou de la colère. Sans doute les deux…
- On vous retrouvera. Avec un accoutrement comme le votre, ça m’étonne que toute la Garde ne vous soit pas déjà tombé dessus en arrivant. Quelqu’un vous verra forcément.
Olenna réprima un éclat de rire, préférant soupirer à nouveau en souriant. Le monde passait son temps à la sous-estimer, ce monte-en-l'air ne faisait pas exception à la règle. Elle devait lui montrer ce qu’il en coûtait de suivre le même chemin que les autres moutons ; et que, dans cette situation, c’était elle qui était le loup. Toutefois, la belle voulait savoir pourquoi cet homme était entré chez elle ce soir. Était-il un vulgaire malfrat avide de s’enrichir ou avait-il des motivations plus profondes qu’une pulsion cupide ?
- Dommage pour vous, je suis la grande couturière royale. Personne ne peut avoir une meilleure expertise que moi sur la question vestimentaire.
- Et donc ? Avait-il osé répondre, pour la première fois depuis qu’elle lui avait adressé la parole.
- Et donc, à en juger par votre tenue, il est clair que vous en êtes à votre premier vrai coup. Je refuse de croire que vous soyez stupide au point de choisir volontairement des vêtements aussi voyants. Qui êtes-vous ? Et que faites-vous ici ?
Un long silence s’installa, il ne répondit pas immédiatement. On ne pouvait entendre que le son de l’horloge et, à nouveau, la respiration du voleur. À la plus grande surprise de l’inconnu, elle se leva, les bras toujours liés, sans aucune peur dans son regard. Olenna reprit, cette fois avec une voix bien plus grave, bien plus forte, et bien plus menaçante :
- Je suis Lady Olenna Belmont, grande couturière royale et maîtresse de la Cour. Je réitère mes deux questions : Qui êtes-vous ? Et que faites-vous ici ?
Inaros
La situation n’entachait en rien la prestance de la demoiselle qui, sûrement avec une pointe de dédain dans le regard, fixait froidement l’intrus. Inaros ne se laissa pas décontenancer par les répliques de celle qui lui révéla son identité, bien qu’il la connaissait déjà. Il avait prévu ce coup de longue date, même si Ivara l’avait habillé comme un sapin de noël, bien visible dans l’obscurité. Il pourrait sans doute utiliser ce point à son avantage. Cette « riche nobliarde », qui avait très justement deviné comment Inaros la considérait, commençait déjà à l’agacer. Elle parlait trop et essayait de le pousser à commettre un faux pas.
“ J’sais pertinemment qui t’es, rétorqua-t-il en maintenant son regard glacial sur le faciès de la couturière royale. Et j’m’en fous bien d’tes titres. J’suis pas ici pour t’faire la causette. J’vais sûrement pas t’révéler qui j’suis. "
Elle lui rappelait sa défunte mère, Kathemia Lehnsherr. Une véritable peste qui avait bien mérité sa fin. Cette condescendance, ce regard de défi. Tout pour faire fulminer Inaros qui avait réussi à desserrer son poing pour s’approcher de la captive qui, contre toute attente, s’était levée. Il connaissait ce type de réaction. Il avait déjà assisté à ces hommes et ces femmes qui, pensant pouvoir le narguer et le braver, bombaient le torse devant lui ou essayaient de rester maître de leurs émotions. En général, une lame suffisait à faire comprendre que la moindre once de gentillesse n’était pas au programme avec le mercenaire. Il essaya de se débarrasser du lien qu’il avait fait dans sa tête entre Kathemia Lehnsherr et Olenna Belmont, tout en s’approchant de cette dernière. Il n’aurait pas été bon que sa rage l’emporte et qu’il réserve la même mort à cette noble. Il s’était fixé un objectif, il devait s’y tenir.
Se saisissant des poignets liés de la couturière, il la menaça en posant sa lame contre la gorge de la femme. Il l’obligeait à légèrement balancer sa tête en arrière, l’empêchant de voir s’il décidait d’abîmer sa chair délicate.
“ Par contre, toi, t’vas pas bouger tant qu’j’te l’ai pas dis. Tu vas t’asseoir ici et m’donner c’pourquoi j’suis là. J’vais pas t’faire d’cadeau. Tu penses m’faire peur avec tes histoires d’prison ?
- Cessez de vous permettre de telles familiarités avec moi. Je vous ai déjà prévenu quant à ce qui pourrait vous arriver si vous persister dans cette voie. Une lame ne changera rien…
- Une lame qui va finir par tâcher c’vêtements auxquels tu dois bien t’nir au vu d’tes remarques sur mon physique. Ils auraient dû t’mettre sur la voie qu’je suis si loin d’être un amateur qu’j’ai l’luxe d’me balader ainsi, sans craindre t’garde. Maintenant… ”
Il força Olenna à se rasseoir, maintenant la lame contre sa peau. Il la surplombait, mais elle restait de marbre face à tout ce qu’il disait et faisait. Elle était soit totalement inconsciente, stupide ou très sûre de son pouvoir, qu’il soit magique ou sa position. Inaros restait méfiant. Il ne comptait pas lui faire de mal, mais bien accomplir ce qu’il avait en tête. Il lui sembla même apercevoir un sourire se dessiner sur le visage de la noble. Les sourcils froncés, il réfléchit pendant quelques instants au comportement qu’il devait affronter. Pour sûr, ce n’était pas commun. Il était habitué à ce que ça se termine en pleurnichardes ou dans un bain de sang, suite à une provocation des deux côtés. La couturière royale, impassible, avait posé ses avant-bras sur les accoudoirs du siège. Elle n’avait rien répliqué pour l’instant. Peut-être réfléchissait-elle au meilleur moyen de mettre ses menaces à exécution.
“ Et bien, vous ne parlez plus ? Je vous ai pourtant posé deux questions. Que vous décidiez de ne pas répondre à la première se comprend, mais que vous ne... “
Il enfonça légèrement la lame du couteau dans l’épiderme de celle qui parlait trop à son goût et qui semblait bien trop sereine à son goût. La vue du sang et la douleur ressentit la fit taire. Pour combien de temps, il l’ignorait, mais il n’allait pas la laisser le provoquer davantage.
“ Comme dit, j’suis pas un enfant d’chœur. J’suis sûr’ment pas l’voleur qu’tu t’imagines et qu’tu tentes d’tourner en dérision. J’suis ici dans un objectif bien plus grand qui t’dépasse, j’en suis sûr, avec tes préoccupations d’cour. T’es couturière royal. J’veux pas qu’tes bijoux et un peu d’cristaux. J’veux plus. Bien plus. Et j’compte bien trouver c’qui est introuvable.
- Comment ça ? Riposta Olenna, qui avait l’air d’être moins provocante et un peu plus intéressée.
- Reste avec tes préoccupations d’cour, balança Inaros.
- Mes préoccupations sont toutes autres. Je suis bien plus séduite par ce à quoi vous avez l’audace de prétendre. “
Il s’apprêtait à être bien moins sympathique qu’au début. Il avait senti l’intérêt notable de la noble dans le ton de sa voix, mais il n’aurait su dire ce qui avait ainsi piqué sa curiosité. Il devait garder son objectif en tête : trouver des fonds pour financer ce qu’il avait en tête depuis des semaines désormais. Il savait que la couturière royale n’était pas sur la paille et qu’elle devait sûrement dissimuler des lingots de cristaux sous son lit. Maintenant qu’il avait fait un raffut pareil, il se demandait bien comment il pourrait la convaincre de se taire. Encore une fois, il ne voulait pas en arriver à la tuer. Jamais il n’aurait pu imaginer que lui et Olenna Belmont, couturière royale et maîtresse de la cour puissent avoir un même centre d’intérêt et des ambitions qui pouvaient se rejoindre. Abaissant sa lame mais gardant bien à l'œil les faits et gestes de sa captive, il lui demanda ce qu’elle entendait par là.
- Quoi que vous pensiez, mes “préoccupations de cour”, comme vous les appelez, sont ce qu’il y a de plus important dans ce royaume.
- Ça, j’en doute… Rétorqua-t-il en articulant à peine.
- Elles ne sont pas importantes parce que ce sont les miennes, continua Olenna comme s’il n’avait pas répondu. Elles sont importantes parce que ce sont les préoccupations d’individus comme moi qui sculptent le destin politique d’Aryon. Vous voulez jouer à ce jeu là ? Alors il va falloir commencer par en apprendre les règles.
L’intrus recommençait à respirer bruyamment, marquant son agacement. Les choses n’avaient pas l’air d’avancer aussi vite qu’il le voulait. Olenna devinait à sa réaction qu’elle devait aller droit au but et ne pas essayer de lui enseigner quoi que ce soit. Par mesure de sécurité, la lady matérialisa un petit morceau de confiserie, suffisamment acéré et commença à entamer les liens qui entravaient ses mains. Au cas où le voleur se décidait à redevenir brutal, il fallait qu’elle ait les mains libres pour déchaîner son pouvoir sur lui et se défendre. Elle décida de reprendre et d’être plus directe, il fallait que ce type continue d’entrer dans le jeu. Elle était sûre de pouvoir en tirer quelque chose de bon.
- Vous prétendez ne pas être un voleur et avoir des motivations plus grandes que l’on peut imaginer…
- C’est la vérité. Coupa l’autre avec fermeté.
- Admettons, reprit Olenna d’une voix toujours forte et autoritaire. Vous prenez vos objets de valeur et en tirez de l’argent, et ensuite ? Vous devrez dépenser le double en corruption pour obtenir les clés des serrures que vous voulez forcer. Vous comptez nager dans des eaux troubles sur une simple barque. Vous n’arriverez à rien sans un navire convenable.
- Et t’es le navire j’suppose ?
- Ce qui importe dans ce jeu, c’est le pouvoir et l’influence. Je suis la couturière royale, j’impose la tendance et la mode à la cour royale. Vous n’avez pas idée du nombre de nobles et dignitaires qui gravitent autour de moi comme des mouches autour de miel. Je donne le La pour tous ces nobles qui veulent plaire aux yeux de la famille royale, et je tisse ma toile.
- Bravo, t’as un réseau. C’est sensé m’impressionner ?
- Vous impressionner, non. Vous être utile, oui. Vous voulez ne pas passer pour un voleur, commencez par ne pas vous introduire chez moi ni me menacer vulgairement. Ensuite, vous voulez accomplir votre ô combien grand objectif, alors il vous faudra mettre de l’eau dans votre vin et être un tantinet stratégique pour obtenir l’influence que vous voulez tant. Et cette stratégie passe par des alliances avec des gens comme moi.
- Et d’après toi, pourquoi t’crois que j’veux du fric ? C’est suffisant pour avoir d’l’influence.
- Si vous achetez votre influence, alors vous devrez continuellement déverser de l’argent pour la conserver. Si vous menacez pour votre influence, vous devrez constamment marcher dos au mur pour éviter les poignards…
Olenna soupira, un léger silence s’installa dans la pièce. Elle avait suffisamment rogné sur sa corde pour pouvoir la rompre d’un simple mouvement. Ceci fait, la couturière fit disparaître sa lame de fortune pour ne pas éveiller plus de soupçons. Elle reprit promptement :
- Je me répète : que voulez-vous ? Vous avez manifestement l’avantage, quel risque avez-vous à prendre à me le révéler si, de toute façon, vous comptez me tuer ? Vous n’avez pas meilleure garantie qu’aucun secret que vous me confierez pourront quitter cette pièce. Qui sait, peut-être que ceci aboutira à quelque chose… d’intéressant.
Et, le plus curieusement du monde, Olenna dessina sur son visage un énigmatique sourire.
Inaros
Il avait repéré un petit mouvement dans le dos de la noble mais avait décidé de ne pas y prêter plus d’attention. Il restait simplement sur ses gardes. Qui sait quel pouvoir elle possédait ? Gardant ces pensées dans un coin de son esprit, il soupira à son tour. Cette couturière royale n’avait de cesse de l’agacer au plus haut point. Dès qu’elle ouvrait la bouche, ses mots aussi tranchants que son verre l'agaçaient. Ce sourire suffisant n’arrangeait rien.
Pourtant, la tournure que prenait la conversation devenait sérieusement intéressante. Il s’était introduit ici pour voler. C’était indéniable, il suffisait de regarder les tiroirs renversés ou encore les plaids, couvertures et autres bouts de tissus qui recouvraient les nombreux papiers de la couturière par terre. Mais s’il pouvait obtenir davantage, comme des informations ou une potentielle alliance, il n’allait pas se faire prier. Il allait seulement agir avec circonspection.
“ - T’comptes vraiment m’être utile ?
- Nul ne le saura si vous persistez à vous entêter.”
Dans les yeux du mercenaire, l’hésitation. D’un côté, il avait trouvé quelques richesses disséminées ici et là dans le bureau de la couturière mais rien d’assez probant pour son projet. De l’autre, Olenna Belmont avait l’air d’envisager très sérieusement d’établir une alliance.
“ - C’quoi qui m’garantie qu’tu vas pas m’enfler et m’la mettre à l’envers ?”
La couturière accompagna son rictus d’une flopée de paroles pour lui prouver les intérêts dont ils bénéficieraient tous les deux si le mercenaire en révélait davantage. L’hésitation commençait à s’estomper dans les yeux d’Inaros. Petit à petit, la couturière royale révélait, sans jamais le dire ouvertement, qu’elle manigançait pour étendre son influence et récupérer du pouvoir. Quelque chose d’autre pouvait aussi la motiver, Inaros n’était pas dupe et de nombreux mystères planaient encore, autant pour l’un que pour l’autre.
Olenna Belmont tissait sa toile avec prudence. Inaros, lui, n’avait pas fait dans la dentelle en débarquant ici. Mais ce qu’il avait en tête, il le prévoyait avec sagesse depuis de longues semaines. Le révéler lui coûtait beaucoup et il prit encore quelques minutes de réflexion avant de se lancer.
“ - J’comptais pas t’tuer si c’tait pas nécessaire. Si jamais j’me rends compte qu’tes belles paroles n’valent rien, j’me gênerai pas. J’ai b’soin d’argent pour racheter une société, commença-t-il à expliquer avec prudence. Une société d’transport qui m’permettrait d’faire passer certaines marchandises dans tout l’royaume. Et récupérer certaines informations utiles pour mener des… Recherches.
- Des recherches ? Le questionna derechef Olenna.
- Oui, des r’cherches, confirma Inaros en décelant une étincelle d’intérêt dans le regard de son interlocutrice. Sur certaines choses qu’on peut trouver dans l’royaume. Et dont j’ai b’soin. Pas nécessaire qu’tu saches c’que c’est. Mais j’pourrais sûrement trouver des choses qui pourraient t’donner encore plus d’influence sur c’te noblesse si j’veux.”
Inaros était assez frileux sur ce qu’il pouvait raconter ou non à Olenna. Pour l’instant, ces informations lui semblaient suffisantes.
“ - Si t’penses que t’peux être utile pour moi, j’imagine qu’tu veux une contrepartie. C’serait donc ça. Pour l’reste, la récolte d’informations doit aussi pouvoir intéresser quelqu’un d’ton rang.”
Son arme toujours en main, il glissa avec précaution son index sur le tranchant pour essuyer les traces de sang de la couturière qui l’avait souillée. Il jaugeait l’attrait d’Olenna selon ce qu’il racontait. Elle paraissait sérieusement intéressée mais, concrètement, de quelle façon allait-elle pouvoir l’arranger ? Il était certain d’une chose, à la moindre suspicion il planterait cette lame dans le coeur de la noble.
“ - Alors ?”
- Quel genre de choses ? S’empressa de demander Olenna, la voix plus fébrile que précédemment.
- Je t’ai dit, c’pas nécessaire que tu saches. Des choses. Des choses précieuses. Des choses puissantes.
- Des choses volées ?
Olenna insistait, elle voulait savoir, elle voulait être sûre et certaine de ce par quoi cet homme était motivé. La lady faisait référence à ce qui la motivait, elle, à accomplir mille folies et atrocités et renverser ciel et terre dans tout le royaume : sa boîte à musique. Volée par le roi lui-même, du temps où elle était encore cantatrice, c’était cette boîte qui avait motivé Olenna à devenir la grande couturière royale dans l’unique but de se venger du souverain et retrouver son précieux bien. Bien évidemment, tout le monde l’ignorait. Mais ce cambrioleur venait d’embraser pour elle un nouvel espoir de retrouver son trésor. Face à elle, le cambrioleur paraissait interloqué par sa question :
- Qu’est-ce que ça peut t’faire ?
- Je me contrefiche de l’influence sur la noblesse, sot ! Je l’ai déjà ! S’emporta Olenna en haussant le ton, le regard plus alarmé encore. Si vous comptez financer des activités de traque d’objets via une société de transport, ça veut dire que vous opérerez sur l’ensemble du royaume !
Olenna avait l’air de tempêter. L’homme, surpris, serrait sa poigne sur le manche de son arme, n’appréciant guère de se faire crier dessus par son propre otage. La belle qui, quelques secondes auparavant, avait toute sa tempérance l’avait perdu en une fraction de secondes. La bouffée d’émotion qu’elle venait de recevoir avait ruiné sa contenance, atteignant un point qu’elle ne pensait pas fouler si vite, pas avec autant de chance ! Elle ne la laisserait pas passer, à aucun prix. Elle allait bel et bien se servir de lui pour retrouver sa boîte et resserrer l’étau de ses griffes autour du roi.
- Quelqu’un m’a volé une boîte à musique il y a très longtemps. Cet objet est plus important que n’importe quel artefact de ce monde ! Je veux la retrouver, quoi qu’il en coûte.
- Et qu’est-ce que tu veux que ça me…
- Voilà ce que je propose, coupa Olenna. Je finance votre rachat, mon appui sera non négligeable et personne ne soupçonnera quoi que ce soit. Je pourrai même faire venir d’autres nobles séduits. En contrepartie, vous m’aidez à retrouver cette boîte et me laissez une position suffisamment avantageuse. Je veux avoir des yeux partout, même à l’autre bout du pays, et surtout au sein de vos affaires.
L’homme, interdit, fixait la couturière. Un nouveau silence s’imposa, plus lourd que les précédents. Olenna, les yeux brûlants d’une ardeur infernale, afficha un sourire carnassier.
- Alors ? Qu’en dîtes-vous ?
Inaros
Le ton qu’elle employait ne lui plaisait pas, mais il passait outre car quelque chose de plus important semblait se jouer en cet instant.
Le silence qui s’était abattu dans la pièce était pesant mais essentiel. Inaros réfléchissait à toutes les conséquences d’un tel accord. C’était inespéré. Entré par effraction pour trouver quelques richesses à dérober pour financer son projet, il se retrouvait avec une proposition des plus intéressantes. Cela semblait trop beau pour être vrai. Se jouait-elle de lui ? Voulait-elle le faire marcher pour mieux l’attaquer par surprise ? Dans cette posture, elle semblait sans défense. Seuls ses mots étaient aussi tranchants et blessants qu’une arme.
Le mercenaire avait baissé sa garde, il fixait la couturière. Le regard inquisiteur, il se questionnait sur ses motivations. Certes, elle avait mentionné une boîte à musique mais n’était-ce pas là une façon de se moquer de lui ? Sa seule piste était la perte de son flegme en quelques secondes. Si elle était bonne comédienne, elle pouvait aisément se jouer de lui. Si elle ne l’était pas et bien… Inaros n’était pas le mieux placé pour juger des motifs d’Olenna dans une telle quête. N’était-il pas lui-même à la recherche d’un artefact qui lui permettrait de retrouver un corps physique et de se détacher d’Ivara ? Même dans ce monde, certains événements pouvaient paraître assez étranges.
“ - J’veux bien t’accorder l’bénéfice du doute sur c’que tu m’racontes.”
Joignant le geste à la parole, il s’approcha et contourna la chaise où était assise la noble afin de retirer ses liens. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’ils avaient été légèrement entamés et fragilisés. Les yeux écarquillés, il attrapa une nouvelle fois les poignets de son otage.
“- J’te conseille d’éviter l’moindre geste brusque. Comment t’as fais pour les couper ? T’as une arme cachée quel’qu’part ?
- Vous pensiez vraiment que j’allais rester sans rien faire alors que vous me menacez depuis le début de cette conversation ? Rétorqua Olenna, avec une pointe de sarcasme dans la voix. Son ton trahissait son impatience, elle voulait une réponse claire et concise à sa proposition.
- Je n’m’attendais pas à c’qu’une simple couturière soit capable d’défaire ses liens à cette vitesse.
- Je ne suis pas une simple couturière. J’exerce à la Cour et je suis capable d’avoir des informations sur tout ce qui s’y passe, sot !
- Appelle-moi encore une fois comme ça et j’te brise les poignets.”
Pour donner un peu plus de consistance à ses mots, il commença à exercer plus d’emprise sur les poignets de la femme. Au plus, elle ressentait une légère piqûre. Inaros était encore méfiant. Mais il ne doutait pas qu’une telle alliée pourrait lui être très utile. De son côté, la couturière devait fulminer mais l’homme n’y prêtait pas attention.
Il avait suffisamment réfléchi avec tous les éléments qu’il avait en sa possession.
“ - J’veux avoir autant d’oreilles sur c’qui s’trame que tu auras d’yeux sur tout l’royaume grâce à moi et mon affaire. Au moindre signe de trahison d’ta part, j’te tue. C’est compris ?”
Il était bien prêt à lui révéler les détails nécessaires à son affaire mais la noble devrait se plier à ses conditions. Relâchant ses poignets, il revint se placer face à elle et s’agenouilla à sa hauteur. Les yeux rivés dans les siens, il cherchait à déceler la moindre trace de mensonges. Pur bluff, il ne la connaissait pas suffisamment pour espérer le percer s’il y en avait.
“ - Enfin, heureusement pour toi j’ai l’moyen d’savoir si tu m’racontes des bobards ou pas”, ajouta-t-il en se redressant pour fouiller dans le petit sac sans fond qu’il avait dissimulé dans son accoutrement. Il en extirpa une petite boule qu’il plaça sous le nez d’Olenna.
“ - Un globe d’vérité. J’vais t’demander d’le toucher en répondant à ma question. Tes motivations sont-elles sincères ? Comptes-tu vraiment t’allier avec moi ?”
Une simple sécurité. En l’état, Inaros ne pouvait pas lui faire aveuglément confiance. Si elle répondait à ses questions et que la couleur du globe ne virait pas au rouge, alors il lui expliquerait ce qu’elle avait besoin de savoir sur le projet qu’il montait. La réponse du mercenaire serait oui et il aurait gagné bien plus que ce qu’il avait jamais imaginé depuis qu’il essayait de concrétiser le rêve le plus fou de son existence.
- Je ne vous aurais pas proposé une telle chose à la légère. Oui, je tiens à ce que cette alliance porte ses fruits, le plus sincèrement du monde.
Fixant le globe de vérité, les deux purent vite se rendre compte que la fumée ne changeait pas de couleur. Évidemment, Olenna n’avait pas menti. Brusquement, la porte s’ouvrit à la volée. La figure de la servante masquée apparut brusquement, son masque de chouette blanc comme de l’ivoire se dessinant dans les ténèbres. Comme d’ordinaire, elle ne produisit pas le moindre son, rendant incapable d’entendre sa venue. Après tout, elle était parfaitement incapable d’en produire… Elle s’apprêtait à fondre sur l’intrus qui, par réflexe, reprit le globe et dégaina une lame. Mais Olenna coupa court à toute rixe entre les deux :
- Non ! Ordonna-t-elle à sa servante.
Cette dernière ne se fit pas prier davantage. En un éclair, tel un automate répondant immédiatement aux ordres de son créateur, reprit une posture droite avant de se poster derrière sa maîtresse, au fond de la pièce. Olenna lui intima même de laisser tomber son arme, ce que la domestique accomplit sur le champ. La lady s’en retourna vers l’homme bougon qui, gardant son arme en main, tourna la tête vers elle.
- J’ai répondu à ta question. Mais j’en ai moi aussi, pour sceller notre accord.
- Hm… ça m’va. Fit-il simplement.
Il tendit à nouveau le globe, permettant à Olenna d’y reposer sa main. Cela ne servait pas vraiment étant donné qu’elle n’avait rien à répondre, mais le geste était plus solennel qu’autre chose.
- J’écoute.
- Je ne t’en poserai que deux. La première, en toute logique, est la même que la tienne : t’engages-tu à me conférer la position importante que j’exige au sein de ton organisation ? Ma seconde question est celle que je t’ai posé au début de notre conversation : qui es-tu ?
Inaros
Les épaules d’Inaros se détendirent en entendant les réponses d’Olenna. Le globe de vérité n’était pas devenu rouge, il ne devait pas avoir de réels doutes. Elle avait clairement énoncé qu’elle voulait que l’alliance entre la couturière royale et le mercenaire porte ses fruits. Elle ne semblait pas avoir d’arrière-pensées.
Il posa sa main libre sur la sphère, réfléchissant aux réponses qu’il allait fournir à son tour. Il devait être sincère sans trop en révéler, surtout sur son identité. L’entrevue qu’il avait eu avec Archibald Jefferson lui revint en mémoire. Il s’était présenté sous sa véritable identité, celle qu’il avait retrouvée quelques semaines auparavant, suite à un épisode traumatisant dans son propre esprit.
"- Pour ta première question, j’m’y engage." Un coup d'œil sur l’objet magique permit de confirmer qu’il ne mentait pas. "Pour ta deuxième question, j’m’appelle Niko. C’est l’diminutif. Pas b’soin que tu en saches plus. T’as aussi sûrement déjà d’viner mes activités."
Niko, diminutif de Nikolaos, le prénom qu’il avait eu à la naissance. Inaros était un pseudonyme, celui qu’il utilisait pour ses contrats. Un autre nom de code pour le projet qu’il comptait monter ne serait sûrement pas de trop. S’il comptait le mener aussi loin que possible, alors seules les personnes comme Olenna pourraient connaître son prénom. Plusieurs idées se bousculaient dans sa tête, mais il allait devoir attendre de rentrer chez lui pour pouvoir y réfléchir très sérieusement.
L’accord qu’il allait mener avec la noble allait donner un sacré coup de pouce à son affaire. Il n’avait plus qu’à tout mettre en place.
"- L’accord est scellé ?
- À mes yeux, oui. J’espère ne pas être déçue.
- Bien. J’te recontacterai d’ici quelques jours pour commencer à tout mettre en place."
Elle lui confirma d’un signe de tête qu’elle patientera jusqu’à cette date et, lorsqu’elle voulut lui indiquer un moyen pour qu’ils puissent se contacter en toute discrétion, Inaros l’interrompit d’un signe de la main.
"- Y’aura juste à lire c’que les rats t'rapporteront. Pas glamour pour tes tissus, j’suis désolé, mais j’ai rien d’plus efficace et confidentiel à proposer. Penses a r’garder ta f’nêtre."
Il tapota le globe avec son index, orné d’une bague. C’était une bague qui lui permettait de communiquer avec ces rongeurs particuliers, qu’il avait bien heureusement acquis quelques jours auparavant. Il avait eu l’occasion de la tester plusieurs fois et les résultats avaient été, très étonnement, bien plus qu’à la hauteur de ses espérances.
Olenna pouvait très bien voir le bijou ou non, le geste n’était pas destiné à être un quelconque sous-entendu.
Satisfait de ce qui venait de se passer, Inaros rangea son trésor et reprit la parole.
"- Bien, pas d’inconvénient à c’que j’ressorte par la porte d’entrée ? J’saurais me dissimuler pour n’pas attirer l’attention plus que nécessaire.
- Elle te raccompagnera."
Acquiesçant d’un signe de tête, Inaros attendit que la servante passe devant lui pour se diriger vers la sortie. Elle était dangereusement trop silencieuse. Inaros adressa un dernier regard entendu à la couturière royale.
Avant que l’aube ne pointe le bout de son nez, une ombre sortit de la maison et disparut rapidement.
Cette entrevue avait été porteuse d’espoirs et serait un tremplin considérable pour ce que le mercenaire voulait créer derrière la Compagnie Althair du bon vieux Jefferson. L’Ordre des Célentia. allait pouvoir voir le jour, plus grand et influent que prévu.