Diane, encore présentée sous les traits de Kala était en train d’enrouler une longue cape brune autour de ses épaules. Une petite broche couleur d’or maintenait le tout en place, rappelant également les fils d’or qui parsemaient ses cheveux. Ses bottines en daim claquèrent sur le sol lorsqu’elle se mit en route, traversant les jardins avec hâte pour rejoindre la sortie. En passant l’avant garde l’une des autres domestiques l’intercepta avec un grand sourire.

- Kala ! Erald n’a pu se rendre chez le seigneur de Murmevent, tu pourrais y aller pour lui ?
- Qu- Murmevent ? Mais c’est à l’opposé de ch-…
- Oh s’il te plaît ! Cela fait des jours que lui et moi n’avons pas pu nous voir, tu peux lui avancer cela pour qu’il finisse à l’heure… C’est sur ta route… Tenta la petite blonde aux airs d’ange.
- C’est n’est absolument p-…
- Kalaaaaa…

Les yeux d’or de Diane s’étrécirent, fixant à outrance le visage tout en rondeur de la jeune femme.

- Très bien. Finit-elle par céder. - Mais tu me devras une faveur et Erald également. Elle fit un pas en avant pour soulever son menton. - Et tu sais que j’ai bonne mémoire, n’est-ce pas.

- Si fait, Kala. Lui répondit celle aux cheveux couleur de blé avant de disparaître dans un grand éclat de rire.

Diane ne put s’empêcher de rouler des yeux tout en rabattant sa capuche sur ses cheveux. Cela faisait bien trop longtemps qu’elle fréquentait Rita, elle n’arrivait plus à résister à ses yeux de chien battue. Et ces derniers étaient parfaitement exécutés dès qu’il s’agissait qu’elle passa un peu plus de temps avec son compagnon, Erald, coursier de son état. Ils étaient un couple amusant et fort sympathique. C’était bien pour cette unique raison que la jeune femme acceptait de leur rendre service de temps à autre. De plus, Rita et elle avaient quasiment le même âge en plus d’être entrée au service dans le palais la même année. S’était ainsi qu’elles avaient fait connaissance. Depuis elles n’avaient eut de cesse de perpétuer leur amitié à travers les ans, pour le meilleur mais surtout pour le pire. Parce que Rita était un problème ambulant, causant perte et fracas partout où elle passait. Parfois elle se demandait comment, diantre, Erald avait bien pu vouloir l’épouser. Puis elle se souvenait qu’au delà d’un boulet c’était une jeune femme aussi gentille que jolie et aux formes plus que désirable.

- Et en prime il va pleuvoir. Maugréa la danseuse en tournant au coin d’une rue. Décidément aujourd’hui rien ne lui souriait. Sa journée aurait du se terminer il y avait bien une vingtaine de minute de cela, elle aurait dû rentrer à l’Insomnie pour se glisser dans un bain chaud puis elle aurait revêtue sa tenue d’apparat pour aller déguster un délicieux verre de vin au comptoir du bar. Au lieu de cela elle se retrouvait sous un ciel d’orage dont le gris s’assombrissait minute après minute, un peu plus à chaque fois que le soleil quittait l’horizon. Elle était prête à le parier, le retour se ferait à la fois sous la pluie et dans le noir le plus total. Une moue blasée passa fugacement sur son visage. Elle aurait dû refuser. Mais il était maintenant trop tard pour faire demi tour ; elle poursuivit donc sa route jusqu’à ce qu’une demeure digne de la noblesse ne se dresse devant elle. S’arrêtant elle leva le nez pour observer cette maison qui la toisait de toute sa splendeur.

- Nul doute que Sacor t’aurais apprécié. Ne put-elle s’empêcher d’adresser à la maison, un souvenir mélancolique passant dans un recoin de son esprit. Mais une mélodie vint doucement le chasser. Infime, elle était étouffée par le peu de goutte qui tombaient sur le sol. Diane n’était pas décidé à se tremper tout de suite, aussi, elle abandonna l’espoir de trouver la provenance de la chanson et avança rapidement vers la porte d’entrée où elle toqua.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les domestiques de cette maison étaient parfaitement réactif. Elle n’eut pas l’occasion de toquer trois fois que déjà la porte s’ouvrait déjà, lui offrant la joie de toquer une dernière fois dans le vide. Haussant les sourcils de surprise, elle s’inclina poliment.

- Je suis Kala, l’on m’envoie chercher un objet. « Peut-être que tu aurais dû demander plus de précision » songea-t-elle avec ironie. « Rita, maudite sois-tu ». - J’ai été envoyé par l’un des coursiers du palais, Erald. Le pauvre homme s’est fait porter pâle comprenez-vous ? A une telle heure il n’avait personne d’autre. Et vous m’en voyez désolée. Aussi étrange que cela puisse paraître son baragouinage passa inaperçue et elle fut invitée à entrer. Juste à temps pour éviter la subite pluie torrentielle qui avait décidé de s’abattre. « C’était moins une ! » Pensa-t-elle en refermant la porte dans son dos. Elle suivit ensuite docilement la demoiselle qui lui avait ouvert.

Ses yeux félins fouinait naturellement tout autour d’elle. Livre, paperasse, œuvre d’art, tout ce qu’elle pouvait était passé au crible. Et si quelqu’un la surprenait ? Elle n’aurait qu’à dire qu’elle était une mordue d’art un peu trop curieuse. Ce qui était partiellement vrai d’ailleurs. Les meilleurs mensonges étaient forgés de vérité.
Chose surprenante et qui, elle, ne mentait pas ; l’état de la maison. Neuve était le terme adéquate. Cela étonna Diane qui n’en fit pourtant pas la remarque, elle n’était pas là pour cela et sa guide n’avait vraisemblablement pas le temps ou l’envie de discuter. Et puis il y avait cette mélodie qui, dès qu’elle était entrée, s’était faites plus distincte, plus rapide aussi. Inconsciemment, elle s’était mit à en battre la mesure contre sa cuisse. Une vieille manie qu’elle possédait depuis toujours. A défaut de pouvoir danser lorsque cela lui chantait, elle laissait ses doigts le faire. Mais le rythme était entraînant ; elle du faire des pieds et des mains pour rester immobile.

La vue qui lui fut offerte allait au-delà du déconcertant. Elle savait les lubies des nobles parfois abracadabrantesque, mais celle de sortir jouer du violon sous la pluie avec comme conviction de défier le dieu tonnerre lui même… C’était une première. Les yeux grands écarquillés, bouche bée elle regardait le blanc se donner corps et âme. Pendant un instant l’envie de laisser sa cape tomber pour le rejoindre et agrémenter sa musique de l’une de ses danses la prit, mais la raison ne l’avait pas quitté et elle ne bougea pas d’un trait. Pas plus qu’elle ne se départie de son sourire lorsqu’il entra, trempé jusqu’aux os. Polie, elle avait attendu d’y être invité pour entrer dans la pièce et retirer sa capuche pour révéler son visage, se fendant ensuite d’une révérence.

- Le coursier Erald s’est fait porter pâle monseigneur, je suis domestique au palais et j’ai été charger de ramener l’objet qu’il devait initialement récupérer. De toute sa grâce, elle se redressa et vint déposer ses iris dans ceux du jeune homme, lui offrant l’un de ses sourires dont elle avait le secret. Au moins on ne pouvait retirer une chose au maître de maison, il était un homme charmant. Quitte à prendre une averse, elle aurait au moins le mérite d’avoir eut une belle vue pour les quelques minutes qu’elle passerait en sa compagnie.  

« La maladie de l’amour et de la bourse lourde » songea Diane avec ironie , tout en gardant un sourire qui ne laissait pas supposer qu’il puisse se tramer autre chose que ce qu’elle disait. Liory, au-delà du charme indéniable qu’il dégageait, semblait également être une personne gentille et calme. Peut-être un peu trop au goût de la danseuse au sang chaud. Il possédait également un fort accent du sud que l’on entendait pas si souvent à la capitale. Le genre d’accent à la fois parfaitement ridicule et qui vous réchauffe une pièce par sa seule écoute. Diane s’en amusa sans se moquer, après tout elle était elle-même originaire de cette région bien qu’elle ne soit doté que d’un très léger accent du nord, emprunté à Sacor à force de le côtoyer.

- Si fait monsieur, dit-elle finalement, mais je n’ai aucun doute quant au fait qu’il sera remit sur pied dans un ou deux jours.

Bien que pugnace, le sourire de la brune s’ébranla lorsque le noble lui fit remarquer qu’il n’y avait pas d’autre commande pour aujourd’hui. Sa seule réaction fut de maudire Rita. Elle et sa capacité à être constamment à côté de la plaque. D’un autre côté il aurait été bien plus malin d’aller se renseigner auprès des bureaux administratifs, cela lui apprendrait à faire confiance aveuglément à une catastrophe ambulante. Mais alors qu’elle allait s’excuser puis prendre la poudre d’escampette, Liory sembla finalement avoir quelque chose à lui confier. C’était à rien n’y comprendre mais qu’importe, elle ferait la livraison et rentrerait se mettre au chaud. Quand il aurait cessé de pleuvoir. Un coup d’œil par la fenêtre lui apprit que cela ne serait pas pour tout de suite. Ainsi elle défit la petite broche d’or et libéra ses épaules de la lourde cape havane.

Il lui désigna ensuite un fauteuil et lui offrit bien volontiers la serviette que sa propre domestique venait de lui adresser. Surprise, elle ne put que hausser les sourcils en la prenant, avant de la lui retendre dans un grand sourire.

- Je pense que vous en aurez bien plus besoin que moi, monsieur. Dit-elle tout en désignant une mèche sur son front qui laissait échapper un flux continue de goutte qui tombaient en un plop régulier sur le sol. - Je n’ai pas joué avec frénésie sous la pluie. Amusée elle attendit d’avoir les mains libre pour incliner la tête avec politesse. - Kala. Dans l’empressement j’en ai oublié mes bonnes manières. Mais je dois avouer que j’avais l’esprit ailleurs, cette mission était impromptue. Au moins autant que cette pluie. Mais ne vous inquiétez pas aussi cruelle soit cette maîtresse, nous avons apprit à la dompter. Je crois. Elle éclata d’un rire discret mais sincère.

Sa cape pendait encore négligemment sur son bras et elle entreprit de la plier plus ou moins correctement. Par chance, la pluie l’avait quelque peu épargné, contrairement à ses cheveux. D’habitude ondulés, l’humidité était en train d’y former de larges boucles brunes que Diane n’avait jamais su apprécier. Faisant quelques pas de plus vers le fauteuil, elle se retourna vers les grandes fenêtres à l’instant exact ou un coup de tonnerre déchira le silence et qu’un éclair zébra le ciel obscure de sa lueur bleutée.

- Veuillez pardonner mon impertinence, mais se pourrait-il que vous m’offriez l’hospitalité jusqu’à la fin des intempéries ? Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour effectuer le trajet, mais pour être honnête je préférerais éviter de l’apprendre en pleine tempête.

Diane se détourna du spectacle que lui offrait la nature pendant quelques instants, observant d’un air amusé le jeune noble qui se battait avec sa serviette et ses cheveux.

- Je vous remercie. Dit-elle simplement lorsqu’il l’invita à demander une nouvelle serviette au besoin. Elle se tut ensuite pour l’écouter sans l’interrompre. C’était toujours plus drôle de laisser tout un chacun aller au bout de son idée, sans l’en empêcher. D’une certaine façon tout le monde recherchait l’assentiment de son vis-a-vis, ou son contraire et lorsqu’ils ne l’avaient pas, ils finissaient irrémédiablement pour patauger ou se contredire. Liory, lui, préféra la première option. Mais sa manière de le faire, ou de le dire restait charmante. Alors Diane, pouffa un peu. Elle avait déjà croisé des excentriques comme ceux dont il parlait et pas qu’un seul. Il pouvait y être affilié, sans l’ombre d’un doute. Toutefois cela n’avait pas nécessairement une consonance négative et surtout, il était bien loin des pires cas qu’elle avait pu rencontrer.

- Effectivement, cela doit-être différent… Sa voix était basse, tandis qu’elle se perdait dans ses pensées, relevant les nombreux point de différence entre la danse et la maîtrise d’un instrument. Finalement, elle décida d’abandonner cette tâche et haussa les épaules. - Il y a des envies que nous ne savons contrôler. Mieux que quiconque, la danseuse savait que dans sa prime jeunesse et parfois encore aujourd’hui, il lui était très compliqué de retenir les pas de danse qui lui venaient. Par chance, lorsque cela arrivait, elle empêchait les notes de la transporter au point que quelqu’un soit en mesure de déceler chez elle les talents uniques de Sakuna. Tout au plus, elle laissait entrevoir un certain sens du rythme.

Les bouteilles que lui présenta son hôte la tirèrent de ses réflexions. D’un simple coup d’œil elle s’arrêta sur une bouteille de vin rouge datée de 982. Pas la meilleure bouteille qu’elle ait eut le loisir de goutter mais d’une qualité suffisamment bonne pour qu’elle lui accorda un peu de son attention. - Celle-ci. J’ai entendu dire les vins du sud avaient une très bonne réputation. De mémoire celui-ci est sympathique. Parfait pour un tel temps j’imagine ! Elle retint un léger rire alors que ses papilles étaient déjà en train de s’agiter juste à l’idée d’effleurer le précieux nectar

Vint ensuite le passage éclair de l’un des domestiques, quelques échanges de banalités et il disparut, laissant les deux jeunes gens à nouveau seuls. C’est à ce moment là que la nouvelle tomba, cruelle et sans pitié. Le paquet avait déjà été récupéré. Aux vues de ce que lui avait dit l’argenté quelques minutes auparavant, elle n’aurait pu que s’en douter mais au fond une forme d’espoir avait continué de subsister. Plus maintenant. Son sourire se fendilla et un long soupire lui échappa. Elle tuerait Rita dès qu’elle la reverrait. Peut-être même qu’Erald passerait lui aussi à la casserole. Néanmoins elle laissa Liory finir et ne reprit la parole que lorsqu’il se tut.

- C’est moi qui suit désolée. Vous déranger si tard pour quelque chose qui a déjà été livré. J’aurais du me renseigner un peu mieux avant de partir. Cela nous aurait évité ce genre de désagrément à tout les deux. Même si ses airs étaient toujours affable, dans sa voix perçait une pointe d’agacement. - Enfin, voyons le bon côté des choses, vous semblait être un hôte fort sympathique Liory ! Et je ne m’imposerais pas au point de vous réclamer autre chose qu’un abris pour échapper à la tempête. Mais je dois admettre que je ne serais pas contre un peu de compagnie. D’ailleurs je me demandais ; depuis quand jouez vous du violon ? Vous avez l’air de le maîtriser parfaitement ou presque, vous devez en jouer depuis l’enfance… Ou est-ce un don naturel peut-être ? Après tout, quitte a être enfermé ici pour encore plusieurs heures, quoi de mieux que d’apprendre à se connaître ?

Diane regarda Liory la servir. Le vin, dont la robe bordeaux venait lécher le verre, lui mit immédiatement l’eau à la bouche. A l’insomnie ils disposaient également de vin de qualité, mais cela était réservé aux hôtes de marque. De plus faire importer du vin du sud pouvait vite devenir une rente pour quiconque ne s’y connaissait pas en affaire viticole. Heureusement de ce qu’elle avait pu voir, Ash avait toujours géré cela parfaitement.  Un air distrait s’installa quelques secondes sur son visage puis l’odeur de l’alcool la rappela à l’ordre et elle prit le verre qui lui fut tendu. Agitant d’un mouvement circulaire le liquide, elle en huma les senteurs avant de sourire doucement. Juste à son parfum elle pouvait assurer que la cuvée était de qualité. Du moins, il en avait tout l’air. Par politesse elle attendit que ce soit le maître de maison qui bu le premier.

Comme elle s’y attendait l’arôme était fort, fruité et capiteux, rappelant sans aucune difficulté les plaines couvertes de vignes sous les lourdes chaleur du sud. Un sourire d’une sérénité retrouvée se lut sur ses lèvres. Enfin, elle daigna s’asseoir afin d’écouter ce que son vis-à-vis avait à dire.

« Mignon » songea la jeune femme aux paroles suivantes. D’une certaine façon c’était exactement ce qui lui inspirait le noble. Mais avec le temps et l’expérience elle avait finit par apprendre qu’une apparence candide n’était pas forcément le véritable fond. Cela pouvait parfois se révéler être une simple couche de verni cachant tout autre chose. D’ailleurs elle retint du bout des lèvres un magnifique « dois-je y voir une invitation ? » lorsque Liory l’invita à lui réclamer plus que ce qu’il lui offrait déjà. Et ce fut une bonne chose puisqu’en quelques instant la conversation perdit de sa légèreté et le sujet abordé s’en trouva beaucoup moins joyeux. Elle le laissa donc parler à sa guise sans l’interrompre. Ne prenant la parole que lorsqu’il eut terminé.

- J’aime la musique, depuis toujours. Mais je ne joue d’aucun instrument si c’est là le fond de votre question. Je la laisse me porter. C’était une forme de vérité. La musique la faisait voyager, et Diane emportait avec elle ses spectateurs. D’une certaine façon, elles pouvaient se considérer comme complémentaire. Mais cela, elle se garda bien de le lui dire. Son dos droit vint reposer sur le dossier et elle se fendit d’un sourire. - Je ne peux prétendre vous comprendre mais je dois admettre que je vous envie sur un point ; votre statut vous a permit d’avoir accès à des enseignements de qualité et ça, peu de gens peuvent se le permettre en dehors de la noblesse. Toutefois je dois admettre que pour les inconvénients qui incombe, je pense que je préfère ne pas savoir jouer. Sans vouloir vous offenser évidemment. Mais je trouve que le prix à payer est bien trop cher. Les basses classes ont bien des soucis, beaucoup de choses désagréables nous père mais nous avons la chance d’être -la plupart du temps-  libre de nos amours. A défaut d’être prisonnier de nos dettes. Cela dit, vous devriez peut-être tenter de voir cela sous un autre angle… Peut-être que si vous étiez l’héritier principal, vous seriez déjà marier avec une jeune femme de bonne famille, qu’elle aurait un pied bot et de la paille à la place des cheveux ! Diane pouffa. - Alors que pour l’heure, vous êtes encore jeune mais vous êtes également libre. Une liberté toute relative qui finira par ne plus être, mais vous l’êtes encore. Alors profitez en. Avec un peu de chance votre heure ne viendra jamais. Et par là, elle entendait parler de cette prison qu’était les mariages arrangés.

Un nouvelle gorgée de vin descendit le long de sa gorge, enivrant légèrement ses sens. Sûrement à cause de son estomac vide et de la fatigue. - Vous êtes un noble bien étrange Liory. Dit finalement la danseuse tout en laissant ses yeux se perdre dans le vague. - Mais je dois vous concéder une chose, je suis certaine que vous allez également égayer ma soirée même si cela ne m’empêchera pas de continuer de m’excuser lorsque je le jugerais bon. Une lueur taquine passa dans ses prunelles dorées.    

Le vin, s’il ne coulait pas à flot, était bien présent et Diane avait l’impression que l’ambiance s’était drastiquement réchauffée grâce à ce dernier. Sans être franchement à l’aise dans ce lieu de noblesse qui lui était parfaitement inconnu, l’alcool lui permit de se sentir plutôt bien. En plus Liory, bien que noble, semblait parfaitement disposé à la traiter comme n’importe qui de son rang. Évidemment la jeune danseuse ne se laissait pas vraiment aller, bien trop de mauvaises choses pouvaient découler d’une garde baissée trop vite ou d’une langue trop pendue. Les riches pouvaient parfois avoir des comportements saugrenues mais aussi fourbes et vils, elle en fréquentait suffisamment pour le savoir. Un comportement déplacé, une plainte au palais et elle pouvait dire adieu à tout ce qu’elle avait construit depuis des années. Toutefois, elle était joueuse, un peu trop sans doute et c’est pour cela qu’elle avait estimé que relâcher le guindage qu’elle s’imposait dans les hautes sphères ne pourrait pas avoir que des retombées nocives. De toute façon cela ne retirait en rien la politesse dont elle savait faire preuve constamment, ni du respect qu’elle adressait au maître des lieux. Elle le laissa donc palabrer à son aise en sirotant son verre de vin. D’ailleurs, ce dernier approchait dangereusement de la fin et ses joues étaient déjà en train de se teinter d’une jolie couleur rouge rosé.

Bientôt les yeux céruléens de Liory vinrent rencontrer les siens, sans doute aurait-elle pu soutenir son regard si seulement il n’avait pas décidé de défaire les boutons de sa chemise. Il était de notoriété public que Kala ; au même titre que Sakuna et Diane - aimait les belles choses. Ce qu’elle découvrait, même partiellement l’intéressa et elle laissa son regard s’y attarder un peu trop longtemps. Même si elle avait le loisir d’observer ce genre de mouvement, de corps tout les jours - Ash à lui tout seul représentait d’ailleurs plus d’un fantasme -, elle continuait à s’émerveiller à chaque nouvelle découverte. Il lui fallut un laps de temps drastiquement long avant qu’elle ne daigne revenir à son visage, tandis que le sien se fendait d’un sourire qui en disait long.

- Il faut apprendre à lâcher prise, tout le monde n’en est pas capable, effectivement. Dit-elle afin de reprendre leur conversation. - Cela dit, il paraît effectivement que la déesse à beaucoup d’humour. D’un autre côté, une entité ne se jouant que de le chance… Il fallait s’y attendre ! Le blasphème était également l’un des passes temps favoris de Diane, elle qui n’était pas croyante, ne pouvait s’empêcher de lancer quelques piques ci et là, déguisées en un humour tranchant. La plupart du temps, cependant, personne n’y prêtait attention et cela lui convenait parfaitement. - Tout à toujours un prix, monsieur. C’est une leçon qu’il n’est pas drôle d’apprendre mais qui finit tout de même par être acquise. D’ailleurs, je suis sûre que vous êtes bien plus doué au jeu du chat et de la souris avec votre famille que vous ne voulez bien le faire croire. Du moins, c’est tout le malheur que je vous souhaite, si vous me le permettez. Une pensée fugace, passa dans son esprit à l’adresse de Calixte, se demandant si lui aussi, jouait à ce jeu des familles. Et si oui, quel genre de rôle y tenait-il ? Simple curiosité, elle chassa ses questions en moins de temps qu’il ne lui aurait fallut pour les formuler et se re-intéressa à leur conversation.

Elle quitta d’abord son siège pour s’approcher de l’une des fenêtres, comme si cela allait permettre de changer l’intensité de l’orage au dehors. Évidemment il n’en fut rien. Pis encore, mère nature sembla lui faire un pied de nez et un éclair claqua dans les airs.

- Vous êtes fort doué en compliment, Liory. Constata-t-elle après avoir gardé le silence, seulement interrompu par le bruit continue et régulier des énormes gouttes d’eau qui ruisselaient sans faillir sur les fenêtres. - Et je ne suis pas une femme cruelle pour vous faire ainsi passer pour un être méprisable. Diane se retourna vers le noble, ses yeux rieurs chargés d’un millier de sous entendu. - Je vous serez donc gré de me faire ressentir cette… « douce extase ». Ce jeu était définitivement celui qu’elle préférait. Celui des sous-entendu et des paroles déguisées. Si l’un parlait d’un sujet, l’autre d’un autre, restait à savoir s’il allait comprendre suffisamment vite le quiproquo qu’il venait lui même d’engendrer. Quoi qu’à bien y réfléchir, peut-être avait-il sciemment lancé une partie. - Si vous le voulez bien… Ajouta-t-elle, toujours affublé de son air espiègle.

Ses yeux, semblable à de l’or liquide continuaient de fixer le jeune noble. Si elle avait pu elle-même se décrire, nul doute qu’elle se serait comparé à un chat jouant avec une souris. Liory, qu’il le veuille ou non était une personne distrayante, autant qu’intéressante. Il avait un langage bien à lui que Diane se faisait un plaisir de détailler. Pas comme si elle avait autre chose à faire de toute façon.

- Je ne suis pas inquiète. Dit-elle en souriant. - J’ai déjà eut l’occasion de vous entendre. Elle émit un petit rire puis lui laissa le temps de se préparer à sa guise.  C’était un art qui avait toujours étonné la danseuse. Elle écoutait de la musique depuis toujours, avait apprit à lire une partition et même à jouer quelques notes au piano pourtant elle restait toujours indubitablement mauvaise lorsqu’il s’agissait d’accorder un instrument. Il n’y avait que lorsqu’il se mettait à jouer, que la dissonance lui apparaissait flagrante. Une note ou deux plus tard, ainsi que quelques retouches sur son instrument et il reprit la parole. Immédiatement elle prit un air désolé avant de soupirer longuement.

- Malheureusement en dehors d’une spectatrice je ne pense pas pouvoir vous êtres utile. Je ne suis ni danseuse. « Quelle ironie ». Ni musicienne. J’espère tout de même que cela ne vous dérange pas. Même si mon oreille est bien moins avisée que la majorité de celles que vous et votre violon rencontrerez !

Ses yeux se posèrent ensuite sur les cristaux lumineux qu’était en train d’utiliser le maître de maison. Jamais elle n’avait vu ou même possédé un tel objet et cela piqua sa curiosité. Ses sourcils se froncèrent légèrement, signe qu’elle était intéressé, puis soudain se haussèrent tel deux accents circonflexes. « Un objet pareil aurait épargné bien des misères a ce pauvre Sacor ! » Songea-t-elle avec nostalgie.

- Évidemment. Répondit la jeune femme tout en faisant quelques pas pour se rapprocher du musicien, et pouvoir le regarder d’un meilleur angle. Elle laissa ensuite la magie opérer.

C’était un spectacle intriguant que de voir ainsi une personne se laisser aller sans se poser de question, c’était agréable aussi. Diane soupçonna que la musique y soit pour quelque chose mais elle ne chercha pas à en savoir plus. La question ne l’intéressait pas outre mesure. Il y avait bien plus attrayant. Profitant du spectacle, elle se laisser engloutir par le cocon de mélodie qui lui était offert et pour refréner ses envies de danse elle ferma les yeux. Là, les souvenirs lui revinrent. Le violon était un instrument qui avait toujours fait partie de sa vie. Sacor lui en avait joué du jour de son arrivé chez lui, jusqu’à quelques jours avant sa mort. Il avait également passé des jours et des nuits à jouer pour elle, pour le faire danser. Reprenant inlassablement les mêmes notes jusqu’à ce qu’elle maîtrise les pas de sa chorégraphie au millimètre. Il avait également tenté de lui apprendre à en jouer mais s’était vite rendu à l’évidence. Diane était danseuse, rien d’autre. Un sourire triste naquit au coin de ses lèvres. Si seulement le vieil homme était encore là pour lui jouer l’un de ses airs favoris…

Ce ne fut que lorsque la musique se tut que Diane remarqua que ses doigts n’avaient cessés de battre la mesure contre sa cuisse, de même elle avait l’œil humide. Voilà une preuve que Liory était bon musicien. Son sourire se fit de nouveau solaire.

- Comme je le pensais, vous êtes bon violoniste. Mon père l’était également. Vous entendre jouer m’a ramené quelques années dans le passé. Cela faisait longtemps. Un petit rire la prit mi amusé, mi mélancolique. - Vous n’avez jamais pensé à vous produire en public ? Demanda-t-elle, intriguée, en faisant un pas dans sa direction avec un air songeur.

Alors comme ça, le placide et calme Liory Alkh’eir pouvait également rougir. Même si elle n’en laissa rien paraître Diane fut aussi amusée qu’enchantée de la découverte. Il n’était donc pas qu’une statue de perfection dont le visage arborait un indécrochable sourire ! Pendant un instant, elle se demanda quel genre d’expression pouvait afficher un minois aussi affable que le sien. Quelques idées lui vinrent, des idées qu’elle était bien contente de pouvoir garder pour elle. Ne restait plus qu’à espérer que le noble ne faisait pas partie des gens possédant un pouvoir de télépathie, auquel cas elle serait bien incapable d’expliquer le pourquoi du comment ces images avaient traversées son esprit. Du moins, si elle serait en mesure d’expliquer pourquoi, cela dit elle serait bien en veine de devoir s’en excuser.

Les questions qu’il lui posa lui arrachèrent un petit rire. Diane aimait parler de Sacor même si cela l’obligeait à se souvenir de quelques images délicates ou que la peine revenait peser sur son cœur. Mais c’était aussi une façon pour elle de ne pas l’oublier. Il n’était plus mais il pouvait continuer de vivre à travers elle. Se saisissant du mouchoir elle tapota le coin de ses yeux, et le replia avant de le lui tendre.

- Je suis désolée. J’ai un meilleur contrôle en temps normal. Elle lui offrit une petite moue contrite. - Mon père était un érudit. Vous savez ces hommes dont les bibliothèques sont si pleines qu’ils sont obligés de faire des dizaines et des dizaines de piles de livres ci et là sur le sol ? Il était ainsi. Son bureau débordait constamment de papier en tout genre et il était toujours le premier pour aller chiner au marché des livres d’autres provinces. Il était même capable de se rendre au Grand Port si l’un des volumes qu’il voulait se procurer y avait été repéré. C’était quelque chose. Diane gloussa en posa une main devant sa bouche. - La musique était pour lui un exutoire, une passion. Il la pratiquait depuis qu’il était enfant mais il n’a jamais voulu en faire sa vocation. Ou du moins il ne me l’a jamais dit. Peut-être avait-il tenté lors de sa prime jeunesse mais voyez-vous, à cette époque je ne le connaissais pas alors… Cela dit c’était un homme qui acceptait ses échecs, je l’imagine mal se cacher d’une telle chose. De ma maigre expérience, je pense pouvoir dire qu’il était bon violoniste.

A vrai dire de tout ceux qu’elle avait entendu, il faisait partie des meilleurs. Cette vision était loin d’être objective puisqu’en dépit de son absence il restait ce père qu’elle avait tant aimé. Mais il y avait également une part de vérité. Sacor avait apprit lui même à jouer de son instrument. A grand renfort de fausses notes, d’archet détruit et d’ampoule sur les doigts, mais il avait finit par réussir. En grandissant, Diane l’avait soupçonné d’être doté d’une oreille absolue. Ce que le vieil homme avait toujours nié, insistant bien sur le fait que tout ceci était avant tout dû à un travail acharné. Là aussi, sa fille adoptive pensait que ce n’était que dans le but de la faire travailler un peu plus. Alors elle avait fait mine d’ignorer ses manigances et avait donné tout ce qu’elle pouvait dans son propre domaine.

- Si il ne m’a pas apprit son art, reprit-elle, c’est tout simplement parce que je n’étais pas douée. Je suis impatiente voyez-vous et j’ai du mal à tenir en place à un endroit bien longtemps. A force d’année à se chamailler, de tympans écorchés, il a finit par admettre que le violon n’était pas pour moi. De même que la guitare, le piano ou encore la flûte. Nous avons d’un commun accord décidé d’arrêter de nous entêter. J’aime la musique mais elle ne m’aime visiblement pas. C’était un mensonge éhontée, certes, mais il lui était parfaitement impossible de dire la vérité à Liory. Moins de personne savait, plus le mensonge était bien gardé. - Mais je ne m’en porte pas si mal. Écouter et observer son deux choses que j’apprécie. Aussi étrange que cela puisse paraître.

Bien, il était maintenant temps pour Diane de s’amuser. Juste un petit peu. Avec les nerf de son hôte. Tout en douceur elle vint tendre la main et effleura du bout des doigts sa pommette.

- Le rouge vous sied étrangement bien. Et elle fut parfaitement incapable de dissimuler son regard taquin.

En un instant les mains de Liory s’étaient avancées dans sa direction, enlaçant sa taille et sa main, la rapprochant inexorablement de sa personne. Leur corps s’arrêtèrent à une distance respectable, celle que demandait l’étiquette. D’abord surprise elle dû cligner des yeux une paire de fois avant de se fendre de nouveau d’un sourire. Cet homme était décidément plein de surprise. Tandis que la lumière se baissa par quelconque magie, et qu’un air de piano s’éleva dans la pièce, Diane ne put empêcher son dos de se redresser. Machinalement ses muscles se bandaient du bas de ses reins jusqu’à la toute fin de son échine. Même ses jambes déjà naturellement fines avaient subitement prit une allure plus légère.

- Alors guidez moi. Avait simplement répondu la danseuse d’un ton doucereux.

Le plus compliqué dans cette entreprise, ne fut pas de se laisser guider. De toute manière la majorité des danses étaient guidées par l’homme, aussi était-ce une habitude pour la jeune femme que de se laisser aller au désir de son cavalier. Cela dit son aisance naturelle pour la danse était, dans cette situation, plus une plaie qu’autre chose. Faire semblant de ne pas savoir faire ce qu’elle faisait de mieux était quelque chose qui lui sembla atrocement difficile. Aussi n’eut-elle d’autres choix que de lui écraser les pieds une paire de fois, d’un air désolé. Ce qui était d’ailleurs vrai. Comme tout bon noble, et sans grande surprise, Liory connaissait bien voire parfaitement les pas de la danse qu’il leur imposait mais surtout il n’était pas un piètre danseur. Pas le meilleur qu’elle eut connu c’était certain mais il était bien meilleur que nombre de partenaire qu’elle avait pu avoir par le passé. Pendant quelques secondes elle s’était demandée ce qu’aurait pu donner leur danse si seulement elle avait pu l’exprimer telle qu’elle aurait dû l'être. Mais la question s’estompa dès que Diane se souvint, malgré elle, que son talent ne devait pas exister chez Kala. Elle lui écrasa de nouveau le pied.

L’instant passa comme un mirage et bientôt la musique offrit ses dernières notes, et Liory ses derniers pas. Le silence retomba autour d’eux, même l’orage avait cessé sa terrible litanie. Diane aussi, se plia d’une basse révérence, de celle que l’on offre à son cavalier lors d’un bal. Il était amusant, de jouer la comédie, même une seconde. Puis elle se redressa. Un sentiment de légèreté l’avait assaillit. Même si elle n’avait pu laisser place à sa nature profonde, effectuer ces quelques pas avait soulagé son envie irrépressible de mouvement. Elle ne savait pour combien de temps ; se connaissant elle ne pourrait s’empêcher d’aller se déhancher au cabaret dès qu’elle serait de retour. Pour quelqu’un, pour elle même ou bien pour l’un de ses collègues, peu importait, elle le ferait. La voix de son cavalier la sortie de ses pensées et elle reposa son regard sur lui.

- C’est plutôt moi qui devrait m’excuser d’avoir malmené vos pauvres pieds. Je gage que vous n’avez pas du avoir d’aussi piètre partenaire depuis bien longtemps. Et elle s’amusa de l’idée que ce fut parfaitement vrai, après tout rare étaient les membres de la noblesse à ne pas maîtriser parfaitement les danses les plus communes telles que la valse par exemple. Tout comme Diane l’avait apprise dès sa plus tendre enfance. Il n’existait que quelques sujets affreusement gauche et ils se trouvaient la plupart du temps chez la gent masculine qui préférait l’épée aux partitions. Somme toute, tout ce que Liory n’était pas. - En tout cas, c’était une danse fort agréable, vous êtes également bon danseur. En dehors des arts du combat, y a-t-il donc un domaine qui vous fait défaut ? Le flatta-t-elle en riant. Puis son visage se tourna vers la fenêtre. Il faisait atrocement sombre, nul doute que la fin de la journée approchait à grand pas mais surtout l’orage s’était calmé. Enfin. Une pointe de regret perça dans sa poitrine mais elle n’en laissa rien paraître et fit un pas en direction du noble.

- En tout cas, soyez sans crainte. Elle se pencha doucement vers lui. Une petite lueur de défi dansait au fond de ses iris, d’oisiveté aussi. Diane s’amusait. Puis avec toute la délicatesse qui la caractérisait elle déposa sur les lèvres de son hôte un baiser, chaste, presque comme un effleurement. Une suggestion peut-être ? - Vous êtes tout pardonné. Elle s’écarta aussi soudainement et lui tourna le dos pour retourner auprès du fauteuil qui l’avait accueillit à son arrivée. - L’orage s’est calmé, la pluie semble s’être arrêtée. Peut-être devrais-je vous laisser. Dans sa voix une note joyeuse se faisait entendre, un peu moqueuse peut-être.

Elle ne l’avait pas laissé indifférent et l’effet produit était celui escompté. Aussi surprenant que cela pouvait paraître, les charmes de Diane ne fonctionnaient pas à chaque fois. Il arrivait, parfois, qu’elle soit obligée d’emprunter des chemins plus complexe afin d’arriver à ses fins. Et la déesse seule savait à quel point elle trouvait cela harassant, encore plus quand cela était dans le but d’approcher une personne qui ne lui plaisait même pas. Liory était donc du bain béni. Beau garçon, simple, deux qualités qu’elle appréciait beaucoup.

- Peut-être… Avait-elle murmuré à son attention sans pour autant être certaine qu’il l’eut entendu.

Pendant quelques instants, la danseuse craint que son jugement ait été dans l’erreur. Pour cause ; le jeune homme ne faisait même pas mine de la rattraper. Se tromper était une chose mais a ce point ? « Peut-être est-il trop timide...» songea-t-elle sans trop y croire. Elle ne le connaissait pas beaucoup mais si jusqu’ici il y avait bien un défaut qu’elle n’était pas en mesure de lui attribuer c’était bien celui là. Cessant de s’interroger, elle haussa les épaules. « Tant pis ». Il n’y avait rien de plus à penser. Par chance il n’était pas le seul homme des environs et surtout nombreux étaient ceux qui attendaient l’une de ses faveurs. Mais alors qu’elle allait tendre la main pour se saisir de sa cape en daim son mouvement s’arrêta lorsque la voix, qu’elle connaissait plutôt bien maintenant, retentit.

- Un lit pour la nuit ? Répondit-elle d’un air à moitié surprit. Si elle avait envisagé de partager avec lui un moment agréable, elle n’avait pas pensé à la nuit. En vérité, elle n’avait pas pensé tout court. - Je… Ses yeux se tournèrent vers la fenêtre où la pénombre était quasi totale. Aucune chance qu’elle refuse. Encore moins lorsqu’en quelques enjambées il se retrouva face à elle, ses doigts faisant naître une myriade de frisson le long de son échine. Elle ne tenta pas de l’empêcher de quoi que ce soit, que ce fut de parler ou de venir reposer son front contre le sien.

« Néanmoins ? » Soupira son esprit languissant mais désireux de ne pas l’interrompre.

Le glissement de ses lèvres puis de son souffle sur son oreille, léchant partiellement son cou firent rougir ses pommettes. Non pas à cause d’une quelconque gêne, non la chaleur qu’elle éprouvait subitement résidait dans un sentiment bien différent. Son visage se rendit d’un sourire et elle soutint le regard céruléen de son hôte.

- Vous ai-je dit que j’étais d’une nature terriblement rancunière ? Tout en parlant l’une de ses mains vint accrocher en douceur son veston, tandis que l’autre traçait une route du bout des doigts sur son torse jusqu’à sa nuque ou elle s’interrompit pour jouer avec quelques mèches blanchâtre de sa crinière.- Un vilain défaut vous en conviendrait. Ah et sans vouloir vous paraitre cavalière... Puis sans crier gare elle vint lui dérober ses lèvres. Cette fois cela n’avait rien de chaste ou de délicat, son baiser était franc peut-être grisant également mais il portait nombre de promesse.

- En tout cas, vous n'avez été aucunement insistant, j’aurais plutôt qualifié cela de réaliste… Dit-elle en libérant enfin ses lèvres. Puis tout en plantant son regard dans le sien, elle défit le premier bouton du veston de Liory. - La vraie question que je me pose : Puis-je, moi, me montrer inconvenante ? Une lueur de provocation s’agita dans le fond de ses iris et son visage se fendit d’un sourire qui exprimait la même émotion. Afin de parfaire ce tableau, elle laissa l’un de ses ongles dévaler la gorge pâle et délicate non sans lui lancer quelques œillades gourmandes.

De la même manière que cela c’était produit un peu plus tôt, lorsqu’ils avaient partagés une danse, les mains de Liory s’étaient refermées sur sa taille. Avec la même douceur, mais emprunte d’une envie qui ne pouvait échapper à sa peau. Pas même avec la barrière de tissus qui leur barrait encore le plein contact. C’était une sensation agréable, qu’elle n’avait pas connu depuis bien trop longtemps ; celle de se retrouver dans les bras d’une personne parce que l’on en avait fait le choix et non parce que cela était une nécessité. La chaleur qui lui fut transmit, était agréable et ne l’avait pas incité à libérer ses lèvres. Ce qu’elle fit pourtant l’instant suivant, se contentant de regarder d’un air amusé celui qui lui faisait face et dont les doigts commençaient à courir contre son dos.

Diane fut parfaitement incapable de retenir le sourire qui étira ses lèvres. Il voyait clair dans son jeu -bien que cela ne soit pas de grande difficulté – mais au-delà de ça, il s’y prêtait bien volontiers. Presque trop pour un noble de son rang. Pendant un instant la danseuse craint de mettre le pied dans une nasse de problème qui dépasserait l’entendement. Les Alkh’eir n’étaient pas réputés pour leur bonhomie. En revanche, si elle n’était pas doté d’un pouvoir lui permettant de juger des véritables intentions d’une personne, elle savait déceler le désir dans un regard et cela, Liory ne pouvait le feindre. « Il est trop tard de toute façon » songea-t-elle alors qu’elle suivait docilement le mouvement des doigts qui lui rehaussaient le menton. L’ordre claqua.

- Si monsieur l’exige. Fit la danseuse alors que dans sa voix perçait un sourire.

Ses doigts fins continuèrent de libérer le torse du noble de son étreinte de tissus, ce qui ne prit que peu de temps. La dextérité que Diane avait acquis en matière de déboutonnage de chemise n’était plus à prouver. Elle profita ainsi de la vue quelques instants. Sa peau de glabre contrastait terriblement avec celle cuivrée de la jeune femme, pourtant elle s’accordait parfaitement avec ses yeux céruléen et sa chevelure d’argent. Comme si l’univers avait choisit de réunir ce soir, deux opposés. Le feu et la glace. Diane s’amusa de ses petites réflexions intérieur mais décida de ne pas en faire part à son partenaire, aussi, elle poursuivit le labeur qu’il lui incombait.

D’abord elle laissa ses doigts courir contre sa poitrine, apprenant à le découvrir ainsi. Puis elle libéra une première épaule de tissu suivant la courbe de la clavicule pour dégager la seconde. Sans être l’un des hommes les plus musclés qu’il lui fut donné de voir et de toucher, la musculature du noble était délicate, finement sculptée. Le tissu glissa en silence puis s’étala sur le sol.

- Je suis effectivement rancunière. Sur certains sujets, mais je suis sûre qu’avec toute votre dévotion, nous arriveront à une conclusion heureuse… Se penchant elle vint embrasser la base de son cou, puis laissa sa langue tracer un chemin humide jusqu’à l’angle de sa mâchoire qu’elle mordilla avec douceur. Enfin, elle se laissa aller contre lui avec un demi sourire aussi enchanteur que provocateur alors que sa dextre entreprenait de jouer avec la boucle de sa ceinture, sans pour autant la défaire par pure bravade. - Ne croyez vous pas ?