Aeron poussa un soupir. Plus d’une année qu’il était revenu de la Cité Enfouie ou, plutôt, qu’il avait été retrouvé à son entrée, et plus d’une année, donc, que les parents royaux cherchaient par tous les moyens à régler ses soucis. Et cela, comme s’il suffisait de discuter une demi-heure avec un pseudo-spécialiste pour les résoudre et redevenir le petit prince qu’il était auparavant. Il n’en restait pas moins que tous les patriciens ne se valaient pas, et que certains se détachaient clairement du lot.

Parmi ceux-ci, le Docteur Weiss faisait figure de première de la classe. En plus de son statut de médecin royal, qui faisait qu’elle soignait Père, Mère et Atheas, en plus de lui-même, elle entretenait également des liens forts avec les autres personnes importantes du gouvernement, comme la première ministre du Lys. Certes, elle était payée, et plutôt bien au demeurant, au vu des comptes et des factures, mais Mère avait tenu à ce qu’il offre quelque chose, qu’il aurait choisi, à la docteur qui s’occupait péniblement de lui depuis de longs mois.

Il se dit que l’objectif était de sortir du cadre des consultations et d’améliorer le lien entre eux. Peut-être aussi qu’offrir un présent lui permettrait d’appréhender toute la situation sous un angle nouveau. Aeron n’était pas persuadé de la véracité de cette affirmation, mais il comptait se plier de bonne grâce à la demande aussi bien royale que maternelle.

La plus grande difficulté était de trouver lui-même un objet qui ferait plaisir à Weiss. L’objectif n’était bien entendu pas d’offrir un cadeau empoisonné, ou de déléguer la tâche à Vlora, encore qu’elle s’en serait sans nul doute acquitter avec brio. Toutefois, il avait profité de sa position pour se renseigner sur la jeune femme rousse, et avait appris qu’elle possédait plusieurs familiers. Il s’était donc rendu auprès de l’enchanteur royal, et avait requis un parchemin de déplacement rapide, qu’il fit parvenir au manoir des Weiss, accompagné d’une lettre succincte.

« … Considérant votre investissement auprès de ma personne, et malgré certaines difficultés rencontrées, je vous prie donc d’agréer, Luz Weiss, mes salutations les plus sincères, et d’accepter ce modeste symbole de ma reconnaissance. Signé : Aeron Renmyrth, Prince du Royaume d’Aryon. »

Il sabla l’encre, et dépêcha un coursier pour aller la livrer au plus tôt, après avoir apposé son sceau personnel.

Mon bien-aimé,

Malgré le temps écoulé depuis ta mauvaise aventure, il m'arrive encore de repenser à ces journées où tu as du te retrouver seul et affligé dans ton désespoir. Je ne peux que m'en vouloir de ne pas avoir pu être à tes cotés, pour ainsi te soutenir et t'aider. Toutefois, ma reconnaissance te sera toujours éternelle de t'être ainsi battu pour revenir à mes cotés. La promesse que tu as pu me faire aux sources, est pour moi, la plus précieuse de toutes. Je ne peux hélas, pas toujours rester auprès de toi pour t'aider dans les moments les plus pénibles... Mais je t'envoie ce présent, pour que tu puisses avoir un petit bout de moi avec toi. Ainsi, j'aimerais que tu le gardes, et le serre contre toi à chacun des moments où la situation semble t'échapper. Ce petit pompom permet de renfermer un sentiment, celui que l'on pourrait souhaiter. J'aurais pu y placer mon amour pour toi, ou mon désir... Mais j'ai décidé de placer en lui, mon sentiment de persévérance. J'espère qu'il te redonnerai espoir, mais aussi vaillance pour te permettre de trouver cette force en toi, qui nous permettra de nouveau d'être unis. Ainsi, je serais tout de même auprès de toi pour t'encourager à te battre, quoi qu'il arrive.

Je serais bientôt de retour, et aurais certainement besoin de trouver un peu de chaleur au creux de tes bras durant ces solstices d'hiver !

A très bientôt, je t'aime tendrement.

Lulla.

Mes mains vinrent à fermer cette enveloppe que je dépose à la guilde à l'intention de son destinateur, mettant avec, ce petit paquet enveloppé dans un mouchoir en soie blanc. Une petite intention qui je l'espère, plairait à mon cher et tendre, chose que je ne serais qu'à mon retour de mission.

Je sors de ma poche le petite objet argenté l'emballant soigneusement dans une petite boîte. Ce dernier était identique et j'avais déjà fait le nécessaires pour lier les deux ensemble. Ainsi dès qu'elle le mettrai à son poignet nous pourrions ressentir l'un et l'autre nos émotions respectifs peut importe où nous nous trouvions. Je glissais avec une petite lettre :

"Ma tendre aimée,

Tu me manque bien plus que de simple mot couché sur un papier ne peuvent le dire. Je pense à toi aussi surement que les plantes ont besoins d'eau et de lumière pour vivre. Malheureusement vu notre métier nous savons tout les deux qu'il nous est impossible de rester coller l'un à l'autre durant des jours bien que cela soit mon vœux le plus chère. Ne sachant pas comment te faire parvenir mes sentiments rapidement dans ces cas là j'ai opté pour ce petit objet. Ce dernier nous permettra de nous faire parvenir notre amour ou tout autre émotion d'une simple pensée. Ainsi tu saura que mon cœur est toujours à tes côté même si tu te trouves à l'autre bout du royaume pour débarrasser ce dernier d'une infestation de goule ou de rat.

Je t'aime, ton amoureux, ton Red.

Ps : Notre fils est en forme...il joue avec tempête ! Un vrai carnage ! "

Je mis sur la lettre un peu de parfum le mien et je pris la direction de la guilde. Déposant dans notre casier partagé le présent et le pli.

Ain faisait tourner dans sa main la petite baie qu'elle avait trouvé au fond de son sac. Elle ne savait pas comment il était arrivé là ni pourquoi mais elle l'avait reconnu : un grelot d'amour. C'était un petit objet magique permettant de rapprocher deux personnes ayant déjà un lien privilégié, elle avait entendu, à l'approche du solstice, plus d'une demoiselle en parler. Cela forme des couples et réchauffe le cœur d'après ce qu'elle en avait entendu...

Elle n'avait pas su rendre correctement à Nora ses sentiments... Mais cela ne signifiait pas que l'aventurier ne représentait rien pour elle, bien au contraire... Elle ne savait juste pas mettre de mots sur ce qu'elle ressentait et ne savait pas comment s'y prendre pour lui faire parvenir.

Nora choisi ce moment pour revenir dans la pièce où elle était. Ain referma sa main sur le petit objet et hésita un instant avant de lever les yeux vers son compagnon et lui tendre le poing :

- Donne ta main..

Et elle lui déposa le petit grelot d'amour sans rien rajouter, les joues légèrement rougies par ce moment de douceur.

Sous les traits d'un inconnu, Zahria déambule dans les rues froides de la Capitale. Le Solstice d'hiver se prépare, et si le festival s'annonce moins flamboyant que celui de l'année dernière qui marquait le début d'un nouveau millénaire, les marchands ont déjà posé leurs étalages et tentent de marquer le même profit. Un an, déjà, qu'elle courait à travers ces étalages, à la poursuite de Vrenn, qu'elle apprenait que Luz et Naëry étaient ensemble, qu'elle faisait la rencontre de Carci, qu'elle se baladait bras dessus bras dessous avec Elina... Incroyable, comme la situation a pu changer du tout au tout, en seulement une année. Comme tous ces gens, si importants à ces yeux, ont maintenant été effacés, prix à payer pour l'accomplissement d'un plan plus grand qu'elle-même. Et pourtant, à l'approche de ce solstice, de cette nouvelle année qui s'approche, le coeur de la métisse ne peut s'empêcher de se serrer en pensant à tous ces gens qu'elle aime, tous ces gens qu'elle tente de protéger.

Peut-être est-ce parce qu'elle laisse son coeur saigner l'espace d'une seconde, mais un étalage attire son attention plus que les autres, tout à coup. Le marchand, affable, y propose des objets ayant tous la même thématique : l'amitié, le partage, les émotions. Belle coïncidence. Au milieu des pompoms, des cartes de voeux magiques et des sapins de souvenir, il y en a un autre qui attire son attention. Elle voit immédiatement l'utilisation personnelle qu'elle pourrait faire d'un tel objet, en dehors de la thématique du stand, puis l'image d'une belle rousse flamboyante s'imprime sur sa rétine, louve gardienne de sa tribu, gardant toujours un oeil maternel sur ces derniers. Et puis, c'est une belle pièce. Qui trônerait magnifiquement dans la chambre de la dite belle rousse, ou dans son salon, ou dans son bureau... Même si cela implique de déroger aux règles établies par son père, et faire un détour par la Volière...

Les cristaux sont rapidement échangés, et Zahria déguerpit, direction la bâtisse qu'elle appelle sa maison, même si elle n'y a pas mis les pieds depuis plusieurs semaines. Pas compliqué de rentrer discrètement, quand on connaît les plans par coeur, et que la clef tourne toujours aussi facilement dans la serrure. Le chandelier est vite posé sur la table, ainsi qu'un petit mot, sans signature. "Soigne toi bien, et eux aussi."

Puis elle disparaît, son méfait accompli, son coeur plus serré que jamais.

Nora avait proposé à Ain de rentrer avant lui à l'auberge, restant sur le marché un peu plus longtemps après avoir déjà dépensé une certaine somme dans de l'équipement pour ses futures aventures. A vrai dire, il avait une idée en tête et un article lui avait fait de l'œil, un pompom d'une vingtaine de centimètre sur un stand, comme une boule de ... poils ? Fourrure ? De couleur blanche, dont les extrémités tiraient plutôt vers des nuances pêche. A côté, un écriteau sur lequel était vendu l'article comme un cadeau d'exception à offrir à sa bien-aimée, permettant de diffuser un sentiment au contact. Il n'en fallut pas plus pour séduire le brun qui se procura un exemplaire aussi rapidement qu'il l'avait aperçu. La vendeuse en charge de la boutique lui expliqua brièvement comment placer le sentiment au sein de l'objet et Nora se retira à ce moment, tout guilleret.

Sur le chemin du retour, l'éphèbe se tortura l'esprit pour trouver le sentiment le plus approprié, redoutant que celui qu'il offrirait à Ain manque d'authenticité. Comment réunir toutes les conditions pour créer l'émotion parfaite ? Peut-être trouvera-t-il l'idée en rentrant ...

De retour dans la chambre partagée par les deux aventuriers, Ain attendait le chasseur et lui demanda de tendre sa main, ce qu'il fit. Elle y déposa un petit grelot d'amour et touché par l'attention, que ce soit par effet de l'objet ou simple émotion, Nora la prise dans ses bras et posa un baiser chaste sur ses lèvres. Le pompom collé à sa poitrine semblait alors émaner une aura aussi douce que l'étreinte qu'ils venaient de partager.

- "Moi qui me demandais comment faire fonctionner correctement cet objet ... il semblerait que tu m'aies une fois de plus éclairé, Ain. Il est pour toi, comme ça, même si je suis loin, tu pourras ... enfin ... voilà ..."

Il lui tendit la boule de poil et le rouge lui monta légèrement aux joues. Plutôt que les mots, il laissa parler les gestes, il était bien plus éloquent de cette manière.

Tout est validé !

-150 F Zahria
-80C Ivara