Elle du parcourir encore quelques mètres, esquivant comme elle le pouvait et non sans pester à haute voix, les pauvres gueux qui avaient le malheur de se trouver sur son passage. Enfin elle arriva face à une porte blanche qu’elle poussa sans ménagement. L’intérieur était simple mais chaleureux, la populace semblait se mêler de ses affaires et aucun d’entre eux ne sembla s’intéresser à l’entrée de la nouvelle venue. Tout ceci eut le don de ravir Queen. Elle ne demandait rien de plus que du répit et de la tranquillité, qu’aucune voix désagréable ne vienne la déranger et que personne ne vienne respirer le même air qu’elle.
Une fois installée et sa place bien délimitée, elle commanda un verre. Puis un second. Ce ne fut qu’après le quatrième qu’elle sentit enfin les muscles de tout son corps et son esprit se détendre légèrement. Un demi-sourire s’étira sur ses lèvres alors qu’elle faisait tinter ses ongles sur son verre. Ce soir, serait une bonne soirée, elle en fût convaincue. Mais pas très longtemps.
Tranquillement, j’recommencé à boire rassemblant mon courage. Le problème de l’alcool, c’est que c’est à double tranchant. Quand t’es pas assez bourrer, t’a envie d’parler aux gens. Mais, beh t’ose pas hein normal. Surtout que la nana au fond montrer clairement qu’elle avait pas envie d’parler. Mais j’avais envie d’essayer. Un défi comme un autre. Pis ça avait l’air drôle. Faire sourire quelqu’un avec cette tête la ça avait pas d’prix. Je terminais ma dernière pinte d’une traite avant de refaire le chemin. Putain, ça taper. À quelques mètres de la jeune femme, je trébuchais. Partant en avant, je tombais sur elle l’attrapant dans mes bras.
- Câaaaliiinnnn !!!
Quoi ? Comment ça j’suis bourré. On s’en fou de ça. Un câlin, c’la vie. Pis ça fait sourire les plus fermés. Fin dans ma théorie de bourrer hein. Ça peut tout changer. Mais ça j’m'en foutais.
- Pauvre cloporte ! Ôte tes vieilles paluches ! s’écria-t-elle de sa voix la plus aigu, envoyant valser au passage l’indésirable et obligeant les tables alentour à leur accorder encore plus d’attention qu’elles n’en recevaient déjà. - Vous mettrez ça sur sa note ! Dit-elle ensuite dans un sifflement menaçant à l’attention du barman dont la bouche formait un o surpris. Toujours en ignorant la gueuse qui avait eu l’audace de lui sauter à la figure, la blonde récupéra sa chaise et s’y installa puis elle daigna enfin se retourner. Le coude posé sur le bar, le menton dans sa main, un rictus vint étirer légèrement ses traits. Moqueur et narquois son regard glissa comme de l’eau sur son vis-à-vis. Il lui sembla voir une enfant, saoule qui plus est. Elle leva l’index, intimant au barman de lui servir un nouveau verre et il valait mieux le faire rapidement. Si ses nerfs n’avaient pas encore lâché, ce n’était pas dit que cela n’arrive pas. Et si cela arrivait le mieux était de ne pas être dans les parages.
- Qu’est-ce qu'une gamine dans ton genre fait ici ? Elle arqua un sourcil. - Tu n’es même pas capable de te tenir convenablement, c’est déplorable. Sans quitter des yeux la prolo, elle attrapa le verre que venait de déposer l’homme et se remit à faire tinter le verre avec ses ongles, attendant impatiemment une réponse.
- Mais maman, c’est toi qui m’as demandée de venir ici…
FAUX. Totalement faux, mais c’est ça qui était drôle. La réaction des gens autours aussi. Comme si elle assumez pas sa gamine et essayer d’reporter la faute sur elle. J’avais envie d’sourire, mais j’pouvais pas. Non fallait que j’reste sérieuse. C’tait important pour la blague. Le barman commencez lui aussi à s’poser des questions. Maintenant, fallait attendre la réaction. Qui allait être terrible. Oui, après une baffe pareille, j’doutais qu’elle serait sympa sur cette blague. Mais j’avais pas pu résister. Entre l’alcool et ma connerie naturelle. Y’avait rien pour m’aider là. Moi, j'devais rester sérieuse. Oui, le plus longtemps possible. Pendant que toute la salle ou presque nous regardait.
- Sérieusement ? Nous avons tout au plus une dizaine d’années d’écart ! Elle essuya une larme au coin de son œil avant de se tapoter la poitrine. - Tu ressembles à un croisement raté entre un Globou et un Ptidodo et je serai ta mère ? Par pitié, ne me manque pas de respect. Elle sauta de sa chaise, attrapant au passage le verre que venait de lui resservir le barman. - En plus quelle mère digne de ce nom laisserait sa fille s’habiller comme... Comme… Ça… Finit-elle par lâcher en secouant négativement la tête.
Sans demander son reste elle avala une grande gorgée de liquide -et ne le recracha pas cette fois-, fusilla du regard tous ceux qui avaient encore l’audace de lui envoyer des regards plus ou moins intrigués et s’en retourna à sa place. Une nouvelle fois elle but puis se retourna, reprenant la même position qu’elle avait adoptée un peu plus tôt.
- Sans vouloir t’offenser, bien entendu… Son visage entier n’était que moquerie et méprise, même ses yeux, fixés sur la demoiselle n’avait rien d’amicaux. - Si tu en as la possibilité, tu devrais prendre une douche. Tu empestes l’alcool…
- V’nant de quelqu’un qui s’prend pour un Mânes, j’vais prendre ça pour un compliment.
Je ris légèrement en ajoutant.
- Mais tu sais, quand on ressemble à un Fiellon, sers à rien d’s’habiller correctement hein. Tu d’vrais pas faire ce genre d’effort ça t’rend pas plus belle. J’dirais même qu’sa fait tâche là.
J’éclatais d’rire avant d’reprendre une gorgée d’bière. Des insultes, ça m’changeais bien d’habitude j’allais pas m’plaindre. Pis s’pas comme si j’pouvais m’entendre avec tout l’monde hein. Ouais, clairement elle, j’allais pas trop pouvoir la saquait. Du détail. P’tête que si elle picoler un poil plus pour m’rejoindre sur l’odeur ça passerais hein.
- Diantre que ta voix est agaçante… Nasilla-t-elle alors qu’elle s’apprêtait à prendre une autre lampée. - En plus tu essayes de prendre en exemple mes propres insultes. J’hésite fortement à trouver ça adorable ou détestable. La chose qui est sûre c’est que tu n’es pas dotée d’une grande répartie et que les comparaisons animales ne s’appliquent qu’à toi, petite créature fétide.
Elle relâcha enfin son nez. L’odeur qui jusque-là l’avait assaillie avec force, n’était plus et elle ne savait pas si elle devait mettre ça sur le compte de l’alcool ou de l’acclimatation. Dans tous les cas, ne plus sentir ce relent pestilentiel lui allait parfaitement. C’est donc plus sereine qu’elle se tourna vers le cloporte, un sourire en coin étirant légèrement ses traits et soulignant son regard moqueur.
- Venant d’une personne qui manque autant de goût… Je crois que je peux prendre ça comme un compliment. Elle laissa ses iris glisser sur l’autre, arquant un peu plus son sourcil droit à mesure qu’elle détaillait sa tenue. - Coiffée comme un dessous-de-bras, des vêtements ennuyeux… Non décidément, je ne suis pas sure que tu puisses te permettre de critiquer… Doucement elle se pencha jusqu’à lui chuchoter à l’oreille. - Parce que si mes vêtements font tache, je n’ose imaginer la façon dont les gens doivent te décrire. Mais si tu es sage, peut-être que je t’apprendrais… Encore que je ne suis pas convaincu qu’une personne comme toi soit un jour capable d’accorder une tenue complète. De la même façon elle se redressa, haussa les épaules et chuchota plus pour elle-même que pour son vis-à-vis. - Accablante petite prolo…
- Vas-y j’suis chaude pour qu’tu m’apprenne ça !
J’avais parlé fort. Trop fort. L’alcool était un problème pour ce genre de truc. Surtout que j’le tenais pas super bien. Suffisamment bien pour pas lui vomir dessus par contre. Fin pour l’moment., j’bus quelques gorgées avant d’ajouter.
- Enfin après, si c’est des paroles en l’air ça sers à rien hein. C’bien beau de critiquer mais maint’nant qu’c’est proposer, va falloir l’faire.
Je ris d’bon cœur avant d’ajouter.
- J’suis sûr que j’peux apprendre ce genre de truc.
Pour moi, la hache de guerre était enterrée. Ouais, tester des fringues, ça avait l’air bien plus drôle que passer la soirée à s’insulter. Même si c’tait une façon d’se détendre hein. Ça finissait toujours mal. Et ça j’aimais pas. Donc les fringues m’allaient parfait’ment. Ouais, rien de mieux. À voir si ce n’était pas un mensonge aussi acéré que toute les insultes qu’elle m’avaient balancé juste avant.
- Enfant des poubelles, ne dit plus jamais que les paroles d’un Milan sont des paroles en l’air ! Et sans lui laisser le temps de dire ouf elle l’attrapa par le col. - Tu ne seras jamais capable d’atteindre un niveau aussi excellent que le mien Fétide ! De sa main libre elle attrapa sa bourse, en déversa le contenue sur le bar sans vraiment regarder s'il y avait trop ou pas et traîna Fétide à sa suite. - Tu me rembourseras le double. Grogna-t-elle tout en ouvrant la porte de la taverne. - Avec les intérêts ! C’est important, les intérêts !
Une fois a l’extérieur, l’air frais qui aurait dû calmer son esprit et faire redescendre son taux d’alcoolémie eut l’effet inverse. Cette fois elle en était sure, elle était saoule. Titubant légèrement, elle ne laissa pour autant pas sa prise lui échapper. Des paroles en l’air ? Elle allait voir ce que savait faire une Milan face à une garde-robe, munit d’un fil et d’une aiguille, elle rirait sûrement moins après ça. Et c’est ainsi que sans se poser de questions, sans lui demander son avis, Queen entraîna Fétide dans les ruelles sombres. Bien décidé à lui montrer, tout son talent. Chose qu’elle regretterait fort probablement amèrement dès que l’alcool quitterait ses veines. Mais pour l’instant son jugement était enivré de mille et une façons.
- Je vais transformer le lépreuse que tu es, en quelques choses de formidable. Enfin… Rien ne pourra être pire qu’à l’heure actuelle. Suis moi.