Dans ses quartiers personnels, Ebrahim ajuste les manches de sa chemise. Son armure de plates habituelle repose sur un mannequin à côté de son armoire. Lorsque son majordome vient le chercher, il sourit. Ses employés vont pouvoir souffler – à lui de s'occuper de la suite. Le pas léger, il se dirige à son bureau, ou il attend patiemment que son invitée soit conduite.
Les domestiques s'effacent des murs de pierre, ne laissant derrière eux que la propreté d'un travail bien accompli, et la chaleur d'un feu bien entretenu. La lumière blanche de la saison froide brille à travers les fenêtres astiquées, et les bruits de pas du majordome résonnent jusqu'en haut de la tour. Heureusement pour tout le monde que monsieur préfère recevoir au rez-de-chaussée ; quoiqu'il serait bien capable de s'établir au sommet des sommets, rien que pour justifier la construction d'un ascenseur magique. N'était-ce pas un des projets qui traînait dans ses petits papiers, d'ailleurs ?
Il ouvre la porte à la dame, et lui fait une révérence prononcée.
MAJORDOME – Bienvenue chez Sire Anteros, madame. Si vous voulez bien me suivre, il vous attend dans son bureau.
Un jeune valet hésitant s'approche pour la défaire de son manteau, et de tout encombrement possible, tout en bafouillant les politesses nécessaires à son intervention. Il ne faut pas lui en tenir compte : madame la ministre a beaucoup de prestance, et ce n'est qu'un débutant.
Le majordome accompagne silencieusement cette grande dame jusqu'à la pièce désignée. Autrefois, il prenait garde à prévenir les nouveaux venus de la quantité de livres et de parchemins vertigineuse qui occupaient la tour, mais avec le temps, même les plus sensibles n'étaient plus impressionnés. Entre deux bibliothèques en mélèze, se trouve la porte qui ouvre vers le lieu où tous les miracles deviennent réalité.
EBRAHIM (vient pour serrer la main de Haru) – Bonjour, ma dame. C'est un honneur de vous accueillir. J'espère que votre trajet s'est passé sans encombres ?
La porte se referme, et les grands esprits se retrouvent seuls. Ebrahim désigne les fauteuils de cuir disposés près de la cheminée, autour d'une table basse qui n'attend qu'à être garnie, au premier signe du petit doigt de la première ministre.
EBRAHIM – Après vous.
Un batonnet d'encens de myrrhe neutralise l'odeur âcre d'encre et de papier qui subsiste entre les murs. Le gouverneur prend soin de modérer son enthousiasme, même si son souci du détail pour les préparations de cette rencontre le trahit. Qu'importe ! Tout cela ne part que de bons sentiments.
Saison Froide
C’était de nouveau l’heure à notre rendez-vous saisoniale avec le gouverneur de Forteresse. J’avais pris le plis de rencontrer les différents gouverneurs du royaume pour qu’on puisse faire des rapports plus réguliers entre chaque région. Il ne fallait pas voir là une manière d’espionner ses chers représentants mais plutôt comme une marque de ses majestés qu’ils n’étaient pas seuls. La Reine tenait particulièrement à ses réunions. Elle venait généralement une fois par an à l’une d’entre elles. Nous y sommes allées toutes les deux, la saison précédente. La saison fraîche était une période cruciale pour affronter le froid qui approche dangereusement la citadelle des Montagnes. Non pas qu’il fasse chaud d’habitude mais il allait faire froid… vraiment froid ! Il fallait qu’on s’occupe des denrées, les médicaments et autres moyens qui pourraient aider le peuple du Nord pour affronter cette période difficile. Il était déjà arrivé que le réseau de téléporteur ne fonctionne plus à la suite de troubles magiques. Pendant une demie-lune, rien ne pouvait arriver là-bas et ni en revenir. Depuis nous préférons être plus prévoyant même cet évènement s’est déroulé et je n’étais même pas née.
Puis il faut avouer que je prends un plaisir à faire ses réunions. Ça me permet de voyager, parler avec d’autres personnes, me renseigner sur la vie de tous les habitants du royaume. Profiter des mets régionaux est aussi mon péché mignon puis avouer que Sir Anteros est quelqu’un d’intéressant. Il n’était pas vaniteux, loin de là. Il prenait à coeur de soutenir son peuple mais pas que, il était un fervent défenseur de la technologie. C’était donc le mécène du quartier des ingénieurs de sa ville. Je sais qu’il était natif de la région et on pourrait se demander si la passion de la technologie est quelque chose d’ancrée en lui. Est-ce qu’il aurait le même s' il était natif du Sud ? Peut-être que cette curiosité sera satisfaite aujourd’hui. Depuis que je suis en poste, nos réunions ont toujours été cordiales et professionnelles. Jamais j’ai pu évoquer son autre “ passe-temps “, l’écriture. J’avoue avoir apprécié ses écrits. Ca n’avait rien à voir aux écrits de Nyx Anger ou plutôt Lynn Regan. Célèbre écrivaine de romans pour adultes mais pas que. Ses romans policiers avaient beaucoup de fans également. Mon attaché-case dans la main, j’avais enfilé un pull de sollnar pour venir à la Forteresse. J’avais l’habitude la chaleur ambiante du palais mais ici, il fallait s’armer de courage si on n’avait pas l’accoutumance de déambuler dans ses couloirs de pierres. Je venais enfin de poser le pied dans leurs terres “ hostiles “ et je quitte aussitôt l’emprise de l’anneau du téléporteur. Cette invention était extraordinaire, dire qu’il faudrait presque une demie-lune de marche pour atteindre cet endroit si nous étions motivés. Je resserre mon long manteau contre moi, le vent était prenant et malgré le pull douillet pris pour l’occasion, je ressentais le froid qui pénètre dans mes muscles.
Un garde vient à ma rencontre et m’accompagne aux portes des quartiers de Sir Anteros. Ce fut un jeune majordome qui prends le relais, m’aidant avec mes affaires. Je comptais rester que pour la journée et je n’avais aucun maillot de bain ou autre pour une escapade dans les sources chaudes. J’avoue que notre dernière aventure là-bas fut quelque peu déroutante mais je songe réellement y aller avec Jin un jour. N’est-ce pas un endroit romantique à souhait en plus de l’étoile de Saphir à la Ville Aquatique ?
- Merci bien.
On marche dans les couloirs que je commence enfin à me familiariser pour nous retrouver devant les grandes portes du bureau du Gouverneur. J’avoue que la première fois que je suis rentrée dedans, j’ai senti cette douce odeur de papier, d’encre qui rend tout de suite le lieu paisible. On peut sentir son âme d’écrivain, toutes ses réflexions. Est-ce qu’il écrivait d’ailleurs ici ses livres ? Je n’en savais rien mais j’ai cru comprendre qu’il passait un certain nombre d’heures dans cette pièce. D’ailleurs en parlant du loup, le voici. Je lui affiche un sourire sincère sur le visage. Je venais vraiment ici avec plaisir, ce n’était pas une énième tâche à faire en vue de mon poste. Je lui serre la main tendue et me dirige vers ses fauteuils moelleux. J’avoue que la première fois, j’avais l’impression que j’allais me faire dévorer par l'assise mais une fois dedans, on ne veut plus jamais y ressortir. Certainement un piège de sa part pour attraper ses invités.
- Non toujours aussi bien. Je ne pense pas qu’il puisse m’arriver quelque chose de grave entre le téléporteur et votre bureau, peut-être trébucher !
Il y avait peu de risques face à cette cour impeccable.
- Comment allez-vous Sir Anteros ?
Dis-je en finissant de m’asseoir dans le siège tout en croisant les jambes. J'attrape mes quelques documents que je pose sur ma cuisse. J’avais l’ordre du jour de cette réunion. Il était assez complet. Approvisionnement, nombre d’arrestations, suivi des différents groupuscules, situation des différents camps de la garde et du poste-frontière. Mais il n’y avait pas que ça. Une passerelle était en cours de restauration pour atteindre deux vallées plus à l’Ouest. Les travaux devraient être finis avant la période des blizzards. La sécurité des villages alentour était primordiale mais la succursale de la guide prenait aussi le temps d’assurer l’acheminement de certains matériaux lors de leur quête. Le dernier point était l’avancée des projets des ingénieurs. Un projet pour aider les gardes proche de la frontière est en cours pour pallier au manque offensif magique de certains. Même si beaucoup de gardes avaient ce genre de pouvoir, tous n’en étaient pas pourvu et si nous pouvions éviter de jeter nos hommes en première ligne, ça m’arrangerait…
Je pris quelques secondes pour m’installer, profitant pour regarder l’homme devant moi. J’étais amusée de cette marque qu’il portait fièrement sur le nez. Ce que j’ai compris, c'était un héritage familial. J’ai pu voir quelques peintures de ses parents avec le feu roi Melvis lors d’un banquet. Bon il était une cinquantaine sur la photo mais cette marque au nez était facilement repérable. On pourrait croire à une peinture de guerre et à ce stade, j’aurai fini par la tatouer au lieu d’utiliser cette poudre pour gagner du temps ! Mais nous n’étions pas là pour parler de ça et je lui tends les quelques rapports de logistique et les budgets de notre chère trésorière royale.
- Si vous le voulez bien, voici quelques informations que je vous laisse découvrir pendant quelques minutes. Ca fera une bonne introduction à la réunion du jour.
Je lui laisse le temps et connaissant l’homme, il aimait recevoir. Des gourmandises nous attendent certainement là dans un coin, derrière ses murs. Un thé chaud serait plus que bienvenue pour réchauffer mon corps. Pouvoir serrer une tasse chaude entre mes doigts ainsi je serai plus détendue et plus apte à réfléchir.
- Quoi qu’il en soit, je suis impatiente de savoir ce que vous avez préparé de délicieux pour ce matin. Le thé de la dernière fois était excellent, je n’ai jamais retrouvé de telles saveurs à la Capitale. Je vais finir par venir plus régulièrement pour déguster ses petites merveilles.
Dis-je pour le taquiner. Mais attendant, je prends la copie des chiffres où j’avais fait quelques notes et les survolent pour trouver les quelques points critiques. Peut-être qu’il avait une solution plus pratique pour ses administrés, à lui de voir…
EBRAHIM – Je vais très bien. L'année s'annonce prospère, et je suis déjà inspiré pour mes prochains écrits. Autant vous dire que mon éditeur se porte tout aussi bien ! J'ose espérer qu'il en est de même pour vous, très chère ?
Il accueille les documents avec obligeance, et prend son temps pour les parcourir du regard. En même temps que Haru mentionne les délicatesses qu'il fait préparer pour chacune de leurs rencontres, ses lèvres s'étirent en un sourire satisfait. Il claque des doigts à l'intention des domestiques qui se faisaient discrets derrière la porte – et des bruits de pas s'éloignent en direction de la cuisine.
Cela fait, il porte une main à sa barbe alors que son regard arrive sur les bilans de la Commission. Le régiment de la Forteresse aurait probablement besoin d'être ré-étudié au cours des prochaines lunes... La situation à la frontière se complexifiait avec le temps, et il comptait bien intervenir avant qu'elle ne dégénère.
EBRAHIM – Voilà qui est très intéressant.
Alors qu'il finit sa phrase, une domestique toute pouponnée entre dans la pièce. Elle porte un plateau en ébène ouvragé et bien chargé, qu'elle amène sans mal jusqu'à la table, avant de se retirer après une petite courbette. Le maître de maison lui adresse un petit clin d’œil avant que la porte se referme : tout le monde voulait se montrer sous son meilleur jour à sa façon, apparemment.
Et pour cause, tout jusqu'au service à thé en porcelaine avait été choisi pour honorer la présence de cette invitée si estimée. Un thé noir de la famille Orlin, gage de qualité s'il en est, présenté avec du sucre, du lait, et quelques rondelles de citron, pour anticiper le moindre désir de la dame quant à la boisson proposée. Mais ce qui attirait le regard, c'était surtout le reste : sur plusieurs assiettes disposées en pyramide, reposaient les fameux biscuits du chef de trois sortes différentes (citron, cannelle et cacao), mais également des tranches de cake salé qui formaient un cercle parfait, ainsi qu'un assortiment de macarons. Les serviettes en tissu étaient pliées en cygne, la coutellerie était impeccable : en voilà un qui avait mérité sa prime de début d'année, comme tous les autres.
EBRAHIM (en servant le thé) – J'espère que ces gourmandises préparées par mon chef seront à votre goût. Si j'ose me permettre de vous mettre dans la confidence, il est toujours fier comme un pou lorsque je lui demande de cuisiner pour vous.
Et il est loin d'être le seul. Ebrahim regarde tendrement le thé qu'il sert, avec une pensée pour l'ami qui le lui a offert, puis il retrouve son sérieux. Il aimerait demander l'avis de la Dame Du Lys sur un des projets qu'il finance, qui pourrait aider la garde comme la guilde dans leurs différentes assignations sur son territoire.
EBRAHIM – Sans plus attendre, je souhaite aborder un projet qui a sa place à l'ordre du jour. Un ingénieur m'a récemment montré un prototype de planeur à taille humaine, qui permettrait à celui qui le porte de suivre la trajectoire du vent pour s'élever dans les airs ! Je doute qu'une telle entreprise soit réalisable, en tout cas, dans une seule vie, mais cela soulève un point intéressant : les gardes de la frontière, comme les constructeurs de la passerelle, devraient avoir un moyen abordable d'amortir une chute malheureuse, sans magie. (Il se lève, tout en parlant, et se dirige vers son bureau pour en ramener quelques feuilles) Nos discussions nous ont amené à un entre-deux cohérent, une sorte de dispositif qui permettrait de déployer une version de son planeur, non pas pour voler, mais simplement pour ralentir la descente jusqu'au sol.
Il montre les dessins de l'ingénieur à Haru, tout en désignant le schéma explicatif du bout du doigt. Il ne voulait pas lui remplir l'esprit avec plus de calculs, mais avant tout défendre une initiative qui limiterait les pertes, tout comme elle apporterait un second souffle à la montagne.
EBRAHIM – Ce projet me semble aussi réaliste qu'il serait peu coûteux – l'engin ne demande pas de matériaux de luxe pour fonctionner, et son inventeur m'a assuré que l'entretien s'apprenait facilement. Qu'en pensez-vous ?
Son enthousiasme prenait maintenant tout son sens. Qu'en penserait la Dame ? Serait-elle charmée, refroidie ? Il avait hâte d'avoir son avis, tout comme il avait hâte d'aborder plus en détails les autres points de la réunion – mais chaque chose en son temps ! Ils commençaient à peine à prendr ele thé, après tout.
J’avais l’impression d’être accueillie comme une Reine. Toutes ses petites attentions étaient charmantes. Non pas que j’insinue qu’on peut m’acheter aisément avec de la nourriture mais cela rend la discussion bien plus agréable. Je ne peux m’empêcher d’afficher un sourire enfantin face à son aveu. Le chef voulait me faire plaisir, si je le pouvais, j’aurai bien voulu l'emmener jusqu’à la Capitale pour goûter ses délicieuses gourmandises en tout temps. Hélas, c’était un mal pour un bien qu’il soit ici dans la Citadelle Rocheuse. Ma silhouette s’en portera mieux !
- Vous pourrez lui dire que l’attention me touche ou plutôt lui dire que je dévore ses petits gâteaux avec passion ! Il peut être fier.
Je fais un léger hochement de tête lorsque le Gouverneur me sert le thé. Je prends quelques instants pour humer l’odeur délicate. L’odeur était alléchante et je suis certaine que le goût le sera aussi. Sans plus attendre, le noble aborde ce point technologique. Ce n’était pas ma spécialité mais il avait fait l’effort de vulgariser tout ça. Je finis par poser ma tasse et attrape les plans qu’il me tend. C’était assez facile à comprendre, un peu comme les écureuils qui planent pour rejoindre leur cible plus bas. L’idée était très intéressante surtout dans un milieu si escarpé. Ca pourrait permettre la fuite d’une unité proche des gouffres en choisissant l’option “ sauter “. Actuellement, c’était repoussons l’ennemi comme on peut et on essuyait de nombreuses pertes. Ce système pourrait permettre d’autres choses et je finis par penser tout haut.
- Je pense qu’on peut même ajouter des petits orbes de vent magiques pour permettre une prise d’élan pour se dégager de la paroi si nécessaire. Certains de nos enchanteurs travaillent sur ce sujet pour contenir des magies élémentaires, par exemple comme nos pierres de feu…
Je ne sais pas si c’était réalisable mais tout était possible. Si les ingénieurs et enchanteurs travaillaient main dans la main… Néanmoins, cette rivalité met à mal de nombreux projets. Peut-être que la nouvelle génération changera ça mais rien n’était gagné.
- Mais si nous restons sur la partie purement technologique. On pourrait prévoir des passerelles plus en hauteur. Des miradors dans les montagnes et permettant à cette unité volante d’intervenir tels des aigles.
Même voir le blizzard faire de telles choses serait révolutionnaire, ça pourrait nous aider à couvrir des zones plus larges. Nos gardes forestiers pourraient arriver sur site plus rapidement si leur faction était dans le bon secteur. C’était un autre monde qui s'ouvrait à eux mais ça… il faudrait que le premier prototype existe.
- Donc si je comprends bien, il faut que je demande à notre chère trésorière, les fonds nécessaires ?
Je ne sais pas quelle partie était la plus dure. Faire le planeur ou obtenir l’argent ?
- Vous connaissez la musique Sir Anteros.
Je dépose les plans sur le côté pour attraper de nouveau ma tasse. Posant mon dos contre le dossier, le contenant proche de mes lèvres. Je lève mes yeux vers lui.
- Produisez-moi le dossier de financement et j'appuierai votre candidature auprès de Dame Milan.
Et je pense que je ferai aussi un saut dans le bureau de la Reine pour m’aider sur ce coup-là. Mettons toutes nos chances de notre côté. Je pris une gorgée et décide de connaître un peu plus l’homme en face de moi.
- Est-ce que vous seriez prêt à être l’un des premiers cobayes de cette invention ?
Pour moi, la réponse était plutôt simple. Jamais, je m’amuse à sauter depuis une falaise depuis ce truc. Même si on m’assure que tout se passera bien, je préfère qu’un millier de saut soit validé avant de faire le grand pas. Peut-être que si Jin essaye et me dit qu’on a rien à craindre, je le tenterai mais là n’était la question… Je voulais connaître le caractère aventurier de mon interlocuteur. Voir qui se cache derrière cette plume si délicate.
EBRAHIM – Je rédigerai une proposition à la hauteur de mes ambitions dans les prochains jours, afin de ne pas vous faire patienter plus que de raison.
Une façon habile d'officialiser cet échange, sans revenir sur l'introduction de technomagie dans ses plans. Dans cette situation précise, il n'était pas complètement contre, mais vous connaissez les ingénieurs... Ebrahim allait devoir se montrer persuasif pour que leur projet arrive jusque dans les oreilles les mieux serties du royaume, et ça, c'était toute une autre histoire. Rien qui ne puisse lui poser de vrais problèmes, cependant.
EBRAHIM (avec un sourire amusé) – Un des premiers cobayes ? Pourquoi pas. Si je ne fais pas acte de foi envers ceux que je finance, qui le fera ? Je ferais attention à choisir une hauteur raisonnable, cependant. Voler est un doux rêve, mais un prototype reste un prototype. Ai-je satisfait votre curiosité, ma dame ?
Il laisse volontairement sa voix traîner, comme pour mieux sous-entendre l'étendue des possibilités qui l'attendent. A-t-il vraiment tort ? Le Nord n'a pas fini d'avoir besoin de son gouverneur, et de façon plus intime, il a d'autres « projets » à mener à bout... Oui, des projets, oui. Il boit une gorgée de thé, et savoure son parfum délicat. Quand est-ce qu'il avait vu Uriah pour la dernière fois ?
Revenons aux choses sérieuses. Maintenant que le projet de planeur avait été abordé, il y avait tout le reste.
EBRAHIM – Si j'en crois les chiffres que vous me présentez, il me semble que tout est à peu près en norme pour ce qui est de nos bilans financiers. La Montagne peut sembler gourmande en cette saison, mais nous aurons retour sur investissement quand le temps sera plus clément. Comme tous les ans, en somme. (Il pince un feuillet entre deux doigts pour le faire glisser devant les autres.) Néanmoins, je me vois obligé de constater qu'il devient difficile d'approvisionner le poste de la Frontière, autant que les ouvriers de la passerelle.
Il devient songeur quelques instants. Il n'y a pas de façon idéale de trancher le sujet : privilégier un camp condamnerait le second, et le compromis actuellement en place devient de plus en plus bancal. D'où l'intérêt d'innover ! Une remarque de la Première Ministre lui reste en tête, bien plus qu'il ne l'apprécierait : si les enchanteurs parviennent à contenir une magie aérienne dans les planeurs, Ebrahim aura un atout en plus dans sa manche pour faire valoir son projet.
EBRAHIM – Je me renseignerai au sujet des avancées des enchanteurs auprès de notre Ministre de la Magie, puisque je prévois de lui rendre visite prochainement. Ses conseils m'ont toujours été précieux. D'ici là, je contacterai le régiment du Nord pour leur demander leurs propres besoins... Peut-être que ce sera leur dossier qui vous parviendra en premier.
Avec éloquence, il retourne la situation de manière à pouvoir la dominer, ou au moins, à faire dignement semblant. Cette parure d'ingéniosité ne lui servait que lorsqu'il était en bonne compagnie, pour rassurer ses invités sophistiqués. En vérité, le gouverneur de la Montagne était à son image : rude, inflexible, et froidement protecteur.
Le gouverneur n’était pas tombé dans le piège et jouait le jeu de mon interrogatoire discret.
- Prévenez moi lorsque vous effectuerez votre vol d’essai. Je ne voudrais rater ça pour rien au monde même si vous le dites, l’hauteur reste raisonnable. Vous êtes déjà beaucoup plus courageux que moi.
Chacun son métier, chacun ses compétences. Je ne suis pas sûre que mon coeur puisse se permettre pareilles frasques. Quoi qu’il en soit, nous retournons sur un sujet plus sérieux. Les chiffres. Ils étaient ni bons, ni mauvais, il fallait qu’on s’adapte et que chaque citoyen soit en sécurité pour la saison froide. La garnison du Blizzard ne pouvait pâtir d’une mauvaise gestion, il était impensable que cela se produise et la Couronne faisait toujours le maximum avec le Gouverneur en place.
- Vous avez raison, Sir Orlin est un fin connaisseur. Si vous passez au Palais, n’hésitez pas à faire un saut à mon bureau. Ce serait toujours un plaisir de vous recevoir.
Je ne l’avais jamais reçu dans mon bureau depuis mon mandat, ça serait l’occasion de parler d’autres choses de politique. Comme dédicacer mes livres qui sont restés dans ma bibliothèque.
- D’ailleurs, j’ai entendu une folle rumeur dans les couloirs. Un certain Javic qui veut faire déplacer un ballon dans le ciel ? J’ai l’impression que les ingénieurs de Forteresse cherchent absolument à voler ses dernières saisons. C’est un rêve tout à fait honorable, un vrai exploit même ! Le premier homme volant autre que son pouvoir naturel.
On pouvait trouver dans les livres, quelques hommes qui avaient le pouvoir de voler. Certains pouvaient contrôler le feu, l’air, se téléporter alors pourquoi pas voler ?
- il rentrerait dans l’histoire puis qui sait, ça pourrait nous servir pour contrer un ennemi venu d’ailleurs.
Après les événements de la Cité Enfouie, la Tour en Ruines. Nous faisons en sorte de réagir face à nos précédentes erreurs. Ne jamais sous-estimer la magie, il y avait une bête immense qui traîne sous nos pieds dans nos montagnes. Après le Fenrir, nous avons encore d’autres monstres légendaires qui pourraient traverser le gouffre. Des dizaines de scénarios étaient possibles. Un Fenrir aquatique qui inonde tout Grand-Port par une vague géante mais si ça arrivait par le ciel ? Un amas de roche qui flotterait au-dessus de nos têtes ? Je secoue mentalement la tête, il ne fallait pas penser au pire...
- Mais ce n’est pas le cas non ? Nos frontières sont sûres et si cette rumeur de ballon flottant est bien réel, ajoutez cela à la demande de budget.
Queen va faire des bonds de plusieurs mètres de haut mais la sécurité du pays était en jeu. On réduira le budget des festivités si nécessaire.
- Veuillez m’excuser, je crois que je me suis égarée alors que nous parlions des chiffres.
Cette rumeur m’était revenue à l’instant quand il avait parlé d’investissement. La Reine m’avait demandé un compte-rendu sur toutes les recherches en cours dans le quartier des ingénieurs. Il y en avait des dizaines en cours, sans ajouter ceux qui se trouvent dans les tiroirs mais le nom de Javic est revenu plusieurs fois par divers informateurs.
- Mais vous avez raison. L'approvisionnement devient critique et peut-être de la main d’oeuvre supplémentaire est nécessaire pour faire une piste plus viable. Nous avons bien tracé une route sûre entre le Village Perché, la Capitale et Grand-Port. La route est totalement carrossable et survit aux intempéries. Ce fut un chantier titanesque avec le transport des matériaux et de la grave mais peut-être devons-nous prendre exemple pour faire la même chose entre les différents cols.
Beaucoup de petits hameaux trônent dans la montagne. La Citadelle était le point névralgique de tous ses habitants. Ils venaient pour le téléporteur, le grand marché, la partie administrative ou certains soins plus complexes mais nous devions faire cette route. Que ce soit pour rejoindre le plus à l’ouest de la Montagne mais aussi le point plus au Nord, vers le Poste-Frontière.
- La proposition que je peux vous faire est d’ouvrir une nouvelle carrière de pierre. Il est vrai que ça dévisage un peu notre montagne mais certaines cavités peuvent nous permettre d’extraire des pierres plus ou moins meubles. Nous n’avons pas besoin de granite ou autres roches type volcaniques. Les roches sédimentaires comme le Grès serait parfait. Facile à extraire et à travailler. Ca pourrait faire des rigoles pour éviter les éboulis et nous utilisons de la craie ou gravier pour parsemer sur le chemin large comme un chariot.
C’était une solution comme une autre mais il fallait convaincre certains pour créer cette carrière. Nous en avions quelques-unes dans le royaume à ciel ouvert mais l’acheminement serait trop long et chaotique. L’extraire sur place, faciliterait grandement la vie.
- Après, je ne suis pas spécialisé dans le génie civil, loin de là mais ça serait un point à étudier avec vos érudits de Forteresse. Vous avez certainement des spécialistes de la montagne dans vos rangs.
C’était même certain mais je ne voulais pas prendre la vedette. Je suggère une idée, à lui de l’explorer.
- Peut-être pourrons-nous en parler de nouveau lors de votre visite au Palais.
Une raison de plus pour l’inciter à venir me voir. Je devrais arrêter ce sous-entendu avant qu’il se fasse une quelconque idée. Je préfère alors me taire, attrapant de nouveau ma tasse de thé quand je pose le paquet de feuilles sur le rebord du fauteuil.
Dans ces moments là, on accepte simplement le compliment, et on se tait. Et on accepte l'invitation avec élégance, parce que c'est comme ça que ça se fait. Même s'il n'avait pas encore décidé d'officialiser ou non sa visite à la capitale. Après tout, cela faisait un bon moment qu'il n'avait pas eu un peu de temps pour lui, et encore plus longtemps qu'il n'avait pas eu de temps pour Uriah... Il imaginait déjà ses yeux pétiller à l'idée de faire collaborer leurs chercheurs ensemble, et cette simple idée lui apportait une vague de sérénité.
C'est donc avec un calme olympien qu'il se concentra sur le nouveau sujet que Haru avait décidé de mettre sur la table : les rumeurs sur le projet de ballon volant. Fascinant, la façon dont cette femme ne rate aucun ragot... Il entrecroise des doigts tout en essayant de lire ce qu'elle en pense dans ses propos ou son regard – elle avait l'air à la fois intéressée, surprise, et... pessimiste ? Etait-ce vraiment les émotions qu'elle projetait, ou simplement celle qu'il était capable de lire ?
EBRAHIM (facétieux) – Effectivement, je suis familier avec le projet d'Emmett Javic. Il est sous mon aile depuis un moment, et nous échangeons beaucoup par correspondance. Cependant, son projet est relativement extravagant – je préfère le financer moi-même, puisqu'il en est encore à sa phase d'essais. Je vous présenterai son projet plus en détail si un besoin particulier se présente, ce qui ne me semble pas être le cas pour l'instant...
Effectivement, comment aurait-il pu prévoir les événements à venir ?
Il la suit alors qu'elle en revient à l'ordre du jour, et approuve silencieusement le renfort de main d’œuvre. C'est bien le genre de choses qu'il n'a qu'à peine l'autorité de décider par lui-même, alors il est bien heureux de la laisser prendre l'initiative. Ou peut-être de lui en donner l'illusion ? Qu'importe, non ? Leurs intérêts allaient dans le même sens, et il ne ressentait pas le besoin de jouer avec l'esprit de la Dame Du Lys pour avoir une conversation productive.
EBRAHIM – Votre raisonnement est consistant et, effectivement, cela nous permettrait de débloquer une nouvelle source de matière première. J'ai quelques lieux qui me viennent en tête, mais il faudra que j'envoie quelques lettres avant de vous faire mes propositions. Le labyrinthe de grottes qui fait la réputation du Nord est impossible à cartographier, et je suis sûr que vous serez d'accord avec moi sur le fait qu'il serait dommage d'y perdre d'innocents mineurs, n'est-ce pas ?
Une fausse question comme il les fait si bien lorsqu'il veut rappeler une information. Bien que son travail avec la Première Ministre et la majorité de ses collègues, depuis sa prise de poste, revenait à rendre le Nord plus simple à naviguer, il était toujours celui qui devait rappeler cette évidence si facile à oublier : le Nord est indomptable, quoiqu'on y fasse.
EBRAHIM (plus doux) – Je prendrai les devants sur la moindre catastrophe. Ces gens-là ont déjà un métier bien assez difficile.
Heureusement, son gouverneur, lui, était toujours prêt à s'interposer entre la dureté de la réalité, et la beauté des projets idéalisés. Homme de loi, homme de lettres, il avait la finesse de savoir faire passer des décisions radicales pour des compromis, et inversement.
Il finit sa tasse de thé avec un sourire, et une promesse de plus.
EBRAHIM – Je vous ferai un nouveau compte-rendu lors de notre prochaine entrevue, très chère.
L’idée d’ouvrir de nouvelles carrières ne lui était pas défavorable. J’avais peur qu’il refuse en prime abord. Soit la personne en face de moi était quelqu’un d’opportuniste voyant les commandes pour de riches promoteurs tombées ou tout simplement, il prenait à cœur de sécuriser la route. Je le sais bien que c’est un chantier qui dura plusieurs générations. L’arbre sacré ne s’est pas fait en jour non plus.
- Cela est évident, Sir Anteros. Je ne souhaite pas sacrifier la vie de nos citoyens pour gagner du temps sur un projet de construction trop hâtif.
Mais la voix plus calme du Gouverneur me rassure. Je n’avais jamais utilisé mon pouvoir sur lui. Je crois que ça n’a jamais été nécessaire. Cet homme inspire la confiance et la rudesse du Nord. On pouvait comprendre qu’il sera toujours géré le moindre problème dans son fief. Une intuition qui était ancrée en moi depuis que j’échange avec lui à mon poste. La Reine avait toute confiance de ses choix et elle avait insisté que j’y aille toute seule à cette réunion. Apprendre à mieux se connaître et Allys avait toujours le don de savoir ce qui me plairait. Peut-être qu’elle aussi a eu le droit à de magnifiques pâtisseries et conversations chaleureuses avec lui. En voyant l’homme en face de moi, je m’amuse à le comparer à notre roi. Grim était un ancien garde, de plus il était encore très attaché au corps armé. Prenant toujours le temps de discuter avec le commandant Höls ou de voir les troupes et autres camarades. Etrangement, je ne vois pas Sir Anteros avec une armure. C’était peut-être que mon avis mais ils étaient bien différents et tous les deux autant charmants.
Non la différence notable était la façon dont Ebrahim savait parler aux femmes, aux gens en général. Il avait diverses expressions sur son visage qui apparaissent au fil de la discussion. A la fois joueur, sérieux et compréhensif. Comment ne pas craquer à pareilles attention quand il prend cette voix plus douce, plus caline. On reconnaissait là, l’écrivain dont j’ai lu de nombreux ouvrages. Nous avions presque fini l’ordre du jour, il restait quelques questions que nous traîtons dans la foulée. Rien de bien intéressant à part un blabla administratif sans nom. J’avais récupéré les divers rapports de mes collaborateurs. Dame Heydell m’avait donné les chiffres des arrestations et autres procès du coin. On constatait une augmentation de groupuscules dans les environs tout comme le Village Perché. Notre Ministre des Armées avait alors pris cette soudaine menace au sérieux, des patrouilles de la Garde Régulière va être déployées pour assurer la passerelle entre le Blizzard et les Belluaires. J’avais compris que Sir Olrin discutait directement avec le Gouverneur, je n’avais pas besoin d’énoncer ses doléances. Non c’était notre ministre de la Culture qui souhaitait faire quelque chose pour Forteresse. Le Grand-Port avait son festival de la saison chaude, tout le monde partait vers la mer pour profiter de la mer qui avait une température raisonnable. Sans oublier tous les nobles qui partaient à l’Archipel. Mais il était rare que des Aryonais décident de leur plein gré d’aller en vacances dans le Nord. Pourtant, l’attrait des sources chaudes a fait fonctionner le tourisme pendant la belle saison mais c’est tout. Il fallait qu’on accentue les échanges et le ministre voudrait travailler sur ce point.
- Je souhaite aborder un dernier point avec vous puis nous aurons fini l’ordre du jour.
Ma tasse de thé était malheureusement vide elle aussi mais il ne fallait pas abuser des bonnes chaudes. J’ouvre alors le dossier sur mes genoux, de nombreuses feuilles, des projets d’affiches, des idées crayonnées dans un coin de feuille. Mon remplaçant avait une manière bien à lui de faire quelque chose aux propres mais mise à part son manque d'organisation flagrant, il faisait bien son travail.
- Le Ministre de la Culture souhaite prévoir quelque chose à Forteresse. Un festival ou quelque chose de ressemblant. Grand-Port et le Village Perché avaient leur animation mais ici rien. Je sais que ça peut paraître futile mais j’aimerai que nos concitoyens apprennent à connaître le Nord. Vous avez tellement de choses à partager mise à part votre savoir-faire technique ou les fameuses sources chaudes.
Un léger sourire se glisse sur mon visage. Je pense alors à ce moment détente avec cette doctoresse puis mes rêves… il était certain que je devais corriger cette erreur et venir ici avec Jin. On dit que c’est quelque chose de romantique, quelque chose à faire en couple. Je ne l’avais jamais fait et il était peut-être temps !
- Ses idées sont encore floues et souhaiterait en parler directement avec nous. Bien entendu, pas quelque chose d’aussi imposant que le festival du Solstice de l’an mille.
Rien d’y penser, je ressens toute la fatigue de cet évènement. Nous avons travaillé des jours durant pour faire plaisir à tout le monde. Le couple Royal a été plus qu’heureux d’avoir eu une fête grandiose pour ce changement de millénaire.
- Non quelque chose de plus simple qui vous correspondrait. Une foire aux inventions peut-être ? Nous avons bien le concours annuel des artistes au Village Perché ! ,
C’était l’idée qui était souvent venu dans la bouche de mon Ministre. Ce n’était pas une mauvaise idée mais je préfère laisser le choix au brun.
- Peut-être avez-vous autre chose en tête. N’hésitez pas et je serai calmée les ardeurs de mon collaborateur !
Avec difficulté mais tout à fait possible. Je laissais donc à mon hôte de réfléchir pendant que j'attrapais un stylo pour noter ses diverses remarques.
Son regard se pose immédiatement sur le dossier qu'elle ouvre alors qu'elle décide d'aborder son point final. Lui avait choisi l'introduction pour y faufiler ses intérêts personnels – elle préférait le confort de la conclusion. Soit, prêtons-lui attention.
EBRAHIM (à lui-même) – Un festival...
Le murmure lui échappe alors qu'il écoute attentivement la Dame, tout en l'étudiant du regard. Elle semblait absolument croire en son projet, ou en tout cas, c'est l'impression qu'elle voulait donner. Il détourne le regard pour le plonger dans les braises qui tapissent sa cheminée, tout en passant la main dans sa barbe. Oui, ce serait une bonne occasion pour... Quoique... Il avait encore des pions à placer... Et puis... Tout dépendait du temps qu'on lui laisserait.
Avec la flamme des secrets bien gardés, son regard s'anime et revient à Haru, sans qu'il bouge la tête.
EBRAHIM – Quelque chose en lien avec les innovations locales serait une bonne idée, oui. Mais je ne voudrais pas avoir l'air de faire du favoritisme, voyez-vous ? Nous avons des forgerons tout aussi capables, et il y a sûrement un juste équilibre à trouver entre un événement dédié aux inventeurs que je finance, et un événement plus inclusif. (Il baisse la tête en soupirant, faussement convaincu) Je contacterai votre collègue pour échanger à ce sujet. Vous êtes suffisamment occupée sans avoir besoin de jouer les oiseaux messagers - bien que votre présence soit beaucoup plus agréable que la leur !
Beaucoup plus remarquable, surtout. Les années passent, mais le prestige d'être en contact direct avec les autres membres du gouvernement ne s'efface pas. Un sourire voilé étire légèrement ses lèvres. Le plateau de jeu prend forme. Bientôt, il pourra... Oui. Chaque chose en son temps. Il pleut du sable à Aryon. Ils se reverront très probablement lorsqu'ils sauront quoi en penser. Et à ce moment-là, le gouverneur encaissera retour sur investissement.
Trop poli pour montrer la sortie à son invitée, probablement toujours trop heureux de cette réception pour y mettre fin, il s'égare en banalités. Il lui parle de son prochain livre, un roman sur un aventurier qui a pris sa retraite et qui part à la recherche des baleines dans le ciel – sans lui donner trop de détails pour en gâcher la lecture si elle venait à se pencher dessus, tout en lui en donnant assez pour être sûr d'attirer son intérêt. Que pensera la Première ministre de ses ouvrages, tour à tour plus engagés les uns que les autres ? Qu'en pensera la royauté ?
C'est une excellente question à se poser. Pour l'heure, le rideau tombe, et recouvre l'ordre du jour. Il va sans dire que les deux politiciens auront bien des sujets à méditer jusqu'à la prochaine lune.