Poussant un profond soupir, ce fut avec des vêtements chauds, son épée et ses objets magiques ainsi que ses sacs sans fonds qu'elle quitta le téléporteur de la Forteresse. Même si la femme à tout faire travaillait principalement à la Capitale et ses alentours, il n'était pas rare que ses contrats la mènent dans d'autres villes ou villages d'Aryon tant que la récompense en valait le coup. Et la récompense de ce contrat en valait clairement la peine, si bien qu'elle sautillait plus qu'elle ne marchait. De plus, ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait se permettre d'aller à la Forteresse ! Elle était déjà excitée à l'idée de visiter certaines tavernes et surtout, surtout ! Les sources chaudes ! Autant pour s'y relaxer que pour pouvoir se rincer l’œil en toute impunité hehe.
Mais avant toute chose, elle devait d'abord rejoindre une taverne. Étonnant n'est-ce pas, venant de l'une des plus grandes alcooliques d'Aryon ? Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, cette fois, elle n'y allait pas QUE pour boire, loin de là – même si bon, c'était un peu prévu -. Son employeur y avait tout simplement donné rendez-vous pour pouvoir donner tous les détails nécessaires afin de réussir au mieux la mission qu'il allait confier à la citoyenne – qui avait déjà en haute estime la personne qui l'avait embauchée, pour avoir choisi une taverne plutôt qu'un salon de thé ou autre -. Avec de la chance, elle pourrait même gratter une ou deux bières gratuitement sur son compte !
Après s'être arrêtée dans plusieurs boutiques pour faire un peu de lèche vitrine et acheter quelques souvenirs pour ses familiers et Zilith, le lieu du rendez-vous fut enfin en vue. Un établissement servant aussi d'auberge qui, vu de dehors, pouvait paraître miteux mais qui était en réalité parfaitement respectable une fois la porte ouverte. Astrid le savait car elle avait déjà eu quelques soirées corsées se finissant la tête dans la cuvette des toilettes. Aaaah, des souvenirs mémorables ! La citoyenne espérait que Ulodi, une serveuse rousse aux jolies formes, y travaillait toujours. Et il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir !
Avec 30 minutes de retard, la femme aux cheveux blancs comme neige ouvrit la porte dans un grand fracas et gueula avec un grand sourire jusqu'aux oreilles :
-HEYO ! Astrid est de retour pour vous jouer un mauvais tour !
D'un grand geste de la main elle salua le propriétaire de l'établissement derrière son comptoir et n'eut pour toute réponse qu'un haussement de sourcil surpris. De toute évidence, le grand moustachu aux cheveux courts et bruns ne s'était pas attendu à voir le phénomène de foire qu'était Astrid Dalgaard dans son établissement de si tôt.
-Astrid, pas de bagarre cette fois hein ? Sinon je te jette dehors tout de suite.
-Eeeeh, je viens pour des affaires cette fois, pas pour me battre j'le jure ! Répondit la concernée en levant les deux bras vers le plafond en signe de reddition.
Cela dit, elle n'avait pas dit qu'il n'y aurait pas de bagarre heh. Toujours avec son sourire narquois, la femme à tout faire balaya la salle du regard et tomba directement sur une table où deux personnes étaient déjà assises. Un vieil homme aux cheveux grisonnants, assis dignement sur sa chaise en bois et habillé richement, contrastant avec le reste des clients aux vêtements plus modestes. Ça devait donc être le marchand. Les yeux marrons plissés en direction de la nouvelle arrivante, il tapotait la table de ses doigts avec un rythme régulier, probablement irrité du retard d'Astrid, ou par le problème qu'il allait leur présenter. Assise devant lui se trouvait une charmante jeune blonde aux tatouages bien particuliers couvrant la partie haute de son visage. Original.
Ignorant l'irritation du vieillard, la chieuse approcha de la table et posa ses mains sur ses hanches :
-Saluuut, c'est vous Sam ? Enchanté, moi c'est Astrid Dalgaard !
Sans attendre de réponse, elle lui serra la pince et continua :
-Ça vous va si je commande une bière ? Celle de la Forteresse a un goût bien particulier qu'on retrouve pas à la capitale, heh.
Elle observa ensuite rapidement l'autre jeune femme, notamment ses courbes, sa poitrine, puis remonta sur ses yeux noisettes. Pas mal.
Avec sa bonne humeur habituelle, elle dit alors en lui tendant la main :
-Tu vas être ma partenaire pour ce boulot ? Ça te dirait pas d'être ma partenaire au lit ce soir aussi ? Héhéhé.
AH. Bien sûr, Astrid savait toujours faire forte impression, surtout avec un rire bien gras. Faire bonne impression par contre, c'était une toute autre histoire dont il ne fallait pas espérer grand-chose, comme elle venait malheureusement de le démontrer.
La dernière fois qu’Aelith avait tenté de s’aventurer dans les ruelles de la fière Forteresse, les événements avaient pris un tournant pour le moins… inattendu. Sa visite de la cité des hauteurs s’était malencontreusement muée en une cavalcade involontaire, qui l’avait guidé aux portes d’un trafic d’incandescent. Pour autant, elle ne perdait pas de vue ses objectifs. Enveloppée dans son manteau gelé, la citadelle resplendissait. Et l’aventurière comptait bien profiter de l’élégance de la saison froide pour visiter les alentours.
Malheureusement, ces trois derniers jours, elle s’était un peu trop concentrée sur l’exploration des tavernes. Sa bourse fragile en avait gravement souffert, si bien qu’elle se voyait contrainte de mettre fin à ses excursions plus tôt que prévu pour la remettre d’aplomb. L’avant-veille, écumant les annonces de la Guilde, elle avait soigneusement sélectionné la requête d’un marchand opulent. La mission, qui concernait des vols de vivres, lui avait paru des plus accessibles, tout en promettant d’offrir une récompense affriolante.
A treize heures tapantes, la jeune femme se rendit ainsi à la Taverne du Lapin Trémoussant. N’apercevant pas son commanditaire, elle s’installa à une large table dans le fond de la salle, et commanda un hypocras pour patienter.
Près de vingt minutes s’écoulèrent sans que le commerçant ne se montre. Dubitative, Aelith trifouilla ses poches pour y dénicher un parchemin froissé. Elle plissa ses yeux pour tenter de déchiffrer l’écriture resserrée du marchand. «… Je vous attendrais à la Taverne du Lapin Trémoussant, mardi 14h ».
« Mordiable ! grommela-t-elle. Une heure en avance, c’est du joli. »
Pour combler son ennui, elle entama une discussion avec la table adjacente, et se laissa tenter par un verre d’hydromel et deux choppes de bière.
Lorsque le commerçant finit par se montrer, engoncé dans son pourpoint serré et les lèvres pincées, elle badinait ridiculement avec un serveur, les joues rougies par l’ivresse.
« Monsieur Gamegiii ? s’exclama-t-elle joyeusement. Ass’yez-vous, j’vous en prie. J’me suis permis d’vous commander un verre d’hydromel. »
En réalité, le verre en question était initialement destiné à sa propre consommation, mais il lui semblait plus convenable de tourner les choses ainsi.
« Sans façon, merci, déclina-t-il poliment. Une jeune femme vous assistera dans cette mission, elle ne devrait pas tarder à nous rejoindre. Je vous expliquerais les faits plus en détails à son arrivée.»
S’en suivit une demi-heure pesante et silencieuse, que la jeune femme tenta à plusieurs reprises d’égayer, sans succès. Le marchand avait le regard fermé et se contentait de lui répondre par signes de tête, tout en pianotant des doigts sur le rebord de la table.
Une jeune femme finit finalement par se présenter devant eux. Son air jovial et détendu plut immédiatement à Aelith, sans mentionner sa visible appétence pour l’alcool. Astrid Dalgaard… Ce nom interpellait l’aventurière. Pourtant, elle n’avait aucune Astrid dans son entourage, et son visage lui était inconnu. Haussant ses épaules, elle chassa ses réflexions embuées par l’ivresse et se reconcentra sur la conversation.
Les lumières tamisées de la taverne assombrissaient le visage de la nouvelle arrivante, si bien qu’Aelith resta focalisée sur sa chevelure immaculée. Cette vision lui donna l’idée de tenter une pointe d’humour.
«J’suis flattée, mais j’ fais pas dans la gérontophilie. Aelith, enchantée. »
Définitivement, l’alcool n’aidait pas.
« Si vous le voulez bien, reconcentrons-nous sur ce qui vous a amenées ici, les coupa le marchand. »
Le regard dur du vieil homme passa de la picoleuse ponctuelle à la retardataire, et il poursuivit sèchement.
« On m’a signalé plusieurs vols sur mes convois de vivres. D’après la description de mes transporteurs, des Laïums seraient à l’œuvre. Vous serez chargées de vous en débarrasser. »
Il marqua une pose et sortit un parchemin de sa sacoche. Il le déplia, dévoilant une carte, et pointa une zone du doigt.
« La plupart des attaques ont eu lieu dans ce secteur. L’un de mes convois va emprunter une route à proximité cet après-midi. En l’escortant, vous pourriez remonter la piste des Laïum. Il part dans une heure, place Bellecour. Des questions ?
- Est-ce qu…
- Très bien, puisque tout est clair, je vais me retirer. J’espère que vous serez faire preuve de sérieux et de diligence.»
Il s’inclina roidement avant de s’éloigner.
« Meeeh pas très causant, bougonna Aelith. M’enfin, à priori la mission s’annonce tranquillote. T’as de l’expérience dans les captures d’animaux ? »
Elle s'apprêta à donner une grande tape sur l'épaule de sa camarade du jour mais fut interpellée par sa réponse. Gérontophile ? L'espace d'un moment, Astrid haussa les sourcils et fixa perplexe la dénommée Aelith. Comment est-ce qu'elle savait que la citoyenne était une vieille de 84 ans ? Ou peut-être que c'était une blague lié à ses cheveux blancs ? Hmmm….Mais mine de rien, le nom Aelith lui disait quelque chose. Se grattant le menton, elle chercha et chercha mais...le marchand s'impatientait de toute évidence et voulait passer aux choses sérieuses pour que son problème soit réglé au plus vite. Hé bien, pas très drôle ce monsieur Gamegi, comparé à la blonde. Toutefois, Astrid se permit quand même de répondre à l'aventurière :
-Tu fais une lourde erreur, tu sais pas à quel point l'expérience peut jouer, jouer et surtout faire jou…
Coupée dans sa blague par Sam, la blanche fit la moue tout en écoutant ce pour quoi elle avait été embauchée. Même pas la politesse de la laisser finir faire sa blague bien grasse ! Mais ce petit air boudeur ne dura pas longtemps lorsqu'une jolie serveuse qui travaillait toujours ici lui ramena la bière tant espérée.
-Oh, si c'est pas Caroline ! Comment ça va depuis le temps ?!
-On te pensait pas revenir ici de si tôt Astrid. Avoua l'autre jeune femme toute sourire.
Pour se saluer en bonne et due forme, les deux amies se tapèrent d'abord dans les mains, suivi ensuite de plusieurs signes complexes sans grand sens totalement inutiles, avant de finir par former un cœur à deux à l'aide de leurs pouces et de leurs index. Satisfaites, la serveuse retourna travailler en éclatant de rire et Astrid quant à elle s'empressa de boire pour se désaltérer.
-Pfwah ! Rien de mieux qu'une bière dans l'aprem avant de commencer un taf !
Ignorant ostensiblement le cirque que représentait la citoyenne, le marchand avait continué son exposé, non sans profondément juger la personne qu'il employait. Escorter un convoi et se débarrasser de Laïum. Un travail qui n'était pas bien difficile même s'il était plus adapté aux aventuriers. Mais des cristaux étaient des cristaux, et Astrid en avait terriblement besoin et ne cracherait clairement pas dessus.
Avec un reniflement dédaigneux, le vieil homme aigri s'en alla sans répondre aux questions et insista étrangement sur les mots « sérieux et diligence ». Peut-être que la raison pour laquelle il n'était pas très causant était lié au comportement des deux jeunes femmes.
-Tu crois que ça m'était destiné ? Demanda la blanche à la blonde avec un sourire en coin, on ne peut plus sûre que c'était le cas. Elle haussa les épaules et continua : Ouais, j'ai déjà eu à attraper des animaux. Des chats, des chiens, des chantelunes, des lapillons ou des pinplumes et d'autres trucs un peu plus gros. Et puis j'ai un pouvoir assez utile pour héhé. Ouvre bien les yeux.
Avec un clin d’œil, Astrid se leva, but le reste de sa bière cul-sec et disparut l'espace d'une seconde avant de réapparaître assise sur sa chaise. Dans la taverne, 3 cris aigus et choqués s’élevèrent en même temps. La source ? Trois serveuses qui passèrent leur main aux fesses et qui jetèrent sur la femme à tout faire un regard noir. Comprenant directement, le propriétaire donna un petit coup sur son comptoir avant de gueuler :
-DALGAARD ! Tu refais ça tu dégages !
Hé bien, elle devrait se tenir à carreau le reste du temps qu'elle resterait ici après cette démonstration.
-Pardon pardon, c'était pour montrer mon pouvoir de vitesse à...à...euh...Aelith voilà ! Et toi ? À part avoir capturé mon cœur, comment tu te débrouilles pour la capture des animaux ? Héhéhé. Elle est pas mal, cette blague tiens. Commenta-t-elle, contente d'elle. Tu sais des choses sur les Laiums d'ailleurs ? Parce que moi pas vraiment.
Hmm. Maintenant qu'elle disait son nom tout haut, le souvenir de l'avoir déjà entendu se faisait de plus en plus vivace. Plissant les yeux, elle détailla le physique de l'aventurière mais rien ne lui revenait. Aelith….Aelith….Aelith….Où et quand avait-elle entendu ce nom si particulier ?
Tout en sirotant sa bière, les souvenirs d'une nuit bien particulière lui revint et elle recracha vivement sa gorgée sur la table sous le choc, avant de reporter lentement ses yeux bleus océan grands ouverts sur la blonde :
-Eeeuh, tu connaîtrais pas une...Dahlia par hasard ?
Suite à sa question, la farceuse déglutit difficilement. Allez, peut-être que c'était une autre Aelith, et pas celle que Dahlia avait mentionné ! Pas vrai ?
Pas vrai ?
Hahahahahaha.
Ha.
« Je me sens tout aussi visée que toi, sourit Aelith. Mais qu’importe son ressenti, tant que le travail est fait et que les cristaux suivent. »
Elle comptait bien prouver à leur employeur qu’un peu d’alcool dans le sang ne diminuait pas ses capacités ! Au contraire, elle se sentait plus énergique que jamais. Même peut-être un peu trop. Elle posa sa choppe en secouant sa tête, tentant de se remettre les idées en place.
Astrid entreprît alors de lui faire une démonstration de son pouvoir. L’aventurière pouffa de rire à la vue des expressions outrées des serveuses et du tavernier.
« Wow, plutôt pratique ! Va falloir que je me méfie de tes mains baladeuses. »
Courir à une vitesse surhumaine… Un pouvoir simple en apparence, mais qui s’ouvrait à beaucoup de possibilités. Si elle avait été en possession d’une telle cette capacité, Aelith ne se serait pas privée de faire les quatre cents coups, surtout à l’époque de son adolescence. Aurait-elle fini par revêtir la cape d’un brigand plutôt que celle d’un aventurier ? Difficile à prédire.
Dans tous les cas, la jeune femme lui faisait très bonne impression. Visiblement, elle était une habituée de cette taverne et partageait son goût pour l’éthanol. De plus, son attitude charmeuse l’amusait beaucoup. Aelith était peu encline à travailler avec des personnes fondamentalement sérieuses. Elle appréciait les personnalités plus désinvoltes, qui savaient s’investir sans excès de zèle. C’était d’ailleurs une des raisons qui l’avait poussée à préférer la Guilde à la Garde. Le dévouement à la justice et le respect de l’ordre lui semblaient constituer des principes plus contraignants que bénéfiques.
« La traque est une de mes spécialités, mais je n’ai encore jamais eu affaire à des Laïum. Je suis plutôt habituée aux bestioles de la Grande Forêt ! Je sais simplement que c’est une sous-race des dragons assez peureuse, qui gèle sa nourriture avant de l’engloutir. »
Cette capacité l’inquiétait quelque peu. Elle ne connaissait pas l’étendue exacte de leur souffle gelé, mais couplé à l’aptitude à voler des Laïum, il pouvait s’avérer des plus redoutables. Surtout si les créatures étaient nombreuses.
« Malheureusement, le commerçant ne m’a pas laissé le temps de me renseigner sur le nombre de Laïum identifiés… M’enfin, j’ai une dizaine de fléchettes Gros Dodo sur moi. Avec la nourriture du convoi en appât, on devrait réussir à s’en sortir. Tu as des pièges sur toi ?»
Aelith n’avait pas envisagé que leur départ serait si hâtif, si bien qu’elle n’avait pas pris la peine de renflouer ses stocks avant de se rendre à la taverne.
« Tiens, puisque t’as de l’expérience, faisons un pari ! La première qui parvient à attraper un Laïum paie sa tournée à l’autre au retour. Tentée ? »
Rien de mieux que quelques enjeux monétaires pour pimenter une mission.
« Dahlia ? Oui c’est une très bonne amie, mais comment… »
Une étincelle de compréhension traversa son regard. Astrid Dalgaard… Elle plongea ses prunelles noisette dans celles de sa nouvelle associée.
« Oh ! »
La bouche entrouverte et les sourcils relevés, elle papillonna des cils. Sa conversation avec Dahlia lors de leur soirée pyjama, à l’aube de la saison froide, lui revint à l’esprit. L’amitié que la garde avait tissée avec une certaine citoyenne… leur journée à la plage… la révélation qui s’en était suivie… et, le dérapage qu’elles s’étaient contraintes à oublier.
« Ne me dis pas que tu es… »
L’évidence les avaient déjà frappées toutes deux, mais les mots ne parvenaient pas à s’échapper de sa gorge. Le visage déformé par une grimace de surprise des plus ridicules, elle balbutia des paroles incompréhensibles, avant de se murer dans le silence. Quelques secondes flottèrent, avant qu’elle n’éclate d’un rire franc.
« Héhé, faut croire que l’alcool me rend clairvoyante, s’amusa-t-elle en repensant à sa précédente plaisanterie. Pour une coïncidence, c’en est une, bon sang ! Malgré ma surprise, je dois avouer que je suis honorée de vous rencontrer M’sieur Delancêtre… Hum, Delancy pardon. Dahlia m’a beaucoup parlé de vous. »
Pas forcément en bien, mais elle préféra taire les détails. Après tout, Dahlia était visiblement en voie de réconciliation avec son grand-père, et Aelith comptait bien sauter sur l’occasion pour en apprendre plus plus sur son passé héroïque. Quoi de mieux que les conseils et l’expérience d’une légende pour progresser ?
« Hm, on va devoir bientôt se diriger vers le lieu de rendez-vous. Je serais ravie qu’on continue cette discussion sur le chemin… et je serais curieuse d’en apprendre plus sur votre rencontre avec un Fenrir, si vous voulez bien me conter ce récit sur la route. »
Ce qui l'était beaucoup moins par contre, c'était le manque cruel d'information que les deux jeunes femmes avaient sur les fameux Laium. Des sous-types de dragons gelant leur nourriture ?
Est-ce qu'ils pouvaient voler ? Étaient-ils carnivores ? Herbivores ? À quel point peuvent-ils geler les choses ?
Cela dit, Astrid en conclut qu'ils n'étaient sûrement pas très dangereux, sinon elle en aurait déjà entendu parler dans sa précédente vie et plus de personnes auraient été embauchées.
En haussant les épaules elle répondit à sa camarade :
-Moi ? J'ai 10 flèches gros dodo et 10 flèches explosives aussi, au cas où. Un piège retour à l'envoyeur, ralentisseur, et empoisonné. Et des tas d'autres trucs qui seront utiles !
On pouvait décemment se demander pourquoi une citoyenne possédait ce genre d'objets sur elle, mais elle aimait bien garder sur elle ce qu'on lui donnait et ce qu'elle pouvait trouver aussi, parfois dans des endroits très étranges comme...derrière des poubelles.
Oh ? Même après avoir pris connaissance du pouvoir de la femme aux cheveux blancs, l'aventurière proposait un pari ? Elle avait du cran ! Décidément, elle montait de plus en plus dans l'estime de la farceuse :
-J'suis toujours partante pour des paris heh !
Surtout des paris qu'elle pensait pouvoir facilement gagner. Cela dit, elle ne connaissait pas encore le pouvoir ou les capacités de sa coéquipière. Bah, elle verrait en temps voulu !
Ou peut-être que non. Car quand elle annonça que Dahlia était l'une de ses amies, Astrid se fit violence pour ne pas prendre ses jambes à son cou pour fuir.
À la place, elle ouvrit la bouche, choquée, et tourna ses méninges à toute vitesse. Jusqu'à quel point est-ce que la garde l'avait mise au courant de leur relation et de son identité…. ?
-Ne me dis pas que tu es... commença-t-elle.
-Ça tombe bien, je ne suis pas ce que tu penses que je suis ! S’exclama la citoyenne en suant à grosses goûtes.
Mais c'était bien inutile, car elle savait qui elle était. Ou plutôt qui elle avait été. « Meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerde ! » cria intérieurement la vieille-jeune en frappant son visage avec la paume de sa main en signe d’exaspération extrême. Quelle coïncidence de merde ! Parmi tous les aventuriers il avait fallu qu'elle tombe pile sur l'amie de Dahlia ?! Lucy, comme toujours, avait un humour des plus douteux.
Une nouvelle fois, Astrid envisagea d'utiliser la bonne vieille technique familiale des Dalgaard, c'est à dire la fuite, et zieuta longuement la porte de sortie avant de décider de rester. Ce qui était fait était fait, et ça ne servirait à rien. Si Dahlia faisait confiance en Aelith, c'était qu'elle pourrait parfaitement tenir sa langue. Même sous l'effet de l'alcool. Enfin, elle l'espérait… ?
Puis, à vrai dire, la femme à tout faire était curieuse concernant l'amie de son amie. Ou de sa petite-fille, plutôt.
Avec un profond soupir, elle termina sa bière d'une traite et se leva péniblement de sa chaise.
-C'est un plaisir également de rencontrer une amie de Dahlia. Dit-elle en forçant un sourire en coin. On garde le fait que j'ai tenté de te draguer entre nous ? Pas sûr qu'elle..euh apprécierait haha.
Savoir que votre grand-père dans le corps d'une jeune nana ait fait du gringue à l'une de vos amies ? Un peu embarrassant et gênant.
Elle déposa quelques cristaux sur la table pour sa consommation et continua :
-Allez gamine ! On y va ! Tu veux que père Castor te raconte une histoire ? Désolée de te décevoir, mais ce récit censé être épique, je ne risque pas de le raconter et de le chanter aussi bien que les bardes, heh.
Son domaine étant plus les blagues et les anecdotes stupides, elle narra donc sa rencontre et son combat contre le Fenrir de la même manière avec un humour à deux cristaux, ponctuant le tout d'onomatopées comme « BIM, BAM, BOOM », avec un langage familier et grossier à base de « Et ce connard m'a donné un coup de paluche sans respect » et mimant certains mouvements avec une épée imaginaire ou imitant le Fenrir portant le coup fatal. Et voilà la triste histoire d'un homme combattant une montagne avec le seul but non de vaincre, mais de gagner du temps pour que la famille royale puisse vivre. Le tout tourné en ridicule par Astrid.
Sur le chemin, on lança bien aux deux jeunes femmes des regards de travers, surtout pour celle qui faisait la pitre, mais cette dernière y était habituée et ne s'en préoccupa donc guère.
-Satisfaite ? Demanda la conteuse improvisée avec son sourire narquois alors qu'elles arrivaient à la sortie de la Forteresse où le fameux convoi les attendait.
Des caisses de légumes, de fruits et de viande. Voilà donc ce qu'elles allaient devoir protéger pour cette mission hein ?
Approchant du chariot où se tenait une femme de toute évidence dans la trentaine, la chieuse s'exclama :
-Bonjooouuuuur ! On est l'escorte engagée par Gamegii ! Vlà ma partenaire Aelith et moi c'est Astrid.
Levant un sourcil circonspect, puis jaugeant les deux nouvelles arrivantes, la conductrice eut un reniflement de dédain.
-Je vois. Montez.
-Hmm, pas très cocasse non plus hein ? Marmonna-t-elle à l'attention de sa camarade. Vous auriez des informations supplémentaires concernant les attaques qu'il y a eu sur les autres convois ?
-J'sais pas. J'étais pas là.
-Et les Laiums…. ?
-Connais pas.
La blanche grinça des dents puis poussa un long soupir tout en haussant les épaules. Elle y était habituée à ce genre de non-coopération, mais c'était toujours exaspérant et lui donnait toujours une folle envie de casser des bouches. Bah...
-Oooooooook trèèèèès bien. Qui a besoin d'information de nos jours ? On va se débrouiller j'imagine, haha. Elle se tourna vers la blonde et montra le convoi du pouce : Les femmes et les enfants d'abord, hehe. Et vu que je t'ai racontée une histoire, à toi d'en partager une ! Sur toi et Dahlia. Comment vous vous êtes rencontrées, ou un autre truc intéressant ou croustillant, heh.
Flèches explosives, gros dodo, piège empoisonné… Visiblement, Astrid était tout aussi bien équipée que l’aventurière – sinon plus ! Inhabituel, pour une citoyenne. Toutefois, Aelith n’était qu’à demi-surprise. Après tout, si le marchand avait décidé de faire appel à ses services, ce n’était sûrement pas sans raisons. Réjouie par ces informations, la jeune blonde fût d’autant plus satisfaite lorsqu’Astrid accepta de relever son défi.
Et voilà que, une fois sa réelle identité révélée, elle acceptait de lui conter ses aventures d’antan ! Les yeux brillants d’admiration, l’aventurière but ses paroles.
« Je ne pouvais pas demander mieux ! s’exclama-t-elle une fois le récit achevé.»
Son sourire fana bien vite lorsqu’elles atteignirent le convoi. De toute évidence, la coopération n’était pas à l’ordre du jour. Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait face à une telle situation, mais cette fois-ci, Aelith avait espéré que leurs clients seraient davantage disposés à les informer sur les Laïums.
« Ok ! Et pendant que je te raconte ça, que dirais-tu qu’on pose l’un de tes pièges devant les cageots de nourriture ? »
Il y avait de fortes chances qu’en tant que créatures volantes, les Laïums parviennent à l’éviter, mais ça valait le coup d’essayer.
« Notre rencontre a été assez…. mouvementée, pour tout te dire. Ce jour-là, j’étais en train de récolter des herbes médicinales dans la Grande Forêt pour les apporter à ma mère. Alors que je déambulais, j’ai entendu une plainte aigue. Au début, j’ai pris ça pour le cri d’écureuil en détresse, pour tout te dire. Je me suis rapprochée, et là j’ai aperçu… »
Un air faussement dramatique plaqué au visage, Aelith tapota le bois du chariot sur lesquelles elles étaient installées. Imitant un roulement de tambour, elle accéléra le rythme.
« … Une jeune femme aux cornes de bélier, dont l’une était entortillée autour d’une branche d’arbre ! Les jambes enroulées autour du tronc, elle tentait tant bien que mal de se dégager en pestant. Un peu moins gracieux qu’un écureuil, héhé. Honnêtement, je n’ai toujours pas compris comment elle avait pu se mettre dans une telle situation. Et elle n’a jamais voulu me l’expliquer !
M’enfin bref, une fois mon fou rire passé, je me suis approchée pour lui venir en aide, dans ma grande générosité. Elle avait bien failli la refuser, d’ailleurs ! Sauf que voilà, c’était pas un arbre comme les autres, mais un Tourbium. Il était encore très petit, dix mètres tout au plus, sûrement planté deux-trois ans auparavant. Il n’empêche qu’une de ses racines avait commencé à s’enrouler autour de son tronc. En grimpant, une de mes jambes s’est coincée dans un creux. Impossible de m’en dépêtrer. On avait bien l’air malines, toutes les deux.»
Un sourire nostalgique aux lèvres, elle marqua une pause.
« Au final, j’ai attrapé les jambes de Dahlia à bout de bras et je m’y suis accrochée de toutes mes forces. La branche qui la retenait a cédé sous notre poids. BAM ! »
Aelith fît de grands gestes circulaires pour appuyer son propos. Tandis qu’elle achevait son récit, un mouvement en haut d’un pic rocheux sur sa droite attira son attention. Fronçant ses sourcils, elle se redressa et attrapa son arc.
« Tu as vu ça ? »
Le convoi n’était en route que depuis peu. Une attaque à une telle proximité de la forteresse était peu probable, mais elle préférait rester prudente.
Plusieurs minutes s’écoulèrent sans que la silhouette ne refasse apparition, instillant le doute en Aelith. Sa vision lui avait-elle fait défaut ? Les Laïums étaient-ils tapis derrière les rochers, traquant leur charroi et prêts à les assaillir à tout moment ? La réponse à ses questionnements ne se fit guère attendre. Alors que leur chariot ralentissait pour entamer la traversée d’un pont, une silhouette draconienne se dessina à l’horizon. Sans tergiverser, l’aventurière encocha une flèche et se positionna dans la ligne de tir. La créature se rapprochait à vive allure, mais suivait une trajectoire rectiligne, facilitant la visée.
L’arc bandé, la respiration lente, la jeune femme attendait le moment propice. Alors qu’elle s’apprêtait à décocher sa flèche, le frémissement d’un battement d’ailes se fit entendre dans son dos. Les mains moites, elle réalisa son erreur. Un second Laïum les avait pris à revers, surgissant du dessous du pont et prêt à protéger son semblable. Un souffle glacé s’échappait de ses mâchoires ; il était trop tard pour faire volte-face.
-Et un piège empoisonné, un !
Tout en sifflotant, Astrid alla déposer l'un de ses pièges devant les caisses de nourriture. Même si ça avait peu de chance de fonctionner contre des animaux volants, ça ne coûtait rien de tenter. Puis sur un malentendu, si jamais les laïums se décidaient à se poser hein...Même si, en toute honnêteté, il y avait plus probabilités que la citoyenne marche dans son propre piège plutôt que leurs cibles. Lucy avait, après tout, un drôle de sens de l'humour quand cela concernait la femme à tout faire.
Elle en profita également pour sortir de son sac sans fond d'autres objets qui lui seraient potentiellement utiles, notamment une corde enchantée, son carquois distributeur maaiiis sans aucun arc. Elle n'en avait pas techniquement besoin pour tirer des flèches.
Trouvant un endroit confortable – autant que puisse l'être un chariot -, Astrid écouta attentivement l'anecdote d'Aelith sur sa rencontre avec Dahlia. Ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait entendre ce genre d'histoire sur son amie et sa curiosité naturelle devait être assouvie ! Et elle ne fut absolument pas déçue par ce que l'aventurière avait à raconter.
Un cri d’écureuil en détresse ? La blanche se mit à ricaner puis pouffa en imaginant la scène totalement ridicule et loufoque de leur première rencontre. Elle allait pouvoir taquiner la garde avec tout ça une fois de retour à la capitale et aurait pour mission de savoir pourquoi elle s'était retrouvée
avec une corne entortillée autour de la branche d'un arbre. « Tu t'es découvert un amour pour les gros troncs pour faire un câlin à un comme ça ? » héhé. Quoique, ce n'était probablement pas le genre de blague à faire à sa petite-fille, si ? Bah.
-Haha, et depuis on peut dire….que vous êtes de vieilles branches heh ? Héhé.
Elle voulut bien entendu enchaîner avec une autre blague de son cru, mais en voyant Aelith se tendre et attraper son arc, demandant à Astrid si elle avait vu quelque chose, cette dernière ne put décemment pas continuer sur sa lancée. Sur le qui-vive, la femme à tout faire tourna son regard vers le pic rocheux. Rien.
-Mh, rien non, mais on devrait rester vigilent j'imagine.
Le bon sens aurait voulu que le silence règne pour que la vigilance et la concentration soit à son maximum. Malheureusement, ce n'était pas gagné avec la chieuse qui raconta d'autres blagues et anecdotes stupides sur sa vie de tous les jours ou avec Dahlia, comme la fois où elle avait triché pendant une course avec leurs nouveaux familiers, tout ça pour tomber misérablement de son Rarwuk et se manger un gage qui lui laissait encore aujourd'hui un goût amer. Encore plus amer que la terre qu'elle avait mangé après sa chute.
À l'approche d'un pont, toutes deux aperçurent au loin une étrange silhouette qui fonçait droit vers elles. Tout aussi rapidement, la citoyenne prit une flèche entre ses mains et, toujours aussi insouciante malgré le sérieux de la situation, dit tout en faisant tourner la flèche autour de son pouce :
-La première qui le touche gagne une tournée ?
Toujours sans arc, elle transpirait pourtant la confiance. Toutefois elle n'eut pas plus de temps pour taquiner l'aventurière car les laïums se montrèrent plus intelligents que prévu. Un deuxième venait de surgir pour une attaque surprise, déjà prêt à geler les deux jeunes femmes avec son souffle.
Le reste se passa comment au ralenti dans l'esprit d'Astrid qui tourna à plein régime. Son regard surpris se posa sur l'animal et elle eut alors l'occasion de voir de prêt leurs cibles. Un véritable dragon miniature d'un mètre au garrot – plus petit qu'elle ne l'aurait pensé tiens - doté d'écailles blanches comme neige, deux grandes ailes déployées et la gueule grande ouverte pour son souffle glacé qui donnait déjà la chair de poule à la femmes aux cheveux blancs. Le plus intriguant était néanmoins le collier qu'il avait autour du cou et sa maigreur apparente.
Mh, les questions viendraient après.
Comme si animée de sa propre volonté, la corde enchantée qui traînait sur le sol eut un soubresaut avant de foncer droit sur le laïum en un clin d’œil pour d'abord s'enrouler autour de sa mâchoire, puis le reste du corps dont les ailes.
Lourdement, l'animal tomba au sol, les yeux grands ouvert et ne comprenant de toute évidence pas ce qui s'était passé. Il tenta tant bien que mal de se délivrer en se débattant mais en vain, la corde étant bien plus résistante grâce à la magie.
Avec sa télékinésie, Astrid venait de le capturer à la vitesse du son. N'ayant aucune idée du nombre de laïums restants elle resta en alerte, les yeux furetant partout autour d'elle à la recherche du moindre mouvement. À tout moment d'autres pouvaient foncer sur elles et la citoyenne n'avait plus de corde.
-Hâte d'avoir cette tournée gratos une fois de retour ! S'exclama néanmoins la jeune-vieille qui ne perdait pas de vue ses priorités.
Quant au premier au loin, il hésita un instant en voyant son camarade en mauvaise posture.
Aussi vive qu'un serpent qui se jette sur sa proie, la corde s’enroula autour du Laïum. Pris au piège, l’animal tomba lourdement dans la charrette. L’aventurière se retourna pour jeter un œil à son compagnon. Effrayé, ce dernier avait interrompu son action et s’éloignait à vive allure. Lorsqu’il s’effaça derrière les rochers, Aelith baissa son arc et jeta un regard admiratif à Astrid.
« Joli !»
Elle plongea une main dans sa poche, pour y attraper une petite boîte contenant ses réserves de fléchettes gros dodo. Alors qu’elle s’apprêter à en planter une sur le dragon capturé, dans le but de le tranquilliser pour le reste du voyage, le charriot s’arrêta, à l’instar de toutes les autres voitures du convoi.
« Vous en avez eu un ? demanda une voix forte, d’où perçait une pointe d’excitation. »
Un homme âgé, probablement le responsable du convoi à en juger par sa tenue, était descendu du charriot en tête de fil et les avait rejointes. Sans laisser aux jeunes femmes le temps de répondre, il enchaîna.
« Quelle vermine ! Mais nous en serons bientôt définitivement débarrassés. »
Il planta un regard dédaigneux sur la créature amaigrie, avant d’en approcher le bout de sa canne.
« Que faîtes-vous ? l’interrompit l’aventurière, les sourcils froncés.
- En quoi cela vous concerne ? »
Sur ces mots, il enfonça le bout du bâton de bois dans le flanc de l’animal. Aelith amorça un mouvement de protestation, mais il était déjà trop tard. Un gémissement étouffé s’échappa de la mâchoire close du Laïum. La jeune femme s’interposa froidement. Elle était habituée à prendre la vie de créature durant ses quêtes, et savait faire preuve de sang froid lorsque cela était nécessaire. Pour autant, elle ne cautionnait pas l’usage injustifié de la violence.
« Ça suffit. Nous ne sommes pas là pour ça. Je vous rappelle qu’un deuxième Laïum rode. Vous feriez mieux de vous concentrer sur l’avancée du convoi.
- Encore une fois, mes actions ne vous concernent pas. »
Il se décala sur la gauche pour la contourner, mais Aelith ne l’entendait pas de cette oreille. D’un pas sur le côté, elle bloqua son mouvement et attrapa fermement sa canne pour la lui retirer.
« Lâchez ! grommela l’homme en tirant le bâton vers lui. »
La jeune femme n’opposa pas de résistance et lâcha brutalement sa prise. Déséquilibré et surpris, l’homme glissa en arrière. Son pied buta contre un cageot, le conduisant dans le piège empoisonné qu’Astrid avait placé un peu plus tôt à sa demande.
« Oh, bordel ! »
L’aventurière jura en se frottant les tempes, tandis que le commerçant se débattait en hurlant. Voilà qui ne présageait rien de bon pour leur paiement. Elle s’approcha pour le libérer, mais eut tôt fait de constater que l’homme n’était pas le seul à glapir. A ses côtés, le Laïum s’agitait furieusement, non sans raison. Son compagnon, souhaitant probablement tirer profit de l’immobilité du convoi, s’approchait à nouveau.
-Hehehe, je sais que je suis jolie ! Et ne sois pas timide sur les compliments, tu peux continuer à chanter mes louanges si tu veux ! Haha !
Mais malgré cette blague, la citoyenne ne baissa pas sa garde pour autant même si le premier Laium s'était caché derrière les rochers. Elle était certes décontractée et peu sérieuse en général, mais elle gardait tout de même environ 50 ans d'expérience d'homme d'armes qui faisait qu'elle préférait quand même parfois (rarement) agir avec prudence.
Aussi, elle fut surprise de constater que le convoi s'était arrêté et que de l'agitation se créait autour de l'animal capturé alors qu'à tout moment, d'autres Laium pouvaient surgir.
-Qu'est-ce que vous foutez ?! Hurla t-elle.
Une dispute éclata alors entre d'un côté ce qui semblait être le responsable du convoi qui voulait exécuter la cible à terre et Aelith qui s'interposait. La femme à tout faire poussa un petit soupir, exaspérée par l'attitude infantile de l'homme. Le Laium en l'état ne représentait plus un danger immédiat et à vrai dire, Astrid était assez curieuse de connaître l'origine du collier à son cou. Aussi, le garder vivant était plus intéressant. Elle s'apprêta donc à s'interposer mais resta interdite en voyant – au ralenti – l'homme glisser et s'approchant peu à peu du piège empoisonné.
Bien sûr, avec sa vitesse, la citoyenne aurait pu réagir et l'arrêter, ou déplacer et ranger le piège avant qu'il ne se blesse. Maaaaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiiiiiis, il s'était conduit comme un sacré connard quand même.
Aussi, ce fut avec un grand sourire qu'elle laissa l'homme se prendre dans le piège empoisonné avant de se lamenter avec un ton d'une neutralité insultante :
-Oh nooooooooon. Quel dommage. Ça s'est passé si rapidement que même avec ma vitesse, je n'ai rien vu venir et rien pu faire. Heh. Heh.
Elle se força à ne pas éclater de rire en voyant l'homme se tordre de douleur sous l'effet du poison. En réalité, la blanche était plus irritée par le fait d'avoir perdu son piège que par le tocard blessé. Bah. C'était des choses qui arrivaient….enfin pas vraiment, mais bon.
Cela étant, la situation devenait un peu problématique. Le deuxième Laium rodait toujours, celui qui était capturé commençait à s'agiter et si l'homme n'était pas soigné rapidement, le poison aurait peut-être raison de lui. Surtout qu'il n'était plus très jeune.
Elle se gratta la tête un instant tandis que les autres conducteurs de chariot s'agitaient de plus en plus en entendant le responsable hurler.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
La trentenaire qui conduisait le véhicule sur lequel était Astrid et Aelith quant à elle s'était contentée d'observer le tout avec un air dépité.
-Je suis pas assez payée pour ce genre de connerie. Marmonna t-elle en remuant la tête de droite à gauche.
-5 % de notre récompense et vous emmenez ce bon monsieur rapidement à la Forteresse à dos de l'un des chevaux du chariot à toute vitesse pour lui trouver un médecin en plus d'expliquer le pourquoi du comment selon notre version à Gamegi comme quoi ce type est un bouffon et qu'il est l'unique responsable de sa connerie?
Les yeux de la femme s'illuminèrent l'espace d'un instant. Chaque chariot était tiré par deux chevaux, et la disparition de l'un d'eux serait problématique pour tirer le reste. Mais vu la situation, il valait mieux mettre la priorité sur l'homme et le ramener rapidement chez un médecin pour le guérir. Et si Gamegi pouvait être prévenu par...une autre personne que la victime par ce qui s'était passé, c'était mieux aussi.
Sortant une autre corde – normale cette fois – de son sac sans fond, Astrid entreprit de remettre une couche sur le Laium déjà attaché comme un saucisson. Ça ne pouvait pas faire de mal.
-Aelith, je te laisse t'occuper de l'autre !
-40%. Finit par répondre l'autre.
Sur le coup, la blanche faillit bien s'étouffer et libérer le Laium par inadvertance tant la conductrice abusait clairement. C'était parti pour négocier huh ?
-10 %
-30 %
-15 %
-25 %
-18 %
-20 % et une bouteille de rhum, où vous vous débrouillez seules avec lui et les Laium avec Gamegi et potentiellement les gardes sur votre dos.
-….
La citoyenne jeta un regard noir envers l'homme à terre et...hésita. Est-ce qu'il valait vraiment le coup qu'elles lui sauvent la vie… ? Il l'avait cherché. Un peu beaucoup quand même. Puis elle était persuadée que personne pleurerait sa perte.
Comme si elle lisait dans son esprit, la conductrice rajouta avec un sourire en coin :
-Je vous ai déjà dit qu'il a une femme, deux filles qui sont mariées et qui ont des enfants – donc il est grand-père – et deux chiens ?
….
Serrant la mâchoire, la femme à tout faire donna un coup de pied agacé dans le ventre de l'homme et s'exclama en levant les bras au ciel pour maudire Lucy :
-Marché conclu putain de merde !
Tandis qu’Astrid négociait du mieux qu’elle le pouvait avec la conductrice, Aelith banda son arc, les yeux rivés sur le second laïum qui s’approchait dangereusement du convoi. A une centaine de mètres de leur chariot, le dragon dévia brusquement de sa trajectoire et s'effaça derrière les montagnes. Perplexe, l’aventurière resta immobile quelques instants avant de baisser son arc et de farfouiller dans son sac pour en extraire une longue vue. Elle grimpa ensuite sur une pile cageot et scruta les alentours, l’œil vissé à la lunette rayée et poussiéreuse. Aucune trace de sa cible. Les sourcils froncés, Aelith passa mentalement en revue les derniers événements. D’après leurs informations, cela faisait plusieurs semaines que les deux laïums attaquaient des convois. Leurs colliers laissaient penser qu’ils avaient un jour étaient impliqué dans un trafic de familier, ce qui amenait la jeune femme à en déduire qu’ils étaient probablement très attachés l’un à l’autre. Il n’était pas envisageable que l’un des dragons abandonne son partenaire… Il attendait certainement le moment propice pour les assaillir.
Mais, quand ? Lors de leur première embuscade, les deux familiers s’étaient positionnés dans un endroit stratégique. S’ils raisonnaient de la même manière, alors….
« Quelqu’un a une carte des lieux, s’il vous plaît ? hurla Aelith
- Ici ! lui répondit le cocher du chariot qui les précédait. »
La jeune femme se précipita vers lui et lui arracha presque l’objet des mains.
« Dans quelques centaines de mètres, nous allons arriver aux abords d’un col montagneux exigu. Il nous attend certainement là-bas. Je m’en charge, prépare la corde ! clama-t-elle à Astrid, en amorçant sa transformation équine. »
Sans laisser le temps à sa partenaire de répondre, l’aventurière dépassa le convoi au galop. De son côté, la conductrice de leur chariot désanglait l’un de leurs chevaux en urgence, pour ramener l’homme blessé au village.
Une fois arrivée aux abords du col, Aelith se dissimula derrière un pan de roches ombragé, en hauteur par rapport au chemin. Le souffle lent et l’oreille attentive, elle patienta. Lorsque le laïum se montra à nouveau, à l’arrivée du convoi, la jeune femme décocha une flèche. Le projectile s’enfonça dans l’extrémité de l’aile de sa cible, qui perdit de l’altitude. L’aventurière profita de la déstabilisation de l’animal pour renchérir avec une fléchette gros dodo. Le laïum sombra dans un panache glacé.
-Une corde ?! Répéta la femme à tout faire en se tournant vers sa camarade, avant d'ouvrir grand les yeux en la voyant avec un postérieur de cheval et déjà en train de galoper vers elle ne savait où. Elle eut tout juste le temps de crier : JOLI POSTERIEUR ! TU ME LAISSERAS TE CHEVAUCHER ?! HEHE !
Est-ce qu'elle l'avait entendu ? Aucune idée. Par contre les conducteurs qui étaient toujours là la fixèrent avec un air désabusé et la jugeaient clairement pour son humour foireux.
-Rooooh ça va putain.
Au moins, le souci de l'homme empoisonné était réglé, même si à un coût exorbitant. La prochaine fois, elle y réfléchirait à deux fois avant de laisser un connard dans la merde. Cela étant, le travail n'était toujours pas terminé. Le deuxième monstre était toujours en liberté, et pas pour longtemps.
-Retournez à vos postes et faites avancer vos convois ! Hurla la citoyenne qui sortit de son sac une autre corde pour le deuxième Laium tandis que le premier avait arrêté de se débattre, par manque de force et d'énergie.
Lentement mais sûrement, le reste du convoi avança mis à part le chariot de leur conductrice qui était partie emmener le responsable du convoi. Astrid le laissa donc là avec le Laium et monta sur un autre chariot, guettant au loin le col montagneux dont avait parlé Aelith.
Au bout de quelques minutes, ils finirent par y arriver et la capture du deuxième monstre se fit rapidement. En deux flèches, l'histoire était réglé et le Laium fut paralysé. La citoyenne ne perdit pas un seul instant pour le ligoter et adressa un sourire radieux à l'aventurière :
-Wow, deux flèches deux touches, t'es douée dis donc ! Mais j'oublie pas que tu me dois une tournée !
Mais malgré sa joie apparente, la femme à tout faire ne baissa pas sa garde pour autant. Elle resta en alerte, les yeux furetant vers les montagnes pour apercevoir le moindre mouvement. Rien. Elle pouvait donc en conclure qu'il n'y en avait véritablement que deux. Bien.
Avec l'aide des autres conducteurs, ils réussirent à soulever le Laium dans l'un des chariots et ramenèrent leurs butins à la Forteresse où Gamegi les attendait de pied ferme. Ce ne fut qu'après moult explications de ce qu'il s'était passé qu'ils réussirent à apaiser l'homme. Il chercha également à savoir pourquoi elles ne s'étaient pas définitivement débarrassées des monstres, et de nouveau Astrid inventa une quelconque excuse sur le tas pour calmer leur commanditaire : les familiers appartenaient ou avaient de toute évidence appartenu à quelqu'un, et ils allaient mener leur enquête à ce sujet. Même s'il n'était pas entièrement convaincu, le marchant finit tout de même par payer les deux jeunes femmes qui en retour payèrent la conductrice qui s'était chargée de ramener l'homme qui avait été empoisonné – en plus de lui donner sa fameuse bouteille, résultat d'une négociation plus que honteuse -. Maintenant, qu'est-ce qu'elles allaient bien pouvoir faire de ces deux Laium ?
Les achever ? Les envoyer dans une fourrière ? Ou….les adopter ?
Non non non. Elle avait déjà trop de familier chez elle. Encore un de plus, et elle se ferait tuer en plus d'être ruinée financièrement. Puis puis puis….
Spoiler : elles décidèrent de les adopter.