Guide moi vers la lumière
Camille-Aurele Hvit & Yuka Dirren
Cela faisait bizarre de se retrouver à nouveau seul. Entre le périple avec Valravn, où il avait passé un long moment avec quelqu'un d'autre, sûrement un des seuls si ce n'est le seul être humain sur cette terre qu'il pourrait qualifier d'ami, et son séjour à la capitale où il avait parlé à plusieurs personnes et été en permanence entouré de gens, retourner sur les routes faisait tout drôle.
Enfin, là aussi, les rencontres étaient fréquentes. Il se sentait même plus en confiance d'aborder les gens, grâce à sa toute nouvelle plaque d'aventurier. Il s'était assuré d'avoir de quoi l'accrocher solidement pour ne pas risquer de la perdre, pour autant il n'osait pas la laisser visible en permanence, pas tant car il craignait qu'on la lui vole mais car il avait toujours l'impression de ne pas la mériter, ou plutôt de ne pas en être digne, surtout quand on voyait sa dégaine et son équipement en comparaison d'autres aventuriers plus expérimentés.
Il avait fait plein de quêtes à la capitale, toutes très simples pour commencer, se familiarisant peu à peu avec son nouveau métier et ses différents aspects. Avoir une chambre était un luxe incroyable à ses yeux qui lui avait donné envie de se dépasser.
Mais ce n'était pas tout! Grâce à ses petits boulots, on lui avait offert une boussole en plus du paiement promis. Une bien étrange boussole, bien particulière, qui permettait d'indiquer l'emplacement d'une des directions qui y était enregistrée, la boussole permettant d'en enregistrer jusqu'à 5. Il avait aussitôt enregistré sa chambre, qu'il ne risquait pas d'abandonner de sitôt. Pour lui, cet endroit, c'était le luxe, alors en attendant d'avoir plus de moyens, il ne risquait pas de la laisser tout de suite! Mais il y avait d'autres lieux qu'il voulait être capable de retrouver facilement.
Ainsi, Yuka s'était mit en tête de retourner dans sa cabane dans les bois. En théorie, elle devrait encore être là, et au pire, tant pis, ça l'aurait toujours avancé pour enchaîner sur la cabane de Valravn, où ce dernier lui avait dit qu'il pourrait revenir quand il le désirait.
Sur la route, il dormait rarement dans du dur, mais ça lui arrivait. Il se payait rarement de nuit à l'auberge, préférant échanger une chambre contre son aide, et n'ayant toujours pas de matériel de camping, quand il n'y avait rien ni personne, il se débrouillait comme à son habitude, à savoir à l'improviste, avec ce qu'il trouvait.
Et cette nuit là, justement, il avait été plutôt chanceux! Il était tombé sur une cabane abandonnée, servant sûrement d'avant poste à un chasseur ou forestier. En tout cas, ce n'était pas fermé, et s'il y avait quelques outils posés dans un coin, l'endroit était plutôt dégagé. Hélas, ce n'était pas adapté pour faire un feu, alors Yuka avait fait son possible devant la cabane avant de tout éteindre et se réfugier à l'intérieur pour la nuit.
Hélas, n'ayant rien pour fermer à clé ou barricader sérieusement la porte, il se sentait à peine plus rassuré que s'il avait dormi dehors. Au moins, il avait moins froid, ayant permit à l'air chaud du feu d'entrer comme il pouvait, et se servant de sa cape comme couverture de fortune. L'endroit était à peu près bien fermé, peu de courants d'airs lui parvenaient, mais les bruits de la forêt passaient bien, et aucun endroit de la forêt n'était sans danger!
Yuka eu bien du mal à trouver le sommeil, et comme d'habitude, lorsqu'il s'endormit enfin ce fut pour voir des cauchemars de sang et de mort... Qui s'espacèrent peu à peu, laissant la place à des images apaisantes, des souvenirs d'avant la mort de ses parents, qu'il n'osait même plus s'imaginer tant cela lui faisait penser à leur mort, avant même l'apparition de son pouvoir.
C'était si étonnant que l'adolescent se réveilla en sursaut, prit d'un instinct lui dictant que ce n'était pas normal. C'était appréciable, mais pas normal. Il n'était pas seul dans la cabane. Tournant la tête, il sursauta.
La porte de la cabane était toujours fermée pourtant, et ne montrait aucun signe d'avoir été ouverte. Pourtant, il n'était pas seul à l'intérieur. Une lueur ambrés éclairait un regard haut sur pattes, au pelage gris et pourvu de bois, ce qui laissa Yuka sans voix pendant quelques secondes. L'animal fit de même et, visiblement effrayé par le mouvement du garçon ou le fait qu'il soit réveillé, s'enfuit au travers d'un mur comme s'il avait s'agit de vide.
- Attends!
Yuka se redressa bien trop tard. Il ouvrit la porte de la cabane à la volée sans réaliser que cela risquait d'effrayer encore plus l'animal, et cru voir une lumière orangée disparaître au loin. Déçu, il hésita, avant de se décider à retourner se coucher. Il n'avait aucune chance de réussir à le rattraper. Qui sait, peut-être qu'il reviendrait?
Malgré tout, le reste de sa nuit paru plus calme, dénuée de cauchemar? Était-il revenu ou était-ce un effet de son pouvoir sur la durée? Car Yuka en était persuadé, c'était cet étrange renard qui avait eu cet effet sur lui! Mais il n'osa se tirer du sommeil tant qu'il n'y avait pas de bruit étrange.
Il se réveilla doucement, le matin. Seul.
Hésitant, Yuka fini par faire ce qu'il n'avait pas pensé à faire la nuit : laisser une offrande au renard. De toute façon, il aurait craint que ça attire des animaux cette nuit, mais il se sentait redevable. Il n'avait pas l'air méchant, et avait eu la gentillesse de l'approcher pour l'aider... Il avait déjà dans l'idée d'essayer de rendre à la nature ce qu'elle lui offrait, et ça s'était renforcé par son contact avec Valravn.
Il laissa donc quelques baies sur place, sacrifiant même une lamelle de viande séchée qu'il avait gardé d'un passage récent dans une auberge au cas où l'animal n'aime pas les fruits, puis il vérifia n'avoir rien oublié avant de partir.
Sa façon de voyager aussi était différente depuis Valravn, et il se goinfrait un peu moins, mais ça s'était aussi grâce à son mode de vie légèrement différent. Être aventurier, ça avait changé sa confiance en lui autant que les opportunités qui lui étaient offertes, et c'était pas rien!
L'ado prit le temps de se laver sommairement dans une rivière proche avant de reprendre la route. Il était tôt, il était seul, mais ça ne lui posait pas vraiment de soucis. Il n'était même pas aussi vigilant qu'à son habitude aux signes de la forêt, repensant encore et toujours à l'animal qui lui avait rendu visite cette nuit. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas que quelqu'un arrivait en face sur le sentier.
Non, Camille avait de sérieuses raisons d’être mécontent, d’abord Griselda boîtait bas. La magnifique pouliche s’était mal reçue sur un tertre gelé et semblait s’être blessée, le jeune homme s’en voulait terriblement… La tenant par la longe il essayait d’adopter une allure à la fois lente et fluide pour que la jument ne souffre pas, et priait pour arriver au village rapidement. Le forgeron avait quelques notions de soins vétérinaires et pourrait au pire garder la superbe bête au repos.
Ensuite, le moloch était toujours là, les deux gars chargés de la déplacer venaient d’arriver, ce n’était donc que partie remise mais un couple d’amoureux avait été chargé alors que ces deux pauvres jeunes gens ne cherchaient qu’à se dissimuler un peu pour roucouler tranquilles…
Et enfin, Maïa venait de lui apprendre que la ménagerie avait été attaquée, visiblement par des hommes désireux de mettre la main sur un ou deux spécimens commercialisables à un bon prix, et que de ce fait un remarquable esprit placidi, recueilli au printemps, avait pris peur et disparu. Le jeune noble était d’autant plus furieux que ce pauvre animal, un jeune adulte, avait trouvé refuge au manoir après la mort accidentelle de son maître et se remettait doucement…
Certains malheureux, accablés par la vie, auraient probablement trouvé que ce n’étaient là que des soucis mineurs, mais Camille n’avait que peu l’habitude des contrariétés -il dut bien se l’avouer- et en subir trois d’un coup lui paraissait bien désagréable.
Il suivait donc la route marchande qui surplombait la clairière interdite quand il aperçut une silhouette venant en sens inverse. Un court instant, une impression de déjà vu montra son nez, pour être immédiatement chassée quand le jeune garçon approcha.
Sa façon de marcher et son accoutrement prouvaient qu’il n’était pas du village, ni même des environs. Camille douta qu’il soit un marchand, même itinérant, ces gens-là ont toujours avec eux des bagages en surnombre… Il paraissait trop assuré pour être un brigand de grand chemin qui se serait dissimulé… Il ne se souvenait pas avoir mandé d’artisan ou de baladin, et le jeune homme ne ressemblait ni à l’un ni à l’autre.
Le voyant tourner la tête en contrebas, sans doute attiré par le clapotis de l’étang, il ne put s’abstenir de le héler.
- Bonjour Voyageur, je n’irais pas par là à votre place.
Intérieurement il soupira, ouf, pas de bégaiement, pas de bredouillis de paroles… sans doute parce que l’autre paraissait totalement inoffensif et plus jeune que lui.
Il n’ajouta rien, le garçon perdu dans ses pensées apparemment avait sursauté. N'était-il donc pas passé par le village ? Le maire, particulièrement enragé, assourdissait tous les arrivants avec le danger effroyable représenté par cette maudite mère moloch...
Mais ce n'était pas juste le fait qu'un animal se soit approché de lui pendant son sommeil et l'ai réveillé qui était atypique. C'était aussi ses capacités étonnantes. Car Yuka en était persuadé, c'était lui qui avait transformé son cauchemar en rêve apaisant! Ce n'était même pas une histoire d'instinct ou quoi, ça paraissait évident. Le hasard était trop gros.
Les yeux dans le vide, il ne pouvait s'empêcher d'y réfléchir encore et encore, va savoir pourquoi. Il voyait la forme s'approcher en face, mais floue, et pour lui, voir quelqu'un arriver sur le sentier n'était pas synonyme d'affolement. Vu son accoutrement, il n'avait que rarement eu de soucis, et du peu qu'il voyait, ce qui arrivait en face ne semblait pas menaçant. En revanche, un bruit atypique finit par attirer son attention, et il baissa les yeux vers un étang, un peu surpris.
Tiens? La rivière où il s'était lavé devait déboucher ici d'une façon ou d'une autre. Il ne la voyait pas, mais il savait que ça pouvait aussi passer sous terre.
- Bonjour Voyageur, je n’irais pas par là à votre place.
Yuka sursauta en entendant la voix, accordant soudain toute son attention à la personne face à lui. Ses yeux vairons se posèrent sur un visage inconnu et un accoutrement qui semblait indiquer qu'il avait affaire à une personne plutôt fortunée, tout comme la diction, et pas juste parce qu'il avait été poli. Oubliant de dire bonjour à son tour, surtout que c'était peu naturel dans ce genre de contexte, il s'étonna.
- Ah? J'en avais pas spécial'ment l'intention, mais... Pourquoi? Y'a que'qu'chose de dang'reux là bas?
Il n'était pas du genre à aller quelque part sous prétexte qu'on lui interdisait. Forcément, parfois ça le titillait un peu, par pur principe humain de contradiction, mais que ce soit parce que le lieu était dangereux ou privé, en général il préférait s'abstenir, même si sa curiosité le poussait généralement à chercher le pourquoi du comment. Mais si ça pouvait être en discutant avec la personne qui l'avait averti, quand c'était possible, c'était toujours mieux qu'en risquant sa peau!
Le tout nouvel aventurier ne brillait pas par son matériel, ni par son assurance même s'il avait rapidement regagné une certaine assurance de façade, profitant que l'inconnu ne lui avait pas trop fait peur et était encore assez loin, en plus de ne pas avoir l'air méchant. Il était grand, et accompagné d'un cheval, mais ça, c'était pas bien grave...
Tiens? Il n'avait pas un soucis à la patte ce cheval?
Camille stoppa, caressant l’encolure de la jument dont le regard presque humain trahissait la douleur. Il posa sa tête tout contre celle de l’équidé, dans un geste de tendresse désolée, et répondit au jeune homme.
- Une femelle moloch rocheux a fait son nid, elle est particulièrement agressive… Une équipe s’occupe de la déloger, mieux vaut ne pas l’énerver davantage.
Il marqua une pause et continua, l’examinant mieux, pourrait-il faire partie des voyous qui avaient pénétré dans la ménagerie ? Il était seul, et avait l’air bien calme pour un trafiquant d’animaux rares…
- Vous n’êtes pas passé par le village, ils auraient dû vous prévenir ? Vous allez au Village perché peut-être, de nombreux voyageurs empruntent cette route, elle est un peu plus longue que l’autre mais beaucoup moins fréquentée ?
Il guettait les réactions de l’inconnu, non, il ne semblait pas être passé par le village, son mouvement de recul était-il réel ou Camille devenait-il soupçonneux à cause de l’effraction de cette nuit ? Il décida de jouer le tout pour le tout, s’il était de la bande, le garçon lui foncerait-il dessus ? Il était de sa taille apparemment, plus léger probablement, et pas puissamment armé. Il sourit, de toute façon les armes… n’étaient pas un problème -malheureusement- la force physique aurait pu en être un, mais à mains nues, il pensait pouvoir le contenir au moins, et puis la surprise était toujours un atout, et personne ne s’attendait à se retrouver avec... il soupira discrètement. Il poursuivit donc :
- Si vous continuez sur la route, prenez garde, le manoir de Hvit a été attaqué cette nuit, des contrebandiers ou trafiquants d’animaux rares semble-t-il. Ils n’ont rien pris réussi à emporter mais ont bien semé la zizanie… Ils risquent de s’en prendre aux voyageurs isolés pour rattraper leur échec.
Il voyait bien que le garçon voyageait léger, mais n’avait pas le pouvoir de voir à travers le tissu. S’il était intelligent, étant seul, il n’afficherait pas son éventuelle fortune ni ses possessions les plus précieuses, lui en tout cas aurait adopté une attitude neutre, vêtements communs et aucun signe de richesse apparent… L’élocution du jeune homme toutefois ne collait pas avec son hypothèse, ou alors il était autrement plus doué que lui. Quand il se « déguisait » immanquablement il était trahi par son langage.
Il attendit, pour l’instant, ou le jeune garçon était totalement innocent du méfait de la nuit, ou c’était un comédien né. Il se demandait pourquoi il n’était pas allé au village passer la nuit, car il en était sûr, il n’y était pas allé… Désargenté ? ou simplement ignorant de la géographie ? Qui donc prenait la route sans repérer son chemin ? Si c’était une question d’argent, il pourrait s’arrêter au manoir, Maïa avait toujours de la place dans ses écuries pour les pauvres bougres, gratuitement ou contre un petit boulot symbolique, pour rassurer les plus fiers. Il le glissa donc, pas trop discrètement d’ailleurs… Avait-il le moindre talent pour la discrétion ? Il commençait à en douter.
- Si vous n’avez rien prévu pour cette nuit, le manoir peut d’ailleurs vous accueillir, il offre l’hospitalité à qui la veut, été comme hiver. Même si la région est sûre d’ordinaire, rien ne vaut un toit sur la tête.
Griselda souffla un peu fort et il la regarda aussitôt inquiet, se retournant vers le voyageur il attendit une éventuelle réaction ou question, il avait hâte d’arriver au village.
En tout cas, le regard de l'animal attira également son attention. Moins évident à ses yeux que son boitement, il semblait également trahir une souffrance. Quand on vit dans la nature, c'est important de savoir reconnaître les animaux blessés autant que possible, car s'il s'agit d'herbivores, cela peut transformer un caractère placide en une agressivité à toute épreuve s'ils se pensent menacés, ne pouvant pas fuir aussi facilement que d'habitude!
Enfin, là il ne s'agissait pas d'un animal sauvage, mais quand même. Et son cavalier semblait en avoir conscience, vu qu'il marchait à côté et non sur son dos et semblait chercher à le rassurer, ou même à... Se faire pardonner? Yuka n'était pas bien sûr, il notait ces informations dans un coin de sa tête en se disant que ça pouvait toujours être utile mais il avait un peu peur de mal comprendre. Par contre, l'avertissement était très clair.
- Ah, une moloch rocheuse?! En bas? 'fectivement, j'vais éviter d'm'approcher alors, merci du conseil!
La tête tourné vers le bas, comme s'il espérait voir le fameux étang, l'adolescent ne remarqua pas le regard scrutateur de son interlocuteur, trop occupé à essayer d'imaginer à quoi pouvait bien ressembler une telle créature. Il en avait déjà entendu parler, et ce n'était pas impossible qu'il ai déjà une ou deux fois été victime des hallucinations causées par ses spores, pour autant il n'en avait jamais croisé, et c'était sûrement pour le mieux! Il ne tenait pas spécialement à ce que cela change aujourd'hui mais ne pouvait s'empêcher de se demander à quoi ça ressemblait en vrai. Mais son instinct de survie le dissuadait efficacement d'aller voir ça de lui même. Il n'avait pas besoin de descendre à l'étang, aussi reporta-t-il son attention sur l'inconnu qui s'étonnait qu'il n'ai pas été prévenu. Yuka eu un sourire gêné.
- Visiblement j'ai l'chic pour passer à côté d'ce genre d'info! L'village est derrière moi c'est ça?
C'était curieux quand même qu'il l'ai raté à ce point. Le dernier village qu'il avait croisé datait déjà un peu, est-ce que c'était à celui là que l'inconnu faisait référence? Parce que si oui, absolument personne ne l'avait prévenu! Et si c'en était un autre, alors il n'avait pas eu de bol de le rater, même si avec sa manie de plus en plus prononcée de s'éloigner du chemin pour recueillir des baies et plantes dès qu'il reconnaissait une des espèces dont Valravn lui avait parlé, ce n'était pas si étonnant, c'était déjà bien qu'il arrive à retrouver un sentier sans se paumer!
Là encore, prit dans ses pensées, Yuka rata l'air soupçonneux de Camille qui aurait pu le mettre sur le qui vive. Il essayait de faire d'avantage confiance à son instinct - même s'il pouvait s'avérer foireux - et d'être moins parano vis à vis des gens, ça ne pouvait que lui faire du bien de ne pas être méfiant à tout va, et peut-être même inspirer d'avantage confiance! En tout cas c'est ce qu'il paraît.
Mais l'avertissement, nettement plus clair, ne pouvait que l'inciter à prendre les choses un peu plus au sérieux, inquiet. Il n'avait pas grand chose de valeur, mais il aimerait autant garder le peu qu'il avait, et savait aussi que certains brigands ne s'intéressaient pas qu'aux possessions des gens mais aimaient semer la terreur, ce qui l'inquiétait.
- Z'êtes sûr? La garde a pas été prévenue? Y'z'ont déjà du fuir la région?
En tout cas ça l'arrangerait... Pour aujourd'hui seulement, mais nettement moins pour la fin du voyage, car s'ils avaient juste décalé leur zone d'action, il risquait de les recroiser à un moment ou à un autre. Tout ceci ne lui donnait pas vraiment envie de rester sur les chemins, réflexion faite...
L'offre soudaine surpris Yuka, qui écarquilla un peu les yeux avant de réaliser ce que ça signifiait.
- Ce manoir Hvit... C'vous qui l'gérez?
Oh merde, son langage! Depuis le début il ne faisait aucun effort, alors que plus le temps passait, plus son interlocuteur semblait être noble. Bon, ça n'avait pas l'air de trop le déranger pour le moment, mais s'il lui proposait carrément de le loger, il avait tout intérêt à faire des efforts! Pour quelqu'un qui se ballade sans tente par une saison pareille, ce genre d'offre ne se refuse pas.
- C'... C'est gentil de proposer! Vous demandez une participation? Un peu d'aide peut-être?
Mais au fait, il était où ce fameux manoir? Si ça lui faisait rebrousser chemin, ça ne serait pas l'idéal non plus. Il n'était pas pressé, certes, mais passer une nuit de plus quasiment sur place ne l'aiderait pas particulièrement.
Entendant le soufflement du cheval, il finit par oser demander, un peu incertain.
- Dites... Il a un soucis votre cheval? Il n'a pas l'air bien.
Réalisant qu'il n'avait aucune idée de comment nommer celui qui l'avait si généreusement invité au bout de même pas 5 minutes de conversation, et qu'il en était sûrement de même pour lui car il ne s'était pas présenté, il rajouta :
- Au fait, je m'appelle Yuka! Enchanté!
Est-ce qu'il aurait du dire son nom de famille aussi? Lui y accordait peu d'importance, mais peut-être que les nobles si? Est-ce qu'il prendrait bien le fait qu'il ne tende pas la main? Il préférait vraiment éviter tout contact physique... En tout cas, il fallait qu'il essaie de faire un peu gaffe à ses manières. La personne en face avait l'air généreuse, et même si cela n'ôtait pas complètement sa méfiance naturelle, il voulait s'en montrer digne et ne pas risquer qu'il change d'avis!
Tout près oui, à une demi-heure de marche au plus, vous ne l’avez pas trouvé ?
Il fut surpris, par où avait-il pu passer pour rater une agglomération somme toute moyenne ?
Le reste arriva si vite qu’il répondit en bloc, non, ce garçon n’avait pas l’air bien dangereux… Il le regarda à nouveau, dérangé par quelque chose qu’il ne parvenait pas à définir, peut-être les yeux ? Les yeux vairons étaient rares et avaient pour lui une résonnance particulière.
Je ne gère pas le manoir à proprement parler, mais je l’habite oui. Bonjour Yuka, je suis Camille -continua-t-il ne donnant pas non plus son nom de famille- la maîtresse des écuries Maïa accueille et recueille tout ce qui vit, quelque soit le nombre de pattes et l’espèce à laquelle appartiennent ses protégés. Elle ne demandera rien en contrepartie, mais si vous voulez l’aider, je doute qu’elle refuse.
En fait, nous avons égaré un animal rare et craintif… l’irruption du groupe d’hommes a dû l’effrayer, il a perdu son maître l’année dernière et se faisait doucement à son nouvel environnement. C’est en partie pour cela que j’étais parti en reconnaissance, mais Griselda… -il regarda la pouliche- je vais au village, le forgeron s’y entend en soins immédiats.
Vous pouvez m’accompagner, ou continuer votre route… Si vous ne quittez pas le chemin, le manoir n’est pas à plus d’une heure de marche.
Il ajouta, souriant un peu,
Et si vous le quittez, prenez garde quand même, il y a peu d’animaux sauvages et normalement que des braves gens, mais on a vite fait de tourner en rond quand on ne connaît pas. Vous cherchiez quelque chose de particulier pour vous être enfoncé dans la forêt ?
Curieux, il répéta « Vous allez au Village Perché ? », le garçon l’intriguait, il n’avait pas l’air d’un érudit attiré par la grande bibliothèque, ni d’un astronome en herbe, un artiste peut-être ? qui souhaitait travailler proche du grand atelier ? ou un herboriste qui souhaitait voir le parc ? ça pouvait expliquer qu’il se soit dérouté au risque de se perdre en pleine campagne ?
Tout cela le laissait quand même dubitatif. S’il était très modestement vêtu, l’adolescent n’avait pas l’air d’un vagabond, il était particulièrement jeune, un artisan qui souhaitait se former auprès de plusieurs maîtres ? un travailleur itinérant désirant se placer ? non, de cela non plus il n’avait pas l’air…
Griselda s’ébroua, rappelant ses priorités à son cavalier.
Je dois me mettre en marche, elle souffre, il est inutile de la laisser avoir mal si on peut la soulager.
Il attendit un peu pour voir ce que cet énigmatique rencontre allait décider et en profita pour poser un baiser sur le museau de la jument : Je t'aime ma belle, patiente un peu, bientôt ça ira mieux.
- Non, pas vu, j'ai r'trouvé l'ch'min y'a pas longtemps.
Hé, déjà, il avait eu de la chance de retomber sur ce foutu chemin! Parce que ok, à force d'arpenter la région à pied, il arrivait à peu près à se repérer malgré l'absence de carte, mais ça restait approximatif, puis il était loin de tout connaître comme sa poche, surtout par ici!
L'invitation se confirmant, Yuka hocha la tête avec un sourire pour indiquer qu'il avait bien compris. Bon, même si ça écourtait sa journée de marche, il n'allait sûrement pas se plaindre d'avoir au moins le gîte pour la nuit, ça non! Mais il grimaça en apprenant la fuite d'un animal, et en ayant confirmation que le cheval de Camille était bien blessé.
- Ah, zut... Un ami m'a apprit à faire un onguent pour apaiser la douleur, mais j'ai aucune idée d'si ça marche sur les chevaux.
Dans le doute, autant ne pas essayer, il ne s'agirait pas d'empirer l'état de la pauvre bête! En tout cas c'est ce qu'il se dit, mais il n'avait même pas réalisé avoir dit la première partie de sa réflexion à voix haute. Mais si le manoir n'était qu'à une heure, et le village à une demi-heure...
- J'vais vous accompagner dans ce cas, si ça vous dérange pas! Comme ça si ces fameux brigands traînent dans le coin, on sera pas trop de deux! Bon, si proche d'un village, j'en doute, mais on sait jamais. Et comme ça j'risque moins d'me perdre!
Ok, c'était peut-être ça la vraie raison, mais il valait sans doute mieux éviter de le dire à voix haute sûrement, non? Et puis ce Camille avait vraiment l'air sympathique. Déjà, pour l'inviter comme ça, oui, il l'était, mais son sourire lui inspirait confiance. Devant sa question, il fit une moue de la tête, comme s'il hésitait entre faire oui ou non de la tête.
- J'ai suivi les plantes quand j'ai quitté le chemin. Et je vais un peu plus loin que le Village Perché en réalité, je cherche à retrouver un lieu... Personnel.
Pile, honnête, face, on cache. Il était tombé sur face. Parfois, il disait clairement où il allait, ce qu'il faisait. Mais c'était rare. La plupart du temps, il préférait esquiver les questions d'une façon ou d'une autre. Et c'était sans doute idiot, mais particulièrement en face d'un noble, il n'avait pas envie d'avouer qu'il y a peu encore, il était un sdf ayant pour seul abri une cabane dans les arbres branlante qu'il avait construite lui même.
Voyant la jument s'impatienter, Yuka hocha la tête et se mit à marcher dans la direction vers laquelle se dirigeait Camille avant de le croiser.
- Ah oui, pardon! J'vous suis. On peut discuter en marchant de toute façon. Enfin, sauf si vous préférez les voyages silencieux?
Il était arrivé à Yuka de voyager pendant un temps avec des gens, faut pas croire, il n'était pas asocial à ce point. Juste un peu maladroit, mais malgré sa paranoïa, il recherchait activement le contact. Et ainsi, il avait pu voir qu'il y avait des voyageurs adorant discuter avec les gens rencontrés sur le trajet, et d'autres qui en avaient horreur, mais ça pouvait être pour plein de raisons! Certains n'aimaient pas les discussions couvrant le bruit des environs et donc d'une potentielle menace, et ça, Yuka pouvait complètement le concevoir.
La suite se perdit, Camille émerveillé n’entendit ou du moins ne retint que les premiers mots ! Un botaniste ! Son sourire aussitôt se fit encore plus chaleureux.
- Vous êtes botaniste ! Oh c’est merveilleux ! Vous plairait-il de partager les errements d’un jardinier ? J’ai pour passion de trouver et acclimater des espèces de légumes oubliées… Il y a des tas de variétés fantastiques qu’on a laissé tomber au fil des temps pour se recentrer sur une production stéréotypée, tous les domaines produisent les mêmes légumes, et fleurs… Il faut faire des lieues et des lieues pour rencontrer un autre fou qui tente comme moi de conserver la mémoire de notre flore. Savez-vous que parfois, ces espèces anciennes et perdues sont beaucoup plus prolifiques et solides que ce qu’on cultive aujourd’hui ?
Il regarda le garçon… Oui, certes, il s’était encore laissé déborder par la passion. Il ne put que remarquer toutefois qu’en présence des gens du peuple, et ce jeune homme en était visiblement, il parlait sans bafouiller. Il n’empêche, un peu plus loin que le Village Perché ? Camille passa la main devant ses yeux, de façon si machinale qu’il ne s’en rendit pas compte, et que peut-être cela échappa aussi à Yuka.
- J’ai de mauvais souvenirs près du Village Perché, je ne m’y rends que contraint et forcé, et rarement seul. Il y a pourtant des choses que je devrais tirer au clair, mais je préfère m’y prendre sans m’en mêler personnellement…
Il chassa sa tristesse d’un mouvement de tête, le village était en vue, un gros homme accourut lui faisant un signe de bienvenue qu’il élargit à son compagnon de route.
- Bah not’ seigneur, qu’est-ce vous zi'avez fait à c’te bête ! c’pas vot’ habitude à vous d’malmener les cavales !
Camille confia les rênes de Griselda à l’homme, il déposa sur le mufle de la jument un baiser tandis que le forgeron l’examinait doucement. Entraînant la monture vers sa forge, il cria plus qu’il ne dit :
- La femme ell’a fait des crêpes ! ‘llez donc goûter ‘vant qu’la marmaille ell’a tout mangé !
Le jeune homme éclata de rire, tapant dans le dos du forgeron et regarda Yuka « vous aimez les crêpes ? »
La maisonnette envahie par une demi-douzaine d’enfants, ceux du forgeron et quelques-uns du voisinage, était chaleureuse et pimpante. Une femme rebondie aux joues rouges devint plus cramoisie encore en voyant les arrivants, d’un ample geste de son tablier, elle balaya les gamins en criant « z’allez laisser d’la place au maître ? ouste, filez voir dehors m’trouver d’aut’ œufs ! » elle se tourna vers eux en riant « ça fait d’bien d’vous voir ici, z’ont enfin chassé c’te bête à l’étang ? j’peux point laver mon linge avec ça… » Elle tartina deux crêpes d’une telle couche de confitures qu’elle ne put les rouler.
Regardant Yuka sans attendre la réponse de Camille elle l’examina de la tête aux pieds.
« C’vot’ cousin ? ça fait grand temps qu’on l’a pas vu ? »
Camille se retourna stupéfait, mais oui ! c’est ça que Yuka lui rappelait… C’est vrai que l’enfant aurait pu ressembler à cela, des yeux vairons, des cheveux foncés…
« Non Dame Elvyr c’est un botaniste de passage, je vous présente Yuka. Il est si féru de plantes qu’il en a loupé le village » ajouta-t-il taquin. La grosse dame éclata d’un rire sincère mais tonitruant.
« Lui r’ssemble… mange ta crêpe Avorton ! comment t’veux grandir… encore qu’l’maître ‘l’est pas ben épais non plus »
Elle tartina deux nouvelles crêpes et les posa sans façon, impossible de refuser sans la vexer, Camille éploré regarda Yuka et chuchota « je ne pourrais plus marcher si j’avale ça, vous avez faim ? » il trancha l’énorme friandise en deux avec son petit couteau et posa en catimini une moitié dans l’assiette de l’adolescent.
Son mari entrant pour dire qu’il conserverait Griselda pour la nuit, il fut décidé qu’ils rentreraient en carriole.
Un gros cheval de trait à la robe mouchetée de gris et de blanc prit la route, mené par le fils aîné du forgeron qui raconta qu’il avait vu des aventuriers bizarres près de la clairière au monstre, un géant et un homme-oiseau à la queue démesurée… Mais le fauve était encore là !
Le gamin continua à meubler le voyage, racontant extasié que celui qui avait l'air d'un hybride avait des tas de bestioles fabuleuses, même une qui parlait… Mais qu’il n’avait pas pu lui parler parce que son père lui avait collé une taloche en le renvoyant à la maison à cause du danger…
Le manoir, grande bâtisse rouge entourée de pelouses luxuriantes sur lesquelles voisinaient des parterres de fleurs et des animaux de compagnie en liberté, se profila. Sautant de la charrette Camille tendit la main à Yuka.
- Voulez-vous aller voir Maïa de suite ou puis-je vous montrer les jardins ? Si vous aimez les végétaux ? Bien sûr vous mangez avec nous ! Entre botanistes, on se soutient.
Il ponctua ses paroles d’un nouveau sourire, attendant la réponse.
- Ah? J'l'ignorais! Mais pourquoi z'ont pas gardé l'espèce la plus efficace alors?
C'est vrai que ce qu'il récoltait dans la nature et ce qu'on lui servait dans les auberges avait rarement le même goût, mais il faut aussi dire que la préparation était radicalement différente, alors il avait toujours mis ça sur ce compte là. Il avait rarement l'occasion d'apprécier réellement un plat, et même si aujourd'hui il mangeait mieux et s'intéressait de plus en plus à la cuisine, on ne pouvait pas exactement dire qu'il soit fin gourmet.
La réaction de Camille à la mention du Village Perché l'interpela. Des mauvais souvenirs? Cela devait vraiment pas être jojo, en effet. Lui-même avait ses propres mauvais souvenirs dans la région, il pouvait comprendre, même s'il s'agissait sûrement de quelque chose de différent dans le cas du noble. Ayant horreur de parler de son histoire personnelle, il ne se risqua pas à demander plus de détails, même s'il compatissait. Il aurait de toute façon été coupé par leur arrivée dans le village et l'homme qui arriva à leur rencontre.
Yuka répondit machinalement au salut avant de jeter un coup d’œil surpris à son voisin. "Seigneur"? Oh oui, c'était bien un noble pour être appelé ainsi. Mais au moins, il paraissait assez proche des gens, malgré la différence évidente de diction. Souriant à l'idée de manger, encore plus des crêpes, l'adolescent sourit et hocha la tête avec enthousiasme. Il ne disait jamais non à de la nourriture offerte, et heureusement, il avait assez progressé sur la question ces derniers temps pour ne pas avoir l'air d'un affamé dès qu'on lui proposait. Devenir aventurier avait été un changement radical pour lui, mais la simple rencontre de Valravn avait changé bien des choses.
A l'intérieur, Yuka n'eut pas franchement le temps d'en placer une, entre la surprise qu'on puisse le prendre pour le cousin de Camille - vraiment, avec sa dégaine et ses yeux vairons? - et manquant encore une occasion de rappeler qu'il n'était pas botaniste tant ça filait vite. Il finit par abdiquer, préférant se concentrer sur la délicieuse crêpe placée devant lui et acceptant avec plaisir la part supplémentaire qu'on lui proposait. Il mangea avec entrain avant de suivre le mouvement, écoutant avec curiosité les histoires de leur conducteur et posant des questions ici et là avant de se retrouver devant le manoir de son hôte, impressionné.
Hé ben! Ça, c'était un manoir, en effet! Il n'avait pas franchement souvent eu l'occasion de voir de telles choses! Profitant que Camille le désigna à nouveau comme botaniste, il se tourna vers lui, gêné, histoire de mettre la chose au clair.
- Ah, je... J'pense pas connait' assez les plantes pour pouvoir m'prétend' botaniste. J'connais surtout c'qui est comestible ou non et deux trois plantes médicinales. Mais se s'rait avec plaisir pour voir les jardins!
Il n'y aurait sûrement que des espèces qu'il ne connaissait pas, s'il ne s'agissait pas de plantes locales, mais qui sait, ça pouvait toujours servir, non?
Camille le regarda surpris, il est vrai qu’il avait parlé, parlé… Finalement, en dehors de la présence d’Arthas ou d’autres nobles, il n’avait AUCUN problème d’élocution. Et de n’en pas avoir le laissait si satisfait qu’il noyait ses interlocuteurs de phrases et de mots, très insuffisamment à l’écoute… Il faudrait qu’il corrige ce travers, sans quoi il passerait vite pour un moulin à paroles prétentieux et oublieux des autres.
- Je vous prie de m’excuser, j’ai peur de m’être emballé, mais connaître des plantes comestibles et quelques médicinales, c’est un excellent début pour le devenir. Venez, je vous montre mon domaine, enfin mon jardin, c’est un des endroits avec la ménagerie où je me sens le plus à ma place.
Il lui montra le chemin d’un geste ample de la main et ils se trouvèrent à traverser des allées bordées d’immenses plates-bandes de légumes, certaines travées identifiées par de petites pancartes. Par endroits, Camille malgré ses bottes d’équitation et sa tenue impeccable, entrait dans les parterres pour aller voir la croissance d’une plante, ou arracher une mauvaise herbe, ou vérifier l’absence de parasites. Il ne semblait pas se soucier d’avoir les mains poussiéreuses ou mouillées, et continuait à décrire les végétaux et expliquer s’il s’agissait d’une variété courante ou rare, et/ou quelles en étaient les vertus.
Il parlait avec simplicité mais passion, comme un homme qui disserte sur ce qui fait sa vie, et malgré son élocution quelque peu raffinée restait intelligible et accessible.
Des légumes ils passèrent dans un grand verger aux arbres ancestraux pour certains, tous jeunes pour d’autres. Les fruits de saison achevaient de murir, sur un mur au fond des espaliers de bonne taille voisinaient avec de la vigne.
- Nous produisons du vin, pas ici, enfin ici aussi, sur cette parcelle, mais pour les besoins du manoir seul, de manière anecdotique. Plus loin, en bordure du fleuve, un pétillant très fruité que nous sommes seuls à fabriquer et qui de ce fait a un peu de valeur parce que le nombre de bouteilles chaque année est si réduit… Nous faisons aussi un peu de céréales mais surtout pour nourrir nos animaux, sinon, Hvit est un potager géant au service de la capitale et du Village Perché. Nous pourrions exporter plus loin, mais la qualité serait moindre à cause du transport. Donc à défaut de botaniste, je suis un paysan.
Il sourit, ce qualificatif le mettait en joie, bien plus que la tripotée de titres accumulée au fil des siècles par ses ancêtres…
Passant du coq à l’âne, il demanda de façon abrupte « Aimez-vous les animaux ? ». Montant quelques marches ils arrivèrent en vue de bâtiments bas, impeccablement entretenus, les écuries. Un peu plus loin, une petite bâtisse simple mais gaie fut qualifiée d’hostellerie.
- C’est ici que vous dormirez si vous n’avez pas changé d’avis, je crois que vous serez seul, nous avions une troupe de baladins la semaine dernière mais ils ont repris la route, et pendant deux jours un marchand itinérant qui est parti ce matin il me semble. Vous pourrez choisir votre chambre, il n’y en a qu’une dizaine, nous sommes juste là pour offrir l’hospitalité à ceux qui n’ont pas les moyens ou l’envie d’aller dans une auberge, et qui ne se sentent pas de dormir à la belle étoile.
Avisant une jeune femme brune aux cheveux courts et à la tenue indubitablement masculine il sourit « voici Maïa, elle est la maîtresse des écuries et de cette partie du domaine, ne vous froissez pas si elle est un peu directe, elle a un cœur d’or et n’aime rien tant qu’aider son prochain. »
Il marqua une pause et ajouta « par-contre, j’ai peur que son sens de l’humour soit parfois… particulier ». Faisant un signe à la jeune femme il cria « l’avez-vous retrouvé ? des indices ? » d’un ton légèrement inquiet.
« Aucun, mais je vais réessayer cette nuit, le jour de toute façon il y a peu d’espoir de le trouver » Elle maugréa « si je tenais cette bande de… la pauvre bête, il se remettait tout doucement de la mort de son compagnon… Ce sont des animaux farouches et sensibles ! » Elle attendit un moment avant de continuer « Je te jure Camille que si je tombe sur une de ces pourritures, plus jamais il ne mettra les pieds dans la région, je lui flanquerai une telle raclée que même mort il n’osera pas revenir hanter les alentours ! »
Elle jeta un coup d’œil surpris à Yuka, puis à Camille, puis de nouveau à Yuka.
« Je te présente Yuka, il va dormir à l’hostellerie, ça lui évitera de se perdre en cherchant des plantes »
Faisant un signe de la main elle eut un grand sourire « Bonjour ! et bienvenue, mais vous serez seul, ça ne vous dérange pas ? Après si vous voulez, nous faisons une veillée aux écuries, pas trop tard, mais tous les soirs, ça permet de décompresser après la journée » Laissant les deux hommes elle retourna s’occuper d’un couple de montures orangeés, les caressant tout en les brossant.
Yuka hocha la tête comme pour dire "c'est rien", un peu rassuré, et il le suivit dans les différentes allées, écoutant avec attention ces enseignements à la fois différents et complémentaires de sa propre expérience personnelle et de ce que Yuka avait pu lui enseigner. Il essayait de reconnaître autant de plantes que possible avant de lire la pancarte ou d'entendre son guide donner leur nom, posant parfois une question pour préciser un ou ou deux, particulièrement lorsqu'il avait du mal avec un mot ou lorsque quelque chose entrait en contradiction avec ce qu'il savait.
Il aurait aimé pouvoir affirmer fièrement au moins pouvoir reconnaître la plupart des plantes présentes, mais ce n'était pas du tout le cas! Certaines variétés étaient très rares dans la nature, ou alors si proches d'autres qu'il ne les connaissait pas. Il se retrouvait également comme un idiot devant les plantes n'ayant pas d'utilité culinaire ou médicale, ou bien dont la vertu était peu connue, et concernant les plantes qui ne se trouvaient ni en forêt ni en montagne, pour la plupart c'était pas la peine d'en parler! Il n'y connaissait tout simplement rien.
- Du coup vous nourrissez la région en fait? C'pour ça qu'vous cherchez les variétés les plus efficaces? Interrogea Yuka.
C'était pas idiot du tout, ça expliquait la taille des champs dans les environs, et la passion du maître des lieux pour la culture, ce qui était tant mieux vu son occupation! Il ignorait que des nobles pouvaient se retrouver à faire ça, naïvement il les avait toujours cru éloignés des métiers liés à la terre, alors que Camille allait très clairement dans les champs s'occuper lui même des plantes. Comme quoi, fallait vraiment mieux pas trop croire les on-dit... Soit ça, soit il était une exception remarque.
La question de son hôte tira une grimace à l'aventurier, qu'il essaya rapidement de transformer en sourire tout en se grattant la joue.
- On peut dire qu'j'aime bien les animaux oui... Du moment qu'y veulent pas m'bouffer bien sûr!
Si on ne parlait que d'animaux non humains, certains avaient voulu le bouffer et d'autres l'avaient sauvés. Généralement des espèces différentes, certes, mais de ce fait il ne haïssait pas les animaux. Enfin... Si, il y avait certaines espèces qu'il avait en horreur. Mais il était reconnaissant envers d'autres, voir confiant. Et il en était un peu de même avec les humains, même si dans les deux cas, il fallait apprendre à connaître chaque individu avant tout jugement.
- Encore merci pour la proposition! J'risque pas d'changer d'avis, c'trop rare qu'on m'propose. Et vous inquiétez pas, être seul m'dérange pas.
Bien au contraire en réalité, mais ça, il valait sans doute mieux ne pas trop le dire. Pas qu'il soit peu sociable. Enfin, il l'était, en quelque sorte, mais il essayait vraiment de s'améliorer, mais c'était juste que pour dormir, il était mieux seul. Dans ce contexte, ça paraît pas trop étrange, mais parfois les gens s'étonnent ou pensent qu'il apprécie trop son petit confort, alors il évitait de trop l'ouvrir là dessus quand il pouvait l'éviter.
Tournant la tête vers une jeune femme inconnue, mais qui avait clairement l'air de travailler ici, il écouta la présentation de Camille et suivi leur échange avec curiosité, se demandant de quoi il pouvait bien parler. Le noble lui avait bien parlé d'une attaque de brigands c'est ça? Un animal semblait avoir fuit. S'il était en deuil, il avait du être d'autant plus prompt à fuir. En espérant qu'il ne se soit pas laissé mourir, s'il avait perdu un proche ou l'autre moitié de son couple... Certains animaux se liaient pour la vie et ne survivaient pas toujours à la perte de l'élu de leur cœur!
Devant le coup d’œil surpris de Maïa, Yuka leva la main pour la saluer avec un sourire qui se voulait pas trop timide, doutant de sa réussite, avant de pencher la tête sur le côté, curieux, devant son invitation.
- Non, ça m'dérange pas, mais... Vous faites quoi pendant vot' veillée? Vous discutez?
Non pas qu'il craigne qu'ils fassent quoi que ce soit de bizarre, mais il ne voulait pas déranger. Bon, ok, ils proposaient donc ça devrait aller, mais parfois c'était pour la forme, et il voulait quand même savoir dans quoi il s'engageait, car un même mot pouvait avoir un sens très différent selon les gens!
Se tournant vers Camille, Yuka rajouta, curieux.
- Y'a des animaux qui c'sont enfuis à cause d'l'attaque d'brigands dont vous m'avez parlé? Y'en a beaucoup qui sont partis?
S'ils considéraient l'endroit comme chez eux, ils devraient bien finir par revenir, non? A moins qu'ils aient été trop effrayés pour oser venir voir si les choses étaient revenues à la normale. Si en plus il s'agissait d'animaux non territoriaux... Enfin, s'ils étaient domestiques, ils risquaient de ne pas survivre très longtemps seuls dans la nature, voir même peut-être de se faire rattraper par les brigands! Et en ça, Yuka pouvait comprendre l'inquiétude de Camille et la colère de Maïa. Les voleurs de cette nuit n'étaient sûrement pas des nécessiteux comme Yuka, sinon ils auraient plutôt cherché à piller les récoltes ou une auberge!
Y'a des animaux qui c'sont enfuis à cause d'l'attaque d'brigands dont vous m'avez parlé ? Y'en a beaucoup qui sont partis ?
Là ce fit Camille qui prit la parole,
Plusieurs ont pris peur, mais tous ceux qui se sentaient chez eux sont revenus… Un seul est manquant, il n’est ni dangereux ni… d’ici. Il est arrivé à la saison douce avec son maître, un très vieil homme qui a logé à l’hostellerie et est mort tranquillement pendant son sommeil. Il avait fini son temps, mais son familier est resté. Il n’a accepté aucune de nos avances, il se contente de manger, de dormir et d’aller sur la tombe du vieillard.
C’est un renard esprit, un espri placidii, assez jeune. Ils sont timides et particulièrement beaux, la nuit, on dit qu’ils veillent sur le sommeil des gens et éloignent les mauvais rêves. Ils choisissent leur maître et refusent de s’unir à un être égoïste ou mauvais… Sans doute personne ici n’est-il assez pur pour le retenir, ou il n’est pas sûr encore. Il est particulièrement superbe, un pelage gris et blanc, une queue faite de fumée et de magnifiques cornes de cerfs auxquelles sont attachées de petites lampes ambrées. Il a comme un col de fourrure blanche.
La difficulté vient principalement du fait que les obstacles physiques ne les arrêtent pas, ils traversent les murs comme s’il n’y avait rien, mais nous pour le rejoindre devons parfois faire des lieues jusqu’à un passage ou sortir grappins et cordes… Cela lui donne amplement le temps de disparaître. Je ne pense pas que des voleurs aient pu mettre la main dessus, justement parce qu’il s’agissait d’êtres violents et cupides, il a fui, et ils n’ont pas pu approcher assez pour le capturer.
Je te jure Camille, s’il lui est arrivé malheur, je… elle se retint, enfin aucun d’eux n’enfantera plus jamais !
Le jeune homme sourit, puis regarda son hôte.
Si vous le croisez, peut-être aurez-vous la chance qu’il ne s’enfuit pas. Il n’est la propriété de personne et doit se sentir seul après avoir partagé la vie d’un homme. Nous ne voulons qu’être certains qu’il est vivant, intact, et libre de ses choix.
Pour lui-même il murmura : aucun être vivant n’est la propriété d’un autre… La vie se lie et se délie, certains s’aiment, d’autres s’ignorent…
Du coup vous nourrissez la région en fait ? C'pour ça qu'vous cherchez les variétés les plus efficaces ?
Camille revint à un sujet plus terre à terre, sa passion en fait.
J’aimerais oui, encore que ça doit être le cas pour les environs en tout cas, en Aryon certains ont plus faim que d’autres mais rien ne le justifie… Même le plus pauvre des pauvres devrait pouvoir venir ici par exemple, ou n’importe où ailleurs, et dire « j’ai faim, aidez-moi ».
C’est pour ça que cette hostellerie existe, elle accueille tous ceux qui s’y présentent, ne demande ni qui ils sont, ni d’où ils viennent, ni où ils vont… Enfin j’avoue que moi je le demande, mais juste par curiosité, si on élude -il regarda Yuka dans les yeux- c’est le droit le plus strict de l’autre.
Je cherche tout ce qui a pu nourrir l’homme un jour. Il y a des variétés plus nutritives mais un peu moins prolifiques, d’autre beaucoup plus prolifiques mais qui nourrissent moins ou dont le goût les réserve à certains types d’alimentation, trop sucré, pas assez, ou leur substance : trop liquide, trop dur… Tout peut être adapté et utile.
Certaines ont des capacités curatives mais ont été remplacées par d’autres moins rares ou plus faciles à utiliser. Certaines… viennent simplement de régions qui se sont dépeuplées en raison du climat ou de la difficulté d’accès… Si je commence sur ce sujet, vous ne dormirez pas cette nuit, je serai encore en train de vous vanter les vertus de telle ou telle variété de légume par rapport à ce qu’on trouve couramment sur les marchés.
Après l’avoir convié une nouvelle fois à partager leur repas « demandez à Maïa, elle vous emmènera jusqu’au manoir si vous craignez de vous perdre » il conclut par « Je vais vous laisser vous installer, s’il vous manque la moindre chose, n’hésitez pas ».
La questions des animaux enfuis fut une excellente façon de changer de sujet l'air de rien, sans encore donner de réponse histoire de se laisser quand même le temps de la réflexion, et surtout ne pas donner l'impression de changer d'avis pile après que Maïa ai parlé d'histoires flippantes.
Et cela fonctionna, puisque lui même oublia la veillée de ce soir lorsque Camille lui expliqua la situation et lui décrit celui qui s'était enfui. Un esprit placidii... C'était donc cet animal qu'il avait croisé cette nuit? Mais... S'il n'y en avait pas de sauvage d'ordinaire dans la région, alors il devait forcément s'agir de celui dont parlait le noble, qui s'était enfuit. Pourquoi être venu le voir lui en particulier? Yuka en était troublé.
Les deux enchaînèrent trop vite pour que l'aventurier, encore peu sûr de lui, ne puisse leur dire qu'il avait sûrement vu l'animal en question et les rassurer sur son sort. Puis chacun parti à ses occupations, Maïa retournant à ses tâches et Camille le laissant s'installer, laissant Yuka dans un était d'esprit assez particulier, à la fois si reconnaissant envers ce noble qui se disait prêt à accueillir quiconque souffrait de la faim et sans toit au-dessus de sa tête. Il semblait trop sincère pour mentir, et ça touchait réellement Yuka. Qu'est-ce qu'il n'aurait pas donné pour savoir qu'une personne si généreuse existait il y a quelques mois de cela...
Et lui, qui n'avait pas réussi à dire qu'il avait sûrement vu le renard esprit disparu! Enfin, il aurait d'autres occasions, après tout il allait passer la nuit ici, mais quand même, il se sentait un peu ridicule.
Cette impression ne s'améliora pas lorsqu'il arriva dans la chambre où il allait loger. Que pouvait-il laisser là? Il avait plus de possessions qu'avant, c'est sûr, et il se sentait plutôt en confiance ici. Il se méfiait toujours beaucoup, mais faisait plus facilement confiance à son instinct lui dictant qui pouvait s'avérer dangereux ou traître qu'avant, sans quoi il avait bien compris que toute relation avec un humain sur le long terme risquait d'être vraiment compliquée si ce n'est impossible, il avait envie d'essayer. Et puis il aurait l'air un peu con en gardant son sac avec lui. Pour autant, l'idée que les brigands puissent revenir ne l'aidait pas vraiment, il n'avait aucune envie de se faire voler le peu qu'il avait!
Un peu réticent, Yuka fini quand même par décrocher son sac, gardant le plus précieux, à savoir ses cristaux et sa boussole, sur lui. Il hésita un peu devant la nourriture, avant de prendre une petite poche de nourriture se conservant longtemps sur lui, rangeant le reste de façon un peu cachée par paranoïa et, voyant qu'un ou deux fruits commençaient à pourrir malgré le froid - et non, ils se fripaient pas juste d'être enfermés dans une poche - il s'empressa de les sortir pour les poser sur une table de la pièce le temps de vérifier la propreté de la poche et des autres fruits pour s'assurer qu'ils ne subissent pas le même sort. Il oublia ensuite totalement de récupérer les deux fruits après avoir rangé ses affaires, s'étirant en hésitant un peu sur la conduite à tenir.
Ce n'est qu'en sortant et en voyant les champs qu'il s'en rappela. Il n'était pas du genre à faire d'offrandes de nourriture à la nature, c'était bien trop précieux, pour autant il ne voyait pas l'intérêt de garder pour lui de la nourriture qu'il ne pouvait manger. Bon, les fruits en question n'étaient pas très pourris, enlever un bout aurait suffit à ce qu'ils soient de nouveau comestibles, mais Yuka ne mourant plus de faim, il préférait rendre cela à la terre comme remerciement. Ça, ça lui arrivait déjà avant sa rencontre avec Valravn.
C'est en revenant qu'il se figea net, ayant la surprise de voir l'esprit placidi de retour, en train de chiper les fruits restés sur la table. Stupéfait, Yuka le regarda faire, étonné que renard ne l'ai pas entendu arriver. Puis, quand il le vit se retourner pour le regarder sans manifester de surprise ou de peur, seulement de la curiosité, il comprit qu'il l'avait bel et bien entendu arriver.
Fasciné autant qu'intrigué, Yuka s'approcha doucement, mais l'animal manifesta aussitôt de la méfiance, alors l'adolescent s'arrêta, et recula même. L'esprit placidi agita les oreilles, visiblement surpris par le geste, et il l'observa encore un moment avant de s'enfuir.
L'adolescent se sentait touché de l'avoir vu pour la seconde fois, surtout alors que Camille l'avait décrit comme très distant et méfiant. Est-ce qu'il se sentait confiant en sa présence? En tout cas, lui avait apprécié sa visite nocturne pour apaiser ses rêves, ça c'était sûr, mais est-ce qu'au moins il lui rendait la pareille? Il aimerait pouvoir l'aider...
Pensif, Yuka réalisa soudain qu'il devait prévenir Camille ou Maïa qu'il l'avait vu, pour qu'ils cessent de s'inquiéter. Il ferma la porte et se mit aussitôt à courir à la recherche du noble, jusqu'à tomber sur lui dans une allée et s'approcher, à bout de souffle.
- Dites, l'esprit qui s'est barré l'aut' jour, il a un signe particulier? Parc'que ça fait deux fois qu'j'en croise un, et j'me dis qu'ça pourrait êt' le votre. Il a l'air en bonne santé, et j'crois qu'il est jeune. P't'être pas adulte, mais j'connais pas trop... J'viens d'le croiser dans l'écurie à l'instant, mais l'est pas resté.
Tout excité de l'avoir vu et content d'annoncer une bonne nouvelle à celui qui semblait si généreux, Yuka n'avait vraiment pas fait attention à son articulation, mais il était tout sourire et enthousiaste à l'idée de rassurer son hôte sur la question.
Camille eut juste le temps de faire un écart pour ne pas être heurté mais le sourire et la joie enfantine du garçon était communicative et il sourit en retour.
« C’est une bonne nouvelle ! Deux fois ? Il vous a laissé approcher deux fois ? De près ? Il a toujours gardé une distance appréciable avec nous, Maïa et moi arrivons à l’approcher à deux mètres environ. Celui avec lequel il semblait le plus à l’aise était un des palefreniers, un jeune gars gentil sans aucune malice, mais il est un peu simple et trop brusque pour le renard semble-t-il »
Il regarda le jeune homme avec attention.
« S’il trouvait un nouveau compagnon, nous en serions ravis, il ne coûte pas grand-chose ni en nourriture ni en travail, mais le voir seul le nez en l’air à chercher quelqu’un qui n’est plus nous attriste tous… »
Il réfléchit, un signe particulier ?
« Je ne pense pas qu’il ait un signe particulier… Maïa saurait peut-être mieux, elle connaît beaucoup mieux les animaux que moi. Moi, je me cantonne aux chevaux et de façon plus marginale aux rapidodos… En fait aux montures, toutes, j’adore les montures, elles apportent toutes une sensation différente lorsqu’on est sur leur dos et aucune ne communique comme les autres, même au sein d’une même espèce » -ses yeux brillèrent un peu mais il se reprit- « sinon, j’ai peur que mon domaine de prédilection reste les végétaux »
Il regarda vers les écuries et l’hostellerie. La jeune femme assurément devait avoir regagné le manoir pour se préparer pour le repas, elle ne reviendrait qu’ensuite avec ses « gars » pour écouter les histoires monstrueuses d’Eddard le conteur, lui-même avait renoncé à entendre le grand homme balafré raconter des combats contre des monstres et des apparitions de spectres qui vous poursuivent… Il n’était pas de ceux qui peuvent dormir mieux après avoir eu la dose d’adrénaline nécessaire à un bon sommeil… Les veillées à l’écurie lui faisaient en général l’effet contraire, il restait éveillé à guetter ce qui pourrait jaillir à travers un mur ou ramper de sous son lit…
« Vous n'avez pas déjà dîné ? souhaitez-vous venir avec nous ? Je vais avertir Maïa de la présence de l’esprit, elle pourrait en profiter pour passer la nuit dans son lit et non à harasser ses rares traqueurs »
Il regarda un carré de légumes en bordure de l’allée, fronçant les sourcils…
« Il n’y a pas assez d’humidité pour un hiver, la neige est venue trop tôt et ne fond pas… Je me demande ce que ça va donner… » -revenant à Yuka dont il avait remarqué l'extrême réserve et les efforts qu'il faisait pour garder ses distances- « si vous ne voulez pas partager notre repas, ne vous sentez en rien obligé, personne ne vous en voudra, vous êtes libre de vos décisions. J’ai peur que même « rapides » nos dîners soient très longs… Nous vous ferons porter quelque chose des cuisines, si vous avez beaucoup marché vous devez être fatigué et peut-être désireux de vous coucher tôt … » -il sourit à nouveau- « et si vous êtes sensible je vous déconseille les veillées d’Eddard, il a un don véritable pour raconter ses histoires et n’aime rien moins qu’épouvanter les gens, certains en raffolent, j’avoue que le peu que j’ai entendu étant adolescent a suffit à me le faire fuir »
Il leva les yeux vers le ciel.
« Voulez-vous m’excuser ? Je dois aller me changer. Si vous manquez de quoi que ce soit n’hésitez pas, notre « aubergiste » est là pour vous rendre le séjour agréable. Dites-lui simplement ce que vous souhaitez, il vous le procurera, du moins tant que ça reste dans nos possibilités. »
Souriant avec grâce et naturel, il quitta le jeune homme et marcha rapidement vers le manoir. Se retournant, il le suivit un court moment du regard… Se pouvait-il qu’il ait fait la conquête de l’esprit placidii perdu ?
Se sentant d'autant plus flatté à l'idée qu'au moment de son rêve, le renard s'était approché bien plus près que deux mètres, les joues de Yuka, déjà rosies de sa course et du froid, semblèrent encore accentuer cette teinte.
- La première fois oui, l'était près! Moins la deuxième, mais l'était pas loin! P't'être, j'dirais, à trois mètres? Il a eu l'air flippé que j'me rapproche, mais j'ai r'culé alors il est resté avant de partir.
Il avait qualifié son départ de fuite tout à l'heure, mais en y repensant, ce n'était pas exact. Il n'était pas parti parce qu'il était effrayé, il avait sans doute juste eu autre chose à faire, et si en plus il était jeune, il paraissait normal qu'il soit vif et du genre à courir plutôt que marcher, sans forcément que ça trahisse un affolement quelconque.
- Ah ouais? J'peux pas dire, j'suis monté qu'sur des ch'vaux, et encore, pas souvent. Et la fois où j'ai fais une ballade d'ssus, j'avais tellement mal aux fesses, ça m'a pas donné envie d'recommencer! C'est normal qu'y paraît. Z'avez pas ça vous?
C'était peut-être pas la meilleure chose à demander à un noble, mais malgré sa façon de parler différente, il se sentait finalement plutôt proche de Camille, au point de pouvoir parler aussi franchement sans trop de soucis. L'adolescent pencha la tête sur le côté, fasciné.
- Z'avez d'jà l'air d'connaître plein d'choses, c'est super! Moi, j'm'intéresse à plein d'trucs, mais j'm'y connais pas pour autant. J'imagine qu'ça viendra!
En tout cas il l'espérait. Il n'avait aucune idée de s'il voulait se spécialiser dans un domaine en particulier. Il restait plutôt touche à tout, mais surtout sur des quêtes bateau ne nécessitant pas de compétences particulières pour le moment. Il avait atteint ses principaux objectifs, à savoir avoir un toit, de la nourriture, il mettait même des cristaux de côté! Maintenant, il aimerait bien se concentrer sur le combat, histoire de pouvoir commencer à prendre des quêtes plus dangereuses et affronter ses peurs.
Camille n'avait pas l'air contre qu'il essaie d'approcher l'esprit, et donc qu'il devienne son nouveau propriétaire, et ça, si l'idée paraissait séduisante au premier abord à Yuka, il fallait tout de même y réfléchir! Comment intégrer un familier dans ses projets? Avec sa situation actuelle, il devrait pouvoir se le permettre, mais pour le reste... Il ne pourrait pas le laisser dans sa chambre à la Guilde. Est-ce qu'il y vivrait bien seulement? Et comment faire ensuite pour l'amener en quête?
Toutes ses questions mériteraient d'être réfléchies, mais elles furent balayées par l'enthousiasme à l'idée de ne pas rester seul. Si l'esprit placidi semblait se laisser approcher par lui plus que par les autres, autant tenter non? Surtout que comme disait Camille, si c'était un familier, il valait mieux pour lui aussi qu'il ne reste pas seul.
Devant la proposition du noble, Yuka se gratta la tête, gêné.
-Oh, ce... C'gentil, mais j'aurais peur d'faire tache, puis vrai qu'j'ai pas l'habitude des longs r'pas... Mais c'très gentil d'proposer!
Voyant que le noble semblait vouloir s'éloigner, il lui fit un signe de la main, lui souhaitant une bonne soirée. Ses conseils bien en tête, il avait finalement prit sa décision : il ne foutrait pas les pieds à la veillée, c'était sûrement mieux pour lui et sa tranquillité de sommeil, sinon il était bon pour faire des cauchemars toute la nuit, et s'il pouvait s'agir d'un bon moyen d'attirer le renard, il n'en avait pas la moindre envie pour autant!
Lui d'habitude si obnubilé par la nourriture, même quand il en avait à disposition, il décida de ne pas immédiatement aller s'enquérir du repas du soir et il retourna à proximité de sa chambre, comme s'il espérait trouver de nouvelles traces de l'animal. Ce ne fut pas le cas, alors il finit par se rendre au manoir pour y trouver pitance, se montrant plus raisonnable qu'avant en terme de quantités ingurgitées sans pour autant perdre sa petite habitude de mettre dans ses poches tout ce qui se gardait et qu'il n'avait pas mangé.
Ceci fait, il ressorti devant une nuit noire. C'est vrai qu'il avait été plutôt lent même sans partager le repas de Camille, prenant son temps dans une salle plus modeste que les autres, sans doute dédiée au personnel au vu des gens avec qui il avait partagé son repas. Il avait d'ailleurs réussi à discuter un peu malgré sa timidité, mais il avait oublié que la nuit tombait toujours tôt...
Oh, ce n'était pas si grave, il avait l'habitude, mais la nuit était particulièrement sombre, alors même en laissant ses yeux s'habituer, ne connaissant pas les lieux, retrouver son chemin risquait d'être un peu délicat. Des lumières brillaient ici et là, mais difficile de savoir ce qu'elles éclairaient. Si ses souvenirs étaient bons, l'écurie était dans cette direction...
Yuka commença à marcher un peu au hasard, essayant de ne pas se prendre les pieds dans les cultures ou des plantes. Il doutait que son hôte apprécierait, et il n'avait pas non plus envie de se casser la figure. Ils avaient l'air plutôt consciencieux par ici, mais ça arrivait à tout le monde d'oublier un outil, alors va savoir ce qui pouvait traîner! Sans parler d'éventuels tuteurs...
L'adolescent en était là de ses réflexions lorsque son regard fut attiré en périphérie de son regard par une lumière mouvante qui semblait bien plus proche que les autres. Quoi que ce soit, la lumière s'enfuit avant qu'il tourne la tête, aussi il ne vit rien. Un peu circonspect, car la lueur rappelait trop la couleur ambrée des lampes du renard esprit pour que ce soit un hasard, Yuka continua son chemin, jusqu'à voir à nouveau les lampes ambrées, mais cette fois devant lui. Il pouvait vaguement distinguer le renard qui les portait, mais il était loin, il faisait sombre. Mais même sans voir les détails, il ne pouvait que s'agir du même.
Content de le revoir, et surtout intrigué, l'aventurier décida de le suivre à distance. Après tout, le renard allait dans ce qui semblait être la bonne direction, et surtout il semblait vouloir le guider, s'arrêtant parfois pour l'attendre. Il s'approcha même à quelques occasions avant de repartir, comme s'il l'invitait à jouer, sous le regard intrigué de Yuka qui n'osait courir de peur de se viander ou de l'effrayer.
Il finit par arriver jusqu'à sa chambre, non sans avoir eu des échos de la veillée qui avait lieu plus loin. Le renard esprit n'était plus en vue, alors l'adolescent, se disant qu'il était quand même un peu tôt pour dormir, voulu s'approcher, voir si la partie histoires effrayantes de la veillée était terminée. Mal lui en prit, car le conteur était doué, il ne put s'empêcher d'écouter quand il arriva assez près pour comprendre, et ce qu'il entendit le glaça. Il ne lui en fallut pas beaucoup pour le terrifier assez pour qu'il s'enfuit à pleine jambes sans même entendre la fin. Il trouva un coin d'eau pour se laver sommairement en tremblant, espérant que l'eau froide le sauve de ses souvenirs et sa propre imagination avant d'aller se réfugier dans son lit, tremblant toujours.
Le souvenir de la soirée était confus le lendemain, et même de la nuit. S'il avait le vague souvenir d'avoir cauchemardé, il se sentait pourtant apaisé au réveil. Il devina rapidement pourquoi en voyant une forme s'enfuir dès qu'il fit mine de se redresser.
Si l'humain semblait curieux du renard, l'inverse semblait tout aussi vrai. Yuka n'avait pas vraiment repensé à toutes les implications que cela aurait de s'occuper à temps plein d'un familier, mais il savait qu'il était intrigué. Et la présence de l'esprit était particulièrement bénéfique sur son sommeil, alors... Pourquoi ne pas essayer? Pour une fois qu'un être vivant semblait s'intéresser à lui, il ne risquait pas de passer à côté!
L'adolescent retourna se rincer le visage à l'eau pour se réveiller avant de retourner au manoir. Il serait sans doute temps pour lui de partir, mais il craignait que le renard n'ose le suivre si c'était le cas. Et puis, qu'est-ce que ça mangeait? Les renards, c'était carnivore non? Ou omnivore? Et celui-ci? Les renards esprits n'avaient peut-être pas le même régime alimentaire. Dans le doute, autant vérifier!
Maïa n'était cependant visible nulle part, en revanche il croisa Camille en se rendant au manoir, alors il en profita pour le saluer et, arrivé à proximité, poser ses questions en essayant de ne pas tout demander d'un coup.
- S'lut! Bien dormi? J'ai r'croisé l'renard c'te nuit! Mais il arrive à manger ici? Et ça mange quoi d'ailleurs? J'l'ai vu manger des fruits hier, mais j'suis pas trop sûr...
Essayer de le nourrir pourrait être un bon moyen de l'inciter à le suivre une fois qu'il partirait, même si ce n'était pas sûr. Mais quitte à faire ça, autant lui proposer quelque chose qu'il aime et lui convienne!
Camille se retint d’éclater de rire… Ce garçon était naturel, loin d’être bête, mais en rien perverti par des usages ou des codes de conduite… Il se souvint de ses premières leçons d’équitation, de ce grand échalas qui à l’époque dirigeait les écuries, de ses continuels « Tenez-vous droit Camille ! Redressez-vous ! Vous n’êtes pas un paysan qui rentre des champs ! De la tenue ! Ne vous accrochez pas ainsi aux rênes, cette pauvre bête ne va plus avoir de mâchoire ! Serrez les jambes ! De la souplesse ! On dirait un sac de farine sur les épaules d’un garçon meunier ! » Il ferma les yeux… Oui, le plaisir se mérite, mais la première fois qu’il avait réussi à tenir sur un étalon, sans selle ni mors aux dents, juste en faisant corps avec l’animal, en communiquant avec lui, en lui offrant son plaisir propre en retour de celui qu’il recevait !
« Ça fait très mal aux fesses au début… C’est pour ça que les culottes d’équitation sont rembourrées je suppose, mais même comme ça… Mais ça ne dure pas, c’est comme marcher longtemps, lorsque vous n’êtes pas habitué, vos muscles crient leur douleur… Une fois que votre corps est rodé, ça devient du pur plaisir»
Il ne revit pas le garçon de la soirée, soit il avait choisi la veillée aux écuries, soit il avait mangé rapidement et s’était effondré de fatigue. Lui-même, ayant mis Maïa au courant de la présence du renard tout près, donna le signal d’une nuit de repos à tous, et eut la satisfaction de passer la soirée à lire et à discuter… Il n’aurait su dire pourquoi, la nuit restait une période qu’il n’appréciait pas, comme finalement de nombreux humains.
Levé à l’aube à son habitude, il inspectait les communs quand il tomba littéralement sur Yuka presque plus excité que la veille :
« S’lut ! Bien dormi ? J'ai r'croisé l'renard c'te nuit ! Mais il arrive à manger ici ? Et ça mange quoi d'ailleurs ? J'l'ai vu manger des fruits hier, mais j'suis pas trop sûr... »
Ouvrant la bouche à demi abasourdi, Camille entendit une autre voix du passé « Camille ! Mais fermez la bouche ! Vous souhaitez gober les mouches ? Enfin mon enfant ! De la distinction ! de la prestance ! de la classe ! Vous n’êtes pas un palefrenier ou un paysan ! » Chassant le précepteur fantôme, il referma la bouche dans un sourire, ses yeux pétillaient.
« Bien dormi, merci, et vous-même ? Manger, je suppose qu’il y parvient sinon il ne serait pas resté ? Par-contre j’ignore tout de leur régime, mais ici, il y a tellement d’animaux qu’il doit savoir où se servir et choisir ce qui lui plaît ? C’est merveilleux que vous le croisiez chaque nuit. »
Il regardait le jeune homme… Très jeune homme… Un court instant, son visage se figea et une vague réminiscence douloureuse refit surface… La brave femme du forgeron avait raison, il lui ressemblait, mais tellement !
« Excusez-moi de vous demander cela Yuka, c’est indiscret j’en ai peur, mais… Vous êtes né dans la région ? Vous disiez … chercher un lieu « personnel », je suis confus, ça ne me regarde pas, mais vous avez peut-être remarqué au village… Dame Elvyr, elle a cru vous reconnaître, et j’avoue que… »
Il ne pouvait pourtant pas le dévisager ainsi ? Le détailler, cherchant des traits de sa mère, d’Adalbert peut-être ? Ce garçon ne faisait que passer et lui était parfaitement étranger, que penserait-il des Hvit et de leurs questions oisives…
Rougissant violement il fit un geste d’excuses et changea de conversation.
« je pense que ce renard et vous finirez en couple… »
Il le lui souhaitait, rencontrer son premier familier était merveilleux, comme lorsqu’il avait découvert dans sa bonbonnière une drôle de friandise qui s’était avérée être un œuf de shuppon que la mère avait dissimulé parmi d’autres œufs colorés…
« Si vous parvenez à le toucher, je vous ferai connaître Lykke, mon shuppon, même sans cela d’ailleurs si vous voulez » ajouta-t-il en riant, « c’est une boule d’énergie joyeuse et câline, malheureusement trop petite et fragile pour me suivre partout… Enfin d’aucuns vous diraient que je le materne trop ».
Il revint à sa journée, passant en revue mentalement ce qu’il lui revenait de faire, d’ordonner, et de décider. Puis, rappelé au présent immédiat, il ajouta à l’attention de Yuka.
« Restez le temps qu’il faut pour l’apprivoiser si vous le souhaitez, à moins que vous occupations ne vous pressent de repartir ? Vous pourriez voir avec Maïa de quoi se nourrissent les Esprit placidii, si elle le sait, elle ne sait quand même pas tout »
- Bien dormi ouais, grâce à lui j'suis sûr! Vous savez, paraît qu'ils peuvent apaiser le sommeil et tout. J'étais pas sûr, mais maintenant j'sais qu'c'est vrai!
Bon, le début de la nuit avait été moins calme. D'ailleurs en regardant le visage de Camille, il eu comme une réminiscence qui le fit frissonner et qu'il se hâta de chasser. Il s'était pourtant levé apaisé et n'avait pas mentionné la veille au soir, mais ça restait récent, c'était sûrement pour ça que ça lui revenait. Cela lui fit manquer une réaction semblable en face, et il préféra repenser au renard, faisant abstraction du froid ambiant qui commençait pourtant à se faire sentir.
S'il savait se nourrir de lui même, ça serait quand même bien pratique! Il y avait pas mal de végétaux dans les environs malgré la saison, ça constituait peut-être une partie de son alimentation? Mais il devait aussi chasser un peu, probablement.
La question de Camille le prit par surprise. Il pencha légèrement la tête de côté, interloqué, et réussi à répondre sans même repenser aux parties peu joyeuses de son passé, ce qu'il ne remarqua pas sur le coup, mais l'aurait sûrement rendu fier de lui même sinon tant la moindre pensée vers son passé avait tendance à être synonyme de crispation et de mauvais souvenirs à présent.
- Ah? Y'a pas d'mal, mais j'doute qu'elle m'ai r'connu, j'suis d'plus loin, et l'endroit en question c't'une... 'fin, une bête cabane dans les arbres. Pourquoi?
Mais il ne saurait jamais ce que Camille voulait "avouer", ce dernier changeant de lui même le sujet avec un geste d'excuse pour revenir sur le sujet de l'esprit placidi, ce qui lui allait de toute façon très bien aussi, ça lui évitait de se sentir idiot avec son histoire de cabane. Mais la réflexion qui suivit lui fit tout drôle quand même. Comment ça être en couple avec un familiers?! Certes, c'était sûrement une blague, mais...
- Un... Un shupon? C'quoi? J'sais pas si j'arriverais à l'toucher, y s'approche, parfois à à mètre j'dirais, mais il a pas l'air d'vouloir m'laisser approcher plus pour l'instant.
Ceci dit, cela ne l'empêcherait pas de relever le défi! Après tout, en dehors des fois où il s'était réveillé en trouvant l'esprit à son chevet, ce dernier s'était pas mal approché de lui alors qu'il était réveillé hier soir. Et déjà, la toute première fois dans la cabane, il était à moins d'un mètre...
- D'accord, j'irais d'mander, merci! J'voudrais pas trop vous embêter, mais si ça vous gêne pas... Y s'ra plus à l'aise ici, dans un milieu qu'il connaît j'imagine, pour faire connaissance!
Et ceci dit, il parti à la recherche de cette fameuse Maïa histoire de vérifier si ses hypothèses concernant l'alimentation du renard étaient justes.
En tout cas, si le renard et Yuka se complétaient, il en serait heureux pour eux deux. L'animal comme l'enfant avaient l'air solitaire et en peine.
Il ne savait que trop bien combien l'amour qu'on donne à un familier ou n'importe quelle bête est reçu sans arrière-pensée et rendu. Rien à voir avec le sentiment complexe et douloureux qu'on peut tenter maladroitement d'offrir à un autre humain, et à cette douleur effroyable qui naît du rejet...
Rejetant l'image d'une jeune dame qu'il souhaitait oublier, il se revit caressant Griselda ou enfouissant la tête dans la fourrure douce de Lykke.
En parlant de Griselda ! Il devait aller voir comment elle se remettait !
Il envoya en arrière sa longue chevelure pâle, et entreprit de commencer sa journée, presque au garde à vous, trois des jardiniers et leur chef attendaient, il ne pouvait les faire patienter plus longtemps !