La vie est si fragile. C’est un fait et un rien peu venir vous l’enlevez. Il faut en profiter, la chérie et la vivre pleinement même si cela n’est pas toujours simple. Il y aura toujours quelque chose pour nous retenir, pour nous faire tomber, mais l’important c’est de continuer et de toujours se relever. Nemue l’avait compris depuis longtemps et même si elle valorisait la vie, elle n’avait jamais été aussi proche de la mort. Son pouvoir l’y aidait, mais bien que médecin, elle ne pouvait pas toujours sauver les gens qui venaient à elle. Elle avait ses limites tout comme la science médicale actuelle, mais même sans espoir, elle se battait contre cette dernière dans le but de sauver le plus de cas qu’elle le pouvait. Après tout, rien ne pouvait empêcher un miracle, n’est-ce pas?

Cela aurait pu être une soirée comme les autres, il ne faisait pas particulièrement chaud en cette saison et le vent était mordant soufflant une fine neige. C’était une soirée où il était bon de s’installer devant un feu de cheminée avec une bonne tasse de vin chaud. C’est d’ailleurs ce qu’elle s’apprêtait à faire avant qu’on ne vienne frapper à la porte de sa demeure à grand coup de poing donnant presque l’impression de vouloir faire sortir la porte de ses gonds. Nemue laissa donc son majordome répondre à la porte, après tout elle n’attendait personne à cette heure tardive, mais il n’était pas rare que certains voyageurs s’arrêtent près de chez elle en ayant connaissance de la présence du médecin. Une discussion mouvementée semblait avoir été engagée dans le hall d’entrée ce qui attira bien évidemment la curiosité de la jeune femme qui se leva de son siège pour s’y rendre. Charles, faisant preuve de calme, tentait de calmer les gens qui s’étaient présentés à sa porte. Ce n’était d’ailleurs pas de la colère qui les animait, mais bien de la crainte et de la terreur. Lorsqu’ils virent arriver celle pour qui ils étaient venus, la femme du groupe couru alors jusqu’à Nemue pour attraper ses mains.

«  Madame! Je vous en pris, sauver notre ami… Nous avons été attaqués par une bête dans les plaines et nous avons tout juste pu la blesser pour que nous puissions fuir… »

Bien évidemment, même sans avoir vu le blessé qui se trouvait dans les bras de l’un d’eux, la sorcière ne pouvait pas fermer les yeux sur ce dernier.

« Charles, guidez-les jusqu’à l’aile hospitalière et allez chercher Béatrice. Je vais avoir besoin de son aide.
- Très bien madame. Suivez-moi! » S’enquit alors ce dernier en direction des voyageurs.

Pour sa part, Nemue monta rapidement à sa chambre pour mettre une tenue convenable et confortable. Remontant sa chevelure en queue de cheval et haute, elle retourna bien rapidement jusqu’à son patient et se lava aussitôt les mains avant de donner ses directives.

«  Nous avons besoin de toute notre concentration, alors je vous prierai de sortir de cette salle. Nous vous appellerons lorsque nous pourrons vous recevoir. Charles occupez-vous de nos invités, offrez-leur à boire et à manger et des chambres au besoin. »

Sans attendre une minute de plus, Nemue s’approcha alors du blessé qui ne semblait pas avoir qu’une petite blessure. L’un de ses bras pendouillait au bout d’un lambeau de chair et la douleur déformait le visage de l’homme qui suait à grosse goutte. Le visage blanc comme un drap, elle savait qu’il avait perdu bien trop de sang. Un regard vers Béatrice qui avait déjà entrepris de faire un garrot à son bras lui fit comprendre qu’elle ne lui donnait que quelques heures tout au plus à vivre. Elle avait pu faire les premières observations.

« Jeune homme dans la vingtaine, cela fait au moins une bonne demi-heure depuis l’attaque. Il est celui sur qui la bête est tombée. Ses vêtements son déchiré au niveau du dos et du torse aussi.
- Très bien, retirons-lui ses vêtements. »

Une paire de ciseaux à la main, Nemue découpa les vêtements de l’homme pour voir de larges entailles qui le marquaient. De larges ecchymoses violettes marquaient sa peau au niveau de ses côtes qu’elle tâta doucement, ce qui arracha un râle à l’homme.

« Côtes cassées si j’en crois la palpation… » Interrompu par la toux de ce dernier, du sang se mit à sortir de sa bouche. « Et certainement une perforation des poumons… »

«  Nemue…nous ne sommes pas équipés pour soigner un tel cas. Aucun de nos pouvoirs ne permet cela…
- Nous devons tout de même essayer… »

Combien de temps avait-elle tenu au côté de l’homme, courant d’une armoire à l’autre tentant de soulager son mal, de lui administrer des potions qui ne fonctionnait pas. Elle avait tenté de soigner ses blessures malgré tout, appliqué des pommades, mais rien. Elle ne pouvait l’opérer ici et n’avait aucun objet magique pour l’y aider. Les heures avaient passé alors que l’homme semblait plus paisible, bien que ce ne fût qu’une illusion amère. Amorphe des médicaments qu’elle lui avait administrés, elle avait du se rendre compte de l’inévitable et n’avait pu que lui offrir une fin sans douleur.

Elle dut donc annoncer la mauvaise nouvelle à ses camarades qu’elle avait fait réunir. Assistant aux pleurs et aux chagrins de tous, elle s’excusa auprès d’eux de ne rien avoir pu faire. Elle les laissa donc profiter du dernier instant en compagnie de ce dernier, bien qu’elle l’avait couvert d’un drap pour cacher son corps meurtri. C’est donc avec le visage paisible qu’il rendit son dernier souffle et l’heure de la mort fut donc noter. Nemue déposa le drap entièrement sur la tête de ce dernier et s’excusa de nouveau.

« Vous avez fait ce que vous avez pu, dit l’un d’eux.
- Nous savions…mais nous ne voulions pas l’abandonner malgré tout…
- Au moins, il est parti de façon paisible. »

Même si elle voyait bien que ces derniers tentaient de lui enlever les remords qui pesaient sur ses épaules, elle ne leur répondit que d’un faux sourire peu convaincu. Elle avait été impuissante et avait échoué, c’est tout ce qui en découlait.

«  Nous allons aviser ses parents… » Finis par dire la demoiselle du groupe.

Les parents, combien en avait-elle croisé à la recherche de leur enfant disparu ou bien en quête d’un dernier au revoir. Il était toujours difficile pour l’un d’eux de voir sa propre progéniture partir trop tôt. Le rôle d’un parent n’était pas d’enterrer son enfant, mais bien l’inverse. Soupirant, Nemue quitta donc ces derniers pour se rafraîchir et alla s’enfermer, par la suite, dans son bureau. Il y avait beaucoup à faire et déclarer un décès n’avait rien de facile. La garde fut les premiers avertis et bien évidemment, comme à l’habitude, un soldat vint investigué sur la cause du décès afin de vérifier avant tout qu’il ne s’agissait pas d’un meurtre, quand il fut officialisé qu’il s’agissait bien d’une attaque de bête, elle put finalement faire appel au temple de Lucy qui avait pour but d’envoyer l’un de ses fidèles pour les obsèques.  Les parents avaient déjà été prévenus et Nemue les avait accueillis dans sa demeure comme s’il s’agissait de la leur avant de porter le corps jusqu’au lieu de culte du village où résidait la famille en deuil et où il serait bien évidemment enterré.

Nemue avait toujours assisté aux funérailles des familles qui avaient frappé à sa porte qu’il s’agisse d’un cas comme celui-ci ou bien d’un cas de disparition. Émotif, il était parfois difficile de gérer cela seul et la sorcière leur apportait un soutien fort apprécié dans les dernières lignes. D’ailleurs, elle aurait bien aimé pouvoir faire quelque chose pour le bras de ce dernier, mais cela avait pris plus de temps que prévu et la rigidité s’était déjà installée ne facilitant pas les choses pour elle. Enfin, elle voulait tout de même vérifier que le frère qui était arrivé il y a peu de temps n’aille pas besoin d’aide.

Ouvrant la porte sans frapper, la demoiselle commença donc sa question, bien qu’elle s’arrêta en plein milieu…  « Frère Svenn, avez-vous… » Besoin d’aide, c’est ce qu’elle aurait bien aimé dire, mais elle resta bouche bée et sans voix pendant quelques secondes.

Alors qu’elle était entrée dans la pièce sans prendre le temps de frapper à la porte, elle avait laissé cette dernière ouverte derrière elle et regardait – la bouche entrouverte – la magie opérée. Une brume turquoise s’était alors échappée de la bouche du frère qui avait couvert telle une pellicule le corps du défunt. Concentré dans sa tâche, il n’avait pas encore remarqué la présence de Nemue qui s’était faite silencieuse depuis quelques secondes. À ce moment, lorsqu’elle comprit ce que ce dernier était en train de faire, Nemue retint finalement son souffle alors qu’une myriade de questions vint parcourir son esprit. Elle aurait pu les laisser franchir ses lèvres en quête de réponse, mais voir le corps du défunt se ressouder alors qu’il s’assied comme s’il cherchait à reprendre son souffle dans un râle, fit échapper le sien à la demoiselle. Non seulement elle en resta muette, mais c’est à ce moment qu’on remarqua enfin sa présence qui ne semblait pas du tout attendue.

Qu’est-ce qu’elle faisait là? C’était une très bonne question et le choc semblait lui avoir enlevé toute bonne réponse. « Je…euh…c’est que…» bredouilla-t-elle automatiquement comme si cela faisait du sens. Elle savait qu’il ne s’agissait pas d’un miracle, mais bien d’un pouvoir, mais voir une frère, membre du culte de Lucy jouer ainsi avec la mort – façon de parler bien évidemment – perturbait grandement l’apothicaire. Elle ne broncha même pas quand l’homme passa à ses côtés pour venir fermer la porte en trombe alors qu’il se tournait vers elle.

Qui était-elle? Elle devrait pourtant être capable de lui répondre. Elle était Nemue Lynella, médecin apothicaire du village de Manillam, membre de l’astre de l’aube, mais aucun mot ne semblait sortir d’entre ses lèvres. La demoiselle, estomaquée, était difficile à surprendre voir même choqué, mais là, elle était complètement abasourdie fixant ce dernier de ses grands yeux émeraudes. Pour couronner le tout, la seule question qui sembla lui échapper lui donna l’air d’une complète idiote.

« Vous avez réveillé un mort?! » demanda-t-elle tout simplement alors qu’elle s’approchait sans aucune gêne de l’homme qu’elle avait tenté de sauver. Attrapant sa main, elle sentit la froideur de sa peau. Elle avait hésité un instant et elle s’était même questionnée sur le sujet; est-ce qu’avec leurs pouvoirs combinés ils pourraient réellement ramener un mort à la vie. Puis elle redescendit vite sur terre en se tournant vers l’homme qui attendait très certainement toujours des réponses.

« Je..veuillez pardonner mon intrusion soudaine. Je suis Nemue Lynella, apothicaire et médecin. Je suis celle qui s’est occupée de ce dernier jusqu’à ces derniers instants… » À vrai dire, elle aurait pensé que la famille et les membres présents du culte lui auraient au moins fait part de sa présence et elle n’avait pas jugé intéressant de préciser sa caste sociale puisque cela ne lui rapporterait rien. « Je voulais m’assurez que vous n’aillez pas besoin d’aide, mais il semblerait que vous vous débrouillez très bien sans l’aide de personne. »

Elle fit le tour de la table et observa le jeune homme avec intérêt, mais surtout par mesure d’intérêt médical. Si le cadavre avait été plus frais qu’est-ce que cela aurait pu faire…

« Combien de temps peut-il rester dans cet état? » finit-elle par demander avant de ne tourner sa tête vers ce dernier. « Ne vous inquiétez pas, tout ce que j’aurai pu voir et entendre restera confidentiel… »

Bien évidemment, elle ne s’attendait pas à être accueilli les bras ouverts vu la réaction qu’il venait d’avoir et elle trouvait plutôt légitime le ton qu’il employait envers elle. Mais ce n’était pas réellement ce qui l’importunait réellement. Déjà, il n’avait pas réellement le mort, mais seulement, animer le cadavre. Bien évidemment, ce n’était qu’une façon de parler. Elle le savait mort depuis bien longtemps puisqu’il était mort dans sa demeure, mais bon, elle ne prit pas le soin de le préciser jusqu’au moment où elle décida de se présenter à ce dernier et dès qu’elle réussit à sortir de sa stupeur. S’il était énervé, elle le ressentait bien et il était plutôt douer pour le lui faire comprendre, mais Nemue, à l’inverse, était encore plus doué pour garder son calme et ne se laissa pas abattre par le ton de ce dernier. Quand il finirait par comprendre qu’elle n’était pas spécialement apeurée voir dégoûter de son pouvoir, il finirait certainement par s’apaiser.

La raison de sa présence semblait avoir insulté ce dernier. Du moins, c’est comme ça qu’elle le perçut, surtout quand il crut bon de justifier ses années d’expérience. Mais pour elle, ce n’était qu’un travail parmi tant d’autres et elle en avait vu des gens d’expérience se qualifier d’excellents, mais qui se faisait rapidement dépasser par des recrus sans expérience. Elle se redressa légèrement et toujours en observant le corps qui se tenait devant elle, elle se décida à lui répondre.

« Oui, je m’occupe des vivants, mais cet homme est mort chez moi et quand on frappe à ma porte, qu’importe ce qui arrive par la suite, j’accompagne la famille et le défunt jusqu’à son dernier voyage. »  Puis elle se pencha sur le côté pour fixer son regard dans le sien. « Et normalement, il faut parfois être deux pour recoudre un bras… » dit-elle en faisant référence au pouvoir de ce dernier tout en gardant un sourire. Elle éprouvait une grande curiosité envers ce dernier, mais surtout auprès de sa capacité et malgré ce qu’il venait de lui dire après s’être excusé pour son comportement, elle comprit que la plupart des gens avaient certainement la même attitude envers lui qu’ils l’avaient envers elle lorsqu’ils apprenaient pour son pouvoir. Et tout comme lui, elle tentait de le garder secret.

« Les gens ne sont pas tous comme moi, vous savez. » Dit-elle en rigolant sans lui donner plus d’explication avant qu’il ne précise le fonctionnement de son pouvoir. Le souffle était donc cette lueur turquoise qui s’était échappée de sa bouche et elle comprenait davantage pourquoi il avait mentionné plutôt qu’il ne « réveillait » pas les morts. Après tout, le mort en question n’avait pas glissé un seul mot et s’il avait été doté de sa conscience, il aurait très certainement reconnu Nemue. D’ailleurs, elle ne put qu’observer avec intérêt la suite des évènements et sans demander son reste, elle s’assied sur le tabouret que lui avait montré ce dernier. Déposant l’un des pieds au sol, elle croisa alors ses jambes et déposa ses deux avant-bras contre sa cuisse la plus haute. Nemue cachait bien des surprises et il n’était pas le premier à lui mentionner, bien qu’il parle de mort ici. À vrai dire, elle se sentait mal d’avoir fait irruption à un moment aussi délicat que celui-là et sentait pratiquement obligé de lui dévoilé son secret, qui en était un qu’à moitié en vérité.

« Il faut dire que nous avons bien des points en commun vous et moi. Nos pouvoirs semblent liés d’une certaine façon. Bien que je sois médecin et que mon devoir est d’éviter cela… » dit-elle en pointant le cadavre animé qui se laissait recoudre le bras sans broncher. « La mort me colle à la peau. Votre pouvoir consiste à réanimer le corps des morts, alors que le mien consiste à appeler l’esprit de ces derniers. Si je le voulais, je pourrais discuter avec notre défunt, mais mon devoir est de prôner la vie et non de jouer avec la mort… » Elle se leva de son siège s’approchant de ce dernier pour observer de plus près, mais tout en restant à une distance raisonnable pour ne pas être dans ses pattes. « N’est-ce pas ironique? Si vous avez déjà entendu de "La Sorcière", il s’agit bel et bien de moi, mais j’ose espérer que tout comme moi vous garderez le secret. »

L’annonce de son pouvoir semblait avoir saisi ce dernier au point d’avoir stoppé toutes ses actions. Nemue aurait pu se taire, ne plus rien dire à ce sujet et faire comme si ce moment ne s’était jamais produit. Elle aurait pu s’excuser de l’avoir troublé ainsi de la même façon qu’elle avait été troublée de voir le cadavre de son patient s’animer. Elle n’allait pas en faire la démonstration pour lui prouver ces dires. Après tout, pourquoi mentirait-elle à ce sujet? Non, à la place elle s’était levée continuant ainsi à parler avec ce dernier qui ne semblait pas prêt à reprendre là où il avait arrêté. Leurs iris s’étaient rencontrés et semblèrent communiquer dans le plus grand des silences. Bien que rien n’était dit, ce moment semblait être rempli d’émotion jusqu’à ce que le frère décide de le briser n’ayant que ces mots en bouche; il était désolé pour elle. Un sourire en coin s’étira sur les douces lèvres de la noble qui rapporta son regard sur le travail en cours.

Que pouvait-elle dire à cela? Qu’il n’avait pas à l’être? Pourtant ce n’était pas le cas et il devait très certainement celui qui la comprenait le plus depuis tant d’années. Bien évidemment, elle avait été acceptée par sa famille bien qu’ils n’appréciaient pas spécialement lorsqu’elle faisait usage de ce dernier.  Ses amis proches connaissaient la nature de son pouvoir et ne l’avaient pas rejeté et n’avaient pas cherché à abuser d’elle pour de quelconque demande. Il y avait des gens bien intentionnés tout comme d’autres qui ne cherchaient qu’à assouvir un désir. Combien de personnes s’étaient présentées à sa porte dans l’espoir de ramener l’âme d’un enfant partie trop tôt dans son corps, alors qu’elle n’y pouvait rien. Ce n’était pas ce dont elle était capable, combien de parents désiraient revoir une dernière fois leur fils aventurier qui avait rencontré un destin tragique alors qu’elle était la seule à pouvoir à voir et entrer en contact avec ces derniers. Bien des surnoms lui ont été donnés. Ceux qui ne croyaient pas en son pouvoir l’avaient traité de charlatan, la sorcière avait rejoint ce dernier peu de temps après, sans compter tous les jolis sobriquets tels qu’oiseau de malheur et mauvais augure. Elle s’était en partie isoler voir concentrer sur ses études pour contrer ces mauvaises langues. Elle avait tût son pouvoir longtemps, jusqu’à avoir sa propre boutique. Bien évidemment, la sorcière était bien vite revenue, mais pas que pour son pouvoir, mais pour ses techniques de préparation de potion et de remède assez particulier. Elle avait donc les moyens de brouiller les pistes qui la mèneraient jusqu’à elle, bien qu’elle acceptait – si les gens avaient les moyens – d’accéder à certaines demandes.  Si l’un des hauts gradés de la garde se présentait à sa demeure dans le but de faire appel à son pouvoir pour un cas, elle n’allait pas refuser par exemple.

- À vrai dire, je crois surtout que nous ne devrions pas avoir droit à ce genre de pouvoir. Jouer avec la vie et la mort n’est pas quelque chose d’humain… Mais bon, au moins je lui ai trouvé une certaine utilité.

Elle lui jeta un bref regard du coin de l’œil, afin d’y voir une potentielle réaction, mais ses pensées semblaient s’être arrêtées sur tout autre chose le faisant riper sur la peau du défunt d’une main tremblante. Nemue hésitait à interférer afin de déposer une main apaisante sur son épaule, lui faire savoir que tout va bien et qu’elle est là, mais il se rattrapa bien rapidement avant de poursuivre comme si de rien était.

- Si vous saviez, dit-elle alors qu’il faisait référence au mal qu’ils s’infligeaient avec de tels pouvoirs, mais merci de comprendre…

Il était plutôt évident qu’il était mieux – pour tous les deux – de garder secret ce qu’il s’était dit ici. Nemue avait tenu pendant un instant une arme contre celui-ci. Elle avait eu les moyens de le faire chanter, mais ce n’était pas du tout son genre et elle lui avait remis une arme à son tour pour prouver ses bonnes intentions. Elle lui avait transmis un secret tout comme elle avait appris le sien.

Nemue resta donc debout, ses mains contrent la table, au côté du défunt qui s’y était allongé sur le ventre. Pour un frère, cela ne lui surpris pas un seul instant qu’il crut en l’intervention de lucy pour le hasard de cette rencontre, mais pour Nemue, il ne s’agissait que du hasard tout simplement. Aucune intervention divine n’avait guidé ses pas jusqu’ici puisqu’elle était elle-même maîtresse de sa destinée. Si elle était née avec un pouvoir qui dérangeait les morts, elle avait tout fait pour que de ses mains, elle puisse sauver des vies. Alors sa réponse était bien plus qu’évidente lorsqu’il lui demanda si elle était croyante. Son regard plongé dans le sien et toujours avec son sourire impassible, elle lui répondit sans aucune hésitation;

-  Non, je ne suis pas croyante et je suis désolée si vous pensiez obtenir une tout autre réponse de ma part. D’ailleurs, je ne veux pas vous brusquer, mais dans l’état actuel de mon pouvoir, je ne suis pas en mesure de lier une âme à son corps et je ne pense pas chercher à le faire. Ce serait terrible, malsain et bien trop dangereux pour moi, mais aussi pour la personne qui reprendrait vie. Nous savons tous les deux ce qu’un arrêt des fonctions vitales fait au corps après la mort.

Elle secoua la tête. Son ton avait été ferme, mais sans colère. Elle s’interdisait de rappeler une seconde fois une âme parce qu’elle ignorait ce que cela pourrait lui faire, alors jamais elle ne tenterait de ramener à la vie quelqu’un et ce n’est pas faute d’avoir essayé avec de simple batracien. Parce que oui, son pouvoir fonctionnait avec tout ce qui était vivant. Poussant un léger soupir, elle croisa alors ses bras sous sa poitrine, tenant dans ses paumes de mains chacun de ses coudes opposés.

- Enfin, je respecte les croyances de chacun, bien évidemment, mais personnellement je ne crois pas aux interventions divines et tout ce qui adhère à cela. Remettre de tels pouvoirs dans les mains des « mortels » serait une bien vilaine blague dans le cas contraire.  

Heureusement qu’il ne faisait pas partie de ses gens qui s’offusquaient dès qu’on leur disait qu’on ne croyait pas en leur sainte lucy. Nemue n’était pas du genre à cracher sur cette dernière et ni sur ces gens qui y croyaient fermement. Seulement, certaines personnes s’accrochaient aux croyances pour se rassurer que quelque chose les attendrait peut-être après. Après tout, pourquoi naître si ce n’est que pour vivre une courte vie avant de disparaître. La peur fait bien des choses et certains trouvent du réconfort là où il peut. C’était sa vision de la chose et depuis qu’elle avait pu discuter avec certaines âmes, elle ne pouvait pas garantir qu’il y avait bien quelque chose après, puisqu’eux même ne semblaient pas au courant de leur propre mort. Il cessait tout simplement d’exister et toute l’information qu’elle avait pu obtenir d’eux relevait uniquement de leur vivant.

Bien évidemment, qu’elle aurait pu abuser de ce dernier même si elle en faisait usage de façon commerciale, mais de façon bien discrète. Nemue n’était pas idiote et ne prenait pas n’importe qui. Déjà, l’utilisation de son pouvoir demandait quelques préparations. Un contrat devrait être écrit et signé. Le fait de prendre uniquement sur rendez-vous lui donnait la possibilité de se renseigner sur ses futurs clients. Après tout, elle ne cherchait pas à invoquer l’âme d’une personne disparue dans le but de connaître l’endroit où il avait caché son trésor. Elle désirait simplement aider les familles en deuil ou bien aider les familles des disparus. Après tout, si elle ne réussissait pas à entrer en contact avec ladite âme, c’est que cette âme se trouvait toujours dans son corps et était toujours en vie. Elle avait aidé quelques fois la garde pour ce genre de recherche et elle avait déjà fait la demande pour retrouver le corps d’une jeune noble portée disparue.

- Pourtant, qui sait ce que j’aurais pu en faire dans ma jeunesse? Si je n’avais pas eu l’éducation que mes parents m’avaient offerte, si mon père ne m’avait jamais ramené ce livre d’apothicaire, peut-être ne serais-je pas devenue la femme que je suis aujourd’hui? Ce sont mes choix, mes peines et mes efforts qui ont fait celle que je suis. J’aurais pu devenir une bien mauvaise personne et peut-être me qualifierez-vous de mauvaise en sachant ce que j’en fais.

Après tout, il semblait redorer l’image de la noble, mais s’il savait qu’elle demandait des cristaux en échange de l’utilisation de son don peut-être serait-il déçu de l’apprendre. Devait-elle lui dire, lui expliquer pourquoi elle le faisait? Après tout, elle le faisait pour les bonnes raisons, mais il s’agissait tout de même de son pouvoir, de ses capacités et de son énergie dans lequel elle devait puiser. Il était donc normal de demander une certaine compensation. Puis, cela avait aussi pour but de faire fuir ceux qui n’avaient pas les moyens réduisant ainsi l’utilisation de ce dernier et les personnes mal intentionnées semblaient se décourager de devoir débourser une telle somme.

- Écoutez, je veux être franche avec vous et vous semblez vous êtes fait une image parfaite de moi, mais je ne suis pas totalement blanche, vous savez. La sorcière n’est pas un surnom biaisé. J’offre réellement la possibilité d’user de mon pouvoir pour ceux qui en ont les moyens, mais de façon discrète. Nous essayons de ne pas ébruiter le sujet et je fais signer des closes de confidentialités – après tout, les corps ne parlent peut-être pas, mais les âmes ont souvent bien des choses à raconter – et je ne voudrais pas que des personnes mal intentionnées s’en prenne à moi. Je n’en ai jamais fait l’annonce et ceux qui arrivent à me trouver doivent payer le prix. Jouer avec la mort n’est pas gratuit et j’use de ces cristaux pour acheter ce dont j’ai besoin pour ma boutique ou bien payer les gens qui remplissent des contrats pour moi. Enfin, en aucun cas ces cristaux ne sont que pour mon plaisir personnel. J’essaie simplement d’offrir un peu de réconfort à ceux qui en ont besoin comme j’en ai eu besoin moi-même.

Elle marqua une légère pause avant de reprendre.

- Les seules personnes dont j’ai voulu tenir au courant, absolument, sont des membres hauts-gradés de la garde. Après tout, cela peut parfois s’avérer utile pour ces derniers.

Bien évidemment, elle utilisait une partie de sa richesse pour se payer des biens personnels, mais jamais elle ne s’en ventait. Nemue avait toujours été très sage malgré tout et préférait avant tout veiller sur le bien des autres avant le sien.

- Enfin, je ne sais même pas pourquoi j’essaie de me justifier. Après tout, je n’ai pas besoin de chercher l’approbation de personne. Si nous pensons tous les deux que ce que nous faisons est bien n’est-ce pas là le plus important?

Enfin, comme il l’avait si bien dit, ils étaient en effet moins seuls à vivre avec d’aussi grandes responsabilités et en voyant le sourire de ce dernier, Nemue ne put que lui retourner.  Elle espérait simplement que ce qu’elle avait décidé de faire de son pouvoir ne changerait pas l’opinion qu’il avait d’elle.

D’ailleurs, elle était plutôt curieuse de savoir comment ce dernier avait fait pour découvrir son pouvoir. Après tout, ce n’était pas comme ceux qui avaient des pouvoirs élémentaires qui finissaient par le découvrir à un certain moment. Désirer parler aux morts n’avaient jamais été l’un de ses désirs étant plus jeune et réanimé les cadavres ne devaient pas l’être pour lui aussi. Si ça se trouve, celui-ci avait très certainement vécu une expérience comme la sienne… Elle s’était légèrement déplacée dans le but de lui donner toutes l’espace dont il avait besoin pour travailler sur le corps. Elle retourna même s’asseoir sur le banc, cette fois-ci, déposant ses mains entre ses jambes sur le tabouret.

- Puis-je vous demandez comment vous avez découvert votre pouvoir, mais avant que vous ne m’en parliez, laisser moi vous parler de ma propre découverte. Bien évidemment, si vous ne voulez pas c’est votre droit. Pour ma part, j’avais une sœur jumelle… commença-t-elle à dire en levant les yeux vers lui. Nous vivions dans un manoir non loin du temple de Lucy et près du lac. Nous avions pour habitude d’y jouer, mais après une journée pluvieuse, elle y est tombée et je l’ai regardé ce noyer impuissante. Pendant un long moment, je me suis sentie responsable et elle me manquait terriblement. Je me suis raccrochée à ce qui lui appartenait, un ourson en peluche qu’elle adorait, et je me suis mise à pleurer en l’appelant par son nom. Sans le savoir, j’avais rappelé son esprit qui s’était lié à l’ourson. Avant que je ne comprenne qu’il s’agissait d’elle, il était trop tard pour que je puisse réellement discuter avec elle. Tout ce dont je me souviens, c’est que les nuits, elle s’immisçait dans mes songes pour me faire comprendre que ce n’était pas ma faute… Au bout du troisième jour, l’ourson est tombé en poussière libérant ainsi son âme.

Elle n’avait plus de difficulté à parler de la mort de sa sœur, puisque cela faisait tant d’année, puis cela faisait partie du deuil et malgré son départ abrupt, elle était toujours vivante dans le cœur de cette dernière. Elle avait existé et existera toujours au travers des paroles de cette dernière.

- J’ai pris du temps avant de comprendre qu’il s’agissait de mon pouvoir et j’ai voulu tester son fonctionnement, bien évidemment. Enfin, j’imagine que sans la mort de ma sœur, peut-être n’aurais-je jamais eu conscience de mon pouvoir.

Ce n’était pas la première fois que Nemue assistait à l’embaumement d’un défunt et bien que pour plusieurs, cela pourrait s’avérer répugnant que ce soit pour la vision de cette quantité de sang, rempli d’un drôle de liquide jaunâtre ou bien les sons que cela produisait, pour elle ça n’avait rien de tel. Habitué à des visions bien plus horrifiantes, son esprit avait été habitué à voir de telle horreur. Non seulement elle pouvait invoquer les âmes des défunts auprès d’elle, mais son seul moyen de communiquer avec eux avait été, pendant bien longtemps, par vision. Alors quand bien même qu’il comprendrait ses paroles, si elle leur demandait comment il était mort, elle pouvait revivre leur décès et parfois cela n’avait rien de joli et amusant. Il fallait avoir l’estomac solide et l’esprit fort pour ne pas devenir folle. Combien de soirs avait-elle passé enfermer dans sa chambre enrobée d’une lourde couette pour la réconforter alors qu’elle se vidait de toutes ses larmes. Elle avait pensé tout arrêter, ne plus jamais utiliser son pouvoir, demander à la garde de ne plus jamais venir jusqu’à elle pour de quelconque cas. Elle voulait rester tranquille et ne plus jamais revoir de telle horreur, mais elle avait un bien trop grand cœur. Nemue avait poursuivi, cachant sa tristesse derrière un grand sourire, buvant de tant en tant quelques verres jusqu’à ce que cela devienne régulier. Elle s’était aussi mise à fumer et ne s’était pas plus gênée pour passer la nuit dans les bras d’une personne à l’autre. Elle avait trouvé quelque chose pour soigner ses plaies, pensé ce trou qui s’était formé jusqu’à ce qu’elle ne ressent plus rien face à ces visions ou la vue d’un mort. Elle avait conservé ses vices, mais son côté parfois insensible avait su la rendre insaisissable. Son ami, Alvar, lui avait fait remarquer d’ailleurs lors d’un repas chez elle. Il avait du mal à savoir sur quel pied danser avec cette dernière alors qu’en vérité elle n’était pas bien difficile à vivre.

Enfin bien qu’elle n’était pas parfaitement blanche, elle lui garda tout de même ce genre de détail secret préférant simplement lui faire comprendre qu’elle monnayait tout de même l’usage de son pouvoir. Après tout, elle n’avait pas envie qu’il l’apprenne par surprise et qu’il lui fasse la remarque qu’elle ne lui avait pas précisée. Évidemment, elle n’avait pas envie qu’il vive une déception à son égard. Elle voulait jouer cartes sur table et même si elle n’était pas croyante, elle se serait sentie mal de mentir à ce dernier. Il s’était montré honnête avec elle et elle n’avait rien à cacher à qui que ce soit.

Elle avait donc confié son histoire après l’avoir questionné sur l’apparition de son pouvoir. Leur récit n’avait absolument rien à voir et même si ce dernier semblait aussi avoir perdu une sœur, elle n’avait rien à voir avec cela. Et pour tout vous dire, Nemue ne peut s’empêcher de sourire face à l’absurdité de la situation dans laquelle il s’était mis lui et sa famille et l’imaginait bien courir dans la demeure familiale à la suite du poulet en fuite. Il s’était excusé, mais elle lui avait tout simplement offert l’un de ses sourires charmeurs dont elle avait le secret plongeant son regard dans le sien. C’est dans ce genre de moment qu’on ne savait pas réellement ce qu’elle pensait quand elle ne disait rien.

« Ne soyez pas désolé, ma sœur est décédée alors que nous étions jeunes. Nous ne pouvons pas défaire ce qui a été fait et j’ai fait le deuil depuis longtemps maintenant. Elle aurait très certainement trouvé la situation amusante elle aussi, bien qu’elle aurait été répugnée de celle dans laquelle nous nous trouvons. C’était la coquette jeune fille aux petites robes, alors que j’étais le vilain petit canard qui aimait bien jouer avec les insectes et les arthropodes "répugnants" »

Peut-être s’était-elle changé en cygne, mais ses goûts et son amour pour ce genre de petites choses n’avaient pas changé. Dans tous les cas, il semblait curieux par le pouvoir de la demoiselle et surtout par l’effet que cela avait sur certains des clients et elle se mit à réfléchir. Elle n’avait pas spécialement de réponse, puisque cela était différent d’une personne à l’autre.

« Cela dépend toujours, les gens qui viennent à moi sont souvent en quête d’un dernier au revoir, d’une personne partie trop tôt. Normalement, il s’agit de famille proche, parents, frère ou sœur voire même des grands-parents. Ils savent déjà pour la mort de cette personne et beaucoup sont heureux, voire soulagés. »

Toujours assise sur le banc, Nemue s’était habituée à ne pas bouger et était de capable de rester dans la même position bien longtemps, puis où pourrait-elle aller si ce n’était pas de se mettre dans l’air de travaille de ce dernier.

« Il y a aussi ceux qui recherchent quelqu’un, qui viennent vers moi pour savoir s’ils sont toujours en vie. Si l’esprit répond à mon appel, alors il est malheureusement plus de ce monde, mais à ce moment c’est tout une autre démarche. Où a-t-il disparu, comment est-il mort, qui? C’est toute une enquête et parfois nous devons mêler la garde à cela, mais voilà. Certain y sont prêt alors que d’autre non, j’essaie toujours de garder une certaine distance avec mes clients, mais je me suis sentie obligé d’héberger un garçon qui est venu à moi qui recherchais son frère. Il était si troublé que j’ai eu peur qu’il fasse quelque chose de stupide… »

L’hébergé était peut-être stupide pour elle, après tout, elle ne connaissait pas réellement le garçon, mis à part de nom et qu’il était aventurier.

« Mais bon, ce n’est qu’une façon de soulager leur propre conscience, car les morts, une fois morts, ne sont plus et ne réalise qu’ils le sont que lorsque je les appelle ici. Surtout, lorsqu’il s’agit de mort subite. Certains se mettent en colère contre moi et leur famille, mais je garde ce moment secret. Je ne dois pas tout leur dire et il faut savoir camoufler la vérité par d’autres vérités. Enfin ces cas sont plutôt rares, mais cela prend une très grande concentration pour ne pas se laisser dépiter par les visions qu’ils projettent dans mon esprit.»

Son regard se tourna alors vers la réanimation qui prenait son bain seul, mais ses mouvements semblaient très limités voir répétitif.

« Ils ne répondent qu’à vous, c’est cela? » demanda-t-elle curieuse. «  D’ailleurs, si vous avez besoin pour les derniers détails esthétiques, je peux vous aider si vous le désirez. »

si pour retrouver parfois un être disparu il lui faut revivre ses derniers instants afin d’essayer de le retrouver. Est-ce dans les égouts de la capitale, derrière une maison, dans les bois, sous l’eau? Nemue en a vu de toutes les couleurs et de tous les genres, mais garde cela pour elle et la garde. Jamais elle n’a décrit ce qu’elle avait vu aux membres de la famille. Ils sont déjà déchirés d’apprendre la mort de ladite personne alors rien ne sert de leur transmettre ses visions d’horreur.  Elle hocha tout simplement la tête en guise de réponse. Cela ne servait à rien de lui parler de ses honoraires.

Aord répondit donc finalement à sa simple question qu’était celle-ci. Les corps répondaient-ils qu’à lui? Bien évidemment, chaque pouvoir avait ses spécificités et ce n’était pas toujours évident de l’expliquer. Nemue comprit plus ou moins tout ce qu’il lui avait expliqué et arrivait à l’imager dans son esprit. Puis, elle n’osait imaginer ce que cela pourrait faire si n’importe qui pouvait ordonner au mort relevé de faire une quelconque action. Si l’ordre d’attaquer était donné, bien que sa motricité soit réduite, plus rien ne les retenait; plus de douleur, pas de saignement. Ils sont déjà morts et pourraient faire de parfait soldat. Entre de mauvaises mains, cela pourrait causer bien des problèmes, mais comme le frère l’avait dit; heureusement que ce pouvoir n’était pas tombé entre de mauvaises mains.

« Oui, j’arrive à imaginer. Après tout, j’ai été témoin de cette brume qui se répandait sur ce dernier, mais ce n’est pas plus mal n’est-ce pas. Après tout, on ne voudrait pas que n’importe qui puisse contrôler ces derniers. »

Nemue s’était donc levée du banc afin de se diriger vers le coffre qu’il lui avait montré afin de préparer le maquillage dont elle aurait besoin pour rendre ce dernier moins mort. Ravivé son teint afin de lui rendre une certaine vivacité, même si cela était tout simplement pour lui dire un dernier au revoir. Elle ne put s’empêcher de jeter un bref regard en direction de ces derniers comparant presque ces derniers à un père et son enfant, même si l’enfant était bien trop âgé pour être traité ainsi de son vivant, mais voilà, vous comprenez plus ou moins l’image qu’elle se faisait en tête.

La voilà maintenant qui se rapproche du mort avec les pinceaux ainsi que le maquillage nécessaire pour lui redonner un peu de vie. Bien évidemment, il est normal pour ce dernier de se questionner sur les capacités de Nemue. Savait-elle maquiller les morts? Déjà, bien qu’il ne puisse jaunir, il possédait tout de même cette couleur cadavérique et blême typique des morts.

« Je pense pouvoir me débrouiller, mais aux moindres soucis je vous le ferai savoir. Puis, n’hésité pas à me corriger si besoin. Je suis peut-être douée pour mon propre maquillage, ça ne veut pas dire que je suis experte sur les autres et encore moins les cadavres… »

Enfin, elle allait tout de même quelques connaissances, déjà elle allait cacher les quelques imperfections qui se trouvait sur son visage, tel que des cicatrices ou bien même des blessures légères qui s’était déjà refermées avant son décès.  Se trouver aussi prêt de ce dernier, l’a rendit quelque peu étrange. Après tout, elle se sentait responsable de ne pas l’avoir sauvé même si elle n’était pas préparée à une telle éventualité. Elle ne devrait pas s’en vouloir, puisque ce sont des choses qui arrive et vu l’état dans laquelle il était arrivé, cela lui aurait certainement pris un pouvoir de guérison ou bien même une potion miracle, mais elle n’en tenait qu’en petite quantité et comme il s’agissait d’un produit très rare et surtout demandé par les aventuriers, elle conservait son stock dans sa boutique. Elle pourrait aussi se rabattre sur un objet de pouvoir; nombreux existait et elle avait justement entendu qu’un certain calice pouvait faire des miracles, alors il lui suffisait simplement de mettre la main dessus.

Continuant ainsi ses retouches, mettant un peu d’éclat au niveau des joues et pommettes ainsi que tout autour des yeux, histoire de retirer les cernes sombres qui était apparu et lui donnait un air creux. Elle vint même rajouter un peu de couleur chair sur les lèvres pour raviver ses dernières. Dans tous les cas, elle n’était pas là pour rajouter des paillettes et des brillants, mais simplement pour lui donner un air plus naturel. C’est donc concentré qu’elle répondit à ce dernier qui venait lui faire une simple demande.

« En effet, je ne suis pas croyante, mais je ne suis pas là pour ignorer les pratiques. Après tout, j’accompagne le mort et sa famille jusqu’au dernier voyage… Alors, demandez aussi gentiment, je ne peux pas refuser.  »

Elle lui fit un léger sourire l’observant brièvement toujours en train d’user des ses pinceaux. Peut-être s’appliquait-elle trop? La trouvait-il lente? Dans tous les cas, elle s’arrêta un moment pour s’étirer tout simplement puisqu’être ainsi penché n’avait rien de bon pour le dos.

« Et pourtant, mon regard n’a rien d’ordinaire. Enfin, on m’en fait souvent la remarque, mais je trouve ce turquoise particulièrement joli. De vraies pierres précieuses. » Ajouta-t-elle avant d’ajouter la touche finale. Elle le laissa juger et retoucher au besoin et l’aida même à vêtir ce dernier ajustant la tenue dans son dos alors qu’Aord dirigeait le mort. « Bon, heureusement que je ne vous dévisage pas non plus. Je suis sûre que vous ne seriez pas plus confortable. Après tout, ce dernier ne pense plus à rien alors qu’un être vivant peut penser à bien des choses en même temps, non? » Elle ria doucement à ses propos et prit un ton quelque peu mystérieux. « Mais que peut bien penser cette femme? »

Elle trouvait toujours le moyen de plaisanter même dans ce genre de situation, bien qu’elle le faisait dans le respect et n’exagérait pas. Mais bon, chaque chose en son temps et l’ambiance changea un peu devenant plus sérieuses. Alors que le mort était invité à prendre la main du frère, elle le fit finalement tendre sa main aussi en sa direction. Elle parut un moment surprise par cela et glissa avec hésitation sa main dans la main gelée du jeune homme.

« Je…ai bien… » Disait-elle en cherchant ses mots. Après tout, elle ignorait ce qu’elle devait dire dans ce genre de situation. Après tout, elle n’abordait pas le genre de discours que tout croyant aurait. Puis, même si elle tentait de communiquer avec lui, ce dernier ne l’entendrait point. Les âmes des morts ne se promenaient pas ainsi, sinon elle pourrait les voir, mais peut-être que le frère s’attendait au moins à quelques mots de sa part? « Je suis désolée de ne pas avoir pu te sauver, de ne pas avoir eu les moyens ni les capacités pour le faire et c’est pourtant chez moi que tes amis et toi vous êtes présentés. Tu es parti trop tôt, mais tu étais entouré de gens qui t’appréciaient. Même s’il s’agit d’un échec pour moi, je ne vais pas me laisser tirer vers le sol, mais bien m’en relever plus forte afin d’éviter que d’autres familles subissent le même sort. »

Ce n’était peut-être pas ce à quoi s’attendait le frère, mais c’était ce qui semblait accaparé les pensées de cette dernière et il n’y avait pas meilleur moment pour le faire. C’était son au revoir personnel voire même une promesse qu’elle se faisait et il lui aurait été impossible de répéter un tel discours devant sa famille. Plongeant ainsi son regard perçant dans celui du frère, elle lui offrit un doux sourire.

« S’il y a des consignes pour la suite, vous m’en ferai part. »

L’émeraude était mystérieuse? Cela arracha un sourire à la femme qui ne put s’empêcher de penser à son ami lorsqu’il lui avait aussi mentionné qu’il était plutôt difficile de discerner ce qu’elle pensait. En effet, bien que souriante, elle semblait inébranlable par moment et son sourire persistait. Même ses émotions ne semblaient pas troubler par les émotions qu’elle pouvait ressentir par moment. Stoïque pouvait être un terme qui la représentait plutôt bien en y repensant bien et c’est certainement cela qui l’aidait à passer au travers des épreuves que la vie avait voulu qu’elle affronte. Dans tous les cas, elle glissa une mèche de ses cheveux derrière son oreille puis prit la main du mort afin de lui dire ce qu’elle avait sur le cœur. Il s’agissait surtout d’une promesse pour elle-même ainsi que pour tous les êtres vivants qui allaient venir frapper à sa porte. Elle trouvera le moyen de les maintenir en vie quoiqu’il en coûte – bien évidemment, tuer pour sauver une vie ne faisait pas partie de son vocabulaire – mais trouvera bien une solution viable et valable.

Pour la suite, Nemue n’avait rien à faire si ce n’était de suivre le frère et rester à ses côtés. C’était la première fois qu’elle allait assister à cette étape, mais cela serait très certainement différent d’une mise en cercueil ordinaire. Après tout, les frères n’avaient pas tous le pouvoir de contrôler les morts et des réanimés pendant une courte durée. S’adaptant à son pas pour former une ligne parfaite, Nemue tâcha de ne pas faire le pas en trop. Après tout, il s’agissait là d’un moment important et comme il s’agissait d’un monde qui lui était inconnu, elle préférait s’adapter au frère. Arrivant finalement dans la pièce, Nemue s’arrêta auprès du cercueil de fortune que lui avaient construit les frères. Ce n’était pas du luxe, mais c’était déjà bien et quand la voix du frère se fit alors entendre, elle sursauta en sentant la main rigide quitter la sienne. Pourtant ce n’était pas le premier mort qu’elle voyait et touchait, mais le savoir capable de se mouvoir même si la vie l’avait quitté était toujours aussi étrange pour elle. Cela n’avait rien de naturel bien évidemment et que dire de cette froideur qui n’avait rien à voir avec de simple main froide à cause d’une chute de température. Non, il n’y avait aucune vie dans cette dernière, pas de pouls, aucune chaleur naturelle.

Bien évidemment, elle recula de quelques pas pour donner la chance à Aord de se mouvoir aisément autour de leur compagnon et l’observa dans un silence solennel. Après les directives données par le frère, Nemue se dirigea alors vers le placard qu’on lui avait mentionné et en sortie quelques fleurs qu’elle déposa ici et là quelques roses blanches  ainsi que des lys blancs souvent présentent pour représenter l’innocence et l’amour ainsi que le respect profond. Si elle avait eu plus de temps, elle aurait pu faire préparer une couronne mortuaire à déposer sur le cercueil, mais elle n’avait pas spécialement prévu aider le frère dans sa tâche ni même tombée sur un cadavre qui pouvait se mouvoir. Il faut dire qu’il s’agissait là d’une grande surprise pour elle. Après tout, elle n’était donc plus seule à être entouré par la mort et n’était-ce pas des plus ironique de savoir que l’une était médecin apothicaire et le second un frère. Était-ce une façon de lutter contre leur « destin » bien qu’elle ne croyait pas en ce genre de chose.

Elle assista donc au dernier instant du mort lorsque le souffle s’extirpa d’entre ses lèvres laissant s’affaisser sa poitrine. C’était la deuxième fois qu’elle assistait à ce genre de chose et pire encore avec le même homme. C’était troublant et elle eut du mal à décrocher son regard de sa dépouille. Cette fois-ci c’était vrai, il ne se relèvera plus jamais et elle se sentit désolée pour lui ainsi que pour sa famille. Nemue allait garder secret son pouvoir auprès de ces derniers et n’allait pas leur offrir de ses services volontairement. Elle ne voulait pas savoir ce que le fantôme pourrait lui dire. L’accuserait-il, après tout ce n’était pas une simple âme cette fois-ci et elle était d’une manière ou d’une autre liée à sa mort. Sa sœur lui avait comprendre qu’elle n’était pas responsable, mais lui et elle n’était pas même de la même famille. Savoir qu’il état mort puisqu’elle n’avait rien pu faire face à de telle blessure pourrait nourrir une certaine rancune chez lui et elle en subirait les conséquences.

« J’espère tout simplement que ta famille ne trouvera jamais la sorcière… » murmura-t-elle pour elle-même, bien qu’avec ce silence, il était tout à fait possible pour le frère de l’entendre.

Sortant alors avec ce dernier de la pièce, elle se mit un moment à réfléchir avant de prendre une décision. En effet, elle n’avait plus rien à faire ici, mais ce dernier semblait apprécier sa compagnie et le lui fit savoir. Elle avait donc la possibilité de retourner à sa chambre qu’elle s’était prise pour son séjour dans ce village ou rester encore un peu avec ce dernier. Avait-elle réellement envie de finir la soirée seule, bien qu’il était sûr qu’elle retourne à sa chambre seule, mais la vraie question était surtout ; avait-elle envie de se retrouver avec ce genre de pensé seule? Elle avait envie de prendre un verre voir même plusieurs, sortir sa pipe et fumée telle une cheminée, mais ce n’était ni le lieu pour le faire ni le moment. Pourtant si elle quittait cette petite chapelle, c’est ce qu’elle ira faire.

« Appréciation partagé, mon cher. Si un coup de main ne vous dérange pas, je veux bien mettre la main à la pâte. » dit-elle avec un léger sourire. «  Je n’ai pas spécialement envie de me retrouver seule, voyez-vous. »

Elle n’en dit pas plus, mais cela suffirait pour le moment.

« Je vous inviterais bien à boire un verre après tout cela, mais j’ignore si cela est permis ou même correct dans ce genre de situation? »

Dans tous les cas, la demoiselle retroussa alors les manches de son chemisier sombre au col échancré pour montrer sa motivation et alla même jusqu’à remonter sa longue chevelure ébène dans une queue de cheval haute. Heureusement, elle ne portait pas ses habituelles robes et avait opté pour des vêtements plus pratiques dont un pantalon tailleur tout aussi sombre que le reste.

Elle se dirigea donc vers la salle où l’embaument avait eu lieu et chercha du regard les outils adéquats pour nettoyer la pièce.