INVENTAIRE:

Évidemment, le voyage ne pouvait décemment pas se passer sans le moindre accroc. Klarion s’extirpa hors de la nacelle du ballon pour regarder aux alentours. Derrière lui, ses équipières faisaient de même, aux prises avec la toile du ballon qui s’était engouffrée dans leur nacelle, entravant quelque peu leur sortie. Klarion rabattit son capuchon, secouant ses cheveux pour faire retomber au sol quelques grains de sable s’étant pris dans ses mèches en heurtant la tornade un peu plus tôt. Il regarda les infimes grains d’or retomber à ses pieds. Il était à présent sur cette immense mer dorée dont il ne voyait que de minces filaments pleuvoir plusieurs minutes à peine sur le sol d’Aryon. Ici-haut, il était en terre inconnue, échoué avec un appareil hors d’usage. Son escouade devrait trouver un autre ballon pour pouvoir redescendre, ou rejoindre un autre groupe lorsqu’ils en auront l’occasion. Peut-être y avait-il des cristaux sur cette île volante ? Trouver un cristal d’air fonctionnel leur permettrait de réparer leur ballon…

Regardant autour de lui, le jeune homme ne voyait rien d’autre que du sable, à perte de vue. Pour lui qui était monté jusqu’ici pour en apprendre plus sur la végétation de cette terre, se retrouver au beau milieu d’un endroit où aucune était visible avait l’air d’être un comble. Peut-être que des milieux plus propices à la flore se trouvaient par delà les dunes ? Ou alors, des plantes avaient trouvé un moyen de pousser sous le sable ou entre ses grains ? Il faudrait qu’il songe à sonder les alentours pour détecter la présence de plantes grâce à sa nouvelle capacité. Communiquer avec les plantes était infiniment utile, mais encore fallait-il que certaines puissent lui répondre. En milieu aride, les plantes ne poussent certainement pas par centaines et possédaient une chair gorgée de nutriments. Si jamais l’une de ses équipières venait à avoir un coup de fatigue, il devrait se battre bec et ongles pour que la plante puisse survivre…

Il n’avait pas encore adressé la parole à ses nouvelles compagnes d’infortune, mais il sentait qu’il devait finir par le faire, autrement elles allaient finir par avoir de lourds soupçons. Elles avaient accepté sa présence non sans faire savoir leur malaise avec des coups d'œil incrédules. La plus jeune d’entre elles, une rouquine malpolie à l’air revêche, n’avait eu de cesse de le darder de ses yeux céruléens, les lèvres pincées, pendant toute la durée du trajet. La garde aux cheveux de platine avait tenté tant bien que mal de détendre l’atmosphère en esquissant un sourire qui eut tôt fait de disparaître lorsque Klarion se tourna pour admirer l’île dorée, vite rejoint par le reste de la compagnie. Quant à la dernière, une chasseuse au visage à moitié bleu, elle avait usé de toute sa contenance pour ignorer son existence comme elle le put. Mais s’il tenait à conserver son anonymat, il devrait faire un minimum d’effort…

- Le moment est mal choisi, mais vous pouvez m’appeler Myosotis.

Il ignorait si l’une d’elles avait entendu, elles étaient toujours occupées à sortir du ballon. Les yeux rivés sur leur appareil échoué, il se souvint qu’Aord le prêtre faisait partie de la foule attendant de pouvoir monter vers les cieux. Si son ballon avait été lui aussi aux prises de la tornade, Klarion venait à espérer que le prêtre n’eut pas eu autant de chance en atteignant le sable. Peut-être que tous les autres gardes s’étaient écrasés eux aussi et que leurs ballons étaient tous hors d’usage… S’ils devaient compter sur le capitaine Al Rakija pour pouvoir redescendre, ils allaient attendre un bon bout de temps sur ce rocher couvert de sable ! La situation était à la fois rageante, mais grisante pour Klarion, juste parce qu’il prenait le malin plaisir de s’imaginer les mésaventures de ses ennemis sur ces terres arides.

Derrière lui, du bruit se faisait entendre, c’était l’une des trois femmes.

L’une d’elles avait presque trouvé le chemin hors de la toile. Laquelle était-ce ?

INVENTAIRE:

En voyant la nacelle de leur ballon s'élever dans les airs, quittant le plancher des vaches grâce au cristal d'air magique trônant sous la toile, Dahlia réalisa, non sans une certaine anxiété latente, qu'il leur était à présent impossible de faire machine arrière. Agrippant instinctivement le rebord de la nef d'une main - comme si cela aurait pu lui être salvateur d'une quelconque manière et les prémunir contre un crash, ce qui demeurait un vœu pieu assurément – elle saisit de l'autre l'un des cordages permettant d'orienter le dirigeable. À vrai dire, pour ce baptême de l'air, la garde aurait été rassurée qu'ils fussent accompagnés d'un Capitaine – autre que Louise, dont le terrain de jeu était plutôt la mer – pour manœuvrer leur embarcation à la technologie pionnière. Toutefois, ils allaient devoir faire sans.

Ce qui ne s'avéra pas vraiment probant car, suite à déviation incontrôlée de trajectoire, et à une impromptue tempête de sable les ayant pris dans son sillage, leur ballon finit par s'échouer à des lieux du campement qu'ils devaient originellement rallier.  Celui-ci se posa de façon plus ou moins maîtrisée dans le sable, et la toile jusqu'alors tendue, leur tomba aussitôt dessus dès que le cristal la maintenant enflée cessa d'opérer, manifestement à court d'influx magique.

« Satané… ballon. Je savais… que c'était une mauvaise idée… d'y monter. » Articula malaisément Dahlia, tandis qu'elle terminait de se dépêtrer avec le tissu les ensevelissant. « J'espère qu'ils installeront rapidement des portails de téléportation, pour assurer de futurs éventuels voyages plus sereins. »

Si les explorations menées révélaient un intérêt pour ce désert. Le regard de la garde se porta un instant sur le paysage alentour. S'y déployait la monotonie ocre des étendues sablonneuses, qui était toutefois rapidement barrée par les dunes les encerclant. Nul doute qu'ils devraient s'extraire de la cuvette dans laquelle ils avaient été charriés, pour pouvoir en découvrir davantage. Bien que Dahlia présumait que succéderaient d'autres dunes à celles les ceignant, au sein d'une immensité dorée sans frontières. Au demeurant, elle se réjouissait au moins de ne pas souffrir de la chaleur y régnant, grâce à sa tenue confectionnée à partir d'un tissu anti-climat. Cela lui épargnait un moins un désagrément.

Elle s'avança vers l'homme encapuchonné, resté silencieux jusqu'alors, et imperméable à ses tentatives d'ouverture. Et dire qu'il avait tout bonnement ignoré son sourire adressé naguère, certes un tantinet crispé, lorsqu'ils se trouvaient sur la nacelle, aux prémices de leur voyage. Elle lui en voulait tout de même un peu pour ce vent, bien que la courte présentation dont il se fendit eût l'avantage de la rassurer quelque peu à son sujet. Au moins, il n'était pas muet.

« Dahlia. » Se présenta-t-elle à son tour, en se figurant que leur échange s'apparentait quelque peu à la déclamation d'un herbier. « J'espère que nous croiserons de vraies fleurs, lors de notre périple, pour nous changer de la monotonie minérale du sable. » tenta-t-elle de plaisanter dans ce registre.

S'inquiétant de ne pas voir encore poindre ses deux amies – elles faisaient quoi, au juste, sous ce bout de tissu ? - Dahlia jeta un regard en arrière avant de demander :

« Aelith, Louise, tout va bien ? »

Résumé:

Inventaire:

Après ces courtes présentations, Louise s'était accoudée au rebord de l'appareil  afin d'observer le cadre unique qui s'offrait à elle. Peu affectée ni par la distance qui les séparait du sol, ni par la possibilité que leur étrange véhicule s'y écrase, elle avait décidé de simplement profiter de l'instant présent - non sans jeter quelques regards curieux en direction de l'homme à ses cotés, un bien étrange spécimen. Raison pour laquelle elle fut plus que surprise lorsqu'une colonne de sable les aspira elle et son équipage et obligea l'appareil à atterrir, après que de violentes secousses aient perturbé son fonctionnement.

La pirate mit du temps à reprendre complètement ses esprits - tout juste entendit-elle l'inconnu leur révéler son nom, puis quelqu'un la bousculer maladroitement. Lorsqu'elle se sentit à nouveau capable de marcher, elle se rendit compte que Dalhia et Aelith s'étaient déjà extirpées de la toile qui reposait désormais uniquement sur elle. C'est avec beaucoup de difficultés qu'elle s'en dépêtra à son tour, tentant de rattraper le peu de dignité qu'il lui restait en adoptant une pose assurée une fois à la vue de tous.

« Ca va. Rien d'cassé. » répondit-elle en observant ses camarades, plus soucieuse de leurs potentielles blessures que de son propre état. « Jamais aucun soucis en plusieurs années de pira... Navigation, et il faut qu'on s'crashe à mon premier vol ! »

Sur cette remarque, elle jugea bon de retirer son bonnet pour ôter le sable qui y avait élu domicile, avant de secouer le reste de sa tenue dans le même objectif.

« S'qu'il fait chaud ici. Pas que j'm'y attendais pas, mais quand même. »

Repositionnant son bonnet, elle imita ses partenaires de mésaventure et observa le paysage qui s'offrait à eux : essentiellement du sable. Rien d'étonnant. Pour un désert. Aelith la sortit alors de son observation lorsqu'elle fit une remarque sur leur position, ayant prit soin d'embarquer avec elle une boussole. Astucieux ! Louise ne se chargeait jamais de ce genre de chose à bord de son navire, aussi n'avait-elle même pas pensé à s'équiper de ce genre d'outillage...

Heureusement - ou malheureusement -, ses compétences de médecin pardonneraient peut être ce petit manque de jugeote.

« J'suis d'accord, prenons donc un peu de hauteur ! Et le premier qui fait référence à ma taille... » jugea-t-elle bon de rajouter, le plus sérieusement du monde.

Résumé :

Klarion semblait perdu dans ses pensées. Il avait conservé sa cape, de même que son capuchon pour se protéger du soleil. Faite de lin, de même que sa chemise, il pouvait se permettre de la conserver sans trop souffrir de la chaleur et bénéficier d’un minimum d’ombre sur le visage. D'ordinaire, les gens pensaient que les plantes comme les cactus étaient potentiellement gorgées d’eau. C'était une croyance populaire qui s'était répandue grâce aux diverses fictions, il y avait toujours un héros qui survivait en buvant de l'eau d'un cactus. Triste idiotie... Songeant à cela, Klarion pinça fermement les lèvres mais il fallait absolument qu’il garde toute sa contenance. Il venait à peine de débarquer en terre inconnue, il ne fallait pas que sa couverture soit détruite si tôt…

- Les cactus ne sont pas gorgés d’eau, mais de chair, des fibres naturelles. Il n’y a rien de liquide. Et la manger ne vous apportera rien d’autre que maux de ventre, fièvre, et diarrhées. La seule partie comestible d’un cactus est son fruit, s’il en fait pousser : la poire cactus, ou figue cactus.

Un léger silence s’était installé après qu’il eut déclamé sa petite tirade, le désert et sa chaleur ne le rendant que bien plus lourd.

- Je suis botaniste et potionniste, d’ailleurs. Ajouta-t-il avant de chuchoter, le meilleur qui soit…  

Le phytomancien ignorait si les trois femmes l’avaient entendu, ou même écouté. Ils ne les avait pas regardé directement lorsqu’il s’était mis à leur expliquer le potentiel danger des cactus. Il avait justement les yeux rivés sur les dites plantes, dressées un peu plus loin, seules au milieu des immenses vagues de sable. Ils avaient l’air de cactus tout à fait normaux, d’un vert sombre, si hérissés de picots que cela ressemblait plus à un duvet de laine vu de loin. Se concentrant sur les voix des cactus qu’il pouvait ressentir grâce à son nouveau pouvoir de communication végétale, Klarion n’entendait qu’un doux chant mélancolique. Ils avaient l’air tristes, emplis d’une profonde solitude. Chacun chantait des mélodies différentes, cacophoniques, comme s’ils n’avaient pas conscience des présences des uns des autres. Klarion s’approcha doucement pour leur parler à voix basse :

- Vous n’êtes pas seuls, vous poussez ensemble.

« En...semble… »

« Ensemble. En… »

Quelques minutes passèrent, leurs chants se firent moins chaotiques, plus structurés. Klarion ne pouvait décemment pas les emporter avec lui, mais il aurait la certitude qu’ils ne se sentiraient plus jamais seuls. Les cactus chantaient en harmonie à présent. Ils sonnaient toujours aussi mélancolique, mais au moins ils avaient pu se trouver. Le temps pourrait leur sembler moins assassin, se dit Klarion. Tournant le regard, il fixa à présent la grosse tache sombre nettement visible vers l’horizon. Visiblement, la dénommée Dahlia l’avait vu aussi, peut-être serait-il judicieux de s’avancer par là-bas ? Retournant vers les trois femmes, Klarion susurra des mots d’adieux aux cactus, leur souhaitant bonne vie.

- Pourquoi ne pas nous diriger par là-bas ? De toute façon, ce n’est pas comme s’il y avait autre chose autour de nous…

Résumé:

Bien que la dune qu'ils avaient tous convenu de gravir ne fût pas d'une hauteur incommensurable, Dahlia sentit tout de même de premières gouttes de sueur perler à la lisière de son front, lorsqu'elle en eût finalement atteint le sommet. En effet, les ardents rayons dardés par l'astre solaire, qui trônait dans le ciel d'un bleu pur, non entaché de la moindre nuée, dans une suprématie incontestable - et impitoyable - étaient particulièrement âpres lorsqu'ils venaient inonder son épiderme à découvert. La garde eut ainsi tôt fait de rabattre le capuchon de sa tenue de voyage anti-climat sur son visage, pour s'en préserver davantage. Certes, cela ne lui conférait pas une allure particulièrement attrayante, mais elle n'était point à un défilé de mode soutenu par la grande couturière royale, après tout.

Leur second ennemi, au sein de ce désert dont ils découvraient les vastes étendues mordorées pour la première fois, était le sable s'étendant à leurs pieds. Celui-ci pouvait en effet rendre la marche particulièrement éprouvante, car leurs pas s'y enfonçaient irrémédiablement, impliquant de fournir davantage d'efforts pour s'en extraire à chaque foulée. Aussi Dahlia était-elle bien soulagée d'être munie de chaussures de marche magiques, qui réduisaient quelque peu le prix des efforts fournis, et repoussaient les frontières de son épuisement à s'enliser dans ce sol fluide et inconstant.

Plaçant sa main en visière devant ses yeux, elle sonda l'horizon dévoilé tandis que les paroles de Myosotis résonnaient dans l'air saturé de chaleur, au sujet des cactus qui s'égrenaient çà et là parmi les dunes sablonneuses.

« Oh, bien sûr, espérer pouvoir se désaltérer avec de la chair de cactus, quelle idée… haha. » appuya-t-elle son propos, en ponctuant son affirmation d'un rire forcé. À vrai dire, lors de son infortune vécue sur cette île perdue il y a peu, elle avait bien tenté de s'abreuver à partir du suc de ces cactacées, alors que sa gourde fontaine se rechargeait. Toutefois, elle se sentait bien trop honteuse pour revenir sur cet évènement.

Alors que les derniers dires de Myosotis faisaient émerger en elle des bribes de perplexité – espérait-il être entendu par ces plantes, en s'adressant ainsi à elles ? - Dahlia préféra se concentrer sur les contours indistincts de cette tâche obscure barrant l'horizon, qui accrochait immanquablement le regard. Elle sortit rapidement sa longue-vue Aiglefin de sa besace, dans l'espoir de réussir à les discerner avec davantage de précision.

« De ce que je peux distinguer, il semble s'agir d'un mur… accidenté, et plus sombre que le sable tapissant ce désert, mais paraissant tout de même d'origine naturelle. » Put-elle conclure de ses premières observations. Tout en repliant et rangeant sa longue-vue, elle ajouta : « Je serai également d'avis d'aller inspecter cette falaise de plus près, avant de tenter de rallier le campement duquel nous avions dévié. Nous sommes venus pour explorer ce désert et ses composantes, après tout. »

La distance à parcourir jusqu'à ce rempart rocheux ne l'effrayait point, sachant qu'elle pourrait avaler les mètres de sable sans trop de difficulté grâce à son équipement de marche magique. Toutefois, Aelith et Louise seraient-elles du même avis ?

Résumé:

Après l'explication de Myosotis, Louise s'intéressa un peu plus à la végétation environnante : celle-ci se résumait finalement à ces quelques cactus dont leur camarade venait de parler, de tailles et de formes variables, mais qui n'offraient pourtant que peu de variété à ce décor de sable et de dunes. La demoiselle, curieuse, s'approcha de l'une de ces plantes pour l'observer d'un peu plus près puis se ravisa en y apercevant des picots. Elle rattrapa alors le retard qu'elle venait de prendre en trottinant sur quelques mètres, se replaçant derrière Aelith qui semblait avoir eu la même idée qu'elle.  

La dune gravie, le groupe aperçut rapidement une tâche sombre dans le lointain. Dalhia sortit une longue-vue et se mit à décrire les éléments qu'elle pouvait distinguer à cette distance, tandis que l'autre femme tentait une même manœuvre à l'œil nu - sans doute possédait-elle une très bonne vision, car Louise se trouva incapable d'apercevoir autre chose qu'un vague point noir déformé par l'air chaud. Elle profita de son manque d'utilité pour réorganiser son matériel médical et retirer le sable qui s'était déjà engouffré dans ses chaussures.

« J'peux m'transformer en phénix de lune et en serpent.  Et vous ? » répondit-elle à la question d'Aelith, préférant ne pas s'étendre sur les détails - moins les gens en savaient sur son pouvoir, plus elle pouvait s'en protéger s'ils décidaient de se retourner contre elle. « D'ailleurs Dalhia, à l'occasion, faudra qu'on parle tout les deux. J'ai quelque chose à te donner. »

Donner un masque à son alliée dans une situation comme celle-ci ne pouvait pas être une mauvaise chose. Louise et ses compagnons n'ayant pas la moindre idée des créatures, individus ou dangers qu'ils pouvaient rencontrer sur leur chemin, mieux valait prendre un maximum de précautions !

« J'suis d'accord avec Myosotis, sinon. J'préfère pas tenter une autre direction avec du sable à perte de vue. Et puis on était tous ici pour découvrir ou explorer de nouvelles choses alors autant le faire, nan ? » justifia-t-elle avant de porter un peu d'eau de sa gourde fontaine jusqu'à sa bouche. « Quelqu'un en veut ? »

Résumé:

- Ces créatures sont… étranges…

La réaction de Klarion pouvait surprendre compte tenu de toute la faune mystique qu’on pouvait trouver en Aryon. Il y avait bien des dragons ressemblant à des arbustes, des limaces de compagnie ou encore des renards de feu… Mais ce qui se dressait devant leurs yeux tenait plus de la chimère que d’un réel animal ; comme si un alchimiste fou avait assemblé deux bêtes pour former cette chose, mi-lièvre mi-félin. Le jeune homme n’appréciait guère non plus la façon dont le plus grand, sans doute le chef de meute, les toisait du haut de la dune. Ils ignoraient ce dont étaient capables ces bêtes, il valait mieux agir avec prudence et ne pas les énerver. Cependant, hormi ce plus grand spécimen, les autres ne paraissaient pas aussi concernés par le passage d’êtres étrangers à leur monde. La présence de ces animaux fit traverser une nouvelle pensée dans l’esprit de Klarion :

- Ces animaux ne sont pas là par hasard, il doit y avoir de l’eau à proximité, ou de quoi vivre. Vu leur nombre, quand bien même ils pourraient consommer des cactus, ils ne peuvent décemment pas vivre du peu de plantes qu’on a vu sur le chemin…

Klarion était un expert de la flore et ne s’intéressait à la faune que quand celle-ci avait une quelconque relation avec les plantes. Mais il savait que chaque créature, animale comme végétale, appartenait à un écosystème qui leur était propre et qu’il suffisait d’altérer ces environnements pour leur être fatal. Les « lièvres panthères » se dressant en haut de la colline de sable ne semblaient pas hostiles, ni affaiblies, ou en quoi que ce soit dérangées par la chaleur ni l’absence d’eau et nourriture. Le phytomancien voulait comprendre ce qu’ils faisaient ici, mais souhaitait surtout avoir le cœur net quant à la présence de végétation et d’eau dans le périmètre proche. Peut-être qu’ils verraient mieux du haut de la dune ? Mais cela signifiait s’approcher des créatures. Ou alors auraient-ils la réponse en arrivant vers la tache sombre ?

- Continuons. Peut-être les contourner ? Au moins essayer de ne pas les énerver…

Klarion ne voyait pas l’intérêt de foncer stupidement vers la meute. Ils risquaient de devenir agressifs et de les attaquer. Les quatre étaient sur leur territoire, ils étaient les intrus. Par conséquent, ils devaient se montrer discrets pour ne pas tomber de Charybde en Scylla, et finir encore plus infortunés qu’ils ne l’étaient déjà. Ils avaient chasseuse pisteuse dans leur équipe, son expertise pourrait s’avérer utile dans leur situation. Klarion n’avait qu’une envie : faire jaillir une immense plante hors du sable et la laisser dévorer les bestiaux, ou les asperger de spores toxiques. Il se réfrénait et tâchait de garder bonne figure. En plus de cela, ces trois femmes avaient l’air de se connaître. La plus jeune, Louise, comptait même partager quelque chose en privé avec la garde aux cheveux clairs, Dahlia. La moindre erreur pouvait l’amener à être démasqué.

C’était également la raison pour laquelle il n’avait pas partagé son pouvoir comme Aelith et Louise l’avaient déjà fait. Mais le criminel savait qu’il devrait tôt ou tard leur dire quelque chose et commençait déjà à réfléchir. Les deux femmes avaient l’air de posséder des capacités de métamorphose. L’une pour devenir un centaure, l’autre un serpent et un oiseau. Est-ce que Dahlia aussi pouvait se transformer en quoi que ce soit ? Si oui, alors il serait le seul membre sans capacité de transformation… La garde l’avait d’ailleurs vu chuchoter aux cactus un peu plus tôt. Vu son air interrogateur et suspicieux, Klarion se demandait s’il ne ferait pas mieux de jouer là-dessus…

- Sinon, mon pouvoir, je peux communiquer avec les plantes. Fit-il simplement.

Avant que le groupe ne se mette en route vers l'escarpement sombre qu'ils avaient à présent pour objectif de rallier, suite à l'aval de toutes les parties de l'escouade, Dahlia ne manqua de noter la proposition de Louise de tenir un échange seule à seule avec elle. Elle n'était point sûre de l'objet de sa demande, mais garderait à l'esprit de s'en enquérir plus en détails auprès de la pirate dès que l'occasion se présenterait. Pour l'heure, ils se dirigeaient tous ensemble dans la direction ciblée, ne leur offrant que peu d'opportunités pour s'isoler. La garde devait donc refréner sa curiosité et s'armer de patience.

« Merci pour la proposition, mais je dispose de ma propre gourde fontaine. » déclina-t-elle poliment, tout en notant que Louise se montrait particulièrement généreuse pour leur proposer ainsi cette précieuse ressource.

Cet aride désert renfermait-il le moindre vivier aqueux ? Au vu de l'air particulièrement sec et de la maigre végétation roussie et racornie qu'ils croisèrent sur leurs pas, rien n'était moins sûr. Et pourtant… Ils finirent par rencontrer d'étranges créatures attroupées, dont la morphologie, assez incongrue, les affiliait à la fois aux léporidés et aux félins. Dahlia arqua un sourcil circonspect devant la découverte de cette faune locale.

« En effet, je pense qu'il ne vaut mieux pas les déranger. Ils ne semblent pas particulièrement dangereux, mais je gage que s'ils se sentent menacés, il pourrait en être tout autrement. Et je n'ai pas vraiment envie de vérifier la teneur de leur régime alimentaire… »

Tout en conservant ses distances avec ce troupeau de lapins-félins, Dahlia sortit tout de même son carnet de notes et un fusain de sa besace, et esquissa rapidement les contours de l'un des spécimens sur l'une des pages vierges. Au vu de ses talents de dessinatrice, son croquis fut loin de le retranscrire fidèlement – s'apparentant plutôt à un gribouillis grossier, digne d'un enfant de quelques années - mais à défaut de mieux… Dahlia regretta fugacement de n'avoir acquis un cadre magique avant son départ, mais il était à présent trop tard pour couver des regrets.

« Leurs membres inférieurs puissants les désignent taillés pour la vitesse. Ils doivent pouvoir rejoindre facilement des zones plus lointaines, certainement davantage riches en eau et en nourriture effectivement, pour leur permettre de survivre et de se reproduire. »

La présence de ces individus semblait en tout cas en attester, à moins qu'ils ne puissent se nourrir de sable – ce qui paraissait peu plausible. Dommage que Myosotis ne pût, au demeurant, communiquer qu'avec la flore, et non avec la faune. Cela aurait pu les aider à se renseigner plus amplement sur leur mode de vie et les lieux d'intérêt de ce désert. Les propos de l'homme avaient d'ailleurs été assez laconiques, aux yeux de Dahlia, mais elle n'insista pas davantage. Il aurait pu être intéressant de mettre en application la légende relatée précédemment par Aelith, afin de savoir s'il versait dans le mensonge, mais cela n'aurait certainement pas été bien accueilli de sa part si elle l'avait proposé.

« Je peux également me métamorphoser, en bélier. Enfin, je n'acquiers que certains de ses attributs, comme les cornes ou la laine. »

Elle darda alors son regard vers Aelith, se demandant si, en tant que chasseuse, elle avait une meilleure idée sur la conduite à tenir envers ces créatures.

Résumé:

Après s'être décidés à rejoindre le mur sombre qu'ils avaient repéré au loin, les quatre compagnons se mirent en marche à travers le désert. Ils ne croisèrent dans un premier temps que les habituels cactus rencontrés au début de leur périple ainsi que quelques rares autres plantes - que la médecin ne s'attarda même pas à identifier - si bien que la traversée leur semblait interminable. La chaleur, n'aidant en rien, rendait l'horizon diffus, leur objectif ne paraissant pas vraiment plus proche qu'auparavant malgré leur indéniable avancée...

Fort heureusement, après avoir escaladé une énième dune, un peu de variété s'offrit enfin à la troupe : un regroupement de bestioles inconnues, probablement de la faune locale, se prélassant au peu d'ombre à leur disposition. Certaines d'entre elles se dressèrent immédiatement en détectant les humains à proximité sans pour autant dégager la moindre once d'agressivité, à l'exception de la plus trapue du troupeau qui osa briser la distance les séparant.

Tandis que Myosotis proposait déjà une solution pour éviter toute confrontation avec elles et que Dalhia profitait de leur immobilité pour les croquer sur son carnet, Louise continuait à les fixer bouche bée. Elle aurait souhaité connaître les caractéristiques de ces créatures afin de savoir si les représenter sur l'un de ses masques en valait la peine ou non : de toute évidence, elles présentaient au moins une capacité naturelle à résister à la chaleur et leur allure, comme Dalhia le souligna, les prédisposait à la course. Cela n'aurait rien d'étonnant, au vu de cette apparence de lapin croisé avec un guépard...

« Cooooool... » commenta la demoiselle, avant de remarquer sa partenaire tenter un croquis des créatures. « Belle idée, tiens ! J'ai pas pensé à prendre de quoi noter, de mon coté... Dommage. »

Vînt alors le moment où ses partenaires révélèrent enfin leurs pouvoirs. "Pas trop tôt", pensa la rouquine, étant jusqu'alors la seule à avoir répondu à Aelith lorsque celle-ci avait posé sa question.

« Bon. J'ai aucune idée de quoi faire, mais j'suppose que se frotter à plus d'une douzaine de bestioles totalement inconnues n'est pas forcément judicieux. Donc on les contourne, c'est l'idée ? » demanda-t-elle, bien que prise d'une furieuse envie de tenter un contact avec le "chef" de la meute.

Résumé:

« Allons bon, que se passe-t-il encore ?! »

Klarion n’avait pas vraiment remarqué, trop concentré sur leur route et tentant tant bien que mal de ne pas trébucher en faisant un mauvais pas le long de la dune. Ce fut la pisteuse, Aelith, qui remarqua les créatures en premier. Être une chasseuse émérite conférait effectivement une certaine perception pour remarquer les créatures environnantes, sans doute des années de pratique et d’expertise après tout… Ce fut néanmoins Dahlia qui décrocha sa longue-vue avant les autres pour observer les êtres volants qui n’avaient de cesse de décrire de grandes arabesques dans le ciel au-dessus de leurs têtes. La description de la garde était néanmoins extrêmement étrange. D’après elle, ces nouvelles créatures volantes tenaient plus du reptile que de l’oiseau, elles ne possédaient aucune plume et avaient le corps couvert d’écailles colorées.

- Alors quoi ? Ce sont des genres de… dragons ?

- Je ne suis pas sûre… Fit-elle en continuant de les scruter.

Considérant la distance, Dahlia leur confiait qu’elle ne les estimait pas plus gros que six mètres et que ces êtres possédaient de gigantesques membranes en guise d’ailes, un peu comme des chauve-souris. Leur bec pointu semblait si épais qu’il aurait été capable de fendre la pierre tandis que leur queue, aussi longue que leur cou, aurait sans doute été capable de briser un toit de chaumière. La situation était préoccupante, d’autant plus que seule l’une des membres de leur escouade était capable de voler. Et quand bien même la dénommée Louise se transformait en phénix, jamais elle ne pourrait combattre à elle seule toutes ces bêtes ailées. Les trois autres demeureraient cloués au sol à devoir regarder leur alliée se faire déchiqueter par ces monstres.

Leur vol en cercle était également inquiétant. Klarion n’était pas zoologue mais il savait pertinemment que ce genre de manœuvre était souvent empruntée par les rapaces ou charognards surveillant leurs proies. Le jeune homme n’aimait pas du tout se faire zyeuter de la sorte par ces volatiles. Aelith était la seule à pouvoir les atteindre avec ses flèches et javelots mais les provoquer serait relativement idiot. Dahlia et Klarion ne pourraient pas aider, et Louise volerait à sa perte seule face à ces cinq choses…

- Ça commence à devenir un leitmotiv mais je pense qu’il faut s’éloigner de ces choses. On ne peut rien faire face à ces bêtes et je ne tiens pas à leur servir de repas. Prenons rapidement de la distance. Ils remarqueront peut-être les mammifères qu’on a vu plus tôt et changeront d’objectif…

Klarion n’aimait pas du tout ces nouveaux venus et il se demandait si venir dans ce désert était finalement une bonne idée. Il réfléchirait plus tard, pour l’instant le plus important était de s’éloigner de ces choses. En espérant que ses camarades acquiescent…

Résumé:

Tandis qu'ils s'éloignaient des lapins-guépards, les pensées de Dahlia se mirent à errer, profitant du silence de leur marche pour s'expanser dans son esprit. Qu'espérait-elle vraiment trouver, au sein de ce désert suspendu ? D'un côté, la garde était soulagée qu'ils n'aient pas encore fait de rencontre malencontreuse qui aurait pu mettre en péril leur groupe – les précédents individus croisés étant restés placides et n'ayant point cherché à les poursuivre – tandis que de l'autre… Dahlia regrettait peut-être cette absence de danger imminent, au fond d'elle-même. Car n'était-ce point le réel motif de son excursion, plus que d'assouvir une soif de connaissances nouvelles : ne cherchait-elle point à prouver sa valeur ?

La main d'Aelith qui vint se refermer subitement sur son poignet la sortit toutefois de ses songes, et Dahlia leva les yeux vers les créatures volantes qui projetaient des ombres sur l'ocre miroitant du sable, dans une étrange mouvance. Ces vastes cercles qu'elles esquissaient avaient-ils un sens particulier ? Dahlia sortit de nouveau et aussitôt sa longue-vue magique, afin d'en apprendre davantage à leur sujet.

« Hum, voici de bien singuliers volatils. Ils sont dépourvus de plumes, leur cuir semblant plutôt couvert d'écailles, aux teintes de multiples couleurs. »

Myosotis suggéra alors leur appartenance aux dragons, mais Dahlia n'en était que peu certaine, au regard de leur long bec acéré, s'apparentant à celui des rapaces. En étaient-ils ? Elle poursuivit ses observations, tout en les détaillant à voix haute afin que ses partenaires en prennent connaissance, la ligne de ses sourcils plissée par un état d'alerte soucieux. Au vu de leurs caractéristiques, ces créatures volantes représentaient en effet un danger bien plus tangible que leur précédente rencontre. Et le groupe était grandement désavantagé par son mode de transport terrestre. Que pourraient-ils faire, si l'un d'entre eux se retrouvait happé par les implacables serres de l'un de ces volatils ? Certes, Louise pouvait se transformer en phénix de lune et voler, et Dahlia possédait quant à elle une potion anti-gravité, mais cela risquait de ne point suffire… La conclusion s'imposa à nouveau d'elle-même.

« Entièrement d'accord, à nouveau. Nous devrions nous éloigner de ces créatures avant qu'elles ne nous portent un trop grand intérêt… »  

En attendant l'avis de ses amies, Dahlia plongea nerveusement une main dans son grand sac sans fond, et alla puiser dans son sac de conservation les chouquettes que lui avait gracieusement offertes Astrid, avant son départ en expédition. Il fallait croire que son grand-père pouvait avoir de touchantes attentions, parfois, et en profiter l'aiderait à apaiser ses nerfs légèrement titillés par la situation.  

« Quelqu'un a un petit creux ? » proposa-t-elle avant de mordre dans l'une des pâtisseries.

Mais quelques secondes plus tard à peine après sa première bouchée, voilà que le visage de Dahlia se colorait d'une cuisante teinte cramoisie, et que les larmes lui montaient aux yeux, face à l'assaut inattendu du condiment épicé que la chouquette en question renfermait. Du piment, visiblement.

« Aaaaaaah, alors là, elle perd rien pour attendre ! »  

Sans attendre, Dahlia s'empressa de porter sa gourde fontaine à ses lèvres, espérant trouver son salut dans l'eau qu'elle contenait.

Résumé:

Le groupe fut à peine débarrassé du troupeau précédent qu'un nouveau fit son apparition, à ceci près qu'il s'agissait cette fois-ci de créatures volantes. Se contentant de simplement décrire des cercles dans le ciel, non loin d'eux, elles aussi ne semblaient pas présenter la moindre agressivité. Toutefois, au vu de leur taille imposante et des caractéristiques décrites par Dalhia, leur laisser le temps de prendre le quatuor pour cible n'était pas la meilleure idée et Myosotis suggéra assez rapidement de s'en éloigner une fois de plus. Dalhia approuva derechef, et Louise ne pu que faire de même.

« Décidemment, on va passer notre temps à éviter des créatures du genre... » soupira-t-elle, réajustant son sac sur ses épaules. « Je suis d'accord avec vous, du coup. Essayons de ne pas devenir leurs proies... Non merci ! » Dit-elle quand Dalhia proposa des pâtisseries au groupe.

La rouquine redirigea ensuite son attention vers les volatiles - ne remarquant même pas que sa partenaire venait d'être la victime d'une mauvaise blague et tentait vainement d'en atténuer la douleur. Elle aurait souhaité, malgré tout, pouvoir s'approcher de ces bestioles et tenter d'en savoir plus à leur propos. Mais cela les éloignait de leur objectif actuel, et les prises de risques inconsidérées ne feraient de toute façon pas bonne publicité à l'Astre de l'Aube.

« On va peut être finir par atteindre cet espèce de mur un jour. En espérant que d'autres bêtes n'viennent pas se mettre en travers de notre chemin... »

Résumé: