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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Red et Bridget se transforment en instructeurs de la Garde de la Forteresse pour une journée, en compagnie d'une véritable instructrice...

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    Pendus à un fil
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
    Informations
    Pendus à un fil
    Mer 24 Mar 2021 - 14:14 #
    Contexte:

    « Gnneuh… »

    J’me réveille.

    Un peu mal à la tête. Les mirettes à peine entrouvertes, j’vois que le soleil se déverse allègrement par la fenêtre. On n’a pas tiré les rideaux. J’ai probablement pas payé pour la grasse mat’, de toute façon. J’tends le bras gauche pour attraper la cruche qui se trouve à côté du plumard. Chair chaude sous mon triceps. J’tourne un brin la tête. Nana, maquillage étalé de façon aléatoire, pas trop mal sinon. J’attrape la boisson, j’prends une gorgée que j’manque de recracher.

    De la piquette, ça, mais ça avait fait son boulot. Juste que là, j’cherche un truc plus… aqueux.

    J’regarde à droite, là où y’a une jambe poilue posée sur la mienne. Blond, il était bien rasé hier, mais ça repousse déjà bien, là, d’une teinte un peu plus sombre. Musculeux. Y’a une autre cruche, mais comme elle ressemble comme deux gouttes d’eau à l’autre, elle contient probablement aussi du pinard. Va falloir envisager de se lever, alors. Pisser, aussi.

    J’pousse les doigts sur l’arête de mon nez, pour essayer de juguler le mal de crâne, et à travers mes yeux plissés, j’vois un nouveau bracelet à côté des autres. Un genre de bout de ficelle magique, et tout de suite, y’a tout qui clignote dans ma tête, à la recherche d’un danger potentiel. Mais nan, ma magie est encore là, mes objets divers et variés aussi. C’est pas des menottes ou quoi, et j’suis à peu près certain qu’on n’a pas joué à ça la nuit dernière…

    Donc j’me refais en accéléré le fil des événements.

    Soir du Solstice, solitude. Balade dans les rues, j’achète quelque chose à quelqu’un. J’le fume. Le quelque chose, pas le quelqu’un. J’arrive en bas d’ici, et j’fais un vœu. Marrant, si elle existe, c’est un peu comme si elle m’encourageait. Ça veut dire que les gens qui bossent là sont aussi des prêtres et prêtresses de Lucy ? Une interprétation qui intéressera p’tet les professionnels de la religion. Reste que quand j’trouve la bourse de cristaux à mes pieds, j’fais pas la fine bouche, j’la prends, et j’rentre.

    Rien de particulier à déclarer, donc, et si le souvenir de la nuit est un peu flou, y’avait rien qui évoquait ce fil. Il était p’tet déjà là, d’ailleurs ? J’sais pas trop, j’étais dans un genre d’état second.

    Ça remue à côté de moi. Le gars m’adresse un sourire encore un peu endormi.

    « Va falloir songer à y aller, sauf à repayer.
    - Ouais, ouais, j’vais bouger.
    - Hm, t’es sûr ? C’était pas mal, pourtant. »

    Pas certain qu’il se rappelle de quoi que ce soit, pour être honnête, mais les heures sup’ payent bien. J’m’extrais de la couette, et la nana se blottit dans l’endroit que j’ai laissé chaud, collée aussi à l’autre mec. J’m’étire, et la ficelle me sort pas de l’esprit. Après avoir fait mes affaires, bu l’équivalent de trois cruches d’eau et remis mes sapes, j’descends lourdement l’escalier pour ressortir, après avoir régler mon dû. T’façon, c’est Lucy qui raque.

    Finalement, j’touche le fil avec ma magie. Et ça devient plus clair, et j’deviens plus méfiant. On est plein à y être reliés. Jack, Luz et Naëry, Calixte, Carci, Xylia, Jin, et surtout Zahria. Et les effets si j’le coupe. J’ai les battements du palpitant qui s’accélèrent, la respiration aussi. C’était pas mon vœu, mais p’tet celui de quelqu’un d’autre ? En tout cas, y’a pas un vieil enchanteur qui s’est pointé dans ma chambre pour me l’attacher pendant la nuit, donc il a bien dû se passer un truc.

    J’résiste à la tentation de le couper ici et maintenant.

    J’rentre chez moi, j’prends une douche, et j’me prépare. Les couteaux, le matos divers et varié qui manque de déborder du sac sans fond, un bon repas fermement arrimé au fond de l’estomac, il me faut au moins tout ça pour me sentir d’attaque. Aller voir Höls me traverse l’esprit une fraction de seconde, mais faut plutôt profiter de l’occasion. Ils ont p’tet pas tous compris que y’avait un bracelet qui nous liait tous, les autres. Si j’fais assez vite…

    Dague wardän en main, j’coupe mon fil. Instantanément, en tête, j’ai la localisation de tout le monde, mais j’attache d’importance qu’à une seule. J’cligne des yeux, et j’me précipite vers le portail de téléportation. Possible que j’ai gratté la queue, et bousculé quelques personnes, mais c’était une priorité d’état, pas vrai ? Puis ils avaient qu’à pas être dans le chemin, merde !

    « Village perché ! »

    J’aboie un peu sur le gars qui gère le portail. Il va un brin plus lentement, juste pour m’emmerder, ce con. J’ai envie de lui tirer une aiguille de mon gantelet d’assassinat, pour lui apprendre les valeurs du travail. J’me retiens. Ça ferait un esclandre, et elle bougerait ailleur, ensuite. J’suis à peu près sûr qu’elle était en mouvement.

    Quand la lumière se dissipe, j’suis sur la grande place du Village Perché, et j’pars en courant à la localisation à laquelle le fil m’a indiqué d’aller. Quand j’peux gratter un pont, j’me téléporte, sans hésiter une seconde. J’arrive dans un genre de rue passante, avec des gens qui circulent à droite à gauche, mais pas de signe de la patronne : pas de coupe afro, de couleurs sombres, rien, que dalle. Elle peut changer d’apparence, j’sais, donc j’regarde aussi si y’a sa démarche qui traîne, ses manières dans les clients des étals.

    Chou blanc.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
    Informations
    Re: Pendus à un fil
    Jeu 6 Mai 2021 - 16:24 #


    Lucy est une catin. Déesse de la chance, mon cul.

    Je sais pas trop comment c'est arrivé, mais ce putain de bracelet va me pourrir la vie, j'en ai la certitude au moment même où je me pose mes yeux sur lui. La pluie magique vient de s'arrêter, j'ai bien compris qu'il s'était passé quelque chose, et que la Déesse avait encore fait des siennes, mais comme d'habitude, c'est jamais dans mon sens. Je perds pas spécialement de temps à admirer les gens qui s'extasient dans la rue face aux cadeaux qu'ils ont eu, je saisis immédiatement un couteau pour couper le bracelet. La lame vient se glisser sous le fin fil rouge qui me relie à tous ceux qui pourraient mettre en péril la mission que j'ai commencé il y a quelques semaines.

    Et je revois leurs visages, les uns après les autres. Un petit coup sec du poignet, c'est tout ce qu'il faudrait pour ramener la lame du couteau vers moi, et trancher le lien sans semonce. Leur donnant ma position exacte, il faut juste que je déguerpisse après. Mais leurs visages ne veulent pas me quitter. A travers le bracelet, j'ai l'impression de les sentir, tout près de moi. Je jure, laisse tomber la lame, puis ramasse mes affaires. Personne n'a encore tranché son bracelet, après tout. Ils sont certainement occupés à faire autre chose. Ou alors je suis la seule à eu l'explication divine sur la façon dont cette saloperie marchait ? J'ai su dès que j'ai posé les yeux dessus, mais c'est peut-être pas le cas pour les autres.

    En quittant la Volière il y a moins d'une lune, j'ai laissé derrière moi mon collier jumeau et mon cristal de communication, pour éviter que Vrenn ne me retrouve, ou qu'on ne m'appelle frénétiquement pour essayer de me localiser. Je regrette maintenant de ne pas avoir au moins mon cristal, pour prévenir au moins Luz et Calixte qu'il ne faut pas essayer de me retrouver, et de faire passer le mot aux autres. Ce serait tellement plus simple, si je n'étais pas débile, si j'avais le courage de le couper immédiatement. Je déteste ces émotions qui me font faire n'importe quoi. Mais j'ai ce maigre espoir, vain peut-être, qu'ils ne sachent pas à quoi sert le bracelet, et que ce soit un véritable avantage pour moi.

    En sortant mon pull en fourrure de Solnar de mon sac, afin de faire de la place pour le reste de mon bordel que je fourre dedans sans ménagement, je jette un dernier regard à la Luisante, depuis la chambre de cette petite auberge où je passais la nuit seule, jusqu'à maintenant. Je crois qu'il est temps d'aller chercher de la compagnie, même si ce n'est pas celle des gens que je voudrais voir en cet instant. Désolée Lucy, je ne peux pas écouter tes conseils. C'est mignon, mais je dois continuer à les protéger. En disparaissant.

    Le sol est toujours humide suite à la pluie divine, quand je marque mes premiers pas dans le Village Perché. Des gouttes multicolores se sont déposées sur les feuilles, c'est très beau, je m'en fous. Je rajuste la capuche de ma cape, et avance dans les rues bondées, malgré l'heure tardive. Les gens fêtent en beauté la nouvelle année, l'alcool coule à flot, je soupire. Pourtant ils devraient avoir peur, après les actions de mes nouveaux camarades de la Cabale dans cette ville. L'augmentation des meurtres et de la criminalité dans le coin semble avoir été oublié, après la pluie de Lucy. Je me demande de quel côté elle est, celle-là. Pas du mien, en tout cas.

    Je finis par arriver à la bâtisse que je cherchais. On m'introduit dans une soirée guindée, avec robes et loups, orgies de bouffe et de chair. Je demande à causer au Parle-d'Or, mais mon borgne de géniteur est bien trop important pour que j'ai le droit de lui adresser la parole sans introduction, et comme je ne suis que Nomade pour l'instant, ce que je peux avoir à lui dire n'a aucune importance. Putain, ces connards vantaient la liberté qu'il y avait chez eux, c'est encore pire qu'à la Garde. Je suis sur le point de faire un esclandre, quand il daigne remarquer ma présence et s'approcher de moi, en alerte.

    « Qu'est-ce que tu fais là ?
    - J'me f'sais chier, j'me suis dit que ta soirée devait être plus sympa.
    - On en a parlé, tu sais très bien que je ne pouvais pas t'amener... et je croyais que tu préférais rester seule ce soir.
    - Ouais, bah c'est raté.
    - Qu'est-ce qui a ? Tu n'es pas là pour la fête.
    - Certainement pas. J'ai un souci bien plus grand.
    »

    Je lève mon poignet pour faire apparaître la ficelle rouge, il fronce les sourcils et m'entraîne dans une pièce vide, une sorte de petite bibliothèque avec des fauteuils.

    « Qu'est-ce que c'est, Zahria ? »

    Je le regarde dans les yeux. Enfin, dans son oeil unique. Et je souris, malgré moi, alors qu'une idée apparaît. Et que le mensonge se forme.

    « Rien, j'ai acheté ça au marché du Solstice à la Capitale, à une gamine qui les tressait.
    - Pourquoi tu me déranges pour cette babiole ?
    »

    Il s'énerve. Je vois la glace se former dans son oeil. Je retiens mon sourire. Il pourrait me forcer à lui dire la vérité, avec son pouvoir, mais je dois être convaincante. Je sais l'importance que j'ai pour lui, c'est le moment d'en jouer.

    « C'était une excuse pour te faire réagir. Je suis sûre que vous n'êtes pas au courant de la grosse nouvelle de la soirée, enfermés ici dans une pièce aux rideaux fermés, sans accès sur l'extérieur. Ahlala, dire que c'est la Nomade qui est meilleure que certains de tes Forges-Savoir Scribes...
    - Zahria, viens en au fait.
    - Il y a eu une pluie de cadeaux divins, Lucy s'est manifestée tout à l'heure.
    »

    Son regard s'illumine. Je crois reconnaître la même étincelle de curiosité que je peux avoir, quand je suis face à une affaire croustillante. Mais il y a quelque chose de plus obscur, chez lui. Il cherche déjà à savoir à quel point cette histoire va lui faire gagner du pouvoir. Il est déjà en train de se voir entouré des richesses offertes par la déesse, dérobées chez la population. Je vois déjà le sang qu'il va verser autour de lui pour s'accaparer ces trésors. Il revient sur terre, et me fixe, extrêmement sérieux.

    « Tu as fait un souhait ? Tu as eu quelque chose ?
    - Tu sais ce que je pense de Lucy et de ces conneries de religion. Quand j'ai compris ce qu'il se passait, en voyant les gens dehors, il était déjà trop tard. Mais je me suis dit qu'il fallait que je t'avertisse.
    - Tu as bien fait.
    - Je sais.
    »

    On se toise, un instant, puis il sourit. Il lève la main, comme pour la passer dans mes cheveux, mais se ravise avec une grimace. Ce n'est clairement pas l'amour paternel qui l'inonde en cet instant, et je soupire de soulagement quant au fait qu'il n'ait pas posé la main sur moi, j'aurais bien eu du mal à expliquer mon dégoût. Notre entrevue semblant finie, il me fait installer dans une chambre à l'étage, tandis qu'il retourne à sa soirée, n'ayant en tête que l'idée d'organiser ses troupes, comme un général partant en guerre.

    Je le laisse à ses délires stratégiques, qu'il me faudra certainement saboter plus tard, et m'installe dans le lit autrement plus confortable dont je viens d'hériter, alors que mes propres plans commencent à se mettre en place. Ce bracelet peut être une chance, utilisé correctement. Si les autres ont eu la même intuition que moi et savent comment il marche, certains vont probablement chercher à me retrouver, ne serait-ce que sur ordre de Höls. Ce sera le moment idéal pour laisser des pistes, des traces de moi, mais surtout de la Cabale, pour que les espions les récupèrent. Il faut que j'agisse très finement, pour que personne n'ait de doutes à mon sujet. Si j'en avais parlé à mon père, il m'aurait demandé de casser immédiatement le lien. Si les espions comprennent que je leur laisse volontairement des miettes, ils vont aussi savoir que je joue double jeu, et leur sécurité sera à nouveau mise en danger. Si par contre ils ne savent pas comment il marche, je détiens un avantage qui risquera de me servir, plus tard. Je ne vois pas pourquoi je m'en priverai.

    Il faut que tout le monde continue à penser que je travaille volontairement pour la Cabale et contre les espions, si je veux que mon père ne reprenne pas ses menaces de mort sur mes amis, et si je veux pouvoir la faire tomber correctement, tout en continuant à récupérer des informations et en faisant capoter les plans qui ne m'intéressent pas. Je joue un jeu d'équilibriste, marchant sur ce fil qui manque de me faire sombrer à chaque pas.

    Je m'endors avec un sourire, et me réveille fraîche comme un gardon le lendemain, ce qui ne m'est pas arrivé depuis des lustres. Dans la salle de réception, les gens sont entassés les uns sur les autres, à moitié nus, de l'alcool et quelques drogues laissant comprendre l'état dans lequel ils se trouvent. Nulle trace de mon père, et personne ne m'arrête quand je sors par la porte principale, en activant le Médaillon pour prendre l'apparence de Shaloy, l'aventurière que j'utilise régulièrement. Et là je la sens, cette intuition. Le fil de Vrenn vient de se rompre. Merde. C'est trop tôt, je n'étais pas prête.

    Ça ne veut pas forcément dire qu'ils savent comment ça marche, ceci dit. Il l'a peut-être fait parce qu'il ne savait pas ce que c'était, et voulait s'en débarrasser. Ça lui ressemblerait bien. Néanmoins, il peut aussi savoir comment ça marche, et l'avoir tranché pour ne pas être repéré. Ou pour trouver quelqu'un. Moi ? Je ne sais pas pourquoi il ferait ça, mais je dois en avoir le coeur net. Je m'immobilise. Je ne sais pas où il était, mais s'il me cherche, il devrait être là rapidement. Je compte six heures, maximum, pour qu'il arrive ici.

    Je m'assois sur un banc, les yeux fixés vers la rue qui débouche sur les portails de téléportation. Et j'attends. Pas longtemps. Vingt minutes, tout au plus. Mon coeur sautille quand je vois apparaître, toujours ces putains de sentiments qui refusent de s'évanouir. Il cherche quelqu'un, j'en ai la conviction. Quelqu'un qu'il sait pouvoir changer d'apparence, vu qu'il scrute tous les regards, toutes les démarches.

    Je me lève et fait quelques pas pour me fondre dans la foule. Je tourne dans une rue, et le Marchombre finit de me faire disparaître.

    La partie de cache-cache commence. Il faut que je me prépare. Il faut que je sache où l'accueillir, la prochaine fois. Et je ne peux pas m'empêcher de sourire. Lucy est finalement plus maligne que je ne le pensais.

    Whiskeyjack CallahanLe glooby de toutes les femmes et la femme de tous les glooby
    Whiskeyjack Callahan
    Informations
    Re: Pendus à un fil
    Mer 19 Mai 2021 - 12:51 #
    Le compte-rendu de la réunion sur les horaires d’ouverture de la buvette de la guilde des aventuriers est plutôt détaillé, mais guère intéressant. Et ça fait deux heures que je suis dessus, en vue de la réunion prévue demain matin, aux aurores, à une heure où le conseiller moyen sort de son lit en baillant et ou l’examinateur en chef moyen a déjà fini son premier dossier de la journée. Bref, un plaisir. Surtout que le sujet est un non sens. Certes, c’est une demande de certains aventuriers, mettant en avant les bénéfices en termes de liens entre les aventuriers si la buvette pouvait être ouverte toute la nuit. Dans le camp des plus sceptiques, la perspective de ramasser des soulards au milieu du hall central à l’heure de l’ouverture des bureaux n’est guère réjouissante. Mais chaque question doit avoir son débat car là est l’une des fonctions primordiales du conseil. Écouter. Discuter. Décider. Mon regard glisse vers le sujet des prochains débats.

    « L’ouverture d'une maison close au sein de la guilde ».

    Je soupire. Je vois déjà les arguments des demandeurs et les regards sceptiques des membres du conseil qui, même si chacun sait bien s’entourer, vont d’abord penser à l’image que ça va donner de l’institution et des aventuriers quand déjà la moitié du royaume nous voit comme des alcooliques notoires.

    -Monsieur Callahan est occupé !
    -J’en ai pour deux minutes ! Bouge !
    -Monsieur !

    Du raffut à l’extérieur. Je lève un sourcil alors que la porte s’ouvre sur un visage qui me dit vaguement quelque chose, suivi par mon hôte assistant qui me lance le regard implorant de celui qui a failli à sa tâche et qui ne veut pas faire trois jours d’archives avec Trovnik.

    -Jack. J’ai besoin de toi.
    -Ouiii… ?

    J’ai un moment d’incompréhension, le temps que les rouages de mon cerveau remette des éléments parcellaires les uns à côté des autres, formant une histoire, une personnalité et une amitié étonnement facile à oublier, à ma plus grande honte. Ce n’est pas très Whiskeyjack tout ça. Mais tout me revient comme si je n’avais jamais eu cette épisode d’absence.

    -Truelle ! Mon ami !
    -Conseiller ?
    -Laissez, mon cher.
    -Bien monsieur.

    L’assistant s’éclipse, fermant les portes derrière lui. Truelle s’approche de mon bureau. Je note qu’il a l’air d’avoir couru, impatient de revoir l’ami que je suis. Ça fait plaisir. J’ouvre un tiroir de mon bureau, révélant une bouteille sans étiquette et quelques verres.

    -Une petite expérience de Gégé ? Il me l’a apporté il y a trois jours, j’ai pas encore eu le temps de la goûter.
    -Plus tard Jack. T’as un bracelet, on est d’accord ?
    -Un bracelet ?

    Ça fait écho à quelque chose. Je remonte ma manche, révélant un mince bracelet qui dénote un peu au milieu de ma tenue. Pas le genre de colifichet que j’ai l’habitude de porter, c’est sûr. Je lui montre mon poignet en souriant.

    -Tu parles de ça ? Plutôt joli. Il est apparu ce matin, mais je sais pas trop pourquoi. Dans le doute, j’ai rien fait avec. J’allais le montrer à des experts dans l’aprem.
    -J’en ai eu un. Tout le monde en a eu un. Si on le coupe, on sait où sont les autres.
    -Aaaah ! C’est donc ça ? J’ai eu la brève impression tout à l’heure de sentir que tu avais coupé un fil tout à l’heure.

    La vérité est que je ne l’avais pas reconnu à ce moment-là, mais est-ce vraiment important de rendre triste un ami ?

    -Ouai. C’est ça. Tu peux le couper s’il te plait. Ça urge.
    -Le couper ? Mais pourquoi ? C’est quand même bien d’être relié à tous. Comme une grande famille.
    -Faut que je retrouve Zahria. C’est important. Tu peux faire ça ?
    -Zahria ?

    Je le regarde un instant sans comprendre, puis je comprends. Je lui fais un sourire de connivence et je le prends par l’épaule avec un air de conspirateur.

    -Truelle… Pas besoin de me cacher des choses, tu sais. Les amis, ça sert à ça. T’es toujours dingue d’elle, pas vrai ?
    -Tu comprends pas Jack.
    -On ne la fait pas à Jack. Je vois bien que tu meurs d’envie de la retrouver.
    -Ca, c’est pas faux.
    -Tu vois ? Mais je dirais rien à personne, promis. Je savais bien que ça pouvait pas être fini entre vous. Vous êtes fait l’un pour l’autre, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Je suis content que tu sois à nouveau à l’écoute de tes sentiments envers elle.
    -Ouai. Ouai. Tout pareil. Tu le coupes du coup ?
    -Je vais le faire. Mais n’oublie pas une chose. Si tes sentiments sont à nouveau ardents envers elle, prends le temps de respecter les siens. Elle va savoir que  tu la cherches et elle n’est peut-être pas encore prête pour te revoir.
    -C’est clair. J’ai pas réussi à la trouver quand j’ai coupé le mien.
    -Tu vois ? Même si je suis convaincu que ces sentiments envers toi sont tout aussi vivaces que les tiens envers elle, il faut lui laisser le temps de les accepter. On est jamais à l’abri d’une incompréhension qui peut être terrible.
    -J’t’assure que c’est assez clair entre nous deux.
    -Je préfère en être bien sûr. Parce que t’es un copain. Moi-même, j’ai cru avoir rencontré une fille lors de la kermesse. Ça s’est plutôt bien passé. Et pourtant, quand je l’ai revu, elle a fait comme si rien ne s’était passé. J’ai mal compris ce qu’elle essayait de me dire ce soir-là et ça m’a fait… beaucoup de mal. Je voudrais pas que ça t’arrive à toi. Tu as si bon cœur.
    -C’est un fait connu, ouai.
    -Faut dire, vous avez eu une relation très intense.
    -Ouai. On a pas mal couché.
    -C’est… pas ce que j’entendais, mais je comprends le sous-texte. Bref. Laisse lui l’espace dont elle a besoin et tu pourras toucher à nouveau son cœur.
    -J’attends que ça de lui mettre la main dessus.
    -Je suis sûr que ça sera très intense. J’espère que t’as pris ta bague.
    -Bon ça suffit, Jack. Tu le coupes ?
    -D’accord, d’accord. Je le fais.

    Je le coupe.
    Instantanément, je visualise la localisation de tous ceux liés au bracelet, certains dans des situations plus ou moins personnelles qu’il fait bon de ne pas révéler ici. Je me concentre sur Zahria et sur les lieux qui l'entourent. Je décris tout ce que je vois jusqu’à ce que la vision s’arrête. Je me tourne une dernière fois vers mon ami avec mon meilleur sourire d’encouragement.

    -Bon courage Truelle ! Et n'oublie pas, du doigté !
    -Nan mais tu viens avec moi !
    -Quoi ? Mais enfin… Truelle, j’ai du travail.
    -Et le travail, ça passe après les amis ?

    Il marque un point et un gros. Je jette un regard coupable à ma pile de paperasses à remplir et je mords la lèvre, mais déjà, Truelle me tire par la manche.

    -Allez ! Grouille !
    -C’est bien parce que c’est toi et que tu m’avais caché cette tendre partie de ta personnalité qui est intimidée à l’idée de la retrouver et qui a besoin du soutien d’un vrai ami pour enfin lui dire les mots qui compte en rougissant.
    -Si tu veux. Bouge !

    Et nous bougeons.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Pendus à un fil
    Mar 25 Mai 2021 - 9:19 #


    Je me demande quel bracelet il va aller chercher après. Probablement pas Jin, vu les rumeurs que j'ai entendu sur un certain combat dans la forêt. Naëry est toujours en vadrouille, pareil pour Carci, mais il pourrait tomber sur eux avec un peu de chances, surtout s'il a noté leurs positions quand il a cassé le sien. Je doute que Luz lui livre son bracelet aussi facilement. Après, il reste les espions. S'il dit que c'est pour me retrouver, ça peut être quitte ou double avec Calixte et Xylia. Ils sont capables de le suivre, surtout. Mais franchement, le plus probable pour la première personne qu'il irait chercher, c'est indéniablement Jack, son meilleur ami. La dernière fois qu'on s'est croisés, j'ai fait un truc dont je ne suis pas très fière. Mais je suis certaine qu'il est déjà passé à autre chose. Myrham n'est pas très jolie, et je lui ai bien fait comprendre qu'il pouvait avoir bien mieux. Avec un peu de chance on était tellement alcoolisés qu'il ne s'en souvient même pas.

    En tout cas si Vrenn débarque avec Jack, ça va être un peu bizarre comme situation. Surtout vu l'endroit où j'ai décidé de le mener.

    Dès qu'il est parti, tout à l'heure, j'ai sauté dans les portails de téléportation. Toujours sous les traits de Shaloy, j'ai atterri sans trop de soucis à la Forteresse. Du temps d'Elina, quand on a découvert l'existence de la Cabale, ils étaient très présents dans le Nord. Mais nos actions combinées ont permis de diminuer leur influence dans le coin. Le problème, c'est que comme ils ont réussi à supprimer Elina, et que le Nord n'a pas eu de vrai Capitaine pendant un bail, les Cabaleux en ont profité pour reprendre progressivement leurs activités à la Forteresse. Je sais que c'est loin d'être ce que c'était, mais je sais aussi qu'ils préparent quelque chose pour revenir en force et assoir leur domination sur le milieu de l'ombre ici.

    Et je ne peux que les comprendre, les réseaux de cavernes et la proximité de la frontière, la distance avec la Capitale qui permet de se tenir loin de l'Etat-Major et de la Commission... La Forteresse présente un très grand nombre d'avantages pour eux. Toujours est-il qu'il y a certains lieux immuables qui n'ont jamais changé d'allégeance, ici. Certains lieux dont la Garde ne se doute même pas qu'ils sont des hauts lieux de regroupement pour les Cabaleux, alors même qu'ils y viennent tout le temps.

    Je ne peux pas laisser de message à Vrenn sans compromettre le secret de ma non-trahison. Mais je peux le mener à l'un de ces lieux, et le laisser avec Feuille et Höls mettre un coup dans la fourmilière, quand ils auront compris de quoi il s'agit.

    De l'extérieur, ça ne paye pas de mine. Une petite taverne tout ce qu'il y a de plus banal. La vraie planque se trouve dans les étages. Des bureaux succèdent à des petites salles de rangement, contenant toutes sortes d'objets intéressants pour les Cabaleux. Oeuvres d'art, livres volés dans les archives royales, parchemins remplis de théories scientifiques sorties d'on ne sait où. Je fais apparaître mon tatouage au crâne et on me laisse monter vers une petite pièce servant de salle de repos. Il y a là deux gars en train de jouer aux cartes. Je roule une cigarette en les regardant, et j'attends.

    Personne ne doute de moi, c'est un lieu de passage assez commun pour les petites frappes Nomades comme je le suis maintenant. On ne stocke rien de trop précieux, jamais trop longtemps, de toutes façons. Mais ce genre d'endroits fait la particularités des rouages bien huilés de la Cabale. Et surtout, dans celui-ci en particulier, j'ai entendu dire que le patron tenait une liste de tous les autres lieux de dépôt du genre se trouvant sur la route de la Capitale. Ça n'aidera pas spécialement à protéger la Forteresse, vu qu'ils se trouvent plutôt sous la juridiction du Village Perché, mais ce sera toujours ça de pris, si cette liste existe vraiment.

    Quand je sens enfin le bracelet se casser, je suis bien installée, ma troisième clope au bec. Je souris. Il ne va pas tarder à débarquer, c'est certain, mais va-t-il rapidement comprendre quel lieu est caché dans les étages de cette taverne ? En tout cas, il est temps pour moi de disparaître, ce serait vraiment dommage qu'il ait deux bracelets à portée de main pour me localiser plus rapidement.

    J'éteins ma clope sur le cendrier, je salue les joueurs de carte, et je traverse le couloir pour sortir par une fenêtre et grimper sur le toit. Cachée derrière une cheminée, j'attends quelques minutes avant de le voir arriver, essoufflé, Jack derrière lui. Ouais, étrange sentiment, effectivement. Allez, je vais pas m'attarder. J'attends qu'ils soient entrés, et je saute sur le toit d'à-côté, puis je laisse le Marchombre me mener vers les portails de téléportation. Je ne suis pas encore prête à leur parler.

    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Pendus à un fil
    Jeu 3 Juin 2021 - 10:56 #

    Jack a pas fait de chichis, à part son obsession sur le fait que tout ça n’était en réalité qu’une petite dispute amoureuse et que tout allait être résolu d’ici peu. Ah ça, quand elle serait derrière les barreaux avec les menottes aux poignets en attendant que Höls statue sur son sort, c’est sûr que pas mal de choses seraient réglées, et qu’on pourrait discuter tranquillement. J’viendrai lui rouler ses clopes, comme elle a fait pour moi, tiens.

    J’secoue le souvenir et j’me concentre sur la taverne dans laquelle on vient de pénétrer. Plusieurs étages, comme beaucoup de barraques de la Forteresse, probablement pour récupérer la chaleur de la salle commune dans les chambres qui vont être en haut. Mes yeux parcourent rapidement tous les gens attablés, hommes comme femmes. Ils m’jettent un regard curieux avant de se détourner et revenir à leurs petites affaires, à part une poignée. J’les élimine directement, quand ils sont seuls : j’pense que Zahria aurait pas réagi comme ça.

    Faut dire, on a l’air essoufflé, et Jack s’est dirigé d’autorité vers le tenancier pour lui commander deux bières, demander les nouvelles, et s’il aurait pas vu une charmante métis avec les cheveux en folie dans son humble troquet. Oui, ça fait tant de cristaux, les choses se passent, le climat se réchauffe, non j’ai vu personne. J’écoute que d’une oreille distraite. Mais personne n’a ses manières, ses attitudes, que j’suis à peu près certain que j’aurais reconnu.

    P’tet aussi qu’elle aurait agi à l’inverse pour pas que je la remarque. On va se poser à une table.

    « Elle a peut-être pas senti que tu la cherchais, ou a besoin d’un peu plus de temps.
    - Hm.
    - Vos retrouvailles n’en seront que plus belles.
    - Sans doute.
    - L’important, c’est aussi qu’elle se rende compte que tu la cherches encore, et que tu brûles toujours de la retrouver.
    - Ca, c’est sûr.
    - C’est beau, quand même. Je suis tellement content pour toi, pour vous.
    - Moi aussi, même si j’préfèrerais…
    - Ah ça. Moi aussi, j’aurais préféré que ça marche avec Myrham. L’important, c’est de se relever, de pas se laisser abattre par la vie, tu vois ? Comme vous avez fait. Y’a eu des moments plus difficiles, mais comme tous les couples, hein ?
    - Ouais, y’a eu des moments pas franchement joyeux.
    - Mais vous pouviez justement vous rabibocher, sur l’oreiller de ce que tu me dis. »

    Il me flanque un coup de coude et un clin d’œil, alors que j’garde les miens sur la salle, principalement. Putain, qu’est-ce qu’on fout là, à boire une bière ? Enfin, ça sert à rien de courir dans les rues, et en plus, il fait un froid de gueux. Il nous a fallu p’tet une demi-heure à venir par le portail, donc largement le temps pour qu’elle le prenne dans l’autre sens et se barre ailleurs. Ça se trouve, elle est juste dans la taverne d’à côté, en plus. Mes doigts tapent un rythme frénétique sur le plateau de la table, et j’touche quasiment pas à ma bière, contrairement à Jack qui va pouvoir entamer la seconde.

    « Ce n’est que partie remise. Il y a d’autres bracelets à couper, non ? Luz, Naëry, Carci, Jin, par exemple…
    - Ouais, j’vais aller les voir ensuite, probablement. Faut que j’réfléchisse un peu.
    - A quoi ? Tu penses que ça serait mieux de choisir un bon moment ? Comme la Saint-Valentin, ou une fête locale des amoureux ? Ou son anniversaire, je sais pas quand c’est. C’est quand ?
    - Je pensais pas à choisir un moment comme ça…
    - Ah, vous avez une date rien qu’à vous, comme celle de votre premier baiser, ou votre première rencontre ?
    - Je me disais qu’en plein milieu de la nuit, quand elle dormirait, elle pourrait pas s’enfuir…
    - Euh… oui… alors… »

    Il cherche quelques instants.

    « C’est vrai que pour se rabibocher sur l’oreiller, ce sera plus pratique, je suppose. »

    Il a pas trouvé mieux, pour rebondir, et j’vois que ça le gêne.

    « T’inquiète, j’vais pas lui coller les menottes et l’attacher dans la cave jusqu’à ce qu’elle change d’avis, hein ? Que j’dis en lui tapant sur l’épaule.
    - Ah non, mais vous fêtes ce que vous voulez, hein, je voudrais pas présumer de… Enfin, c’est privé, tout ça. Puis je me souviens qu’elle aime bien les menottes, Zahria, hein, comme quand elle nous a…
    - Ouais, c’était le bon vieux temps.
    - Sauf que vous étiez pas encore ensemble. »

    J’plisse les yeux.

    « L’bon vieux temps, ouais. »

    Dans un murmure.

    J’bois ma bière cul sec, et j’étouffe un hoquet. J’vais avoir l’air con, tiens.

    « J’en boirais bien une autre…
    - Mais l’amour n’attend pas, je sais. Je vais profiter de ce repos improvisé pour prendre un peu de recul sur mes dossiers de Conseiller. En plus, le tavernier m’est sympathique, je sens que nous avons beaucoup à apprendre l’un de l’autre.
    - Ouais, j’file. »

    Luz aidera probablement, même si je débarque à l’improviste.

    N’empêche, cette taverne me démange. Juste pas le temps de me poser, j’sens que j’la rattrape.

    Puis j’ai dit que ce serait pas la cave, mais la cellule…
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: Pendus à un fil
    Ven 11 Juin 2021 - 12:07 #


    Elle parcourut machinalement des doigts le maigre filin rouge qui enserrait son poignet. Le premier s’était brisé ce matin. Une sensation étrange que celle d’être soudain reliée à une autre âme, proche de la sensation procurée par les colliers jumeaux et la pierre de lien. Hormis que l’identité de la personne concernée lui était trouble, en grande partie effacée de sa mémoire. S’il ne lui était pas directement hostile –de cela, elle était sûre-, elle perçut l’urgence de sa démarche lorsque le deuxième fil se rompit. Ce bon vieux Jack. Ainsi ce qui aurait pu être une coïncidence au lendemain du Solstice commença à prendre la tournure dangereuse d’une traque.

    Luz avait beaucoup réfléchi.

    Une magie ancestrale était à l’œuvre, et la présence du livre délicatement relié qui était apparu sur son bureau la veille en attestait. Ce n’était pas là la seule étrangeté, car elle ne pouvait ignorer le fil problématique qui avait pris racine sans mot dire dans le creux de son poignet. De qui était-ce le vœu ? Qui avait débuté cet enchantement ? En l’état, les réponses à ces questions n’étaient pas essentielles. Il suffisait qu’elle sache que cet élément nuisible était susceptible de conduire les autres jusqu’à Zahria. Le fonctionnement même du fil lui demeurait un mystère, mais la manière de l’activer s’était immédiatement inscrite dans son esprit. Si elle avait douté au début de l’universalité de ces consignes, les deux fils qui s’étaient successivement rompus avaient achevé de la rassurer sur ce point : les autres aussi, avaient compris. Et l’un d’entre eux avait fait de l’ancien Maître espion sa proie.

    Qu’il était troublant de savoir et de ne se souvenir d’aucun détail ! Le 9ème membre de leur tribu, cet individu cerclé d’ombres que sa mémoire peinait à raviver, parfois nommé, souvent étranger. Il était indubitablement lié à Zahria. Luz avait des émotions chaleureuses à son sujet, mais également prudentes. Méfiantes. Un instinct peut-être animal, la marque laissée de ses souvenirs oubliés. « Ne cherche pas à me retrouver », avait écrit Zahria dans sa dernière lettre. « Fais-moi confiance. » Voilà un ordre que la praticienne n’avait pas souhaité contrer, trop ancrée dans sa foi familiale pour songer à emprisonner Luciole. Et ce désir de protection avait soudainement planté ses griffes dans son cœur lorsqu’elle avait découvert ce nouveau bracelet d’un rouge flagrant, trace magique susceptible de retrouver Zahria. De la mettre en danger. Elle avait blêmi, et son esprit s’était empuanti de tous les effroyables scénarios envisageables dès cet instant, de même qu’une conviction profonde avait étreint ses entrailles. Elle ne laisserait personne profiter de cette magie.

    Personne.

    Elle avait couru dans sa chambre, avait retourné ses placards, secoué les tiroirs. Sa main s’était refermée sur la pierre de lien, de même que sur une poignée de vêtements et de matériels de montagne. Combien de temps lui restait-il ? Etaient-ils plusieurs ? Penseraient-ils immédiatement à elle ? C’était probable. Elle n’était nulle autre que la colocataire et amie proche de Zahria, susceptible de détenir les meilleures informations à son sujet. Ô comme elle manquait de temps… Calixte et Xylia étaient trop loin, impossible de les intercepter. Ils étaient par ailleurs les mieux placer pour comprendre la position de l’ancien Maître espion, et sans doute refuseraient-ils naturellement de coopérer… Il en irait de même pour Jin, qui se battrait s’il le fallait. Probablement. Restait donc Carci et Naëry. Et Luz avait fait son choix.

    Ce serait Naëry.

    ►◄

    Elle l’avait longuement cherché dans les Montagnes. La pierre de lien n’était pas infaillible et son champ d’action se réduisait au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient. Certaine de ne plus être entendue ni guettée, Luz avait néanmoins fini par extraire son cristal de communication pour l’effleurer de l’esprit et l’enjoindre à l’attendre. Ils s’étaient retrouvés au creux d’une falaise écharpée, la montagne écrasante les surplombant de toute sa beauté singulière, cinglée de vent et de neige givrée. Dans cet écrin de velours ouaté, nul ne pourrait les approcher sans se rendre visible à des kilomètres. Leur plateau miniature offrait un point de vue exceptionnel sur la vallée en contre-bas, n’offrant que des simulacres de cachettes entre de rares pins majestueux. Elle avait observé le ciel, la main en visière sur ses prunelles, les sourcils froncés par l’urgence. Quelle heure était-il ? Le doux soleil d’après-midi versait paisiblement vers le rebord du monde… Bientôt la nuit. Très bien, ainsi en serait-il.

    Un sourire de confiance et d’amour partagé avec son Lynx, leurs peaux chaudes se frôlant tandis qu’ils s’installaient au coin du feu serrés l’un contre l’autre, ils brisèrent ensemble le fil rouge qui reliait leurs poignets. En un bref éclair Luz perçut la présence des autres sous ses paupières, un appui aimant logé contre son cœur et tout aussitôt arraché. La sensation cuisante d’abandon qui en résulta la peina quelques instants, mais elle fut soulagée de savoir Zahria en mouvement.

    Je te donne du temps, ma Luciole, fais-en bon usage.

    Car lorsqu’il viendrait, plusieurs heures se seraient écoulées. La position de l’espionne ne lui serait plus guère d’utilité en l’état, hormis pour offrir un élément supplémentaire à son enquête. Elle se lova contre le corps accueillant de Naëry, se glissa entre ses bras.

    Ne leur restait plus qu’à attendre.

    ►◄

    Il vint peu avant l’aube. Elle l’observa, droite et franche à une poignée de mètres de lui. Son apparence ne lui était pas étrangère, mais pas entièrement familière non plus. Elle creusa sa mémoire, rien ne vint toutefois mis à part des touches infimes de couleurs et… L’odeur des cendres. Elle l’avait vu récemment… Jin ?

    « Nous ne l’avons plus, lui annonça-t-elle d’un ton calme. Le fil rouge. »

    « Ouais, hier soir. Elle était où ? »

    Silence. Et puis, la question répétée une nouvelle fois, de l’insistance tendue dans sa voix. Un quelque chose de mordant. Elle sentit Naëry répondre instinctivement à cette tension, dans la manière qu’il eut de se mouvoir comme pour se positionner à l’orée d’un combat. Elle glissa ses doigts entre les siens, échangea un bref regard avec lui et la ligne de ses épaules se détendit. Confiance.

    « C’était il y a plusieurs heures… »

    Et elle le lui dit. Gageant que sa redoutable et retorse amie aurait préparé une petite surprise à leur sujet en sentant la rupture des deux fils, qu’elle ne l’attendrait sans doute pas sagement à ce point de localisation désormais périmé. Elle espéra qu’il accomplirait ce détour, qu’il perdrait encore du temps supplémentaire à la chercher inutilement là-bas plutôt que de courir chercher un autre fil à couper. Que Luciole prenne garde, certains sbires faisaient décidément preuve d’un attachement fort singulier…

    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Pendus à un fil
    Dim 19 Sep 2021 - 10:38 #

    Putain.

    Je savais que Zahria avait dit à Luz de pas la chercher, et que tout allait bien, ou une connerie du genre. Du coup, j’avais pas creusé plus loin, rangeant immédiatement la médecin dans la catégorie des gens qui me serviraient à rien pour retrouver la patronne. On avait quand même fait surveiller le manoir, des fois qu’elle décide de se pointer pour récupérer des affaires. Chou blanc, évidemment. Le bracelet, c’était une aubaine, et leur nombre s’amenuisait salement à mesure que je les faisais couper.

    M’a fallu des plombes pour la retrouver, avec Naëry dans les montagnes. J’ai la magie à sec, et ça m’a coûté à côté pour les traquer jusque-là. Tout ça pour voir leurs quatre poignets sans le moindre fil rouge, et depuis plusieurs heures. J’ai manqué de les attaquer, juste pour qu’ils crachent le morceau. Pas eu besoin. Failli le faire quand même, pour me défouler. Mauvais plan. Sitôt que j’ai eu les infos que je voulais pas tellement, vieilles de plusieurs heures, j’suis reparti.

    J’ai volé deux heures de sommeil à l’arrière d’une charrette, avant d’arriver au portail de téléportation. Y’a quelques heures, elle était dans le sud. Aucune signification. Ça se trouve, elle saute de ville en ville tant qu’il y a des bracelets. Juste pour nous déboussoler. Ça serait pas déconnant, au rythme où ça va. Même avec seulement trente minutes, on lui a pas mis la pogne dessus, donc les heures détruites par Weiss et Wig, je me foule même pas à essayer de les rattraper.

    J’ai le bocal qui surchauffe. Dans ces cas-là, faut changer l’eau, prendre du recul. Le moment où j’étais le plus proche, c’était cette taverne de merde à la Forteresse, donc c’est là-bas que j’me radine. J’arrive pour le p’tit-déj. Heureusement, Jack est déjà reparti bosser. J’aurais pas été capable de taper à nouveau une discussion absurde, totalement déconnectée. Parfois, j’l’envie : il a une vision tellement belle et positive du monde, et tout roule comme ça pour lui, que ça fait rêver. De temps en temps, j’ai juste envie de foutre un coup de pied dedans, pour voir le château de sable s’effondrer en un tas informe sur le bord de la plage, le quotidien des vrais gens.

    J’secoue la tête. Café, et bouffe. Le tavernier apporte le tranchoir avec le ragoût qu’a mijoté plusieurs jours, les restes de la veille. J’sais pas si je bouffe des légumes, de la viande ou des patates tellement tout est mou et imprègne la sauce, mais ça n’a pas d’importance. Refroidir, prendre du recul. J’envisage un verre d’alcool, mais j’décide contre. Pas le moment, marchera pas. Les yeux dans le vague, j’m’attache à penser à rien pendant vingt minutes, puis j’prends un autre café.

    Restent Calixte, Xylia, Jin et Carci. Les deux derniers doivent être en vadrouille, vu le souvenir que j’ai de leur position quand j’ai tranché mon bracelet. Faudra que je réussisse quand même à leur mettre la main dessus. Luz et Naëry, c’était bon plan, les deux ensemble. C’est ça qu’il faut, un bracelet pour la position approximative, et un second une fois sur place. Ça veut dire les deux espions, ça.

    Mais c’est toujours la tête dans le guidon. Reculer. J’expire longuement, j’envisage une clope. Non. Toujours pas.

    Expire, inspire.

    Petite taverne, mal aérée. Odeur étrange. J’regarde mon paquet de tabac, qu’est bien fermé. Hm. J’adresse un signe au proprio, qui arrive rapidement.

    « Vous faites piaules à l’étage, ou pas ?
    - Non, c’est déjà loué, désolé. Par contre, de l’autre côté de la rue, y’a l’auberge du loup blanc. Ils ont généralement de la place, à cette saison.
    - Oh, merci. On peut fumer ?
    - Oui, allez-y, je suis plus à ça près. Même si ça laisse une odeur…
    - Bah, celle-la ou une autre…
    - Facile à dire quand vous avez l’habitude. Moi, ça me fait éternuer.
    - Ah ? Marrant, ça.
    - Marrant, marrant… pas trop, non.
    - J’ferai dehors, alors, pas de souci.
    - Merci. Vous prendrez autre chose ?
    - Nah, vais voir en face, du coup.
    - Bonne journée.
    - Ouais, vous aussi. »

    Il commence à être le milieu de matinée, mais on pourrait croire que c’est le meilleur moment. De toute façon, j’ai pas envie d’attendre. J’ai l’impression que tout me file entre les doigts, sans mauvais jeu de mot sur ces fils. Ça me rappelle une vieille blague. Dans la rue, quand y’a personne, j’deviens invisible puis j’me téléporte à l’étage. Pas le moment de lésiner. J’passe au large d’un gorille chargé de gérer les entrées en provenance de l’escalier, et j’regarde un peu ce qui traîne. Des babioles, pleins de trucs. Pourrait être n’importe quel groupe de voleurs, si on ignore le fait tout ça est très spécifique. Pas des masses de bijoux et de sacs de cristaux, quoi.

    Dans une salle vide, un cendar avec trois mégots, et la façon si bizarre qu’elle a de les écraser, en les tordant sur la fin. Moi, j’suis plutôt jean-foutre là-dessus, tant pis si ça fume encore un peu. Ça, et l’odeur du tabac qu’elle affectionne tout particulièrement. J’peux pas m’empêcher de prendre une grande bouffée, et c’est les souvenirs qui remontent. J’secoue la tête, j’fous tout ça dans un coin et j’éteins la lumière. Pas le moment.

    Revenu dehors, j’me dis que je vais contacter Feuille, et il se démerdera avec Höls pour voir s’ils veulent surveiller le coin, tout raser, ou attendre un peu des fois qu’elle revienne. J’pense pas qu’elle le fera. Trop de traces, et j’me suis pointé là avec Jack. Par contre, c’est p’tet le moment d’aller visiter les collègues. Deux bracelets, ça se vaut.

    L’impression d’avancer, et pas que vers le portail de téléportation. La blague me revient. Quelle est la différence entre un lien et un nœud coulant ?

    Le cadavre.

    J’me demande qui c’est. Qui ça sera.
    Calixte Alkh'eirDamoiseau
    Calixte Alkh'eir
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    Re: Pendus à un fil
    Lun 22 Nov 2021 - 15:10 #
    Co-écriture Xylia & Calixte: partie 1


    Il n’était pas passé inaperçu, ce fil magique apparu de derrière les fagots à mon poignet le lendemain du Solstice. J’ai déjà bien du mal à me gérer moi-même, à tenter de fondre dans le moule discret des espions ce corps maladroit engoncé dans trois tonnes de bling bling ensorcelé – un jour j’irai voir l’enchanteur du coin pour que tous ces objets de pouvoir et autres fantaisies soient dissimulés, parce là ça devient ridicule – alors si en plus Lucy me rajoute en traître bijoux magiques et tatouages…

    Même si j’avoue que la bague me reliant à Sol, je ne crache pas dessus. Parce que c’est quand même pratique pour… Parce que.

    Ce lien, là, je l’avais remarqué dès le départ. Et étrangement, comme pour certaines choses en Aryon, son mode d’emploi s’était révélé de lui-même par les voix de la magie, du saint esprit, ou des relents d’alcool qui avaient accompagné le réveil un peu trop brutal, beaucoup trop matinal, dans une chambre qui n’était pas la mienne au premier de l’année. Visiblement le Capitaine avait bien fait son travail auprès de la trésorerie du Royaume, la cave du Bastion avait su éponger la soif de tout son régiment pour cette occasion festive.

    Je ne pensais pas en faire grand-chose, de ce bracelet. A part peut-être le couper pour m’en débarrasser. Mais la possibilité de pouvoir connaitre la localisation de toute personne liée avait retenu mon geste, parce qu’on ne sait jamais. Toutes ces âmes que je sentais présentes par ce fil ténu je les connaissais d’une manière ou d’une autre, et la probabilité que j’eus besoin de les retrouver par ce procédé n’était pas nulle.

    Des années au contact d’une famille gérant un système d’assurances, ça laisse des marques.

    Quelqu’un, cependant, a rapidement cédé à l’impulsion. Une identité trouble, irritant la lisière de ma conscience, parfois rappelée par mon teisheba. Sbire, a priori, d’après mon livre mémoire – livre mémoire qui contient presqu’exclusivement des centaines de pages d’informations sur cet homme insaisissable, oubliable, et qui m’est aussi précieux qu’une poignée de cristaux éclatants. Et dont j’espère qu’il ne mettra jamais la main dessus, parce que d’après mes notes il serait bien capable de le détruire, cet orchidoclaste.

    Mais pourquoi pas. Un type dont l’existence s’estompe aussi vite que le sable se déride sous l’ondulation des vagues, doit certainement apprécier de garder l’invisibilité la plus absolue face au monde. Ou pas. Mais d’après mon anti-sèche, c’est le genre de personne pour laquelle, lorsqu’elle marche sur la plage, même la mer se retire avant de revenir pour effacer au plus vite son passage. Il est possible que nos interactions n’aient pas été teintées que de rose – quoi qu’il y ait d’étranges notes sur des thermes que je n’arrive pas à décrypter – et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai écarté la curiosité naissante et abandonné l’idée de m’intéresser au bracelet.

    Et puis il y a eu Jack, assez rapidement derrière. Ça m’a intrigué, mais comme j’étais parti pour rester une heure et demie dans cet encrier sur le bureau d’Al Rakija, je ne m’y suis pas attardé. Mais lorsque les bracelets de Luz et Naëry se sont rompus de concert au creux de la nuit, le doute s’est installé. Une incertitude bordée de curiosité, soutenue d’une méfiance latente pour celui qui avait, en premier, fait sauter le fil.

    Xylia, Carci, Jin, la Maître-Espion, et moi. Voici ceux qu’il reste sur les neuf liés du début. Un cordon se réduisant à peau de chagrin aussi vite que la neige peut fondre sous l’ardeur du soleil. Une évolution qui ne peut pas être due qu’au hasard.

    Je t’aurais certainement rendu visite dans la semaine pour que l’on fête ensemble cette nouvelle année qui démarre, mais il n’est pas impossible que cette situation ait un peu précipité mes pas. J’attendrai avec toi que notre curiosité soit satisfaite, ou que l’ennui – les ennuis – vienne nous trouver.

    Un lien. Tu avais toujours rêvé d’avoir ce genre de chose si palpable avec les membres de ta famille de cœur. Il y a des gens que tu ne connais pas dans ce lien qui vient de se créer, enfin, que tu ne connais pas vraiment, mais n’en restais pas moins la joie sur pur de l’avoir. Comment ne pas l’être alors que tu avais un lien si visible pour toi, si fort, qui venait en plus, sans le moindre doute, des Astres eux-mêmes ? Pourtant, tu le sens au fond de toi alors que ce lien est bien trop fragile, encore plus quand tu as senti deux liens se casser presque en même temps. Pourquoi ? Tu n’en sais rien, mais cela a plongé ton âme dans une infinité de questions. Surtout que tu ne pouvais demander à aucun, vu que tu n’avais aucun lien en dehors de ce bracelet avec ceux ayant rompu contact. Pourquoi avoir été lié à eux à la base si c’est pour finir aussi rapidement ? Est-ce que Calixte saura mieux que toi ? Est-ce que vous serez aussi perdu l’un que l’autre ? Tu ne sais pas et cela t’effraie mine de rien.

    Mais déjà, le voici qui vient nous délier. Il y a des choses qui trompent assez peu : le fait de connaitre le mécanisme d’action de la planque du Village Perché, d’avoir au moins les bases du langage codé des espions, et de globalement ressembler au portrait qui me fait face sur l’une des premières pages de mon livre mémoire. Même si, clairement, la version d’os et de chair a été refaite à coups de truelles, avec comme matériaux de prédilection à la louche : insomnie, café et tabac. Probablement une bonne dose d’obsession, aussi, à la lueur animant ce qu’il reste de cette carcasse en mode automatique.

    En dépit du faisceau d’arguments en faveur du Sbire, en faveur d’une alliance, d’un partenariat, voire d’une camaraderie, j’ai du mal à comprendre la tolérance sous-tendue d’une confiance à mi-mot exprimée dans mon livre mémoire. L’intérêt, sans émoi ni interrogation morale, je comprends. Il a peu de chose moins curieuses qu’un homme à l’empreinte d’un post-it dans la lumière et l’envergure possible d’un léviathan dans l’ombre. D’un présent si rapidement décousu que son passé n’a presque pas de réalité collective et que son futur n’est qu’un mirage solitaire. Comment se construit-on, lorsqu’on ne peut prendre substance ?

    Il n’y avait certainement que la Maître-Espion, pour donner un semblant de stabilité à cette existence. Et c’est certainement la raison pour laquelle les fils ont été rompus, menant le spectre d’une vie jusqu’à nous après ce qui a dû être une série d’échecs.

    Je te regarde un temps, prenant la mesure de tes expressions. Encore juvéniles, encore napées d’innocence, encore drapées d’espoir. Fondues dans une confiance absolue pour cette famille dont la tête s’est dévissée pour aller voir ailleurs. Voir si l’herbe n’était pas plus verte, ou peut-être se trouver les épaules qui lui manquent terriblement. Toi, tu l’aimes encore, cette douce illusion. Pendant que moi je peine à comprendre pourquoi je suis encore là malgré les mots couchés sur le Sbire, dont mon acceptation ne tient qu’en ma foi envers la Maître-Espion. A rien, donc, présentement. De la fumée aurait plus de tangibilité que les certitudes que j’aies actuellement pour l’Ombre et son Sbire. Alors si ce dernier veut lui mettre la main dessus pour poursuivre leur tango enténébré, je n’ai rien à y redire, d’autant plus avec la bénédiction du Commandant.

    Mes doigts se posent sur ton épaule, pour te rappeler que si le Sbire veut nous embarquer dans sa chasse, alors nous irons tous les deux. Et c’est peut-être bien ça, la raison pour laquelle je reste. J’ai la maladresse et la malchance contre moi ; médiocrité aurait pu être mon deuxième nom. Mais culpabilité aurait pu le remplacer, loin des jeux d’ombre de la Maître-Espion. Il parait que l’enfer est pavé de bonnes intentions, on omet de mentionner les échecs et les cadavres jonchant le chemin de notre cheffe.

    Tu détestes cette situation. Plus que tout, tu voudrais être si loin de ce qui semble être une menace pour Zahria. Est-ce que tu n’es pas toi-même une menace pour elle si tu ne suis pas les ordres ? Est-ce qu’on ne préférera pas effacer la mémoire d’une espionne défaillante plutôt que de tenter de la faire suivre le chemin voulu ? Certainement. Tu sais que la lutte est dangereuse, mais en même temps tu as si confiance en Zahria. Si elle est partie, c’est qu’elle avait forcément un plan. Elle n’est pas une traîtresse, elle devait agir comme cela pour le bien de tous. Elle a toujours agi ainsi. Höls est simplement frustré de ne pas tout savoir, de se faire dépasser par son élève, mais tu sais que tu dois la fermer. Tu n’as pas envie, mais tu te plieras à l’ordre en priant les Astres de ne pas la trouver, qu’elle soit plus rapide que vous, qu’elle ait déjà prévu cela dans ses plans. Elle doit l’avoir fait. Tu le sens dans tes entrailles.

    Et cela se sent dans l’ambiance tendue. On repassera pour l’hospitalité, mais s’il veut un café ou un coin de lit, il peut se les dégoter tout seul. On est prêts depuis un petit moment déjà, alors autant se mettre rapidement en mouvement. La journée est encore jeune, cet interlude sera certainement l’affaire d’une poignée de minutes, maximum quelques heures. Puis, réussite ou nouveau revers, plus rien ne justifiera de jouer les prolongations côté semblant de camaraderie. Rajustant Abdallah sur mes épaules, pendant que Vreneli s’en extirpe pour jauger le Sbire du regard, je sors ma boule de vision. Apparemment l’Ombre fait des passages récurrents dans le coin, ça serait bête de claquer un bracelet et de la prévenir si en fait elle loge dans la maison d’à côté.

    Lui Vrenn ? crépite le teisheba contre mon esprit tandis que l’image dans l’orbe se stabilise peu à peu. Bonne tête pour bagarre, approuve évidemment le familier. Allez taper gens ?

    Ton exclamation au décor à la fois urbain et forestier en dit plus long que tous les discours : elle est là, dans cette même ville où nous sommes, et dans un coin qui ne t’es pas inconnu.

    On part en chasse de la Maître-Espion. Tu peux l’électriser au besoin, oui. Il ne faut pas qu’elle s’enfuit.

    Pendant que tu décris le lieu dévoilé par la boule de vision, t’avançant vers la carte du Village Perché accrochée au mur et garnie de punaises colorées que tu déplaces pour délimiter le secteur reconnu, le Sbire indique de tapotements de doigt fatigués les précédents emplacements livrés par les précédentes ruptures. Et dans la valse des informations, pour tout ce qui nous oppose, il semblerait que lui et moi soyons indifférents à tes états d’âme muets, à tes propres tourments internes.
    Xylia MavrocordatoAnguille sous roche
    Xylia Mavrocordato
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    Re: Pendus à un fil
    Lun 22 Nov 2021 - 15:12 #
    Calixte ne semble pas être du même avis que toi dans cette chasse. Tout comme Sbire. Aucun d’eux ne semble comprendre et cela te dépasse, mais toi-même ne dis rien contre cela. Les ordres viennent de trop haut pour le faire et c’est ce qui te frustre terriblement. Tu enfiles le déguisement magique que te passe ton frère de cœur, mais cela ne rend pas le moment moins pénible. Tu continues de grogner de temps en temps sur le fait que c’est une idée de merde de faire cela, mais suis le mouvement. Tu es un chiot assez docile même si tu aboies parfois. Tu as presque envie de saboter cette chasse, mais cela signifierait la fin de tous tes efforts et Zahria a besoin de garder une personne qui croit en elle à l’intérieur de la famille. Tu pris de toute tes forces intérieurement alors que tu obéis aux indications de Calixte. Tu en veux un peu à Sbire, mais c’est dit que c’est un bon gars dans ton carnet, peut-être que lui aussi n’a pas le choix dans cette histoire. Qui a vraiment le choix chez les espions de toute manière ? Pas grand monde.

    Il fait un froid d’arktigor, et j’espère que tu profites du vêtement enchanté pour te draper d’un lainage. Le feu de l’action devrait bientôt chasser l’inconfort de la froide caresse du vent, mais dans l’attente du signal du Sbire les minutes paraissent bien longues. Et glaciales. La mutation au Grand Port, c’était clairement pas une mauvaise idée.

    Non, vraiment, c’était pas une mauvaise idée. Sans elle pas de Sol, pas de…

    L’injonction du cristal de communication me tire des doux songes où mon esprit s’était éclipsé, et d’un geste dépourvu d’hésitation je libère mon poignet d’un coup de lame wardän. Grâce à ton expertise du coin et de l’utilisation de certains objets enchantés – notamment les bagues de communication animale, pour ne citer qu’elles – nous avons pu affiner la localisation de l’Ombre avant de déterminer précisément celle-ci par l’un des bracelets. Ca devrait davantage la prendre de court, même si elle devait bien se douter que son Sbire ne tarderait pas à se relancer à ses trousses. Nouveau bip de ce dernier, mais un peu tardif à en juger par la fenêtre qui s’ouvre à la volée au-dessus de ma tête pour cracher une Ombre qui s’empresse de reprendre sa course une fois sur le balcon adjacent.

    Vas-y, j’indique à Vreneli qui ne se fait pas prier tandis que la silhouette moins gracieuse de Vrenn s’échappe à son tour du cadre pour sauter à la suite de la Maître-Espion.
    - Mon côté, je t’indique succinctement via le cristal de communication.
    - Je sais, réponds-tu le souffle court, visiblement aussi en mouvement.

    Clématite est donc en place, avec le talisman de localisation que je t’ai prêté. Certainement l’Ombre peut-elle s’en douter, selon comment le Sbire s’y est pris pour l’en garnir, mais pour le moment le traceur gluant parait être bien en place.

    Je perçois de temps à autres le flash lumineux de ce que j’interprète être la hargne du teisheba – à moins que ce ne soit l’utilisation de pouvoirs de la Maître-Espion – mais mes bottes de propulsion mettent encore une grosse poignée de secondes avant de me permettre de me retrouver sur le même plan que celui-ci, l’Ombre et le Sbire. Enfin, l’Ombre. Si je ne fais aucunement confiance à l’homme qui la traque, il faudra bien là-dessus lui accorder un peu de foi. Car rien, dans la silhouette encapuchonnée, si ce n’est peut-être la démarche difficilement modifiable sur cette fuite effrénée, ne me rappelle notre cheffe. En même temps, sauf si on blesse réellement un ou une innocente, je m’en fiche un peu de la réussite ou de l’échec de cette mission. Lichael me va très bien comme Maître-Espion intérimaire.

    Je me souviens parfaitement de qui m’a répondu en premier pour Ruth, pendant que certains tentaient de s’enfiler. L’amertume colle durablement au palais.

    - Elle nous fait tout visiter, je note alors qu’on dépasse les murs arrières, étroitement imbriqués dans les racines aériennes d’un tourbium, de l’enceinte de la Grande Bibliothèque après avoir longé les principaux entrepôts de nourriture de la ville et traversé un cimetière militaire suspendu.

    Les pas de l’Ombre changent brusquement de cap, te laissant apparaitre un peu plus loin – comme quoi il y a des avantages à connaitre le coin presque comme sa poche – et la course poursuite prend des allures de descente audacieuse de plateformes en ascenseurs et cordages divers. Ou, de chute libre pour moi.

    Il est possible qu’une légère exclamation de surprise m’ait échappé. Ou un glapissement.

    Heureusement, ma fusion est une réponse sacrément chanceuse à ma maladresse, et la bascule providentielle d’une cage ascensionnelle m’apporte sous les doigts le câblage nécessaire pour me couler jusqu’à la nacelle. Alors que je défusionne, je… Par le royal scrotum ! Quel est l’enfoiré d’oiseau qui vient de larguer sa pêche sur mon crâ… Ah non. Je récupère le corps flasque de Clématite, qui a dû se défaire de sa cible à l’occasion de l’utilisation de magie, ou jetée sciemment par celle-ci à ma tronche. Le temps de percuter pleinement ce que cela signifie et les jurons de Vreneli, faisant écho à ceux du Sbire fendant le calme alentours, retentissent contre mon esprit. L’instant d’un battement de cils, l’incertitude suspend nos gestes puis, avant que toute seconde supplémentaire n’offre à la fugitive davantage d’opportunités, ta voix traverse l’espace pour mettre en lumière l’Ombre dissimulée encore plus bas, dévoilée par un nouveau fil rompu. Le doute latent dans ton timbre, mêlé à des émois plus complexes, attire mon attention pendant que le Sbire, au contraire, se relance dans la course.

    Quelque part, ça t’amuse. Le fait d’être menée en bateau ainsi, comme si c’était un jeu de piste où elle offre des indices pour la suite. Oui, il n’y a plus de doute en toi, elle sait et n’a pas coupé son fils pour une raison très précise. Pour ce moment, pour offrir ce qui se passe là. Cette chasse est importante pour elle et donc tu suivras sa volonté. Même si tu ne la connais pas parfaitement tu es sûre de toi là-dessus.

    Mais il ne faut pas plus qu’un nouveau couple de dizaine de secondes pour que la course poursuite nous fasse atterrir dans une clairière d’or et de ténèbres. Les orbes de lumière encore allumés contre les chemins et les bâtiments éparses que le couvert charnu de la forêt vient ici réclamer sous ses lourds branchages. Les ombres partout plus épaisses comme la clarté du jour peine à traverser le feuillage dense de la végétation.

    Soit elle a les gluteus maximus bordés de nouilles, soit elle est très – trop – bien préparée pour ce genre d’exercice.

    Evidemment, c’est le moment que l’Ombre choisit pour s’évanouir complètement entre les bras avides de la sylve. Présente un instant contre la façade condamnée d’un ancien cabinet de psychologie, et disparue le suivant. Suffisamment rapidement pour qu’aucune créature du coin ne sache répondre de la direction qu’elle a pu emprunter. Suffisamment intelligemment pour que les boules de vision ne révèlent rien d’autre qu’un labyrinthe végétal moqueur. Face à l’anonymat commun des parterres de trèfles collants bordés de vezenta et surplombés de colonnes de tourbiums, même ton regard acéré est démuni. Il aurait été bien plus simple pour nous de la voir foncer vers le portail de téléportation, mais ça n’a pas l’air d’être dans ses plans actuels. Traçant distraitement des arabesques dans la poussière accumulée sur la plaque d’une certaine madame Ariadna Adarin, je te regarde tenter de localiser la fuyarde.

    - Nous avons un cadeau à vérifier de sa part.

    C’est dit d’une manière beaucoup trop neutre pour tes propres oreilles, mais ça n’en reste pas moins vrai. C’est un présent à possible double tranchant, plus qu’à savoir de pourquoi elle voulait qu’on arrive là exactement. Cela te brise le cœur de ne plus avoir ce lien si doux et important au poignet, d’avoir peut-être par cette action commis une trahison à ta famille en prenant une partie et non l’autre. Dans tous les cas, tu donneras les informations possibles sur cette Ariadna. Juste plus tard, quand tu ne seras pas en train de pleurer d’avoir l’impression que ce soir était le tournant de toute une vie. C’est stupide parce que tous les jours sont le tournant d’une vie, juste on ne le sait pas. Heureusement, Calixte sera là pour que tu ne pleures pas trop pour rien.

    Mon regard glisse vers le Sbire qui contemple la boule de vision comme s’il hésitait à éclater celle-ci sur la tête du premier passant – autrement dit, la mienne – ou à partir ratisser l’entièreté de la Grande Forêt au peigne fin là, maintenant, tout de suite. Pas sûr cependant que le Commandant détourne tous les Belluaires pour chercher une Maître-Espion qui joue à cache-cache dans les fourrés, même si retourner tous les arbres ça pourrait carrément tenter la lieutenant Anggun.

    En tous cas, ça sera sans moi.

    Je me retourne pour poser ma main sur ton épaule, mais la réassurance soutenue d’indifférence emmaillotant mon geste se heurte à l’émotion mal contenue dans le fond de tes yeux. Me faisant hésiter le temps d’une seconde, et frôler maladroitement le doute empli de dissonance qui ne cesse de croitre au fond de moi. Mais il y a là, j’en ai l’intime conviction, des monstres tapis dans l’ombre de cette épine de discordance, qu’il me serait bien trop dangereux de libérer. Alors mon regard s’arrache avec l’habitude de la lâcheté vers le Sbire, pour m’éviter de m’y attarder. Et, peut-être, dans la brume du souvenir de ce qui a dû être, proposer à l’homme :

    - Je peux contacter Carci et Jin, si tu veux.

    Puisqu’il ne reste plus qu’eux. Et autant je n’ai aucune confiance dans le Sbire, autant j’ai la certitude que les deux aventuriers n’ont rien à craindre de sa part. Qu’ils peuvent très bien lui latter la gueule si besoin.

    Pendant que mes doigts cherchent les contours arrondis du cristal de communication, mes yeux te trouvent à nouveau. Un léger sourire encourageant sur les lèvres, en réponse aux interrogations battant toujours de concert dans notre chair. Si le temps d’une poignée de minutes la vie s’est suspendue aux pas fuyants de la Maître-Espion, elle continue inlassablement. Et, malgré tout, je suis pressé que l’on reprenne les préparations de ces festivités Astrales de la nouvelle année que tu m’as expliquées plus tôt.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Pendus à un fil
    Lun 17 Jan 2022 - 14:01 #


    L'air glacial que j'essaye frénétiquement de faire rentrer au plus vite dans mes poumons me transperce le torse à chaque inspiration, mais c'est une douleur nécessaire, après la course qu'on vient de se faire. Le Marchombre me permet de disparaître vite, et loin, mais je suis toujours essoufflée quand je suis certaine de les avoir semés. Ils doivent avoir compris, maintenant, ce que j'essaye de faire. Et s'ils ne sont pas trop bornés, ils vont en profiter pour suivre les pistes que j'ai laissé, avant d'aller chercher les deux derniers bracelets.

    Enfin quoi que, on parle de Vrenn, là. Il en a probablement rien à foutre, de la piste de la Cabale, s'il a décidé de me retrouver, il lâchera pas tant que ça ne sera pas fait. Mais je me demande comment il compte faire mieux que cette fois-ci. Leur plan était bien cadré, et ils avaient tous les atouts pour m'attraper. J'étais pas sereine, lors de la course-poursuite. Et je me suis pris un peu trop d'éclairs de la part de Vreneli, je douille un peu.

    Alors quoi, il va demander à Carci de me tirer une flèche dans la jambe, qu'elle ne pourra pas rater, et à Flammèche de tout cramer autour de lui ? Oh. Ça y est, je sais où je vais après ça. Je sais ce que je vais lui montrer, à Vrenn. J'espère qu'il profite bien de mes cadeaux, en tout cas.

    Je finis par retrouver Ykhar au lieu de rendez-vous prévu, et lui bande les yeux avant de lui partager ma vision. Je la mets en route vers le nord. J'en ai pour quelques jours de trajet, mais avec un peu de chances, Vrenn ne trouvera pas la Saphir Géniale et le Châtieur Ardent trop rapidement. J'espère juste que Calixte ne s'est pas fait mal, quand il est tombé sur l'ascenseur. Je lui ai renvoyé son familier un peu violemment, mais ça devrait aller.

    Alors qu'Ykhar galope dans la forêt, je réfléchis à la suite. Deux bracelets, ensuite Vrenn ne pourra plus utiliser cette piste-là pour suivre mes miettes de pain. Je dois lui laisser d'autres indices. Tout en continuant à échapper à la vigilance de mon père, qui doit se demander ce que je fous, alors qu'il refuse de me laisser sortir en temps normal. L'impression d'être une gamine qui fait le mur. A mon âge, je devrais m'affranchir de lui, hein...

    Quand la nuit tombe, on fait une courte pause pour nous restaurer et souffler un peu, puis Ykhar, motivée par l'obscurité, me fait monter sur elle. Je somnole sur son dos alors qu'elle continue à avancer jusqu'au petit jour, où je prends le relai, la laissant dormir dans sa bulle de rangement dans mon sac sans fond.

    Nous marchons à cette allure, longtemps. On finit par atteindre une planque de la Cabale, et je fais envoyer une missive à mon père, pour lui expliquer que je suis poursuivie par les espions et que je fais me réfugier au nord. Je prends le soin de ne pas lui dire dans quelle planque je vais. Histoire qu'il soit un peu moins suspect, quand elle sautera. Si les espions et Höls sont intelligents, maintenant qu'ils vont avoir compris à quoi je joue, ils vont étaler leurs attaques sur les endroits et les personnes que je leur révèle sur plusieurs lunes, pour ne pas faire exploser ma couverture.

    Quand enfin je sens l'air iodé me titiller les narines, et que les arbres se font de plus en plus rares, je sais que je suis arrivée à la carrière de cristaux. C'est un tout petit endroit, à peine plus grande qu'un champ. La garde aurait mis la main dessus depuis longtemps, sinon. Mais la Cabale a réussi à récupérer dans cette cuvette, entre la mer, la montagne et la forêt, cette minuscule carrière où ils extraient des cristaux inertes, prêts à être enchantés. Je prends l'apparence de Calia Dewig et prétend venir pour un contrôle de qualité. On m'offre le repas, et la visite. C'est parfait. Quand les six heures du médaillon d'Ovide sont écoulées, je refuse l'invitation à rester dormir dans leur campement, et prétexte un rapport à rendre au plus vite pour quitter l'endroit.

    Je monte mon campement un peu plus haut, en amont de la carrière. Confortablement installée dans ma tente chauffante, je me laisse bercer par le son des vagues s'écrasant contre la falaise, en attendant que le prochain bracelet soit rompu.

    Jin HidoruLe Châtieur Ardent
    Jin Hidoru
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    Re: Pendus à un fil
    Jeu 20 Jan 2022 - 16:57 #
     


    J'suis chasseur de prime. 

    Ca, c'est quand je joue pas les aventuriers à cramer mon environnement pour deux babioles, une caisse de pognon et des runes incompréhensibles. Je suis chasseur de prime, quand un client me demande de traquer, trouver, et fracasser quelqu'un. Il paye. Il mérite. 

    Je pose mon châtiment. 

    Dans le Hall de la guilde, j'tiens encore ce cristal de communication dans le creux de ma main. Elle tremble. Mes mâchoires serrées, j'ai encore la voix de Xylia qui résonne dans ma caboche et mon esprit. Je croyais que nos chemins se séparaient, Luciole. Je croyais que tu ne voulais plus me voir parce qu'on avait fait un bout de chemin ensemble, suffisant. Qu'il fallait que ça se termine, et que les au revoir c'est pas trop notre truc. Des fois il m'arrive de penser à toi pour être sûr de pas oublier ton visage. Mais, oui. Je réalise doucement, maintenant. 

    J'vais devoir te traquer, et te trouver. Et s'il le faut, poser mon châtiment. 

    J'essaie d'approcher le cristal à ma bouche, Xylia m'appelle plusieurs fois par mon prénom, car j'arrive pas à baver un seul mot. Un regard sur ce bracelet. Moi qui pensait que j'avais juste abusé sur une murge couplée avec une mémoire approximative, que j'aurai gagné dans un jeu débile. Au début, j'savais même pas pas pourquoi j'l'ai gardé. Puis, j'ai senti. Toutes ses personnes, que j'connais pas forcément, du moins pas directement. D'autres où j'ai eu la chance d'échanger, et même partir avec eux. Puis y'avait toi. Zahria. 

    Il fallait maintenant parler. Des mots durs à dire. 

    J'vous suis pour la chasse, j'arrive. Fini, la cavale.

    J'vais ranger la caillasse de com' dans la poche intérieure du manteau. Mon poing va partir sur un mur. La range bouillante dans les veines. Je déteste absolument tout de leur plan, mais faut croire que c'est un mal nécessaire. On ne me dit pas tout. J'trouve ça assez étrange qu'on déploie un dispositif pareil seulement pour retrouver les miches d'un Sergent. Et c'est qui, Sbire ? Apparemment, c'est au nord que ça se passe. T'avais tout prévu, hein Luciole ? Mais est-ce que tu penses sincèrement que Jin Hidoru a besoin de flammes pour foutre des branlées ? Je n'ai jamais travaillé avec La Saphir Géniale. Et jamais j'aurai pensé qu'on viendrait se mettre ensemble pour une mission pareille. 

    On traque une ennemie ? On cherche une amie ? On sauve une âme perdue ? Peut-être tout ça à la fois. Ce que j'sais en revanche, c'est que ça doit se terminer. Coûte que coûte. 

    ***

    Cape anti-climat. Ouaip, bien joué Luciole. J'me les gèle. Carci était à mes côtés avec sa loutre, sur le chemin de la téléportation. On a marché jusque là-bas. J'ai pas réussi à parler des masses, j'ai pas réussi à sourire, ni non plus m'éclater le bide de rire avec La Saphir bien plus pétillante, légère et positive. Une armure ? J'en sais rien, mais ça marche. Bientôt on retrouve l'ambiance glaciale du Nord qui éteint la flamme intérieure comme on souffle dans une bougie. Les autres sont là. Des gardes sont à proximité. Une tronche me revient pas par contre. Il s'approche, occupé à zyeuter mon bracelet qui entoure ma manche droite. Plus j'détaille cet homme, plus il me donne envie de lui éclater la tronche contre un rocher, jusqu'à ce que sa gueule ressemble à une tarte aux fruits rouges. J'sais pas si c'est le froid, mais j'suis pris de picotements à l'épaule. L'épaule ? 

    - Prêt, Jin ? 
    - T'es qui ?
    - Quelqu'un que t'oublieras, peu importe. 
    - Très heureux de le savoir. Tu sais qu'elle ne se laissera pas faire ?
    - Non, tu crois ?

    Luciole, tu fais chier. J'plisse les yeux. 

    - D'accord, on la dézingue. Carci, tu as quelque chose qui permettrait également de la retrouver plus vite hormis ton bracelet ?

    Fin de matinée. Le froid sec, coupé par quelques bourrasques légères qui me poignarderaient si j'étais pas protégé de ma cape. M'assurant que la capuche me couvre bien la tête, j'sectionne le bracelet d'une des serres de mon gantelet. La magie s'enclenche comme une évidence. Nos visages se redressent dans une réaction spontanée et soudaine. Le moment de cavaler. Des ordres sont donnés aux gardes qui prennent directement une direction pour ratisser large, et nous voilà tirer tout droit sur le bon cap. Zigzagant entre les arbres enneigés, mes foulées ne perdent pas en puissance. La distance que nous essayons de réduire par tous les moyens. Chaque pas me ramène à une image. Une image où Luciole est à mes côtés. Même les mauvais moments devenaient des souvenirs plus lumineux et agréables. 

    Ne réalisant toujours pas que je suis en train de la chasser comme une simple criminelle. 

    Mais qu'est-ce t'as foutu, Luciole ?

    Carciphona IxchelSaphir trop géniale
    Carciphona Ixchel
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    Re: Pendus à un fil
    Sam 22 Jan 2022 - 21:11 #
    Pendus à un fil Bb_cod12



    Franchement, Zahria, qu’est-ce que tu as foutu pour qu’on me demande de faire l’impossible. Calixte veut que je te retrouve, c’était une question de vie ou de mort où j’essaye de m’imaginer pour que ce soit ça. Je sais qu’elle fait sa rebelle, sa mystérieuse et qu’elle refuse toutes mes avances mais de là que je traverse tout le pays pour te retrouver ? D’ailleurs pourquoi des gardes font appel à mes services ? Si je dois lui tirer dessus, c’est mort, même pas en rêve que je fasse une chose pareille mais si c’était quelqu’un d’autre ? Si c’était moi qui t’intercepte, j’avais une chance de limiter les dégâts. Au mieux, tu vas boîter quelques temps… au pire, tu risques de perdre quelques neurones.

    Rah, tu m’énerves puis comment dire non avec Calixte de l’autre côté du cristal de comm. Il a l’air désespéré et moi, je n’aime pas entendre les gens renifler derrière. Zahria, je fais ça vraiment parce qu’on est amie mais ça va te coûter terriblement cher.

    Bon, j’ai rendez-vous à la guilde avec le chasseur de prime. Super, ça voulait tout dire ça. Un mec qui est payé pour attraper les vilains et si en plus il les ramène en mauvais état, c’est encore mieux. Faut que je me renseigne comment il compte s’y prendre pour l’attraper et il me restera à le doubler quelques secondes avant. Zahria, si tu es vraiment une criminelle et que je t’aide, Lin va définitivement me tuer et moi, je m’en voudrais. Lucy, s’il te plaît, essaye d’être gentille avec moi pour une fois. Je prends mon masque de la fille toujours joyeuse alors que pas du tout, aujourd’hui était une matinée pourrie. K’awill essaye de faire son mieux mais ce n’était pas ça surtout quand je vois enfin mon collègue de traque. Jin Hidoru, le châtieur ardent. Un chic type a ce qui paraît sauf s' il compte faire du mal à notre cible.

    Lui aussi ne semblait pas le plus heureux du monde de cette mission.

    - Alors tu la connais toi aussi ?  

    Bon, pas besoin d’en dire plus. Il la connaissait et je crois qu’ils étaient peut-être plus. C’était ma chance, il ne compte pas la tuer mais entre le devoir et la raison, il y avait qu’une limite. Bref, je lui tapote l’épaule avant de commencer mon numéro.

    - Bon, c’est parti pour aller dans le grand Nord ! Le premier qu’il l’a trouvé paye une tournée à l’autre. D’acc ?  

    On sort, on prend nos affaires, nous voilà partis pour les téléporteurs.

    ***

    Le froid était intense, j’avais pris les affaires nécessaires pour ce genre de cas. K’awill avait son talisman chauffant, il était le plus heureux du monde alors que j’essayais de voir à l’horizon. Du brouillard et des chemins escarpés. Le meilleur terrain pour essayer d’effacer ses traces, Zahria avait tout compris et je sens que les prochains jours vont être long… très long. Nous avançons ainsi pendant quelques heures, le brouillard se lève mais le froid est toujours présent. Nous étions accompagnés de garde et d’un mec qui me rappelle vaguement quelque chose. K’awill m’assure qu’on le connaît mais qu’il n’était pas très gentil. Pour une fois, je vais croire ma loutre, il n’avait rien d’avenant ce type là.

    - Jin, j’ai cru comprendre que tu étais un homme qui maîtrisait le feu ! Tu n’as toujours pas trouvé le moyen de faire un feu portatif pour toujours te tenir chaud ? Parce que là, tout de suite, ça m’arrangerait !  

    Rien que l’idée d’un bain chaud ou même un abri contre son vent, ça serait le rêve. Puis je viens de penser, c’est une mission mais est-ce que je vais être payer dans l’histoire ? Un truc de la garde, les rois pour entuber tout le monde, je vais devoir me brosser.

    - Ah oui donc si tu un homme de feu, tu peux servir de bouillotte ? C’est décidé, ce soir, je dors avec toi !  

    Je vais arrêter de l’embêter, il va finir par me lancer par-dessus le premier ravin qu’il verra. On continue notre marche forcée et la pause arrive enfin. Un semblant de plan est en train de se pondre.

    - Euh mon bracelet ? Calixte m’a dit qu’il faut que je le casse au moment opportun, je ne sais pas trop à quoi il sert mais je sais que depuis quelques jours, je vois les images des autres avec qui j’étais lié. Franchement la magie de nos jours.

    Lin a essayé de m’expliquer l’enchantement mais c’était du charabia pour moi encore une fois. Au lieu de ça, je sors ma boule de vision.

    - J’ai ça mais je ne suis pas sûre que ça nous aide vraiment, je ne suis pas une pro du Grand Nord.  

    Comment ça fonctionne déjà, on secoue, on pense à l’autre et on voit où il se trouve.

    -  Bon, vous êtes prêts ? Je vais dire ce que je vois

    Je plaque aussitôt mon cristal de souvenir sur mon front, comme ça, je vais pouvoir enregistrer ce que je vois en même temps. Allez, pense à Zahria… je souffle, j’agite le truc et me voilà prise dans ce flux magique.

    - Des montages, étonnant hein ! Des montagnes, le soleil se trouve sur la droite de celle-ci, je la vois de dos, elle se dirige vers les montagnes. L’un d’entre elle, elle a une fourche importante, un peu comme un trident. Les arbres sont encore présents dans la vallée mais la route est faite de pierres, un cours d’eau se trouve sur la gauche, il semble de partir de la montagne plus à gauche. Je vous dessinerai ça plus tard. Nous sommes en hauteur et quand je me tourne plus sur la droite, je crois voir Forteresse. Nous allons dans la bonne direction. Nous devons aller vers l’Ouest.  

    J’arrête aussitôt l'interaction et quitte la selle de K'awiil. Je fouille dans mon sac et jette ma carte holographique au sol. Tout le royaume se modélise, je pointe du doigt les montagnes que je pense avoir vu. Le seul problème, c’était la notion de distance.

    - Elle va dans cette direction, c’est certain mais il y a peut-être des pièges. Cette route, c’est une route de transports de marchandises mais elle va finir par la quitter, c’est certain, elle n’est pas aussi bête.  

    Je réfléchis deux secondes et je montre plusieurs pistes qui quittent le sentier principal.

    - Il faut se dépêcher et arriver ici. Je pourrai de nouveau faire la boule de vision. En fonction de la position du soleil en temps réel, on va savoir quelle direction elle prend. Si elle veut nous pourrir la vie. Elle prend l’ouest et s’enfonce dans la forêt. Si elle veut rejoindre une planque, plein Est et elle grimpe le flanc de la montagne mais ça, je ne suis pas dans sa tête.  

    Je me frotte le poignet, si j’arrache mon lien, on aurait une indication plus précise mais on devrait l’utiliser en dernier recours. On doit le faire à l’ancienne et je dois absolument être la dernière à casser ce bracelet comme ça je pourrais aussitôt l’attraper.

    - Oh attendez avant de repartir, je change de bottes !  

    J’enfile mes bottes magiques, je vais avoir froid, je le sais mais double ration de chaussette. Si il neige, je vais pouvoir courir avec ça, enfin du moins léviter par-dessus. Ils ne sont pas censé le savoir mais j’ai mes chances…

    - Bon les gars, direction plein Ouest !  

    Je grimpe sur le dos de K’awill et nous reprenons notre route. Je fouille dans mon sac et essaye de trouver des munitions non létales. Je pourrai prendre une fléchette gros dodo mais ils vont réussir à la capturer comme ça. Est-ce qu’ils savent que je ne peux pas rater ma cible ? Est-ce pour ça qu’ils m’ont demandé de le suivre, pour l’abattre à distance ? Comment justifier que je vais la rater, je ne veux pas la tuer. C’est mon amie mais aussi de Luz, Naë, je ne veux pas être celle qui l’a tué, qu’est-ce qu’il en pense le chasseur de prime ? Si je doute, l’autre qui me regarde méchamment va prendre les choses en main.

    - Sinon on mange quoi à la pause ? Je commence à avoir la dalle moi !  
    - On n’a pas le temps pour ça, avance Ixchel.
    -  Okay, Okay. je ne suis pas là pour souffrir vous savez !
    - On doit la retrouver alors avance.
    - Tu peux être aimable, ça serait chouette tu sais !  
    - Pas nécessaire.

    Je laisse tomber, je parle avec une porte de prison. J’avance, K’awill me distrait par télépathie. Il me raconte la fois où il a fait de la luge avec Jack. On avait bien rigolé ce jour-là. Je ne sais pas comment il a réussi à ne pas mourir en se tordant le cou mais la mission a été rondement menée.

    - Hey Jin, vu qu’on a du temps à perdre. Si on se racontait des choses marrantes.  

    Je m’approche de lui, plus près. Je n’ai pas envie que tout le monde entende.

    - Alors, c’est comment avec Zahria ?  

    Je ne sais pas si il comprends tout de suite alors je ne vais pas faire un dessin mais je vais mieux illustrer mes propos.

    - On s’est embrassé qu’une fois toutes les deux mais je sais qu’elle a un petit truc, je le sens. Mais bon, j’ai quelqu’un dans ma vie et je ne pense pas que je puisse connaître les tendresses de Zahria un jour ! J’aurai dû la croiser plus tôt !  

    Je ris avec moi-même. Son regard doré me transperçait, j’en suis certaine.

    - Dis Jin, si l’autre là, il te demande de la tuer, tu le ferais ?

    Pas besoin de pointer du doigt le garde à l’aura austère, on sait très bien tous les deux de qui on parle.

    -  Je ne suis pas chasseur de prime. Tuer les gens, ce n’est pas mon travail et même lors de mes missions, je ne fais pas ça sauf si ma vie est en danger. Nous avons tellement d’artefacts magiques qu’il est assez facile d’immobiliser quelqu’un. Dis moi que tu as quelque chose pour ne pas la réduire en cendres s’il te plaît. Si elle fait ça, elle avait une raison, je veux l’entendre de sa bouche, pas toi ?

    Oui, essayons de toucher son coeur. Je sais qu’il en a un à travers ce qu’il montre. Zahria choisissait toujours bien ses amis, ses compagnons.

    - Enfin déjà, il faut la retrouver et rentrer en vie. Il fait un froid monstrueux et je pense que je vais vraiment finir par dormir près de toi sous la tente.  

    Je lui tapote l’épaule.

    -  En tout bien tout honneur. Puis sache que je préfère les femmes même si avec tes longs cheveux…

    Je lui attrape une mèche pour le taquiner.

    - Allez, trêve de plaisanterie, nous avons une amie à tirer d’affaire…




    Pendus à un fil Carci111
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Pendus à un fil
    Sam 5 Fév 2022 - 11:20 #

    J’avais oublié qu’Ixchel était autant une pipelette. Pas d’humeur à écouter ses conneries, donc j’coupe le son pour m’isoler dans mes pensées le temps du trajet. C’est nos derniers bracelets, alors si ça foire, on sera Gros-Jean comme devant. Höls a pas mégoté, du coup : il nous a dégoté des gardes qu’on pour ordre de participer gentiment et d’obéir à ma fausse plaque de sergent de la civile. Enfin, fausse… C’est une vraie, mais elle est pas vraiment à moi.

    On a bien avancé avec les boules de vision, et on a même un guide du coin qui reconnaît vaguement les montagnes, les vallées encaissées et autres conneries de bouseux qu’on lui montre, avec Carci, quand on pense très fort à Zah. Ils ont leurs doutes, les deux, mais heureusement que Damoiseau et Anguille les ont convaincus. Moi tout seul, ça n’aurait pas suffi, et s’il avait fallu taper Hidoru à nouveau… Ca aurait fait comme avec Weiss, à tous les coups. Pas d’infos, pas de piste.

    Au bout d’un moment, on sait qu’on fera pas mieux. J’me tourne vers les deux aventuriers. C’est clairement Hidoru qui va péter le sien en premier. Ixchel pourra utiliser son bracelet pour toucher avec sa sarbacane. J’cligne des yeux une fois.

    « Carci, j’sais que tu peux pas rater, avec ta sarbacane. J’précise vu que c’était pas clair, mais on veut pas la tuer, hein ? Donc viser les jambes pour pas qu’elle puisse s’enfuir, ça serait parfait. »

    Ça les soulage, j’le vois bien. Ouais ben on sera tous soulagé quand on lui mettra la pogne dessus, pas avant, hein. J’prends une gorgée de flotte, et j’me dégourdis les muscles, prêt à courir ce qu’il faut, même dans ce froid de merde. Elle sait que c’est sa Flammèche qui va se radiner, pour ça qu’elle s’est foutue dans ce coin paumé où il fait froid. Sans ses pouvoirs, ou en tout cas avec ceux-ci grandement diminués, elle court bien moins de danger. J’aurais probablement fait pareil.

    Quoique non. J’serais allé couper les bracelets des gens la nuit.

    J’crache un coup dans la poussière.

    « Allez, c’est parti. »

    D’un geste sec, Jin coupe son bracelet, décrit ce qu’il voit et ressent. Le guide pointe le haut du roc. Probablement de l’autre côté, alors. On fonce au pas de course vers le petit pic, avec les gardes qui se divisent en deux groupes pour une manœuvre d’encerclement en parallèle. Carci nous suit de près, et rapidement, on la voit même plus. On passe à travers un bosquet de conifères, en ignorant les aiguilles qui s’accrochent à nous ou nous éraflent, et on débaroule à toute berzingue sur le sommet, avec une vue pleine et entière sur un petit campement de fortune, avec un âtre dont les braises sont encore chaudes sous la cendre, on le voit au léger reflet rouge.

    Prise par surprise ? Mal à y croire.

    Pourtant, on voit ses cheveux qui courent dans le sens de la pente, dans la direction opposée à la nôtre, à quelques centaines de mètres devant. Elle jette un regard en arrière, et ajuste sa foulée pour pas se viander, pendant que nous, on met le turbo. Y’a quelques flammes autour du chasseur de primes, et il me double d’une pointe de vitesse. Les gardes auront un peu de retard, mais s’ils restent en groupe et qu’on arrive à la faire pointer dans la bonne direction, y’a moyen : elle détectera pas leur présence avec son bracelet, et on n’est pas à l’abri qu’ils aient un ou deux pouvoirs utiles.

    Ma téléportation me replace sur le devant de la poursuite, mais faudra attendre pour la réutiliser. De toute façon, elle a son propre modèle, donc ce sera un jeu de chat que j’ai peu de chances de gagner contre le marchombre. Ça n’a pas réellement d’importance, pasque c’est les deux autres qui vont l’attraper, j’gage.

    Au bout de cinq minutes, même avec Hidoru qui a fait le tour par un autre versant, on n’arrive toujours pas à l’attraper, même si elle reste dans notre champ de vision. Que ce soit les téléportations, les accélérations, ou toutes les autres magies dont on dispose, elle parvient toujours à nous filer entre les doigts, et à maintenir une distance de plus de cent mètres. Elle connaît bien les limitations de ma bague, c’était sûr, dans l’absolu.

    Puis la première bille siffle dans l’air, et j’me demande ce que foutent les gardes civils que Höls nous a refilés. Ils ont dû tomber dans une crevasse, cette bande de blaireaux. Au moins, on pourra pas dire que c’est ma faute, ce coup-ci. Pasque ça va bien deux minutes, mais c’est pas moi qu’ai fugué, merde. En ahanant, j’note la gerbe de sang là où la bille a transpercé le mollet de l’ex-patronne, ex tout court, et qui s’attendait probablement pas à ça.

    Sauf qu’on l’a perdue de vue dans une combe, avec qu’elle pourrait être n’importe où. En communiquant par cristal, Carci brise son propre bracelet, et nous gueule dans quelle direction aller. On s’regarde avec Jin. A part courir, hein…

    On la retrouve un peu plus loin, à boitiller de toute sa vitesse. Y’a un laser qui part vers nous, mais qu’on a suffisamment le temps de voir venir pour s’écarter. Merde, on en est là, alors. J’suis toujours réticent à balancer Focus, trop de chances que ça déconne et qu’elle y passe, alors j’me contente de balancer ma magie Vaudou sur la poussière couverte de rouge que j’ai ramassée plus tôt. Ça va rien faire pour le moment, mais elle va progressivement se sentir de plus en plus faible, normalement, jusqu’à ce qu’on arrive à…

    La bille suivante siffle dans l’air, mais une téléportation la fait s’écraser contre l’ombre d’un sapin.

    L’avantage, c’est que du coup, on sait où elle marchombre.

    Alors qu’on repasse à côté de son campement de fortune, on a le bruit d’un combat qui vient de plus bas. Un coup d’œil montre des illuminations, et les cris ordonnés des gardes alors qu’ils livrent l’assaut contre une force inconnue. J’connecte à la Cabale, qui devait être dans le coin, pour ça qu’on est tombé sur Zahria. Mouais, rien à battre, pas mon problème. Enfin, on verra plus tard, quoi. P’tet qu’Ombre nous a attirés dans un traquenard et qu’elle gagne du temps, mais j’vois pas comment elle pourrait croire un seul instant que j’vais arrêter de lui courir après pour sauver une poignée de crétins inutiles dont j’ai strictement rien à foutre.

    Donc c’est autre chose.

    Nouvelle bille, nouveau virage serré. Avant qu’elle puisse disparaître dans une nouvelle ombre, c’est une gerbe de flammes qui apparaît, et qui efface toute possibilité. Elle se fige, tournée vers nous, suffisamment proche pour que j’vois le blanc de ses yeux.

    Juste quelques secondes, avant la prochaine téléportation, et j’ai déjà les menottes à la m…
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Pendus à un fil
    Lun 9 Mai 2022 - 21:52 #


    C'est quoi déjà ce que je disais au début de cette histoire, il n'y a que quelques jours ? Ah oui, c'est ça. Lucy est une catin.

    Les menottes de Vrenn se referment sur le vide, mais bordel, cette fois-ci, j'ai eu de la chance. Il était temps, ceci dit. J'ai activé le Marchombre presque par réflexe, alors que je suis épuisée, blessée, à moitié cramée. Cachée dans l'ombre d'un arbre, j'ai quelques secondes pour réfléchir. Ils ont vu ce que je voulais, je devais repasser par mon campement pour m'en assurer, mais les gardes qui les accompagnaient ont bien engagé le combat avec la Cabale. Je peux donc déguerpir, maintenant, et cesser ce petit jeu. Flammèche n'a pas trop l'intention de me laisser faire, puisqu'il illumine la moindre ombre dans laquelle il me voit me faufiler, et je crois qu'ils m'en veulent un peu pour le Rayon que j'ai balancé. Pourtant j'ai bien fait gaffe à ne pas les viser. J'ai même perdu du temps pour augmenter mes sens et m'assurer qu'ils ne seraient pas sur la trajectoire.

    Résultat des comptes, j'ai la jambe trouée, une brûlure superficielle mais bien douloureuse à l'épaule, et deux... non, trois côtes fêlées. Il faut vite que je trouve une solution pour me sortir de là, je ne suis pas sereine. Ces trois-là ont un potentiel de dangerosité avec leurs pouvoirs et capacités qui excèdent largement ce que je suis capable d'affronter. Alors je tente le tout pour le tout, et sort de l'ombre pour me jeter du haut de la falaise. Quelques secondes avant de m'écraser comme une crêpe sur la bataille qui fait rage entre gardes et Cabaleux, je me téléporte dans l'ombre d'une tente, et en profite pour m'éloigner. Jin vole, mais les deux autres ne pourront pas forcément descendre aussi rapidement, et ils seront retardés par le combat.

    Etonnant, d'ailleurs, qu'il ne m'ait pas rattrapé en plein vol. Il a dû croire que je voulais mettre fin à mes jours et respecter mon choix. Je sais pas si j'aime cette idée. En tout cas je sens son souffle chaud derrière moi, et il me faut abuser du Flash pour enfin mettre la distance avec lui. Merde, je savais que je ne pouvais pas en faire trop de suite. J'ai les jambes qui flanchent, et je manque de m'écrouler alors qu'elles cessent de répondre à mon cerveau. Heureusement, je suis cachée par un buisson épais, qui me laisse juste quelques secondes pour reprendre mon souffle avant de reprendre ma fuite, aidée par le Marchombre. Au moins, je n'ai pas à utiliser mes muscles, seulement ma magie. Qui s'épuise elle aussi, ceci dit.

    Je mets quelques longues minutes à retrouver Ykhar, qui semble trépigner au bruit des combats qu'on entend un peu plus loin. J'espère que mes amis n'ont rien. Elle m'aide à monter sur son dos, et je me laisse porter, à l'ombre des arbres. Installée sur sa selle, protégée par ses ailes qui m'empêchent de chuter, je me laisse aller et... je perds connaissance.

    ~~~

    C'est le contact rapeux et humide de la langue d'Ykhar qui me réveille. Le soleil commence à se lever, et je suis couchée sur une étendue d'herbe givrée, où elle a dû se coucher près de moi vu les traces au sol, pour me tenir chaud. Je jette un coup d'oeil au fil rouge du Solstice, à mon bras gauche. Il n'est plus relié à qui que ce soit, et je me sens un peu vide. Et libérée. Mais je n'aime pas ce sentiment, pour la première fois. Ykhar s'éloigne, me voyant enfin réveillée, et hennit doucement.

    « Merci ma belle. Je n'aurais pas réussi sans toi. »

    Je me saisis de mon sac sans fond pour y chercher une potion de soin, quand je m'aperçois qu'elles n'y sont pas. Je jure longuement, me souvenant que j'avais entrepris de le vider, trier et ranger la veille du Solstice, en résolution de nouvelle année. Et que j'ai laissé la moitié étalé dans la chambre que j'occupais à la Capitale, le bazar étant encore pire après avoir commencé à ranger qu'avant. Comme d'habitude, quoi. Et du coup, y'avait ma caisse de potions dans le lot, je la revois parfaitement, posée sur la petite table à l'entrée, pour ne pas mélanger avec le reste et tenir les fioles, fragiles, à l'écart des objets dangereux que je pouvais avoir là-dedans. Elle doit toujours y être, d'ailleurs.

    Je regarde autour de moi. Ykhar a bien couru. Longtemps. Je me demande combien de temps je suis restée évanouie. Mais là où je pensais que ça ne faisait que quelques heures, en fait il s'agit peut-être bien de jours. Parce que là-bas, un peu plus loin, je vois la Forteresse. Et que ma brûlure à l'épaule est déjà en train de commencer à cicatriser, absorbant le tissu de ma chemise. Ça va s'infecter si je ne fais pas rapidement quelque chose. C'est plus qu'une potion de soin, dont j'ai besoin, là. C'est un médecin. Ou les bonnes plantes. Et il se trouve que je sais exactement où les trouver, à la Forteresse. Il se trouve aussi que c'est le dernier endroit où je devrais me rendre.

    Je m'approche en grognant de la Forteresse alors que le soleil pointe tout juste le bout de son nez, et le peu d'énergie magique qu'il me reste - ou que j'ai récupéré pendant le voyage - m'aide à prendre l'apparence de Lichael. Je boitine jusqu'au manoir des espions, et rentre à l'intérieur. Quand je m'aperçois qu'il n'y a personne dans les lieux, je relâche le pouvoir du médaillon d'Ovide, et je rampe jusqu'à la serre où l'on fait pousser toutes sortes de plantes pour les potions et poisons. A moitié dans les vapes, je récupère ce dont j'ai besoin mais...

    Putain, non, reste réveillée ! Je me mets une baffe pour me motiver. Ou m'enlever cet abrutissement. Mon armure au sol, j'enlève mon pantalon dans un premier temps, puis ma chemise en gémissant de douleur quand je dois passer au niveau de l'épaule et qu'elle s'accroche à la croûte en formation. M'aidant d'une dague, je finis tout de même par déchirer les parties qui ne me laissaient pas faire, et me retrouve nue dans la serre, nettoyant mes blessures avec un mélange de neige, boue, et d'eau pour l'arrosage des plantes. J'applique ensuite des onguents et des feuilles à même ma peau. Ça fera l'affaire dans un premier temps. Je me penche enfin pour reprendre mes vêtements quand j'entend le grincement caractéristique de la porte de la serre. Merde.

    Je me retourne pour me retrouver nue face à Vrenn. Enfin, si on ne compte pas les feuilles sur mes blessures. Pas étonnant que je ne l'ai pas entendu arriver. C'est l'un des meilleurs quand il s'agit de se faire oublier. Surtout qu'il devait savoir que j'étais là et a fait gaffe à bien me surprendre. Au pire moment.

    « Allez Zahria, rends toi maintenant, ça suffit.
    - T'as bien joué ton coup, dis donc.
    - Je pensais pas qu't'oserais te pointer ici, n'empêche.
    - Pourtant tu m'attendais ?
    - Nan, j'ai suivi les traces de ton canasson.
    - Et les deux autres ?
    - Je leur ai dit de rentrer.
    - C'est sûr que sans les bracelets, t'avais plus besoin d'eux, hein.
    - Y'a un peu de ça, ouais. Et pis je pense pas qu'Höls aurait apprécié que je me trimballe deux civils pour ta traque trop longtemps.
    - Dis, c'est pas que j'ai pas envie de te tailler la bavette, hein, mais il fait un peu froid, j'peux me rhabiller.
    - Pas un mouvement Zah. Sinon je finis ta jambe à coup de Focus, et t'auras b'soin de plus que quelques plantes médicinales pour marcher à nouveau.
    - D'accord, d'accord. Je pensais que t'en avais marre de me voir à poil, mais bon...
    - Nan ça, ça va.
    »

    Je sais pas ce que ça veut dire, et j'ai pas envie de me prendre la tête pour l'instant. Faut que je trouve une solution pour me sortir de là. Je n'ai plus aucune arme, je suis épuisée et blessée. Et lui, bon... il est pas en pleine forme, il a dû courir sans s'arrêter pour rattraper Ykhar avec sa vitesse magique, mais au moins, il est habillé, et armé.

    « T'as bien aimé la balade ?
    - Zah, sérieux, ça m'amuse pas plus que toi de faire ça, alors arrête d'essayer de gagner du temps et rends toi. J'ai pas envie de te faire du mal. Enfin, plus que ça, quoi. Faut juste que j'te ramène auprès d'Höls, tu lui expliques ce que tu fous, et on repart sur de bonnes bases.
    - Tu sais bien que ce n'est pas ce qui va arriver. J'ai rejoint la Cabale, Vrenn, Höls ne va pas me laisser reprendre mon poste tranquillement. Au mieux, je m'en sors avec un renvoi et une peine de prison. Au pire...
    »

    Je fais un signe du pouce derrière moi, pour indiquer les montagnes. Le gouffre qu'il y a après. Et la Frontière. Le Grand Nord. Et surtout, les grosses bêtes qui s'y trouvent et chez qui on envoie les criminels. Comme je le suis, maintenant.

    N'empêche, un pouvoir comme celui de mon père, ça serait bien pratique, dans ce genre de moments. Même si je répugne à donner des ordres absolus comme lui, ça peut te tirer de situations compliquées, j'ai l'impression. Comme celle-ci, là, tout de suite.

    « Allez, ça suffit. Je compte jusqu'à trois.
    - On dirait ton père quand on était gosses.
    - Un...
    - Il se passe quoi à trois ?
    - Tu verras... deux...
    - J'ai pas trop trop envie de savoir...
    - Deux et demi...
    - Trois !
    »

    Je lui balance mon onguent à base de Phume en dentelle et de Rurd au visage, accompagné par la lumière d'une Lux-ianuam que je place juste devant ses yeux pour l'éblouir, avant de foncer vers lui tête baissée. Je profite de la surprise pour le faire basculer en le plaquant comme font les joueurs aguerris de Glooball en section 0 pouvoir, qui est au final quasiment plus violent que la version avec, vu les manoeuvres utilisées. Le tout étant de déstabiliser le point d'équilibre en tapant plus bas, enfin, je crois. Bref, ça marche. Je sais pas si c'est la lumière dans ses yeux, l'odeur désagréable de la Rurd ou le côté collant de la Phume, mais un truc le dérange, et c'est l'occasion parfaite pour me saisir de mon sac et bondir sur le dos d'Ykhar, qui fait immédiatement une accélération éclair pour nous amener de l'autre côté du jardin. Elle saute par dessus la barrière, et nous voici toutes les deux au grand galop dans les rues de la Forteresse. C'est quand je m'aperçois que le regard des passants n'est pas que intrigué par notre course, mais aussi indigné, ou intéressé, pour certains, que je me souviens que je suis toujours nue. Vrenn nous a déjà pris en poursuite, mais Ykhar a un train d'avance sur lui. Il aime pas les montures, mais il va finir par comprendre que c'est pratique, à la longue.

    On dépasse tout le monde en train d'attendre aux portails de téléportation, et des cris outrés s'élèvent un peu partout. Des gardes tentent de nous arrêter, mais j'invoque un Mirage de Béhémot pour les occuper un instant. Les passants fuyant alors que les gardes se préoccupent de son sort, on en profite pour sauter dans le portail, direction la Capitale. Retour à la case départ. Je fais rentrer Ykhar dans sa bulle de rangement et disparaît dans une ombre dès le portail dépassé, jusqu'à arriver à une planque de la Cabale, non loin.

    Je m'écroule à l'entrée, pour ne me réveiller qu'une longue semaine plus tard, mon père à mon chevet. J'ai mal partout, des bandages sont frais et propres, le lit est confortable. Il m'engueule pendant une bonne heure, mais tout ce que je retiens, c'est que mes proches vont bien, et s'en sont sortis indemnes. C'est tout ce qui compte. Et je sais que cette affaire est loin d'être finie. Vrenn n'a plus les bracelets, mais il va continuer sa traque. Il va s'agir maintenant pour moi de lui laisser suffisamment d'indices pour qu'il donne des infos sur la Cabale à Höls, sans que je ne me fasse choper par mon père. Mon numéro d'équilibriste est loin d'être fini. Mais pour l'heure, je ferme les yeux à nouveau, laissant mon géniteur continuer de vociférer alors que je m'endors.

    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Pendus à un fil
    Sam 18 Juin 2022 - 11:51 #

    J’aurais dû préparer le Focus avant de commencer à compter, mais la fatigue de la course-poursuite, et la perte de lucidité de mon état de fatigue générale ont fait que j’ai merdé. Ou foutre les menottes direct. Je sais pas. Tellement de choses que j’aurais pu ou dû faire. Rassembler tous les bracelets direct. La planter dans son sommeil. Bah, c’est les détails, Höls a pas besoin de les connaître, ni Feuille. C’est pour lui que j’rédige une bafouille. Pas envie de revoir la tête du vieux con. Puis c’est le rôle du patron de prendre les baffes en réunion avec le grand manitou, pas du sbire, hé ?

    Les lettres se brouillent un peu, et j’me dis que j’aurais dû pioncer plus de deux heures avant de me coller à mon rapport. La ligne de sucre en poudre m’a donné un coup de fouet pour aller avec l’énergie nerveuse et anxieuse que j’ressens, mais c’est qu’un trompe-l’œil. Juste que j’sais pas quoi faire d’autre. La bouteille de whisky débouchée à côté de moi devrait p’tet retourner dans le placard.

    J’en reprends une rasade.

    Putain.

    Ma main tombe l’air de rien sur la tabatière, et j’contemple quelques instants avant de le lancer à travers la pièce, suivi du verre qui s’pète contre le mur avec un hurlement de glace. J’ferme les yeux. Fort. J’pensais avoir eu du bol, le sens du vent derrière moi, avec ces bracelets de merde. J’ai gardé le mien, mais les enchanteurs sont infoutus de faire quoi que ce soit de la ficelle qui reste. Marrant comme on se déshabitue de l’échec. Pourtant, ça m’arrivait plus souvent qu’à mon tour…

    Sauf que j’en avais rien à foutre. Et personne d’autre pour s’en rappeler, donc j’oubliais aussi, quasiment.

    Changer d’apparence définitivement et fuir loin ? Y’a que Zahria et Höls pour se rappeler. Mais vicelard comme les pontes sont, ils sont foutus d’avoir mis un traceur à Vrenn Indrani dans leur enchantement. Et puis, à quoi bon ? J’me laisse tomber en arrière jusqu’à être allongé par terre, les panards sur la table. Ça ou autre chose… J’peux pas dire que ce soit pas intéressant, au moins.

    J’aurais dû me douter que rien n’est pas jamais gratuit, de Lucy, du Royaume, des gens, de personne. C’est jamais qu’un réveil, un rappel à l’ordre des choses. J’vais finir mon rapport lapidaire et revenir aux bases. Les informateurs. Les enquêtes. Le détail de ce qu’on a trouvé de la Cabale, avec leurs planques, leurs papiers pourris, et leur campement paumé dans un coin où même les criminels veulent pas s’aventurer d’habitude.

    Du coup, elle doit beaucoup se balader au sein de la Cabale, pour qu’on lui soit autant tombé dessus. P’tet qu’elle est vraiment importante chez eux, comme elle l’était ici. Le trajet inverse du mien, en plus. Si y’avait pas Höls, p’tet que j’me laisserais tenter aussi, à bien y réfléchir. Juste repartir de zéro, d’une certaine façon, plus de souci, plus personne, juste moi qui flotte. Ou qui coule ?

    Le couteau se plante dans le plafond avec un bruit sourd pour mettre un terme à ce fil de pensées. Faut que j’arrête de lancer des trucs, et la proprio va gueuler des trous dans les murs. J’me redresse, j’prends une gorgée directement à la bouteille, en comptant sur la brûlure de l’alcool pour me distraire. La scribouilleuse reprend son bonhomme de chemin sur le parchemin, lapidaire, et j’plie le truc pour le refiler à Feuille ou au secrétaire, là, dont j’arrive jamais à retenir le blase.

    Faudrait que je dorme, alors j’sors pour me promener. Totalement con, mais sans solution, c’est tout moi, ça. Envie de cogner des trucs, mais ça ferait mauvais genre, et ma magie est pas vraiment au mieux de sa forme non plus. P’tet me faire taper, ça marcherait mieux pour synchroniser le dedans du dehors.

    Les idées noires, putain.

    J’arrive pas à assumer cet échec, et en général, ça finit toujours pareil : je crame tout ce que j’ai comme cristaux de côté dans plusieurs jours de fête effrénée pour pas penser, pas réfléchir, pas être. Fuir, quoi. Sale perspective, surtout vu la vieille gueule de mon salaire actuel. Au moins, avant, ça payait. J’passe devant la Rose, où le bracelet a commencé. Certainement pas.

    La marche aléatoire m’a ramené chez moi, alors j’soupire, j’monte, et j’commence à nettoyer mes cochonneries. La base, donc. Les informateurs, l’enquête, la Cabale. Ça constitue probablement la meilleure piste, de passer par eux. Entre le médaillon, leurs planques, et le fait qu’elle connaisse nos méthodes d’espion, faut penser hors du moule. Refaire comme un criminel, quand j’avais besoin de quelque chose.

    Pas sûr que ça fasse bander Höls, comme concept.

    Mais il a pas besoin de le savoir.

    J’boucle tout, pour être dans le noir, et j’écrase, quelques jours. Une trajectoire, c’est tout ce qu’il me faut pour arrêter de me broyer le bocal, et je l’ai à nouveau. J’ai fait beaucoup d’efforts pour désapprendre, mais trente berges d’habitudes, ça se perd pas comme ça, et personne m’en voudra trop de faire mon travail, si ?

    Personne saura jamais. J’ai oublié que les autres se souviennent pas.

    Allez, chienne de vie, on verra qui mord le plus fort.

    Chiasserie.
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    Re: Pendus à un fil
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