- Pas d'inquiétudes, vous l'êtes déjà.
- Pardonnez ?
- Je m'en occupe.
- J'aime mieux ça.
La demoiselle gratifia le rat dans ses mains - responsable du vacarme - de quelques caresses puis ôta le message accroché à sa queue. Ouvrant la fenêtre par laquelle l'animal s'était introduit un peu plus tôt, elle laissa celui-ci s'échapper pour retourner à son maître puis elle entreprit la lecture de son courrier.
Le simple nom de l'expéditeur, en bas du court papier, fit accélérer son cœur : l'ordre de Célantia, organisation dans laquelle elle avait été admise depuis peu, requérait son aide pour sa toute première mission ! Dés lors, elle ne put s'empêcher d'afficher sa joie en poussant un petit cri de satisfaction tout en écrasant le message dans sa main, revenant tout de suite à la raison lorsqu'elle entendit les pas de sa mère non loin, derrière la porte.
- Ne me faites pas répéter. » Fit la voix de la matrone, sèche comme à son habitude.
- Ouais... Euh, oui mère.
Dans le silence le plus total, elle déplia le papier désormais chiffonné puis continua sa lecture, avant de se lancer dans une première collecte d'informations...
- Tiens, mais ce n'serait pas la p'tite Louise ?! C'est bon d'te voir ici !
Le tavernier accueille la petite rousse avec un large sourire et la convie aussitôt à venir s'installer au comptoir. Machinalement, il lui sert une boisson qu'il dépose devant elle sans même lui demander son avis.
- Lait de chèvre citronné, comme tu l'aimes.
- J'suis passé à autre chose depuis l'temps. J'ai vingt-et-un an.
- Pour moi c'est encore comme si tu en avais douze. » Rigole-t-il, faisant grincer des dents son interlocutrice. J'me souviens encore quand ton père t'emmenait ici pour ses "affaires"...
- Parlant d'affaire - l'interrompt-elle - j'suis ici pour en régler une. Aucun de tes clients n'a déclaré m'attendre, par hasard ?
- Nan. Y'a pas foule aujourd'hui. J'ai guère que les raclures de bidet et les piliers de bars habituels qui trainent dans le coin... Et ces deux zigotos, derrière toi. Ils parlent sans arrêt d'un certain Ordre de Samantha, Sri Lanka, un bail du genre.
- Célantia ?
- C'est ça !
Louise tourne la tête vers les concernés pour les examiner plus en détail : le premier est un barbu aux cheveux noirs, le visage couvert de cicatrices et la dégaine assurée d'un aventurier ; à ses cotés, une femme de très grande taille - sans doute dépasse-t-elle même l'homme - tout en muscles, avec des cornes sur la tête. Un bien beau duo de durs à cuirs, si l'on ne s'en tient qu'au physique. Et de l'autre coté : elle, la commanditaire, petite bouille rousse aux allures d'enfant modèle... Rien de bien intimidant, quoi !
- Tu comptes aller leur parler, gamine ? J'veux dire, pas que j'ai pas confiance en toi mais... Ils ont pas l'air commodes, ces deux là.
- Si tu savais. J'ai maitrisé une abomination qui s'appelle Vingt-deux. Je suis prête à relever tout les défis...
- Prends ça au moins. » Dit-il en lui confiant deux bières. Ça les apaisera, au cas où.
La demoiselle ne se fait pas prier et prends les deux pintes dans ses mains avant de se diriger vers la table où les deux individus semblent l'attendre. Une fois arrivée à leur niveau, elle dépose sur la table les deux contenants qu'elle leur laisse le soin de consommer.
- C'est pour moi ! » Commence-t-elle, tout sourire aux lèvres. Je crois que l'on se cherche ? Louise, Célonaute, enchantée.
Joignant l'acte à la parole, elle exécute une courbette très informelle pour les saluer.
- Ne perdons pas de temps, je vais vous dire tout ce que l'Ordre attends de vous...
Il se retrouva donc à la taverne précisée dans l’annonce. Il était curieux de rencontrer sa partenaire, un compagnon de voyage lui ferait le plus grand bien. Il prit place à une table pour attendre tranquillement, prenant cependant soin de commander une boisson, la moins chère, pour ne pas se faire mettre à la porte. Il n’eut pas à attendre longtemps, car la personne qui allait l’accompagner arriva rapidement. On lui avait donné une description de la jeune femme, mais voir ses cornes sur sa tête était bien plus surprenant qu’il l’avait imaginée. Aord ne laissa rien paraître de son étonnement et fit de grands gestes dans sa direction pour lui indiquer sa présence. Lorsqu’elle fut plus proche, il se leva pour lui tendre une main amicale en guise de salutations.
Je suis Aord enchanté !
Il lui serrerait la main si elle acceptait de la prendre, puis s’assoirait pour attendre la commanditaire. En attendant, ils pouvaient bien faire un peu de causette.
Vous êtes aventurière à ce qu’on m’a dit ? Vous avez sûrement plus l’habitude que moi de travailler pour les nobles. En tant que frère de Lucy, je prends rarement des annonces, mais j’ai fait une exception pour celle-là. J’ai un petit faible pour les histoires de chasse au trésor et pour les langues anciennes.
Il prit une gorgée de sa boisson en écoutant tranquillement sa potentielle réponse. Leur commanditaire ne devrait bientôt plus tarder.
- Ah, t’es le gars qui est censé m’accompagner ? Désolé, j’avais oublié de lire à quoi tu ressemblais, je pensais que t’étais un de ses gars qui essaye de draguer en faisant semblant de connaitre la personne. Tu n’es pas de ce genre, j’espère ?
Il but sa boisson quand une jeune femme rousse se présenta à nous avec une bière pour chacun de nous. Je buvais ma bière sans crainte pendant que Louise, c’était le nom de la jeune femme face à nous, nous racontait les différents détails de la mission. Elle se présenta comme notre intermédiaire avec l’Ordre de Célantia, on devait en gros aller récupérer une tablette qui était chez les Thoke-Wendle, ses derniers refusaient pour X ou Y raison de collaborer avec l’Ordre et on devait faire les gros bras sans les tuer et sans avoir des problèmes judiciaires derrière. J’espère qu’ils seront sympas et accepteront de nous la donner tranquillement. Je rêve surement les yeux ouverts mais bon, on peut avoir de la chance.
P’têtre bien que ça m’arrive en effet. Mais ne vous inquiétez pas, je vous laisserai tranquille.
Ils furent ensuite interrompus par l’arrivée de Louise Duciel qui leur expliqua ce qu’ils allaient de voir faire. Aord aurait bien aimé savoir pourquoi cette famille refusait catégoriquement de vendre cette tablette qui devait, au demeurant, leur être peu utile. Il allait sûrement falloir enquêter aux alentours pour en apprendre plus. S’ils voulaient obtenir le bien sans avoir des problèmes, ils auraient besoin d’un maximum d’informations pour pouvoir négocier. Un regard à sa partenaire lui indiqua cependant que la négociation risquait d’être musclée. Par Lucy, faites qu’il ne se soit pas engagé dans une affaire bien trouble cette fois, il avait juste besoin d’argent.
La noble les laissa enfin seuls et ils sortirent de la taverne si Aishela ne voulait rien boire. Que soit dans la taverne ou dehors, il allait falloir discuter de la marche à suivre.
Les Wendle habitent près d'un village un peu éloigné de la capitale d’après la noble. Je connais un paysan qui pourrait nous prendre dans sa charrette si ça vous convient. Sauf si vous préférez marcher ?
Il écouta sa réponse patiemment acceptant le moyen de transport qu’elle préférait. Il leur faudrait moins d’une journée pour faire le trajet de toute façon.
Au passage, vous aviez déjà une idée de comment procéder ? Si tout l’argent de l’ordre ne suffit pas à les faire céder, j’ai peur qu’on n’ait pas plus de chance avec eux.
Il réfléchit un instant aux possibilités qui s’offraient à eux. Ils allaient se rendre aux villages et là-bas ils pourraient commencer à se renseigner.
Je propose qu’on fasse le trajet pour commencer et une fois arrivés on pourrait récolter des informations auprès des villageois ? Le petit peuple comme les appellent les nobles est souvent bien renseigné sur les familles qui vivent près de chez eux. On apprendra peut-être quelque chose d’utile ?
Il attendit sa réponse, se tenant prêt à les guider jusqu’à la fameuse charrette si elle acceptait d’y aller par ce biais. Plus vite ils pourraient, plus vite ils pourraient récolter des informations.
- C’est une bonne idée, ça nous permettra de réfléchir calmement. Ah, au fait, même si tu le sais sans doute, je m’appelle Aishela. Vu que tu t’es tout de même présenté, je devais le faire. C’était décidé, on allait en charrette dans le village prêt d’où se trouve la demeure des Thoke-Wendle. Pour comment précéder, je ne vois pas trop comment faire, vu qu’ils sont nobles l’argent ne doit pas être un problème pour eux. J’ai entendu dire par le passé que les nobles ou les riches font très attention à leur réputation, si on arrivait à se faire bien voir par ses derniers, on pourrait demander le morceau de tablette et s’ils refusent, on les menace de détruire leur réputation. Comme quoi, ils ne payent pas les gens qu’ils engagent, etc …
Cela paraissait farfelu à première vue mais c’est un coup à jouer. Mon compagnon de voyage semblait avoir beaucoup de connaissances sur les nobles.
- Dis-moi, tu ne serais pas descendant d’un noble ou très proche de certains nobles ? En tant que jeune femme d’un village éloigné, j’ai souvent entendu le terme petit peuple, et encore c’est quand ils restent polis entre guillemet si on peut le dire comme ça. Souvent, c’est prolétaire, pignouf, et autres joyeusetés encore plus vulgaires car ce n’est pas des insultes avec du mépris directement mais se mettre des gens de ce genre à dos pour un petit village est plus dangereux que quoi que ce soit. L’argent est utile pour acheter de quoi vivre.
Enchanté Aishela.
Il lui sourit tout en s’engouffrant dans une allée moins fréquentée qui débouchait sur une écurie. C’était là que le paysan chargeait son transport en tant normal, il devrait sûrement le trouver ici à cette heure. Le frère ne répondit pas immédiatement à la proposition de l’aventurière, essayant d’imaginer de quelle manière il pourrait « se faire bien voir » ou « détruire leur réputation ». Cela semblait bien difficile avec si peu d’informations sur la famille. Aishela semblait penser qu’il était un grand expert de la noblesse. Ce n’était pas vraiment exact.
Non, je ne suis pas si proche des nobles, mais en tant que frère de Lucy, j’en rencontre assez souvent au temple. Devant la déesse, il n’y a pas de rang qui tienne. Je dois donc te dire que je ne suis pas un grand spécialiste de la noblesse moi non plus !
Il lui adressa un petit sourire contrit avant de tourner son regard vers le bâtiment qui leur faisait face.
Je t’abandonne juste une minute, je vais négocier le transport.
Aord laissa Aishela à l’entrée et pénétra dans le bâtiment. Par chance, son ami était encore là en train de charger des bottes de paille sur sa charrette. Aord le salua chaleureusement d’une embrassade amicale et en profita pour prendre un peu des nouvelles de sa famille. Le paysan était un jeune homme dans la trentaine qui venait tout juste d’avoir son premier enfant. Le frère l’avait rencontré lors d’un de ses sermons quand il parcourait les routes et ils avaient pas mal échangé sur leur vie respective autour d’un verre. Aord lui expliqua calmement leur situation et il accepta volontiers de les y emmener. Le frère lui donna quelques cristaux, mais c’était plus pour la forme que pour servir de paiement. Le religieux fit signe à l’aventurière de les rejoindre.
Aishela je te présente Glenn, Glenn voici Aishela.
Il les laissa se saluer comme ils le souhaitaient avant de s’asseoir à l’arrière de la charrette. Ce n’est qu’à ce moment qu’il se souvint ne pas avoir répondu à la proposition de l’aventurière. Il se tourna donc vers elle, qu’elle soit assise ou non à côté de lui.
Se faire bien voir est une bonne idée, mais encore faut-il qu’on en apprenne un peu plus sur eux. Avec quelques informations on pourrait trouver une manière de mettre notre grappin sur l’un d’eux et entrer dans leur cercle. Je les vois mal céder un trésor de famille à de parfaits inconnus. Pour ce qui est de menacer leur réputation, j’ai peur que toi et moi ne soyons pas assez « important » pour leur faire peur. Ils vont nous rire au nez à moins que nous ayons de quoi faire pression, même si je n’aime pas du tout cette idée.
Aord n’était pas le genre à comploter pour obtenir ce qu’il voulait. Il préférait être honnête et droit dans ses actions, même s’il n’en avait pas toujours l’occasion. Cependant, faire chanter une famille noble pour de l’argent n’était pas vraiment dans les attributions d’un frère de Lucy, alors il préférait éviter d’en arriver là autant que possible. Il eut soudain une idée.
Tu es du genre sociable ? Si c’est le cas, je te propose qu’on se sépare une fois arrivés à destination. J’irai au temple du village pour officier et en profiter pour récolter des infos et toi tu pourrais interroger les habitants à l’auberge du coin et dans les champs. Qu’est-ce que tu en dis ? En fonction de ce qu’on apprendra, on pourra aviser de la marche à suivre. Ça me semble un bon point de départ.
- B’jour, vous allez bien ? Oups, mon accent était ressorti à nouveau.
J’avais à peine le temps de m’asseoir qu’Aord m’expliqua qu’on allait devoir trouver des informations sur eux pour se faire bien voir, et que vu notre non-notoriété, on aurait du mal à faire pression sur eux. Il proposa qu’on se sépare pour récolter plus d’informations sur eux.
- Je comprends, t’inquiète, je suis moi aussi une paysanne, je serais avoir des informations des fermiers et autres habitants. Selon toi, pourquoi il refuse de céder l’objet qu’on doit récupérer ? J’avais légèrement oublié à ce moment-là, le nom de la tablette qu’on devait obtenir, moi et la mémoire des noms.
Non, pas vraiment. Cette stèle est l’un des seuls supports permettant d’avoir une base pour traduire le k’byix et ils sont les seuls à la posséder. J’imagine que c’est pour le prestige ou quelque chose comme ça. « Regardez, nous nous savons des choses que les autres ne savent pas. » Je trouve ça ridicule personnellement.
Ils continuèrent leur route tranquillement, discutant de tout et de rien suivant leurs envies.
T’en penses quoi de cet Ordre des Célantia ? Je dois dire que ça m’intrigue un peu des chasseurs de trésor. Je me fiche pas mal des richesses, mais ils doivent souvent avoir à faire avec des textes anciens et codés.
Le frère resta pensif, comme s’il rêvait de parchemins et de code antiques. Oui, ça lui plairait bien de se plonger dans des écrits ancestraux et obscures. La plupart des textes religieux entraient dans cette catégorie en plus ! Quels mystères se cachaient dans le passé ? Rien que d’y penser, ça lui donnait le tournis. En rentrant, il demanderait à Louise s’ils recrutaient.
La charrette arriva enfin au village voulu. Le frère sauta du véhicule pour s’étirer les jambes après leur long, mais pénible voyage. Il était à peu près midi et les villageois étaient tous en train de vaquer à leurs occupations. Aord se tourna vers l’aventurière et lui souris en s’étirant les bras.
Bon on est arrivé ! On se sépare et on se retrouve ce soir à l’auberge ?
Il indiqua une enseigne pas très loin qui proposait lit et couvert pour une nuit.
On discutera de nos découvertes autour d’un verre !
Et sur ces mots il tourna des talons pour se diriger vers le temple tout en fouillant son sac pour trouver sa robe de cérémonie.
- Quel prestige, ils auront si personne ne sait le savoir qu’ils ont, et si c’était plus par fierté. Ils refuseraient de céder la tablette de peur qu’on oublie que c’est grâce à eux que les intellectuels ont acquis de nouvelles connaissances. Mon compère me demanda après coup mon avis sur l’Ordre de Célantia. Je dois avouer ne pas trop y avoir réfléchit mais une chose est sûre, c’est qu’ils ont des moyens pour ne pas avoir à passer par la Guilde car même toi qui n’est pas Aventurier a pu accepter une quête venant d’eux. Certaines quêtes ne peuvent passer que par la Guilde de ce que m’avait dit une des hôtesses d’accueil à mon inscription. Je ne sais pas à quoi va leur servir tous leur trésor mais peut-être qu’à la base, c’est un regroupement d’érudit mais qu’ils n’ont ni les muscles ni l’argent pour aller chercher eux même ce dont ils ont besoin.
Après un voyage qui dura quelques heures, on arriva enfin au village aux abords de la demeure de la famille qui possédait l’objet dont on avait besoin. Aord proposa qu’on se sépare dès maintenant pour aller récolter des informations.
- Ok, à ce soir donc.
C’était parti pour chercher des indices, je décidais d’aller voir les fermiers qui vendaient leur récolte eux même.
- Scusez moi, j’me demandais, est-ce que la famille qui habite dans la grande demeure pas loin, passe par ici ? Vu la chouette allure d’vos légumes, ils doivent se j’ter dessus, non ? Ce que j’appris ne me surpris qu’à moitié, la famille de noble ne passait jamais par le marché même leurs serviteurs ne passaient pas ici non plus. Ils préféraient faire importer la nourriture dont ils avaient besoin que d’en acheter une partie au village à côté de chez eux. C’mment ça, ils refusent d’acheter vos produits, ils ont qu’ça à faire de payer plus cher des produits venant de la Capitale. Vous les avez déjà vu, au moins ? La seule fois où certains villageois pouvaient les voir, c’était surtout leur charrette quand ils se déplaçaient mais aucun d’eux ne resta longtemps par ici. Un peu déçu, je décidai d’aller à la taverne où je devais retrouver Aord, dans la soirée.
- B’jour tavernier, une bière s’te plait ! Il me salua et me proposa de venir m’asseoir au bar, vu qu’il y avait de la place, je bus la moitié de ma bière, et lui demanda des informations sur la famille Thoke-Wendle, leur nom était compliqué pour rien. Ça leur arrive de venir boire un coup par ici ou même ça, c’est trop compliqué pour eux ? Le tenancier rit à ma remarque et me dit qu’il avait dû les voir une fois, surement pour gouter à la bière locale mais que certains de leur serviteur pouvait passer ici en journée de temps à autres. À peine eut-il fini sa phrase qu’un homme se posa à côté de moi, et lui dit comme d’habitude. Le barman lui servi une bière, et lui dit que j’posais des questions sur ses employeurs. L’homme, aux cheveux grisonnants et avec une barbe bien taillé contrairement au reste des villageois, me demandait qu’est-ce que je pouvais bien chercher par ici. Vous savez, je voyage beaucoup et je me d’mandais à qui était l’immense demeure à côté. Même si je savais déjà qui était les propriétaires, il riait et me donna le nom de la famille de noble tout en buvant sa bière, et je finis la mienne en même temps que lui. Il eut un rire joueur sur le visage, et me proposa un jeu : un concours de boisson, celui qui peut boire le maximum sans vomir pourra demander ce qu’il veut au gagnant. Ah ah, t’crois capable de me battre ? J’ai la jeunesse de mon côté, j’tiens bien l’alcool, t’sais. Il rétorqua en disant qu’il avait l’expérience pour lui, et c’est ainsi que commença un duel qui allait être long et dont mon état final allait être mémorable.
Malgré son travail, Aord ne manqua pas une occasion d’interroger les fidèles sur la famille noble qui vivait plus loin, mais personne ne semblait les connaître. C’était l’une de ses familles fantômes dont ne voyait que les véhicules quitter la propriété sans jamais les voir. Même leur nourriture leur était directement apportée sans passer par le village. Pouvons vivre encore plus en autarcie ? Finalement, Aord se demandait si c’était une si bonne idée d’interroger les citoyens … Ils ne semblaient rien savoir d’utile.
Le frère soupirait sur un banc du temple, cherchant un autre moyen de procéder quand une belle jeune femme vint s’asseoir à côté de lui. Sa chevelure blonde lui descendait jusqu’au bassin et ses yeux brillaient d’un vert profond. Sa beauté ne faisait aucun doute et Aord resta un moment à le contempler, curieux de savoir ce qu’elle voulait.
Veuillez me pardonner si je vous dérange pendant vos réflexions, mais je n‘ai pu m’empêcher de remarquer votre intérêt très particulier pour notre famille noble locale.
C’est exact …
Sa diction était trop parfaite, sans aucune accroche. Cela lui changeait des paysans du coin qui mâchaient leurs mots sans s’en rendre compte. Cela ne gênait pas le frère, mais c’était étrange de trouver une femme qui parlait si bien tout d’un coup.
Et que leur voulez-vous ?
Aord leva un sourcil inquisiteur. Derrière son joli minois, cette femme lui inspirait de la méfiance. Devant son silence, elle fit glisser sa main pour prendre la sienne. Aord se raidit sous le contact chaud. Elle la souleva jusqu’au niveau de ses yeux et lui reposa la question :
Pourquoi un frère de la déesse aussi charmant voyagerait-il tout ce chemin depuis la capitale pour venir voir une petite famille noble en pleine campagne.
Elle caressa doucement la paume de sa main avec la pulpe de son pouce, propageant des frissons glacés dans le dos du frère. La situation ne le mettait vraiment pas à l’aise. Il faillit retirer sa main aussi sec, mais se retint, curieux de savoir où elle voulait en venir.
Je suis un archiviste du temple et il est venu à mes oreilles que cette famille possédait l’une des dernières traces écrites du k’byix. J’aimerais pouvoir l’étudier et traduire d’anciens textes religieux pour le culte.
Sa réponse eut un effet inattendu, elle le regarda par en dessous et se mit à éclater de rire, emplissant la voûte sacrée de ses gloussements. Puis, elle s’arrêta d’un coup, réalisant qu’elle se trouvait dans la maison de la déesse. Son sourire était devenu carnassier.
C’est donc l’érudition qui vous amène dans notre belle campagne, comme c’est adorable.
Elle lui adressa un clin d’œil, faisant rougir le montagnard. Mais qu’est-ce qu’elle voulait à la fin ?
Je suis certaine que les Thoke-Wendle se feront un plaisir de vous ouvrir leurs archives.
Elle posa sa seconde main sur la sienne et ses yeux coulèrent sur le corps du frère comme ceux d’un prédateur.
Venez au domaine demain et dites que vous venez de la part de Dame Adeline. On vous ouvrira avec joie. À très bientôt j’espère.
Elle finit par lâcher sa main en prenant bien le soin de caresser sa paume avant de se lever et de le laisser en plan dans son incertitude. Il venait de se passer quoi exactement ? Aord se massa la main devenue tout un coup très brûlante avant de reprendre ses esprits. Le soleil commençait à descendre à l’horizon et il venait de trouver son point d’entrée chez les nobles. Voyons voir ce qu’Aishela avait pu trouver de son côté.
Le frère poussa la porte de la taverne et fut accueilli par des éclats de voix. On dirait que la soirée battait son plein. Un groupe d’hommes se tenaient près du bar en hurlant. Il y avait une animation ? Le frère chercha l’aventurière cornue, mais ne la vit nulle part. Peut-être n’était-elle pas encore revenue ? Il décida de s’approcher un peu de la foule pour s’occuper en l’attendant. Ce qu’il vit faillit le faire éclater de rire. Son aventurière était en train de se battre à coup de bière avec un homme barbu d’un âge avancé. Voilà donc où elle se cachait. Il espérait qu’elle n’avait pas passé l’après-midi à boire ! Malgré ses inquiétudes, il se prêta au jeu et commença à l’encourager. Il la laisserait finir son duel avant de la rejoindre. Ils avaient déjà bien bu ces deux-là !
- Eh, Aord, ç’va ? Le vieux travaille chez les Thoke-machin chose. Ah, en parlant d’ça, j’t’ai battu l’vieux. Oups … Je perdis à nouveau l’équilibre et tentais de me raccrocher à Aord. Le vieux se frotta le haut du front, et dit : Heureusement que je suis libre pour ce soir sinon, je n’imagine pas la colère de mes maitres si je travaillais dans mon état actuel. J’ai perdu. Qu’est-ce que vous voulez savoir ? Je ne permis pas au frère d’en placer une que je dis : Dis-nous tout sur tes maitres ! Je ne contrôlais plus le volume de ma voix, et j’oubliais ce qu’il s’était passé le reste de la soirée. Le vieux continua :
- Bon, je me présente Huguenin Oger, je suis le second intendant de la famille Thoke-Wendle. Nous sommes deux à ce poste : Bargar Hesta et moi-même. La famille est composée de quatre membres : Monsieur Friedhelm Thoke-Wendle, Madame Ysabelle, et leurs enfants : Adeline l’ainée et Alderich le dernier. Que voulez-vous savoir d’autres ?
P’tain ta une sacrée descente !
Il lui sourit et essaya de l’aider à tenir debout. Il espérait simplement que son estomac ne décide pas de rendre tout ce qu’elle avait bu maintenant. Ça aurait été un peu embêtant d’arriver devant les nobles, couvert de vomi. Il allait lui demander qui était cet homme quand elle lui assura qu’il travaillait pour les Thoke machin-chose. Elle n’avait pas chômé on dirait ! IL écouta patiemment le serviteur leur parler de la famille qu’ils cherchaient à approcher. Ainsi donc, Adeline était la fille ainée. Était-ce la femme qu’il avait rencontré tout à l’heure ou l’une de ses servantes ? Impossible de le savoir.
J’ai reçu une invitation de dame Adeline tout à l’heure, dit le frère innocemment.
Le serviteur qui s’accrochait à la table leva les yeux vers lui et lui lança un regard indéchiffrable. Aord eut l’impression qu’il avait pitié de lui l’espace d’un instant. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Il s’apprêtait à lui demander quand l’homme prit la parole :
Vous avez beaucoup de chance … pour un prêtre, si c’est le cas …
Aord n’avait aucune idée de ce qu’il voulait dire par là et ne creusa pas davantage la question. L’homme semblait commencer à ressentir les effets de son concours de boisson et il n’allait plus être très frai bien longtemps. Le religieux s’empressa d’enchaîner.
Vous ne chercheriez pas quelqu’un pour travailler au manoir ? Vous voyez, mon amie ici présente cherche du travail et on se demandait s’il y avait de la place pour elle au manoir.
Elle sait faire quoi ?
Le frère chercha à toute vitesse une idée.
Euh plein de chose, je suis sûr qu’elle pourra tout vous montrer demain quand elle aura décuvé un peu de toute sa bière.
Aord fit exprès de se décaler pour qu’Aishela trébuche, mais la rattrapa in extremis.
Je crois pas qu’elle soit en état pour un entretien d’embauche là, je vais la ramener à sa chambre ! Elle peut venir vous voir demain pour en discuter ?
L’homme se tint la tête comme si elle allait exploser. Lui non plus n’avait aucune envie d’en parler ce soir.
Ouai venez demain, ça fera l’affaire.
Bonne soirée !
Le frère lui fit un signe de la main avant d’emmener Aishela ailleurs pour l’empêcher de protester ? Il la bâillonnerait avec sa main si nécessaire.
Dis rien, je vais t’expliquer.
Il jeta quelques cristaux à l’aubergiste et lui demanda s’ils pouvaient prendre une chambre, puis il les conduisit jusqu’à la pièce en question et referma la porte.
Je crois qu’on tient tous les deux notre ticket d’entrée au manoir des Thoke-Wendle Aishela ! Reste plus qu’à fouiller un peu dans leur vie.
- B’jour, vous allez bien ? Scusez moi, vous aurez un endroit où faire un brin d’toilette ? Il me salua à son tour, et m’indiqua une pièce un peu à l’écart, il me conseilla de toquer avant d’entrer au cas où, puis il me dit de le prévenir s’il ne restait plus d’eau pour qu’il aille en chercher ou envoyer un de ses employés. Je me dirigeais vers la pièce en question, et toqua deux fois mais aucune réponse ne se fit entendre, je pénétrai dans la pièce qui était très simple mais avait tout pour me laver.
La pièce avait en son centre une bassine d’eau tiède avec quelques serviettes à côtés, et un peu de savon. Je me dévêtis et mis de l’eau sur un morceau de tissu, le passa sur la moindre parcelle de me peau. Je pris le savon, le passa partout sur moi. Je repassai de l’eau un peu partout puis soulevai la bassine et la renversa sur moi pour finir par être propre. Alors que l’eau coula sur moi, je fermis les yeux, et avec le bruit. J’ai eu l’impression d’entendre un bruit sourd comme si quelque chose avait cogné contre une autre chose, peut-être était-ce juste une porte d’une des chambres, les gens devaient être en train de se réveiller. Je pris une serviette, m’essuya partout puis enroula mes cheveux avec une autre le temps de m’habiller pour ne pas mouiller mes vêtements. Je sortis de la pièce en continuant de me sécher les cheveux, je vis Aord enfin réveillé mais rouge tomate, je lui demandais :
- Euh, ça va ? T’es m’lade, t’as mal dormi ? Laisse-moi voir si t’as de la température. J’approchais ma main de lui mais il ne semblait pas vouloir être touché, bizarre. Je n’insistai pas plus, j’espérais qu’il n’allait pas s’évanouir ou vomir avant de retourner à notre enquête.
Je me tournais vers l’aubergiste pour le prévenir pour la bassine, il donna l’ordre à un petit gars d’aller remettre de l’eau dans cette dernière. Puis, tout en finissant d’essuyer mes cheveux, je me tournai vers mon compagnon :
- Donc t’as vu des trucs ? Ma question semblait le choquer. Hier, t’as vu des gens qui connaissait la famille Thoke-Wendle pendant que tu faisais tes trucs de frère de Lucy ? Pour ma part, j’ai rencontré un vieil homme travaillant pour eux mais je ne sais pas s’il m’a dit quelque chose à propos d’eux. T’as des infos ?
Il me raconta l’histoire de la fille qui l’avait perturbé, j’eu un sourire en coin. Il m’apprit pour l’histoire du concours de boisson que j’avais gagné, donc voilà pourquoi je puais l’alcool ce matin. Donc la famille était constituée de quatre membres, en plus des domestiques. Et il m’avait vendu auprès du vieil homme pour travailler pour les nobles. Je lui fis une tape sur l’épaule qu’il ne put esquiver.
- Dragueur va, t’as tapé dans l’œil d’une noble. Peut-être qu’on va te marier pour que tu t’approches de l’objet qu’on veut, ou te laisser passer la nuit avec elle. Hahaha. Mon rire fut interrompu par une salutation d’une voix derrière nous, c’était le vieil homme de la veille. Il avait l’air un peu nauséeux mais essayait de se montrer un minimum digne, je le saluai. Alors, ç’va mieux après ce p’tit concours d’hier ? On a eu tort de sous-estimer une jeune, n’est-ce pas ? Il vint s’asseoir à nos côtés, et demanda un truc sans alcool pour le requinquer à l’aubergiste, je sentis mon ventre gargouiller, c’est vrai que je n’avais pas mangé ni la veille ni ce matin. J’avais bien droit à un petit déjeuner.
Le frère descendit dans la grande salle qui n’était pas très animée de si bon matin. Quelques clients mangeaient leur petit déjeuner dans un coin, mais il y avait clairement moins de monde que la veille au soir. Il salua l’aubergiste et lui demanda où se trouvait sa compagne de voyage. Ce dernier lui indiqua une porte située au fond et fut alors interrompu par un de ses employés. Aord le remercia d’un signe de tête pour ne pas le gêner et entreprit d’ouvrir ladite porte … avant de la referme violement. Il avait absolument tout vu … Il jeta un regard noir à l’aubergiste qui semblait se perdre dans la contemplation d’une tache de graisse au plafond. Il aurait pu prévenir cet enfoiré !
Le religieux entendit quelque chose s’agiter derrière la porte et sentit une goutte de sueur couler dans son dos. Est-ce qu’elle l’avait vu ? Par Lucy, tout mais pas ça … Il se précipita à une table et commanda un petit déjeuner en faisant comme si de rien n’était. D’ailleurs, quand Aishela sortit finalement quelques minutes plus tard, il ne la regarda même pas et sursauta même quand elle lui adressa la parole. Heureusement pour lui, mais à son grand soulagement elle n’avait rien remarqué. Malgré tout, le frère ne pouvait s’empêcher de rougir quand il la regardait, l’image de son corps nu encore bien imprimé dans son esprit. Pourquoi ça n’arrivait qu’à lui ces choses-là ?
Par Lucy, non pas de mariage par pitié, marmonna-t-il en réponse aux petites piques que lui lançait Aishela.
Il fut sauvé par l’arrivée du serviteur des Thoke-Wendle. Ce dernier semblait avoir du mal à se remettre de sa défaite de la veille. Après tous ces verres et avec son âge, ce n’était pas vraiment étonnant. Pourvu qu’il se souvienne de sa promesse. Aord ne se sentait pas vraiment d’aller tout seul au manoir. Il avait un mauvais pressentiment.
Après s’être assuré qu’il tiendrait sa promesse et après s’être préparés comme il se doit. Le petit groupe se rendit à la demeure des fameux nobles. Elle se dressait en dehors tel un autel de débauche. Ses habitants semblaient aimer l’or plus que tout, la façade en était recouverte. Bien sûr, la couleur dorée ne venait qu’embellir les multiples décorations qui parsemaient la façade. Aord se fendit même d’un commentaire.
Et bien ! C’est … disons … original de voir cela en pleine campagne.
Mes maîtres aiment montrer leurs richesses et leur pouvoir à tout le monde. C’est un trait de caractère que tous partagent, même s’il prend une forme différente suivant le membre de la famille que vous rencontrez.
Il s’arrêta pour ouvrir la grille du portail principal.
Bien, messire Svenn, je vous laisse suivre l’allée en direction de la porte principale, on vous accueillera comme il se doit. Je suis sûr que dame Adeline vous attend avec impatience.
Un sourire peu rassurant se dessina sur ses lèvres et Aord en eut froid dans le dos, mais il ne pouvait plus reculer. C’était une occasion en or. Il salua Aishela comme un condamné qui marchait vers la potence et les quitta pour rejoindre la porte principale. Il utilisa le heurtoir d’une main tremblante et attendit qu’on l’accueille. Il n’eut pas à attendre longtemps, car la jeune femme qu’il avait rencontrée la veille lui ouvrit presque aussitôt. Le frère jura intérieurement, il n’avait pas vraiment envie de la revoir. Sa déception fut encore plus grande quand elle se présenta comme étant la fameuse Adeline … c’était beau l’espoir.
Pardonnez-moi de ne pas m’être présentée l’autre jour, mais j’aime autant ne pas étaler mon statut de noble quand je suis entouré de … de …
Fermiers ?
Oui, voilà … de fermiers. Lucy seule sait ce qui pourrait leur passer par la tête en comprenant ma vraie nature !
Aord leva discrètement les yeux aux ciels. Ces nobles et leur argent … quand est-ce qu’ils comprendront ? La maîtresse des lieux le guida jusqu’à un petit salon où on leur apporta de quoi se sustenter. D’une certaine façon, cela rassura Aord de voir que cette rencontre restait pour le moment tout à fait banale. Son pressentiment était sûrement faux.
Ils discutèrent une bonne heure pendant laquelle Adeline le bombarda de questions sur sa vie et sur ses connaissances. Le frère fut ravi de lui montrer l’étendue de son savoir littéraire et son éloquence. Les frères étaient des personnes cultivées et il comptait bien le lui montrer. Tout le long de leurs bavardages, la noble se mordillait les doigts tandis qu’il parlait, comme si elle attendait quelque chose avec une grande impatience, renforçant le malaise d’Aord. D’ailleurs, il ne pouvait s’empêcher de remarquer les regards langoureux qu’elle lui jetait. Heureusement que la conversation ne dérivait pas …
Ils furent finalement interrompus par l’arrivée d’une servante qui indiqua que « la salle était prête ». Aussitôt, la noble sauta sur ses deux jambes, totalement surexcitées.
Bien, bien, venez avec moi frère Svenn. Je dois vous montrer quelque chose de particulièrement excitant.
Elle s’était penchée à son oreille pour dire ce dernier mot et Aord frissonna de dégoût. Toutefois, il subissait ça pour une bonne raison.
Je ne sais pas … j’aurais voulu jeter un regard à la fameuse tablette avant de … protesta-t-il sans conviction.
La jeune femme le regarda étrangement puis sembla se souvenir que c’était avec cet artéfact qu’elle l’avait appâté ici au départ.
Ah oui, la tablette … bien sûr … C’est justement cela que je voulais vous montrer, dit-elle avec un sourire forcé.
Soudain une lueur de malice éclaira ses yeux.
Comme c’est un objet très précieux pour ma famille, vous comprendrez que je ne peux vous laisser le manipuler sans aucune précaution. Je vais donc d’abord vous bander les yeux, pour que vous ne sachiez pas où il est conservé.
Elle détacha ses cheveux et récupéra le ruban. Aord eut un mouvement de recul quand elle s’approcha, mais la laissa faire finalement. Encore un effort et il pourrait enfin voir cette tablette pour laquelle il était venu. Il se promit de demander une compensation pour préjudice moral à son employeur quand il reviendrait à la capitale. Il n’avait pas du tout prévu ça …
Mademoiselle Thoke-Wendle, traîna le jeune frère dans tout le manoir, soi-disant pour embrouiller son sens de l’orientation, mais Aord n’était pas dupe. Elle en profitait pour s’accrocher à lui en prétextant que le passage était difficile. Elle le laissait même se cogner pour mieux caresser son front en bonne hôte attentionnée qu’elle était. Au bord du malaise, Aord subissait son harcèlement à peine caché. Encore un petit effort, se disait-il, s’est bientôt fini …
Ils arrivèrent enfin à la fameuse pièce qu’ils avaient cherchée dans toute la demeure.
Attention, il va falloir descendre quelques marches, prévint la noble.
Au point où il en était, Aord fonça tête baissée dans son piège qu’il voyait arriver de très loin. Il trébucha comme par hasard et comme par hasard, elle le rattrapa de justesse en profitant de sa chute pour le plaquer contre elle. Aord se crispa à ce contact et repoussa délicatement la jeune femme.
Merci de m’avoir rattrapé, mais je crois qu’on devrait y aller plus … doucement.
Un petit rire féminin lui répondit. Par Lucy, mais allait-elle finir par se lasser ? Le frère descendit le reste des marches sans encombre et entra dans la pièce en suivant Adeline qui l’avait pris par la main.
Bien maintenant, asseyez-vous là et je vais pouvoir vous enlever ce bandeau.
*Clic*
Aord entendit distinctement le cliquètement d’une serrure qui se ferme e le tintement de plusieurs chaînes. Soudainement, il sentit un poids lourd sur ses poignets et ses chevilles. C’est à ce moment qu’Adeline décidé de lui retirer le voile qu’il avait sur les yeux. Il cligna des paupières plusieurs fois quand la lumière des cristaux l’éblouit. Il se trouvait dans une pièce au mobilier sommaire. Un coffre, une sorte de paravent et un grand lit. Le frère était attaché à une chaise par de lourdes chaînes entravant ses mouvements. Mais quand est-ce qu’elle avait eu le temps de …
Dame Adeline, qu’est-ce que c’est que tout ça je croyais que nous …
Elle le coupa en posant un doigt sur sa bouche et en caressant sa joue.
Chuuuuut, tu es bien plus mignon quand tu te tais, dit-elle d’une voix suave.
Aord rougit violement et elle essaya alors de l’embrasser.
Même pas en rêve, dit-il en l’accueillant d’un bon coup de boule bien placé.
La noble tituba en arrière. Bien loin d’être en colère face à son refus, elle semblait étrangement transportée par sa rébellion. Tout en se massant le nez, elle se dirigea derrière le paravent et Aord put constater qu’elle changeait de tenue.
Tu sais ta foutue tablette, ça fait bien longtemps que nous ne l’avons plus. Ça doit bien faire trois générations. Le dernier à l’avoir vu c’était Edward, je crois, il ne pouvait pas la lâcher des yeux. Il a même dû l’emporter dans la tombe. Mes parents font encore croire qu’elle est en notre possession pour le prestige uniquement.
Elle réapparut enfin devant le frère qui détourna les yeux immédiatement devant tant d’indécence.
Arrête donc de te prendre la tête mon petit prêtre, j’ai de quoi te faire oublier tous tes soucis, dit-elle en se dirigeant vers le coffre.
Aord jeta un coup d’œil à son contenu et blêmit, priant ardemment la déesse qu’elle le sorte des griffes de cette folle.
- Ils ont quelque chose à prouver avec toutes ses dorures car à part faire mal aux yeux des gens, je ne vois pas l’intérêt du truc.
Aord n’avait pas l’air enjoué d’aller à la rencontre de la maitresse de maison, je me permis de lui dire un truc.
- Si t’as besoin d’aide, tu hurles : « cornes », je viendrais le plus vite possible. Bon, le plus vite possible si je ne me perds pas dans cette immense demeure. Je me demande si elle est plus grande que celle de Camille, peut-être la même taille ? À peine, eu-je le temps de finir ma phrase, qu’il toqua à la porte et qu’une jeune femme vint lui ouvrir.
De mon côté, j’allais avec Huguenin dans les jardins, ces derniers étaient très grands avec un coin potager, l’un de ses nobles aurait une passion pour le jardinage. Le majordome me présenta à un homme au visage assez marqué, il s’agissait du premier intendant, Bargar. Je me saluai poliment, ce dernier ne sembla n’en avoir rien à faire de comment je m’appelais, aussi malpoli qu’un noble alors qu’il n’en était pas un, il me demanda si je savais manier une bêche.
- Mon vieux, je suis paysanne avant d’être aventurière ou après, je ne sais pas trop. Je sais utiliser tous les outils possibles pour m’occuper d’un jardin ou d’un champ même si je le faisais à la main quand j’étais plus jeune.
Il m’envoyait paitre, me passa une bêche, et me montra un coin de terre dont je devais m’occuper. Pour la politesse, on repassera, le second m’informa qu’il était comme ça avec tout le monde. Cela faisait des années qu’il travaillait pour les Thoke-Wendle, sa seule occupation extérieure avait été de s’occuper de ce jardin qui aurait été laissé en friche s’il n’avait pas décidé de s’en occuper sur son temps libre. Je ne pus de pousser un sifflement de surprise.
- Eh bah, il doit être balaise pour réussir à s’occuper de ça tout seul.
- Bien évidemment que je le suis, personne ne pourrait imaginer la quantité de travail que cela représente.
Toujours aussi sec mais il semblait content du temps qu’il avait passé dessus. Il commençait à présenter les différentes plantes qu’il avait fait pousser, pendant que je m’occupais du lopin de terre qu’il m’avait confié. Il me raconta que ses employeurs avaient déjà été complimenté pour leur jardin, et que les maitres de maison ne manquèrent de parler du travail du majordome en bien quoiqu’en le qualifiant de jardinier de temps à autres. Les enfants ne venaient, quant à eux, jamais dans le jardin, le fils souffrait d’un mal qui le faisait avoir des quintes de toux, et faisait apparaitre de rougeurs, pour la fille, elle préférait organiser des soirées privées pour jouer à des jeux particuliers. Il fit en mouvement de guillemet quand il dit le mot jeux. Une interrogation me vint quant à l’occupation de l’ainé : Adeline, il me semble.
- Euh, vous parlez de quels types de jeux, précisément ? J’ai un ami qui a été invité par elle, et ça m’intéresserait de savoir ce genre de détail.
- Ah, bah en ce moment ton ami doit prendre son pied ou pas qui sait les envies du moment de la petite.
Bizarrement, je n’étais pas rassuré, déjà qu’il avait été mis mal à l’aise avec la rencontre inopiné au temple du village avec la fille de la famille. Soit il allait gérer soit il allait craquer, j’espère que je pourrais l’entendre si besoin. Courage Aord, courage.
Adeline riait comme une possédée tandis qu’elle tournait la manivelle d’un mécanisme discret, relié à la chaise d’Aord. Lentement son siège s’était élevé dans les airs avant de se retourner brutalement. Ficelé comme un saucisson, le frère était resté collé au siège, mais cette position était tout à fait inconfortable. Ses cheveux lui tombèrent dans les yeux, cachant son visage rougit par l’afflux de sang. La noble le hissa à un bon mètre de hauteur de façon à ce que son visage soit au niveau du siens quand elle se tenait debout. Elle s’approcha alors de lui portant toujours sa tenue ridicule qu’Aord n’arrivait même pas à regarder tellement elle était indécente. Dans cette position, il avait bien plus de difficultés à parler.
« Par la sainte déesse, tu te tais enfin ! fanfaronna sa geôlière. Maintenant, on va pouvoir s’amuser. »
Elle sortit une lanière de cuir tout à fait banal de son coffre aux horreurs. Aord déglutit nerveusement et commença à se débattre, mais il était si bien attaché qui ne fit que se fatiguer. Il ouvrit la bouche, mais la noble posa sa lanière sur ses lèvres.
« Chuuuutt, soit beau et tais-toi. »
Les yeux d’Aord se remplirent d’appréhension quand elle le bâillonna en riant alors qu’il essayait de l’en empêcher totalement impuissant. Elle s’écarta ensuite fière du tableau qu’elle contemplait et lâcha une partie de la lanière qui se déroula sur le sol. Elle leva ensuite lentement le bras se délectant de ce qu’elle voyait dans les yeux de son prisonnier. Aord ferma les yeux et pria la déesse de tout son être.
« Allez mon chou, c’est l’heure de dance …
- Madame, Adeline ? »
Quelqu’un venait de frapper à la porte coupant la diablesse dans sa folie furieuse. Aord rouvrit un œil pour la voir entrouvrir la porte.
« Quoi ? hurla-t-elle à son serviteur.
- Vos nouveaux objets sont arrivés Madame … commença-t-il à expliquer.
- J’avais précisé que je ne voulais être dérangée sous AUCUN prétextes, s’époumona-t-elle prise d’une colère sourde.
- Mais vous aviez dit de vous prévenir immédiatement quand ils arriver … »
Le serviteur se tut comprenant qu’il s’enfonçait. Sa maitresse le toisa des pieds à la tête avant de soupirer.
« Très bien, reprit-elle en jetant un regard au religieux qui pendait toujours au bout d’une corde, je vais aller les récupérer pour pimenter un peu notre rencontre. Ne bouge pas mon chou j’en ai pour 10 minutes. »
Elle lui envoya un baiser de la main et sortit de la pièce en prenant bien soin de la fermer à clé. Aord soupira de soulagement.
« Merchi oh déèche de m’avoir chauver … dit-il à travers son bâillon. »
Il n’était pourtant pas sorti d’affaire pour autant. Attaché au plafond comme un jambon, incapable d’appeler à l’aide. Il tenta de se débattre, de se tordre pour créer du mou quelque part, un point sur lequel il pourrait tirer pour se détacher, mais ses liens ne bougèrent pas. Elle avait tout noué à la perfection comme si elle avait fait ça toute sa vie … Il ne lui restait plus qu’une chose à faire. Du fond de cette pièce, perdu dans ce manoir de l’enfer, Aord hurla à plein poumon en espérant que quelqu’un lui vienne en aide.
- Dis, m’sieur’, votre maitre possède toujours une tablette bizarre qu’ils gardent précieusement ? Plus direct que ça, on ne fait pas. Je me rends compte qu’avec le recul, c’était vachement direct comme question.
- Euh, ça ne me dit rien. Mes maitres ne gardent rarement les choses, ils peuvent faire croire le contraire pour de la reconnaissance mais je ne pense pas qu’ils possèdent un objet comme tu dis.
- Quoi ?! À quoi, ça sert que je sois là alors. Je réfléchis quelques secondes, à quoi faire et prévenir Aord que ça ne sert à rien qu’on reste là. Je souris, il n’y avait pas beaucoup de solutions, on devait éviter de tuer qui que ce soit mais pas de foutre le bordel, je pris la bêche que j’avais entre les mains, et dit : Désolé, je dois vous laisser, j’ai une affaire importante à régler. Je partis en direction de la maison.
Je ne savais pas à ce moment que Bargar avait su ce qui allait se passer, et allait nous aider en retenant Adeline quelques minutes, avant ma rencontre avec cette dernière, qui allait être musclé.
Je pénétrais par une fenêtre dans la demeure, et couru à travers à la recherche d’Aord mais rien n’y faisait, je ne l’entendais pas. Il était en train de fouiller ou quoi ? Puis continuant à chercher par-ci par-là, je tombais sur un escalier qui semblait ne descendre nulle part, je descendis donc et tomba sur une porte en bois, fermé à clé. Je n’avais pas le temps de réfléchir à trouver le moyen de l’ouvrir, je donnai un coup de pied dedans, elle résista, j’insistai avec un deuxième, puis un troisième et enfin le dernier et quatrième, la porte s’ouvrit devant moi et ce que j’ai vu me surpris totalement. Il y avait mon compère attaché au plafond par un système étrange qui ressemblait plutôt à ce qu’on pouvait trouver en prison que dans une maison de noble. Je ne comprendrais jamais ces nobles, on dirait. Mon regard tomba sur une sorte de manivelle qui semblait relier à la planche en hauteur. Je le fis enfin descendre, il n’avait pas l’air bien, le pauvre.
- Ça va aller mon vieux, c’est moi, Aishela. La prochaine fois qu’une femme t’invite contente toi juste d’un repas. Je commençais à lui enlever la lanière de cuir qui lui boucha la bouche puis retira chaque lien qui l’emprisonnait. Une fois, le dernier retirer, il tomba, je le rattrapais pour éviter qu’il se fasse mal sur le sol alors que je m’apprêtais à lui faire part de ma découverte, j’entendis une voix hurler derrière moi, c’était une jeune femme dans une tenue qui me fit penser à celle des courtisanes qui traine dans les tavernes et certains quartiers « chaud » comme disait les autres aventuriers. Je ne pus m’empêcher de sourire en la voyant comme ça. Hahaha, c’est quoi cette tenue ? Tu ne ressembles à rien, tu t’es vraiment baladé comme ça chez toi, vous les grandes familles êtes bizarres.
- Assez ! Je ne supporterais pas qu’une fille de bas étage vienne me piquer mon jouet. Tu vas me le payer, je vais te tuer et ensuite je reprendrais où j’en étais avec le frère de Lucy.
Folle, elle l’était totalement. Je déposai Aord sur le sol, elle fonça vers moi avec une sorte de bâton avec un morceau de cuir au bout, je me pris le coup dans le dos, la douleur ne fut pas aussi forte que je le pensais, je me retournai, et lui collai un énorme coup de poing avec mon autre main ce qui la fit s’envoler. Je ne m’attendais pas à qu’elle soit faible à ce point, à quoi ça sert d’avoir de l’argent si on ne peut se défendre efficacement.
- Bon, bah, une chose de régler, on dirait ? Vraiment quelle tenue, je ne comprendrais pas l’effet que ça fait aux hommes, tu pourras m’expliquer plus tard ? Je me penchai vers le frère de Lucy, je lui tendis ma main.
« Asmmmmee, admmmee mmmiommmm, cria-t-il derrière son bâillon »
La jeune aventurière le décrocha et lui retira ses entraves. Aord pris de grandes bouffées d’air. Tout son corps était engourdi par le manque de sang et Aishela put le manipuler comme une poupée de chiffon. Aucun de ses muscles ne semblait vouloir bouger et il pouvait sentir des fourmis dans tous ses membres. Il s’appuya sur elle pour essayer de tenir debout alors qu’un puissant vertige le gagnait.
« Putain, c’que je suis content de te voire. »
Il lui sourit comme on souriait à son sauveur. Il avait vraiment cru qu’Adeline allait commencer sa séance sans que personne ne l’entende crier … Soudain la porte s’ouvrit et sa tortionnaire apparut, Aord devint rouge, mais cette fois de colère. Cette garce allait payer pour ce qu’elle … Un flou blanc passa devant ses yeux et en instant, la noble avait fait un vol plané. Il regarda Aishela, reconnaissant, et se laissa trainer jusque dans le couloir.
« Attends, lui dit-il quand ils passèrent à proximité de la jeune noble. »
Il se racla la gorge et lui cracha au visage avec tout le dédain qu’il ressentait à son encontre. Il n’avait aucune pitié pour cette folle et seul sa faiblesse l’empêchait de lui coller un bon cou de pied dans les côtes.
« Espèce de cinglée, jura-t-il avant de s’appuyer sur Aishela pour quitter le domaine. »
Ils partirent le plus vite possible, aidés par le nouvel ami de l’aventurière qui semblait les aider quand ça lui chantait.
« Vous auriez pu me prévenir pour cette tarée, l’accusa Aord devant le portail.
- C’et que je pensais que vous étiez consentent au départ … s’excusa-t-il. »
Aord lui décocha son plus beau visage de dégoût. S’il avait su, il aurait fui à toutes jambes !
« Merci quand même … »
Ils partirent en direction du village, au bout de quelques minutes, Aord put marcher sans l’aide de la femme cornue. Il s’étira de tout son long.
« Quand je pense à ce qu’elle avait dans son coffre, frissonna-t-il. Merci d’être venue à mon secours, Aishela, je sais pas ce que j’aurais fait sans toi … Non, mais tu te rends compte ? Je ne pensais pas que ce genre de personnes existaient, j’avais beau lui dire d’arrêter, elle restait dans son délire … »
Il ralentit le pas sur le chemin se souvenant de quelque chose qu’elle lui avait dit.
« Par la déesse, j’avais oublié, mais elle m’a dit où se trouvait la fameuse tablette ! D’après elle, elle aurait été enterrée avec son ancêtre Edward. »
Aord s’arrêta au milieu du chemin et observa le ciel. Le soleil déclinait à l’horizon et l’air frais du soir commençait à le faire greloter.
« J’ai qu’une envie c’est de me barrer de ce village de fous. Allons récupérer la tablette au cimetière discrètement et cassons-nous d’ici ! Tu me suis ? »
La tablette n’était pas perdue mais dans la tombe d’un ancêtre de la famille, le soir commençait à apparaitre. Nous allions devoir profaner la tombe d’une personne, je n’aime pas les cimetières.
- Bon, bah, j’espère qu’il n’y aura pas de fantôme pour nous embêter pendant notre basse besogne. Tu peux surveiller que personne n’arrive ? Aord s’exécuta, et alla un peu plus loin. Je gardais une torche pour voir où je creusais. Après quelques minutes, je touchais quelque chose de solide, je déblayai la terre tout autour du cercueil. Je descendis à hauteur de la dite tombe, avec la pelle, je forçais cette dernière et la première chose que je sentis fut la puanteur du cadavre, c’était horrible comme odeur. Je me retins de vomir même si l’envie était présente, en ouvrant plus, je vis la tablette posée sur le cadavre comme leurs armes pour certains grands guerriers dans les histoires. Je la pris et referma la tombe et remontai à la surface. Je confiai la tablette à Aord, je remis la terre à l’endroit d’origine puis tassa pour que ça ait l’air propre. En espérant qu’aucun esprit ne vienne me hanter pour ça.
Nous rentrâmes à l’auberge pour aller dormir, je ne pus manger à cause de l’odeur du macchabé, je ne savais pas si Aord avait mangé ou pas et à ce moment-là, je m’en fichais. Nous partîmes au petit matin, en payant ce qui restait à payer pour les chambres. On trouva une charrette qui allait jusqu’à la Capitale, c’était enfin un retour mérité.
La femme à corne réapparu en brandissant la tablette qu’elle avait arraché des bras de son précédant propriétaire. Elle ne manquerait à personne après avoir passée autant de temps enterrée ici, oubliée de tous. Aord n’était même pas sûr qu’on vienne vérifier qu’elle était toujours-là. Les nobles se fichait bien de se trésor, seule la renommée les intéressait et pour l’avoir, il n’en avait pas besoin. En découvrant la pâleur d’Aishela, Aord se dévoua tout de même pour sceller la tombe lui-même ne laissant quasi aucune trace de leur petit vol.
Ils rentrèrent tout deux à l’auberge et Aord mangea seul, puisque l’estomac d’Aishela était tout retourné après son tête-à-tête avec la mort. Elle partit donc se coucher sans lui, vidée par cette journée complètement folle laissant Aord dans la pièce principale. Ce dernier commanda un ragoût pour passer le temps et faire le point sur ce qu’il venait de vivre. Il passa de longues minutes à regarder les morceaux de viande flotter. Il n’avait pas vraiment faim lui non plus, mais il se forçait à ingurgiter les aliments pour faire passer la boule au ventre qui s’était installée depuis tout à l’heure. Toute cette histoire était bien en dehors du cadre morale dans lequel un prêtre évoluait d’habitude. Agresser des gens, voler les morts … Aord se demandait s’il avait bien fait. Il n’avait eu aucun scrupule à s’effacer quand Aishela avait frappé la noble, ni quand elle avait pillé la tombe.
Aord avait presque finit son assiette quand la porte s’ouvrit en grand dévoilant une Adeline décoiffée, l’écume aux lèvres et le regard assassin. Aord se retourna lentement et la fixa avec un regard mauvais.
« Toi ! hurla-t-elle »
Elle s’approcha de lui et le saisi par le col. Aord se laissa faire sans rien dire.
« Toit espèce de pouilleux. Tu croyais t’en sortir comme ça ? La garde va bientôt arriver, vous aller me le payer ta copine et toi et … aïe »
Le visage d’Aord se fit froid comme la glace et sa main glissa sur le poignet de la noble qu’il broya de toutes ses forces, l’obligeant à lâcher prise. Il était peut-être naïf. Il était peut-être un peu con, mais une fois qu’il était furieux, il valait mieux ne pas se mettre en travers de sa route et c’était justement ce que l’héritière était en train de faire.
« Ecoute moi bien la folle dingue, dit-il en tordant le bras de la grande blonde sans aucune galanterie. J’ai assez donné de tes délires bizarres alors on va faire un marché toi et moi. »
Il l’obligea à s’asseoir sur le banc en la dévisageant comme s’il allait la tuer.
« Tes fantasmes de merde j’en ai rien à foutre et ton statut de noble aussi. Ce qu’on va faire, c’est que quand la garde va arriver, tu vas juste leur dire qu’il ne c’est rien passer. Tu ne vas rien dire sur la tablette et rien dire sur le coup de poing que tu t’es prise en pleine poire.
- Et pourquoi je ferais ça sale …
- Parce que sinon, j’irais leur expliquer ce que tu fais dans ton petit salon souterrain et tout le monde saura que tu es une putain de catin.
- Personne te croira …
- J’ai plusieurs témoins et j’ai encore les traces de tes liens sur mes poignets. »
Il brandit son autre main devant ses yeux où une marque rouge barrait sa peau au niveau des poignets. Des bruits de pas retentirent à l’extérieur. Aord lâcha Adeline juste avant que la garde ne rentre en trombe dans l’auberge. Le frère s’écarta d’Adeline l’air de rien. Cette dernière sembla hésiter.
« Madame, vous nous avez fait mander. Vous avez quelque chose à rapporter ? »
Elle ouvrit la bouche et je ta un regard du côté d’Aord qui la fusillait littéralement du regard.
« Non … j’avais perdu ma bague, mais ce frère de Lucy m’a aidé à la retrouver. »
Elle se frotta la main, d’un air gêné et Aord sourit à l’officier qui semblait assez énervé de s’être déplacé pour rien. Il repartit donc en jurant que les nobles lui faisaient perdre leur temps.
« Maintenant cassez-vous, jura le frère en prenant une expression très agressive. »
Adeline ne se fit pas prier et s’enfuit à toute jambe. Elle n’avait pas l’habitude de se faire mal traiter. Tout son petit donjon, c’était sûrement pour cacher son manque de confiance en elle. Aord se rassit et finit son repas avant d’aller se coucher. Demain, il apporterait la tablette à l’ordre et ne reviendrait plus jamais dans sur les terres des Thoke-Wendle.