Depuis la récente séquestration de notre reine par ce Klarion Brando, Allys a décidé un peu de recul sur tout ça. Il faut dire que ses dernières années n’ont pas été clémentes avec elle. La fugue de sa fille, la disparition de son fils et j’en passe. Le médecin royal a souhaité qu’elle se repose et avouons-le, elle n’a jamais pris de vacances depuis tout ce temps. Pas une fois, elle a laissé le trône depuis son intronisation, qui pourrait remplacer le couple royal ? Aeron, malgré son retour, n’a pas l’âge et il est encore jeune. Il avait surtout d’autres démons à affronter mais Allys avait besoin de se reposer. Après de nombreuses discussions avec le roi, on a trouvé un compromis, elle doit quitter la capitale pour une lune. Profiter de la douceur de l’archipel en cette période. Ce n’était pas la période estivale, elle sera au calme. Bien entendu, la garde royale veille au grain mais ça voulait dire que ma charge de travail sera plus que doublée. Aeron aura aussi sa part de marché dans cette histoire mais les grosses décisions seront toujours prises par le couple royal. Un coup d’appel cristallique et l’affaire sera conclue puis personne n’était pressé dans cette histoire. Il attendra que la Reine soit remise de ses émotions !

D’ailleurs cela commence par ce rendez-vous. Lin Gher, cette enchanteresse qui travaille à la Ville Aquatique. Le gouverneur de Grand-Port lui a donné les moyens d’étudier le dôme et souhaite découvrir tous ses mystères. Je me rappelle l’avoir déjà rencontrée il y a deux ans de cela pour ses recherches. Sous la tutelle de notre enchanteresse royale, Rey Macklemore, elle avait à divers documents du palais. Celle-ci m’avait prévenu que les recherches de la jeune femme avançait mais qu’il atteindra bientôt une limite. Cette limite, c'était le dôme lui-même et sa population. Même si depuis des siècles, il n’a montré aucune défaillance, je ne souhaite pas qu’une brèche apparaisse alors que des centaines de gens risquent de se retrouver noyer. J'ai survolé rapidement le dossier que j’ai reçu. Une demande pour faire des expériences sur le continent, il fallait maintenant trouver la zone. Il était certain qu’on pouvait oublier la Capitale mais il fallait alors trouver des terres qui appartiennent à la Couronne. Je ne souhaite pas exproprier des gens non plus pour ce genre de choses, nous avons des parcelles ici et là maintenant, elle va devoir m’expliquer les petites lignes qui manquent.

Je finis par regarder mon tempus, c’était bientôt l’heure de son arrivée. Je finis de ranger mon bureau, range les dossiers plus confidentiels. Quelques minutes plus tard, j’entends du bruit côté salon et décide d’ouvrir la porte, Miranda était prête à venir me chercher.

- Je m’en occupe Miranda. Madame Gher, je vous en prie.  

Je fis un accueil bienveillant et tendis le bras pour l’inviter à passer devant pour qu’elle rentre dans le bureau. Celui-ci n’avait guère changé mis à part un gloot qui avait la manie de faire des bêtises mais il avait pour ordre de ne pas se présenter. Ses Majestés, certains ministres ou autres conseillers avaient l’habitude de les croiser mais pour les autres, j’aimerai qu’ils évitent de me mettre la honte comme ils ont la manie de le faire. Ça me fait penser que ça fait longtemps que je n’ai pas croisé le Maître-Espion et le Commandant Höls n’a pas su me dire pourquoi, sauf qu’il était en mission et donc indisponible. Peut-être des choses se préparent, comme si un étranger va apparaître à nos frontières, voir au-dessus…

Je montre alors le fauteuil dans le petit salon de mon bureau et l’invite à prendre place pendant que je m’assois sur celui d’en face. J’attrape alors mon dossier et finit par croiser mes jambes. Je jette un coup d’oeil à mon vis-à-vis, elle semblait plus heureuse, peut-être qu’elle a retrouvé la personne qu’elle cherchait. Je me rappelle vaguement de cette histoire et je ne souhaite pas faire revivre de mauvais moments si la piste s’est trouvée infructueuse.. Non, parlons du vif du sujet.

- Ravie de vous accueillir ici au Palais, Madame Gher. J’ai cru comprendre que vos recherches avancent quand je vois cette demande d’autorisation. Pouvez-vous m’expliquer un peu plus, Madame Macklemore m’a fait un rapide topo, peut-être souhaitez-vous ajouter certaines choses. Je ferai mon maximum pour comprendre.  

Sir Orlin n’était pas invité à cette réunion mais je ne manquerai pas de le faire une prochaine fois. Ce matin, ce n’était que de l’administratif, je ne souhaitais pas le déranger plus que ça..

Le début de l’entretien commence et malgré tout, quelques doutes persistent avec cette femme. Je ne connaissais pas son leitmotiv dans toutes ses recherches même si sa tutrice me donne un avis favorable pour ses expériences. Prenant un ton bienvaillant avec elle, mes iris changent peu à peu de couleur, assimillant les émotions qui émanent de mon vis-à-vis. Les premières minutes étaient celles pour l’adaptation pour calibrer mes analyses. Est-elle de nature nerveuse ou non ? Ca pouvait jouer dans la balance et il était certain qu’avoir rendez-vous avec moi n’était pas la chose la plus naturelle au monde. Qui ne le serait pas lors de sa première rencontre avec la Reine puis qui plus est, elle va devoir me convaincre pour que je signe son parchemin.

L’enchanteresse commence son auditoire et dès sa première phrase, elle cale le mot “ déplaisir “. Je fronce les sourcils mais je préfère la laisser continuer. Il est vrai qu’après la restructuration administrative, nous avons déplacé certains hauts-fonctionnaires car rien ne justifiait la présence d’un Gouverneur à la Ville Aquatique et rien à l’Archipel. De toute façon, c’était un sujet en cours avec la Reine, donner une plus grande liberté administrative à cette contrée insulaire. Mais comme toujours, en politique,  tout cela prend du temps. Quoique, peut-être que cette avancée magique prendra moins de temps. Nous avons perdu ce savoir depuis des années, un millénaire comme elle dit mais je pense que c’est bien plus. Certains anciens écrits montrent d’autres dates plus anciennes encore mais je n’ai jamais entendu cette histoire de cœur magique.

- Même si vous ne montrez que des bonnes volontés, il est encore trop tôt pour que vous ayez accès à cette partie du dôme.    

La véritable raison, c’est que personne ne sait réellement où ils se trouvent dans le palais. Rey a bien ratissé tous les environs, les catacombes mais notre capacité pour vérifier le tréfond est limitée. Je ne me vois pas déstabiliser le sol pour, peut-être, ne rien trouver. Les traces d’anciennes ruines montraient ce schéma d’autel, des colonnes et j’en passe. J’ai pu voir quelques notes mais ici, au palais… rien.

- Mais vous avez raison, il faut des essais, loin des habitations mais pouvez-vous nous garantir la sécurisation des expériences ?  

Quand on voit les dégâts que peuvent faire des aventuriers quand ils luttent contre des monstres sur notre territoire, je n’ose imaginer les dégâts avec la magie des anciens.

- Je ne mets pas en doute votre travail mais il faudrait connaître vos besoins. Établir le nombre d’ares nécessaires ainsi que le gardiennage du périmètre. En vue du caractère de vos expériences, je ne pourrais laisser de simples mercenaires surveiller les environs. La garde royale serait même plus adaptée pour cela pour le côté confidentiel. Je ne souhaite pas que cette technologie tombe dans de mauvaises mains.  

J’essayais de prendre un ton compréhensif et qu’elle ne voit pas ça comme une punition. Certes, se voir surveiller par des soldats n'était pas une bonne marque de sympathie. Mais il était plus aisé pour moi de demander l’aide du Capitaine Hekmatyar. La valeur des gardes royaux n’est pas à prouver et il trouvera des hommes de confiance.

- Avant de continuer, avez-vous des objections sur ce point ?  

Quoi qu’elle dise, c’était un point non-négociable mais elle ne le savait pas encore. Je me contente alors de voir ses réactions avant d’ajuster mes autres points...

- Vous avez raison, Sir Orlin serait plus que ravi d’en savoir plus sur votre projet.    

Il était même plus compétent pour définir l’orientation de ses recherches mais ce n’était pas l’objet de la réunion. Que je ne comprenne ou pas toutes les problématiques, je pense essentiellement à la sécurité de nos concitoyens et qu’au manquement ne va découler de tout ça.

- Mais malgré que ça concerne le secteur du Capitaine Rakija, je souhaite au minimum la supervision de la Garde Royale. Libre à eux de prendre des hommes du régiment du Sud. Ils pourront s’occuper de la partie maritime mais le périmètre de sécurité ainsi que les informations de cette expérience seront à huis-clos aux bonnes mains de la Garde Royale.    

Je ne mets pas en doute la bonne volonté de ses hommes mais je préfère éviter la moindre faille dans le système avec des hommes corrompus. La Garde Royale a, théoriquement, ce privilège.

-  Avec votre limite de quinze kilomètres, il est évident qu’on s’éloignera le plus possible de Grand-Port pour éviter de troubler les affaires courantes.    

Je finis par me lever et rejoindre mon bureau pour sortir une des cartes du littoral. Je la déplie sur la table basse et la tourne dans la direction de l’enchanteresse. C’était une vieille carte avec plusieurs annotations. Des croix de carroyages étaient visibles, chacune séparée de vingt kilomètres, bien pratique dans notre cas. On apercevait les villages avec noté au crayon de bois, le nombre d’habitants. J’avais pris diverses couleurs pour indiquer les routes marchandes et leur popularité. Il y avait plusieurs choix devant nous. Je pointe du doigt une zone, proche du village de Pontarion.

- Dans cette zone, la ville la plus proche est à l’estuaire de ce bras de Luisante. Non avons une cinquantaine de kilomètres du Grand-Port. Le transport de vos marchandises sera possible par voie fluviale ou par chariot. Dans tous les cas, vous allez être obligé de marcher un peu.    

Je trace du doigt les divers cheminements et lui montre alors la ville de Pontarion.

-  Voici le village le plus proche à dix huit kilomètres je dirais. Il y a un petit port mais c’est surtout une annexe de son homologue un peu plus au Sud. Il sera aisé d’arrêter la circulation. L’avantage de ce site c’est si nécessaire, le régiment du Sud peut intervenir que ce soit en secours ou sécurisation. Pour la Garde Royale, la route ne sera pas trop longue, permettant un repli si nécessaire. De toute façon, sur cette partie-là, ça sera un choix militaire, ils feront ce qu’ils souhaitent.  

Comme toujours. Seul le couple royal arrivait à leurs fins, pour moi, c’était une autre affaire.

- Ensuite, pour l’aspect catastrophe. Je suppose que malgré tout, vous êtes confiante dans vos recherches non ?    

J’affiche un léger sourire sur mon visage. Une petite boutade pour détendre l’atmosphère.

- Souhaitez-vous que Dame Macklemore contrôle vos calculs ? Je pense que ça ne la dérangerait pas et si tout le monde est rassuré par la suite...  

Je ne souhaitais pas créer une catastrophe alors que la Reine a décidé de partir en vacances à l’Archipel. Si on pouvait éviter un tsunami sur l’île où elle se repose, ça m’arrangerait grandement...

Carte:

La jeune femme veut me montrer qu’elle était sûre d’elle, déterminée mais mon pouvoir me permettait de déceler autre chose. Ce n’était pas de la peur non, autre chose. Difficile d’expliquer mais certaines découvertes devaient être faites en prenant en considération les risques. Nous étions certainement à ce stade et si nous ne faisons rien, on ne pourra jamais comprendre les choses. La science ou d'autres formes d’études avait toujours le même schéma. Trouver une problématique, faire les différentes hypothèses, les calculs, les estimations, les protocoles d’essais, les simuler puis enfin les essayer. Arriver à cette étape était la plus dure, remettant des fois des années ou des décennies de recherche en question. Et si le résultat était faux ? Une catastrophe ou au contraire une réussite. Le plus humble des érudits dira qu’on verra bien, le plus important c’est d’essayer. Peut-être arriverons nous à percer le secret du dôme avec cette expérience. Enfin, plutôt, arrivera-t-elle à le percer. J’étais curieuse de savoir mais j’avais aussi peur du contraire. Si cette magie était néfaste ? Empoisonne le cœur des hommes,  demande des sacrifices ? Ne pensons plus à ça, soyons optimiste.

-  Je proposais ça de manière aimable Mademoiselle Gher, un soutien d’un de vos pairs pour vos calculs.    

Ils étaient certainement d’aucune aide mais je pensais aider et je comprends alors sa réponse. Elle travaille depuis des saisons sur cette expérience, n’importe qui ne peut pas venir et remettre en question son travail. Mais elle demandait le soutien de la Couronne pour ses expériences, je me dois de faire le nécessaire. On ne demande pas une zone de confinement pour exploser un truc sans comprendre la réalité de choses.

-  Deux cents mètres, oui ce n’est pas rien. Effectivement.  

Est-ce que les deux cents mètres s’arrêtent à la surface ou peut- on peut évaluer ça comme une sphère ? La différence était de taille car ça insinue qu’on risque de perdre une partie de la falaise.

-   Si L’expérience échoue, avez-vous le moyen de confiner le monument ? il est vraisemblable que de la magie résidera encore près de ses ruines, non ?  Du moins, dans le pire des cas. Je souhaite sincèrement que votre expérience réussisse.  

Et c’était vrai. Je ne nierai jamais les heures, journées de travail qu’elle a pu faire.

- Mise à part une zone de sécurité et des gardes. Avez-vous besoin d’autres choses ?      

Dans la mesure du raisonnable. Aucun financement a été alloué à son travail. Le précédent Gouverneur peut-être mais nous ne gérons pas ses budgets, c’était entre elle et lui.

- Je pense que je peux exaucer votre souhait. Nous allons faire appel à une société de transport.    

J’en connaissais certaines dans la Capitale et également à Grand-Port. Je vais devoir préparer une mise en concurrence, faire la sélection pour ensuite valider le budget avec la Trésorière. En soit rien d’extraordinaire mais de ce que j’ai compris, il faut un certain type de chariot pour acheminer sur le site d’expérience sans parler des moyens de levage. Je demanderai au responsable des services généraux de s’occuper du dossier.

- Mais néanmoins, il faudra tout de même une saison avant d’envisager de faire votre expérience. Peut-être qu'on pourra gagner une lune si le transporteur a déjà les chariots à son dépôt. Je vais déjà me renseigner avec la Garde et envoyer un émissaire pour la zone d’essai. Il faudra déblayer la zone et dédommager les propriétaires des environs.    

Je lève la main pour m’arrêter moi-même.

- je vous embarrasse avec mon blabla administratif. Je vais vous signer votre autorisation, c’est pour ça que vous êtes venue non ?  

Je quitte mon fauteuil pour attraper le document que j’avais préparé. Toutes les informations y étaient notées, il me restait plus qu’à apposer mon sceau. Je fais chauffer la cire, attrape l’une de mes plumes. Je tourne mon poignet pour activer mon tatouage de rangement. Un petit enchantement que j’ai depuis peu pour ranger les choses importantes. On y trouvait d’ailleurs mon sceau que j’avais spécialement fait pour les documents ministérielles. C’était le sceau royal avec un lys à l’intérieur. Il n’y avait aucun doute de la provenance de cette lettre. D’un savant mélange de résine de pin, vermillon et de divers colorants. On avait l’impression que c’était un camaieu de violet avec des pointes de blanc. Une fois l’opération finie, je signe le document et retrouve ma place dans le fauteuil.

- Tenez, vous avez tout ce qu’il vous faut dans ce décret. Bien entendu, il est révocable à tout moment par l’officier de service si la vie de nos concitoyens est en jeu.    

J’essayais de le dire avec toute la politesse nécessaire mais il ne fallait pas qu’elle oublie ce détail. Moindre faux pas, action douteuse et tout ceci s’arrêtera.

- Avant que cette réunion se finisse, un petit thé avant de partir ou avez-vous un autre sujet d’expérience à me parler. Je suis curieuse des nouveaux sujets de recherche qui peuvent être en vogue dans notre royaume.    

-  Alors je fais chauffer l’eau et je suis à vous.    

J’attends qu’elle finisse sa phrase avant de me lever de nouveau pour préparer notre thé. Elle va croire que j’ai la bougeote, c’est juste que je n’ai pas besoin qu’une tierce personne prépare mes rendez-vous. Certains abusent de serviteurs ou assistants pour ce genre de choses, je ne me voyais pas demander à Miranda et encore moins à Queen Milan. Alors que j’activais le feu, je rapporte le service à thé de bonne manufacture. Des tasses aux fleurs incrustées, un verre qu’il vient d’une île spécifique de l’Archipel. Les souffleurs de verres avaient un talent incroyable là-bas. Que ce soit pour la vaisselle, les vase ou les bijoux, leur art était inimitable. J’avais donc réussi à trouver un service entier lors d’un voyage d'affaires.

-  Donc une apprentie ? Je ne vous connais pas assez bien pour me dire que je suis un peu surprise. Je vous pensais un peu plus solitaire mais je comprends que la soif de partager son savoir est importante. J’ai eu d’excellents professeurs et je les remercie pour tout ce que j’ai pu apprendre. Je ne serais malheureusement pas là sans eux.    

Mes diverses précepteurs ou autres personnes qui ont su partager leur temps avec moi, a été un don remarquable. Depuis toute petite, je n’étais qu’un livre vierge qui avait envie de se remplir. La mémoire se travaille et peu à peu, j’ai retenu diverses choses. La magie n’était pas mon domaine privilégié mais j’ai quelques rudiments pour ne pas paraître cruche lors de certaines réunions.

-  Mais je vois que votre jeune apprentie s’intéresse sur un sujet ancien. On parle de ses monstres en pierre, les golems dans de vieux écrits. Je lui souhaite bien du courage pour percer un jour leurs secrets.    

Certains ouvrages remontent avant notre ère mais je sais que fouiller dans certaines îles perdues, proche de nos côtes, pourrait obtenir certaines informations. On manque de grands explorateurs depuis quelques générations. Peut-être que de nouveaux courageux vont voir le jour. J’entendis un léger sifflement et attrape la bouilloire pour mettre l’eau dans la théière. Je retourne à mon salon. Sert l’enchanteresse la première, libre à elle de mettre ce qu’elle voulait. Une jolie boîte en bois était sur la table avec de nombreux pots avec diverses mélanges dedans. Les étiquettes expliquaient ce qu’il y avait dedans. Le sucre était non loin et je me sers instinctivement d’un mélange fruité avec une touche de vanille.

- Le prince ?    

Comment était-elle au courant de ça ? Peu de gens étaient au courant de la réalité des choses. Je sais que dans le rapport, il était mentionné une jeune femme à la chevelure blanche qui se connaissait en magie. De nombreuses femmes pouvaient répondre à cette description et vu l’état de notre Prince, il était difficile de savoir le vrai du faux.

- Les affaires concernant le Prince sont tenues par sa mère, notre Reine. Je ne peux pas réellement vous répondre mais je suis bien curieuse de savoir comment vous savez tout ça ?    

Mon pouvoir étant encore actif, je ne vois aucun mensonge chez elle. Je percevais autre chose, de la déception. J’avais du mal à trouver la relation entre cette émotion présente chez elle et cette histoire. Ne voulant pas réfléchir plus, je préfère poser la question.

- Avez-vous rencontré le prince, Mademoiselle Gher ?      

En fonction de sa réaction, je comprendrais bien si c’était elle, la “ magicienne “ de cette histoire. Je ne préférais pas en dire trop, au cas où je me trompais.

Une sélection plutôt stricte ? Là, je retrouve la femme que j’ai rencontré il y a quelques saisons. On ne se connaissait pas, c’est sûr mais les faits et gestes de chacune nous a permis de dresser le profil de l’autre.

- Oui, ne parlons pas du maître d’apprentissage. Toujours redoutable les tuteurs.    

Je prends un malin plaisir à sourire avec un petit clin d'œil à cette boutade. Au moins, elle le reconnaît. Nous parlons de choses diverses comme l’état de santé du prince héritier. Je suis toujours étonnée de savoir que ce soit elle qui l’ai retrouvée dans les montagnes. Curieux hasard ? J’ai beaucoup discuté avec la Reine et le discours que tient Aeron est encore un peu flou. Pas peur ou simple amnésie ? Les recherches continuent pour savoir pourquoi il a fini au fond d’un trou. Néanmoins, si l’enchanteresse y est pour quelque chose sur le retour du Prince, je me dois d’y présenter les sincères remerciements de la Couronne.

-  Mademoiselle Gher, je ne remets pas en doute votre parole. Mais si tel était le cas, je vous remercie beaucoup d’avoir protégé le prince et nous l’avoir ramené sain et sauf.    

Je ne sais pas si on pouvait dire ça. Son esprit est resté longtemps dans l’obscurité de la montagne. Je sais qu’il fait tout pour se débarrasser de ses démons. Il veut gérer ça seul et j’ai l’impression de retrouver sa mère. Tous les deux aussi têtus, le charme Renmyrth.

-  Raison de plus pour qu’on fasse le maximum pour vous aider dans votre expérience. Je sais que vous ne recherchez pas un soutien matériel pour votre bonne action mais je vais tout de même faire le nécessaire. J’en toucherai deux mots à sa Majesté la Reine.    

Je me sers une dernière tasse de thé. L’eau avait un peu refroidi mais c’était tout à fait buvable à l’heure actuelle.

- Avant que nous nous quittions, simple curiosité. Que faisiez-vous dans les montagnes ?      

Oui, je voulais tout de même savoir. Elle était de la Ville Aquatique, il était rare que les insulaires finissent dans le Grand-Nord.

-  Etiez-vous accompagnée par des aventuriers ?    

Elle avait peut-être des relations avec des personnes de la guilde. C’était monnaie courante que les aventuriers louent le service comme guide de montagne ou escorte.

- La montagne est bien dangereuse surtout après l'événement dans la tour...    

Est-ce qu’une magie continue de ronger nos tréfonds ? Seul le temps pourrait nous le dire mais j'aimerais que nous mettions un terme à tout ça. De nombreuses escouades parcourent les vallées pour voir le moindre signe de magie noire.

-   Oui, la curiosité est un vilain défaut !  

Je tends la bouilloire si elle souhaite que la serve puis au cas où, il reste quelques gâteaux.

La remarque de la jeune femme me fit doucement sourire. Le caractère taciturne de sa majesté le Prince était connu pour beaucoup par de nombreuses personnes. J’imagine que trop bien le conflit qu’il avait pour sortir de cette grotte. Mais l’enchanteresse semble raisonnable à sa façon et a fait malgré tout son devoir. Je pense qu’elle a dû se retenir de toutes folies pour ne rendre le prince dans un état lamentable.

- Alors prenez cette aide simplement pour les services rendus à la Couronne. Si vos recherches sont de bonne augure, on pourra peut-être pouvoir sauver des milliers de personnes.      

Si on pouvait dresser des barrières magiques contre les monstres, ça serait le rêve. Fini les descentes de Wendigos dans les montagnes et nous perdrons moins de Sentinelles au poste-frontière. Bien entendu, tout cela a un coût mais je trouve que c’est un investissement intéressant.

- Donc évitez le danger effectivement et comptons sur nos valeureux aventuriers et gardes pour nous protéger.    

Les deux groupes faisaient face aux monstres à leur façon. Nous n’avons pas que la garde qui nous protège, il faut compter aussi sur nos saphirs et leurs coéquipiers. Est-ce que sa conjointe l’était ? Aucune idée, je ne connaissais pas tous les membres de la guilde, juste quelques uns.

- Vos échantillons ?    

Je lève un sourcil et j’essaye de me rappeler ce que je lui avais dit il y a quelque temps. Je crois que je ne pouvais plus m’échapper de cette affaire et décide, vaincue.

-   Je crois qu’une visite s’impose dans votre laboratoire.  

De toute façon, je devais aller prochainement à la Ville Aquatique.

-   En espérant que le temps ne joue pas contre moi.  

Il suffit juste qu’un énième conseiller me tienne la jambe et fini mon après-midi visite dans le marché de coraux.

- Je ne vous retiens pas plus et vous laisse le soin de tout préparer. Je m’engage à vous envoyer quelqu’un à votre laboratoire pour vous aider dans la gestion de transport.    
De nombreuses guildes marchandes seraient ravies de gagner cet appel d’offre. Il faut que je m’occupe de ça rapidement si on veut être à l’heure. Il me reste à en parler à la garde et cette affaire sera rudement bien menée.

Je finis par me lever, tendant le bras pour l’inviter à me suivre.

- C’est toujours un plaisir de vous rencontrer Mademoiselle Gher. On se retrouve donc à votre laboratoire, peut-être j’aurai le plaisir de rencontrer votre conjointe. Je suis curieuse de savoir à quoi elle ressemble.    

Un nouveau sourire s’affiche à mon visage et l’accompagne jusqu’à la porte avant de nous quitter dans le couloir.