Rien n'était réellement immuable, quoique l'on pût en croire. Même les falaises les plus imposantes et inébranlables, de façon apparente, s'érodaient sous l'action du temps et des forces naturelles les façonnant. Les paysages que l'on pensait éternels évoluaient et se redessinaient dans une mouvance permanente impulsée par la vie elle-même, qui était adepte du changement. Aussi, il en était de même pour les vies humaines, vouées à connaître maints changements et à muer au gré des aléas, le temps de leur éphémère existence.

Toutefois, ancrée qu'elle était à ses habitudes et à sa routine bien installée, après ces déjà 26 premières années de vie écoulées à la Capitale, Dahlia peinait à accepter les récents revirements survenus dans son quotidien – qu'elle avait justement cru sempiternel, au moins d'un point de vue géographique, jusqu'à ce jour. Ces changements avaient été induits par sa toute récente affectation à Forteresse, due à sa promotion en tant qu'adjudante du Blizzard. Ainsi, en plus de devoir assumer de nouvelles responsabilités liées à son grade, Dahlia se retrouvait aussi quelque peu ébranlée dans ses repères, et forcée de s'en forger de nouveaux.

Adjudante… Qui l'aurait cru, tout de même. se fit-elle intérieurement la réflexion, alors qu'elle s'enveloppait dans un peignoir au sortir de sa douche, qui s'imbiba aussitôt d'eau sous ses cheveux détrempés.  

Dahlia n'avait pu qu'accepter cette promotion. Inespérée, il fallait bien le dire. Cette montée en grade était bienvenue dans le sens où elle la rapprochait de son objectif ultime, à savoir le rang de Capitaine, qu'elle pourrait briguer à partir de ses 30 ans. Par ailleurs, même si elle ne se l'avouait pas entièrement, la garde se trouvait touchée et honorée par cette nomination, signe de reconnaissance de ses progrès au sein de la Garde. Pas toujours réellement intentionnels, et parfois imputables à la chance émanant de Lucy, mais suffisamment tangibles pour être remarqués par ses supérieurs. Elle n'allait pas s'en plaindre.

Serait-elle à la hauteur de ses nouvelles fonctions ? Les affres du doute l'enserraient, à cette question, qu'elle préféra repousser dans un recoin de son esprit pour l'heure. Se laissant choir sur son canapé, plus qu'éreintée par sa patrouille du jour – durant laquelle elle avait dû mémoriser l'entrelacs des ruelles de Forteresse – elle vint gratouiller pensivement l'une des nombreuses oreilles de Keruberosu, qui s'était empressé de venir se blottir contre elle. Dahlia remarqua alors la silhouette dodue de Sheepy, son glooby des glaces, se trouvant perchée sur la tête de Keru, et vint caresser affectueusement sa tête du bout des doigts. S'il y avait bien un heureux, suite à sa mutation, s'il s'agissait bien de lui, le climat du Nord lui seyant parfaitement.

De son autre main elle s'empara, dans un élan quelque peu nostalgique, du cadre magique qu'elle avait acheté avant son départ, et qui renfermait plusieurs images de ses lieux favoris à la Capitale et de ses proches. Assurément, la métropole allait lui manquer. Ses collègues de la régulière, ses amis, même les tenanciers des commerces qu'elle avait l'habitude de fréquenter régulièrement, en tant que cliente assidue. Certes, rien ne l'empêchait d'y retourner, durant ses jours de permission ou à l'occasion de missions ponctuelles, en se glissant dans un portail de téléportation… Toutefois, force était de constater que la distance spatiale imposait malgré tout un éloignement social. Dahlia craignait d'ailleurs quelque peu que le développement de sa relation avec Arthorias n'en pâtisse. Or, d'un autre côté… peut-être cette prise de champ était-elle préférable. La jeune femme avait en effet cette fâcheuse tendance à se laisser distraire par ses sentiments, surtout à leurs prémices, et elle pourrait ainsi davantage se concentrer sur son travail.

Ses yeux se posèrent soudainement sur un portrait d'Astrid, renvoyé par le cadre magique, qu'elle avait réussi à lui soutirer le jour où elles avaient lié leurs cristaux de communication, à l'aube de son départ vers Forteresse. Dahlia se mordit la lippe. Elle se trouvait toujours tenaillée par des sentiments contradictoires à son égard, liés à sa double identité, mais elle s'était toutefois promis d'essayer de lui pardonner. Y parviendrait-elle totalement un jour ? La garde n'en était pas encore certaine… mais peut-être avait-elle une idée de comment y parvenir. Se relevant pour aller chercher son cristal de communication, elle le fit rouler quelques instants sous ses doigts, avant de se décider à en activer la magie.

Astrid… ? Est-ce que tu es disponible ? J'espère que oui, car la rédemption n'attend pas. Rejoins-moi à la Caserne de Forteresse dès que tu peux.

Que l'ancien Commandant fut prêt ou non… Il était temps pour lui d'amorcer sérieusement sa rémission.

Le pardon. La rédemption. Se racheter de ses péchés. Réparer ses erreurs. Des regrets.
Astrid était songeuse, profondément. Des erreurs, au cours de ses deux vies, elle en avait commise de trop nombreuses pour les compter, s'en souvenir et s'en rappeler. Parfois des graves qui resteront à jamais gravées dans sa conscience en tant que regrets, et d'autres plus légères et passagères qu'elle pouvait oublier sans éprouver de pincement au cœur.
Mais l'erreur qu'elle voulait réparer la tiraillait, jusqu'au plus profond de ses entrailles. Comment allait-elle faire pour que tout redevienne comme avant ? Pour se faire pardonner et enfin vivre l'esprit tranquille, libre de toute inquiétude et de toute contrainte ?
Non, la question primordiale que la femme à tout faire devait d'abord se poser était la suivante : Qu'est-ce que le pardon ? Et qu'est-ce qu'une erreur, fondamentalement ?
C'était ainsi, en pleine réflexion philosophique, remettant sa vie et ses décisions en cause qu'Astrid reçut soudainement un appel qui la fit sursauter de surprise.

*plouf*

….plouf ? Ahem.
En toute hâte, la blanche sortit de sa poche le cristal de communication et haussa les sourcils en acceptant. Qui ça pouvait bien être alors qu'elle jouait sa vie ? C'est alors que la voix de Dahlia se fit entendre, lui demandant de la rejoindre à la Forteresse dès que possible pour qu'elle se fasse pardonner. Il fallut un instant avant que la farceuse comprenne de quoi elle parlait.

-Si je suis disponible euh… ? Disons que...c'est…compliqué…

Plusieurs « plouf » purent se faire entendre de l'autre côté du cristal de communication ainsi qu'un grognement de douleur et un gargouillement venant des profondeurs des enfers.

-Mais j'arrive tout de suite, une fois que mon erreur…sera expulsée...euh, expiée…

Assise sur son trône où elle régnait seule en maître dans une solitude infinie et une chaleur insupportable, Astrid raccrocha en espérant que Dahlia n'avait pas entendu ou deviné ce qu'il se tramait.

-Jamais j'aurais dû manger trop épicé putain…quelle erreur…Lucy, pardonne ma folie….

Une fois sa petite affaire terminée après plusieurs douloureuses minutes, il ne fallut pas attendre très longtemps pour qu'Astrid prenne ses affaires en vitesse pour répondre à l'appel de son amie pour la rédemption d'Edmond. Cela faisait des mois que la citoyenne avait attendu ce moment où Dahlia serait prête à accepter de se rabibocher avec elle pour de bon afin qu'elles redeviennent amies comme avant, avant que la vérité éclate. Cette amitié, la blanche ne voulait pas la perdre, et c'était la raison pour laquelle elle ne gaspillait pas une seule seconde. Puis ça faisait aussi un moment depuis qu'elles ne s'étaient plus vues, puisque la garde avait déménagé à la Forteresse suite à sa promotion ! Un pas de plus vers le titre de capitaine, une bonne chose.
Alors qu'elle s'apprêta à sortir, la jeune femme aperçut ses deux gloobys, Glou et Aby, collés l'un à l'autre. Le glooby mâle couché sur son dos, la glooby femelle...couchée sur le mâle.  Glou était collant avec tout le monde, bien trop familier et tactile, mais Aby, cette petite diva...c'était autre chose. Elle ressemblait un peu à Astrid, sur certains points. En apercevant leur maîtresse sur le point de partir, les deux familiers rampèrent dans sa direction des étoiles dans les yeux, espérant de toute évidence qu'elle les emmène. Mhh, elle savait que Dahlia avait également un glooby. Peut-être qu'ils pourraient faire connaissance ? Même si elle n'était pas sûre que ce soit une bonne idée. Mais ça aurait le mérite d'être drôle hehe.
Avec son grand sourire narquois, elle les prit avec elle et fonça vers le téléporteur de la capitale à la vitesse du son avec son tout nouveau VTT qui lui permettait de faire de longue distance rapidement sans trop se fatiguer. Et tout aussi rapidement, Astrid se retrouva dans la caserne de la Forteresse après s'être expliquée avec les gardes surveillant l'entrée. Dans sa nouvelle vie, Astrid n'avait pas eu beaucoup l'occasion de visiter l'endroit, mais en tant que commandant dans son ancienne vie, elle gardait encore des souvenirs vivace de ce lieu. Des bons, et des mauvais.
Maintenant...dans quelle chambre était Dahlia ? Instinctivement, sans avoir eu besoin de demander des indications, la femme à tout faire arriva dans le dortoir des gardes. Elle toqua à la première porte pour n'avoir aucune réponse, toqua à une deuxième porte pour y voir un inconnu, ouvrit de force une 5ème porte pour enfin tomber sur…. une autre inconnue en train de se changer.

-Qu'est-ce que… ?

-Oops pardon, très beau corps, ça te dirait qu'on… ?

La farceuse évita une botte lancée dans sa direction et referma la porte en toute hâte.
Dépitée, elle se décida finalement à demander à un autre garde où se situait la chambre de Dahlia.

-Oh, l'adjudante Delancy ? Astrid eut la chair de poule en entendant le nom de famille. C'est cette porte là.

Parfait. Silencieusement, elle se plaça devant la porte et toqua trois fois. « Toc toc toc ».
Imitant une voix grave, elle dit :

-C'est Kelly !

Reprenant une voix plus aiguë, elle répondit elle-même :

-Kelly qui ?

-Kelly Diote ! Haha !

Et sans se faire prier et sans que la possibilité que Dahlia puisse être en train de se changer lui traverse l'esprit, Astrid entra dans un grand fracas comme elle savait si bien le faire et s'exclama de vive voix :

-Salluuuuuuut adjudante Delancy ! Ça fait un moment ! Ooh et Keruberosu ! Elle s'agenouilla pour câliner le petit cerbère qui semblait tout aussi heureux de revoir la citoyenne. C'est qui le plus mignon ? C'est vous les plus mignons ! Mais oui c'est vous les plus mignons ! C'est qu'il y a Sheepy aussi ! Après un petit ricanement qui ne disait rien qui vaille, Astrid déposa Glou sur la tête de Bero et Aby sur la tête de Su. Un glooby sur chaque tête ! Heh !

...Elle rêvait où Aby venait de faire un clin d'oeil à Sheepy ? Elle commençait déjà les hostilités huh. Bah.
Tout en se relevant, l'alcoolique sortit de son sac sans fond une bouteille de whisky qu'elle tendit à Dahlia :

-Heh, cadeau ! Comment ça se passe dans ce nouvel environnement ? Pas trop le mal du pays ? Haha. Et donc, tu m'as fait venir pour que je me fasse enfin pardonner ou parce que je te manque ?

Comme d'habitude, le sérieux n'était pas dans le vocabulaire de la femme à tout faire qui affichait toujours ce sourire de sale gamine qu'on adorerait enlever à coup de baffes.
Cette rédemption commençait bien.

Dahlia s'était attendue à ce qu'Astrid n'ait pas de disponibilité immédiate pour la retrouver. Cette éventualité s'avérait plus que probable, au regard de la vie fort remplie de la citoyenne, le plus souvent émaillée des péripéties les plus incongrues et hautes en rebondissement les unes que les autres - de son fait ou de celui de Lucy. Par ailleurs, à l'heure à laquelle Dahlia l'avait appelée – alors que la soirée s'amorçait, et que l'on pouvait apercevoir les premières étoiles luire sous les nuées mauves du ciel, au travers de la fenêtre – elle se trouvait sûrement déjà dans une taverne pour étancher son inextinguible soif.

La surprise de la garde fut donc au rendez-vous, lorsqu'Astrid lui apprit qu'elle se mettait en route, après avoir… expié une erreur ? Dahlia n'était pas certaine de bien interpréter les difficultés auxquelles la citoyenne semblait présentement faire face, dévoilées autant par ses mots que par les accents de souffrance manifeste les infléchissant. Aussi resta-t-elle interdite quelques instants après que leur appel fût échu… Avait-elle par ailleurs bien entendu ce plouf caractéristique, au début de leur communication ?

Haussant finalement les épaules, elle ne s'attarda pas sur les hypothèses qui fleurissaient dans son esprit et s'attacha plutôt à aller s'habiller. Il n'était en effet pas question de garder ce peignoir. Au regard de l'heure déjà avancée, la jeune femme entreprit de revêtir un pyjama, le confort étant de mise. Elle jeta son dévolu sur l'un de ses ensembles favoris, ample et constellé de motifs… de moutons. Cela allait sans dire.

Dahlia venait tout juste de terminer de le revêtir, lorsque trois coups retentirent contre la porte. Était-ce déjà Astrid ? Avec la vitesse supersonique qui était la sienne, il était fort possible que oui. Dahlia s'éclipsa de sa chambre pour aller lui ouvrir, assistant aussitôt à l'entrée tonitruante de la citoyenne. Aurait-il pu en être autrement, au vu de l'ouragan chaleureux qu'elle représentait la majeure partie du temps ? Pas vraiment.

Une grimace irrépressible gagnant ses traits à l'entente de sa dénomination d'adjudante, Dahlia se saisit de la bouteille de whisky offerte par son amie.

« Oh, merci… Je suppose que c'est pour ma promotion ? » Elle la posa rapidement sur le buffet trônant dans le salon, avant de suggérer : « On pourra peut-être l'étrenner un peu plus tard. »

Astrid n'était pas venue seule, mais accompagnée de ses gloobys Glou et Aby, qui reposaient à présent respectivement sur chaque tête de son Canitribus. Arquant un sourcil en apercevant Sheepy virer au rouge cramoisi - était-ce Aby qui lui faisait donc tant d'effet ? - Dahlia ne s'attarda pas davantage sur ces derniers, s'attachant plutôt à répondre au flot de questions dont l'avait assaillie la citoyenne.

« La Capitale dans son entièreté me manque, à vrai dire... » concéda-t-elle à demi-mot. « Mais ça va, je suis plutôt bien ici, et tout changement a du bon. C'est l'occasion de se forger de nouvelles expériences, et d'apprendre à connaître de nouveaux collègues. »

Collègues qu'elle n'avait pas encore beaucoup côtoyé, à vrai dire, de par son arrivée récente. Par ailleurs son actuelle colocataire, Oppia, n'était pas souvent présente au sein des murs de Forteresse en raison de son poste de Sentinelle, qui reposait sur de fréquentes patrouilles le long de la frontière. On lui avait en revanche annoncé la venue imminente de Serah, une adjudante du Génie, que Dahlia avait déjà hâte de rencontrer.

Pour l'heure, l'appartement se trouvait vide de toute présence en dehors de celle d'Astrid, de Dahlia et de leurs familiers, ce qui n'était peut-être pas plus plus mal pour conserver une entière discrétion sur la seconde identité de la citoyenne.

« Et puis, je suis parée pour affronter le climat local… Regarde. » Activant son tatouage situé sur la nuque, le corps de Dahlia se mit à se recouvrir peu à peu d'une dense toison laineuse, qu'elle arbora fièrement. « Cette laine est super efficiente pour supporter le froid. En plus d'être super douce. »

Pour étayer sa démonstration, Dahlia tendit son avant-bras molletonné à Astrid, l'invitant à vérifier ses dires. Puis elle reprit finalement son apparence normale, retrouvant sa tenue - en l'occurrence, son pyjama - tandis que son air se parait de davantage de sérieux.

« Mais trêve de bavardages, ce n'est pas pour cela que je t'ai demandée de venir… C'est bien pour ta repentance. »

Cela faisait déjà treize années, soit depuis son entrée à l'Académie militaire, que Dahlia pâtissait de la réputation de sa famille, et se retrouvait engoncée dans un quotidien martial qu'elle n'avait pas choisi. Treize années qu'elle subissait le poids de son héritage, et qu'elle devait supporter celui de son armure et de son épée. Aussi, il était plus que temps que le responsable de tout ceci se rachète.

« Vois-tu, de toutes ces années de travail endurées au sein de la Garde, ceux qui ont certainement le plus souffert, ce sont probablement… mes pieds. En raison de ces continuelles patrouilles, qui les ont usé plus que de raison. »

La garde se dirigea vers le canapé et se laissa tomber sur l'assise capitonnée avant d'allonger ses jambes, avec une lenteur affectée. Elle ôta alors ses chaussettes, sans se départir de sa déférence, dévoilant ses orteils particulièrement moches qu'Astrid connaissait déjà bien.

« Par conséquent, ils mériteraient bien… un massage, non, en guise de compensation ? »

Dahlia pouvait être un bourreau bien plus impitoyable qu'elle n'en avait l'air, et Astrid - ou plutôt, Edmond - s'apprêtait bel et bien à en faire les frais.

En remarquant la grimace de la garde à la mention de son nouveau grade, Astrid ne put s'empêcher de la taquiner davantage :

-Oaf, pour ta mutation et ta promotion oui, mademoiselle l'ad-ju-dante.

Et telle la gamine qu'elle était, à se demander si elle avait vraiment 84 ans mentalement, elle prononça ce dernier mot en détachant chaque syllabe avant de ricaner. Est-ce qu'énerver sa camarade était la meilleure idée du siècle alors que la farceuse avait été convoquée pour sa rédemption ? Non. Mais c'était un risque à prendre quand même!
Même si la capitale lui manquait, Dahlia semblait bien vivre sa mutation dans cette partie d'Aryon avec ce climat moins hospitalier eh ? Brave petite qui voyait le bon côté des choses.

-Puis les tavernes sont pas mal, je te filerai les bonnes adresses hehe ! Et y'a les sources chaudes aussi. Rajouta la citoyenne en levant son pouce en signe d'approbation. Ça fait longtemps que j'y suis pas allée d'ailleurs, heh.

Fidèle à elle-même, elle connaissait bien sûr les coins où passer du bon temps. Puis pour les sources chaudes, en plus des effets relaxant, c'était aussi l'endroit et l'occasion parfaite pour la femme à tout faire de se rincer l’œil. Mais ça, elle ne le dirait pas à voix haute devant son amie et sa petite-fille, même si...elle pouvait probablement le deviner au sourire idiot de son aïeule.
Un sourire qui se transforma bien vite en un air surpris en voyant la garde se couvrir de laine. Une nouvelle amélioration de pouvoir parfaite pour cette région. Décidément, elle avait tout prévu.
Sans se faire prier, Astrid palpa la laine à plusieurs reprises avec ses deux mains pour juger de sa douceur, et c'était sans appel :

-C'est tout doux ! Ça me donne bien envie de te sauter dessus pour te câliner et m'endormir comme ça contre ta laine. Ahlala, on peut vraiment dire que la laine c'est cool ! D'ailleurs, tu t'es brossée les dents ? Pour garder la laine fraîche. Hehe.

La blanche s'apprêta ensuite à parler du pyjama de son amie, comme quoi elle avait le même avec des canaris, mais n'osa pas lorsque le mot « repentance » tomba, gelant tout mouvement dans l’entièreté de la chambre. Astrid s'était figée, frissonnant légèrement lorsque la raison de sa venue fut confirmée, et quant aux familiers, ils avaient également arrêté de bouger, se tournant vers leurs maîtresses….Sauf Aby, qui faisait lentement mais sûrement le chemin vers la tête de Keru où était Sheepy qui ne se doutait de rien.
Avec peine, la citoyenne déglutit en entendant Dahlia parler de ses années de durs labeurs. Où est-ce qu'elle voulait en venir ? Noooon, elle n'allait pas… ?
Un massage. Des pieds.
Elle avait fait venir la citoyenne en toute vitesse alors qu'il faisait nuit pour….ça ? La bouche grande ouverte, elle crut d'abord à une bonne blague ou farce, vengeance quelconque pour rendre à la femme à tout faire la monnaie de son cristal. Toutefois, la garde semblait toujours aussi sérieuse, allongée ainsi dans son canapé, ses pieds n'attendant que des mains pour en prendre soin.
Forcément, la condamnée ne pouvait pas se débiner et allait devoir ravaler sa fierté. Elle avait après tout promis à son amie qu'elle ferait son possible pour se faire pardonner, elle, la réincarnation d'Edmond qui avait été source de malheur et de souffrance pour sa descendance.
Avec un profond soupir dépitée et un haussement d'épaules, la femme à tout faire remonta ses manches et s'agenouilla devant le canapé pour faire directement face aux orteils tant détestés par leur propriétaire. Son regard alla des pieds à Dahlia, puis de Dahlia aux pieds, et ce petit jeu dura un petit moment tandis qu'elle se remit à sourire de nouveau, un peu moins éclatant cela dit.

-T'as pas beaucoup hésité à me les montrer cette fois. Je peux prendre ça comme une marque de confiance ? Demanda t-elle taquine en prenant délicatement les doigts de pied dans ses mains. Donc, tu me pardonnes après ça ? Ou…. ? Elle se tut un instant, observa la réaction de la garde, et continua en fronçant les sourcils : Ok, ça ne sera pas aussi facile que ça hein… ? Qu'est-ce qu'il faut pas faire pour être pardonnée…

Encore une fois, son métier qui lui permettait de toucher à tout type de travail pour remplir diverses requêtes allait s'avérer extrêmement utile. Bien sûr qu'en 8 ans d'expérience en tant que femme à tout faire, quelques personnes allaient demander à Astrid de faire des massages - plus ou moins approximatifs - ! Et parce qu'elle avait un minimum de conscience professionnelle, elle avait même emprunté un livre pour s'instruire (un minimum). Il allait sans dire que la citoyenne n'avait accepté que de faire des massages à la geinte féminine, mais ça, c'était une autre histoire…Puis, elle avait une botte secrète.
Tout d'abord, la masseuse saisit le talon du pied gauche dans une main et la plante dans l'autre. Lentement, elle fit tourner le pied dans le sens des aiguilles d'une montre, puis dans le sens inverse pour articuler la cheville. Elle fit de même pour l'autre et entreprit ensuite à faire des allers retours sur la plante du pied depuis les orteils jusqu'au talon.
Vint ensuite la partie plus amusante pour la blanche qui se mit à ricaner intérieurement. Sans ménager la garde, Astrid saisit le pied à deux mains et utilisa ses pouces pour appuyer avec force sur la plante, puis ensuite les déplacer pour former des petits cercles. D'abord à vitesse normale...puis à la vitesse du son. Elle dut se mordre l'intérieur de la joue pour résister à l'envie de lui chatouiller les pieds comme une enfant, mais s'en abstint en se faisant violence. Sans s'arrêter un seul instant pour souffler ou pour laisser Dahlia souffler, elle continua en approfondissant le massage de la plante du pied en utilisant son poing pour appuyer et ses doigts pour masser certaines zones, alternant encore une fois entre vitesse normale et sonique. Arriva enfin le moment fatidique que sa camarade redoutait probablement le plus : les orteils.

-Tiens, ça me fait penser...t'as déjà montré tes pieds à ce Arthorias du coup… ?

Question pour la moins gênante à poser à sa amie et sa petite-fille, mais la curiosité l'emportait néanmoins. Et peut-être que le cerbère était curieux aussi, car il monta sur le canapé pour se blottir contre sa maîtresse tandis que les glooby étaient toujours sur leurs têtes. Mhhh….Aby collait Sheepy de près. Un peu trop près même… ?
Sans s'attarder un seul instant sur l'apparence des doigts de pieds de la garde, la blanche se saisit tout d'abord du gros orteil pour le faire doucement tourner vers un côté avant de le tirer de haut en bas, finissant par pincer le bout. Elle s'occupa ainsi de chaque orteil, se retenant de faire des farces quelconques alors que les idées fusaient dans son esprit. Utiliser de manière télékinétique une plume, utiliser Keruberosu pour lécher la plante des pieds de Dahlia, et bien d'autres bêtises.
Toutefois, ce fut avec une profonde frustration qu'elle se contenta de faire ce massage. Une frustration qui se lisait sur ses traits, et ses paroles.

-Alors ? Ce massage vous a plu, mademoiselle l'ad-ju-dante ?

Une lueur amusée – et peut-être empreinte d'un certain sadisme - s'alluma dans les prunelles de Dahlia, lorsqu'elle constata la mine déconfite et désemparée d'Astrid, face à la teneur incongrue de sa demande. Assurément, son aïeul n'avait pas dû s'attendre à cela… Et c'était justement pour l'une de ces raisons que Dahlia s'était fendue d'une telle requête. Plus ses demandes seraient inattendues et ardues à accomplir, et plus elle aurait le sentiment d'assouvir sa vengeance dûment méritée.

À la stupéfaction d'Astrid succéda toutefois rapidement celle de Dahlia. Car la garde ne s'était aucunement attendue à faire face à une experte, rompue à l'art du massage et égalant les plus grands professionnels en la matière. Or dès lors que l'une des mains de la citoyenne était venue saisir son talon pour le faire tournoyer dans un mouvement leste et habile, elle avait réalisé sa méconnaissance de cet autre talent dont était douée Astrid. Et son étonnement fit rapidement place à des sensations plutôt… plaisantes, le palper aguerri de son amie ayant tôt fait de la faire sombrer dans une sorte de douce béatitude, un alanguissement bienheureux.

Tandis que la citoyenne sillonnait la plante de ses pieds de ses doigts adroits, parfois même, par intermittence, à la vitesse du son, Dahlia se laissa pleinement envelopper par cette bulle doucereuse, ses pensées voguant au gré de ce ressac de bien-être. Assurément, elle aurait dû aller voir des masseurs bien plus tôt, cela l'aurait aidé à mieux tolérer toutes ces années de dur labeur au sein de la Garde. Ce furent les mots d'Astrid qui, en effleurant l'orée de sa conscience, la firent finalement émerger de son écrin de quiétude ouatée.

« Oh hmmm… ? Tu disais… ? » Papillonnant des yeux, Dahlia s'efforça de s'ancrer à nouveau à la réalité, répondant à la question d'Astrid tant bien que mal : « Ah oui, il les a déjà entrevus. Jamais très longtemps, en revanche. Il faut dire qu'il préfère d'autres pans de mon physique, comme on peut l'imaginer… »

Non sans une once de regret, Dahlia assista aux derniers termes du massage, qui portaient justement sur ses affreux et détestés orteils. Même si elle n'osait le lui avouer, elle était réellement reconnaissante envers Astrid pour les accepter comme ils étaient, et les masser sans les éluder du regard ou être gagnée de soubresauts de dégoût. Et, en effet, comme la citoyenne l'avait soulevé, le fait qu'elle osât les lui montrer dénotait son entière confiance en elle.

« Eh bien, je ne savais pas que tu étais une telle connaisseuse de l'art des massages. C'était… parfait. Merci, Monsieur… l'ex' Co – mman -dant. » Un sourire canaille vint orner ses lèvres tandis elle imitait Astrid et sa façon insupportable d'accentuer son grade. Ce n'était qu'un juste retour. « D'ailleurs, je me demande même si je ne ferai pas de nouveau appel à toi, dans le futur. Car il faudra plus qu'un massage pour recueillir mon pardon, comme tu l'as bien compris… »  

Les demandes de service allaient encore fuser, et Astrid risquait de découvrir à ses dépends ô combien Dahlia était dépourvue de toute notion de modération. Mais garde était présentement concentrée sur une autre préoccupation, si bien qu'elle ne lui demandât pas une nouvelle faveur derechef. Se redressant, elle s'empara de l'un des pieds d'Astrid sans même la prévenir ou lui demander son aval.

« Dis moi… Tu as appris ça où ? » Elle enchaîna alors, à brûle-pourpoint : « J'aimerais que tu me montres comment le reproduire. C'est important la passation de savoir entre générations, après tout. »

Certes, d'ordinaire, il s'agissait plutôt des recettes de gâteaux qui étaient transmises par les grands-parents… Mais dans la famille Delancy, il y avait visiblement d'autres types de savoirs à faire perdurer. Otant sa chaussette à Astrid, Dahlia venait de refermer ses doigts autour de sa plante, notant qu'elle avait pour sa part de bien jolis orteils – mais qu'en avait-il été d'Edmond ? Était-ce lui qui lui avait transmis ses gènes de laideur de pied ? Le mystère demeurait entier - une subite idée, bien moins sérieuse, jaillit dans son esprit.

Les yeux de Dahlia errèrent un instant dans la pièce, à la recherche de… son glooby. Quel pouvait donc être l'effet de la ténue couche de givre en émanant, si elle l'apposait sur la plante nue d'Astrid ? Telle était la question à laquelle elle souhaitait avoir réponse. Oui, celle-ci s'avérait fort étrange, mais Dahlia pouvait regorger d'idées saugrenues – un autre héritage de son ancêtre, peut-être. Toutefois, lorsque son regard finit par trouver son familier, elle lâcha le pied Astrid sous la surprise qui l'étreignit.

« Oh… Il semblerait que Sheepy s'entend vraiment bien avec Glou. »

Son glooby des glaces était en effet entrain de napper le glooby d'Astrid de sa bave glacée, dans ce qui avait tout l'air d'être un… suçon. Et cela sur la tête de Bero, qui louchait en tentant de comprendre pourquoi le sommet de son crâne était aussi polaire, soudainemment – d'un certain point de vue seulement. Aby, quant à elle, se trouvait toujours perchée sur Su, qui s'était détaché de Bero juste avant qu'elle n'eût le temps de rejoindre les deux autres gloobys, à son plus grand désarroi. Dahlia l'attrapa à la place, et la posa sur la plante d'Astrid toujours à découvert.

« Massage de glooby ! »

Dans un rire, elle laissa la couche de givre opérer, avant de finalement reprendre son sérieux et poser Aby à côté des deux autres familiers toujours aussi étroitement collés l'un à l'autre. Ce fut alors un mouvement à la lisière de sa vision périphérique qui attira son attention.

« Heu, Astrid… On dirait qu'il y a quelque chose qui bouge, dans ton sac… ? »

Décidemment, les surprises semblaient loin d'être terminées.

En regardant à quel point Dahlia avait l'air de savourer ce massage, Astrid se dit qu'elle aurait facilement pu se reconvertir en masseuse professionnelle à plein temps pour des belles demoiselles fortunées. Il y aurait aussi toujours la possibilité que ses mains glissent malencontreusement hehe.
Le capitaine de la garde royale avait donc eu l'immense privilège d'entrevoir les orteils de son amie, ce qui était déjà un signe d'une grande confiance entre eux. Décidément, il faudrait que l'ancien commandant qu'elle était aille jauger elle-même s'il était digne de la petite-fille d'Edmond Delancy ou s'il n'était vraiment qu'un coureur de jupon comme les rumeurs le prétendaient. Avec son physique, elle pourrait même tenter de le draguer pour prouver que ce n'était qu'un homme qui tomberait sous le charme de n'importe qui prêt à tirer son coup n'importe où….hehehe. Un plan machiavélique se dessinait dans la tête de la farceuse. Mais ce serait pour une prochaine fois, car elle devait d'abord se faire pardonner et faire profil bas.

-Ton physique huh ? Tu peux me remercier moi et mes gènes pour ça hehe, et ceux d'Haydée. Ricana t-elle d'un air plus que satisfait et fière d'elle. Un beau gosse et une belle gosse, ça ne peut faire que de beaux gosses aussi heh. Pour les orteils par contre, ça doit être une malédiction quelconque lancée par une sorcière jalouse de ta beauté, j'imagine. Ou du côté de ton père sûrement, faudrait que tu lui demandes parce que ça vient pas des Delancy.

Sauf si la génétique avait un peu troll. Mais dans ce monde de magie, il était encore difficile de connaitre les détails.

-On apprend bien des choses en étant femme à tout faire heh, que ce soit des massages, des cocktails, ramoner des cheminées, cuisiner...la liste est vaste. Elle grimaça légèrement lorsque sa camarade envisagea l'idée d'avoir plusieurs autres massages pour que le pardon lui soit accordée. Bien sûr que ce ne serait pas aussi simple. Ah bien sûr, si t'as besoin d'un autre massage, que ce soit les pieds, les épaules, ou le reste, mes doigts sont à ta disposition et j'suis ton homme. 'fin, ta femme plutôt, j'imagine.... 'fin, tu vois l'idée.

Si les demandes ne s'arrêtaient qu'aux massages encore, ça irait. Mais quelque chose soufflait à l'oreille d'Astrid que ce ne serait pas le cas et que ce n'était que le début d'une longe série de services.

-Qu'est-ce que…. ? Euh, un livre et la pratique… ?

La surprise se peignit sur le visage de la blanche lorsque Dahlia s'empara de son pied pour le mettre à nu. Elle voulait lui faire un massage maintenant ? Elle n'était pas née de la dernière pluie, il y avait quelque chose de louche ! Très louche ! Et cela se confirma lorsqu'elle….

-GAAAAAAAAAAAAAAH ! FROID FROID FROID ! Hurla la farceuse en sentant Aby sur la plante de ses pieds sans y être préparée, sentant son corps entier être parcouru de frissons avant de se tétaniser.

Elle n'allait donc pas se contenter de demander des services mais également la tourmenter avec des farces ?! Astrid réprima un sourire carnassier en pensant aux différentes vengeances qu'elle pourrait  réaliser une fois qu'elle serait pardonnée. Elle ne perdait rien pour attendre !

-Génial, ça m'évitera des verrues aux pieds si j'en ai, la glace marche très bien de ce que j'ai entendu dire donc MERCI BIEN. Elle insista sur ces deux derniers mots en gardant sou éternel sourire narquois qui avait perdu de sa superbe, comme si la blague ne l'avait absolument pas touchée ni déstabilisée. Mais au fond d'elle, elle imaginait déjà milles et une méthode pour lui rendre la monnaie de son cristal. Huh ? Mon sac ?

Était-ce là une nouvelle méthode pour la distraire avant d’enchaîner sur une autre farce ou requête…. ? Non. Il y avait véritablement quelque chose qui bougeait dans son sac, ce qui n'était absolument pas normal. Tout en l'ouvrant pour fouiller l'intérieur elle dit :

-Bizarre, je me rappelle pourtant avoir laissé chez moi mon vibromas...Elle fit une petite pause, regarda dans les yeux de sa petite-fille, puis se mit à refouiller son sac en toussotant....euh rien.

Lentement, elle sortit ce qui semblait être…..un œuf tremblant et...avec des fissures.

-Hein ?

Du coin de l’œil, posé sur une étagère, elle vit également un autre œuf se mettre soudainement à trembler. Comme si...comme si…
Rapidement, elle alla chercher l'autre œuf et posa les deux sur la table. Le silence s'installa dans la pièce et même les familiers arrêtèrent momentanément leurs activités pour assister à la naissance de deux nouveaux membres de la famille. En même temps, deux shupons virent la lumière du jour et sortirent lentement de leur prison.
Les lèvres d'Astrid s'étirèrent en voyant la naissance de ce nouveau familier rose et si mignon – surtout qu'il ne nécessitait quasiment pas de coût ! - et elle déclara toute joyeuse :

-Toi je vais t'appeler Nipon heh. Nipon le Shupon. C'est drôle quand même de voir que t'avais un œuf de shupon aussi Dahlia, tu l'as eu comment ? Et sacrée coïncidence qu'ils aient éclot en même temps. On pourrait presque dire qu'ils sont jumeaux en fait heh.

Voulant présenter ce nouveau visage à ses autres familiers, la citoyenne se tourna pour aller chercher les glooby et...resta interdite en voyant les trois gloobys serrés les uns contre les autres en train de….s'embrasser à tour de rôle ? Sur la bouche ? Qu'est-ce que… ? Rapidement elle les sépara et les déposa un à un sur la table pour continuer :

-Écoutez bien vous trois, vous êtes leurs grands-frères et leurs grande-sœur ! Prenez soin d'eux et montrez leur le bon exemple à suivre d'accord ? Le bon exemple !

Pfiou. Élever des familiers pouvait être aussi épuisant qu'élever des gamins. Se tournant ensuite de nouveau vers son amie elle lui demanda de nouveau moqueuse – même si elle s'en mordrait les doigts ensuite - :

-Avez-vous un autre service à me demander, mademoiselle l'ad-ju-dante De-lan-cy ?

Oh oui, elle n'allait pas la lâcher avec ça. Et qui sait ? Un jour elle l’appellerait peut-être « mademoiselle la ca-pi-taine De-lan-cy » heh.

Comment Astrid avait eu son œuf de Shupon ? Euh, bonne question. Elle même ne le savait plus vraiment. Il fallait dire que dans son travail de femme à tout faire elle recevait et trouvait tellement de choses qu'il était difficile de savoir où et quand exactement un objet arrivait entre ses mains. Par exemple, la majorité de ses ODP venaient d'une poubelle qu'elle avait trouvé en voulant un coin pour vomir. Puis, elle avait eu un nombre assez dingue d’œufs de familiers aussi. Fronçant ses sourcils, elle tenta cependant de remettre un contexte derrière cet œuf précis et fouilla dans sa mémoire. Hmm….

-Je crois…. commença-t-elle hésitante.Je crois qu'on me l'a offert en guise de paiement suite à un travail où je devais transporter en toute sécurité un familier de la Capitale à la Forteresse. La personne m'avait dit que j'pourrais revendre l’œuf rare contre une coquette somme mais…Oh.   

Elle s'arrêta un instant et se frappa le front avec la paume de sa main en poussant de multiples injures. Elle avait oublié de le revendre pour toucher son salaire ! Bordel de merde. Astrid s'était doutée qu'elle avait zappé de faire quelque chose d'une importance capitale, et c'était donc ça la raison ! Merde merde merde et triple merdes ! Combien est-ce qu'elle aurait pu toucher pour ce familier ??? Trop tard pour les regrets. Elle accepta simplement son funeste destin d'avoir un familier supplémentaire à cause de sa bêtise. Mais ce serait bien le dernier ! (spoiler : non, ce serait loin d'être le dernier).

-Nipon le Shupon et Sakura la Shuponne, je pense voir un schéma mais je suis pas trop sûre, haha.  

Maintenant, l'instant de vérité. Quel serait le prochain service que Dahlia allait demander à la pauvre citoyenne ? Une petite goutte de sueur perla sur son front qu'elle nettoya rapidement tandis qu'elle gardait son air enjoué. La garde n'était pas la petite fille d'Astrid pour rien et cette dernière craignait son potentiel de sournoiserie tapis au fond d'elle et qui se réveillait petit à petit. Toutefois, chaque service se paierait cher. Extrêmement cher. Mais plus tard.
Pour l'instant, la blanche allait se contenter de subir.  Eeet la prochaine action serait donc deeeeeeeeee….cuisiner. 

-C'est tout ?  S'étonna-t-elle.

Elle avait pensé à pire comme service après les massages. Mais ce n'était pas plus mal que ce ne soit que ça. Peut-être s'était-elle finalement trompée sur le potentiel caché de la petite-fille en matière de casse-couillerie. 
Gardant son sourire taquin, la blanche fit mine de faire la courbette et partit en direction de la cuisine :

-Vos désirs sont des ordres mademoiselle l'ad-ju-dante De-lan-cy. Je vais de ce pas vous préparer un met délicat des plus délicieux et exquis qui saura vous laisser bouche bée devant ma maîtrise, comme pour les massages !  

Hehe. Edmond Delancy était déjà un cuisinier potable mais surtout un grand pâtissier à son époque. L'un parce que c'était une connaissance nécessaire pour survivre dans la nature et que tout garde devait savoir les bases, et l'autre parce que Edmond adorait les gâteaux. Mais Astrid elle, avait tout appris de sa moman qui était une cordon bleue. Puis elle avait aussi fait des petits jobs en tant que cuisinière de temps en temps mais ça…
La jeune femme alla donc vérifier ce que la garde avait à proposer dans son garde-manger et dans son frigo et eut rapidement des idées de plats à faire avec les éléments à dispositions. Une spatule dans une main et une casserole dans l'autre, la cuisinière se mit rapidement au travail. 
Tout d'abord, une soupe. Usant de son pouvoir si pratique pour faire les choses rapidement, elle mit de l'huile dans une casserole et y plaça de l'ail préalablement haché et des oignons verts émincés, le tout dans de l'huile et ce pendant quelques minutes. Elle y ajouta par la suite des tomates mondées et coupées en dés ainsi que du gingembre. Puis, elle y mit du bouillon et du poivre et laissa bouillir de nouveau quelques minutes. Elle incorpora par la suite de la farine de maïs diluée dans de l'eau froide et enfin, elle ajouta en filet des œufs battus dans le potage et mélangea le tout.  Et voilà, une parfaite soupe bien chaude !
Mais ce n'était pas tout. Il fallait un plat de résistance. De nouveau, elle sortit les ingrédients nécessaires pour son idée pour…
Non. Nul besoin d'une deuxième recette de cuisine d'Astrid Dalgaard. Elle aurait pu écrire un livre à ce sujet, mais il y en avait déjà pas mal sur le marché d'Aryon. Du coup, avançons un peu, et voilà que la jeune femme aux cheveux blancs servit sur la table de Dahlia.

-Et voilà, mademoiselle est servie. Une soupe à la tomate aux œufs pour combattre l'environnement rude du nord ainsi qu'une spécialité de la famille Dalgaard, un burger d'agneau au brie et légumes grillés sur son lit de frites de patates douces ainsi que du ketchup.   

Bon. Ce n'était clairement pas de la haute gastronomie. Mais elle avait fait avec les moyens du bord ! Et pendant tout le processus, elle a résisté à l'envie de pimenter tout ça pour voir la tête toute rouge de son amie qui aurait connu un enfer ! Cependant, ce serait pour une autre fois. Grrr. Sinon, l'aspect cool dans la cuisine c'est justement, de faire la cuisine. La vaisselle par contre...c'était autre chose. Et il y en avait une tonne à faire. Si bien qu'Astrid tenta de se mettre entre la cuisine et le champ de vision de la garde comme si de rien n'était.

-Mange donc mange donc ! Sinon ça va refroidir !  

Et pendant ce temps là ? Les gloobys retournèrent à des occupations...bien obscènes sous les yeux encore naïfs et innocents des shupons.

Astrid gonfla sa poitrine et leva légèrement la tête avec un grand sourire, fière d'elle-même et savourant les compliments de sa petite-fille sur sa soupe. Mais cet air satisfait disparut rapidement lorsque Dahlia l'accusa d'avoir fait exprès de faire un plat à l'agneau. À la place, elle détourna son regard et commença à siffloter comme si de rien n'était, faisant mine d'être totalement innocente des accusations grotesques de la femme-bélier. Comment pouvait-elle penser ne serait-ce qu'un instant que la femme à tout faire ferait une farce aussi ignoble ? Absolument et tout simplement ridicule !

-Quoi ? Finit-elle par dire, indignée par le refus de la garde de manger son plat. Après tant de mal, voilà comment je suis remerciée ! Par des accusations et tu goûtes même pas ! Théâtralement, elle posa le dos de sa main sur son front et s'exclama : Je suis déçue, outrée, choquée, ruin…. En un clin d'oeil, la source du conflit disparut comme totalement vaporisé et la femme à tout faire se lécha les doigts avant de pousser un petit rôt satisfait. Ouep, c'était bon. Tu sais pas ce que tu viens de rater, humph. Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeet merde.  Maronna Astrid en claquant de la langue, exaspérée par la demande de Dahlia. Intérieurement, elle se promit de bel et bien se venger comme il le faudrait une fois qu'elle serait pardonnée pour de bon. Astrid Dalgaard n'oubliait jamais les dettes qu'elle devait ou qu'on lui devait. Et la Delancy payerait tout ça au prix fort ! Mais en attendant, avec un profond soupir, la citoyenne alla faire la vaisselle à vitesse normale en grommelant.

Une fois la corvée terminée, la blanche crut que sa torture serait enfin terminée, qu'elle allait pouvoir rentrer chez elle et dormir, libre comme l'air et totalement graciée. Toutefois, la lieutenant ne le vit pas de cet œil et fit une autre demande tout à fait réalisable, mais qui ne serait pas facile à accomplir, et cela en toute connaissance de cause. Celui de faire un dessert en n'ayant aucun ingrédient. Cela dit, elle pouvait totalement comprendre le besoin d'avoir un dessert. Astrid était une grande gourmande également et ce dès son ancienne vie. Peut-être était-ce là un autre trait des Delancy. Le souci qui se posait, c'était que à cette heure de la nuit, tous les magasins étaient fermés.
Rentrer chez elle ? Avec sa vitesse et son VTT, elle pourrait le faire facilement et rapidement...sauf qu'elle n'avait pas fait les courses depuis un moment non plus et n'était pas sûre d'avoir le nécessaire chez elle. Pendant quelques secondes donc, elle fut plongée dans une profonde réflexion et finit par avoir une idée.
Avec un petit sourire narquois, elle dit :

-Ok, ça marche. Je reviens rapidement heh. Surveille les familiers pour qu'ils fassent pas de bêtises, j'ai presque l'impression qu'ils sont en chaleur les trois gloobys là.


Ce n'était pas qu'une impression. Astrid les sépara de nouveau pour éviter qu'ils fassent une véritable orgie devant les shupons nouvellement nés. Ceci fait, elle disparut en un souffle vers sa prochaine destination où elle pourrait trouver les ingrédients pour faire un dessert. La réponse était sous ses yeux depuis le début. Elle était dans une caserne. Qui disait caserne disait aussi réfectoire. Et qui disait réfectoire disait nourriture et donc ingrédients. Elle était donc certaine de trouver ce qui lui fallait là-bas. Normalement.
Aussi discrètement que possible donc, utilisant son pouvoir pour esquiver les gardes sur son chemin, la citoyenne usa de ses vagues souvenirs de son ancienne vie pour trouver la cantine, ce qu'elle réussit sans mal. Le lieu était déjà sombre et déserté. Bien. Cela lui faciliterait donc la tâche. Le silence régnait en maître et la seule source de lumière était la lueur de la lune et des étoiles qui traversaient les fenêtres. Du moins, c'était la première impression de la citoyenne. Car bien rapidement, elle entendit des voix. Pire, des grognements et des gémissements. Un « clap  clap  clap » régulier également, comme des pas. Le corps de la blanche se raidit immédiatement, tous ses sens en alerte. Des gardes approchaient pour un encas… ? Elle tendit l'oreille vers l'entrée du réfectoire mais rien. Le silence était revenu, mis à part pour ce «  clap  clap  clap » qui ressemblait à un bruit qui était pourtant bien familier à la femme à tout faire. Mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
Étrange. Elle ne croyait pas vraiment aux fantômes, aussi elle mit ça sur le compte d'une simple coïncidence comme un rat ou un truc du genre, ou même un simple produit de son imagination fertile. Haussant les épaules donc, elle trouva l'entrée de la cuisine où le bruit se fit de plus en plus fort. Peut-être un cristal d'eau mal fermé.
Tout doucement, elle entre-ouvrit la porte et vit que la pièce était également baignée dans l'obscurité. Bien bien bien. Personne donc. Elle finit par ouvrir en grand et….

-Clap clap clap clap. 

Un monstre difforme composé de 2 têtes, 4 bras et 4 jambes, connectés par une seule chose.

-Oh. Je...euh….

-AAAAH !

-OH MERDE ! 

-Ouaaiis, c'est un peu cocasse comme situation. J'comprends. Ça tue un peu l'ambiance quand même. Mais allez-y hein, continuez vot' ptit affaire, faites comme si j'étais pas là haha.

Elle affichait un grand sourire amusé, ce qui n'était pas le cas du monstre difforme qui lui lança des assiettes.

-DÉGAGE !

Ni une ni deux, à la vitesse du son, Astrid esquiva et alla ouvrir les placards du coin pour prendre tout ce dont elle avait besoin. Une fois fait, elle retourna à l'entrée de la cuisine et juste avant de refermer la porte, elle se permit de dire avec son éternellement moqueur :

-Hey mademoiselle, t'es sûre qu'il peut te satisfaire avec sa mini-carotte ?

Pour toute réponse, elle faillit recevoir une casserole dans la tronche. Eh bien, sacrée histoire ! Elle avait hâte de le raconter à Dahlia ! Bien rapidement, elle retourna dans la chambre de sa petite-fille avec son butin, enjouée.

-Hey, tu devineras jamais ce que j'ai vu ! Elle éclata de rire. Bwahahaha ! Oh bordel ! Qui l'aurait cru !

Et tout en racontant son anecdote à la garde, la femme à tout faire lui fit un dessert simple et efficace, rapide à faire mais tout de même délicieux, des crêpes sucrées avec une bonne couche de crème chantilly fait maison et des fruits frais tels que des fraises, des kiwis, des pommes et des bananes.