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Cela faisait presque une semaine qu’Ayah avait rencontré cet étrange aventurier aux cheveux bleus, qui ne maîtrisait apparemment pas son pouvoir dans les rues de la capitale. Elle était alors en pleine mission d’escorte d’un couple de nobles, mission qui s’était d’ailleurs terminée sans encombre, bien que la jeune femme n’en conserve pas un souvenir particulièrement agréable.

Quelles plaies que ces aristocrates ! Jusqu’au bout ils s’étaient admirablement appliqués à lui rendre la vie dure, mais cela était dorénavant du passé.

Depuis, elle avait obtenu une permission, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas pris du temps pour elle, et les choses étaient plutôt calmes à la caserne, elle avait donc obtenu quelques jours durant lesquels elle pouvait aller où bon lui semblait.

Sur un coup de tête, elle avait donc repensé à ces enfants qui habitaient dans les plaines et qu’elle avait rencontrés le jour où elle avait effectué cette fameuse escorte. Elle était très curieuse de voir quelle sorte de vie menaient les gens en dehors des murs étouffants de la grande cité.

Elle aurait bien aimé les revoir, mais leurs indications étaient bien trop floues pour qu’elle puisse les retrouver sans écumer tous les villages, ce qu’elle ne prévoyait évidemment pas de faire.
C’était donc sans grande conviction qu’elle avait choisi de se rendre à tout hasard en direction d’un groupement de villages.

Ayant alors une petite idée de son itinéraire, la jeune femme avait payé un marchand qui s’apprêtait à retourner vers les villages disséminés dans les plaines pour s’y rendre sans trop d’effort. Elle était alors montée dans la caravane et s’était installée, le voyage lui avait pris une paire de jours avant qu’elle n’arrive à destination.

La caravane s’arrêta et l’homme, qui conduisait deux chevaux de trait se tourna vers elle :

« Terminus ! J’vous laisse ici parce que j’dois m’pointer chez mon patron. »

Ayah acquiesça et sauta à terre, elle s’approcha et lui tendit une bourse contenant les cristaux qu’il manquait pour régler le reste à payer après l’acompte qu’elle avait déjà versé.

« Merci bien ! » Dit-elle tranquillement tandis que le marchand vidait la bourse dans sa grande main pour vérifier que le compte y était.

Il parut satisfait et haussa les épaules d’un air bourru et approbateur avant de prendre congé d’elle, faisant repartir ses bêtes.

Ayah le regarda s’éloigner puis reporta son attention sur la route qui serpentait jusqu’à des habitations qu’elle distinguait au loin, elle se remit en route.

Elle marchait déjà depuis quelques minutes quand elle distingua au loin une personne qui… Volait ? Serait-ce… ? Quelles étaient les chances qu’elle tombe sur lui totalement au hasard ? Elle observa la forme en question, qui volait maintenant dans sa direction :

« Yanxlin ? » Dit-elle incrédule pour elle-même, car l’intéressé était encore beaucoup trop loin pour l’entendre.

Elle l’entendit ensuite l’appeler par son nom, oui c’était bien Yanxlin, maintenant qu’il était plus proche elle pouvait clairement le reconnaître. Après tout, ce n’était pas une personne qui passait tout à fait inaperçue il faut dire.

« Finalement t’as réussi à te libérer ? Ce sont les gamins qui vont être contents ! »

Très surprise de le voir tout de suite, elle n’eut pas le temps de répondre avant qu’il ne se reprenne brusquement, comme s’il avait dit une bêtise :

« Pardon… J’espère que t’es bien en mode « vie civile » parce que j’ai pas fais attention que je te tutoyais… Enfin, ça mit à part c’est génial que tu sois ven… AaaAah ! »

Elle se crispa en le voyant tomber tête la première dans un buisson, dans une sorte de réflexe d’empathie, comme si elle était à sa place. *Aie…*

Puis elle soupira de soulagement en constatant qu’il ne lui avait pas mentit sur sa chance légendaire d’avoir toujours un buisson un arbre ou une meule de foin à disposition pour le rattraper quand son pouvoir se manifestait.Pas de doute, c'était bien le légendaire Yanxlin...

Ainsi, il ne maîtrisait toujours pas son pouvoir ? Le contraire aurait été fort étonnant, cela ne faisait pas si longtemps qu’ils ne s’étaient pas vus. Elle s’approcha du buisson et lui tendit une main amicale pour l’aider à se remettre sur pied et se tirer de ce qui lui avait tenu lieu de piste d’atterrissage :

« Yanxlin ! Je ne m’attendais pas à te voir ici. Heu... ça va aller ? » Dit-elle toujours quelque peu surprise, mais néanmoins contente de le voir. Il n'avait pas l'air blessé...

D’un coup elle se rendit compte qu’il avait des petites branches du buissons qui s’étaient cassées et qui s’étaient prise dans ses cheveux, formant des sortes de cornes sur sa tête, comme un cerf, c’était plutôt amusant. Bon public, elle ria de bon cœur en voyant cela puis reprit bien vite un semblant de sérieux :

« Je suis en permission. » Dit-elle d’un air serein. « On peut se tutoyer, je ne suis pas là en tant que membre de la garde régulière. »

Elle le laissa remettre un peu d’ordre dans ses affaires, il faut dire que ce buisson avait eu l’air de beaucoup s’attacher à sa personne vu le nombre de feuilles et de brindilles qu’il avait emporté avec lui en en sortant !

« Je suis contente de te voir ici, tu sais ! »  

Elle s’interrompit quelques instants avant de reprendre avec le sourire

« Alors ? Qu’est-ce qui t’amène ? Ce sont ces enfants qui t’ont finalement donné leur adresse ou bien tu es venu ici par hasard ? »

Ayah était d’humeur joviale, finalement elle avait bien fait de venir ici, ça lui ferait réellement une pause fort bienvenue avec la morosité qui régnait parfois en capitale. Il était grand temps de se ressourcer et elle comptait bien profiter de ce bonheur simple et éphémère de retrouver un visage amical !

Il apparaissait que Yanxlin était toujours un personnage aussi extravagant qu’à leur dernière rencontre dans les rues de la capitale.  

Entre son pouvoir incontrôlable, son apparence pour le moins hors du commun et sa façon de s’exprimer… Oui, c’était bien un personnage haut en couleurs !

Ainsi donc, en plus de retomber complètement par hasard sur Yanxlin : elle était allée précisément à proximité des villages où vivaient les deux enfants qui voulaient absolument la revoir après leur rencontre dans la capitale.  

Et tout ceci, dans le plus grand des hasards, la jeune femme n’en revenait toujours pas.
Quand elle apprit qu’ils avaient envoyé Yanxlin en *mission de repérage* pour la retrouver dans le coin, elle ne pu s’empêcher de sourire d’un air amusé. Décidément les enfants ne se doutaient de rien : ils incarnaient l’innocence dans son état le plus pur, même s’ils étaient parfois un peu lourds. Oui, il fallait bien avouer qu’ils étaient plutôt insistants quand ils s’y mettaient !

L’aventurier daigna lui en dire plus sur la raison de sa présence dans le coin, il lui confia qu’il était ici pour les fameux chapardeurs dont ils avaient entendu parler. Ayah ne savait pas exactement de quoi il s’agissait mais supposa paresseusement qu’il s’agissait d’un type de bestiole mignonne que les gens aiment dresser comme des familiers.

En tout cas, il avait une sacrée envie de trouver des chapardeurs pour venir jusqu’ici depuis la Capitale… A pieds ! Non mais, rendez-vous compte ? Oui, Yanxlin était bel et bien un jeune homme plein de surprises. Mais bon, au moins il affichait un petit air satisfait de gosse heureux.
L’air serein et reposé Ayah l’écouta tranquillement, c’était apaisant.

Le pauvre devait en avoir bavé, car la route n’était vraiment pas de tout repos. Elle entendit une sorte de bruit sourd reconnaissable tout droit venu de l’estomac de « monsieur cheveux bleu », avait-il pu manger durant son voyage ?  

en continuant de l’écouter elle entreprit de fouiller dans le sac qu’elle avait prit avec elle.

« Ils sont vraiment incroyables. » Commenta t-elle avec douceur, toujours avec un air amusé tandis qu’elle avait du mal à trouver ce qu’elle cherchait. « Je te suis. »

Ils se remirent à marcher tranquillement en direction des habitations vers lesquelles Ayah se dirigeait déjà initialement. Elle trouva enfin dans son sac de voyage ce qu’elle recherchait et afficha un petit air victorieux en montrant un objet rectangulaire à l’aventurier.

« C’est une ration de la garde. » Lui expliqua-t-elle pour répondre à son air interrogateur.

Elle mit la ration dans le creux de la paume du jeune homme sans trop lui laisser le loisir de refuser, il fallait qu’il mange quelque chose :

« Ce n’est pas très bon gustativement parlant, mais au moins ça remplit l’estomac. J’aimerais que tu la mange, je n’en ai pas besoin. »

Ils continuèrent leur route sur le petit chemin de terre, vers le village qui grossissait un peu plus à chaque pas, ils ne marchaient que depuis moins d’une dizaine de minutes quand ils arrivèrent à proximité du village.

Elle observa avec intérêt les premières maisons qu’ils croisèrent, les habitations côtoyaient les terres de récoltes et les pâturages.  

Il régnait ici une sorte d’ambiance sereine et franche qu’Ayah appréciait beaucoup, elle se rendit compte à quel point elle n’était pas faite pour la vie en ville. Elle espérait de tout cœur que son rôle de garde l’amène un jour dans des aventures en dehors des murs.

Et puis, elle avisa deux personnes en train courir dans leur direction, des enfants apparemment. Sûrement étaient-ils en train de jouer à se courir après, Ayah les observa tranquillement, mais constata bien vite qu’ils n’étaient pas vraiment en train de jouer.

Non, ils étaient plutôt en train de… Courir dans leur direction ?

« Ayah ! C’est Ayah ! » Criait joyeusement le garçon.

« Vouiiii Ayaya » Renchérit une gamine derrière lui.

La jeune femme les considéra avec surprise tandis qu’ils arrivaient à leur niveau, puis elle se fendit à nouveau d’un large sourire.  
Elle posa un genou au sol et ils arrivèrent bien vite à proximité, elle réfléchit quelques instants… Elle connaissait leur nom, mais elle avait peut de l’avoir oublié… Disons qu’elle avait eut fort à penser depuis.

Bien heureusement pour elle ils se présentèrent d’eux-même indirectement :

« Ritshka avait très envie de te revoir ! » Dit le gamin.

« T’es un menteur, Jytzo ! » Rétorqua la gamine comme si elle était gênée par son camarade, elle paraissait un peu plus timide.

Ritshka et Jytzo donc… Finalement elle n’aurait même pas besoin de leur demander comment ils s’appelaient, voilà qui était plutôt arrangeant.

La jeune femme leur ébouriffa gentiment les cheveux, elle n’avait pas de problème particulier avec les enfants et avait même plutôt tendance à apprécier leur joie de vivre si candide. Elle aimait cette présence.

« Contente de vous revoir, les enfants. » Dit air d’un air jovial en les regardant tour à tour.

« Toi aussi tu viens voir les chapardeurs ? » Demanda Jytzo avec une drôle de tête, comme s’il avait des étoiles dans les yeux.

Ayah se gratta l’arrière de la tête, ne sachant pas trop quoi répondre :

« Eh bien…. » Commença t-elle.

Elle n’était pas spécialement venue dans ce but, elle voulait juste explorer un peu les plaines mais sur le coup elle ne savait pas trop s’il fallait le leur dire.  
Elle croisa leur regard surexcité et sentit qu’en réalité il n’y avait toujours eut qu’une seule bonne réponse :

« Heu, oui... Oui je viens pour les chapardeurs ! » Dit-elle avec bienveillance.

« J’le savais ! » Lanca un Jitzo triomphant. « Suivez-moi, je connais un endroit où il y en a plein qui sont super sympas ! »

Il leur fit un signe de la main et se dirigea vers une sorte de grange un peu à l’écart, positionnée juste à coté d’un arbre aux proportions tout à fait admirables.

« Vous venez ? »

Ayah se redressa et commença à le suivre, accompagnée de Ritshka et de Yanxlin. Presque immédiatement, la gamine attrapa l’un des pans de tissus qui pendaient à la ceinture de la jeune femme et s’y tenait comme s’il s’agissait d’une sorte de fil d’Ariane.

Elle fut impressionnée par la familiarité dont ils faisaient preuve. C’était mignon et un peu effrayant à la fois… Où étaient les parents ? Heureusement qu’Ayah et Yanxlin n’étaient pas des gens mal intentionnés. Ayah comptait bien les rencontrer pour tenter de leur faire passer subtilement le message.

Néanmoins, elle adapta son allure pour marcher à un rythme qui correspondait à celui de Ritshka, toujours joyeusement cramponnée aux pans de tissus qui recouvraient le coté de ses jambes. Ayah lui proposa sa main, mais elle semblait se satisfaire davantage du tissu… Ainsi soit-il.

Ils arrivèrent donc devant la grange et le grand arbre. Là, Ritshka lâcha enfin Ayah pour trottiner gaiement vers Yanxlin. Elle lui tendit une sorte de fruit de la taille d’une petite figue :

« Propose leur un cadeau ! Tu verras ils viendront ! » Dit-elle au jeune homme, semblant très fière de faire étalage de ses connaissances en la matière.

Jytzo s’était déjà assis dans l’herbe et Ritshka tira sur la manche d’Ayah :

« Il faut s’asseoir ! » Dit-elle avec une sorte de moue autoritaire.

Ne souhaitant pas la contrarier, la jeune femme s’exécuta et s’assit à son tour dans l’herbe, observant d’un air curieux ce que Yanxlin allait bien pouvoir faire et comment il allait s'y prendre avec les bestioles.

Yanxlin s’était endormi ? Du genre… Sérieusement ? Cela faisait à peine quelques minutes qu’il était allongé quand Jytzo le fit remarquer, sans trop élever la voix pour ne pas décourager les chapardeurs d’approcher.

Ayah haussa les épaules, stupéfaite de voir à quelle vitesse il pouvait se laisser tomber dans les bras de Morphée. Vraiment, son voyage avait dû être particulièrement éreintant.
Cela dit, il ne semblait pas profondément endormi, il semblait tout juste à la limite de l’inconscience, comme un équilibriste dansant entre songe et éveil.

Elle réalisa alors qu’ils appelaient toujours l’aventurier sous le surnom « Monsieur aux cheveux bleu » et elle leur lança un regard interrogateur :

« Attendez… Il ne s’est pas présenté ? » Demanda-t-elle sans hausser la voix. « Il s’appelle Yanxlin, c’est mieux que « monsieur aux cheveux bleus » tu ne trouves pas ? »

« Yan chine. » Répéta gaiement Ritshka.

« Je pense qu’il ne t’en voudra pas si tu l’appelles simplement Yan. » Ajouta la jeune femme, amusée devant l’écorchage sauvage et sans pitié du prénom de l’aventurier.

Mais la fillette se figea d’un coup et lui intima qu’elle voyait un chapardeur approcher, dans une sorte de confidence trépignante d’excitation. Les deux gamins restèrent ainsi, en haleine, tandis qu’ils observaient une petite bestiole s’approcher de l’aventurier.

Le chapardeur se montrait prudent et calculateur tournant régulièrement la tête vers eux, sur le qui-vive. Ayah l’observa en silence, essayant de bouger le moins possible pour éviter d’effrayer l’animal qui entama joyeusement la petite friandise qui avait été confiée à Yanxlin.

Les enfants s’émerveillaient tandis que l’animal montait prudemment sur le torse de l’aventurier, qui ne daigna toujours pas se réveiller. Et puis, alors que le rongeur était juste en face de lui, il se réveilla dans le plus grand des calmes. C’est-à-dire… En criant.

Ayah se demanda lequel des deux avait eut le plus peur. En tout cas, ce choc avait fait fuir le chapardeur et avait provoqué l’apparition du pouvoir de Yanxlin, qui s’était maintenant élevé dans les airs.

Jytzo riait aux éclats, Ritshka semblait choquée, et Ayah… Se frappa le front de la paume de la main.

* Il est incroyable... * Se dit-elle intérieurement en faisant glisser sa main.

Décidément, il choisissait toujours le moment idéal, il était si près du but !

« Yan a eu peur d’un chapardeur ! » S’exclama Jitzo, qui ne s’en remettait pas et continuait de rire aux éclats tandis que l’aventurier ailé les regardaient avec l’air un peu perdu de celui qui ne comprend pas de qui vient de se passer.

« Tu t’es endormi. » Expliqua tranquillement Ayah, les yeux levés vers lui tandis que ses ailes le maintenaient toujours en l’air. « Un chapardeur voulait faire connaissance avec toi, mais je crois que vous n’êtes pas partis sur de bonnes bases. »

Son pouvoir allait certainement disparaître d’un moment à l’autre, mais ils étaient dans une clarière couverte d’un épais tapis d’herbe verte. Il n’allait probablement pas se faire mal en retombant, et Ayah avait commencé à s’habituer à ses acrobaties.

Il s’en tirerait une fois de plus en prétendant qu’il avait l’habitude et qu’il n’avait pas la moindre blessure. Il n’empêche, à défaut de contrôler l’apparition de son pouvoir il pourrait peut-être apprendre à contrôler ses ailes pour se reposer en douceur sur le sol.

Il était toujours en l’air et Ayah prit donc le parti de s’approcher doucement du trou dans lequel avait disparu la bestiole. A pas comptés pour ne pas l’effrayer davantage, elle s’accroupit à côté et pencha la tête pour tenter de l’apercevoir.

Le trou n’était pas bien profond et l’entrée était plutôt large. Elle pouvait donc voir le pauvre chapardeur, prostré au fond, tremblotant de peur. Elle tenta de l’amadouer gentiment pour le faire sortir de sa cachette : sans succès.

Ritshka avait finalement pu se ressaisir et affichait une mine contrariée, un peu boudeuse, les yeux levés vers Yanxlin :

« Yan chine ! Tu lui as fait peur ! Il faut que tu lui trouve un autre cadeau pour te faire pardonner. »

« Les chapardeurs adorent qu’on leur fasse des cadeaux. » Expliqua Jitzo. « C’est sûrement le seul moyen de se réconcilier avec celui-ci. »

« Mais je n’avais qu’une seule friandise… » Se plaignit la fillette.

Quand Yanxlin fut de nouveau bien accroché au plancher des vaches Ayah s’approcha vivement, les enfants étaient déjà auprès de lui :

« Tu t’es fait mal ? » Demanda-t-elle laconiquement en se doutant bien qu’il lui répondrait que non.

Toujours un peu inquiète quand elle voyait quelqu’un chuter, elle restait cela dit attentive à ce qu’il lui répondrait et était tout à fait disposée à lui venir en aide en cas de besoin.

Elle se retourna vers la cachette du chapardeur et surprit le petit animal en train de les épier avec curiosité. Cependant, il disparut à nouveau dans son trou quand il se rendit compte qu’elle regardait dans sa direction. Elle haussa les épaules et reporta son attention sur le jeune homme :

« Il n’est pas parti très loin. » Dit-elle doucement en faisant un signe de tête vers le trou qu’elle regardait quelques instants plus tôt. « Il a l’air un peu sous le choc… Mais en même temps il semble plutôt curieux. Tu as peut-être encore tes chances avec. »

« Il va falloir trouver quelque chose à lui donner… » Intervint le petit garçon, avec un air pensif, comme s’il réfléchissait.

Il regarda l’aventurier et un sourire espiègle se dessina sur son visage :

« Je suis sûr que t’as plein de trucs intéressants pour lui ! J’ai raison hein ?! »

Comme d’habitude, plus de peur que de mal, encore une fois Yanxlin n’avait pas vraiment souffert de sa chute. En revanche il semblait se plaindre d’une douleur provoquée par la manifestation même de son pouvoir.

Ayah le considéra en silence, avec une sorte d’impuissance et une mine un peu contrariée, elle se doutait bien qu’elle ne pouvait pas faire grand-chose pour adoucir cette peine. Et c’était plutôt frustrant.

En tous cas Jytzo semblait admiratif devant son pouvoir, mais il semblait assez insensible au fait que cela était plutôt douloureux en réalité. Il était sûrement trop jeune pour se rendre compte de la douleur qu’éprouvait l’aventurier, et à quel point ce pouvoir était presque une malédiction pour lui.

Il faut dire qu’il parvenait très bien à cacher cette douleur, mais pas suffisamment pour qu’elle ne le remarque pas. Travailler avec la douleur, elle avait l’habitude.

Elle les observa tranquillement tandis que Yanxlin partait en exploration de ses poches, en quête d’un présent pour le petit rongeur. Son air distrait laissé penser qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il était en train de chercher.

Quand il sortit enfin un petit objet, elle reconnut immédiatement le porte-bonheur que la petite Ritshka lui avait offert à la capitale. Ainsi donc, il l’avait précieusement gardé ? Cela lui fit chaud au cœur et elle ne put s’empêcher de sourire et les regardant. En tout cas la petite avait l’air ravie, et elle avait déjà oublié les remontrances qu’elle réservait au jeune homme pour avoir fait fuir le chapardeur.

L’aventurier partit s’assoir à nouveau dans l’herbe, un peu plus loin d’eux. Il tenait le petit porte-bonheur dans la main et les trois autres restèrent un peu en retrait.

Intriguée, Ayah regarda dans la direction où elle savait que le petit chapardeur s’était caché, et elle vit d’ailleurs le bout de son museau. Avec une douceur ferme, elle appuya sur les épaules des deux enfants pour leur intimer de s’assoir tranquillement pour ne pas l’effrayer et ils observèrent la scène les uns à côté des autres.

Il y eut un début d’interaction entre Yanxlin et l’animal, l’aventurier lui parlait comme s’il s’agissait d’une vraie personne, et la bestiole semblait plutôt réceptive à ses paroles. Elle crut comprendre que le rongeur avait tenté de mordre dans le porte bonheur en pierre et s’était rendu compte de la dureté du présent. Eh oui, les cailloux ça ne se mange pas…

Ayah esquissa un air amusé en se disant qu’ils se ressemblaient quelque part, lui et cette bestiole… Toujours à trouver une bêtise incongrue à faire et à amuser la galerie bien malgré eux. Elle se surprit à penser que ce petit animal ferait un familier parfait pour lui.

Tandis que Yanxlin s’occupait de tisser des liens avec la petite bête, Jytzo entama une conservation sur les pouvoirs. Comme il l’avait déjà laissé entendre, il était sous le charme de celui de l’aventurier, aussi peu pratique fut-il, mais il se demandait bien quel était son pouvoir à elle.

Le garçon semblait doté d’un don un peu étrange en lien avec les rêves et Ritshka une sorte de liaison avec les animaux, ou oiseaux, par le biais de sa voix. En y pensant, c’est vrai que sa voix était plutôt agréable à entendre.

« Oh, j’ai hâte de voir comment pourrait évoluer ton pouvoir, Jytzo ! Et toi, Ritshka, il faudra que tu nous fasses écouter ça un jour. » Dit-elle avec bienveillance. « Quant au mien… »

Elle le proposa à chacun une main et ils la lui donnèrent avec curiosité. Elle fit passer un léger flux d’énergie dans chacun de ses mains et ils parurent un peu surpris :

« Ah ! C’est froid ! » Fit remarquer la fillette un peu surprise en regardant sa main, un léger halo turquoise était apparu.

« C’est un pouvoir pour rafraîchir les gens l’été ? » Demanda son ami, perplexe en observant le halo qui émanait sur sa propre main.

Ayah gloussa, amusée :

« Haha, ça pourrait. Non, en réalité c’est juste un pouvoir de soin. Je peux refermer des blessures si je suis en contact avec. » Expliqua-t-elle « En général les gens ressentent effectivement une sensation de froid, c’est juste mon énergie qui fait ça. »

« Bon… Je t’avoues que c’est pas aussi cool que de voler, mais cool quand même ! » Commenta le garçon d’un air joyeux.

« Regardez ! Yan Chine s'est fait un nouvel ami et ils sont en train de jouer à chat ! »

Ayah interrompit sa démonstration et ils reportèrent tous les trois leur attention sur le duo aventurier / chapardeur. C’était un spectacle assez… Intéressant.

Yanxlin courant maladroitement après un petit animal qui semblait prendre un plaisir fou à le faire tourner en bourrique.

Le petit chapardeur sautillait partout gaiement, esquivant habilement les tentatives du jeune homme de l’attraper. La bestiole surpassait allègrement son adversaire en vitesse et en agilité et le lui faisait bien savoir : passant entre ses jambes, virevoltant au dernier moment…

L’animal poussa même le vice de la provocation à grimper sur son dos avant de redescendre tandis que Yanxlin faisait des mimiques très drôles pour tenter de l’attraper. Et si cela ne suffisait pas, il arrivait également à se faire lui-même des croche-pieds pour se vautrer dans l’herbe fraîche.

Un vrai numéro, pour le plus grand délice des deux gamins qui riaient à gorge déployée. Ayah ne pu s’empêcher de joindre sa voix à la leur, en espérant de tout cœur que le jeune homme n’ait pas l’impression qu’ils riaient à ses dépens. Mais elle commençait à cerner un peu le personnage, il n’avait pas l’air très susceptible.

Cela dit, malgré qu’il se fasse allègrement poursuivre par Yanxlin, ce n’était pas de la peur qui semblait habiter le chapardeur, mais une sorte de jovialité joueuse. Avait-il finalement adopté l’aventurier ? Pensait-il que Yanxlin était réellement en train de jouer avec lui ?

Ayah pensait que le jeune homme voulait simplement récupérer le cadeau que lui avait offert Ritshka. Sûrement de peur de froisser cette dernière s’il ne le faisait pas.

« Eh ! Il a l’air de t’apprécier ! » S’exclama le garçon à l’adresse de l’aventurier.

« Voui ! Ils sont rigolos ensemble ! » Renchérit la gamine.

Nouvelle chute, nouveaux éclats de rire, le petit écureuil prit alors une place triomphale sur le sommet du crâne de l’aventurier, toujours avec le petit porte bonheur entre les pattes sous le regard amusé de la galerie.

C’était comme David terrassant Goliath, mais en version plus sympa !
Yanxlin avait-il trouvé son maître ou était-ce l’inverse ?

« Si ça continue tu vas devoir l’adopter. Il a l’air d’être en train de s’attacher à toi. » Commenta la jeune femme avec amusement.

« Il dirait pas non je paris ! » Renchérit Jytzo.

« T’en fais pas pour le porte bonheur Yan, tu peux le lui donner si tu veux. Je t’en ferai un autre. » Déclara la petite, très fière que son porte-bonheur ravisse autant le petit écureuil.

Et si c’était dans ses plans ? Elle ne savait pas exactement pourquoi ils étaient ici et supposa que Yanxlin avait éveillé un intérêt particulier pour les chapardeurs depuis qu’on lui en avait parlé.

Et pourquoi pas après tout ? Il n’était pas inhabituel que les gens se promènent avec des familiers dans ce royaume. Elle lui lança un regard interrogateur, curieuse de voir ce qu’il comptait faire.

Le chapardeur avait littéralement terrassé l’aventurier et, déclarant forfait, Yanxlin s’était allongé dans l’herbe fraîche bras en croix. Le petit animal était alors venu se lover contre lui. Comme s’il voulait se reposer.

Apparemment ils s’étaient tous les deux plutôt bien remis de la frayeur mutuelle qu’ils s’étaient faite. Ayah eut un sourire attendri, c’était très mignon de les voir tous les deux aussi apaisés. En tout cas, les enfants semblaient très contents de les voir aussi proches, et voulurent les regarder de plus près. Ils firent cela avec mille précautions, tout en douceur, de peur d’effrayer le petit chapardeur qui était maintenant en confiance avec Yanxlin.

Ayah les avait suivis, de toutes façons elle n’avait pas vraiment le choix puisque Ritshka s’était à nouveau fermement accrochée aux longs pans de tissus qui pendaient de sa ceinture. Elle tirait gentiment dessus pour encourager la jeune femme à la suivre, comme s’il s’agissait d’un familier. Certaines personnes pouvaient finir par s’agacer de cela, mais pas elle, la jeune garde s’y prêtait de bon cœur, et avec beaucoup de bienveillance.

Elle observa affectueusement les enfants échanger avec l’aventurier, chérissant ces petits moments de bonheur simple qu’elle ne vivait que trop rarement entre les murs de la Capitale. Elle remercia d’ailleurs la providence d’avoir mis sur sa route de telles rencontres.
Mais, comme toutes les bonnes choses finissent par avoir une fin, le vent des présages commença à tourner… Ce fut le chapardeur qui, avant tout le monde, sentit quelque chose, il paraissait effrayé.

Ayah ne comprenait pas vraiment ce qui prenait tout à coup le petit animal, mais elle eut l’impression que son ami était du même avis que le petit écureuil. Jamais encore elle n’avait vu sur son visage une expression aussi sérieuse. Lui qui était toujours plutôt positif et rieur, du moins, de ce qu’elle voyait quand elle le côtoyait.

Quand il lui intima d’écarter les enfants, elle eut une drôle de pressentiment et haussa les épaules. Elle attrapa Jytzo et Ritshka par les épaules et les rapprocha d’elle, restant sur ses gardes. Les enfants ne semblaient pas vraiment comprendre ce qu’il se passait.

Lentement, une forme grise commença à se détacher du couvert des arbres des bois voisins. Un loup assez massif s’approchait d’eux, dévoilant les crocs, semblant hésiter à approcher ou non. Son regard doré était plutôt capté par le chapardeur qui avait trouvé refuge sur Yanxlin, mais ses yeux se posaient également sur les dagues de l’aventurier.

C’était un animal qui semblait craindre l’homme, mais que la faim semblait tellement tenailler qu’elle prenait le pas sur cette peur primaire. Qu’est-ce qu’un loup pourrait venir faire ici ? Il prenait beaucoup de risque pour se mettre un petit chapardeur sous la dent. N’y avait-il pas de meilleures proies à chasser dans la forêt ? Cette histoire était un peu bizarre…

En tout cas l’aventurier semblait penser que c’était un solitaire. Scrutant les alentours, Ayah se dit qu’il avait surement raison. Cela pouvait par ailleurs expliquer le comportement étrange de l’animal. Les loups solitaires, chassés de leur meute, étaient généralement livrés à eux-mêmes, peut-être que celui là arrivait au terme d’une longue errance et n’avait plus rien à perdre ?

Doucement, Ayah s’approcha lentement de Yanxlin sans quitter la bête grondante des yeux. Une fois à proximité, elle étendit le bras pour faire passer les deux enfants derrière elle et dégaina son épée d’un geste ample et calculé.

La lame siffla doucement tandis qu’elle quittait son fourreau, et l’animal considéra cette nouvelle menace en montrant les crocs de plus belle.

« S’il vient nous défier c’est qu’il est acculé. » Dit-elle sur un ton calme, d’une voix ferme mais légèrement teinté de pitié. « Il n’a absolument aucune chance, j’aimerais autant éviter de lui faire du mal, mais il me semble plutôt désespéré. »

La bête s’était hérissée, sa queue touffue était levée bien haut, signe d’agressivité pour cet animal. C’était un peu comme une boule de nerf grondante et menaçante, qui faisait fis des règles de la logique. Ce grand loup solitaire était loin de se comporter de manière normale, même tenaillé par la faim… Non… Il y avait décidément un problème avec cet animal.

Tandis qu’il avançait inexorablement vers eux, Ayah pu l’observer davantage. Il avait des mouvements plutôt étranges, un peu comme des tics nerveux, et il bavait énormément. C’était comme s’il écumait de… Colère ?

La jeune femme comprit ce qu’il en était et se raidit. En sa qualité de médecin, elle identifia immédiatement des symptômes inquiétants et jeta un regard inquiet à Yanxlin.

« Écoute moi bien… Il est certainement enragé… Même s’il ne nous attaque pas on ne peut pas le laisser partir. Il pourrait infecter d’autres personnes. » Dit-elle, d’un ton très sérieux.

C’était douloureux et un peu monstrueux à dire, un poids passa sur le cœur de la soignante tandis qu’elle reprenait tristement la parole en reportant son attention sur le pauvre animal :

« Il est condamné. Il ne lui reste que quelques jours tout au plus… Et il n’existe pas de remède contre la rage. »

Elle hésita quelques instants puis se rapprocha de son interlocuteur pour faire en sorte que les deux enfants, effrayés par l’animal, ne puisse l’entendre :

« Je suis désolée… Nous devrions abréger ses souffrances. Mais… Je n’aimerais pas que les enfants voient ça. Tu peux t’en occuper ? »

Le loup malade se mit d’un coup à tourner nerveusement, comme un lion en cage, à quelques mètres d’eux. Ce qui lui restait de raison semblait lui intimer la fuite, mais la rage qui le rongeait semblait lui ordonner le contraire. Laissant de coté la peine qu’elle avait pour cette bête, Ayah serra sa prise autour de la garde de son épée à une main : il y avait des priorités plus importantes :

« Surtout ne te fais pas mordre ! On risquerait d’avoir du mal à te trouver un remède. » Dit-elle à l’adresse de son nouvel ami.

* Je compte sur toi * Pensa-t-elle en le regardant.

Elle posa un genou à terre et prit la petite Ritshka, qui semblait complètement paralysée par la peur, avec son bras gauche, la serrant contre elle dans un geste protecteur. Elle était prête à cacher les yeux de la fillette si cette dernière essayait d’assister à ce qui allait suivre. Pointant vers la bête son arme, prête à réagir s’il décidait de s’en prendre à elles. Mais Yanxlin était à aussi pour assurer leur protection.

Elle échangea un regard avec Jytzo, il était plus vieux et semblait plus mature que son amie, mais ça restait un enfant lui aussi. Elle ne voulait pas qu’il garde un traumatisme de cette histoire. Il paraissait également un peu perdu :

« Jitzo… Evite de regarder, s’il te plaît. » Lui dit-elle gentiment avant de reporter son attention sur Yanxlin.

Que pouvait-il faire pour les sortir de cette situation ? Ils ne pouvaient décemment pas laisser un animal atteint par la rage s’enfuir. Elle regrettait un peu de lui laisser le mauvais rôle dans tout ça.

Ayah ne doutait pas un seul instant que les aventuriers fussent autant débrouillards et courageux que les gardes. Après tout, ils vivaient généralement de diverses primes qu’ils obtenaient en parcourant le monde et en affrontant ses dangers.

Un loup, aussi enragé soit-il, ne devrait pas être une grande menace pour ces personnes. Toujours est-il, elle imaginait difficilement Yanxlin réaliser une tâche aussi sinistre : lui qui était à ses yeux comme un aimant à bêtises.

Elle s’inquiétait sincèrement pour lui, non pas qu’elle ait peur qu’il succombe à cet affrontement, mais elle avait beaucoup d’appréhension à ce qu’il se fasse mordre.
Avait-il bien entendu son avertissement ? Elle l’espérait au plus profond de son cœur.

Cramponnée à la garde de son épée, la jeune femme observa la scène terrible, sur le qui-vive, prête à réagir au cas où la bête change de cible et se détourne de son premier adversaire. Le loup et l’homme se regardèrent un petit moment, tendus comme la corde d’un arc, guettant le premier faux pas de l’autre pour frapper.

Ce fut l’animal qui enclencha les hostilités, lançant sur Yanxlin un assaut mortel, sous la forme d’une gueule béante écumante d’une rage enfiévrée. Le jeune homme réussit cependant à l’esquiver, d’une habile roulade sur le coté, mais dans sa fureur sanguinaire, son adversaire réagit aussitôt et se lança à nouveau.

Quand le loup prit le dessus sur le jeune homme, Ayah fit un mouvement dans sa direction, pétrifiée par ce qu’elle voyait. Mais tout se passa trop rapidement pour qu’elle puisse choisir entre lui porter assistance et rester auprès des enfants pour les protéger.

L’aventurier venait de planter son poignard dans le ventre de la bête, et cette dernière poussa une sorte de hurlement plaintif. Mais elle n’était pas encore prête de rendre son dernier souffle, et dans un dernier effort pour blesser son opposant, elle parvint à planter ses crocs imposants dans le bras de Yanxlin avant de s’éteindre dans un râle d’agonie.

Ayah avait caché les yeux de Ritshka au moment où le loup s’était élancé sur son ami, pressentant que tout allait très vite se terminer. Finalement, le bleu eut raison de l’animal, et le silence retomba sur la scène comme un rideau pourpre. Ce qu’elle redoutait le plus s’était produit : il s’était fait mordre…

La fillette s’était mise à pleurer nerveusement de peur et la jeune femme eut toutes les peines du monde à la consoler, la petite était sous le choc. Yan restait immobile près de la dépouille de l’animal tandis que le petit chapardeur continuait de pousser de petits cris surexcités.

« Là, Ritshka, c’est fini. C’est fini. Tout va bien il n’y a plus de danger… » Dit-elle doucement en tapotant son dos tandis qu’elle sanglotait, sans quitter l’aventurier des yeux, clairement inquiète.

Elle réfléchissait déjà à la façon dont ils traiteraient ce problème. En sa qualité de médecin, elle avait quelques informations concernant la maladie, mais elle n’était absolument pas experte dans ce domaine… Son domaine de prédilection à elle c’était le soin de blessures traumatiques, pas les maladies et infections.

Elle savait donc qu’il fallait agir le plus tôt possible, mais que le virus avait une période d’incubation avant l’apparition de symptômes : avec une blessure au bras on pouvait compter environs trois ou quatre semaines.

Mais dès que les symptômes apparaîtraient cela signifierait qu’il était en grand danger : la mort est quasiment inévitable à ce moment-là…

Bon, dans tous les cas elle pourrait peut-être commencer par ralentir les choses en désinfectant la plaie et en la refermant avec son pouvoir. Le regard de la militaire se porta vers Jitzo, qui semblait pétrifié :

« Jitzo ? Ça va aller ? » L’appela-t-elle gentiment, inquiète.

Mais il ne l’écouta pas, son attention était totalement destinée à l’aventurier, toujours prostré. Le garçon l’appela d’une voix incertaine, mais certainement trop faiblement pour qu’il puisse l’entendre.

Ayah commença à repousser gentiment Rithska pour faire mine de se diriger vers le blessé, il fallait agir rapidement. Le garçonnet avait déjà réussi à rassembler son courage et fit mine de s’approcher du jeune homme, mais ce dernier lui cria dessus, avec une sorte d’agressivité qu’Ayah ne lui connaissait pas.

Perplexe, la soignante prit le petit garçon par les épaules et le fit reculer, l’amenant auprès de son amie toujours très choquée.

« Yan est un peu sous le choc, il ne voulait pas te faire peur. Reste avec Ritshka. Il n’y a plus rien à craindre, les enfants, c’est déjà terminé. » Lui dit-elle en se mettant à son niveau.

Elle se força à afficher un sourire rassurant et sûre d’elle :

« Je vais le soigner et on n’en parlera plus ! On pourra jouer à nouveau ! » Ajouta-t-elle avec bienveillance.

Mais au plus profond d’elle-même elle était inquiète pour l’aventurier, et n’avait pas vraiment le cœur à jouer.

Rien ne certifiait que cet animal fut atteint de la rage… Mais il y avait un certain nombre d’indices qui ne trompaient pas, et il fallait envisager le pire scénario pour éviter une triste fin. Il lui fallait un guérisseur le plus rapidement possible. Cela pouvait prendre un certain temps, mais il avait besoin d’un traitement avant que ses symptômes apparaissent.

Elle se redressa et marcha vers son ami : il finit par lever les yeux vers elle. Il y avait dans son regard une sorte de peur mêlée d’angoisse, il fallait le rassurer. Et elle comptait bien l’aider.

Il était debout, les bras ballants, un peu perdu : sa blessure était bien nette sur son bras et saignait abondamment. La jeune femme arriva à son niveau et jeta un regard méfiant à la carcasse du loup… Il était on ne peut plus mort, c’était triste, mais tant mieux… Toutefois elle préféra s’en écarter un peu pour pouvoir prodiguer à Yanxlin les premiers soins.

« Ça va aller Yan… Calme toi et respire. » Tenta-t-elle de le rassurer avec douceur.

Sans quitter la bête inerte des yeux, elle le prit par une épaule et l’invita à s’éloigner un peu de la scène, le guidant calmement sur quelques mètres.

Là, elle lui intima de s’assoir à nouveau dans l’herbe :

« Ce n’est vraiment pas une situation idéale. » Commença-t-elle, l’air pensif et un peu grave. « Mais je pense que tu peux t’en sortir si on trouve un guérisseur dans les prochains jours. Je ne suis pas sûre que cet animal était vraiment atteint, mais il faut quand même qu’on en ait le cœur net. Je peux cependant m’arranger pour ralentir la maladie en commençait par désinfecter et nettoyer ta plaie… »

Elle n’attendit pas son approbation. De toutes façons, elle le ferait de gré ou de force. Il fallait absolument qu’il la laisse le soigner et elle était prête à le forcer si c’était nécessaire. Elle ne voulait pas le laisser sous-estimer cette blessure.

Fouillant quelques instants dans son sac, elle en sorti un morceau de tissu et une solution antiseptique. Elle aimait avoir sur elle du matériel médical basique, même en permission, on n’était jamais à l’abri de devoir aider quelqu’un, et elle se félicita d’avoir cette manie…

La jeune femme s’agenouilla auprès de Yanxlin, prit obligeamment son bras blessé et observa la blessure, sourcils légèrement froncés.
Quelle galère…

« Ça va piquer. » Prévint-elle, d’un air très sérieux tandis qu’elle s’emparait de la fiole de solution antiseptique. Elle chercha rapidement quelque chose à lui donner et plaça dans sa main un gros morceau de tissus pour qu’il puisse le serrer s’il avait mal.

« J’y vais… »

Sur ce, elle versa la solution sur la blessure. Le but était d’éliminer le plus possible les éventuels éléments pathogènes, bien que certains était certainement dans le système sanguin du malheureux. Au moins cela pourrait contribuer à ce que la maladie se développe moins rapidement…

« Désolée… » S’excusa-t-elle un peu tristement.

Cela devait être douloureux, et elle laissa Yan réagir tout son saoul avant d’entreprendre de nettoyer ce qu’il restait.

Ceci fait, elle observa à nouveau la blessure nettoyée, il fallait maintenant la refermer, et heureusement c’était parfaitement dans ses cordes…

Morsure nette, le loup n’avait pas eut le temps de secouer la tête pour abimer les chairs…
Elle estima qu’il lui faudrait un peu plus de cinq minutes et une quantité modérée de son énergie pour s’occuper de cela. Fort heureusement, elle était plutôt reposée.

« Ne bouge pas. » Dit-elle, très concentrée. « Je te referme ça et on retournera au village pour trouver quelqu’un. Donne moi un peu de temps… »

Ne laissant pas vraiment le loisir de refuser à son patient, elle entreprit de poser ses mains autour de la blessure en essayant de provoquer le moins de douleur possible au jeune homme qui avait déjà bien souffert…

Un léger halo turquoise se mit à luire au niveau de ses mains, tandis qu’elle sentait le flux froid de son énergie vitale passer dans ses bras pour finir dans celui de Yan, commençant le travail de réparation.

Ce faisant, elle ne le regarda pas et son regard resta totalement sur la blessure, elle était complètement absorbée par sa tâche.

« Je suis désolée. » Finit-elle par dire, tandis que son travail avançait. « Je n’aurais pas dû te laisser t’occuper de ça… J’aurais pu t’aider… »

Elle s’en voulait réellement, et regrettait amèrement qu’il se blesse ainsi.

Yanxlin semblait véritablement bouleversé et cela chamboula un peu Ayah, qui sentit le remord enfler de nouveau en elle. Il semblait parfois avoir un peu de mal à avoir les idées claires et à formuler des phrases complètes, le choc avait-il été si terrible que ça ?

Toutefois, malgré son état de choc évident, il sembla à la guérisseuse que l’aventurier tentait tout de même de garder la face. Il essayait de paraître plus fort qu’il ne l’était, plus courageux qu’il ne l’était et surtout… Plus heureux qu’il ne l’était.

C’est en soignant sa blessure au bras que la militaire se faisait cette réflexion. Après tout, ce jeune homme aux cheveux bleus pouvait afficher éternellement cet air d’imbécile heureux qui n’était finalement qu’une façade masquant un profond mal-être.

En soit, elle ne savait pas vraiment ce qu’il se passait dans sa tête, mais elle avait eu un bref aperçu de son malaise quand il avait pris la fuite comme un criminel pour se cacher tandis que son pouvoir s’était déclenché. Il avait d’ailleurs fichu une sacrée frousse à Rithska…

Trop inquiète et affairée à soigner sa blessure, Ayah n’avait pas répondu directement à ses précédentes interrogations. Yanxlin semblait rechercher chez elle une sorte de réconfort psychologique qu’elle ne lui avait pas vraiment apporté jusque-là.

Mais il y avait des priorités à tenir, et jusqu’à maintenant il s’était plutôt laissé soigner sans opposer trop de résistance. Il n’avait même pas crié de douleur quand elle avait entrepris de désinfecter sa blessure, alors que cet acte devait être ignoblement douloureux pour lui.

Cependant, quand vint un moment sensé être physiquement beaucoup moins pénible, l’aventurier s’effondra alors qu’elle était en train d’utiliser son pouvoir sur lui. Quelques minutes à peine après qu’elle ait commencé le processus.

Avait-elle dit quelque chose de mal ?
Elle le regarda avec un air un peu impuissant et attristé, elle avait envie de le consoler immédiatement mais elle devait finir de refermer sa plaie au bras avant cela, elle ne put donc que lui parler.

« Yan… » L’appela-t-elle avec compassion, sans trop savoir quoi dire tandis qu’il sanglotait et qu’elle était toujours en train d’utiliser son pouvoir sur sa plaie, tellement désolée par le terrible spectacle qu’il offrait.

Elle se rendit compte à ce moment-là qu’elle l’appelait par un surnom et non par son véritable nom, mais cela n’avait pas vraiment d’importance.

Déterminée à finir de le soigner avant toute chose, ses mains restèrent sur sa blessure qui se refermait petit à petit, elle essaya même d’accélérer le processus en brûlant plus d’énergie qu’elle n’aurait dû. Bientôt cette besogne serait terminée et elle pourrait tenter de soulager les plaies béantes de l’âme de son ami.

« Tu as fait preuve de beaucoup de courage. Et je le pense vraiment. » Dit-elle, reportant son attention sur ce qu’elle faisait, elle essaya de prendre un ton un peu plus positif pour essayer de détendre l’atmosphère. « Tu n’as pas eu de chance, mais tu t’en es tout de même très bien sorti ! »

Elle supposait qu’il entendait bien ce qu’elle lui disait, même s’il semblait plutôt abattu et perdu : sûrement aux prises avec l’un de ses démons, ou alors simplement toujours à cause de son état de choc.

« Finalement, c’est toi qui as protégé les enfants. Je n’ai pas fait grand-chose. »

Elle jeta un regard en direction de Ritshka et Jitzo. La petite sanglotait toujours, mais son ami restait comme de glace, tentant manifestement de la consoler. Toutefois ils semblaient avoir remarqué la détresse de l’aventurier.

Les minutes passèrent et la plaie du bras de Yanxlin s’était finalement refermée correctement, mais sa blessure psychologique semblait encore grande ouverte. Ayah sentit en elle les effets du contrecoup de l’usage de son pouvoir sous la forme d’un mal de tête qui prit une place dans un coin de son crâne : ce n’était pas grand-chose, mais ça pouvait être désagréable.

Son ami semblait encore secoué de sanglot, et elle relâcha son bras guéri, l’observant d’un air désolé, ne sachant pas trop ce qu’elle pouvait faire pour l’aider.
Pourquoi pleurait-il ainsi ? Qu’est-ce qui le chamboulait autant ?

C’était comme un enfant enfermé dans un corps d’adulte qui laissait soudainement toute une peine accumulée éclater au grand jour. Elle se laissa donc porter par l’instinct que lui conférait son empathie envers les autres et elle le prit doucement dans une étreinte amicale, presque fraternelle, tapotant gentiment dans son dos pour essayer de le réconforter.

Elle n’avait pas grand-chose à lui dire, puisqu’elle ne savait pas trop ce qui le mettait dans un tel état. Elle espérait juste que s’il s’agissait de son mal-être par rapport à son pouvoir il puisse sentir que des gens étaient là pour lui et ne le jugeraient pas.

« Tout va bien. C’est fini. » Lui dit-elle tout de même.

C’était une phrase complètement bateau, presque la même qu’elle avait sorti à Ritshka un peu plus tôt. Mais c’est tout ce qu’elle avait sur le cœur.

Elle le serra contre elle encore quelques instants avant de le libérer, laissant toutefois une main réconfortante sur son épaule. Elle avisa alors du mouvement près de l’aventurier. Baissant les yeux, elle vit le petit chapardeur qui était monté sur les genoux de Yanxlin et tendait vers lui le porte bonheur qu’il avait chapardé avant le triste épisode du loup.

Le petit animal saisissait-il la détresse du jeune homme ?
Et si c’était le cas, voulait-il vraiment lui apporter du soutient ? Ayah trouva cela très touchant, et s’étonna de l’intelligence manifeste de la petite bestiole, qui semblait beaucoup moins craintive envers ces humains en présence.

« Ce chapardeur semble vraiment t’apprécier. » Commenta-t-elle en les observant tous deux.

Elle perçut du mouvement sur le coté et vit Ritshka et Jitzo qui s’approchaient d’eux. Se tournant vers eux, elle leur fit signe de les rejoindre et ils s’assirent près de l’aventurier un peu timidement. Jitzo était-il toujours intimidé par l’emportement du jeune homme ?

Ritshka semblait prendre sur elle-même pour garder la tête haute en voyant la détresse manifeste de Yan. La soldate l’observa avec une sorte de surprise fière, cette petite faisait preuve d’une belle force tandis qu’elle voulait montrer à l’aventurier un aspect positif.

« Ne pleure pas m’sieur cheveux bleus ! » Dit-elle en tapotant à son tour dans son dos « Tu vas rendre le petit chapardeur triste ! »

Jitzo se plaça de l’autre côté :

« Trop fort ! J’aimerais être comme toi quand je serai plus grand. » Dit-il. Il pensait certainement ses mots, mais il semblait surtout vouloir exprimer cette admiration pour apporter son soutien au jeune homme.

Un sourire attendri se dessina sur le visage d’Ayah tandis que son regard passait sur le visage de chacun des participants qui entouraient Yanxlin. L’aventurier avait-il jamais reçu de telles marques d’affection ? En tout cas les êtres qui l’entouraient présentement l’appréciait réellement.

« Pourquoi vouloir te débrouiller tout seul ? » Demanda-t-elle en affichant un air serein et bienveillant. « Il y aura toujours des gens qui t’apprécient et sur qui tu peux compter ! »

Elle espérait de tout cœur que Yanxlin pourrait se remettre de ses émotions tranquillement, ils se remettraient ensuite en route pour se renseigner au village de la présence d’éventuels guérisseurs dans les parages.

*Chapi ?*

Ça semblait un peu sorti du chapeau comme nom, surtout pour un chapardeur, mais pourquoi pas après tout ? Ayah trouvait ce nom plutôt mignon, simple et efficace… Bien qu’il ne semblerait pas que Jitzo soit de cet avis.

Elle observa d’un œil bienveillant l’aventurier et le jeune garçon se chamailler quelque peu. Le petit garçon soulignait le côté complètement bateau du nom tandis que Yan s’en défendait formellement, avançant au contraire l’ingéniosité du substantif : mignon, facile à dire, reconnaissable par l’animal et… Facile à retenir !

La joute verbale était plutôt plaisante et contrastait beaucoup avec l’atmosphère sinistre et triste qui siégeait il y a encore quelques minutes… Ayah lança un regard distrait vers la carcasse du loup un peu plus loin avant de reporter son attention sur son entourage. Tout était bien qui finissait bien, même si elle continuait de s’inquiéter d’une éventuelle infection de l’aventurier.
Les rires se mirent bientôt à retentir à nouveau et un sourire amusé se dessina sur sa face.

Yanxlin semblait déjà légèrement plus serein, bien qu’elle se demandât toujours quel genre de personne se cachait réellement derrière cet imbécile heureux qu’il semblait se plaire à afficher.
Elle en avait vu une facette, pas la plus joyeuse, mais néanmoins un fragment authentique de son âme.

Le petit animal semblait décidément avoir adopté l’aventurier et tentait tant bien que mal d’attirer son attention. La fripouille semblait fort bien aise à l’idée d’être le centre de l’attention de Yanxlin et paraissait se donner beaucoup de mal pour l’obtenir ! C’était même plutôt surprenant, mais qui sait ? Peut-être y avait-il entre ces deux-là une vraie symbiose qui ne pouvait pas vraiment s’expliquer ?

Le sujet du retour fut bien vite évoqué. Au moment-même où Ayah s’apprêtait à le faire le jeune homme avait soumis l’idée aux deux enfants. Il valait en effet mieux pour eux de rentrer chez eux pendant que les deux jeunes adultes se mettaient en quête d’un autre guérisseur pour Yan, ou au moins un lieu de soin où il pourrait se reposer et se remettre véritablement de ses émotions.
Car s’il paraissait déjà en bien meilleure forme, Ayah ne doutât pas que le trouble était encore là, bien ancré en lui.

« Yanxlin a raison, on devrait commencer à rentrer, les enfants ! » Dit-elle d’un air jovial en les encourageant à se relever pour partir en tête de leur groupe.

Ritshka et Jitzo ne relevèrent pas d’opposition particulière à cette idée et semblaient se faire une mission de ramener Ayah et Yanxlin vers leur village.

Tandis qu’ils s’éloignaient, l’air jovial et insouciant de la jeune femme disparut au profit d’une expression plus sérieuse, plutôt inquiète, plus réaliste. Il y avait encore une certaine fébrilité dans la façon de s’exprimer de l’aventurier qui était passée plutôt inaperçue pour les enfants.
Mais elle… Elle n’était pas une enfant et voyait bien que son ami n’était pas en grande forme.
Rien de plus normal après tout… On ne se faisait pas croquer le bras par un énorme loup tous les jours.

En tout cas il semblait un peu fébrile et elle remarqua que ses jambes tremblotaient encore de manière presque imperceptible. Elle l’écouta attentivement tandis qu’il s’approchait pour s’adresser à elle dans la confidence, au-delà des mots qu’il utilisait, ce fut sa voix-même qui lui indiqua une nouvelle fois que l’état du jeune homme n’était pas vraiment au beau fixe.

« On va voir ça… Il y a pas mal de villages dans les alentours, on devrait pouvoir trouver quelqu’un. Je veux dire, beaucoup de gens vivent ici, ça m’étonnerait vraiment qu’on ne trouve personne. » Dit-elle avec calme, se voulant rassurante. « Par contre, je ne peux rien faire de plus pour la douleur… Elle devrait s’estomper avec le temps... »

Ayah aida gentiment son ami à se relever, lui proposant son soutien au cas où ses jambes lui faisaient défaut sur la route du retour vers le village. Ils ne parlèrent pas beaucoup en chemin. Elle resta attentive et aida son ami s’il le nécessitait.

Le petit chapardeur était monté sur l’épaule de l’aventurier et semblait peu désireux de se séparer de lui, paraissant déjà plutôt attaché au jeune homme. Peut-être serait-il un bon soutient pour lui dans la vie de tous les jours, quelque part Ayah espéra que ces deux-là allaient bien s’entendre sur le long terme, ils semblaient plutôt bien se compléter.

A un moment Ritshka et Jitzo revinrent à leurs côtés pour s’assurer que tout allait bien et terminèrent la « balade » à leurs côtés. Ils arrivèrent tous ensemble assez vite dans le village des deux enfants, dont les noms retentirent bien vite dans la bouche d’adultes un peu plus loin.

C’étaient très certainement leurs parents, ou au moins des membres de leur famille vu la réaction des enfants aux appels. Et ils sembleraient qu’ils soient plutôt attendus

« Ah zut ! C’est vrai… On avait promis d’aider tes parents cet après-midi. » Dit soudainement Jitzo en portant ses deux mains à sa bouche. Oui… L’après-midi était déjà plutôt bien entamée.

« Ah non ! On va se faire disputer ! » Se plaignit Ritshka, sans pour autant paraitre pour le moins effrayée : ces enfants paraissaient plutôt épanouis et ne semblaient rien craindre dans leur famille.

« Allez-y ! » Les encouragea Ayah en ébouriffant gentiment les cheveux de Jitzo. C’était un geste empli d’affection, un des seuls dont elle avait gardé souvenir de l’époque de son père. « Yan va devoir se reposer un peu, on a fini de jouer pour aujourd’hui ! »

« Prends bien soin de Chapi ! » Lança gaiement la fillette à l’attention de l’aventurier.

« Et revenez nous voir à l’occasion ! » Renchérit son ami en prenant son amie par les épaules et en l’entraînant doucement avec lui tandis que les adultes insistaient en les appelant.

« Oh, attends ! » L’interpella la jeune femme. « Tu pourrais nous indiquer le centre de soin le plus proche ? »

Le garçon sembla d’abord plutôt surpris par la question puis se mit à réfléchir quelques instants avant de pointer le doigt dans une direction :

« Hum… C’est pas très loin juste derrière le bâtiment là-bas ! On vous aurait bien accompagnés mais… » De nouveaux appels l’interrompirent. « Mais on doit vraiment y aller ! »

La jeune femme suivit du regard la direction indiquée avant d’acquiescer, tandis que les deux enfants s’éloignaient en leur faisant de grands signes de la main qu’elle leur rendit avec bonne humeur. Bien qu’elle gardât dans un coin de son esprit une petite inquiétude pour son ami.

Par chance, l’établissement en question n’était pas bien loin, et ils y arrivèrent assez vite. Ils entrèrent tous deux timidement dans la bâtisse, la guérisseuse regarda autour d’elle pour trouver quelqu’un pour l’aventurier

Il y avait quelques personnes à qui on avait déjà appliqué des bandages, et les regards se tournèrent vers Yanxlin, qui présentait des taches de sang sans blessures apparentes, que pouvaient-ils bien penser de cela ?
Qu’il aurait blesser quelqu’un d’autre ?

Une voix de femme, toutefois plutôt grave, résonna derrière eux.

« Bonjour. »

En se retournant ils découvrirent une personne d’un âge plutôt avancé, avec des cheveux quelque peu grisonnants, bien qu’il ne s’agisse pas non plus d’une grand-mère. Disons que c’était une personne qui avait manifestement de la bouteille. Elle portait une sorte de grande blouse blanche et avaient les mains vissées dans ses poches tandis que sa face affichait une sorte d’expression désabusée.

« Hmph… Que puis-je pour vous ? » Demanda-t-elle d’une voix un peu traînante. Elle paraissait s’ennuyer ferme ici.

« Nous… Aurions besoin d’une aide médicale pour ce jeune homme… » Dit-elle, posant sa main sur l’épaule de Yanxlin et l’encourageant à présenter lui-même son problème à leur interlocutrice.

Yanxlin semblait très préoccupé par l’idée d’avoir des séquelles des suites de la morsure qu’il avait subie. Sur le coup, Ayah se demanda si elle avait bien fait de lui parler de l’éventualité dans laquelle l’animal serait porteur de la rage…
Peut-être serait-il beaucoup moins traumatisé si elle avait su tenir sa langue : une vague de regret afflua en elle.

Chapi semblait néanmoins être une présence réconfortante pour l’aventurier, qui parut quelque peu apaisé d’avoir le petit animal à ses côtés. La guérisseuse sourit d’un air attendri tandis qu’elle observait la belle complicité qui commençait à se tisser entre le chapardeur et son ami.

Ayah observa son aînée, cette femme médecin qui semblait en avoir vu bien d’autres, avec curiosité et respect tandis qu’elle examinait le bras de l’aventurier.

« Nous avons eut recours à un pouvoir pour refermer la plaie. » Expliqua-t-elle au moment ou leur interlocutrice semblait s’étonner de ne pas voir de plaie.

La soldate esquissa un petit sourire gêné quand la praticienne vanta le « travail de soin » réalisé : la jeune femme avait toujours du mal à réagir face à un compliment, mais celui-ci lui fit plaisir, surtout venant d’une personne comme cette dame d’expérience. Mais ce n’était pas un compliment qui lui était directement destiné car elle n’avait pas mentionné qu’elle était l’auteure du pouvoir en question.

Ayah écouta attentivement son aînée tandis qu’elle leur faisait part de sa conviction que Yanxlin ne présentait pas de signe clinique d’une infection. Elle lui jeta un regard surpris avant de se raviser, ne souhaitant pas froisser leur interlocutrice, comment pouvait-elle être aussi catégorique juste en regardant le bras de son patient quelques instants ?

Soit elle avait réellement une expérience vraiment exceptionnelle, soit c’était un charlatan.
Elle espéra de tout cœur qu’il s’agissait de la première option.

La garde était perturbée par cela et ne souhaitait pas que son ami ne reparte avec un faux diagnostic. Toutefois, elle garda pour le moment ses doutes pour elle : elle souhaitait de tout cœur que Yanxlin soit rassuré sur son sort et qu’il cesse de se tourmenter avec ça.

La seule prescription que la vieille femme émit fut du repos…
D’accord, c’était plutôt basique, et s’il n’y avait vraiment pas d’infection c’était effectivement tout ce qu’il restait à faire puisque la blessure en elle-même était déjà de l’histoire ancienne.

Suite à quoi la femme la complimenta directement sur ses capacités de soin, remarque qu’elle accueillit d’un hochement de tête :

« Merci… Rien à voir avec mes compétences, c’est juste mon pouvoir qui m’a permis de l’aider. » Répondit-elle affablement, avec modestie.

* Mon frère ? * Elle tiqua légèrement sur cette erreur.

Non pas que ça la dérange fondamentalement mais ce n’était manifestement pas la première fois que des gens pensent qu’elle et l’aventurier étaient de la même famille.

« Nous ne sommes pas frère et sœur. » Jugea-t-elle opportun de préciser.

La médecin face à elle leva un sourcil et les observa à nouveau avant de hausser les épaules :

« Ah ? Eh bien, vous m’en direz tant, vous vous ressemblez. Excusez la méprise alors, ça ne change pas grand-chose dans le fond. » Dit-elle avec une indifférence manifeste.

« Ce n’est rien. Vous avez raison. »

« Je suppose que vous n’êtes pas du village. Je vous aurais déjà vu. Je suis peut-être vieille mais pas sénile. Ma mémoire est encore opérationnelle. »

« Nous sommes de passage. »

« Hmph… Une garde et un aventurier hein ? Ouais, ça change un peu de l’ordinaire ici. »

Face à l’air interrogateur d’Ayah, la médecin désigna du menton la plaque visible sur son buste. Ah oui, les plaques respectives de la garde et de la guilde des aventuriers lui donnaient accès à ce genre d’information.

« Qu’il reste ici cette nuit s’il le souhaite. Je lui trouverais un coin où se reposer s’il le souhaite. » Ajouta-t-elle nonchalamment. « Bon. Maint’nant si vous voulez bien m’excuser… »

Elle fit mine de tourner les talons, vissant à nouveau ses mains dans les poches de sa blouse blanche.

« Attendez… Est-ce que je peux vous dire deux mots en privé ? » Intervint la jeune soldate.

Son interlocutrice lui jeta un regard surpris et acquiesça en continuant de s’éloigner, invitant d’un signe de tête Ayah à la rejoindre.

Cette dernière attendit que les oreilles de l’aventurier fussent trop loin pour suivre leur conversation avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres.

« Loin de moi l’idée de remettre vos compétences en cause… Mais je… Comment dire… Comment pouvez-vous être sûre qu’il n’est pas infecté ? »

Un air amusé se dessina sur les traits de la vieille dame, mais sans aucune animosité, aucune. Elle avait plutôt une sorte d’air maternel :

« Ah ! C’est très responsable de ta part de remettre un diagnostic pareil en cause ma petite. T’es médic’ dans la garde ? Vois-tu, tu n’es pas la seule à avoir un pouvoir médical. » Elle lui adressa un clin d’œil. « Le mien consiste à sentir des infections bactériennes, et j’ai eu plusieurs cas de rage, je reconnais donc la maladie très facilement grâce à cette capacité. Alors, vraiment, te bile pas pour ça. »

Ayah considéra son aînée avec un mélange d’admiration et de curiosité : un pouvoir qui permettrait de définir la nature d’infections ? C’était plutôt utile ! Des talents pareils devaient grandement servir les gens d’ici.

Quelle était la chance qu’ils tombent sur une personne pareille au meilleur moment qui soit ? Cette rencontre tombait vraiment à pic et la jeune femme avait grand mal à croire en cette chance exceptionnelle.

« Merci… » Dit la jeune femme avec un sourire rassuré, se sentant plus sereine.

Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais elle voulait croire cette dame sur parole. Quel intérêt aurait-elle à mentir après tout ?

« Nous vous sommes redevables. »

L’autre balaya nonchalamment ses paroles d’un geste de la main, qui commençait à trahir une espèce d’impatience :

« C’est mon boulot. De rien. Par contre, j’ai comme qui dirait du boulot, m’voyez ? »
« Oui, pardon. Ce sera tout alors. »

La vieille guérisseuse lui adressa un sourire entendu avant de tourner les talons, commençant à s’éloigner négligemment vers d’autres patients.
Quel drôle de personnage… Mais pas dans le mauvais sens.

Ayah revint vers Yanxlin, tâchant d’afficher un sourire réconfortant et serein pour qu’il sache que tout est sous contrôle :

« Tout est bien qui se finit bien, pas vrai ? » Dit-elle d’un air jovial et optimiste.
Chapi couinait gaiement sur l’épaule de l’aventurier, comme s’il sentait que tout rentrait dans l’ordre. Ayah hocha légèrement la tête, observant avec bienveillance le petit chapardeur avant de reporter son attention sur son ami :

« Tu as besoin de repos. Tu seras ici en sécurité tout le temps que tu auras besoin. Moi en revanche je vais reprendre la route, je devais visiter un peu le coin ! »

Elle posa sa main sur son épaule, tentant de lui communiquer un peu de positivité, désireuse qu’il se remette sereinement de cette mésaventure :

« Repose-toi bien ! On se reverra à l’occasion ! »

C’est ainsi qu’ils se séparèrent, et qu’Ayah sortait du dispensaire de campagne : respirant à plein poumons cet air pur et rural. Oui… C’était décidément une drôle de mésaventure ! Mais c’était ce qui donnait un peu de piment à la vie, pas vrai ?