En poussant la porte de cette taverne aux côtés d'Undril, Nivan ne pouvait s'empêcher de se demander comment elle avait bien pu s'y prendre pour le trainer là. Ce n'était un secret pour personne, Nivan avait horreur des tavernes. Des rassemblements en général en fait. Undril le savait. Nivan le savait. Et pourtant, ils se trouvaient tous les deux là désormais. Une chance qu'ils reviennent d'un entrainement. Les vêtements d'entrainement du forgeron ne laissait rien transparaitre de son rang. C'était sans doute mieux comme ça. Au sein de la noblesse qu'il avait pu côtoyé, il ne se souvenait pas d'avoir déjà croisé quelqu'un lui ayant chanté les louange des lieux tel que les taverne. En réalité, c'était même tout l'inverse. Aux yeux de nombreux nobles, ils s'agissaient là de lieux de débauche et de dépravation. Ou l'alcool bon marché terni l'esprit d'un peuple déjà bien mal éclairé.

Mais il ne fallait pas se méprendre. Nivan n'avait de noble que le titre. Il avait grandit parmi le peuple et n'accordait aucun crédit à ses dires. S'il ne venait pas dans ce genre de lieu, il n'en méprisait pas pour autant leur gérant et client. Simplement, qu'est-ce qu'un homme aussi introverti que lui pouvait bien avoir à y faire? Une chance cependant qu'il ne soit pas trop expressif. Sinon, Undril aurait pu se rendre compte du fait qu'il n'était pas à l'aise à la seconde où ils étaient entré.

Prenant place à une table en face de la Garde, il s'adossa également, croisant les bras sur son torse. Il ne ressentait plus les courbatures pour le moment. Son regard balaya la pièce alors que certains visages se tournaient vers lui. Il n'y avait pas cinquante Maître de forgeron avec des cornes à la capitale. Il savait bien qu'il n'était pas ici incognito. Il s'en fichait pas mal. "Comment en sommes nous arrivé là déjà?". Reprit-il alors, un peu narquois, tout en reportant son regard clair sur Undril qui venait de lui présenter les possibilités. Attention appréciée. Il n'aurait pas sur par quoi commencer autrement. Il ne se souvenait même pas être déjà entré dans une taverne. C'est pour dire. "Va pour ce cocktail". Lança t-il simplement d'une voix sans timbre. Il avait déjà laissé sa dignité de côté en s'avouant vaincu. Prendre une tisane aurait été le coup de grâce. Et puis, ce n'était pas un cocktail qui allait avoir raison de lui.

Conservant sa posture droite et fermée, il observait le lieu. Sombre et bruyant. Quoi que peu rempli à cette heure. Quelle heure était-il d'ailleurs? Il n'en avait aucune idée. Il était rare qu'il s'octroie des jours de congés. Celui ci avait été un peu improvisé. Il remarqua néanmoins la nervosité relative de la femme qui lui faisait face. "Un problème?".

Nivan n'avait certes pas l'habitude de ce genre de lieu, mais il ne doutait pas un instant qu'il s'y accoutumerai. Maintenant qu'il y réfléchissait, il était assez étrange qu'un simple forgeron - à la base- n'ai en fait jamais daigné prendre le temps de se rendre dans une taverne. Il faut croire que son côté rabat joie ne datait pas d'hier. Il ne s'en fit néanmoins pas la réflexion, trop fier pour l'admettre.

Undril avait raison. Il avait accepté. Elle ne lui avait pas mis un couteau sous la gorge pour ça. Alors désormais, il n'avait qu'à s'y faire. Après tout, ce n'était pas l'excursion du siècle non plus, il avait eu à faire à des situations bien pires. Il tenta alors de se détendre, bien que ce fait ne soit pas flagrant du tout tant il restait de marbre. Balayant la pièce du regard comme s'il s'attendait à voir surgir un ennemi quelconque. Il soupira, reportant son regard clair sur la femme qui lui faisait face alors qu'elle reprenait la parole. Un rictus mesquin se dessina alors sur les lèvres du Maître forgeron, avant de s’évanouir aussitôt. "Tu ne me fera pas avaler ça. Je sais que les membres de la Garde sont un peu parano". Rétorqua t-il, moqueur. Il ne perdait décidément pas une occasion de la charrier. Et par ailleurs, il n'était pas franchement bien placé pour lui faire la remarque, ayant lui même pris soin d’inspecter sans gène chaque visage.

Pourquoi se serait-il gêné. Eux ne se gênait pas pour le dévisager. Leur boisson venaient de leur être servi. Nivan n'y toucha pas dans un premier temps mais régla la totalité de la note, il devait bien ça à Undril. Prenant soin de répondre par la suite: "Tu en connais beaucoup des forgerons avec des cornes?". Reprit-il simplement, le plus posément du monde, comme s'il s'agissait là d'un fait tellement évident qu'il ne méritait même plus d'être souligné. Si autrefois il en avait souffert, les remarques glissaient littéralement sur ses écailles désormais. "J'aurais effectivement fait un mauvais garde. Et encore plus un mauvais espion". Rétorqua t-il alors en esquissant un rictus malicieux, portant le verre servis à ses lèvres.

Il fronça les sourcils brièvement. Pas que la boisson soit mauvaise. Non. En fait, elle était même très appréciable. Mais une question lui vint à l'esprit. Reportant son regard vers Undril, il repris la parole. "D'ailleurs, je crois bien que tu ne m'a jamais dis ce qui t'avait poussée à entrer dans la garde". Une question somme toute assez bénigne. Peu curieux par nature, Nivan n'attendait pas obligatoirement une réponse. Elle avait le choix.

Certes. Undril n'avait pas tort. Nivan savait ô combien les profils côtoyés par les Gardes pouvaient être hétérogènes. Et pour le coup, Nivan n'enviait pas franchement la position de la femme qui lui faisait face. Il avait grandit ici, à la capitale. Il savait de quoi cette ville était faite. Et bien qu'il ignore très probablement la majorité des méfaits qui pouvaient y être commis, il était suffisamment lucide pour savoir que ce n'était pas exagérer de rester sur ses gardes en permanence. C'était d'ailleurs bien là l'essence même de ce poste. Garder. Tout et tout le monde. Nivan ne s'était jamais trop demandé si ça lui aurait plu. Il lui apparaissait maintenant clairement que non. Il en avait pourtant la stature. Mais pas la fibre, très clairement. "Je te charrie, tu sais très bien que je comprend." Fit-il remarquer en esquissant un bref rictus s'apparentant à un sourire. Sa voix, toujours aussi monocorde, ne trahissait rien.

Sans doute penserait-elle qu'il n'avait pas saisi le second degré. C'était en fait une chose courante chez lui. Mais pas cette fois. Il voulait simplement s'assurer que la Garde ai conscience du fait qu'il reconnaissait son travail. Bien qu'en vérité, il n'en connaisse pas toute l'étendue. Réflexion faite, l'un comme l'autre n'avait jamais trop abordé ce sujet en profondeur. Trop occupé à s'envoyer des pics ou à s'entraîner ensemble. Leur amitié avait quelque chose de particulier. Ils se connaissaient par cœur sans se connaitre vraiment. Un comble.

Il essuya sans broncher le regard noir d'Undril alors qu'il déposait ses cristaux sur la table. Lui adressant un signe de tête en guise d'approbation. Si elle souhaitait absolument l'inviter, elle aurait l'occasion de le faire. Ils seraient quitte. Bien qu'en réalité cela importe peu à Nivan qui n'avait pas pour habitude de donner pour recevoir. Il avait des défauts, mais pas celui là. Ceci dit, c'était plus facile dans sa position. "Demande à tes collègues de la Garde s'il suffit de ça pour être connu". Rétorqua t-il avec malice, presque agressif dans sa réponse, bien que son expression ne le soit absolument pas. Il fait évidemment référence à toutes les armes forgées pour la Garde. Élément principal de son succès ayant conduit à son anoblissement. Après tout, si on remontait le cours du temps, c'était ainsi que tout avait commencé. Sans compter sur le fait qu'aujourd'hui encore, il formait certaines recrues de la Garde aux réparations d'usage.

Si sa réponse pouvait sembler abrupte, il n'avait pas cherché à ce qu'elle le soit. Probable qu'elle le connaisse assez pour le savoir et ne pas lui en tenir rigueur. Ceci dit, allez savoir. Tout le monde à ses mauvais jours. Gageons que ce ne soit pas le cas ce jour là.

Il reporta de nouveau son verre à ses lèvres. Un peu machinalement. Le choix qu'elle lui avait conseillé n'était pas mauvais. Le goût n'était pas fort. Pas dit qu'elle contienne beaucoup d'alcool, mais allez savoir. Il savait ce genre de cocktail trompeur. Ceci dit, ce genre de réflexion ne lui effleura l'esprit qu'un court instant avant qu'il ne reporte sa pleine attention sur son interlocutrice. "Un mauvais garde, peut-être pas effectivement. Mais il y a plus discret comme espion". Reprit-il pour achever le sujet sur son apparence atypique. Pour le coup, il était curieux de voir quel argument elle pourrait avoir contre ce fait là. "Mais honnêtement, je ne suis pas assez patient pour faire régner l'ordre". Reprit-il simplement en un haussement d'épaule. Fait qui pouvait sembler étrange compte tenu du flegme dont il savait faire preuve en tout circonstance. Undril ne devait pas savoir à quel point ce flegme était une façade. Malgré toutes ces années, Nivan ne se souvenait pas d'avoir pu faire ou dire quelque chose laissant transparaitre autre chose que de la tempérance et de la modération.

Pourtant, les évènement de la veille prouvait à quel point il pouvait être inconsidéré. D'ailleurs, le rez de chaussé de sa demeure en portait encore les marques. Il n'avait pas encore pris le temps de tout ranger. Il tiqua très légèrement à cette pensée. Avant de reprendre un masque inexpressif. Il leva son verre en réponse à celui d'Undril, peu habitué à cette coutume. Il avait bu avant elle. Se souvenant de l'étiquette un peu tard. "Je vois. C'est un peu la même chose pour moi en fait. J'ai suivi les traces de mon père diront nous." Acheva t-il simplement avant de s'adosser confortablement, se détendant quelque peu à mesure que le temps passait.

Les regards curieux tournés vers eux s'étaient peu à peu. Sans doute par lassitude. Le brouhaha de la taverne se faisait un peu plus insistant à mesure que la salle se remplissait. Mais rien d'insurmontable. Nivan constata alors qu'il n'était pas si mal ici. Elle avait probablement bien fait de l'y emmener. "Tu connais le petit village sur la route au Sud de la Capitale sur la route des lacs? " Interrogea t-il simplement dans un premier temps, avant de poursuivre pour préciser sa question. "Je pensais y installer une nouvelle forge. Mais je connais mal le coin. Sait-on jamais, si tu en as eu des échos." Acheva t-il simplement.