Misuto observe la situation du haut de son perchoir, dans la charpente du laboratoire accompagné de Spacio. Les deux comparses doivent certainement trouver amusant de me regarder de là haut. Je les voit d'en-bas allongée par terre à moitié sous ma reproduction en bois du monument magique qui m'occupe depuis un temps certain. Tant bien que mal, j'essaie de reconstituer la rune 3D dans son ensemble… Surtout la part enterrée et inaccessible à mes yeux experts. C'est un long travail même avec l'aide des écrits qu'on a découvert avec Carciphona… La lecture de ce livre dédié en grande partie au culte d'un dieu imaginaire à été perturbante, les idées véhiculées me sont apparues comme dangereuses… Je me suis emparée des connaissances sur l'ancienne magie runique puis me suis débarrassée du livre en l'envoyant à l'archiviste royal. Il saura certainement ce qu'il convient d'en faire. Mais même maintenant, cette magie d'un temps inconnu reste un mystère. Réussir à recréer la rune du dôme sera un grand pas mais je ne pourrais pas pour autant me proclamer experte de ce savoir ancien. Et ce n'est pas mon but, mes recherches restent et resteront basées sur le lien qui unit la magie à la vie. Le dôme n'est qu'un outil pour atteindre un objectif. Une renommé nécessaire pour continuer mes recherches grâce à la vente d'objets magique portant la marque d'un enchanteur reconnus et célèbre.

Mais pour cela, il faut réussir à percer le mystère de ces runes constituées de monolithes de plusieurs tonnes. Avec l'aide de quelques artisans triés sur le volet, il a été possible de déterminer comment il a certainement été assemblé. Déjà une première avancée mais pas suffisante… A force de me triturer les méninges sur la paillasse de travail, me voilà à chercher l'inspiration et des réponses sous mon monument, littéralement la tête sous le sol dans la réalité. Ce qui doit bien amuser mes deux adeptes des perchoirs… La réalité revient à moi sous la forme de coups à la porte. Un son assez peu entendu pour me surprendre, habituellement les clients entrent et râlent de ne pas trouver l'enchanteresse à leur petits soins. Il me faut quelques instants pour sortir de ma tanière et épousseter la poussière de ma tunique. Il n'y a que ceux qui ne font rien qui restent immaculés. J'ouvre la porte prête à envoyer paître l'inopportun. Mais finalement non. Je reste figée face à une poupée géante au visage si caractéristique. Je ne l'ai pas oublié cette demoiselle aux traits si uniques que j'ai imaginé comme apprenti. J'ai attendu sa venue pendant quelques semaines sans la voir venir vers moi finissant par ma dire que les retrouvailles avec son père biologique ne s'était pas déroulées comme elle le souhaitait. Passé la surprise, un large sourire se dessine sur mon visage, heureuse de revoir la poupée.

Fedora ! Quel plaisir de te revoir, entre !

J'invite Fedora à entrer dans le laboratoire, l'antre de l'enchanteresse. Je tourne le panneau de la porte pour indiquer que le laboratoire n'accueille pas de client en cet instant. La porte refermée, je la guide dans le laboratoire traversant l'espace de travail à haut plafond puis les multiples paillasses. Un peu partout traîne différents travaux plus ou moins avancés. Certains portent sur mes recherches personnelles, d'autres pour des clients. Je l'invite à venir s'installer sur la mezzanine, espace plus agréable que la table habituellement réservée aux clients.

Alors, la découverte de la Ville Aquatique est à la hauteur de tes espérances ?

Cette ville est belle à sa façon. Ici, pas d'étoiles, juste des poissons réfléchissants la lumière de la ville nocturne. Le calme et la sérénité de l'océan sans ses dangers...

C’est une grande surprise que de revoir la jeune poupée de chiffons. Depuis le temps, je ne m’attendais plus à la voir, me disant que cela ne s’était peut-être pas bien passé avec Al Rakija. Chose tout à fait possible à vrai dire… La situation entre Fedora et son père n’était pas simple si on peut dire. Difficile d’accepter un enfant qui apparaît de nul part en annonçant être sa fille. Un souci qui ne risque pas de m’arriver et c’est tant mieux. La surprise laisse quand même rapidement la place à une joie non feinte. Je suis véritablement heureuse de revoir la jeune femme a qui j’ai proposé d’être mon apprentie, la première depuis mon instalation officielle… A défaut de ne pas trouver de jeune gens répondant à mes attentes, n’étais-je pas un peu jeune dans le métier pour prendre un apprenti ? Sans plus de cérémonie, je l’invite à entrer pour discuter au calme. Tout en l’interrogeant sur sa découverte de ma ville natale, je la conduit vers la mezzanine, plus confortable pour discuter. Un sourire se dessine sur mon visage à sa réponse, la ville semble lui plaire. Une bonne chose vu qu’elle va passer beaucoup de temps ici si elle devient véritablement mon apprentie. Il est même plaisant d’entendre qu’elle a eu de l’aide d’une vieille dame, les habitants de la ville peuvent parfois être un peu chauvin et peu accueillant avec les étrangers à la ville aquatique.

On dirait que mon laboratoire commence à être bien connu alors. Installe-toi comme bon te semble.

Sur la mezzanine, une large bibliothèque couvre tout un pan de mur faisant face à un cabinet d’étude vitré. J’ai fait ajouter ce détail lors de la construction pour un futur apprenti et les dégâts qui ne manqueront pas d’arriver. Je l’ai spécialement renforcé avec divers enchantements pour remplir ce rôle. Entre les deux, plusieurs fauteuils et sofa relativement confortables entourent une table-basse. Les derniers livres que j’ai utilisés y traînent encore, signe que je n’ai pas pris le temps de faire du rangement.

Je peux te proposer quelque chose ? Chocolat, thé ou autre ?

A vrai dire, je ne sais même pas si je ne commet pas un impair avec cette proposition… Son pouvoir est si particulier et mes connaissances dessus si maigres… Mais cette réflexion ne me vient qu’après coup. C’est trop tard pour penser à cela du coup. Ayant entendu parler de chocolat, Misuto se manifeste en piaillant. Depuis quelques semaines, il est en quelque sorte mon coursier vers le café tenu par la famille de Chocolatine. Un battement d’aile et la jeune hybride me fait livrer ma commande directement au laboratoire. C’est un de mes avantages de voisine et habituée de sa famille. Commande passée à l’aide d’un petit bout de papier, je m’installe dans l’un des fauteuils pour faire face à Fedora.

Alors, comment s’est passé ta rencontre avec le Capitaine Al Rakija ? J’espère qu’il a été gentil avec toi…

Pas que cela me plaise mais si nécessaire, je ferais le trajet pour m’expliquer un peu avec le Garde. En cas de doute, j’ai quand même proposé mes services pour éclairer la situation.

L’appel de Misuto avait dérangé son minuscule colocataire vivant paisiblement dans la charpente… Gluant et lent à souhait, le glooby étoilé quitte sa cachette pour chercher les causes de ce raffut. Patte après patte, il s’avance le long des poutres, fermes et autres pièces de la charpente jusqu’à pouvoir voir ce qui cause tout ce souci. Loin de vouloir se plaindre, le petit glooby est un être des plus curieux… Et il est rare que sa maîtresse ne fasse venir du monde sur la mezzanine donc rares sont les occasions de se faire voir. Généralement, les clients sont repartis depuis longtemps quand il atteint le bas du bâtiment après de longs efforts. Alors, il a appris à ne plus se bouger que pour les invités “spéciaux”. Et même comme cela, ce n’est pas tous les jours une réussite. Mais aujourd’hui, la maîtresse va envoyé Misuto en quête ! Elle va rester un moment sur la mezzanine ! Cela est donc une opportunité à saisir pour être félicité de son bon travail de nettoyage des lieux. Une mission qui lui a été donnée en échange du couvert et de petits suppléments gastronomiques réguliers. N’est pas glooby de laboratoire, le premier venu… Alors que Misuto quitte le laboratoire par son passage spécialement créé, le petit glooby n’est encore que dans la charpente. Bien trop loin pour réclamer un peu d’aide… C’est encore un long chemin qui attend le petit monstre jusqu’à la poutre qui le guidera sur la mezzanine. Je me mords la joue lorsque je ressent une forme de peine dans la voix de la poupée alors qu'elle m'explique ses craintes. Cela n'est effectivement pas du tout simple à vivre quand on y réfléchit… Et je comprend qu'elle n'ait pas l'envie de tenter l'expérience alors qu'elle n'a pas besoin de se nourrir régulièrement.

Mes excuses Fedora… Je tâcherai de faire plus attention pour ne pas te faire de la peine.

Et je vais plancher sur ce sujet… Cela promet de ne pas être aisé car il s'agira de modifier le lien profond qui unit la jeune femme à la magie. Un enchantement capable de lui rendre son corps d'humains de chair et de sang. Un corps capable de ressentir tout ce qui semble lui manquer. Ce n'est pas une demande qu'elle m'a formulée mais je ne me vois pas la laisser souffrir ainsi… sa voix trahit toute la peine qu'elle ressent. Ce n'est pas un enchantement qu'elle pourra exécuter avant de nombreuses années, peut-être même longtemps après la fin de son apprentissage… Avec du temps, j'y arriverai. Et d'ici à ce qu'elle puisse voler de ses propres ailes, j'aurai largement assez de temps. Peut-être que j'en ferai un cadeau pour fêter la fin de son apprentissage… En attendant, Misuto attend patiemment sa mission sur le bord d'un des sofa. Curieuse, j'observe Fedora qui semble attirer par le Ribec. Il n'est pas un grand fan des caresses mais il ne s'enfuit pas… Avec le temps, il a bien compris que cela pouvait lui être bénéfique. J'incline légèrement la tête vers l'avant pour autoriser la poupée à toucher Misuto lorsqu'elle semble la demander en me cherchant du regard. J'écris pendant ce temps mon petit mot pour Chocolatine afin qu'elle me fasse livrer un chocolat. J'aurais pris également des petits gâteaux en temps normal, mais je ne veux pas heurter plus Fedora par ma maladresse… Après avoir attaché le mot à la patte de Misuto, il s'envole en direction du Café. Et moi, je me pose pour interroger la jeune femme sur sa rencontre avec son père biologique. Je soupire au simple "oui" qu'elle me donne dans un premier temps… Cela me rassure. Al Rakija ne m'a pas paru être un mauvais bougre mais dans de telles circonstances comment évaluer sa réaction. Elle ne semble pas surprise qu'il soit quand même circonspect face à "sa fille" cachée. Qui ne le serait pas ? C'est quand même cocasse que sa mère n'ait jamais rien tenté pour contacter le Capitaine. Il est connu après tout, ce n'est pas très dur de le trouver.

Tant mieux s'il t'a bien accueilli, c'est normal de douter dans votre situation… Il va certainement lui falloir un peu de temps pour intégrer cette nouvelle et peut-être un peu d'aide magique. Si jamais, je peux intervenir avec mes enchantements.

Depuis notre rencontre, j'ai développé un enchantement spécialement pour leur situation. Une magie qui prend Racine dans un tabou… L'enchantement de sang est malheureusement la seule option qui s'est dessinée… Mais pas tel qu'utiliser par le passé, une variante plus moderne où le sang n'est qu'un vecteur d'informations et non la source de magie. Une simple goutte de sang suffit pour cela. Dans le cas de Fedora, l'usage de menottes anti-magie serait nécessaire mais avec le Capitaine cela ne serait qu'une formalité.

Je suis heureuse que tu puisses également venir me voir ! Du coup, tu as un logement à Grand-Port ?

Il est compliqué de vivre plus loin que Grand-port pour suivre un apprentissage ici, à la ville Aquatique… Nous n'avons pas de portail de téléportation et le seul accès sûr vers la surface, c'est la navette vers Grand-Port…

Maintenant que tu as atteint ton objectif, tu as de nouveaux projets ? C'est important de rester active, on s'empate vite et on devient paresseux le cas échéant !

Une chose que les enchanteurs se doivent de fuir justement. La paresse est le pire ennemi d'un enchanteur de talent. Elle dévore le talent et la perspicacité aussi surement que la mort fauche les anciens.

Bien, si les choses se sont bien passé avec le Capitaine, il n’y a pas de raison de s’inquiéter pour la jeune poupée à ce niveau. Il est certain pour moi qu’elle a quand même besoin d’un soutien pour traverser tout ça. Je n’ai jamais connu mes parents mais je ne doute pas que si j’en rencontrais un maintenant, j’aurais besoin du soutien de ma compagne. En plus d’avoir rencontré son père, elle a déjà acquis un logement à Grand-Port… Je ne me doutais pas qu’elle puisse avoir de tels moyens. Pas une mauvaise chose pour elle qui pourra ainsi rester indépendante de son père ou de quiconque d’autre. Je claque ma langue à la mention du fait qu’elle n’a pas encore pris le temps de mettre toutes ces affaires en ordre dans sa nouvelle maison.

Il faut prendre le temps de t’installer correctement Fedora, c’est la clef d’un bon repos !

Pleins de projets, ça je n’en doute pas ! Elle est pleine d’énergie alors, elle ne doit pas beaucoup tenir en place. Pour trouver une preuve de son lien de parenté par contre, c’est une autre histoire… Il va falloir quelque chose d’irréfutable pour que le Capitaine accepte définitivement Fedora comme sa fille. Mais avant que je ne puisse commencer à réfléchir à d’autres options que ma participation, elle amène le sujet de la proposition faite à demi-mot lors de notre rencontre. Je lui ai proposé de me rejoindre au laboratoire en tant qu’apprentie et pourquoi pas un jour comme associée. Une position que je n’avais encore jamais proposée. Les éventuels candidats n’avaient pas ce petit quelque chose qui me convaincra. La poupée, elle a cette petite flamme que j’aime ! Cette passion débordante qui permet de croquer la vie et de vouloir la comprendre. Face à la timidité de Fedora, je prends une expression des plus sérieuse. C’est un moment important après tout.

La porte du laboratoire est toujours ouverte à mes amis, Fedora. Mais je t’ai proposée de me rejoindre en tant qu’apprentie. Peut-être même plus un jour… Mais avant d’aller plus loin, je dois te mettre en garde. L’enchantement est monde à lui seul. L’apprentissage peut être complexe, effrayant parfois. Cela demande du temps et de l’énergie. Il se peut même que la magie te mette en danger, ce n’est pas rare lorsqu’on apprend…

Je ne cherche pas à l’effrayer mais je souhaite qu’elle ait conscience de la réalité qui l’attend dans ce laboratoire. Tout n’est pas rose quand on apprend la magie d’enchantement. Tout peut se transformer en danger mortel quand on ne maîtrise pas parfaitement le métier. Mon pouvoir m’a facilité les choses… Lorsque j’ai commencé mon apprentissage, j'étais prompt à réagir pour protéger ma vie. Un réflexe acquis au péril de ma propre vie pendant toute mon enfance… Fedora n’a pas cette chance, même si son pouvoir la préservera de certains maux, elle devra redoubler de prudence.

La jeune poupée a le mérite de rester plutôt calme face à mes commentaires sur les dangerosité d'un apprentissage de la magie d'enchantement. Ma volonté n'est pas spécialement de la faire fuir mais il est important que ce danger pèse dans sa décision de devenir mon apprentie ou non. Je n'attends pas une réponse immédiate bien entendue. Son entrain fait plaisir à voir et à entendre, elle semble heureuse à l'idée de me rejoindre au laboratoire.

Je n'en attend pas moins de mon apprentie Fedora… mais avant que j'accepte ta réponse, j'aimerai que tu lises quelques livres.

Me levant, je me dirige vers la seule étagère ne supportant que trois livres. Trois livres, cela peut paraître peu face aux autres étagères qui débordent mais ces livres ne sont que pour mon apprenti, comme un préambule nécessaire. Je prend les trois livres pour les déposer un par un sur ma table devant Fedora. "Historique de la création d'Objets Magiques" est le premier.

Un peu d'Histoire, c'est important. C'est très formateur de se renseigner sur les origines de notre Art.

Le second est du même acabit, c'est un écrit plus récent, une dizaine d'années. Un récit de la vie d'un enchanteur, pas n'importe lequel, mon maître… Mais cela dépeint bien la réalité de la vie d'un enchanteur-chercheur.

Celui-ci me vient directement de mon propre maître. C'est un bout de sa vie qui met bien en évidence comment un enchanteur vit. Quant au dernier…

Je pose un livre ressemblant à un simple carnet. Un carnet écrit de ma main. Ce n'est pas le fruit de mes travaux mais quelque chose de moins réjouissant. Il s'agit d'un listing exhaustif des "accidents" d'enchantement que j'ai pu rencontrer… Résultat, causes, mesures de correction etc…

Ce n'est pas pour te faire peur mais pour que tu aies un regard objectif pour l'avenir. Lis tout ça et, si tu veux toujours t'engager dans un apprentissage avec moi, on attaquera ta formation.

C'est à ce moment que l'on toque à la porte du laboratoire, sûrement pour ma commande de chocolat. J'abandonne Fedora le temps d'aller chercher mon chocolat. En revenant, je me rasseoir face à la poupée.

Ma distribution de lectures ne semble pas rebuter la jeune poupée. Le premier livre n’est qu’une petite parenthèse historique importante mais pas indispensable en soit. Mais je pense qu’avoir cette connaissance de l’histoire est important. Certaines périodes n’ont pas été très glorieuses quand on parle d’enchantements. En particulier l’époque qu’on surnomme “L’enfer de sang”, l’essor de la technique d’enchantement de sang… Nombre de personnes ont été sacrifiées pour le développement et la création d’objets magiques grâce à cette magie. Une époque révolue mais qui pourrait refaire surface si l’on n’éduque pas nos jeunes enchanteurs comme il se doit. C’est important qu’elle prenne conscience de tout le passif de notre profession. Le passé guide le présent qu’illustrent les deux autres livres. Le livre de mon maître décrivant la vie d’un enchanteur de notre temps et mon carnet décrivant les dangers auxquels s’expose un enchanteur. Ces livres, je l’espère, l’aiderons et la guideront dans sa décision de devenir ou non enchanteresse. Revenant de la porte du laboratoire où j’ai récupéré ma commande, sans oublier de payer le livreur, je me rassoie face à la poupée. Elle s’est déjà plongée dans la lecture du livre d’histoire. Je souris lorsqu’elle me demande l’autorisation de rester un peu pour lire les livres.

A ta guise, la porte du laboratoire t'est ouverte. Tu peux même prendre les livres avec toi tant que tu promets de les rapporter une fois ta lecture finie. Mais je peux aussi te montrer quelque chose d’intéressant si tu veux, cela fera écho à ta lecture en plus.

Je parle bien sûr de la reproduction du monument magique du dôme. Rien que cela illustre toute la complexité de l’Histoire de l’enchantement. Entre périodes fastes et bien documentées, on peut également y trouver des phases plus méconnues dont nos connaissances restent minimes voir même inexistantes…

Je travaille sur une rune très ancienne en ce moment, assurément plusieurs centaines d’années ! ça t’intéresse de voir ça ?

C’est important d’entretenir la flamme de la passion, surtout quand ce qu’elle va découvrir lors de ses lectures n’est guère reluisant.

Il n’y a pas à dire, la réponse de Fedora fait plaisir lorsque je lui propose de jeter un œil à mes travaux du moment. Une petite entorse involontaire à son comportement de jeune fille bien élevée de la noblesse du royaume. Ce n’est pas une chose qui me déplait, elle va devoir apprendre à sortir de sa zone de confort pour réussir dans mon métier, encore plus si elle veut faire de la recherche et non juste de la création d’objets magiques.

Très bien, viens avec moi alors.

Ce projet est normalement un secret que je devrais garder au maximum mais si elle vient apprendre à mes côtés, elle sera forcément au courant. Et si jamais cela ne se faisait pas, je ne pense pas qu’elle puisse être d’une quelconque aide pour un éventuel malfrats vu l’état d’avancement du monument. On redescend au rez-de-chaussé pour rejoindre le grand espace de travail. Le monument de la ville est bien plus grand que l’espace de mon laboratoire mais j’ai fait créer une maquette en bois la plus grande possible. Elle occupe pas mal d’espace mais quand on ne sait pas à quoi la structure sert, on ne s’en préoccupe guère. Les pylônes de bois se dressent vers le plafond invitant à l’observation des runes qui les couvrent.

Viens par ici, le sol est à ce niveau en vérité.

Sur le monument, les pylônes s’enfoncent dans le sol. J’ai essayé de reproduire cela en demandant aux artisans de surélever le plancher afin d’avoir un accès à l’espace souterrain des pylônes. Une fois que l’on est toutes les deux sur le “plancher” officiel du monument, je donne quelques explications à ma future apprentie.

Ici, nous sommes en plein milieu d’une gigantesque rune qui s’étend sur le sol et les pylônes comme tu le vois mais également sous le sol. Les pylônes sont gravés jusque dans le sol. Je ne sais pas quand elle a été créée mais une telle structure n’a jamais été reportée dans les écrits de notre époque.

Machinalement, je touche le bois suivant du doigt le tracé de la rune que j’ai reproduit à l’identique, enfin pour les parties visibles… C’est devenu un geste presque automatique pour chercher l’inspiration quand je me penche sur le sujet.

Même ces symboles magiques sont inconnus, alors c’est compliqué de recréer la partie souterraine à l’aveugle. A t-on avis, qu’est-ce que cette rune va avoir comme effet ?

Même pour une personne sans connaissance, je suis certaine qu’un tel monument est synonyme de quelque chose de grand et puissant. Exactement ce qui pourrait décrire le dôme de la Ville Aquatique....

Pauvre Fedora, je crois que nous allons avoir beaucoup de travail ensemble avant de commencer a étudier pleinement la magie d'enchantement. Ma question qui n'avait aucune connotation à évaluer la demoiselle semble la mettre dans tous ses états comme le montre le temps qu'elle prend pour soupirer. Il va falloir qu'on arrive à lui faire perdre cette croyance que tout est évaluation avant d'envisager l'apprentissage. L'instinct est important en magie et cela se travaille chaque jour par des questions poussant à la réflexion. Mais il ne faut pas craindre de se tromper pour que cela serve à quelque chose. Mais passons pour le moment, ce point ne se travaillera qu'une fois quelques automatisme acquis.

Sa réponse est intéressante. Certes empreinte d'une marge d'erreur importante traduisant ses maigres connaissances du milieu mais elle va dans le bon sens.

C'est un bon début de réponse.

Je lui fait un sourire vraiment mérité avant de lui donner quelques explications supplémentaires.

Il est vrai que la taille des runes a très longtemps été synonyme de puissance. Plus la rune était grande, plus elle pouvait contenir de sigles et donc d'informations. Ce n'est plus tellement vrai avec les méthodes développées depuis une petite centaine d'années…

Mais réduire la taille d'une rune ne se fait pas non plus sans quelques contreparties qu'elle découvrira par elle-même lors de ses travaux pratiques.

Et effectivement, on pourrait apparenter cette rune à une rune de protection. Sans celle-ci, la Ville-Aquatique serait engloutie sous l'océan. C'est une reproduction de la rune qui est à l'origine du dôme de la ville. C'est un petit bijou de magie runique.

Je passe de pylône en pylône décrivant un peu mes "découvertes" et hypothèses sur le fonctionnement de la rune.

Cette partie permet vraisemblablement de réguler l'air sous le dôme. Celle-ci crée des cycles jour-nuit…

Tout cela réuni en une seule structure magique à la puissance démesurée. Il aurait peut-être été plus judicieux de créer plusieurs monuments par sécurité. En créant plusieurs dômes de taille inférieure, on réduit le risque de catastrophe… Une interrogation à laquelle je n'ai pas de réponse.

Il est fort probable qu'il existe d'autres runes de ce type à travers le royaume. Elles sont bien cachées et souvent inaccessibles au public, le palais royal en cache certainement une selon mes hypothèses. C'est un sujet qui pourrait être intéressant mais pas pour moi, j'ai bien assez de travail avec mes recherches sur le lien entre la magie et la vie.

Le palais, peut-être l'île de labyrinthia, ce sont les lieux qui me semble les plus propices pour trouver ces créations antiques.

Est-ce que je lui ai déjà parlé de mes travaux de recherches magiques ? Peut-être pas vu sa réaction à l’évocation de mon sujet de recherche. Ce n’était peut-être pas la meilleure méthode pour parler de ce genre de choses avec elle. Après tout, son état de poupée doit donner une résonance particulière à mes recherches. Quelque chose semble la chiffonner, sans mauvais jeux de mots mais elle ne semble pas réussir à verbaliser. Depuis notre rencontre, j’ai bien compris que son apparence la complexe de bien des façons…

Te rendonner un visage de jeune femme comme les autres ?

Rassurante, je pose mes mains sur ses frêles épaules. Elle reste une jeune femme dérrière ses traits de poupée, il n’y a pas à en douter. Le problème, ce n’est pas elle mais les gens qui ne savent pas apprécier les gens dans leur ensemble.

Je le pense… Ce sera beaucoup de travail mais cela me semble possible. J’ai bien réussi à permettre à une amie hybride de découvrir son corps de jeune femme tel qu’il le serait sans sa magie.

Un travail qui n’est pas simple mais faisable. Il faut juste prendre la situation par le bon bout et se lancer. Mais pour le moment, je renvoie la conversation vers le monument. Ce n’est pas une chose qu’elle est prête à faire. Après tout, une telle création serait tout à fait envisageable pour vérifier si elle est prête ou non à prendre son envol en tant qu’enchanteresse et non plus apprentie…

Pas de doute possible, ma jeune apprentie n’attendait qu’une confirmation qu’elle aurait l’occasion de redevenir “humaine”... Je suis contente de pouvoir lui rendre cet espoir même si ce retour au corps humain ne pourra pas être permanent. Il faudrait peut-être que je l’en informe mais elle découvrira tout ça lors de son apprentissage. Cela sera moins douloureux que si je lui assène cela comme ça sans qu’elle possède les bases nécessaires pour une bonne compréhension. Préférant ne pas doucher ses espoirs, je ramène la discussion sur le monument qui nous entoure.

Comme tout passonné, je perd la notion du temps à force de parler de mes travaux. Il faut comprendre que c’est tellement passionnant d’étudier la magie. Même si le dôme n’est pas mon sujet de prédilection, il représente un défi qu’une passionnée comme moi ne peut pas ignorer ou même ne pas me prendre au jeu de la recherche. C’est ainsi que je fonctionne, au défi. Le jour où mon métier ne sera plus un défi, il sera temps de rendre mon tablier et de commencer une nouvelle vie. Lorsque Fedora quitte le laboratoire, l’heure est déjà largement avancée. La poupée s'inquiète de m’avoir pris trop de temps ce qui me tire un sourire, tout comme son inquiétude de ne plus être la bienvenue dans le laboratoire.

C’était un plaisir de t’avoir au laboratoire Fedora, cela fait du bien de se changer les idées en discutant avec quelqu’un. Ma porte t’es ouverte, tu peux venir quand tu veux. De toute façon, il faudra bien que tu reviennes si tu veux apprendre la magie de l’enchantement.

Je fais unclin d’oeil taquin à la jeune femme. Est-ce que je devrais la prévenir que c’est la magie qui risque de l’enchanter plutôt que l’inverse ? Non… Ce ne serait pas amusant pour elle.

Rentres vite avant de rater la dernière navette. J'attends ton retour avec impatience.

J’ai hâte de savoir si les lectures ne l’auront pas effrayée… Je ne pense pas mais rien n’est impossible dans notre monde. Une fois Fedora partie, je demande à Misuto de la suivre, juste au cas où. L’activité criminelle n’est pas très élevée par ici mais cela ne coûte rien d’être un peu prudente.