La meute de la seconde chance.
Je t’en foutrais de secondes chances. Seconde chance de mon cul sur la table ? Le pire c’est que le gamin est tout fier de lui, sa queue frétille de joie depuis qu’on a installé sa pancarte et il est bien plus motivé que d’habitude à faire toute les taches possibles. Déjà qu’il était bien motivé de base, là c’est encore pire. Cela fait un moment qu’il n’a pas eu la possibilité de voir pas mal de monde en même temps. Ce n’est pas comme si je lui interdisais de prendre des vacances, que ça soit pour lui ou pour le vieux, mais les deux semblent ne pas vouloir faire de pause.
— Les pommes de terre sont bientôt prêtes ?
— Comme ce que j’ai dit il y a dix minutes, non. Je ne suis pas cuisinier de base, si tu voulais que ça soit rapide il fallait demander à Walnuts de le faire.
— Mais il fait des friandises pour les animaux.
— Je sais, je n’ai pas dit qu’il ne faisait rien, Xarope prépare des boissons fraîches pour les gens si tu n’as rien à faire.
Sans un mot de plus le gamin repart et moi je continue de couper les pommes de terre pour la montagne de cornet de frite qu’on a prévu de distribuer. C’est simple, pas dangereux pour les familiers si jamais un malin souhaite leur donner cela au lieu des friandises prévues pour eux et en plus cela donne de superbes scènes de léchage de doigts.
— Vous puez la frustration.
— Toujours un plaisir Walnuts, toujours.
— De rien. Le petit m’a dit que vous aviez du mal avec les pommes de terre, mais ça semble bien.
— Il veut surtout un bout plus qu’autre chose.
— Surement, sinon je venais pour prévenir qu’il semble commencer à avoir des gens qui viennent.
— Tant mieux, je te laisse continuer, je vais voir.
— Bien.
L’hybride loup prend ma place et je sors pour tenter de voir qui viendra pour cette journée porte ouverte au refuge ? On commence à avoir un peu de monde mine de rien et leur trouver de nouvelle famille serait un plus pour tout le monde. Même pour les chiots pour le coup. Même si les gens ne prennent pas forcément un des animaux et familiers se trouvant au refuge cela fera de la pub pour plus tard. Avec des tracts envoyés à pas mal d’endroits du pays ça ne sera pas un mal. C’est quand même fou le nombre de personnes avec des œufs de glooby, qui les font éclore et qui ne finissent pas les abandonner pour des raisons X ou Y. Comme bien trop de familiers en fait. Bref, du monde arrive, la procédure c’est proposer un cornet de frites, un sachet de friandises pour familier pour sympathiser avec et une boisson fraîche. Tout devrait bien se passer. Peut-être que je pourrais même draguer en bonus. Avec un refuge à une petite heure a cheval de Manillam et proche de la forêt en prime, on devrais pas avoir trop de mal à nous trouver. Enfin, je crois.
Plusieurs tracts étaient arrivés au village perché. Je pouvais croiser, au cours de mes courses, plusieurs personnes avec le papier dans leurs mains. Mais qu'est-ce donc ? J'arrive, non sans difficulté, à en récupérer un.
Monsieur Fauve fait une journée portes ouvertes de son refuge ? Voilà qui était vraiment intéressant ! Je me dépêche de rentrer chez moi pour prévenir maman de mon absence, je prends les trois renardeaux et file en direction de son refuge.
J'arrive finalement à destination quand l'activité est à son plus haut. J'ai du mal à me frayer un chemin, et mes familiers me suivent à la trace, non sans qu'Ota ai quelques difficultés à faire avancer Hareka en ligne droite.
Il est vrai qu'il y a beaucoup de perturbation. Entre cris, rire, stands de nourriture en tout genre et familiers qui se baladent, je ne sais pas où donner de la tête. Je paye tout de même quelques cristaux pour m'acheter deux cornets de frite. Je vous vois venir, hein ! Les deux ne sont pas pour moi.
J'arrive à trouver une zone sans trop de monde, et m'assoie à même l'herbe.
- Tenez, c'est pour vous. Mais ne mangez pas tout d'un coup, vous n'en aurez qu'un seul !
- Merci maman ! me répond gentiment Ota
- Maman maman maman, je veux aller jouer ! s'écrit un Hareka complètement excité.
- Pourrais-je rester ici pour dormir ? L'herbe est à la bonne température... essaye d'articuler Mohira entre deux bâillements.
- Peut-être un peu plus tard. J'aimerai faire le tour, et je vous libère après.
Oui, nous sommes peut-être là depuis bien une demi-heure, mais je n'ai pas vu tout ce que je voulais voir. Il est vrai que je ne pensais pas que cela puisse être aussi grand. Et j'aimerai aussi trouver monsieur Fauve. Une visite avec lui ne pourrait qu'être enrichissante !
Et alors que je continue à manger mes frites en regardant dans tous les sens, quelqu'un me rentre dedans. Heureusement que je me trouve déjà à terre, sinon j'aurai pu de nouveau dire adieu à ma robe.
En levant les yeux, je ne peux réprimer un petit sourire.
- Monsieur Fauve ! Je suis heureuse de tomber sur vous ! Je...baisser les yeux, s'il vous plait, je suis assise par terre...
— On n’avait pas convenu que le vouvoiement était de trop et le monsieur aussi ? Je suis presque blessé par autant de froideur de ta part mon petit colibri. Enfin, je survivrai, c’est un plaisir de te voir Chrystielle, bonjour et bienvenu dans le baisodrome.
— LE REFUGE DE LA SECONDE CHANCE !!!!
Visiblement les oreilles de Xarope. Je ricane fortement à son intervention que je sentais arriver gros comme une maison et reprends avec un sourire encore plus grand aux lèvres.
— Visiblement mon idée de nom ne plaît toujours pas, donc bienvenue à la meute de la seconde chance. Je vois que tu as déjà été servi de frite, j’espère que tu aimes, parce qu’on en a fait pour le régiment complet des Belluaires je crois… et ils ont de gros mangeurs là-bas.
C’est faux, on n’en a pas fait autant. Personne ne ferait autant de fritte bénévolement. Jamais. C’était un coup à y prendre toute la fortune des Milan sur trois générations. Parce que si des gens commencent par ce genre de chose, qu’est-ce qu’ils font ensuite. La bonne question.
— L’herbe est à ton gout ou est-ce que tu ne voudrais pas un peu visiter ? Parce que quitte à être dans l’herbe, l’enclos des chiots en a aussi et est un peu plus convivial le, même s’il faut faire attention aux crottes tout de même.
Il faut être honnête tout de même. Ce genre de lieu à des crottes d’animaux qui sont là régulièrement, même avec un nettoyage régulier, c’est la nature. Dans tous les cas, je tends ma main à la demoiselle pour l’inciter à me suivre. Les lieux sont un peu grands, mais une promenade de santé ne lui fera pas de mal. Tenter de la déniaiser dans un coin aussi.
— Oh ! Mademoiselle aux mains douce qui sent les saisons !
— Soly, semble vouloir te joindre à nous…
Pas que je sois contre que ma chienne soit là, mais une partie de ma drague va sauter comme elle semble ne pas vouloir que Chrystielle est une porté hors mariage. Comme si les chiens avaient besoin de mariage de base.
Le pouvoir de monsieur Fauve est vraiment quelque chose d'étrange. Je n'ose pas lui demander de quoi il s'agit, mais on dirait qu'il voit les humains d'une façon différente. Je suis donc un colibri ! Heureusement, je n'avais pas envie d'être quelque chose de méchant...
Avant que je ne puisse ouvrir la bouche, mes trois renardeaux arrivent et commencent à parler tous en même temps. Hareka demande si le monsieur veut jouer, Ota propose de se présenter et Mohira...fait son Mohira.
- Mons...Fauve, voici mes trois renardeaux : Ota, Hareka et Mohira.
C'est au tour de Soly d'arriver, et je ne peux m'empêcher de sourire en l'entendant.
- Bonjour Soly ! Je suis contente de te revoir !
Je tend ma main pour voir si elle accepte que je la caresse, et essaye de commencer à parler avec monsieur Fauve.
- Une visite serait le plus intéressant, oui ! Je n'ai pas eu le temps de tout voir, et...et être invisible pour les autres rend les déplacements beaucoup plus dangereux...
— Contente aussi ! Tout plein ! Nouveau copain aussi ! Toi venir voir chiot ? Plein plein chiot ! Et gentil copain qui veulent meute. Toi aussi meute ! Toi aussi vouloir nouveau avec toi ?
— Soly, du calme. Elle est venue visiter, pas forcément adopter.
— Oh…
— Mais je suis certaine qu’elle sera d’accord pour voir les endroits que tu aimes.
— Oh ! Oui ! Oui ! Viens !
Elle sautilla à nouveau pleine d’énergie et je ricane à cette vue. Tout du long j’ai tenté de ne pas perdre de vue Chrystielle pour qu’elle ne disparaisse pas de mon champ de vision.
— Tu as la chance pour une fois d’avoir une guide des plus enthousiastes. Elle reste ravie de ce que tu as pu faire pour les puces la dernière fois. Est-ce qu’il y a un lieu que tu veux voir en premier ?
— Chiot ! Chiot ! Chiot et copain !
— Même si Soly a l’air assez partant pour commencer par l’enclos des chiots et de là où on a nos pensionnaires du moment.
Elle est déjà en train plus ou moins de pousser les trois renardeaux vers cette direction-là. Cela me fait rire et je prends doucement la main de la vétérinaire.
— Voilà, comme cela tu n’auras rien à craindre si je te tiens la main. Je m’assure de te sécurité ma petite pomme en sucre. Qu’on aille te croquer à l’abri.
Et sur ces mots je l’entraine en douceur vers la grange où des chiots sautillent dans tous les sens alors que des gens semblent tenter de voir qui semblerait le plus adapté à intégrer leur famille suivant les affinités.
Mes trois renardeaux se font guider par Soly, et cela me fait du bien de ne plus devoir les surveiller tout le temps. Je sais qu'avec elle, ils sont entre de bonnes mains....pattes ! Je voulais dire pattes !
Je serre mes doigts autour de la main de monsieur Fauve. Cela sera bien plus simple. Je me place tout de même un peu derrière lui, pour être sûr de ne plus me faire rentrer dedans par inadvertance.
- Les pommes en sucre sont beaucoup trop grosse en énergie ! Par contre, les frites étaient délicieuses.
Si j'ai le temps d'en aller acheter d'autres, je ne dirais pas non !
Nous traversons plus facilement la foule que quand j'étais seule, et en l'espace de quelques minutes, nous arrivons devant un enclos, où la foule se fait plus compacte. De ma position, j'entends des petits jappements, signe que nous sommes arrivés à l'enclos des chiots.
- Hareka ! Ota ! Mohira !
J'ai perdu de vue mes renardeaux, à croire qu'eux aussi peuvent se rendre invisible quand ils le veulent. Monsieur Fauve me rassure, et j'essaye de sourire doucement.
- Oui, je suis sûre qu'ils ne leur arrivera rien. Allons donc voir ces petits chiots !
Nous arrivons à nous faufiler jusqu'à la barrière, où j'ai le plaisir de voir les animaux. Une vingtaine de chiots se bousculent pour pouvoir avoir la chance de toucher une des mains tendues par les visiteurs. Leur cris fait chaos, mais ça prouve qu'ils sont content de nous voir. J'essaye également de tendre ma dextre, mais la barrière est trop haute, et même en me mettant sur la pointe des pieds, je n'y arrive pas.
Je saute donc un peu pour pouvoir faire passer ma poitrine au dessus de la dernière latte, et me sert du reste de mon corps comme pivot. Je tend mon bras droit, et fait battre mes jambes tendues pour pouvoir garder l'équilibre. J'arrive finalement à en toucher un. Il me lèche délicatement un doigt avant de se faire pousser par un autre, qui lui même doit laisser sa place à une vague de chiot.
- Haha, ça chatouille !
— On a fait des frites parce que c’est simple et pas cher à la base. On est supposé faire venir du monde pour aider mes locataires du moment, pas faire un trou dans le budget. Aventurier et garde de la corde c’est pas forcément ce qui rapporte le mieux.
Ce n’est même pas une excuse parmi tant d’autres. Toutes mes économies finissent ici à un moment ou un autre. Est-ce que je cherche à montrer que je peux m’élever tout seul ? On s’en fiche pour le moment.
— Bref, content que tu apprécies, ça fera plaisir au gamin. Enfin, le monde lui fait déjà plaisir de base.
Les jappements des chiots enthousiastes de l’attention du jour me font plaisir. J’avoue que j’avais une certaine crainte à la base que cela puisse les traumatisés de voir autant de monde d’un coup, mais tout a été fait pour que cela se passe bien. Voir les renards de saison, aidés par Soly, aller dans l’enclos pour jouer avec les petits est amusant à voir. Les réactions de Chrystielle aussi. Je siffle et tous les chiots tendent l’oreille avant de reprendre leur activité bien sagement. Normal qu’avec autant de distraction ils n’obéissent pas aussi docilement à un signal, encore plus à leur âge, mais j’aurais aimé montrer un peu leur discipline tout de même. Ça sera pour une autre fois.
— Au moins cela ne gratte pas. C’est un peu grâce à toi qu’on a pu organiser cela sans avoir une invasion de puces sur tout le monde.
— Fauve ! Il y a un souci avec la dracoloutre.
Je tourne la tête vers Xarope qui vient d’arriver paniqué, l’hybride neptuchien a une grande tendance à dramatiser quand il s’agit des pensionnaires du refuge.
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Elle a disparu !
— Ah… encore ?
Il hoche la tête avec énergie et semble chercher des yeux quoi faire dans cette situation, alors que cela doit faire au moins quinze fois en une semaine que ce pensionnaire fait cela pour se cacher dans des coins insolites avec de la nourriture. Je soupire et me tourne vers la vétérinaire.
— Désolé, je dois la retrouver, elle a tendance à se coincer quand elle se cache et se blesser ensuite en cherchant à sortir… Je suppose que l'affût de monde à ne pas aider au fait qu’elle veuille prendre la poudre d’escampette, mais profite des chiots, ils ont l’air de bien t’apprécier.
Ils ont l’air d’apprécier le monde entier en même temps. Si elle souhaite s’amuser, cela peut être une bonne chose pour elle.
Je tourne la tête pour répondre à monsieur Fauve, tout en continuant à me faire chatouiller la main par la multitude de chiots.
- Ah mince ! Est-ce que vous avez besoin d'aide ?
Je ne suis pas une experte en recherche d'animaux disparus, mais j'ai quelques notions, notamment avec des pensionnaires qui n'aiment pas la présence humaine, ou qui préfèrent rester seul pendant de long jour.
- Cela ne me dérange vraiment pas.
Je lui souris de toutes mes dents pour pouvoir appuyer mes paroles. Vraiment, cela ne me gêne pas le moins du monde. J'aime rendre service aux autres, et surtout quand il s'agit d'animaux !
Je récupère rapidement mes trois renardeaux, et je me baisse pour leur parler.
- Je vais devoir vous laisser tous seuls pendant quelque temps, d'accord ? En attendant, vous resterez dans l'enclot des chiots.
- On est punis ?
- Bien sûr que non ! Je veux juste être sûr que rien de méchant ne vous arrivera.
- Je peux dormir ?
- Où tu veux, Mohira. Et toi Hareka, tu vas avoir plein de copains pour t'amuser !
- Et moi, maman ?
Je caresse gentiment la tête d'Ota. Sa robe est douce au toucher, notamment grâce au nouvel produit que j'utilise pour leur bain. Je le fais maison, maintenant, et ça change énormément ! Cela permet d'être sûr de ce qu'il y a dedans, et de gérer les différents produits, en cas de réactions différentes sur les animaux.
- Tu vas pouvoir faire ce que tu veux, Ota. Je te fais entièrement confiance. Et si tes frères font des bêtises...
- Je les mords !
Je rigole à sa remarque, mais ne la contredit pas non plus. Je leur fais un dernier signe de la main avant de rejoindre monsieur Fauve.
- On y va ?
— Je prends l’aide avec plaisir.
Puis, aussi, on ne va pas se le cacher, si elle arrive aussi à voir ce qui pourrait faire que cette dracoloutre se porte mieux, cela ne sera pas de refus. Je doute assez régulièrement avec elle de comment agir. Parfois tout va bien, elle vient même par elle-même à la recherche de contact physique ou d’attention, puis, d’un coup, sans crier garde attaque et fuis pour se cacher. Comme si on l’avait agressé sans raison, alors qu’aucun mouvement brusque n’a été fait. Il n’y a quand les animaux eux-mêmes blessés et les tout petit qu’elle n’a jamais cette attitude agressive qui sort d’un coup.
— Il faudra juste faire pas mal attention, elle a sûrement été victime d’abus et a du mal avec les gens de manière… hum… aléatoire ? Je n’ai pas vraiment d’autre terme. Normalement elle aurait dû être isolée vers le bâtiment qui gère les bains et toilettes des familiers pour son propre bien, mais…
— J’ai mal vérifié la fermeture de la porte…
— C’est pas grave Xarope, pour le moment personne de hurle à cause de la perte d’un membre et elle doit avoir plus peur qu’autre chose.
— Ce n’est pas top d’avoir peur.
— C’est vrai, mais c’est moins top d’être blessé ou de blesser les autres.
— Vrai…
Je lui ébouriffe un peu les cheveux entre ses oreilles hybrides et il semble reprendre un peu du poil de la bête, sans mauvais jeux de mots. C’est un brave gamin qui s’implique parfois un peu trop et prend tout terriblement à cœur. Je me tourne vers Chrystielle, et m’amuse un peu à la voir parler avec ses renards de saison, une vraie petite maman.
— Xarope va continuer à s’occuper des invités pendant qu’on cherche notre princesse perdue.
— Mais je veux aider.
— Tu aideras en permettant que cela ne soit pas la panique.
— On ne sait même pas si c’est une femelle en plus.
— On va chercher notre fugitif si tu préfères.
— Pas vraiment.
— Sale gosse.
Il rit un peu et s’éloigne alors que Soly suit tout l’échange en me regardant, attendant visiblement le signal pour commencer à traquer ou aller chercher ceux pour la prochaine traque.
— Vas-y ma belle, montre-nous la direction.
Elle bombe le poitrail et nous fait nous éloigner un peu des lieux, pour aller vers un point d’eau un peu loin, une rivière avec une petite cascade, enfin, une petite chute d’eau. Pas mal de poissons sauvage grouille dans cet endroit et c’est un parfait endroit de chasse et là, en plein milieu, un dracoloutre avec des poissons dans chaque patte.
— Ah bah, voilà !
Je ne connais pas les lieux, je laisse donc monsieur Fauve ouvrir la marche. En plus, ça m'évite de devoir me faufiler dans la foule des visiteurs de son centre ! Pour ne pas me perdre et profiter de son passage dans le bain public, je m'agrippe à sa veste de ma dextre, et essaye du mieux que je peux à ne pas lui marcher sur les pieds. Le trajet ne fut pas si long que ça, une dizaine de minutes, je dirais. Nous nous trouvons encore assez proche des festivités, le brouhaha arrivant sans problèmes jusqu'à mes oreilles. Le lieu dans lequel monsieur Fauve m'a amené pour retrouver le dracoloutre est magnifique : un point d'eau avec une très jolie chute. On dirait une peinture, tellement les reflets du soleil sur la surface miroitante de la rivière sont splendides.
Quand monsieur Fauve s'exprime brièvement pour dire que la recherche sera plus facile que prévus, je me penche sur la gauche pour voir à mon tour : l'animal est là, tranquillement en train de manger les poissons qu'il a vient sans nul doute d'attraper. Ses écailles partiellement mouillées reflètent aussi joliment que l'eau les rayons du soleil. Son petit nez hume délicatement les environs, signe que notre présence n'est pas si discrète que cela. A plusieurs dizaines de mètres d'elle, cependant, je ne pense pas qu'elle s'enfuit. Nous ne sommes pas encore menaçants, aucun de nous deux ne bouge plus que de raison, et la rivière nous sépare. L'animal reprend donc paisiblement sa dégustation de poisson frais, non sans nous garder à l'oeil.
- Avez-vous un plan pour l'approcher et l'attraper, monsieur Fauve ?
Personnellement, pour attraper des animaux récalcitrants, j'utilise mon pouvoir. Hé ! Pour une fois qu'il peut me servir à autre chose qu'à faire peur ! Je sais que maintenant, et depuis quelques lunes maintenant, je peux faire disparaître une autre personne. Je l'ai fait plusieurs fois avec Ota, pour qu'elle s'amuse à faire peur à ses frères. Mais est-ce que cela fonctionne avec un humain ? C'est plus grand, plus lourd, et beaucoup moins agile et discret qu'un renard de saison... Mais si monsieur Fauve n'a pas de plan spécifique, je pourrais lui proposer le miens.
Qui est plutôt simple, soit dit en passant : Il me suffit de rester sur ce côté-là de la rive et d'activer mon pouvoir sur lui, pour qu'il puisse tranquillement approcher le (ou la) dracoloutre en toute sécurité, sans avoir le moindre doute sur une possible fuite de sa part. La distance qui nous séparer d'elle me paraît assez faible pour que je puisse tout recouvrir de mon invisibilité. En plus de ça, je vais pouvoir faire disparaître ses bruits de pas et de respiration ! Quoi de mieux pour attraper quelque chose ou quelqu'un qui ne le veut pas ? Mais...heu...ne vous inquiétez pas, hein ! Je...je ne ferais jamais ça pour mon propre intérêt personnel ! Beaucoup de créatures sont blessés et en danger, mais leur instinct primaire leur cris que les humains sont mauvais pour eux, et feront donc tout pour ne pas se laisser approcher, même quand on ne leur veut que du bien. Combien de fois j'ai dû utiliser ce stratagème pour attraper un animal blessé ? Beaucoup trop souvent...
A l'ordre de monsieur Fauve, et s'il veut bien de mon plan, je le recouvrirai de mon pouvoir. Il aura alors quelques minutes pour traverser la rivière et pour attraper le dracoloutre. Heureusement pour lui, je me promène toujours avec un minimum d'outil de soin, puisqu'on ne sait jamais ce que le futur nous réserve. Je sors donc ma couverture à dodo, bien pratique dans ce cas là.
- Vous êtes prêt ?
— Alors, en fait, on va jouer avec lui. Parce que j’aime bien ton plan, joli cœur, mais cette dracoloutre a déjà peur de tout le monde en plus dans le refuge, si on lui ajoute le stress d’être capturé ainsi ça va lui prendre encore plus de temps pour nous faire à nouveau confiance.
Ce n’est absolument pas un doute dans ses capacités et son plan est bon de base, mais pour le coup là c’est la connaissance de l’animal qui prime. Parce que même si la dracoloutre est craintive, ça n’en reste pas moins un animal très joueur qui n’a jamais fui bien longtemps du refuge. Je lui donne des balles colorées que j’ai en poche et Soly remue la queue avec plaisir en les voyant.
— Jouer avec dracoloutre ! Moi forte ! Rapide !
— Oui, tu sais ce que tu as à faire.
— Oui !
Tout en joie, Soly sort de sa cachette toute joyeuse, on dirait presque un chiot qui fait sa première sortie en la voyant agir de la sorte. La dracoloutre se tend en la voyant, grogne un peu avant de se montrer intriguée par l’attitude de Soly, comme à chaque fois qu’on commence ce jeu.
— Observe de comment je fais et n'hésite pas à en faire de même pendant que tu avances doucement vers elle. Là, tu pourras utiliser ta couverture à dodo en toute tranquillité.
Je sors moi-même de ma cachette et la dracoloutre le regarde intrigué, mais semble sur le point de fuir à tout faux mouvement de ma part. Je sors une balle rouge et la montre clairement et l’animal réagit immédiatement en battant sa queue sur le sol d’intérêt alors que Soly sautille d’intérêt. Quand je la lance, les deux foncent vers la balle et c’est la dracoloutre qui est plus rapide et qui pétille d’avoir son butin qu’elle place au bord du cours d’eau avant de battre à nouveau la queue au sol attendant la suite. C’est exactement pour faire revivre ce genre de choses à des familiers que je fais cela.
Au bout de cinq minutes, je me place aux côtés de monsieur Fauve.
- Vous avez vraiment un don magnifique pour apaiser les créatures...
Je regarde la balle, toujours dans ma main. La lancer ne rimerait à rien, je la garderai comme souvenir, ou même, je pourrais jouer avec mes renards une fois rentrer à la maison. D'un mouvement d'oeil, l'homme me fait signe qu'il était temps de passer à la suite du plan. C'est-à-dire qu'il allait falloir que j'avance doucement sans me faire repérer par la créature à attraper, et que j'allais devoir poser la couverture à dodo sur son corps. Généralement, simplement la poser ne suffit guère. Il allait falloir que je l'emprisonne à l'intérieur, tel cette délicieuse nourriture que j'ai découvert quand je suis allée à la capitale.
Mes pas se veulent silencieux et aérien, mais la discrétion n'est clairement pas une de mes qualités. J'essaye, cependant, d'éviter tous accidents diplomatiques, notamment en positionnant mes pieds très loin des bouts de bois qui traîne aux abords du fleuve, ou même loin des quelques flaques. A une cinquantaine de mètre, cependant, la dracoloutre laisse son museau pour humer les environs. Ma présence va être rapidement découverte, mais monsieur Fauve arrive à récupérer son attention à jetant une nouvelle balle dans sa direction. Le plan se déroule tellement sans accro, que je suis la première surprise ! Mais la couverture ne tarde pas à venir au contact de la peau sèche de l'animal.
Il essaye rapidement de se débattre et de fuir, mais je résiste du mieux que je peux. Ma force cependant ne va pas suffire très longtemps, et l'aide de mon ami est plus qu'obligatoire. Je lui lance des sos avec les yeux, n'arrivant pas à articuler un moindre mot. J'ai l'impression d'être sur un cheval ! Je résiste encore quelque secondes, le temps que monsieur Fauve arrive et enroule ses bras autour du familier.
Il lui faut une bonne minute pour qu'elle soit parfaitement endormie. Je n'entend toujours aucune parole de sa part, mais la voix de Soly résonne : elle est triste, parce que sa copine de jeu ne va plus pouvoir continuer.
- Tu pourras jouer avec Ota, Hareka et Mohira quand nous rentrerons. Je suis sûr qu'ils seront très contents d'avoir une nouvelle amie !
Sur le chemin du retour, c'est monsieur Fauve qui porte la dracoloutre, pour plus de sécurité pour elle comme pour moi. Quelques soins vont être à prévoir, notamment pour s'assurer qu'elle n'a aucune blessure.
— C’est un don bien solitaire que tu as toi. Lucy ne donne pas souvent les dons qu’il faut aux bonnes personnes, si on avait pu échanger nos pouvoirs je suis certain que tu t’en sortirais mieux que moi avec les animaux.
Parce que bien entendu, ses paroles je ne l’ai compris qu'au niveau du pouvoir et rien d’autre. J’ai bien trop l’impression d’être une imposture sur pieds pour croire avoir vraiment un don pour gérer les animaux. Encore plus quand cela est dit par une personne ayant les connaissances pour bien s’en occuper. Le familier endormi contre moi, je commence à aller vers l’enclos où cette fripouille est supposée me reposer et rester sagement.
— C’est impressionnant que tu puisses autant tous les comprendre et en même temps devenir invisible. Lequel est un objet de pouvoir ? Oui, amour, ne t’inquiète pas, tu as pas mal d’amis pour jouer autre que fripouille.
— Devenir familier lui aussi ?
— Pas le mien en tout cas.
— Xarope ?
— Très possible.
— Bon choix, bonne personne.
— Parce que je suis une mauvaise personne.
— Oui. Mais aime bien quand même.
— Tu es si agréable Soly, parfois j’oublie que tu es à moi.
— Moi meilleure !
Je rigole un peu à cela et continue ma route en faisant attention de ne pas perdre de vue Chrystielle et l’oublier en cours de route.
— C’est un familier sauvage que mon apprenti à sauver d’un piège à ours il y a plusieurs lunes et il a tendance à faire son intéressant comme aujourd’hui pour attirer son attention. Je pense qu’un lien de familier est en création entre eux, mais qu’il faut leur temps pour trouver leur marque et s’adapter l’un à l'autre vraiment. Parce que plusieurs fois on a voulu la relâcher, mais elle finit toujours dans une situation à devoir être sauvée et étrangement toujours quand Xarope est dans le coin. Le pauvre panique du coup pour un rien et c’est un putain de cercle vicieux entre eux deux.
On dirait une parade nuptiale qui dure beaucoup trop longtemps. En même temps ça dure beaucoup trop longtemps de base.
— Est-ce que ça te dérangerait de lui faire un bilan de santé quand tu auras le temps ? Même si elle m’agace par ses actions, c'est une bonne fille. Et oui, je suis certain que c’est une femelle parce que Walnuts a vérifié, ce gars était trappeur chez les aventuriers et son truc c’était d’attraper des créatures bien spécifiques suivant la race, l’âge et le sexe. Il a un œil et un odorat assez bon pour cela.
Il aurait pu continuer à bien gagner sa vie ainsi s’il n’avait pas eu l’âge qui l’avait rattrapé et ainsi les courbatures, douleurs musculaires et fatigue arrivant plus rapidement qui ne l'avait pas rattrapé. Ça et des blessures propres à trop de quête qui font que la vie est bien pauvre pour des aventuriers sans famille en fin de carrière. Tout en pensant cela, je pousse la porte du baraquement ou quelques-uns de mes locataires du moment se reposent tranquilles plus au calme par rapport à ce qui se passe dehors.