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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    L'intari-sable Souffleuse de verre
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
    Informations
    L'intari-sable Souffleuse de verre
    Dim 2 Mai 2021 - 11:58 #
    L'intari-sable Souffleuse de verre
    - RP métier + RP d'acquisition de familier -
    [PV @Ivara Streÿk]

    Amusée, Luz observait la course d’un écureuil à travers le parc de verdure reconstitué derrière la demeure des Weiss. La ramure dense des arbres laissait deviner un éclat de fourrure roux par intermittence, presque un mini éclair projeté entre deux touches vertes avec la vélocité d’une balle. L’animal était adroit. Il bondissait sans faillir, accomplissait ici une pirouette pour esquiver le repli dérangeant d’une branche, là se tapissait dans les ombres pour esquiver ses prédateurs. Il n’ignorait sans doute pas que loin au-dessus de lui, un épervier décrivait des cercles attentifs depuis le matin même à la probable recherche de ses semblables. Le parc était une véritable réussite animalière ! Un écrin d’écorce et de feuilles diaprées dans lequel étaient également venus se lover une famille de moineaux et de pies. Luz pouvait présentement les apercevoir en pleine chamailleries, leurs pépiements aigus perçant la tranquillité de l’après-midi comme un véritable troupeau de mégères un jour de marché. De toute évidence, les moineaux avaient envoyé un représentant exiger leur dû auprès de la grande pie malingre qui s’attaquait aux graines que Luz avait judicieusement dispersées un peu plus tôt. Beaucoup plus grande qu’eux, la pie n’avait cure de l’injustice sociale qu’elle produisait…

    Luz fut interrompue dans sa contemplation par le retour de Basile. Le majordome lui rapportait une précieuse sacoche de documents et probablement la totalité de sept jours de petits plats maisons que la cuisinière n’avait pas manqué de lui mettre de force entre les bras. A 27 ans comme à 53, il restait décidément toujours impossible de passer momentanément par la maison familiale sans se retrouver aussi nourrie qu’une oie prête à l’abattage… Luz glissa cependant lesdites victuailles dans son grand sac sans fond – elle savait reconnaître les empreintes de l’amour lorsqu’elle les voyait – et remercia Basile d’un éclatant sourire. Elle n’eut ensuite qu’à siffler entre ses deux doigts pour voir Alraqs rappliquer par petits bonds excités, le pelage tout encrassé de feuilles et des restes de buisson dans lesquels il s’était joyeusement empêtré. Au moins le rarwük serait-il ainsi beaucoup plus calme pour la prochaine étape de leur programme…

    Qui n’était autre que l’atelier Streÿk. Luz avait passé des jours à compulser ses recherches pour affiner les critères de sa commande. Aménagé autant que possible dans la précipitation avec du matériel de récupération, l’hôpital nécessitait désormais un mobilier de meilleur qualité. Durable, agréable, chaleureux. Elle souhaitait offrir à ses patients la possibilité de manipuler quotidiennement une matière aussi douce qu’adaptable, et cela, sans que cela ne tranche esthétiquement avec la ligne globale de l’hôpital… Autant dire que la tâche s’avérait d’une extrême complexité et que bien peu d’artisans remplissaient l’ensemble de ses critères. Mais Luz était d’une nature obstinée et peu conciliante avec la notion d’impossibilité. Elle avait de ce fait écumé ces derniers temps bon nombre d’ateliers, poussant même l’étrangeté jusqu’à visiter des expositions d’arts. Ce n’est qu’une semaine plus tard qu’elle jetait finalement son dévolu sur la marque Streÿk : malgré son premier coup de cœur pour l’une de leurs créations, elle avait tenu à faire preuve de prudence et à étudier au préalable tous les avantages et les inconvénients des concurrents. Elle en était cependant rapidement revenue à ses premiers émois, incapable de démordre de sa trouvaille.

    Elle se tenait désormais devant l’intrigante devanture de l’atelier, Alraqs à ses côtés, approximativement paisible grâce à la longue balade à pieds qu’ils venaient d’accomplir. Oh, le temps n’était pas au beau fixe, mais la grisaille ambiante n’était pas parvenue à la décourager. Elle avait grand besoin de cet air frais pour se revigorer après cette dernière semaine passée à plisser les yeux sur de nombreux documents… C’est donc avec un budget ficelé en main et des idées plein la tête qu’elle intima à son familier de l’attendre dehors tandis qu’elle poussait la porte d’entrée de l’atelier. De ses quelques recherches, le patriarche Streÿk bénéficiait d’une réputation grandiose que sa fille n’avait pas démentie par la suite lors de la reprise de son travail. Elle ignorait toutefois tout de leur manière de travailler et espérait trouver une oreille attentive et professionnelle en ces lieux… Personne n’avait envie de faire affaire avec un artisan hautain qui ne respectait pas le bon de commande. Luz n’était pour autant pas pessimiste, car la réputation de l’atelier Streÿk ne pouvait décemment pas s’être bâtie sur du vide et des mauvais comportements.

    « Bonjour ? salua-t-elle immédiatement en pénétrant dans la grande salle. »

    Elle fut surprise par l’agencement de l’espace, l’atelier disposant même de toute évidence d’un salon de thé. A cette heure avancée de l’après-midi, les clients étaient nombreux sans être invasifs. Il faisait bon à l’intérieur, et elle se félicita de ne porter qu’un gilet léger par-dessus son chemisier blanc. Elle ne put résister du moins à l’attraction des nombreuses sculptures qui fleurissaient de part et d’autre de l’atelier, créatives prouesses qui scintillaient dans le halo de lumière argenté que laissaient filtrer les fenêtres. Un sourire d’appréciation ne manqua pas d’étirer un coin de ses lèvres, immobile dans l’entrée de la boutique pour mieux dévisager ces stupéfiantes statues.
    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
    Informations
    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mer 5 Mai 2021 - 0:09 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    Les températures s’étaient adoucies. Avec timidité, les rayons du soleil commençaient à s’infiltrer de plus en plus dans les maisonnées, de plus en plus tôt et pour rester de plus en plus longtemps. L’un d’eux vint éblouir la blonde, qui vint plaquer le côté externe de son index contre son front, s’improvisant une visière de fortune. Dans son autre main, une grande assiette de gâteaux au double chocolat avec un coulis de framboise. Elle la tenait avec adresse, amorçant un demi-tour sans casse pour retourner vers le comptoir. Ses gestes avaient été - et étaient toujours - répétés des dizaines et des dizaines de fois par jour. Pourtant, aucune lassitude dans ses traits. Elle aimait son métier, qui était une passion. Elle ne comptait plus les heures passées dans son atelier - et à L’Atelier. Toutes les nuits et sans relâche, elle répétait les mêmes gestes pour améliorer ses créations et concevoir les plus belles œuvres pour une clientèle de plus en plus fortunée. Au petit matin, elle utilisait son ingénieux monte-charge pour les disposer avec goût dans son salon de thé. Ainsi, même les clients réguliers ne pouvaient pas se lasser de la décoration et pouvaient rester béat d’admiration, comme la première fois ; car telle était la volonté de la sculptrice.

    Comment pouvait-elle sculpter toute la nuit et ne pas ressentir de fatigue le reste de la journée ? Le secret, qui en était bel et bien un, était un mercenaire qui s’était amusé à fusionner dans son esprit. Depuis, elle n’avait les commandes de son corps qu’un jour sur deux et, surtout, n’avait besoin de dormir que trois heures - le temps du changement. Une fois son propre corps en main, elle n’avait plus envie de dormir. Elle avait bien essayé, pour garder un rythme et par peur de s’endormir une fois l’astre solaire au plus haut dans le ciel mais… Force lui avait été de constater que ce n’était pas nécessaire. C’était un temps qu’elle aimait mettre à profit pour développer ses affaires, elle ne s’en plaignait plus.

    - Excusez-moi ? Je voudrais avoir un peu plus de renseignements sur cette sculpture… La jeune femme avec de longs cheveux…
    - J’arrive tout de suite, Madame.

    Définitivement, elle était bien heureuse de pouvoir valdinguer avec toute sa vigueur de table en table et de client en client pour les renseigner. Les demandes étaient toujours variées mais, aujourd’hui, personne ne lui demanda de réaliser un quelque chose en particulier.

    Sa longue jupe aux motifs floraux virevoltait dans tous les sens, au même rythme que sa longue tresse blonde de laquelle s'échappaient quelques mèches. Le clou du spectacle du jour était une étonnante sculpture qu’elle avait réalisée dans la nuit et qui représentait un kirin. Bien que personne n’en ait jamais vu, les légendes relataient sa description physique avec précision. D’aucuns disaient que c’était un cheval pourvu d’une corne sur le front et dont le pelage crachait des éclairs lorsqu’il entrait dans une colère noire. Ivara ne partageait pas cet avis, estimant que ces écrits n’étaient que de pures affabulations destinées à faire peur aux enfants pour qu’ils ne s’aventurent pas seuls en montagne.

    Toujours est-il qu’elle avait eu envie de tester ses limites en travaillant son matériau pour lui conférer plusieurs épaisseurs selon son emplacement. Ainsi, les éclairs qui s’échappaient des flancs de la créature étaient de plus en plus fins à mesure que le regard progressait vers la pointe. Elle en était plutôt satisfaite mais n’avait pas eu l’occasion de tester une autre de ses trouvailles : la teinte du verre. Depuis peu, en réalité depuis qu’une petite fille prénommée Chloé était rentrée en trombe dans son commerce, Ivara rêvait de pouvoir colorer ses créations. Pour elle, elle était à deux doigts de trouver le mélange idéal, capable de lui fournir les teintes parfaites.

    Mais l’heure n’était pas à ces réflexions. La porte d’entrée venait de s’ouvrir. Armée de son plus grand et beau sourire, la manieuse de verre s’approcha de la demoiselle, à la longue chevelure rouge, qui venait de faire son apparition. Son regard parcourut rapidement la gracieuse silhouette de la nouvelle arrivante. Pour sûr, ce n’était pas une paysanne et, non pas que cela fut un problème, cela ravissait Ivara. Il y avait bien plus de chances qu’elle vienne remplir sa bourse de cristaux et… Une ride presqu’imperceptible se dessina entre ses yeux. Cette réflexion sur l’argent et la noblesse ne venait pas d’elle. Elle la tenait de quelqu’un d’autre… Quelqu’un qui, en cette période, lui tapait de plus en plus sur les nerfs.

    - Bienvenue à L’Atelier ! Je vous en prie, entrez…

    Elle avait retrouvé sa bonne humeur, se concentrant pour fournir un accueil agréable. Elle invita la nouvelle venue à la suivre un peu plus à l’intérieur, lui laissant le temps d’admirer et de prendre ses marques. Ivara savait bien que certains pouvaient être déstabilisés par les odeurs et les visuels.

    - Je ne me trompe pas si j’ose affirmer que c’est la première fois que vous venez ? Je suis Ivara Streÿk, enchantée. Vous êtes ici par curiosité ? Pour une sculpture ? Vous voulez vous rafraîchir ?

    Ne voulant pas noyer son interlocutrice sous les informations, elle n’en dit pas plus. Elle attendait de savoir ce qu’elle avait comme informations en sa possession sur son affaire. Dans tous les cas, elle se tenait prête à répondre à toutes ces interrogations. Ses mains étaient sagement jointes devant elle.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
    Informations
    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mer 5 Mai 2021 - 12:37 #


    La propriétaire des lieux était semblable à ses œuvres. Une stature haute, svelte, que la finesse d’une main experte avait semble-t-il façonné avec grâce. Luz faisait d’ordinaire figure de rareté de par ses longs cheveux flammes qu’elle mettait un point d’honneur à laisser pousser jusqu’à ses hanches : une telle chevelure était difficile à entretenir et peu pratique au quotidien. Aussi reconnut-elle immédiatement pour ces deux raisons la patte experte d’une semblable addicte. La crinière de la dénommée Ivara Streÿk était splendide et auréolait son front à la manière d’une couronne d’or, fils de lumière qui regimbaient par endroit le long de ses pommettes, piégeant bien malgré eux des reflets de soleil. Elle avait un regard aimable et avenant, de même que les atours d’un tempérament enthousiaste. Immédiatement, Luz se surprit à envier l’incroyable énergie qui perçait dans les prunelles céruléennes de son interlocutrice.

    « Votre mémoire ne vous fait pas défaut, rit-elle brièvement, accompagnant son geste d’une courte révérence. Luz Weiss, enchantée. Je n’étais jamais venue jusqu’à présent. A tort, sans doute, ajouta-t-elle avec un micro sourire mutin. »

    Elle désigna la kyrielle de sculptures adroitement disposées d’un mouvement équivoque du poignet, compliment détourné sur le charmant spectacle que proposait l’atelier.

    « Je souhaiterais vous entretenir d’un projet assez… Conséquent que j’aimerais réaliser. Possédez-vous un catalogue de vos gammes et produits ou réalisez-vous des commandes uniquement sur devis personnalisés ? »

    Elle releva vers elle des yeux d’une franche curiosité, ne sachant guère si l’atelier Streÿk serait en mesure d’accomplir sa commande. De toute évidence, la propriétaire était versée dans l’art et la conception de sculptures à visée esthétique, ce qui n’était pas incompatible en soi avec un aspect utilitaire. Mais créer des meubles… ? Des outils spécifiques ? Luz s’apprêtait peut-être à lui demander l’impossible. Le travail d’artisan était toutefois complexe et doté d’une multitude de nuances différentes, la praticienne était donc prête à parier que sa demande ne serait pas la requête la plus incongrue jamais reçue par Ivara. Ne jamais sous-estimer la folie des Nobles ! Ou leur capacité à se réveiller un matin avec la volonté de commander une immense sculpture phallique contre un million de cristaux… Luz se remémorait encore l’effroyable décoration de l’avant-veille, lors d’une réception organisée chez un confrère noble. Une moue désolée sur le visage, elle glissa de ce fait une mèche flamme derrière une oreille de deux doigts habiles et crut judicieux d’avertir immédiatement la jolie sculptrice :

    « Je crains que ma demande ne soit un brin complexe, j’ignore si vous l’accepterez… Je risque du moins de vous prendre un peu de temps. Êtes-vous disponible immédiatement ou serait-ce plus pratique pour vous que je repasse plus tard ? »

    Luz ne voulait certainement pas déranger la jeune femme dans son travail. Elle se doutait bien qu’elle n’était pas la seule cliente dans les parages et que son interlocutrice avait vraisemblablement fort affaire. Non, la praticienne préférait mille fois convenir d’un véritable rendez-vous autour d’un bureau ou d’une table plutôt que d’accaparer Ivara au milieu d’une impossible journée de travail.

    Ce n’est qu’alors qu’elle reporta son attention sur la grande salle qui accueillait le salon de thé. Et s’aperçut qu’une grosse boule de poils la dévisageait depuis de longues minutes, ramassée sur elle-même dans l’ombre d’une chaise. Les yeux mi-clos, l’énorme floki d'un âge avancé s’était progressivement désintéressé de sa maîtresse assise au-dessus de lui pour mieux se tourner vers l’agitation propice qui régnait dans l’entrée. Sa longue queue duveteuse était par instant entrecoupée de soubresauts pensifs à la manière d'un imposant chat persan. Le bougre avait bien évidemment repéré Alraqs qui ne le quittait plus non plus des yeux à travers la devanture, aiguillé par un instinct millénaire de taquine provocation. Il parvint à s’extraire de son dessous de chaise avec une langueur étudiée, n’hésitant guère à s’étirer de façon éhontée, une patte après l’autre, pour bien montrer qu’il était libre d’agir dans cet espace pourtant réservé aux hommes. Un espace auquel Alraqs n’avait pas accès. Tranquillement, pesamment, il se traina jusqu’aux jambes d’Ivara et de Luz, et entreprit de s’y frotter avec toute la tranquillité détachée d’un propriétaire présentant ces deux nouvelles acquisitions, ajoutant même un léger ronronnement à l’outrage. Dehors, Alraqs laissa échapper une plainte couinée, se redressa d’un bond, fit deux fois un tour sur place et se rassit dans un mouvement patiné de désespoir. Sa maîtresse lui avait demandé d’attendre, comment pourrait-il désobéir… ?


    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
    Informations
    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mer 12 Mai 2021 - 13:29 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    À son tour, Ivara inclina légèrement la tête pour saluer la nouvelle venue. Ses manières étaient aussi agréables que sa physionomie, ce qui balaya définitivement la mésaventure passagère dont elle avait été victime en pensant comme le mercenaire. La sculptrice fut même touchée par le compliment sur ses créations. Elle travaillait dur pour développer son commerce, ce qui n’était pas chose aisée lorsqu’on avait seulement un jour sur deux pour le faire. Alors, malgré son énergie dépendante, elle commençait sérieusement à envisager de recruter quelqu’un. Elle avait déjà tenté, un peu plus tôt dans l’année, mais elle aucun candidat n’avait été suffisamment sérieux à ses yeux. Il fallait dire que la demoiselle était perfectionniste et ne tolérait pas la moindre faiblesse dans le cadre professionnel. Elle ne pouvait pas espérer atteindre les hautes sphères de la noblesse, voire même de la royauté, si elle ne donnait pas le meilleur d’elle-même. Un jour, peut-être, recevrait-elle uniquement les hauts gens de ce Royaume pour leur faire profiter de ses meilleures représentations tout en ravissant leurs papilles. Ah! Si seulement…

    - Vos compliments m’honorent, Madame Weiss, répliqua-t-elle avec sincérité. Je vous en prie, suivez-moi… Laissez la porte ouverte, je crains que Monsieur et Madame Hachdémi ne soient également importunés par la chaleur du lieu. A-t-on jamais connu en cette saison !

    C’est alors que le floki vint se frotter contre leurs jambes. Le marsupial semblait déjà avoir un certain âge et, tout tranquille qu’il était, Ivara avait accepté que ses propriétaires - dont elle venait justement de mentionner le nom - le prenne avec eux. La plainte du rarwük n’échappa pas à l’ouïe de la tisseuse de verre, qui pinça ses lèvres en regardant le familier qui attendait sagement dehors.

    - C’est le vôtre ? Vous savez, s’il est calme, vous pouvez tout à fait le faire entrer ici.

    Tout en parlant, Ivara avait effectué un demi-tour soigné, pour guider Madame Weiss jusqu’au comptoir - la laissant libre de décider de ce qu’elle ferait de son compagnon à quatre pattes. La commerçante en fit le tour, invitant son interlocutrice à prendre place sur l’un des tabourets hauts de verre si elle le désirait.

    - Ne vous fiez pas à sa ressemblance avec le verre, ils sont bien plus résistants que la plupart des matériaux qu’on trouve en ce monde, précisa-t-elle, le coin gauche de ses lèvres s’étirant pour former un demi-sourire.

    Depuis qu’elle avait - qu’ils avaient - appris à maîtriser un peu plus leur pouvoir, elle - ils - se trouvait capable de réaliser des objets de plus en plus utiles. Ainsi, ses clients pouvaient prendre place sur des assises solides et esthétiques, du moins à son goût. Secrètement, elle espérait même un jour pouvoir déménager son atelier ailleurs et le construire entièrement à son goût. Du jamais vu par ici et, pour l’instant, un projet à l’état du rêve. Il fallait qu’elle s’endurcisse et, elle le savait, l’autre l’aidait bien plus qu’elle n’osait l’avouer dans ce domaine.

    Faisant fi de ses pensées, Ivara sortit un petit carnet en cuir noir qu’elle tendit à Luz. Il y avait là la plupart de ses créations. Ainsi, elle pourrait découvrir, en dessin, tout ce qu’elle avait déjà vendu et tout ce qui était destiné à la vente.

    - Je garde toujours une trace de ce que je crée et vends. Beaucoup de ces sculptures ont été réalisées sur des devis personnalisés et toutes mes sculptures sont uniques. Je déteste la fabrication en série, je laisse tout ceci, qui peut plaire et être utile dans certaines circonstances je le conçois, à d’autres. Évidemment, si vous êtes attirée par l’un des modèles ici présenté, je pourrais vous le refaire… Mais avec des détails qui lui seront propres. J’aime également comprendre un peu plus mes clients, en leur posant quelques questions. Je suis ainsi sûre de pouvoir les toucher et les émerveiller davantage avec une création bien à eux et qui fera… Résonner, vibrer, une corde sensible dans leur esprit, expliqua-t-elle en observant la rousse tourner quelques pages du carnet.

    Machinalement, elle avait posé ses mains jointes sur le comptoir et détaillait le visage angélique face à elle. Elle retroussa inconsciemment son nez, jetant un coup d'œil circulaire à la salle. Tous les clients ici présents avaient été servis. Elle estimait avoir le temps de parler affaires.

    - Mais, si vous me parlez d’une demande complexe, j’imagine que c’est un peu différent de ce que je peux vous proposer ici... - elle désigna le carnet - ...et là… - elle désigna la salle - ... Je pense, à vue de nez, avoir une quinzaine de minutes, sauf arrivée surprise, avant que mes derniers clients ne partent et la fermeture. Peut-être serait-il plus agréable pour vous de m’exposer votre projet d’ici là ? En attendant, je vous offre une tasse de thé… Ou de toute autre boisson, selon votre convenance.

    Ivara avait tout un tas de liquides, alcoolisés ou non, à proposer à Luz pendant ce petit laps de temps. Elle attendit qu’elle fasse son choix, se préparant aussi à l’expectative qu’elle sorte sur la place durant ces quinze minutes.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Dim 16 Mai 2021 - 12:33 #


    « Vous êtes sûre… ? s’étonna Luz, autant pour la porte ouverte que pour son grand dadais de familier. »

    Elle s’exécuta néanmoins, prêtant une confiance aveugle dans les consignes de la demoiselle. Cette dernière était reine en sa demeure et connaissait la fragilité de son atelier. De toute évidence, un courant d’air n’allait pas provoquer de chute en série parmi les fines sculptures aux courbes harmonieuses, et ce n’était pas Luz qui allait la contredire… Quant à Alraqs lui-même… ! Elle lui envoya une invitation à entrer d’un geste du doigt, souligné d’un message télépathique semi grondé. A la moindre incartade elle le ramènerait par la peau du cou jusqu’à la demeure des Weiss, au sein de laquelle il serait consigné en guise de punition. Oh, l’animal s’était considérablement assagi ces derniers mois et ils avaient tous deux progressé en termes de compréhension mutuelle. Il n’en restait pas moins un grand chien fou par moment, kilos de muscles susceptible de provoquer des dégâts lorsqu’il ne prenait plus garde à ses foutues pattes.

    En l’occurrence, Alraqs accueillit l’invitation par un balayage joyeux de ses deux queues, soulevant un léger nuage de poussière contre les pavés de la rue. Les oreilles semi tournées à l’oblique contre son crâne, signe qu’il percevait parfaitement l’avertissement de sa maîtresse, il se redressa sur son séant et avança d’un pas souple dans la boutique. Le floki n’attendit guère de savoir si le rarwük avait conservé des velléités de vengeance : il s’empressa de se trainer jusqu’à son dessous de siège, recouvrant par la même la protection rapprochée de ses propres maîtres. Alraqs ne lui prêta pas la moindre attention. Désormais occupé à ratatiner son imposante stature –persuadé sans doute de se transformer ainsi en petit chat anodin-, le grand chien jetait autour de lui un regard franchement curieux, percevant toutes sortes d’odeurs exotiques et fort étonnantes. Il s’arrêta d’ailleurs au pied du tabouret choisi par Luz, s’assit de nouveau et releva son long museau en direction d’Ivara, les oreilles entièrement tournées vers elle à la manière d’un adorable golden retriever à la moue interrogative. Persuadé que la praticienne n’apprécierait pas un coup de langue impromptu, il retint l’envie dévorante de gratifier les meubles d’une léchouille contemplative, presque désireux de goûter l’étrangeté de cette matière qu’il n’identifiait pas. Etait-ce mangeable… ?

    « Cette matière est stupéfiante ! s’exclama Luz qui était animée d’une semblable curiosité. »

    Elle avait passé la paume sur la surface de son tabouret juste avant de s’y percher, constatant avec une surprise non feinte que le matériau était en effet incroyablement résistant. La matière ne grinça pas d’un chouïa et restait pourtant agréable sous son fessier. Elle s’était saisie dans le même temps du carnet tendu par Ivara et feuilletait le tout sans se départir de sa stupeur initiale.

    « Comment obtenez-vous un tel rendu ? Par le biais de runes ? Concevez-vous vos créations à partir de… Sable ? A l’image de verre traditionnel ? A quel point cette matière est-elle résistante ? Dans des conditions de très basses ou hautes températures par exemple, ou face à une manipulation quotidienne. »

    La jolie conceptrice de ces nombreux bijoux paraissait tout à fait habituée à sa clientèle. Luz n’avait par conséquent aucun scrupule à lui faire part de ses questions dès lors qu’elles lui effleuraient l’esprit. Elle se souciait également de la sécurité de ses patients ainsi que de son personnel… Si Ivara acceptait de concevoir pour elle les objets souhaités, elle devait s’assurer qu’ils ne se transformeraient pas en armes ou en pièges d’ici une poignée de mois ou d’années. La magie offrait un panel incroyable de nouvelles matières à travailler – en contrepartie de quoi il était ardu d’un point de vue clientèle de savoir à quoi s’attendre très exactement sans poser une multitude de questions directes.

    « Oh, un thé serait absolument parfait, un très grand merci pour votre proposition ! »

    Elle releva les prunelles de sa contemplation intensive, récupérant immédiatement son sourire jovial. Son but n’était pas non plus de faire subir un véritable interrogatoire à l’artisane, et elle tenait absolument à conserver son affabilité. La chaleur humaine, même minime, était primordiale dans toute relation commerciale. Elles n’étaient après tout que deux jeunes femmes tentant l’une et l’autre de travailler !

    « Pour vous expliquer mon projet, je travaille pour l’Astre de l’Aube, un organisme assez récent qui œuvre dans le domaine de la médecine. Nous avons fait construire il y a peu un centre hospitalier au cœur de la Capitale, je ne sais pas si vous en avez entendu parler ? Notre mobilier s’avère en tous cas proprement obsolète, de même que certains outils de pointe que je ne trouve pas suffisamment résistants. Certains manquent de finesse. »

    Ils n’avaient eu d’autre choix que d’improviser lors de la construction de l’hôpital, contraints par les délais relativement courts du projet.

    « Pour vous donner un exemple concret, nous nous sommes dit qu’une sorte de… Sommier articulé pourrait aider plusieurs de nos patients ? Quelle matière prendre alors pour parvenir à articuler une telle chose, tout en supportant le poids du patient ? Cela pourrait être décliné sous la forme d’un fauteuil. Considérez-moi comme trop perfectionniste, mais je pense également qu’un hôpital devrait être le plus esthétique possible pour maintenir le moral des gens qui y vivent quotidiennement. Nous gagnerions à le décorer de sculptures discrètes, élégantes, mais bien présentes. Je pense tout particulièrement à la cour extérieure centrale. »

    Elle laissa filer un léger soupir, reposant ses mains jusqu’alors volubiles sur le comptoir.

    « Comme vous pouvez le constater, ma demande est aussi vaste que trouble et complexe. J’ignore jusqu’où s’étendent vos possibilités et je manque singulièrement d’une vision expérimentée et professionnelle pour me guider au travers de ce projet. J’ai besoin d’un artisan capable de travailler pas à pas sur chaque objet à mes côtés, et qu’il me dise lorsque mes fantasmes vont trop loin. »

    Elle rit dans un subtil élan d’autodérision.

    « Bien entendu, la rémunération proposée sera négociable et à la hauteur du travail réalisé. Nous disposons d’importants financements grâce à la structure de l’Astre de l’Aube. Et nous sommes prêts à vanter les services de votre atelier auprès des diverses castes que nous fréquentons. »


    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Jeu 17 Juin 2021 - 18:05 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    Ivara prépara le thé en écoutant les explications, longues mais indispensables, de Luz et joignant son rire au sien lorsque l’occasion s’y prêtait. La demande paraissait grandiose, et l’artisane se questionna un instant sur la faisabilité d’une telle entreprise. Pourrait-elle l’assurer, au vu des nombreux inconvénients qu’il lui fallait dissimuler à chaque fois qu’on requérait ses services ? Elle avait entendu parler de ce vaste chantier de construction d’hôpital, qui avait bien duré quelques mois au sein de la Capitale. Puis, petit à petit, les ragots de sa fidèle clientèle étaient arrivés jusqu’à ses grandes oreilles. Ivara avait trouvé l’initiative formidable et le soigneur qu’elle consultait régulièrement pour les balafres et ecchymoses, qu’il lui laissait en cadeau, n’avait pas tari d’éloges au sujet de cette structure gargantuesque mais nécessaire. Le cerveau a l'initiative de ce projet avait eu maints qualificatifs, toujours positifs, mais jamais le nom de Luz Weiss n’était parvenu jusqu’à elle. Cette jeune femme pouvait tout aussi bien en être l’instigatrice principale qu’une des têtes au sommet de la hiérarchie. C’est ce qu’elle pouvait déduire avec tout ce qu’elle lui indiquait et assurait. Ce n’était pas une simple soigneuse ou apothicaire qui serait envoyée pour une commande de cet acabit.

    - Laissez-moi d’abord vous faire savoir que je suis honorée que vous ayez pensé à mon établissement pour assurer une telle mission, Madame Weiss, commença-t-elle à dire tout en lui servant sa tasse de thé. Nous serons effectivement plus à même d’en discuter dans le calme, tant il y a de points à aborder. Je vous en prie, suivez-moi.

    Son carnet de notes sous le bras et un plateau de gâteaux dans les mains, la sculptrice se dirigea vers la réserve, talonnée de près par son interlocutrice. L’endroit était assez spacieux, rempli de sacs de sable et de plusieurs sculptures inachevées, brisées ou au simple état de prototypes. Il y avait aussi une table ovale, avec deux chaises disposées de part et d’autre - toujours dans le même matériau. Elle l’invita à y prendre place et lui demanda cinq minutes de son temps. Ivara disparut durant ce laps de temps, qui sonnait la fermeture de la boutique. Elles seraient plus à l'aise pour discuter.

    - Me revoici ! J’espère que l’attente ne fut pas trop longue. Nous avons tout loisir de pouvoir parler plus en détails de ce projet très inspirant !

    Tout en parlant, Ivara s’était assise sur la chaise faisant face à Luz.

    - Tout d’abord, c’est grâce au sable que je peux créer toutes ces merveilles. Je peux évidemment vous en faire une démonstration.

    Elle se leva pour aller récupérer un peu de sable dans un des sacs, puis retourna à sa place pour montrer l’étendue de son pouvoir. Un petit halo lumineux entoura ses paumes et le sable se mit à chauffer entre ses mains pour prendre l’apparence d’une petite sphère de verre, extrêmement fragile.

    - Ici, le verre est très fragile. Rien à voir avec le mobilier comme le siège sur lequel vous êtes assise. Mais je peux aussi décider de faire la même chose, en la rendant plus ou moins solide. J’ai juste besoin de plus de matière.

    Et elle répéta le processus, avec une quantité de sable plus importante dans le creux de ses mains. Elle prit ensuite, avec beaucoup de soin, les deux boules dans sa main.

    - Celle de droite, plus dense et plus lourde, est pratiquement incassable. Enfin, je vous déconseille évidemment de la jeter plusieurs fois, au risque de fragiliser la structure et de la voir se fissurer.

    Puis, elle répéta la même opération et transforma cette fois le sable en des lames grossières.

    - Dans la même idée, je peux aussi vous faire une lame bien plus tranchante et extrêmement résistante ici !

    Offrant un large sourire à la jolie demoiselle, elle poursuivit.

    - Outre la rémunération et la visibilité dont nous pourrons discuter plus tard si mes services vous conviennent, je suis assez… Excitée et emballée à l’idée de pouvoir participer à un tel projet ! Je suis certaine que la réalisation de tels objets sera un vrai défi et me sortira de ma routine. Mais, dites-moi, vous parliez de sommier articulé et, bien que l’articulation soit un véritable challenge car la matière que je crée n’est malheureusement pas extensible… Il faudrait peut-être que je songe à arranger ça… Oui donc, ce sommier pourrait tout à fait supporter le poids de n’importe lequel de vos patients dans cette matière. Je n’ai encore jamais eu de soucis avec ma clientèle au bout de huit lunes.

    Capturant son menton entre son index et son pouce, son air se fit plus songeur.

    - Je n’y connais malheureusement pas grand-chose dans votre domaine. Il faudrait que vous puissiez m’expliquer plus en détail les outils que vous avez en tête ! Je vous ai parlé du côté tranchant car j’ai déjà vu le soigneur de mon village natal réaliser quelques saignées…

    Il lui sembla percevoir un léger bruit dans la pièce principale, mais rien de suffisant pour l’alerter. Elle poursuivit.

    - Pour ce qui est d’un mobilier de type décoratif, il n’y aura aucun souci. Je modèle le sable à ma guise et, en gage de ma bonne foi, j’ai toujours mon carnet de commandes que vous pouvez consulter quand vous voulez. Vagues, traits droits, formes géométriques… Rien ne m’a encore résisté ! Le seul point d’ombre que je vois à ce tableau, c’est évidemment la quantité de sable que je vais devoir me fournir selon ce que vous me demanderez. Au vu des délais que j’ai eu la dernière fois… Je crains de n’être opérationnelle qu’à compter de la prochaine lune… Mais ce qui nous laissera amplement le temps de créer sur le papier ce que vous avez en tête et, suivant notre accord, à moi de vous proposer d’autres alternatives ou idées.

    Emballée par l’idée, elle se rendit alors compte qu’elle l’était peut-être un peu trop. Ses dents s’emparèrent de sa lèvre inférieure et la meurtrirent légèrement.

    - Enfin, seulement si vous n’êtes pas déçue de votre choix et que nous arrivions à un accord.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mer 23 Juin 2021 - 11:18 #


    Ce n’était donc pas un refus ! Luz ne put s’empêcher de se tourner spontanément vers Alraqs, comme pour lui confier son enthousiasme débordant, n’échangeant au final qu’un vif regard avec son familier. Ne comprenant goutte à ce que racontaient les deux humaines, le rarwük remua pourtant ses deux queues, peu récalcitrant à s’intégrer à la fête.

    « Votre talent est formidable ! Vous pourriez tout à fait créer des scalpels et autres outils de précision, constata-t-elle. »

    Et des armes. Mais cela, elle se garda bien de le dire à haute voix, se contentant de laisser son regard errer sur les formes éparses qui constellaient l’atelier. Le bâtiment était décidément spacieux et constituait un superbe héritage familial. Oh bien sûr, avec son talent Ivara aurait aisément pu construire un nouveau commerce et rencontrer une certaine réussite, mais il était indéniable que l’apport de ce lieu représentait une force conséquente pour sa réputation et son travail. Quant aux armes… Il s’agissait d’une autre facette de la praticienne qu’elle n’était pas exactement prête à présenter au grand jour, ignorant que la demoiselle en face d’elle jouait déjà un jeu semblable. Ce n’était toutefois pas aujourd’hui une rencontre entre Inaros et la Luz qui aidait les espions du Royaume, mais un rendez-vous commercial entre la talentueuse artiste Streÿk et l’héritière Weiss.

    « Rassurez-vous, rit-elle devant le flot d’engouement dont faisait preuve Ivara, cela ne presse nullement et je préfère mille fois que nous prenions le temps de déterminer précisément chaque devis plutôt que de bâcler ce contrat. Comme dit précédemment, nous allons sans doute devoir réaliser la plus complexe des tâches : coordonner et faire concorder vos excellentes connaissances manuelles et artistiques avec mon savoir médical. Je ne doute pas que nous allons rencontrer de nombreux points de frictions et qu’il nous faudra faire des concessions ! »

    Elle se fendit d’un sourire rassurant, jugeant pertinent de rappeler également les points forts de ce contrat qu’elle n’était en fin de compte pas du tout en train de défendre :

    « Néanmoins… Je suis certaine que cela donnera au final quelque chose de grandiose. Je n’avais jamais vu auparavant de matière présentant un tel potentiel pour la médecine… Et j’ai grande confiance en vos compétences. L’atelier Streÿk bénéficie d’une très bonne appréciation de mes pairs. »

    Luz porta sa tasse de thé à ses lèvres, savourant le réconfort du liquide chaud si familier dans sa gorge. La problématique de la quantité de matière première à disposition n’était effectivement pas anodine… Ses sourcils se plissèrent sous l’effort de la réflexion, la pulpe de son pouce machinalement passée sur le rebord soyeux de sa tasse.

    « … Disposez-vous d’un fournisseur de sable performant ? D’où votre sable est-il extrait ? »

    Sans doute de l’Archipel ? Aryon disposait d’une quantité infime de plages de sable blanc. S’il s’agissait bien du sable qu’Ivara appréciait manipuler ! A moins qu’elle ne le fasse créer par quelques ouvriers disposant d’un talent magique spécifique ? La question était intéressante, car elle expliquait une bonne part du modèle commercial de la belle artiste. Une matière première extrêmement coûteuse et rare entrainait forcément des débords dans les prix finaux.

    « J’imagine que dans le cas contraire je pourrais également me renseigner de mon côté et lancer un éventuel appel d’offre sur le marché… Peut-être qu’un contrat de masse nous serait plus profitable pour un travail si conséquent. En respectant vos impératifs de qualité, bien entendu. »

    Et puisqu’Alraqs s’agitait déjà depuis de longues minutes, elle tourna vers lui un regard mi agacé mi interrogatif. Le rarwük, toutes oreilles dressées, pointait son museau vers la salle principale avec une agitation palpable.

    ¤ Bruits, traduit-il pour elle par télépathie. ¤

    Elle papillonna des prunelles quelques secondes, percevant alors à son tour un vague crépitement sourd. Ivara n’avait-elle pas fermé sa boutique quelques instants plus tôt… ?

    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Ven 6 Aoû 2021 - 17:15 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    Luz semblait satisfaite des services qu’Ivara proposait, pour le plus grand bonheur de la sculptrice. Sa patience et sa bienveillance étaient aussi très agréables. Le projet était colossal et nécessitait de ne pas se précipiter. Perdre du temps à concevoir des outils inadéquats n’était pas leur objectif. La tâche ne paraissait pas non plus irréalisable aux yeux de la blonde, qui imaginait déjà comment elle pourrait répondre au mieux aux besoins de sa cliente. L’approvisionnement en sable était un problème, sans réellement en être un depuis qu’elle était en contact avec la Compagnie Althair. Son tempérament l’avait, déjà à plusieurs reprises, mis dans de beaux draps pour avoir refusé d’utiliser ce service, en préférant passer par des tiers… Tout ça pour tenir tête au mercenaire et le mettre dans des situations au moins aussi embarrassantes que ce qu’elle vivait au quotidien. Mais, pour ce qui était de la rapidité de la livraison, ils étaient, de son point de vue, imbattables. Plusieurs fois par lune, elle recevait plusieurs kilogrammes de sable, ce qui lui permettait de travailler sur des projets encore plus ambitieux. Et, surtout, de faire des réserves ; en témoignaient les nombreux sacs autour des deux jeunes femmes.

    D’un geste de la main, elle invita la rouquine à s’approcher de l’un d’eux pour voir et toucher le contenu. Elle avait à sa disposition plusieurs types de sable, qui offraient globalement des résultats similaires. Tout dépendait surtout du temps qu’elle passait sur le modelage de l’objet. Elle ne pouvait pourtant pas nier que le sable fin de l’Archipel était, pour l’instant, le plus qualitatif. Elle avait besoin de moins de temps pour le modeler à sa guise, et en faire des chefs-d'œuvre.

    - Vous vous en doutez bien, nous n’avons pas le droit aux belles plages du sud, ici, à la Capitale, commença-t-elle à expliquer. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire franc et amusé. Ce qui est bien dommage et j’aurais certainement pu y déménager si mon père n’avait pas eu cet atelier ici.

    Alors oui, elle l’avait complètement réaménagé à sa convenance et avait installé ses quartiers à l’étage, mais l’édifice avait bel et bien appartenu à son père.

    - Ce sable, un peu plus blanc, provient des îles de l’Archipel. Celui-ci, un peu plus brut mais d’un magnifique éclat, vient de nos plages du sud. J’en reçois deux fois par lunes, voire trois, depuis que je passe la société de transport Althair, je ne sais pas ce qu’ils font pour être aussi rapides. Avant, je devais souvent moi-même faire ces demandes en passant, notamment, par la Guilde des Aventuriers mais… Je dois avouer que j’étais bien embêtée de demander à nos aventuriers de me ramener du sable. Ils doivent avoir bien mieux à faire !

    Si elle se doutait qu’une île avec un désert de sable apparaîtrait bientôt au-dessus de leurs têtes. Ah ! En y mettant toutes ses économies, elle aurait dépêché les meilleures équipes pour lui en ramener par centaines de kilos.

    - Je pense qu’établir un nouveau contrat avec eux, en faisant figurer notre accord, devrait permettre d’en avoir encore plus et de me permettre de ne pas puiser dans toutes les réserves. Vous avez peut-être une préférence sur le sable ? En soit, ça ne changera que de peu le produit fini…

    Elle s’interrompit en entendant un bruit plus inquiétant que les autres. En tendant l’oreille, elle reconnut aisément le bruit du verre qui tombe et se brise sur le sol. Retenant un hoquet qui mêlait surprise, colère et inquiétude, elle se précipita vers la salle principale pour constater l’étendue des dégâts, et qui, ou quoi, en était responsable.

    Elle eut à peine le temps d’apercevoir une petite créature qui se déplaçait à quatre pattes et aux couleurs chatoyantes. La commerçante ne savait pas comment elle avait fait, mais elle avait réussi à s’engouffrer par la porte d’entrée. Elle veillerait à la fermer à clé, la prochaine fois. La petite bête avait fait de sacrés dégâts, renversant presque tout sur son passage. Le sol était jonché d’une multitude de bouts de verre. Les autres créations, plus résistantes, n’avaient aucun dommage mais on ne pouvait pas en dire autant du sol à certains endroits.

    Horrifiée dans un premier temps par ces journées entières de travail réduites à néant, elle s’arrêta net en remarquant une couleur inhabituelle au milieu des morceaux de verre. Elle s’en approcha, espérant que ce n’était pas ce à quoi elle pensait, et poussant un autre petit hoquet de surprise en constatant que c’était bel et bien du rouge, comme du sang.

    - Elle… Elle est blessée, je crois ! Dit-elle instinctivement à Luz.

    C’était cette empathie qu’Inaros détestait tant qui dictait sa conduite. Elle tourna la tête, à la recherche du regard de la femme à la chevelure flamboyante.

    - Vous avez vu ce que c’était ? Je crois qu’elle est repartie dehors ! Elle a sûrement des bouts de verre plantés quelque part… Ou pire ! Il faut qu’on aille la retrouver. Vous êtes médecin, non ?

    Presque sans attendre, Ivara enjamba les obstacles sur le sol, ne pensant pas une seule seconde que sa conduite n’était pas très professionnelle et que Luz lui en tiendrait peut-être rigueur, ce qui pourrait entacher la suite de leur rapport. Elle venait d’atteindre la sortie et était déjà accroupie sur le sol, à la recherche d’indices - des traces de sang - qui pourraient lui indiquer la destination empruntée par l’animal.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Sam 14 Aoû 2021 - 12:09 #


    La compagnie Althair ? Ma foi, on parlait énormément d’eux ces temps derniers. Ses pairs, tout comme bon nombre de marchands ou tout simplement les particuliers, n’avaient que ce nom à la bouche depuis plusieurs mois. Ignorante de la couverture parfaite que constituait l’entreprise pour l’Ordre des Célantia, Luz prit une moue pensive, un bras passé sous sa poitrine, l’autre tapotant son menton. Elle n’avait jusqu’alors pas réfléchi aux opportunités offertes par cet organisme sur le marché. S’ils étaient spécialisés dans le transport de denrées et matériaux, et qu’une artisane aussi raffinée que la jeune Streÿk en vantait les bienfaits, alors peut-être certaines possibilités s’ouvraient-elles pour l’Astre… Elle n’avait néanmoins pas le temps d’y réfléchir pour le moment, gardant une note mentale de cette information inattendue dans sa mémoire. Elle n’eut pas non plus l’heur d’approuver les dires de son interlocutrice, ni de choisir son sable, que la Dorée se levait pour marcher d’un pas précipité jusqu’à l’avant de sa boutique. Soucieuse et inquiète pour sa sécurité, Luz lui emboita immédiatement le pas, plongeant derechef dans sa magie intérieure s’il devenait nécessaire de réagir promptement. En lieu et place d’un agresseur énervé, cependant, les deux femmes tombèrent plutôt sur un désastre de poteries brisées ainsi que sur une constellation de taches de sang égarées.

    « Un animal… ? murmura Luz à sa comparse, penchée vers l’hémoglobine fautive, échangeant un court regard avec Ivara. »

    Elle n’avait pas eu le loisir de discerner convenablement la créature, mais un aboiement télépathique d’Alraqs confirma son hypothèse :

    ¤ Nakai pareil ! chanta le rarwük dans sa tête avec un ravissement évident. ¤

    Gagnée à son tour par l’excitation contagieuse de son familier, Luz enjamba les débris pour suivre Ivara dans un dédale de dégâts. Plutôt que de faire montre d’une profonde colère, la Dorée brillait à la place d’une compassion exceptionnelle ! Accroupie à ses côtés pour tenter de percer les secrets de la piste du shupon, Luz posa une main rassurante sur son épaule :

    « Nous allons la retrouver, ne vous en faites pas. Je peux effectivement la soigner, confirma-t-elle avec chaleur. Alraqs ? Tu veux bien… ? »

    Elle tapota le sol du bout des doigts, un regard interrogateur porté sur son rarwük. La truffe au sol, ses deux queues agitées, celui-ci releva aussitôt le museau et prit quelques longues secondes pour flairer les différentes brises de la Capitale. L’animal en fuite parvenait encore à voler, peut-être par bonds douloureux. Luz en eut la confirmation lorsqu’Alraqs désigna du museau la devanture d’une boutique au carrefour d’un tournant plus loin, découvrant qu’une nouvelle tache de sang glissée s’y tenait…

    « Il a dû tenter d’aller sur les toits et ne peut sans doute plus voler haut… Il est retombé là aussitôt. »

    Une autre marque avait été laissée sur les pavés, deux mètres plus loin. Accompagnée d’un bri de verre abandonné sur le sol, probablement arraché par la créature. Ce n’était pas réellement une bonne nouvelle dans la mesure où Luz ignorait la profondeur de la blessure. Parfois, arracher l’arme provoquait des hémorragies plus graves encore que la plaie elle-même. Il fallait retrouver ce soi-disant double de Nakai, et vite ! Alraqs avait de toute façon déjà bondi en avant, amorçant un virage serré en direction d’une ruelle parallèle. Un cul de sac, corrigea Luz en arrivant une seconde plus tard.

    « Qu’est-ce que… N’eut-elle que le temps de prononcer, avant qu’une masse colorée et foutrement furieuse ne s’écrase sur son visage comme un chat feulant en colère. »

    Elle recula d’un pas sous le choc, cherchant à saisir de ses doigts la créature hostile sans y parvenir. Elle sentit les imposantes pattes avant d’un Alraqs paniqué se poser sur sa poitrine et la rabattre brutalement au sol, vraisemblablement persuadé d’aider sa maîtresse par ce biais. Le souffle coupé, un tantinet sonnée, Luz eut ainsi le bonheur de découvrir qu’au moins le shupon était suffisamment effrayé pour se décoller de son visage et partir d’un vol glissé se terrer dans le fond de la ruelle. Etendue sous la masse d’Alraqs, la praticienne tâta ses joues pour n’y découvrir aucune blessure ou trace suspecte, hormis une pointe de sang qui n’était pas la sienne. L’animal en fuite n’avait aucunement cherché à l’agresser, simplement à s’enfuir, totalement enferré dans sa terreur souffrante…

    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Sam 28 Aoû 2021 - 14:14 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    Le rarwük prit les devants, flairant la piste rouge laissée par l’animal blessé. Ivara en aurait été bien incapable, son odorat lui étant surtout utile pour dénicher toutes les sucreries qui se trouvaient dans un rayon de moins de dix mètres. Accompagnée de Luz, elle suivit le familier en regardant attentivement de chaque côté de la rue. L’agitation qui y régnait était habituelle, personne ne semblait avoir remarqué la furie colorée qui avait bondi - volé - vers un cul-de-sac. C’est à peine s’ils remarquèrent les trois boulets de canon qui s’y précipitèrent. Ah! les joies de la Capitale, où tout ce qui pouvait être du domaine de l’étrange ou de l’absurde était devenu une banalité.

    - Même s’il peut voler, il n’a pas dû aller bien loin dans ce cul-de-sac ! s’exclama-t-elle à son tour.

    Elle était agréablement surprise des connaissances de Luz sur l’animal. En un clin d'œil, elle avait réussi à déterminer à quoi ils avaient affaire. Ivara n’était pas très calée sur le bestiaire et l’herbier d’Aryon. Elle n’avait toujours connu que le vieux glooby vert que ses parents avaient récupéré avant sa naissance. Il l’avait toujours dégoûtée et elle n’avait jamais compris l’attrait de sa famille pour cette espèce. Petite, elle se souvenait avoir parcouru les pages d’une Encyclopédie rassemblant l’ensemble des connaissances sur la faune du Royaume. Elle avait été transportée par les capacités étonnantes de nombre d’entre eux mais n’avait jamais osé eu l’occasion de pouvoir s’occuper de son propre familier, trop concentrée sur sa carrière.

    Et si…?

    Ses réflexions furent interrompues par le retour brutal à la réalité. Elles devaient retrouver le familier et ce n’était pas en restant plantée ici que la blonde allait aider. En l’espace de quelques secondes, Luz se retrouva sur le sol, avec un Alraqs déterminé à protéger sa maîtresse. Fort heureusement, elle n’avait pas été blessée et Ivara eut juste le temps d’apercevoir la masse ailée prendre un peu de hauteur.

    - Ici !

    Un dernier coup d'œil jeté à la rousse qui s’en sortait très bien et elle se trouva devant le cul-de-sac. C’est que l’animal était tenace et avait décidé de prendre un peu de repos là où on ne pourrait pas l’attraper. Mais Ivara était encore plus tenace. Instinctivement, elle trouva les prises nécessaires à son ascension et se retrouva en moins d’une minute sur le toit de la bâtisse. Ses prédispositions lui venaient du mercenaire, familiarisé avec cette gymnastique et qui y avait habitué le corps de la sculptrice en lui conférant davantage de force et de souplesse. Elle plaça une main sur sa poitrine en se rendant compte de ce qu’elle venait de faire. Elle qui préférait avoir les pieds sur terre se retrouvait maintenant quelques mètres au-dessus du sol. Son premier réflexe fut de s’accroupir pour essayer de se calmer et de chasser sa peur du vide. Elle ferma les yeux, priant Lucy d’être avec elle pour se déplacer sur ce terrain qu’elle ne connaissait pas.

    - Je… Tu peux venir ?

    Une tentative de communication avec Luz, toujours en bas. Elle avait abandonné les formules de politesse en la tutoyant, sans même s’en rendre compte. Elle était bien trop impressionnée par sa position.

    - Je… Je crois que je ne peux plus trop bouger mais je vois du sang, là ! Je crois qu’elle n’est pas loin…

    Un bruit sourd ponctua sa phrase. Un bruit qui ressemblait étrangement à un corps percutant les tuiles, par exemple. Effrayée pour la vie de l’animal, Ivara essaya de se relever pour se mettre en marche mais fut incapable de bouger d’un pas. Elle ne s’était jamais retrouvée aussi haut. Enfant, elle avait bien joué en grimpant aux arbres, mais ils n’avaient jamais été aussi grands. Du moins, dans ses souvenirs. Elle ne savait plus. Tout ce dont elle avait surtout conscience, c’est qu’elle venait de se mettre dans une fâcheuse posture et qu’elle n’avait rien sur elle pour la sortir de là. Tout son attirail magique était resté dans sa boutique.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Dim 29 Aoû 2021 - 19:29 #


    Zkdnodabdopdnpanjj, fut à peu près la seule pensée cohérente de Luz lorsque Ivara entreprit d’escalader la façade d’une bâtisse avec une grâce confondante. Ses mains trouvaient adroitement les prises, son corps n’hésitait pas, et ses pieds se posaient dans les interstices sans daigner glisser. Elle montait donc bien mieux que la grande majorité des Aventuriers que Luz connaissait ! Soit l’héritière Streÿk aimait un peu trop monter aux rideaux, soit elle s’adonnait à des passe-temps chargés en émotions fortes. Non pas que ces deux hypothèses soient incompatibles, d’ailleurs. Il était juste rare de croiser une amatrice d’escalade en plein cœur de la Capitale ! Refoulant ses drôles de pensées dépravées – pour être honnête, elle ne trouvait pas d’autre moyen pour évacuer l’adrénaline nerveuse du moment-, elle dut faire un léger pas en avant pour entendre les paroles qu’Ivara essayait de lui transmettre.

    Est-ce qu’elle pouvait venir ? Mais venir où ?

    … Bloquée, Ivara était bloquée, comprit Luz après un temps interminable de bouche ouverte sur du vide, brassant l’air de ses neurones égarés tant il lui paraissait impossible qu’une personne aussi adroite se retrouve bloquée. Bloquée sur un foutu toit à des mètres du sol. Par tous les artifices d’Helmex ! Mais pourquoi diable s’était-elle élancée vers cette position périlleuse avec l’entrain d’une enfant de cinq ans, s’il s’agissait de ne pas finir son œuvre ?! Ainsi donc, même les artisans incroyablement talentueux apprenaient parfois à mettre le lait avant les céréales… Ou monter un mur avant de savoir le descendre.

    « … Ne… Ne bouge surtout pas ! lui cria Luz en s’ébrouant pour se sortir de sa torpeur. »

    Elle s’était saisie sans réfléchir du tutoiement, s’accordant à merveille au phrasé de la blonde du fait de l’inquiétude croissante dans ses veines. Si Ivara venait à tomber d’une telle hauteur… Si elle paniquait, glissait sur les tuiles… Il avait plu récemment non ? Le toit devait encore être glissant, recouvert d’une surface huileuse de poussière et d’humidité mêlées. Grand dieu. Allait-elle se faire enfermer pour meurtre ? Ivara avait-elle des enfants, quelque part, qui la maudirait sur sept générations pour avoir entrainé leur adorable mère dans un tel drame ?

    « Bordel. Bordel de… »

    Après un regard affolé jeté en tous sens au travers de la ruelle vide – guère plus qu’une poignée de déchets et autres caisses à moitié pourries -, Luz se résigna à utiliser sa magie. D’office, l’électricité fut exclue. Elle ignorait si l’humidité serait suffisante sur le toit, mais elle ne désirait pas courir le risque de tuer tout le monde à cause d’une malheureuse téléportation. Ah, elle le voyait, ce joli titre de presse : L’héritière Weiss tue par jalousie la réputée Ivara Streÿk : un shupon grillé retrouvé sur un toit. L’identité de leur amant demeure inconnue.

    « Je vais matérialiser une plateforme, attends ! »

    Elle puisa dans la magie de Métrique, et tâcha de focaliser son attention sur le rebord du toit près duquel se tenait la jolie blonde, tentant de positionner le champ de force bleu irisé juste sous la gouttière. La priorité était de sécuriser sa position. Les sourcils froncés par l’effort, Luz invoqua une seconde plateforme, qu’elle déplaça mentalement quelques centimètres sous la seconde. Elle fit de même avec une troisième plaque, créant une sorte d’escalier géant, lisse et handicapé. Les ébénistes devaient actuellement se retourner dans leur tombe.

    ¤ Pas bouger ! intima-t-elle à Alraqs en se hissant sur la première plaque. ¤

    Merde merde merde. Satanée tenue pas du tout adaptée ! C’est à cet instant précis que la toiture choisit d’émettre un long grincement de mauvais augure, semblable à la mâchoire d’une personne âgée en train de se déchausser. Oh et puis zut !

    « Attrape le shupon !! hurla Luz à Ivara, plongeant derechef dans la magie de Nuit Agile. »

    Sa silhouette se froissa, comme parcourue d’une vibration intérieure, et son dos se para de deux immenses ailes à l’instant précis où elle se propulsait d’une détente dans les airs. Si son vêtement n’apprécia absolument pas la manœuvre, cela lui permit au moins d’attraper au vol sa casse-cou d’artisane par les épaules, une fraction de seconde avant que les tuiles ne se résorbent sous elle. Elle serra les dents sous l’effort, Nuit Agile n’étant pas réellement conçu pour porter une personne supplémentaire, parvenant in extremis à les déposer sur la première plaque de Métrique à proximité.

    « Est-ce que… Est-ce que tu vas bien ? articula-t-elle, essoufflée. Le… Le shupon ? »

    Au travers du trou nouvellement formé dans la toiture, un quinquagénaire stupéfait leur retourna un regard dépassé, une main figée à mi hauteur tenant toujours le balais avec lequel il venait d'enlever deux toiles d'araignée du plafond.

    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Dim 17 Oct 2021 - 12:27 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    Bouche bée, l’homme observait le trou dans la toiture, sans savoir ce qui s’était passé avant et qui en était le responsable. Tout au plus avait-il pu apercevoir des formes colorées mais indistinctes, qui s’étaient comme volatilisées un peu plus bas. Toujours armé de son balais, il commença à jurer et à brandir son instrument de combat, menaçant les gougnafiers coupables de telles atrocités ! La blonde grimaça. Une douleur aux côtes l’empêchait de prendre la parole et de respirer correctement, sa poitrine se soulevait à un rythme effréné, résultat de l’adrénaline produite par son corps. Contre elle, un petit être rose assommé mais qui semblait dormir tant il était calme. Encore un peu engourdie, elle essaya quand même de se relever, avec l’aide de son nouvel ange-gardien, le médecin Luz Weiss. Pourquoi s’était-elle sentie pousser des ailes alors que ce n’était clairement pas elle qui en avait mais bien sa sauveuse ? Il lui fallut de longues secondes pour capturer un maximum d’informations avec son regard. Premièrement, elle était en vie.

    - Je… Je vais bien, oui… Merci. Ses yeux balayèrent l’air frénétiquement, à la recherche du shupon, avant qu’elle se souvienne qu’il était logé dans le creux de ses bras. Il… Il a l’air d’aller bien… Je crois…

    Avec ses paupières closes, il laissait même présager du pire. La sculptrice chercha un signe de respiration et, une fois trouvé, l’indiqua pour rassurer la manieuse de foudre. Il vivait toujours. Seul le toit avait été amoché.

    - Faut qu’on parte vite, j’ai cru l’entendre dire qu’il allait même chercher la garde…

    Et, autant dire que depuis quelques lunes, une part d’Ivara se méfiait de cette faction. Elles retrouvèrent à la hâte la terre ferme, avec un Alraqs ravi de les retrouver, chaque pas procurant un peu plus de souffrance à Ivara qui arrêta bientôt Luz. À chaque enjambée, elle avait veillé à ne pas secouer le petit être qui dormait contre elle, ce qui semblait être une réussite.

    - Juste une… Une petite pause… Je crois que je me suis salement cognée ici…

    Elle désigna sa hanche, se rappelant très bien qu’elle traînait de mauvais bleus depuis des jours, la faute à On-sait-Qui. Elle s’était probablement mal réceptionnée, rien de bien important. Elle pouvait continuer de marcher. La boutique n’était plus très loin. Elle adressa un sourire qui se voulait rassurant à Luz.

    - Incroyable, le coup des ailes et…
    - … Être obligés d’sacrifier la pause dej pour un trou dans un vieux bâtiment… Pfeuh.

    Ses yeux s’agrandirent comme des soucoupes. Elle espérait qu’elle n’avait laissé aucune traces derrière elles.

    - Les traces de sang, mince!, marmonna-t-elle à son acolyte en reprenant la route vers sa boutique. Ses lèvres se tordaient dans tous les sens pour contenir ses gémissements de douleur. En arrivant devant la boutique, elle essaya d’essuyer les traces de sang sur sa porte vitrée et la façade. Il n’y en avait pas beaucoup, tout au plus des empreintes de quelques centimètres à peine. Le shupon avait une petite taille. Elle fit rentrer le rärwuk et Luz à l’intérieur, confiant à cette dernière l’animal blessé qui ne s’était toujours pas réveillé.

    - Montons à l’étage, nous serons à l’abri des oreilles indiscrètes, indiqua-t-elle tout en fermant les rideaux du rez-de-chaussée. Derrière le comptoir. À gauche, les escaliers.

    Parce qu’à droite, c’était la pièce secrète du mercenaire et il avait installé un ingénieux système d’arbalète pour tirer sur quiconque essayait de forcer la porte. Ivara la talonna, maintenant sa hanche en continuant d’assurer à Luz que tout allait bien et qu’elle n’avait pas besoin d’être soignée. En réalité, elle avait surtout peur de ce que son corps pourrait dévoiler. Si elle devait révéler la zone blessée, comment expliquer les nombreuses contusions ? Toutes n’étaient pas liées au sauvetage et Luz saurait sûrement faire la différence.

    - Ne t’en occupe pas, tout va bien. Il vaut mieux le regarder lui, ou elle… Il n’a toujours pas ouvert les yeux depuis tout à l’heure. Je crois pas avoir vu le moindre verre dans sa chair…

    Inquiète, Ivara invita Luz à prendre place dans ses appartements. Ils étaient sobres, constitués d’un salon à l’ameublement basique et d’un coin cuisine. Trois autres pièces donnaient sur les commodités, la chambre et une autre pièce où Ivara aimait s’y perdre pour créer.

    - Je n’ai pas beaucoup de choses pour le soigner…, commença-t-elle à expliquer, ne sachant pas si Luz disposait du matériel nécessaire. Elle protesta même encore une fois lorsque Luz insista pour qu’elle s’occupe aussi d’elle. Le shupon était une priorité, autrement leur petite escapade aurait été inutile. Et puis, quitte à risquer d’avoir la garde sur le dos...
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mar 26 Oct 2021 - 11:29 #


    Cet endroit était un véritable labyrinthe ! La famille Streÿk possédait-elle l’entièreté du bâtiment ? Ce ne serait guère étonnant, après réflexion, compte tenu de leur popularité. Les artisans doués et reconnus obtenaient généralement une masse indéniable de cristaux de leurs clients, certains se déplaçant parfois du bout du continent pour passer commande. Luz elle-même ne pouvait nier que rien ne remplaçait le savoir-faire d’un excellent artisan, concevant difficilement la possibilité de devoir se passer de cuir ou d’armes de qualité… Elle s’était donc engagée dans les escaliers avec les prunelles grandes ouvertes sur une insondable curiosité, découvrant à l’étage un espace de vie supplémentaire. Son premier réflexe fut bien entendu de chercher les traces d’une éventuelle colocation, ce qu’elle échoua à trouver. Heh, la jeune sculptrice était-elle célibataire ? Si les rumeurs allaient bon train dans la Capitale, Luz prenait rarement le temps de leur prêter une oreille attentive. Restait qu’elle n’avait pas le souvenir d’avoir entendu quoi que ce soit sur l’héritage Streÿk relevant d’un potentiel mariage ou de détails croustillants. Sa curiosité portait de toute façon sur la nature du tempérament de son interlocutrice, et non sur ses goûts personnels. Une recherche spontanée d’éléments et de clés pour mieux comprendre la manière dont Ivara réagissait…

    « Ne t’inquiète pas, j’ai tout ce qu’il me faut. »

    Elle lui offrit un sourire qui se voulait rassurant, la fragile créature toujours pelotonnée dans le creux de ses mains. Veillant à n’aggraver aucune blessure, Luz s’installa sur la première chaise venue et déposa le pauvre shupon malmené sur ses cuisses.

    « Je ne suis malheureusement pas vétérinaire, mais je dispose d’un objet de pouvoir qui fonctionne sur tout être vivant blessé. »

    En espérant que cela suffise… Elle sortit de sa besace l’une de ses fioles de Vif'Éclat qu’elle maintint dans sa senestre, sa dextre délicatement posée sur le flanc de l’animal. Ses paumes s’embrasèrent d’un léger halo ambré tandis qu’elle puisait dans la magie de Vol vie, sondant la chair à la recherche des plaies à refermer et des ecchymoses à résorber. Les sourcils froncés par la concentration –elle n’avait effectivement pas du tout l’habitude de traiter des animaux-, elle poursuivit le fil de ses explications à haute voix à l’intention de la jolie blonde dont les traits étaient toujours tirés par l’inquiétude :

    « Tout va bien, mon objet fait correctement effet, je sens que cela fonctionne sans accroche. Il ou elle risque en revanche de souffrir d’anémie par la suite… Je demande à son corps un gros effort de réparation. Tu as de quoi lui donner à manger… ? Peut-être le garder ici quelques temps ? »

    Le concerné paraissait justement s’éveiller, toutefois plongé dans une torpeur caractéristique d’une certaine perdition. Cela ne l’empêcha nullement de sauter hors des mains de la praticienne, atterrissant en douceur sur le bois de la table. Elle imaginait sans peine combien le shupon devait être décontenancé, découvrant autour de lui un environnement auquel il n’était pas du tout habitué. Ou était-ce le contraire… ?

    « Au moins a-t-il cessé de voler dans tous les sens, remarqua Luz avec une pointe d’humour. »

    Ce qui, par association d’idée et parce que son regard avait été attiré par un infime mouvement d’Ivara, lui rappela l’état de cette dernière. Ah, l’artisane ne pourrait tromper ses années d’expérience ! Il y avait dans ces prunelles une douleur contenue et un effort concentré se lisait dans sa démarche. Impossible néanmoins de la convaincre de se laisser ausculter, Luz ne comptait plus le nombre de ses tentatives en ce sens… D’autant plus soucieuse, la rousse ne pouvait empêcher de multiples hypothèses de traverser son esprit. Soit Ivara avait été élevée à la dure et considérait comme une faiblesse de se laisser soigner, bien que ce trait de caractère soit plus souvent porté par les personnes d’âge mûr, soit l’héritière Streÿk souffrait d’une timidité démesurée. Etait-elle pudique ? Non, ses refus presque secs et trop fermes ne pouvaient être liés à cela. Ou… Luz s’assombrit un court instant, incapable de négliger la dernière option suggérée par ses expériences passées. Il était arrivé qu’une ou un patient refuse de se dévoiler en sa présence. Des gens dont le sourire masquait nombre de terreurs ainsi que les fers chauffés à blanc d’une relation malsaine… Les victimes de ces violences domestiques rivalisaient d’ingéniosité pour cacher aux autres les marques de l’évidence. Et protéger par ce biais leur bourreau.

    « Ivara… commença Luz d’une voix douce. Je te promets de ne plus insister après cette dernière tentative, mais je pense que tu devrais vraiment me laisser soigner ta blessure. Si tu ne souhaites pas enlever tes vêtements, je peux éventuellement juste regarder la zone concernée… ? »

    Elle s’était entièrement tournée vers elle désormais, parée d’une expression encourageante. Compréhensive.

    « Je suis praticienne de métier, tu sais, je suis soumise au secret professionnel et mes patients ont droit à la plus extrême des confidentialités. Si tu as besoin d’aide pour quoi que ce soit… Une oreille à laquelle te confier, un recours à trouver pour te sortir d’une… Situation difficile ou de proches… Compliqués, j’ai connaissance d’un grand nombre de solutions. »

    Qui avait levé la main sur la jeune femme et l’effrayait suffisamment pour qu’elle ne puisse se confier, si ce n’était même seulement soigner ses blessures ? Etait-ce un parent ? Un amant ? Un créancier qui la faisait chanter ? Ah comme Luz espérait pouvoir lui apporter une once de soulagement dans un quotidien vraisemblablement difficile !

    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Jeu 11 Nov 2021 - 14:35 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    Le petit être, soigné par un objet qu’Ivara n’avait encore jamais vu, était épuisé. Du moins, c’est ce que laissait trahir les faibles mouvements dont il faisait preuve. Bien qu’il fût sur la table en bois, il n’en bougea plus et se contenta de tourner lentement la tête à gauche, puis à droite, afin d’observer les lieux. La sculptrice se demanda aussi s’il avait faim et, en ce cas, quels étaient les aliments dont il pouvait bien se nourrir sans craindre d’aggraver son état. Elle n’était pas très versée dans la connaissance du monde animalier mais elle se souvenait posséder un bestiaire qui relatait la majorité des espèces connues dans le monde. Le bouquin était peut-être désuet et la créature n’y figurait peut-être même pas, mais il ne lui coûtait rien d’y jeter un coup d'œil.

    Elle s’était donc levée pendant que Luz rangeait ses fioles aux couleurs éclatantes, lui signalant qu’elle allait chercher ce qui lui conviendrait le mieux en se déplaçant jusqu’à la petite bibliothèque qu’elle possédait. Il n’y avait pas un flot d’écrits, et beaucoup étaient en réalité des carnets de croquis et de dessins pour ses sculptures. Son index effleura les côtes des ouvrages, jusqu’à s’arrêter sur des lettres d’or. Ce livre lui avait été offert par ses parents lors de son dix-huitième anniversaire, pour stimuler sa créativité puisqu’elle n’était jamais sortie de sa bourgade et, par la suite, de la Capitale et de l’atelier de son père. C’est là qu’elle avait puisé l’inspiration pour réaliser une sculpture de mist, une créature qui l’impressionnait beaucoup et qui lui avait demandé des mois de travail pour reproduire sa fumée caractéristique. La remarque de Luz sur l’état de la petite bête la fit sourire avec amusement. Tant qu’il ne volait pas, il ne se blesserait pas.

    Elle ouvrit rapidement le bouquin et feuilletta la table des matières pour trouver la catégorie des « familiers ». Ivara l’imaginait mal être un animal non domestiqué, surtout au vu de ses réactions et de l’étrange familiarité qu’il semblait avoir avec l’environnement humain. La blonde revint prendre place sur le canapé, tournant les pages du chapitre visé une à une. Les dessins étaient d’une précision remarquable et ressemblaient en tout point à la réalité, en témoignait celui du Rärwuk.

    - Je suis déjà à la lettre R, mais où te caches-tu, petit animal… ?

    Entièrement plongée dans ses recherches, elle releva subitement la tête lorsque la praticienne reprit la parole. Ivara, prise de court, ne put cacher la pointe d’hésitation qui traversa son regard. Elle baissa de nouveau la tête vers le bouquin, entamant ses recherches dans la lettre S, et ne la releva que vers la bestiole pour la mirer sous tous les angles. Le dilemme était trop important et, surtout, la prenait par surprise. Retirer ses vêtements signifiait devoir trouver une explication à tous les coups sur son corps. Le regard inquiet de Luz et la bonté dont elle faisait preuve lui laissait aussi entendre qu’elle chercherait probablement à la mettre en lien avec les autorités compétentes pour ce genre de faits… Qui étaient faux. Personne ne levait la main sur elle. Enfin, techniquement.

    Et si les agissements d’Inaros sur son pauvre corps était, en réalité, ceux d’un homme levant la main sur une femme ?

    Le doute, pernicieux, s’instilla dans son esprit et elle ne put s’en débarrasser. Le livre chuta sur le sol tandis qu’elle venait de le lâcher et ses yeux s’embuèrent. Cette prise de conscience, douloureuse, éveillait tout un tas d’émotions chez la jeune femme contre lesquelles elle n’arrivait pas à lutter. Les larmes coulèrent sur ses joues et se transformèrent bien vite en torrent qu’elle chercha à réprimander sous ses manches salies par la terre et la poussière.

    - Je… Non, c’est rien, rien du tout… hoqueta-t-elle en se baissant pour ramasser le bestiaire qui était tombé de tout son poids sur ses orteils.

    Elle ne savait plus où se mettre devant Luz et la petite créature qui avait relevé la tête vers Ivara pour la regarder. Intrigué par sa tristesse, il sauta sur les genoux de la sculptrice et frotta, aussi vivement qu’il le pouvait au vu de son état, sa petite tête sur l’abdomen d’Ivara. Surprise, elle baissa la tête et chercha à calmer ses pleurs qui avaient redoublé à cause de ce simple contact.

    Seule. Si seule depuis des mois.

    Une oreille à laquelle se confier. C’était ce dont elle avait besoin.

    - Je… Je...

    Par où commencer ? Que dire ? Que révéler ?

    - Il y a quelqu’un d’autre dans mon corps et je ne sais pas comment m’en débarasser.

    Elle l’avait dit d’une traite et en mâchant ses mots, ce qui avait plutôt donné un « yakekundanmonkoréjeucpakomanmandébarac. » ; avait-elle bien fait ? Elle qui, durant des lunes, avait soigneusement caché la vérité, jusqu’à mentir à sa propre cousine. Sa famille, son sang. Elle qui, durant des lunes, n’avait pas rendu visite à ses parents pour se cacher, qui avait toujours trouvé une entourloupe pour expliquer son état.

    Elle venait de tout révéler.

    Et elle avait la désagréable impression que le mercenaire les entendait et qu’il jetait un regard rempli d'opprobres à la demoiselle.

    Serait-elle crue ? Ou exclue ?

    Elle venait de se rembrunir. Non, elle allait passer pour une véritable folle et perdre un accord commercial qui aurait pu la propulser dans sa carrière. Elle pourrait dire adieu à tous les autres contrats qu’elle aurait pu établir grâce à ce partenariat. Tout ça à cause de ce truc qui se frottait contre elle ! Elle attrapa sa tête et secoua sa tête. Non. Ce n’était pas à cause de cette petite bête. Elle n’y était pour rien. Inaros pensait comme ça. Pas elle.
    Puis, lentement, son regard se planta dans celui de la rouquine bienveillante pour connaître son jugement. Un frisson traversa son corps. Elle avait peur. Elle était terrifiée. Pourtant, un contact lui permettait aussi de garder pied avec la réalité : la main qu’elle avait posée sur le corps en apparence fragile du petit être lové sur ses genoux. Elle ne s’en était même pas rendue compte.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Jeu 25 Nov 2021 - 18:58 #


    Si Luz fut surprise par la réaction d’Ivara, elle n’en laissa rien paraitre. L’hésitation tout d’abord, le barrage qui déborde, ce frisson qui saisit de la tête aux pieds comme la vague d’un haut le cœur, force à recracher sa douleur par trop longtemps contenue… Elle l’avait vue se briser, cette crête écumeuse, des centaines si ce n’était des milliers de fois. A l’annonce du décès d’un proche, d’une vérité trop dure, trop crue, face à laquelle ses patients étaient désarmés. L’impuissance d’une âme épuisée, rongée par ces longs mois passés à griffer les murs d’une conscience trop étroite, un monde étriqué dans lequel ils se voyaient enfermés contre leur gré. En revanche, elle ne fut pas certaine de comprendre tout à fait la révélation de la sculptrice. Quelqu’un d’autre dans son corps… ? S’agissait-il d’une possession ? Une malédiction ? Ou la torture magique d’une personne bien en vie dont le pouvoir consistait à se projeter dans l’enveloppe charnelle d’autrui ? Luz était ignorante en ce domaine, n’ayant pour unique exemple que les capacités d’Aord, seule personne qu’elle connaissait en mesure de ramener les morts. Qui plus est, cet être éthéré qui s’accaparait si indignement le corps de la jolie blonde paraissait être source de souffrance et de maux physiques, sans quoi Ivara n’aurait jamais refusé son auscultation de prime abord. Quel genre de fantôme était capable d’impacter directement les vivants… ? Elle chassa l’aune de ce mystère d’un revers de poignet mental. Il y avait plus important et plus urgent que cette équation scientifique.

    Elle se glissa aux côtés d’Ivara avec la spontanéité d’une mère, un faible espace les séparant, désireuse de ne pas l’écraser par sa présence. Elle avait levé sa dextre, et la pulpe de son pouce passa avec douceur sur la pommette de la jeune femme, chassant la poussière terreuse et humide qu’elle y avait précédemment étalé. Du bout des doigts, sa main poursuivit sa course, replaçant une mèche d’or derrière une oreille, un geste léger comme une aile d’hirondelle. S’il fallait soutenir ce visage, l’aider par sa chaleur à se recomposer et à ramasser les morceaux éparpillés d’elle-même… Nul sourire sur ses lèvres, mais le vert lagon de ses prunelles pour seule arme, la quiétude apaisante d’un lac de montagne. Tendrement, parce que ce bout de femme faisait vibrer quelque chose de sensible en elle, éveillait son désir de protection, Luz vint entourer de ses bras la chétive silhouette d’Ivara en une bienveillante étreinte, veillant à lui offrir la possibilité de se dégager si elle le souhaitait. Elle pouvait percevoir la force qu’elle contenait toutefois, cette endurance colossale qui l’avait poussée à tenir esseulée autant de temps durant, un combat acharné contre ses propres démons dont peu de gens étaient capables en ce monde… Comment tenait-on lorsqu’il n’y avait plus d’intimité, plus de corps à soi, plus d’identité unique ? De quelle manière se visualisait-elle, s’il n’y avait plus d’elle, mais plutôt un bourreau omniprésent ? Personne ne méritait un tel effondrement de soi-même, un destin si terrible qu’il ne subsistait plus qu’un effacement progressif, une violence généralisée.

    « Ça va aller, tout va s’arranger, lui chanta-t-elle, un murmure aux vaporeux contours de berceuse. Avec le temps, et de la patience, nous trouverons une solution… »

    Lorsqu’elle fut certaine que les sanglots de la sculptrice se furent un tantinet calmés, Luz recula pour mieux plonger le feu attentif de ses prunelles dans le regard changeant de son interlocutrice. Un pli soucieux avait désormais pris possession du coin de ses sourcils tandis qu’elle réfléchissait aux nuées d’interrogations et d’hypothèses qui peuplaient ses pensées. Il n’était néanmoins absolument pas question de brusquer sa blonde amie, ni même de lui imposer le moindre interrogatoire. Il s’agissait déjà proprement d’un miracle, la praticienne ne s’étant vraisemblablement pas attendue à obtenir des aveux aussi rapidement…

    « Merci de m’avoir confié cela… Je sais combien cela doit te peser, mais je ne suis et ne serai jamais ton ennemie. Je veux être ton alliée, et je ne te jugerai jamais pour quoi que ce soit et peu importe ce que tu es susceptible de me dire. »

    Elle avait brièvement pressé ses doigts entre les siens avant de relâcher sa main, espérant lui transmettre toute l’envergure de sa franche ambition. Le pli au coin de ses prunelles se creusa, car il lui paraissait important de prendre le temps nécessaire à ces précisions :

    « Sais-tu… Qui est dans ton corps ? Ce que te fait cette personne ? Est-ce qu’il te fait du mal actuellement ? Ou risque-t-il de s’interposer si tu veux me parler ? »

    Elle désigna derechef la boucle d’oreille qui contenait le pouvoir de Vol vie, son regard interrogatif explicitant sa pensée. S’il fallait agir immédiatement, Luz était en mesure de soulager ses douleurs, voire pouvait recourir à d’autres options si cela n’était pas suffisant. Etait-ce une magie qui œuvrait à distance ? Un pouvoir de contrôle qui permettait d’infliger des sévices n’importe quand n’importe où à la personne marquée ?

    « Ne te sens pas obligée de répondre à mes questions si tu ne le souhaites pas, je te promets de ne jamais insister. J’ignore également si cela peut t’aider, mais je dispose d’un Talisman d'Indépendance que je peux te prêter si tu crains que cette personne ne vienne te faire du mal dans l’instant… Son pouvoir n’est malheureusement pas absolu, mais il confère à son porteur une résistance accrue aux possessions et magies de contrôle mental. »

    Un objet que la sculptrice devrait s’empresser d’acheter à l’avenir si elle n’en possédait pas déjà un et que son agression était effectivement magique. Dans le cas contraire… Luz connaissait des patients dont l’esprit se révélait généralement dévasté par un traumatisme ou une condition physique particulière. Peut-être qu’à la place d’un enchantement, Ivara faisait face à un trouble psychologique tendant vers la schizophrénie ? Impossible de le dire sans indication de sa part ! Au moins avait-elle mis la main sur un fidèle compagnon, à en croire les efforts évidents du shupon qui s’était lové sur ses genoux…

    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mer 8 Déc 2021 - 16:09 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    Elle avait la désagréable impression que quelqu’un avait pris ses boyaux et s’amusait à les tordre dans tous les sens, ou bien même que son cœur était transpercé de centaines de petits coups de poignard. Le flot de ses larmes ne tarissait pas. Il ne laissait ancré en elle que des sentiments négatifs, dont la peur. Cette peur qui la tenait au ventre tous les soirs lorsqu’elle s’endormait, sans savoir si elle se réveillerait la prochaine fois. Et si tout s’arrêtait ? Et si l’esprit du mercenaire l’emportait ? Et s’il se faisait tuer ? Et si ? Et si ? Elle tremblait de la tête aux pieds et le shupon, sur ses genoux, levait vers elle des yeux emplis de tendresse - du fait de sa nature -. Il cherchait à comprendre pourquoi l’être humain était dans cet état et, comme s’il réussissait à établir certaines connexions petit à petit, il essaya de donner de nouveaux petits coups de tête contre l’abdomen de la blonde. Puis, la rouquine se plaça à son tour sur le canapé et le shupon se contorsionna pour ne pas être écrasé et toujours profiter de la chaleur réconfortante des deux corps. La sculptrice, elle, se laissa porter par cet élan bien venu. Elle hoqueta une nouvelle fois, s’étranglant à moitié en essayant de calmer ses pleurs et décida de ne plus lutter et de se laisser aller. Juste une fois. Une seule fois…

    Elle poussa un soupir, mélange de soulagement et de désespoir mêlés. Sa tête tomba lourdement sur l’épaule de la praticienne et elle se laissa bercer pendant de longues minutes. Elle se calma au bout de longues minutes, constatant non sans dégoût, qu’elle avait tant pleuré qu’elle avait maintenant la goutte au nez et ses yeux, non seulement étaient devenus rouges, mais avaient en plus gonflés. Elle glissa une main dans sa poche, récupérant un morceau de tissu qui lui servait de mouchoir et l’utilisa pour essuyer le bout de son nez et se débarrasser de ses mucus. Ce n’était pas très glamour mais elle n’était plus vraiment à ça près désormais. Et puis, Luz était médecin, elle devait en avoir vu passer des vertes et des pas mûres.

    - Je sais pas si y’a une solution… réussit-elle à articuler au bout d’un long moment.

    Elle s’était petit à petit détachée de Luz pour la regarder. Ses deux poings, qui serraient son mouchoir, étaient posés sur ses genoux et, vu de loin, elle semblait être une véritable poupée de porcelaine. Un seul petit geste aurait suffi à la briser en mille morceaux, dispersés ici et là dans son modeste appartement. Elle mit du temps à calmer ses tremblements et à réussir à faire passer ses hauts-le-cœur. Heureusement qu’elle n’était pas enceinte, hein ?

    - Il… Ses sourcils se froncèrent tandis qu’elle essayait de répondre dans l’ordre aux questions de Luz. J’en ai un. De talisman. On m’en a déjà conseillé mais ça fait rien. La magie… Est très puissante, je crois.

    Elle ravala de nouvelles larmes. Elle en avait vu, du monde pour essayer de la sortir de cette situation. Du moins, autant qu’elle avait pu du fait de sa position géographique et des vingt-quatre heures qu’elle possédait tous les deux jours. Qu’ils soient charlatans ou non, aucun n’avait été en mesure de résoudre son problème.

    - Il n’est pas là. Il ne sera pas là avant demain. Et moi, je ne serais pas là, expliqua-t-elle à demi-mot. Elle avait du mal à l’expliquer réellement à quelqu’un d’autre. C’était déjà assez inimaginable pour elle, même dans le monde dans lequel ils évoluaient. C’est… Je ne sais pas ce que c’est. J’ai cru comprendre qu’il avait un autre corps, avant. Une autre vie. C’est un mercenaire, tu le crois toi ? Elle renifla, un faux rire lui échappant. Ça veut dire qu’il a… Qu’il a utilisé mon corps pour faire des choses horribles. Je me sens si… Si sale…

    Et la crise redoubla d’intensité. Elle tremblait de la tête aux pieds et elle sentait ses dents claquer l’une contre l’autre. Mettre des mots sur certaines choses était, bien souvent, un moment douloureux. Le shupon émit alors un petit bruit, qui lui était propre, et Ivara, surprise, baissa les yeux vers lui et ses muscles se détendirent un peu plus. Elle posa sa main sur sa tête et la gratouilla.

    - Excuse-moi, ma toute belle… Tu as subis plein de choses et je suis là à me lamenter… Elle regarda ensuite Luz et reprit la parole. Excuse-moi aussi. Et… Merci. Merci de m’écouter et d’essayer de comprendre. Je… Je n’en ai jamais parlé à personne. Tu es la première. Enfin, vous êtes les premières.

    Et elle en raconta un peu plus à sa nouvelle alliée. Elle lui narra la journée où elle s’était rendue chez Kathemia Lehnsherr, et où elle avait assisté à un matricide. Elle expliqua comment elle avait essayé d’arrêter l’individu, les mains couvertes du sang de sa propre mère, avant de tomber dans les pommes et de se réveiller, des jours plus tard, avec la terrible découverte… Il habitait aussi son corps. Elle n’en était plus la seule propriétaire. Le jeune homme avait été déclaré mort et, tandis qu’ils avaient essayé de coopérer les premières semaines, Ivara en avait eu marre et avait vrillé. Elle lui retraça son quotidien, lui confia ses doutes et ses inquiétudes sur son avenir.

    - Enfin, voilà… Tu sais à peu près tout, Luz.

    Au fur et à mesure qu’elle parlait, elle s’était calmée et avait repris du poil de la bête. Le shupon, après s’être intéressé aux deux jeunes femmes, avait fini par trouver sa place sur l’épaule d’Ivara ; maintenant qu’elle ne tremblait plus, l’endroit semblait bien plus confortable.

    - Il faudrait te trouver un petit nom, à toi… pensa-t-elle à haute voix, avant d’enchaîner. J’ose espérer que… Que tu ne me prends toujours pas pour une folle. Je n’ai vraiment rien inventé… Même Nessa, ma petite apprentie, n’en sait rien. Mais elle m’aide à tenir la boutique quand… Quand je ne peux pas.

    Elle ignorait combien de temps s’était écoulé pendant son récit. Quelques minutes ? Des heures ? Son estomac gronda et elle posa sa main dessus pour le faire taire.

    Et puis… Toujours la sensation que le mercenaire la regardait… C’est alors qu’elle s’exclama.

    - Oh non ! Luz j’ai fais une bêtise !!! Plus… Plus je te parle et plus il sait… Il va savoir que tu sais. Oh non, oh non… Qu’est ce que j’ai fais… Elle attrapa sa tête dans ses mains en la secouant dans tous les sens. Elle connaissait les méthodes d’Inaros : il tuait ceux qui en savaient trop. Elle se remit à pleurer.
    Luz WeissCroc de foudre
    Luz Weiss
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mer 15 Déc 2021 - 19:13 #


    Durant tout le temps que s’était écoulé son récit, Luz n’avait bougé ni émis le moindre mot. Par crainte, principalement, que la blonde se souvienne de sa présence et ne change brusquement d’avis, jaugeant que maintenir son secret valait mieux que d’épancher sa peine. Outre le désir évident et prégnant de l’aider, la praticienne sentait également poindre l’aiguillon familier de sa curiosité : quelle sibylline situation ! Gagnait-elle la palme de la bizarrerie ? Assurément non, Luz avait vu plus que son content d’incidents absurdes au cours des précédentes saisons chaudes, la magie d’Aryon semblant favoriser cette période de l’année pour une poignée de jolis débordements. Pour autant, aucune de ces surprises au goût âpre n’avaient perduré dans le temps, toutes trouvant une évidente solution après quelques efforts et une once de recherches. Or, la colocation au sein du corps d’Ivara avait soufflé sa première bougie. Et ne paraissait pas présenter de résolution apparente. Quel spectaculaire détour devait avoir pris l’existence d’Ivara ! Quelle force profonde lui avait donné le courage de poursuivre sa vie quotidienne, de s’accrocher à son identité avec l’obstination d’une âme blessée ? Peu de gens auraient été capables d’une telle prouesse, prouesse qui avait visiblement rencontré un certain succès puisque personne jusqu’à ce jour n’avait mis le doigt sur la supercherie. Et si ses épaules se gondolaient à présent d’un chagrin horrifié qui dépassait la simple tristesse, la sculptrice était parvenue à conserver une part de son équilibre mentale, pour preuve de la discussion qu’elle entretenait présentement avec la praticienne… Cela seul méritait une conséquente part de son respect.

    « Je te crois. Je te crois entièrement, s’empressa de la rassurer Luz, frottant doucement le dos de son interlocutrice dans un lent mouvement réconfortant. »

    Elle n’avait pas fui. N’avait pas disparu aux confins du continent et s’était au contraire accrochée aux fragments qui la rattachaient à son passé. Son existence en tant qu’Ivara Streÿk, une sculptrice de talent qui n’hébergeait aucun mercenaire à l’arrière de sa conscience. Combien devait-il être difficile de voir ses propres parents ne pas deviner l’escarre qui vous dévorait le cœur, et songer, chaque terrible fois, à combien il serait aisé pour cet autre de les assassiner… ? Et, tandis que cette pensée effleurait Luz, une autre perçait son effroyable chemin chez son interlocutrice. Son cri manqua faire sursauter la praticienne dont les yeux remontèrent vivement s’ancrer aux siens, un air de prime abord interloqué sur le visage. Il… Saurait ?

    « Oh… »

    Alors, l’onde d’un froid glacial longea ses entrailles, un goût de fer dans sa bouche. Ses lèvres s’étaient étirées en une fine ligne carnassière, un trait de sang soudain animal, hostile, qui gangrenait ses prunelles d’éclats métalliques.

    « Je ne suis pas une menace. Qu’il vienne toutefois, et il n’aurait qu’une seule chance. »

    Elle était presque envieuse, tout à coup, d’une visite impromptue du mercenaire dans ses quartiers. Elle ignorait, bien sûr, qu’il possédait des compétences et des talents bien à lui et que son approche ne serait vraisemblablement pas frontale… Pour autant, un assaut direct contre sa personne déclencherait un innommable incendie à l’échelle du Royaume. Car la Volière aux Dragons abritait davantage de son humble personne, et les espions composant sa famille étaient particulièrement nerveux suite à la dernière insurrection de la Cabale. S’il avait un tant soit peu de jugeote et d’aptitude de recherches, il n’irait pas tâter la queue du dragon. Aussi vite que ce trait sanglant avait traversé son visage, elle en chassa les échos pour retrouver son apparente chaleur, par trop consciente d’avoir réchappé de multiple fois à quantité de menaces pour songer plus intensément à sa mort potentielle :

    « Ivara, regarde-moi, l’encouragea-t-elle d’une voix douce. Que l’on soit bien claires, toutes les deux, tu n’es et ne seras jamais responsable de ce qu’il pourrait m’arriver. Je n’en ai pas l’air, mais je possède aussi de quoi me défendre… Et quand bien même cela devrait se produire, il trouverait sur son chemin une fort mauvaise surprise. »

    Avait-il connaissance des mots qu’elles s’échangeaient ? Entendrait-il ces informations qui avaient davantage valeur d’affirmation que de menaces voilées ? Luz recula, laissa filer un lent soupire sur ses lèvres, passant une main dans ses longs cheveux flammes pour réfléchir plus posément aux éléments dont elles disposaient.

    « Je n’ai pas l’intention de vous mener la moindre croisade tant que vos vies seront liées, je veux uniquement te protéger et t’aider si j’en ai les moyens. Et, par extension… Je veux que tu m’écoutes attentivement. Regarde ce shupon, entre tes mains. Peux-tu m’affirmer là, sur ce canapé, que tu es responsable de ses précédentes blessures ? »

    Ce faisant, elle gratouilla du bout des doigts le museau de l’adorable créature qui s’était si naturellement lovée sur les genoux de la sculptrice.

    « Non, ce n’est pas le cas. Il s’est blessé dans sa propre panique, et ce n’est qu’une coïncidence si ta boutique a été l’instigatrice de cette panique. De la même manière, tu ne seras jamais responsable des actes de ce mercenaire, peu importe avec quel corps il réalise ceux-ci. Seule sa volonté entre en ligne de compte lorsqu’il est aux commandes et nul ne peut t’en tenir rigueur. Peux-tu empêcher le soleil de tourner, le temps d’avancer ? Non, Ivara. Tu dois te concentrer sur ce qui est à ta portée, car un changement aussi infime soit-il est déjà une avancée. Tu dois déjà te reconstituer, accepter ton chagrin, progresser pas à pas. Cela prendra du temps, mais tu y arriveras – tu y arriveras ! »

    Elle se fendit d’un sourire franc, et désigna d’un geste délié le shupon inquiet :

    « Heh, je n’ai pas de meilleur argument que cette petite mère. Selon toi, une créature aussi fragile et trouillarde prendrait-elle le risque de se laisser aller aux caresses d’un monstre ? Cette salissure que tu penses voir ne peut en réalité s’ancrer dans ton âme tant que tu lui tiens tête. Tu restes quelqu’un de bon, n’en doute pas, autrement tu ne ressentirais pas cette culpabilité qui te taraude. »

    Les assassins et les psychopathes fondaient rarement en larmes à cause de méfaits commis. Tant que perdurerait cette flamme d’humanité en elle, Ivara ne se perdrait guère dans l’obscurité.

    « Ce qui me fait penser… Ces incantations qu’il a prononcées ce lointain jour, elles étaient écrites sur un papier ? Un artefact ? Cela pourrait constituer un bon élément de départ pour trouver ta solution… »


    Ivara Streÿk& Inaros
    Ivara Streÿk
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
    Mer 19 Jan 2022 - 21:08 #

    L’intari-sable souffleuse de verre

    Ivara


    La voix de la praticienne était apaisante, tout comme la présence du petit être multicolore sur ses genoux. Les paroles réconfortantes de Luz achevèrent de tarir le flot de ses larmes. Ses yeux étaient creusés par les pleurs et la fatigue. Elle chercha un morceau de tissu dans ses poches pour s’essuyer le nez une nouvelle fois et éviter de renifler pendant tout le discours de la belle rousse. Ça aurait fait tâche, sinon. Même si elle ne lui en aurait probablement pas tenu rigueur. Il émanait d’elle une bonté d’âme qu’il était bien rare de voir en ce monde. Ou alors les deux jeunes femmes étaient-elles très bien tombées l’une avec l’autre et, qu’en réalité, Luz s’amusait à torturer des petits shupons pendant son temps libre ou à mélanger les doses de ses patients pour les voir souffrir. « Impossible », lui souffla son sourire franc.

    Ses nombreux arguments avaient aussi fait leur petit bonhomme de chemin dans l’esprit de la blonde. Luz avait l’air d’être une femme également pleine de ressources. Elle se souvenait des plaques qu’elle avait créées pour venir la chercher sur ce toit - pauvre monsieur! - et, cette faculté était bien utile pour se sortir de situations plutôt périlleuses, loin des activités qu’on trouve habituellement dans un hôpital. Peut-être qu’elle ne torturait pas des familiers pendant son temps libre, mais elle ne devait probablement pas non plus faire du tricot ou bouquiner au coin du feu. Ou alors, cette hypothèse n’était pas à exclure, elle était très bien entourée et, si Inaros tentait quoi que ce soit contre elle, il en verrait de toutes les couleurs.

    Qu’importe, Ivara était un peu plus rassurée sur ce point et, plus important encore, quelqu’un lui montrait que le sang sur les mains d’Inaros n’étaient pas sur ses mains à elle. Alors, oui, techniquement c’était le cas. C’était bien pour ça qu’elle avait ce ressenti depuis si longtemps, mais, comme Luz le disait, le shupon serait-il là, à se laisser dorloter, s’il sentait que cette main pouvait, allait, le blesser ? Elle inspira à plusieurs reprises, avant de prendre le temps de répondre.

    - Je… Je ne sais plus. Je crois que oui. Que… Je me vois au sol et je vois ses lèvres bouger, mais impossible de savoir ce qu’il dit.

    Elle se leva, n’oubliant pas le petit familier qu’elle posa délicatement sur son épaule. Un peu fébrile au début, il trouva néanmoins un bon point d’accroche sur celle-ci et, tel un pausechamp, tendit le bout de son nez vers l’extérieur pour voir ce qui se passait. Ses mains désormais libres, la sculptrice essaya de bouger ses mains pour se rappeler davantage la scène.

    - Il avait un bout de papier dans les mains… Hmm… Mais rien de particulier dessus… Puis je me suis réveillée bien après…

    Elle tentait de creuser au fin fond de sa mémoire mais l’épuisement mental et physique était bien trop important et, plus elle essayait et moins elle y arrivait.

    - Barf, j’arrive plus à réfléchir. La journée a été un peu longue et plus éprouvante que prévue… expliqua-t-elle en ponctuant sa phrase d’un petit rire. Elle était redevenue un peu plus joyeuse. Je pense que je vais essayer d’y réfléchir dans les prochains jours. Histoire de voir si on peut mettre la main sur quelque chose… D'autres Je crois qu’il essaie aussi, de son côté, de trouver des trucs.

    L’Ordre des Célantia. Les artefacts. Doucement, mais sûrement, les choses progressaient de ce côté-là. La sculptrice ne pouvait pas en parler, dès qu’elle essayait, elle se sentait prise de haut-le-cœur et éprouvait comme une furieuse envie de couper sa propre langue. Certains sentiments d’Inaros étaient bien plus forts que les siens, particulièrement lorsqu’il s’agissait du projet dans lequel il avait mis tant de coeur.

    La discussion se poursuivit encore quelque temps, la blonde retrouvant le chemin vers son canapé et le shupon décidant d’aller se reposer sur l’accoudoir de celui-ci. Lové sur lui-même, il semblait s’être endormi, bercé par les voix des deux jeunes femmes.

    - … C’est une femelle, non ? Avait questionné Ivara, croquant dans un morceau de cookie qu’elle avait sorti de son placard. Elle avait dardé son regard sur le faciès de Luz, attendant un signe de sa part qui la plongea dans une réflexion silencieuse. Il lui fallut une bonne petite minute avant de reprendre. Je vérifierai demain si elle n’est pas portée disparue. Je ne voudrais pas que quelqu’un soit séparé de… Oh mais, regarde-la, elle est si pipou, là, en train de dormir… Elle poussa un petit soupir, attendrie. Si jamais elle m’accepte toujours demain et qu’elle n’est pas portée disparue… Je pense que je l'appellerai Néa.

    Ivara ne le savait peut-être pas encore, du moins pouvait-elle le deviner après ce qu’elle venait de vivre avec Luz, mais elle venait de se faire non pas une, mais deux nouvelles amies. Et ça, Inaros ne pourrait rien faire contre.
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    Re: L'intari-sable Souffleuse de verre
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