Cette semaine, Meira l'avait attendu avec beaucoup d’enthousiasme. Il y a quelque temps, Sofia, son aventurière chouchoute à la taverne, lui avait indiquée qu'elle serait de retour durant cette période. Un laps de temps de sept jours qui passaient avec grande lenteur tellement Meira y pensait. Pourquoi autant d'engouement ? Car Sofia était la figure d'une femme forte et indépendante. Forte, Meira l'avait toujours été, indépendante en revanche... Aussi car Sofia avait toujours quelque chose d'intéressant à raconter, mais plus particulièrement car elle savait aussi écouter. C'était ce qui avait rapproché les deux femmes vers une certaine amitié. Aucun quiproquo à ce sujet puisque Meira n'était attirée que par la gente masculine et que Sofia avait une compagne. Ainsi, les choses n'auraient pas pu être plus simples. Au fur et à mesure de temps et des visites de Sofia à la taverne où la patronne finissait trop souvent à boire et festoyer avec elle, le sujet fâcheux de la dette fut mis sur le tapis. Meira avait des problèmes. Six années à rembourser une dette auprès du Créancier, un criminel notoire, dangereux et avec un réseaux assez vaste pour vous retrouver n'importe où. Meira ne connaissait pas son vrai nom et ne savait d'ailleurs que cela à son sujet en plus d'avoir déjà, à regrets, vu son visage à plusieurs reprises. Lorsqu'elle avait entièrement remboursé sa dette, le Créancier ayant développé un intérêt à son égard, avait décidé qu'il ne la laisserait pas partir ainsi. Il lui avait fait comprendre qu'il voulait plus d'elle et ce "plus" était un héritier. Pourquoi elle ? Elle se le demandait encore. Bien sûr, il s'agissait d'une pression psychologique qu'il exerçait sur elle. S'il l'avait voulu, il aurait déjà pu briser la nuque de la tavernière plusieurs fois tout en s'en sortant à bon compte. Il lui faisait peur et elle avait raison d'avoir peur.
Sofia avait pris la nouvelle comme quiconque la prendrait dans un premier temps, puis elle s'était montrée... véhémente. Chose que quiconque n'aurait pas faite. Elle se sentait apparemment concernée par l'affaire qui touchait autant et de manière négative la propriétaire. Depuis, elle avait offert ses services à Meira qui hésitait encore. Elle avait peur que cela ne remonte aux oreilles du Créancier et qu'il ne leur coupe l'herbe sous le pied avant que l’aventurière ne passe à l'action. Ainsi, Sofia en savait assez, mais à la fois trop peu pour agir sans de plus amples informations de la part de Meira. Parlerait-elle enfin ? Elle voulait éviter ce genre de confrontation et l'heure n'était pas à cela. Elle voulait d'abord accueillir celle qu'elle considérait de près comme une amie comme il se doit.

"L'heure est

aux retrouvailles"

Avec Meira

J'étais de passage, à la Capitale. Je venais de terminer une petite affaire au Port et je voulais m'arrêter en ville un jour ou deux, le temps de me reposer, de refaire le plein. Ensuite, direction le Village Perché pour retrouver ma chérie, ma maison et ma petite vie tranquille, quelques jours, avant de repartir à l'aventure. Ainsi était rythmé ma vie, depuis plusieurs années. Et comme toujours, une fois arrivée à la Capitale, je commençais ma traditionnelle tournée des tavernes. Et, dans chacune d'elle, j'avais un fidèle frère -ou sœur- de beuverie. Et à chaque fois, je m'éclatais. Ou j'éclatais les autres. En fonction de l'ambiance... Ca pouvait vite tourner à la baston, pour une main mal placée, un mot plus haut que l'autre. Mais sinon, c'était chant, danse et histoire autour d'une mousse.

Mais s'il y avait bien une chose qui me tenait à cœur, dans tout ça, c'était de "garder le meilleur pour la fin". Et par là, je voulais dire : Rendez-vous chez Meira ! Ma petite tavernière chérie préférée, dans ma petite taverne préférée. Alors, oui. J'avais passée plusieurs heures déjà à tourner dans la ville avec, toujours, une chope à la main. Alors, oui. J'étais déjà légèrement imbibée d'alcool. Mais rien d'alarmant, je pouvais toujours marcher droit. Disons que là, j'étais à un niveau de "je tirais toujours la gueule" à "je tirais un peu moins la gueule". J'entrai dans la taverne, en poussant joyeusement les portes. Meira était déjà là, derrière son p'tit comptoir à astiquer un verre. Je devrais vraiment emmener Eve' ici, un jour. Je pourrais parier qu'elle allait adorer Meira, son bâtiment et, surtout, son alcool. La meilleure bière du Royaume ! Oui oui.

"Bonjour Meira !" Lançai-je.

Je m'approchai du comptoir pour m'installer sur un tabouret haut. Ma place préférée. Je lui demandai de me servir, comme d'habitude. J'eus à peine le temps de cligner des yeux que, devant moi, fut déposé un demi, parfaitement mousseux, d'une couleur dorée et finement pétillante. Quelques gouttes glissaient sensuellement le long du verre. Je pris ce dernier dans ma main pour avaler une grosse gorgée. Des étoiles dans les yeux, je poussais un long soupire, satisfaite. Définitivement la meilleure bière que je pouvais boire.  

"J'ai beau connaître par cœur le gout de ta bière, c'comme si je la redécouvrait à chaque fois, tell'ment c'est bon."

Je m'essuyai les lèvres et reposai la chope sur le comptoir. Je me débarrassai ensuite d'Atropos, Clotho et Lachésis pour les déposer également dessus. J'aimais me sentir plus légère, quand je buvais. Évidemment, il fallut que je parle de légèreté pour rapidement être prise d'assaut pour un gros lourd qui s'installa à coté de moi.

"Tu peux y aller, c'moi qui invite ce soir" lança-t-il, charmeur.

D'accord.

"J'ai pour habitude de commander au moins une fois chaque boisson de la carte."

Je regardai Meira, complice et amusée. De toute façon, j'étais bien partie pour dormir sur le plancher, ce soir. Et avec elle, je me sentais assez en confiance. Si je finissais dans le mal, elle allait faire le nécessaire pour me placer dans un coin, quelque part, où je ne risquais rien. Quelle superbe copine j'avais là, hein ?

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