Négociations
Inaros
Archibald Jefferson était un homme de grande taille et dont les traits trahissaient une certaine sévérité, malgré les marques de la vie qui parsemaient son faciès. Son chef était couvert d’un élégant chapeau noir, qu’il retira en pénétrant le seuil d’une petite bâtisse. Il s’agissait de son lieu de travail, où il pouvait gérer les affaires de sa compagnie de transports - la Compagnie Althair. Ce jour-là, il attendait impatiemment que son rendez-vous arrive. Ils devaient discuter avec sérieux d’une offre qu’il avait reçue et qui concernait la partie illégale de leur commerce. Il posa son couvre-chef sur le porte-manteau et s’installa derrière son bureau. Distraitement, il gratta sa barbe poivre et sel en jetant un coup d'œil à son tempus. Sirius, celui à qui il devait d’être toujours patron de sa propre entreprise, avait encore trois minutes avant d’être en retard. Quelques coups - brefs - à la porte le firent légèrement sursauter. Il était en avance.
Capuchonné et masqué par ces différents bandages sur le visage, l’homme toqua quelques coups - brefs - à la porte pour faire connaître son arrivée. Il bouillonnait sur place, impatient de connaître la cause de sa venue. Archibald (nom de code dans la société : Phébus) ne le faisait jamais se déplacer sans raison et Inaros (nom de code dans la société : Sirius) lui faisait entièrement confiance pour prendre les meilleures décisions pour l’avenir de la Compagnie. Toutefois, lorsqu’il s’agissait d’affaires moins licites, Phébus n’hésitait pas à appeler Sirius à la rescousse, ou bien les autres archontes - suivant le lieu de l’activité.
Inaros glissa son index entre l’un de ses bandages et sa peau, laissant l’occasion à Archibald de découvrir un visage féminin marqué par la fatigue et le stress. Seul un sourire l’habillait, rehaussé par un regard acéré. Archibald le comprit aussitôt et un éclat de rire chaleureux s’échappa d’entre ses lippes tandis qu’il se levait pour désigner d’un geste de la main l’autre chaise.
« - Assis-toi, je t’en prie. Content de te voir, j’espère que la route n’a pas été trop pénible. »
Archibald était au courant de la crise identitaire d’Inaros et d’Ivara. Après tout, un partenariat tel que le leur exigeait une confiance réciproque et absolue ; le moindre secret pouvait être vecteur de doutes et de circonspection. Inaros hocha brièvement la tête, soufflant du nez et balayant l’air de sa senestre.
« - Si on pouvait éviter d’s’attarder d’ssus, vieille canaille. Explique-moi pourquoi tu m’demandes de t’rejoindre ici. J’suis tout ouïe.
- On attend encore quelqu’un.
- Laisse moi d’viner…, répliqua le mercenaire en fronçant les sourcils.
- Bien l’bonjour par ici. C’est là qu’se fait la réunion des…
- Sandro ! T’as fais l’chemin d’puis l’archipel ?
- J’aurais pas manqué une occasion d’venir voir cette charmante ville. »
Le nouvel arrivant ponctua sa remarque d’une grimace. S’il y avait bien un lieu qu’il avait en horreur, c’était la Capitale. Ni le vieil homme ni le blond ne semblaient surpris de sa présence et Inaros se permit même de le vanner. Archibald fit claquer sa langue à plusieurs reprises pour recentrer la discussion, et Sandro ajusta son cache-oeil avec un sourire narquois.
« - T’énerve pas Archie. Allez, explique nous pourquoi on est là...
- Connaissez-vous un certain John Doe et le réseau Avalon ? Demanda Archibald de but en blanc.
- Non… Mais c’est plutôt… Compliqué pour moi d’me tenir au courant d’ce qui s’passe en c’moment, avec la sculptrice. C’est en rapport avec l’enlèvement de la reine ?
- Pas qu’je sache, répondit Archibald. Sandro, je m’attendais à ce que tu…
- John Doe… Doe… Non, c’nom m’dit rien. Par contre, Avalon, j’en ai d’jà entendu parler. Quand j’étais avec Stentor, ton paternel, expliqua-t-il rapidement en jetant un coup d’oeil à Inaros. On est passés quelques fois par c’réseau, ouais, des gars plutôt sérieux... »
S’ensuivit une discussion où Inaros écouta avec attention les explications de chacun. Visiblement, John Doe souhaitait s’entretenir avec Archibald Jefferson pour rapprocher leurs compagnies.
« - Ok. J’serais ton représentant, conclut l’homme masqué après avoir écouté les explications. »
Son regard s’était durci. Il espérait que les négociations à venir ne seraient pas trop compliquées.
C’est ainsi qu’il se présenta, quelques jours plus tard, au lieu convenu de la rencontre avec un certain John Doe. Il ignorait tout de son apparence et il n’avait pas eu le temps de se renseigner sur le personnage. Il comptait sur la conversation pour en apprendre plus, étant de ceux qui trouvaient que les us et coutumes de quelqu’un étaient bien plus parlants que le reste.
Le rendez-vous avait été fixé dans la suite luxueuse d’une auberge bien réputée, ce qui en disait déjà suffisamment sur la fortune de son futur interlocuteur. En arrivant, l’homme se présenta au tavernier qui lui indiqua le chemin à suivre. Les yeux du mercenaire se perdaient sur les quelques raffineries déjà visibles à l’entrée et dans la salle commune pendant qu’il se faisait conduire devant la bonne porte. La phalange du tavernier la tapota par trois fois, puis il salua Inaros et disparut dans les escaliers.
Les bras croisés, Inaros attendit d’avoir la confirmation qu’il puisse entrer pour s’exécuter. Pour l’occasion, il avait revêtu son habituelle tenue de mercenariat (poitrine dissimulée par des bandages et une combinaison qui le laissait libre dans tous ses mouvements). Le bas de son faciès était aussi dissimulé sous plusieurs bandages et un coup de peigne magique l’avait aidé à raccourcir la longue crinière blonde d’Ivara pour lui donner une coupe à la garçonne. Heureusement que quelques objets magiques du quotidien pouvaient l’aider à retrouver, de façon superficielle, les plaisirs d’un corps masculin.
Il prit soin de refermer la porte derrière lui et laissa le temps à ses pupilles de s’accommoder à la nouvelle luminosité.
« - Nikolaos, ici pour représenter Monsieur Archibald Jefferson. »
Sa présentation était courte, formelle mais efficace.
Je ricanai bêtement en repensant à ses deux idiots qui s’étaient assassinés mutuellement, pauvre famille Aldimor … Je fus interrompu dans ma petite rêverie par un son à la porte de la suite. Sans dire un mot, j’envoyais un serviteur ouvrir à l’inconnu. Je n’étais pas là pour admirer la toile ou pour me reposer dans une suite luxueuse, mais bien pour continuer à faire affaire. La valse funèbre des Aldimor venait à peine de se terminer qu’il me fallait déjà retourner sur la piste de dance. La compagnie Althaïr … un grand nom du transport en Aryon. J’avais soufflé leur nom à Aslander qui s’occuperait bientôt de m’emboîter le pas dans cette tentative de collaboration. Sa compagnie était bien jeune, bien que vaste, elle avait besoin de se reposer sur une infrastructure solide et bien rodée. Althaïr était tout choisi pour ce rôle. Sous-traiter le transport de nos marchandises à une tierce entreprise serait un gain de temps énorme et nous permettrait d’investir notre argent ailleurs en attendant de nous développer sur le plan du transport.
Mais ce n’était pas pour ça que j’avais rendez-vous aujourd’hui. Cette compagnie offrait également d’autres services pour ceux qui savaient quoi demander. Une livraison sécurisée que mes clients s’arracheraient bien volontiers. Cependant, pour utiliser leur service, je devais à chaque fois passer comme client et cela augmentait considérablement les prix, m’obligeant à utiliser d’autres moyens pour transporter les biens volés ou les personnes kidnappées dans mes contrats. Je dirigeai un réseau criminel, il serait bien dommage de faire mes affaires dans mon coin, quitte à me mettre des bâtons dans les roues, alors qu’un voisin propose le même service avec bien plus de facilité. La compagnie Althaïr pouvait être très facilement intégrée au processus complexe qu’était la réalisation d’un contrat et il serait déplorable de m'en priver.
Le serviteur suivi d’un jeune homme … ou d’une femme ? Je dois avouer qu’iel envoyait des signaux contradictoires. Il me donna son nom et j’arquais un sourire inquisiteur. Nikolaos ? Jamais entendu parler, et pourtant je m’étais renseigné sur les têtes pensantes de la compagnie. J’imagine qu’il était plus de ceux qui restent dans l’ombre. D’un geste, je congédiai le jeune homme pour rester seul avec mon invité. Mes employés avaient l’habitude que je ne leur adresse que peu de paroles et comprenaient mes demandes sans que j’aie besoin d’ouvrir la bouche. Je les payais bien assez pour ça ! Je souris à mon invité avant de le guider vers le petit salon.
Bienvenue, je suis John Doe, je représenterai les intérêts d’Avalon. J'vous en prie, prenez un siège.
Des fauteuils luxueux se tenaient au milieu de la pièce autour d’une table basse en bois précieux. L’aubergiste s‘était vraiment démené pour obtenir un mobilier de qualité en écoutant mes conseils. Sans mes fonds et ma direction, cette auberge serait restée le trou à rat qu’elle était quand je l’ai rachetée. Je me dirigeai vers un placard quelconque que j’ouvris, dévoilant une multitude de flasques et de bouteilles, conservée à une température idéale grâce à des cristaux de glace enchâssés dans les parois. Il y avait même des potions d'ivresse pour les petites natures !
Je me retournai vers l’émissaire que je détaillai un instant. Iel n’était guère habillé comme un homme ou une femme d’affaires. Pour en avoir vu beaucoup, j’avais l’impression d‘avoir affaire à un ou une mercenaire. Il valait peut-être mieux que l’on parle la même langue. On était plus facilement en confiance avec quelqu’un qui vous ressemblait.
J’vous sert un coup ?
Je lui désignai l’ensemble des boissons d’un geste de la main, préférant prendre pour ma part un whiskey. Je m’en servis un verre d’un geste adroit et préparai également un verre pour l’envoyé d’Althaïr suivant sa demande. Une fois cela fait, je pris place dans un fauteuil mettant l’imposante table entre lui et moi. Je posai mon verre sur un guéridon et m’adossai au fond du fauteuil, le dos bien droit et le regard perçant.
J’m’attendais pas à voir vot’patron s’montrer, mais au moins un de ses subordonnés directs. Z’êtes qui exactement ?
J’écoutai son éventuelle réponse tout en buvant tranquillement mon Whiskey. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas dû me forcer à parler de la sorte, mais ma pratique assidue me permettait de faire totalement illusion, du moins c’est ce que j’espérais.
On vous a donné les détails d'notre offre ?
Négociations
Inaros
L’apparence de John Doe le dérouta pendant un court instant. Face à lui, il avait un homme d’une cinquantaine d’années, comme Archie, et avec une petite bedaine, probablement liée à son âge et à son expérience. Il avait tout du parfait cliché de l’homme d'affaires. Du monocle aux boutons de manchette, tout y était. Ses cheveux, poivre et sel, étaient soigneusement coiffés et ramenés en arrière. Il portait également une barbe courte, mais très bien taillée. Ses traits étaient bien moins chaleureux que ceux d’Archie. Ils étaient durs, austères. Il respirait la condescendance et l’argent… Exactement comme il l’avait imaginé. Qui que ce soit, cet homme devait avoir les reins suffisamment solides pour être le représentant d’un réseau que son paternel avait utilisé un bon nombre de fois et qui ressurgissait de l’ombre après toutes ces années.
Une fois entré à l’intérieur de la pièce et la porte refermée derrière lui, il s’avança jusqu’à l’un des fauteuils en velours côtelés. En y posant son séant, il en apprécia le confort et s’y installa tout à son aise. Son regard se perdit un instant sur les sculptures et les dorures de la table basse, avant qu’il ne prête plus d’attention à son interlocuteur. Les boissons alcoolisées n’étaient pas ce qu’il préférait et il évitait toujours d’en boire lorsqu’il était en affaires. Il avait aussi appris, à ses dépends, que la constitution de la sculptrice ne lui permettait plus d’en absorber des quantités astronomiques, comme il en avait l’habitude, et que son palais n’était plus habitué au goût de ces breuvages. Le langage chartier emprunté par l’individu le fit également tiquer, mais il resta impassible. Il parlait ainsi depuis une quinzaine d’années et peut-être était-ce là une façon pour ce noble au physique snobliard de lui témoigner une certaine forme de sympathie, en montrant qu’ils étaient du même monde. Levant la main pour décliner l’offre, il ajouta : « Une tasse de thé, noir, f’ra l’affaire. Si vous avez. », avant de se reposer sur l’accoudoir.
« Je n’suis pas un grand fan d’alcool. On peut facilement vous embrumer l’esprit avec c’genre d’boisson. »
Son talisman d’indépendance s’était très légèrement allumé mais ce n’était pas très alarmant. Ce boui-boui s’allumait constamment lorsqu’il était en ville, alors dans une auberge où les gens étaient tous de passage… Il reporta son attention sur le faciès de son interlocuteur, ne le laissant entrevoir que son propre regard.
« J’travaille pour l’patron. Considérez que, tout c’que j’vous dis, il vous l’aurait également dit. T’nez, m’sieur Jefferson m’a d’ailleurs d’mandé d’vous r’mettre c’papier où il le déclare lui-même... »
Sortant de sa poche un morceau de papier, qu’Archibald avait signé pour attester de la véracité des propos de Nikolaos, il le tendit à John et attendit qu’il le lise. Son thé venait d’être préparé, il attrapa la anse de la tasse et la porta à ses lèvres, le sirotant avec prudence pour ne pas se brûler.
« Malgré ma dégaine, j’suis bien l’premier d’ses subordonnés directs. »
Il hocha ensuite la tête, expliquant plus en détails.
« J’suis au courant, même s’il s’rait sans doute préférable que vous en répétiez les termes pour qu’on soit certains de parler de la même chose. Il nous semblait que vous souhaitiez donc développer un partenariat avec notre compagnie. J’suis d’ailleurs là pour vous donner les renseignements qui pourraient vous être utiles. C’la n’a pas été facile d’se déployer dans tout le Royaume, M’sieur Doe, mais j’pense que vous en êtes conscients... »
Son regard, interrogateur, le fixant pendant de longues secondes.
« Vous nous demandez un gros service, que beaucoup d’personnes ici voudraient... »
Bien plus sérieux, le mercenaire pencha son buste vers l’avant, ajoutant.
« Nous espérons donc que c’que vous donnerez en échange s’ra à la hauteur. »
On apporta enfin le thé à mon invité et nous pûmes enfin commencer. Je ne souhaitais pas que nous tournions en rond jusqu’au point du jour alors je le pressai d’identifier son rôle dans la compagnie. Il me tendit un morceau de papier soi-disant pour prouver sa bonne foi et en effet, c’était bien un document officiel. Étrange … Cela faisait un moment que j’avais cette compagnie dans ma ligne de mire. J’avais étudié leur méthode, testé leur efficacité par moi-même en leur donnant des contrats sous un autre nom. Ils avaient toujours été professionnels et c’est donc pour cela que je m’intéressai tant à eux. Quelque chose m’intriguait cependant, ce Nikolaos … je n’en avais pas entendu parler et pourtant j’avais soigneusement étudié leur hiérarchie pyramidale. Vu la confiance que lui portait son patron, il aurait dû se situer plutôt en haut du panier. Hum … serait-il comme moi ? Un inconnu dans l’entreprise qui s’occupait pourtant d’une part non négligeable des activités, celle qui restait dans l’ombre … Il allait falloir ruser pour percer ce cercle secret, mais pour l’instant, j’étais porté sur les affaires.
Ça m’va. Si vot’patron vous fais confiance alors j’accepte de négocier avec vous. Croyez-moi, vot’dégaine ne veut rien dire pour moi. Les apparences … j’sais très bien c’quelles valent. Ça vaut aussi la mienne.
Je laissais planer le mystère sur ma dernière réponse. Il était l’heure de commencer à négocier. Je m’enfonçai au fond de mon siège, mes jambes en croix. J’écoutai sa réponse patiemment en faisant cliqueter mes doigts sur le guéridon ovale à ma gauche. Je comprenais parfaitement ce qu’il essayait d’insinuer, l’échange devait être équivalent, même si je n’avais encore rien demandé de précis.
Oh, j’connais bien votre entreprise et c’quelle fait. J’dois dire qu’ça m’plait justement. J’suis moi-même passé comme client pour voir ce que vous f’siez. C’est propre et discret et c’est ça qu’j’veux.
J’attrapais mon verre octogonal pour prendre une gorgée de whisky.
Voilà c’que j’vous propose. Mon réseau couvre un panel d’offres extrêmement large et j’souhaiterais que vous fassiez partie d’nos offres. C’que vous y gagner, et bien tout simplement plus de contrats. Notre maitre mot, c’est qu’une fois un contrat lancé, le client s’occupe plus d’rien. D’cette manière il reste anonyme. Avant j’incluais le transport, mais vous êtes bien plus développés sur c’point, j’l’ai vérifié moi-même. C’que je vous propose, c’est d’nouveau client qui en temps normal s’rait pas passer par vous en échange j’veux une remise exclusive sur vos services.
Je me penchai à mon tour vers mon interlocuteur, plantant mon regard dans le sien.
C’est l’idée d’base, après les conditions s’ront à discuter.
Je joignis les mains pour lui signifier que j’attendais son avis désormais. J’avais brossé un tableau plutôt clair de mes intentions, le reste dépendait de lui et de son entreprise.
Négociations
Inaros
Inaros retourna s’installer confortablement au fond de son siège en écoutant Jon Doe lui livrer les détails de l’accord qu’il avait en tête. Ses sourcils froncés trahissaient la concentration dont il faisait preuve pour être certain de ne pas laisser échapper le moindre point qui aurait pu être compromettant pour la Compagnie. Il se devait d’être dur dans cette affaire et intransigeant. La Compagnie Althair était une société tentaculaire, il n’était pas question qu’elle se fasse elle-même avaler.
Sur le papier, l’offre était juteuse pour les deux camps. En plus de pouvoir s’assurer de nouveaux clients, et une rentrée d’argent encore plus conséquente, la société pourrait travailler de pair avec un réseau qui existait depuis bien longtemps déjà. Sandro lui en avait déjà révélé beaucoup sur son fonctionnement interne, au moins tout ce qu’il avait pu voir, entendre et vivre à son échelle, et, si Inaros n’avait pas été dans cette situation, il aurait sûrement désiré en faire partie. Peut-être un jour. Il préférait ne pas fermer les portes. Il se demandait même si Stentor et Sandro avaient déjà eu affaire à ce type. Il semblait être suffisamment âgé pour les avoir connus.
Son thé chaud brûla sa lèvre supérieure et il préféra le reposer pour attendre qu’il refroidisse. Il humecta la plaie avec sa langue, continuant d’écouter le discours de son interlocuteur. Ce dernier connaissait les méthodes de la Compagnie puisque, selon ses dires, il avait lui-même testé les services offerts. Il ne manquerait pas d’en informer Archibald, pour lui faire savoir que le transport fonctionnait comme sur des roulettes.
« J’aime beaucoup c’que vous m’proposez. » déclara-t-il de but en blanc.
Il n’y avait qu’une seule ombre au tableau, qu’il préférait éclaircir avant que le moindre désagrément ne puisse les prendre de court tous les deux. Perspective bien désagréable.
« Passer par notre Compagnie pour l’transports et pour ceux qui bossent dans votr’ réseau, c’très bien. Vous vous doutez bien qu’on peut pas s’faire trop d’publicités sur certains d’nos services et qu’toucher une clientèle plus large est d’ce fait… Plus compliqué. Maintenant, imaginons, j’dis bien imaginons, qu’un d’vos commanditaires veuillent s’en prendre à nous. On fait comment ? »
Le regard du mercenaire était devenu froid. La seule idée d’être trahi était inenvisageable au vu des efforts considérables qu’il avait mis en place pour tout monter avec Archibald et son équipe d’archontes.
« Je n’fais pas d’prix à ceux qui risquent d’attaquer mes convois. Si vous n’pouvez rien faire contre ça, vous n’aurez pas d’prix et on restera sur un simple arrangement. »
Il attendit la réponse de Jon Doe et, quand il l’eut obtenue, il remonta légèrement sa manche pour dévoiler son poignet et exposer un petit tatouage - deux simples lignes qui faisaient le tour de son poignet. Il y exerça une légère pression, afin de faire apparaître un petit espace de rangement devant lui. Il en extirpa son globe de vérité, son bien le plus précieux, puis fit disparaître l’espace de rangement. Le globe face à eux, il le posa sur la table et le désigna à Jon Doe.
« J’pense qu’vous connaissez c’petit joujou. J’vais vous demander d’me répéter c’que vous v’nez d’me dire en l’touchant, si vous voulez bien. Simple mesure d’sécurité. Vous comprendrez qu’dans certains milieux, on s’doit d’être prudents. »
Et s’il se mettait en colère ou s’indignait de ce procédé, alors Inaros verrait tout de suite avec qui il faisait vraiment affaire. Cet objet magique était très simple d’utilisation : il fallait toucher le globe en affirmant quelque chose et celui-ci montrait si c’était la vérité ou non. S’il restait blanc, c’était la vérité. S’il se teintait de rouge, c’était un mensonge. Evidemment, ce système n’était pas infaillible. Si on choisissait soigneusement ses mots, on pouvait mentir sans que le globe ne le détecte.
« Content d’voir qu’ça vous intéresse. »
Mais il y avait quelque chose d’autre dans son regard, un doute, un froid que je ne parvenais pas à identifier. Heureusement, je n’eus pas à attendre longtemps avant qu’il me fasse part de ses doutes. Un sourire léger se dessina sur mes lèvres. C’était bien normal qu’il pense à la sécurité de son entreprise, mais d’une certaine manière il s’y prenait mal. Si cet accord n’était pas signé, rien ne m’empêcherait d’attaquer ses convois si je le voulais puisque je n’aurais aucun compte à lui rendre. Seul le profit m’intéressait, dans une conjoncture où je ne faisais aucun marché avec lui , j’irais chercher spontanément mon argent dans les contrats à son encontre et il serait perdant. Je me doute qu’il n’avait pas poussé la réflexion jusque-là, il me faut donc le rassurer.
« Vous perdez pas l’nord vous hein ? J’vous rassure, faire partie d’notre réseau implique également qu’aucun contrat à votre encontre ne sera accepté. J’pose moi aussi mes conditions. Ce contrat sera renouvelable, ce qui veut dire qu’il pourra prendre fin si le marché ne vous convient plus. »
Je sous-entendais que les contrats à son encontre pourraient reprendre si les tarifs n’étaient plus intéressants. Il sortit un globe de vérité de sa poche et je faillis éclater de rire. Était-il si insecure qu’il avait besoin de ce genre d’artifice pour évaluer ma franchise ? La loi du marché était la seule à laquelle j’obéissais, s’il la connaissait il pourrait prédire chacune de mes décisions quant à notre partenariat. Je pris le globe en le regardant droit dans les yeux.
« J’sais c’que c’est et vous savez aussi bien qu’moi c’que ça vaut ces machins-là. Suffit d’savoir quoi dire, enfin si vous y t’nez. »
Je répétai mot pour mot la proposition que je lui avais faite. Tant que notre contrat serait en cours, aucune attaque ne serait menée contre la compagnie et ses convois, mais s’il arrivait à son terme et qu’il n’était pas renouvelé, alors cette garantie ne serait plus valable. Le globe resta d’un blanc profond, puisque c’était la pure vérité. J’avais utilisé des mots simples et précis pour ne pas qu’il pense que je choisissais mes mots pour le tromper.
« Si vous voulez un conseil, n’utiliser pas cet objet dans vos négociations, même s’il peut soi-disant avoir une utilité, il vous aveuglera. Vous serez toujours un peu convaincu parce qu’il vous indiquera, même si vous savez qu’on peut le tromper. »
Je reposai le globe sur la table.
« J’vous demande pas d’me faire la même déclaration, par contre j’aimerai bien savoir. Vos employés illégaux, vous les autoriseriez à travailler pour nous ? Simple curiosité, vous avez d’bon éléments qui sont surement doués pour aut’chose qu’le transport. »
J’écoutai calmement sa réponse, c’était un simple bonus, je n’allais pas négocier dessus.
« Bien maintenant qu’c’est dit et si vous avez pas b’soin d’autres garanties. J’aimerai discuter notre première grande association. »
Je me levai pour me diriger vers le tableau qui trônait au fond du salon. Le don de Lucy trônait sur un chevalet, aussi magnifique que la première fois que je l’avais vu chez les Aldimors.
« J’me suis récemment mis à m’intéresser à l’art. Ces tableaux payent pas d’mine, mais ce sont des sacs de cristaux sur pattes. Une simple toile vaut bien plus qu’un contrat juteux, c’est impressionnant. J’monte actuellement un réseau de trafic d’œuvre d’art et j’aimerais installer des routes de transports sécurisées pour les déplacer. Ce sont des marchandises extrêmement fragiles, qu’est-ce que vous pourriez m’proposer pour vous occuper d’ça ? »
Négociations
Inaros
Tous les mêmes. Tous condescendants. Tous imbuvables. Tous se pensant supérieurs. Inaros avait une piètre opinion de ces gens issus de la haute société et, à ses yeux, Jon Doe ne faisait pas exception à la règle. Ces nobliards ne se rendaient-ils pas compte qu’il pouvait les supprimer et les faire taire à jamais ? Cette supériorité était une illusion. Encore plus quand il y avait des cristaux à la clé pour le mandater d’aller effacer quelqu’un.
Cette réflexion, il la garde précieusement pour lui. Il était content que Monsieur Doe accepte aussi les termes de ce marché. Cela lui faisait des ennemis en moins. Il abordait la situation d’un tout autre point de vue que celui du businessman. Archibald et Jon Doe se ressemblaient sur ce point. Inaros, lui, avait un angle d’attaque tout autre. Plus humain, peut-être. Ironique, pour un homme dont le métier nécessite de se départir de toute trace d’humanité pour commettre certains méfaits. Il ne comprenait donc pas entièrement la réflexion de l’homme d’affaires sur son globe de vérité. Mais il n’était dans ces négociations que depuis peu de temps, en comparaison de son interlocuteur. En tant que mercenaire, les négociations étaient plus directes, musclées, et ce petit joujou durement acquis était plus qu’utile dans bien des situations.
- Il suffit d’poser les bonnes questions. J’fais bien plus confiance à moi et c’globe qu’mon interlocuteur avant qu’il y passe.
Si Jon Doe était comme Archie, alors ses choix se faisaient aussi en fonction du profit. Il savait qu’à la moindre occasion, au moindre cristaux plus appétissants ailleurs, il pouvait se faire dépasser. C’était aussi par ce biais-là qu’il avait convaincu Archie de monter tout ça avec lui, après tout.
À sa question, qui ajoutait un petit bonus non négligeable, Inaros prit quelques secondes de réflexion avant de livrer sa réponse. Stentor et Sandro étaient passés par ce réseau. L’archonte de l’Archipel lui en avait fait une description qui lui convenait. Lui-même aurait certainement pu faire partie de ce réseau pour dénicher des contrats plus facilement. Il rangea son globe de vérité à sa place initiale, dans son tatouage de rangement.
- J’m’y oppose pas, mais i sont juste souvent en déplacement. Faudra voir au cas par cas.
C’est alors que l’homme se leva et se dirigea vers un tableau qu’Inaros n’avait pas encore aperçu. Il fronça les sourcils en ayant l’impression de reconnaître la dame qui était représentée. En réfléchissant bien, il se souvenait de l'avoir aperçue dans la boutique de sculptures. Ce devait être la représentation de quelqu’un d’important. Inaros n’y avait jamais accordé le moindre crédit. Pour lui, l’art n’était qu’une façon comme une autre de se faire de l’argent. Il n’avait aucune sensibilité artistique et pourtant… En voyant ce tableau, il se leva et s’approcha pour l’examiner plus en détail. Il avait comme une irrépressible envie de le toucher, d’en étudier toutes les formes et les couleurs, de l’exposer à la lumière et de voir les reflets des touches dorées et argentées qu’il apercevait ici et là dans la pénombre de la pièce. Maudite Ivara ! Ne le laisserait-elle donc jamais tranquille ? Il secoua légèrement la tête de gauche à droite, reculant d’un pas en essayant de lutter contre des instincts qui n’étaient pas les siens.
- Beau tableau, commenta-t-il comme si de rien n’était. En c’qui concerne l’transport, vous n’seriez pas les premières œuvres qu’on transporte.
Plusieurs fois, Ivara avait accepté que ses livraisons transitent grâce à la Compagnie Althair. Pour l’heure, elle n’avait pas subi de pertes ou de mécontentement de la part d’un client. Les routes étaient plus dangereuses, mais les coursiers étaient équipés en conséquence.
- J’peux c’pendant bien imaginer qu’ces oeuvres là sont encor’ plus précieuses. J’peux vous garantir un transport fiable et sécurisé à cent pour cent avec mes hommes. Ce s’ra pas leur coup d’essai, peu importe la marchandise ils la font arriver à bon port. Peu importe les mouches à merde qu’ces oeuvres attir’ront.
Il se tourna vers Jon Doe, désignant le tableau d’une main.
- Vos peintures s’ront en sécurité avec nous. Enfin, pourrais-je m’permettre d’savoir où vous les avez déniché ? Simple curiosité.
Inaros coinça le bout de sa langue entre ses lèvres suite à cette question, impatient d’entendre la réponse de son interlocuteur. Une fois sa curiosité satisfaite, il ajouta.
- J’me chargerai d’prendre personnellement la tête d’l’équipe qui f’ra l’transport. Si que’que chose arrive, vous saurez qui blâmer. Mais il n’arriv’ra rien.
Mais une question plus personnelle restait en suspens dans l’esprit du mercenaire. Il n’y avait pas de bon moment pour poser celle-ci. Elle concernait, indirectement, son père adoptif. Stentor. Depuis sa mort, il n’avait de cesse de découvrir de plus en plus de choses sur sa vie. Quelques jours plus tôt, Sandro lui avait révélé qu’avec son père ils avaient utilisé ce réseau pour réaliser quelques contrats. Et si cet homme lui permettait d’en apprendre un peu plus sur celui qui avait changé sa vie ?
- Vous existez d’puis longtemps, Avalon j’entends, mais vous n’étiez pas à sa tête, y’a d’ça vingt voire vingt-cinq ans ?
« Ravi d’voir que vous savez vous y prendre avec votre p’tit jouet »
Un peu de flatterie ne faisait jamais de mal. Qu’il continue à croire ses mirages si cela pouvait le rassurer. En attendant, je n’avais pas promis de refuser tout contrat pouvant de près ou de loin lui causer du tort et cela faisait toute la différence. Je pouvais toujours accepter un contrat qui n’avait rien à voir avec une attaque, mais qui in fine servirait dans une attaque. J’étais bien assez retord pour tirer mon épingle du jeu sans jamais me mouiller, c’était l’un de mes meilleurs talents. Si quelques mots achetaient sa confiance, même partielle, alors qu’il en soit ainsi !
En lui montrant le tableau, je lus une expression étrange sur son visage. L’art lui plaisait-il ? Je dois bien avouer que je n’aurais jamais imaginé un tel intérêt venant d’une personne de sa caste. Moi-même, je n’y portais qu’un intérêt purement pécunier au grand damne d’Ashley. Les arabesques et les aquarelles n’avaient pas su m’emporter.
« J’rêve ou c’te toile vous a tapé dans l’œil ? J’ai pas encore d’ach’teur donc si vous voulez enchérir ch’ui tout ouïe. »
Je levais un sourcil inquisiteur dans sa direction, cela l’intéressait-il ? La toile valait vraiment son pesant d’or surtout avec les dernières estimations d’Ashley. L’ultime œuvre d’un peintre reconnu pouvait atteindre des sommes astronomiques.
« J’lai trouvé dans une vente aux enchères. Des aristos essayaient d’vendre tout leur patrimoine pour s’fair chier les uns les autres, j’ai eu qu’à m’baisser pour ramasser les raretés … »
Et pour essuyer leur cervelle écrasée de mes bottes, mais ça je ne le lui dirai pas …
« J’dois bien avouer que sans mon receleur, j’n’y connais pas grand-chose en art. Moi j’suis plus féru d’antiquité v’voyez ? Textes anciens, outils du passé … J’suis bien plus érudit sur l’sujet. »
La collection que j’avais assemblée au manoir était très impressionnante pour qui s’y connaissait un peu en antiquités. Je partageais volontiers cette information gratuite avec lui, paraître plus humain ne pouvait que faciliter nos relations. Soudain, il me posa une question des plus étranges. Mes yeux se plissèrent immédiatement. Je réfléchis un instant à ce que j’allais lui répondre. Cherchait-il des informations sur moi ? Je pesais le pour et le contre avant de lui répondre.
« Non pas encore, mais j’étais déjà assez proches de la direction. »
C’était à peu près l’époque à laquelle mon père m’avait initié à nos affaires familiales. Je n’étais qu’un adolescent condescendant à souhait et complètement stupide. Il m’avait bien formé pour ne pas finir comme tous ces criminels de bas étages, à savoir dans un caniveau avec une dague entre les côtes.
« Y aurait-il une information qu’vous convoitez ? J’peux p’être faire des recherches pour vous »
Moyennant finance bien entendu. Si je n’arrivais pas à atteindre sa bourse avec des tableaux, j’y arriverait peut-être de cette manière.
Négociations
Inaros
Encore une remarque. Lui cherchait-il des poux ? Le mercenaire allait finir par prendre ses piques pour une véritable provocation et y répondre avec plus de virulence si la conversation se poursuivait ainsi… Pourtant, il devait se reprendre. Il représentait la Compagnie Althair, il n’avait pas le droit de céder à ses pulsions, au risque de voir l’accord se rompre quelques minutes seulement après avoir été décidé. Il se contenta donc de rester silencieux, jaugeant cet homme bedonnant. S’il décidait de les trahir, ce ne serait pas directement. Il avait aussi l’air de bien trop apprécier avoir l’ascendant sur son interlocuteur. Dans le pire des cas, lui non plus n’avait ni rien dit, ni rien promis.
Lorsque Jon Doe lui fit l’étalage de sa capacité à arnaquer les autres gens de son espèce, Inaros se contenta d’afficher un léger sourire. Lui aussi, en était capable. Il était, d’ailleurs, bien plus contrarié par ce qu’il avait laissé transparaître quelques instants plus tôt, transi d’admiration devant ces deux coups de pinceaux. À y regarder de plus près, il n’y voyait plus rien d’exceptionnel. Ce n’était que la représentation d’une femme et, s’il se souvenait bien de ce que son paternel avait essayé de lui inculquer quand il était encore jeune, ce n’était probablement même pas sa vraie représentation. Mais pourquoi l’appeler par un prénom féminin si on pouvait lui donner l’apparence d’un fiouk, hein ? C’était là des questions qui le dépassaient et dont il n’avait que faire… Si la déesse était vraiment présente parmi eux, elle ne faisait que se jouer de lui.
Ce fut la mention des textes anciens qui le fit tiquer. Une référence évidente à l’Ordre des Célantia mais Jon Doe le connaissait-il ? N’était-ce pas là le simple fruit du hasard ?
- Les textes anciens, ouais… Surtout quand i mènent à des trucs encor’ plus rares…
Un autre moyen de jauger l’étendue du réseau et de l’influence de cet homme dans la Capitale. Le mercenaire ne put s’empêcher de penser à celle qui avait, jadis, été à la place de Warren Richter et qui avait choisi de se retirer pour développer sa propre branche illégale au sein de la Compagnie Althair, plus particulièrement dans le secteur de la Capitale. Il la connaissait sous le prénom d’Irina. Ce Jon Doe était-il à son niveau ?
Pendant que Jon Doe lui répondait, il fit le tour de l'œuvre pour vérifier l’état de la marchandise qu’il allait transporter avec son équipe. Un moyen de s’assurer qu’on ne lui tiendrait pas rigueur d’une éraflure déjà existante.
- J’vois… répondit-il en laissant la suite de sa phrase en suspens.
Il réfléchissait. S’il avait été proche de la direction comme il le disait, alors il savait forcément des choses. Et s’il y avait un pan de son passé qu’il voulait davantage explorer, c’était bien celui-ci.
- Si on est d’accord sur tout c’qui s’est dit avant, j’aimerais alors maintenant parler en mon nom propr’ et non plus en c’lui d’ma compagnie.
C’était désormais Nikolaos qui s’adressait à ce Jon Doe, et non plus le mercenaire. Mais ça, il ne pouvait pas le deviner.
- P’t’être bien possible qu’vous puissiez m’éclairer sur deux ou trois p’tites choses. Vous pourriez r’trouver des informations sur un merceniare, pour moi ?
Il se doutait que l’information ne serait pas gratuite. Lui-même ne travaillait jamais gratuitement. Mais il y avait encore tant de choses qu’il ignorait sur Stentor et il avait déjà cherché des choses à tant de reprises, sans que ses tentatives ne soient vraiment couronnées de succès… Pour une fois qu’une piste plus ou moins concrète se tenait devant lui, il n’allait pas la laisser s’échapper.
- J’cherche des infos sur un type qu’a travaillé pour votr’ réseau. J’ignore les dates et j’ai qu’son nom : Stentor. J’veux bien toutes les infos qu’vous pourriez m’donner sur lui.
« C’marché m’intéresse pas, mais en tant qu’collectionneur si vous avez des pièces … »
Je les achèterai peut-être. Je n’avais pas spécialement envie de me jeter dans ces histoires de chasse au trésor qui tournaient autour de la compagnie, le rapport qualité prix était franchement mauvais. Toutefois, je suis sûr qu’ils avaient de belles pièces dans leurs tiroirs pouvant agrémenter ma collection. Nikolaus termina son inspection et son regard changea quelque peu quand il s’adressa de nouveau à moi. Une requête personnelle ? Voilà quelque chose qui me renseignerait sûrement sur le personnage malgré lui. J’écoutais patiemment sa requête.
« Stentor … ce nom me dit quelque chose en effet. Un mercenaire que nous avons employé à plusieurs reprises. Il est mort si je me souviens bien. »
Ces infos étaient gratuites et à mon avis, elles ne l’avançaient pas plus que ça, sinon il ne serait jamais venu me demander.
« J’vais voir ce que j’peux trouver de plus probant dans nos archives et en fonction de c’que je trouverai, j’vous f’rais un prix d’ami. »
Je lui tendis la main pour signer notre accord qui serait de toute façon ratifié à l’écrit, car une parole donnée dans une auberge ne valait pas grand-chose.
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N,
Comme promis et suite à la réception de votre paiement, nous vous transmettons les informations dont nous disposons au sujet du mercenaire dénommé Stentor.
De nombreux contrats ont été proposés à ce mercenaire de la part de notre réseau durant une période de 20 années. D’après nos informations, il nous aurait approchés pour la première fois vers 976 par le parrainage d’un autre de nos mercenaires Sandro Deketzione. Il est à noter que ce dernier a accepté un nombre important de contrats en collaboration avec Stentor. Il pourra sûrement vous renseigner à son sujet.
Le contenu des contrats ne pourra pas vous être communiqué pour des raisons de confidentialités.
Apparition de deux autres noms de mercenaires en collaboration : Inaros et Warren Richter, parrainés par ce même Stentor et Sandro. Aucun contrat pour l’heure ne porte l’un de leurs noms sans celui de Sandro ou Stentor. Ce ne sont donc pas des mercenaires ayant travaillé directement pour nous et nous avons donc peu d’informations à leur sujet.
Date de décès connu en 997. Cause identifiée : meurtre.
Merci d’avoir fait appel à nous.
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Cher N,
J’ai bien pris note de votre demande d’approfondissement par rapport aux informations que nous vous avons transmises. Suite à votre nouvel acompte, je vous propose ma propre analyse des dossiers.
Votre Stentor a rejoint notre réseau vers 977 comme il a été déjà dit. Les 4 premières années sont très prolifiques en contrat et il s’est imposé rapidement comme l’un de nos meilleurs éléments. Toutefois, le nombre de contrats qu’il a pris a drastiquement diminué en 981. Cette baisse n’est pas alarmante en soi. Nombre de nos mercenaires trouvent d’autres employeurs qui leur proposent des contrats d’exclusivité et ils se détournent de nous. Nous faisons toujours une enquête à ce moment pour suivre le mercenaire afin de savoir s’il n’a pas été compromis au moment où il revient vers nous. C’est là que cela devient étrange, l’enquête n’a pas abouti. Ses employeurs devaient donc être particulièrement discrets pour échapper à notre vigilance.
Ce n’est cependant pas fini, en 985, nous avons enregistré une nette augmentation des contrats pris par Stentor. Cela ne peut être que le signe d’une rupture de son précédent contrat avec ses employeurs invisibles ou la destruction pure et simple de ceux-ci. Nous prenons systématiquement la température de la pègre chaque année pour nous faire une idée des jeux de pouvoir qui y ont cours et cette date ne correspond à aucun évènement particulier. Je ne saurais vous dire les raisons qui l’ont poussé à revenir vers nous.
À partir de là, les contrats pris par Stentor sont restés stables jusqu’à sa mort. C’est dans cette période qu’il a fait la demande pour ajouter deux mercenaires Inaros et Warren à ses contrats sans pour autant les désigner en exécutants principaux. C’est assez courant chez les mercenaires de faire ce genre de parrainages. C’est d’ailleurs comme cela que Sandro l’avait introduit auprès de nos services à ses débuts chez nous. Ce doit donc être deux mercenaires de confiance que vous pourriez interroger.
Son décès fait partie de nos archives. Il aurait été supprimé. Je ne fais que m’avancer, mais je pense qu’il y a un lien avec ses anciens employeurs. En effet, notre enquête autour de sa mort pour savoir si elle n’allait pas nous retomber dessus n’a pas non plus abouti.
Je ne vous cache pas que ces blancs dans nos archives m’intriguent et que je vais moi-même faire mes recherches. Leur contenu vous coûtera un supplément j’en ai peur.
N,
En faisant mes recherches, j’ai pu trouver une piste sur nos amis de l’ombre. Des mouvements surprenants au sein de la hiérarchie de la mafia à la capitale ont attiré mon attention. Je vous recontacte si j’obtiens quelque chose de plus probant.
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N,
Je suis très amusé de ce que j’ai pu découvrir dernièrement. Après avoir observé le fonctionnement de la pègre au niveau de la capitale pendant un moment, j’ai mis en évidence des mouvements suspects provenant d’un groupe mafieux de plus en plus important : l’hydre. J’ai récemment attaqué ce groupe pour voir ce qui en ressortait et ils ont fait preuve de ressources que je n’avais pas anticipées. Pour moi, c’est la preuve que derrière cette façade se cache un groupe bien plus puissant et discret, aux ressources bien plus conséquentes. En interrogeant un de leurs membres, j’ai développé également des soupçons à ce sujet.
Mon enquête s’arrêtera-là. Je sais que l’Hydre est fortement liée à Althaïr, vous saurez donc, je le pense, faire le reste vous-même.
En espérant ne pas découvrir votre cadavre demain matin,