Quiproquo
Inaros
Inaros fronça les sourcils en examinant les traces sur le sol. La bête était grande et, malgré ses ailes, avait décidé de s’échapper en courant. Elle avait tout défoncé sur son passage, en témoignait la porte qui pendait misérablement sur un de ses gonds. Un genou sur le sol, il décida une nouvelle fois de soulever le tissu qui recouvrait l’une des tables, avant de se relever en poussant un soupir de lassitude. « Facile. C’devait être facile. », maugréa-t-il dans sa tête en donnant un coup de pied sur le tas de chair, inerte, devant lui. Le bout de sa chaussure s’enfonça dans la tunique blanche du cuisinier et, agacé, il s’en dépêtra en poussant des jurons indignés, le tout dans son esprit. « Récupérer l’collier. L’récupérer, filer et s’faire un paquet d’cristaux. Mais qu’est-ce que t’as foutu toi, à la place ? ».
Il avait défendu le propriétaire du collier.
Un peu plus tôt dans la journée, Inaros s’était rendu sur le lieu d’exécution de son contrat. Il avait pour cible un cuisinier, assez expérimenté pour prétendre se faire appeler patron sur son lieu de travail. Plus précisément, c’était le familier de ce cuisinier qu’il visait. Il possédait un laïum, créature suffisamment rare et qui pouvait valoir un joli pactol. Pourtant, ce n’était pas la bête qu’il avait en visu, mais un de ses accessoires. Le cuistot-dresseur, qui se pavanait déjà tous les jours avec son petit dragon, avait décidé de l’attifer d’une farandole d’ornements. Cela ne devait pas plaire à la bête. En y repensant, rien de ce qu’avait enduré la créature avec cet homme n’avait dû lui plaire.
Le cuisinier avait paradé un long moment avec son familier, le montrant à qui le voulait. Seulement, le régime alimentaire du petit dragon avait eu raison de lui et, à plusieurs reprises, il avait tenté de chaparder quelques-unes des victuailles au nez et à la barbe de son propriétaire. S’en étant rendu compte, le cuisinier avait amené son bien dans une pièce à côté, le battant jusqu’à ce que le pauvre familier, suffisamment loyal pour ne pas répliquer, gémisse de douleur. Cela avait été la goutte de trop pour le mercenaire qui avait assisté à toute la scène, planqué derrière un des grands meubles qui servaient à entreposer tout un tas d’ustensiles. Son plan B, la lame dissimulée dans son gantelet, avait agi avant même que quelqu’un puisse prononcer un mot supplémentaire.
Il avait ôté la vie de cet homme à cause d’un regard.
Ce regard, larmoyant, lui avait été lancé alors qu’il se pensait bien dissimulé à la vue de tous. Ça n’avait visiblement pas été le cas. L’animal était suffisamment rusé et/ou doté d’intelligence pour le sentir, le voir, en tout cas se rendre compte de sa présence. Un petit quelque chose qui n’avait pas échappé au mercenaire et qui avait su reconnaître un talent digne des siens. Il avait aussi reconnu autre chose dans l’inaction de la créature. Une inaction qu’il avait lui-même eu lors des retrouvailles, si le terme est correct, avec sa sœur, Violette, quelques lunes plus tôt. L’inaction qu’on a avec les gens qu’on estime et qui ont un lien puissant avec nous.
Et puis, peut-être y avait-il aussi eu ce soupçon d’étrangeté lié au ressenti de la sculptrice, qui ne se présente plus. Elle était quelque part, là, dans son esprit ; propriétaire initial de ce corps qu’il commandait pendant environ vingt-quatre heures. Son empathie, presque maladive, pour autrui avait dû avoir raison de lui.
En résumé, Inaros avait agi sur un coup de tête et cela lui arrivait de plus en plus souvent. Il s’en voulait pour ça et ses émotions étaient même encore plus étranges depuis le retour de cette étrange île volante…
Par il ne sait quel sentiment, le laïum s’était enfui à toute berzingue, enfonçant la porte pour s’échapper vers l’extérieur et disparaître aux yeux de tous. Cela faisait un peu moins d’une minute et Inaros espérait pouvoir se lancer sur sa trace. Il ne devait pas oublier son objectif principal : récupérer la parure du familier, désormais sans maître. Il était d’ailleurs temps de déguerpir, il commençait à entendre un peu d’agitation dans la pièce à côté. Pendant un instant, il se demanda si ceux qui découvriraient le cadavre pourraient faire le lien entre la plaie sur le torse de l’homme et l’une des griffes, ou cornes, de sa bête. Il ne comptait pas rester sur place pour l’apprendre, ainsi s’éclipsa-t-il en vitesse.
Une fois à l’extérieur, il ne lui restait plus qu’à suivre les traces de l’animal. Par chance, celui-ci avait marché dans la préparation brune du cuisinier. Inaros ignorait si c’était une soupe ou une purée, et il n’avait pas l’odorat suffisamment développé pour le deviner. Tout ce qu’il savait, c’est que cela allait l’aider à pister l’animal. Il n’avait pas encore déployé ses ailes, il ne devait plus être bien loin.
Attentif à ce qui pouvait se passer derrière lui, sachant qu’il entamait une course contre la montre, le mercenaire distança vite l’arrière du bâtiment dont il était sorti. Son regard se perdait aussi quelques fois dans les airs, au cas où. Après tout, ils étaient dans un petit village des plaines. Les étendues verdoyantes à perte de vue n’allaient que pouvoir le trahir…
Le cuisinier comprenait complètement l’ennui de Cannelle ou même l’envie de bouger des deux autres. Là tout de suite ses enfants lui manquaient pour avoir quelque chose à faire autre que de mélanger en boucle une sorte de mélange entre la soupe et la purée d’une couleur brunâtre qui ne donnait absolument pas envie de plonger sa cuillère dedans, même si l’odeur était des plus douces. Il avait été engagé à la base par un noble du coin pour aider en cuisine, mais, au moment où il avait voulu faire sa pause au milieu de la préparation des bases pour le prochain service, comme tout le monde en fait, on l’avait mis à la place de la personne qui devait remuer une mixture étrange en continu pour ne jamais que cela colle au fond soi-disant.
Il savait parfaitement que c’était une sorte de bizutage du reste du personnel. Qu’ils devaient le faire à tous les nouveaux qui passaient le pas de la porte, mais ça n’est reste pas moins désagréable à vivre et une étape où il faut fermer sa bouche et laisser faire. Enfin, on lui a toujours appris à faire ainsi dans ce genre de situation. Il est bien incapable de se souvenir d’une situation dans ce genre où il n’est pas agis en rongeant son frein en cuisine face à cela. C’est aussi pour cela que beaucoup de filtres partaient en dehors, enfin, sauf avec les enfants.
Rune et Melta étaient tous deux chez un précepteur du coin, parce que même s’il bougeait beaucoup le cuisinier voulait donner le plus de bagages à ces deux petits pour un avenir des plus radieux. Rien que penser à ces enfants le fit sourire et lui redonna du poil de la bête. Il remuait sa mixture avec énergie quand d’un coup tous ses familiers se stoppèrent dans leurs actions et que Cannelle se redresse en grognant vers la porte alors que les deux Glooby se cachèrent derrière celle-ci. Dans l’angle de la porte apparut un Laïum pour la plus grande surprise du cuisinier et visiblement de la créature aussi.
On pouvais voir une certaine peur dans son regard et Faolan ne comprenait pas bien ce qui se passait, mais d’autre bruit de pas et voix semblait venir dans la direction des cuisines et l’animal n’hésita pas plus et continua sa course, bousculant la mixture de Faolan et marchant dedans sans faire plus attention à cela, provoquant une belle traîner à sa suite.
— Vous avez laissé s’enfuir cet assassin ?
La remarque venant d’une femme de chambre hors d’elle surprend le blond qui la fixe sans comprendre. Assassin ? C’est un métamorphe qui venait de passer ? Pourtant il ressemblait en tout point ami familier du maître des lieux.
— Hein ?
C’est tout ce qui sort de sa bouche sur le moment. Alors que certaines personnes semblaient vouloir continuer de chasser le Laïum en fuite, d'autres, ayant beaucoup trop cœur au ragotage ou plus envie de courir, expliquaient la situation. Le familier du maître s’était visiblement retourné contre lui et l'avait tué, il fallait donc en faire de même avec la créature, tout simplement. Seulement c’est tout sauf simple pour le père de famille, parce qu’il devait avoir une raison pour qu’un dragon couard de nature tue son maître non ? Il fallait lui donner une chance, ce n’est pas un humain qui a la même conscience de ces actes.
Il avait tenté de commencer à expliquer cela, mais on avait rapidement balayé ces arguments sur le fait que l’on ne pouvait faire confiance à un familier qui avait le goût du sang sur le museau. Le museau ne lui avait pas semblé taché et on lui avait simplement expliqué que c’était une expression et qu’il ne fallait pas tout prendre au pied de la lettre. Prendre au pied de la lettre ou non, le voilà, dehors, sans sa paye du jour, parce que le repas avait été annulé avec le drame en question, à tenter pour la première fois de sa vie de faire suivre une piste à Cannelle alors que Sorbet et Guimauve étaient accrochés à chacune de ces épaules, son glooby des glaces était moins agréable à avoir ainsi que l’autre.
Dans tous les cas, il trottait derrière sa Rarwük qui semblait parfaitement savoir vers où aller, enfin, elle se dirigeait vers une silhouette humaine là tout de suite et il doutait fortement que cela soit la cible qu’il avait de base. Pourtant il y avait des traces du mélange dans la cuisine au sol et il ne pouvait nier que c’était la bonne direction. Arriver vers l’inconnu Cannelle se stoppa à quelques mètres de lui et se mis à grogner.
— Non… Cannelle, on ne cherche pas la bagarre, mais le Laïum, tu étais bien parti…
Il soupira cela en s’approchant lui-même et une part de lui espéra que l’homme n’était pas un membre du personnel du noble, il n’avait aucune envie d’expliquer encore une fois de pourquoi il serait bien mieux de ne pas tuer l’animal, lui donner une nouvelle chance, mais ailleurs.
Quiproquos
Inaros
Parti en avance et n’ayant pas eu vent de l’agitation suscité par le meurtre, Inaros ne pensait pas que quelqu’un finirait par croiser son chemin. Enfin, ce fut d’abord un animal pour être plus précis. Un quadrupède qui avançait vers lui et s’arrêta à quelques mètres en grognant. « Pas un deuxième », pensa-t-il en commençant à lever lentement les mains vers le ciel pour montrer à la créature qu’il était aussi inoffensif, si l’on puit dire, que possible. Mais une forme humaine apparut bien vite derrière Cannelle, puisque tel était son nom, et lui demanda de se calmer en lâchant un indice qui fit pester Inaros.
Il fallait qu’il trouve ce fichu laïum en premier. C’était surtout sa parure qu’il voulait, mais il savait très bien que n’importe qui pourrait essayer de la prendre et de la vendre plus ou moins légalement pour se faire un petit paquet de cristaux. Le mercenaire devait aussi se rendre compte d’une autre évidence : seul, il ne le trouverait sans doute jamais.
- Ouais, écoute-le, j’suis vraiment pas méchant, commença-t-il à répliquer avant de porter son attention sur l’autre homme. Bj’our ! J’ai pas pu m’empêcher d’entendre qu’vous cherchiez un laïum et, y s’trouve que j’ai aussi entendu par un autre des gars là-bas qu’y’avait possiblement une p’tite récompense. J’passais dans l’coin, donc pourquoi pas rendre service.
Se faire passer pour quelqu’un n’agissant que par appât du gain, c’était dans ses cordes puisque les cristaux et lui… C’était une grande histoire d’amour. Pour son interlocuteur, c’était surtout l’idée de livrer le laïum pour qu’il se fasse exécuter qui n’était pas concevable.
- Donc, d’c’que j’ai compris, tu l’cherches aussi. Autant l’faire à deux, non ? Enfin, à trois, scuse-moi, ajouta-t-il rapidement en jetant un coup d'œil vers le rarwük. Faut pas qu’on reste plantés là, par contre. Il peut déjà être n’importe où et j’ai aucune idée d’la distance qu’il peut parcourir…
Il proposa à l’homme le plan suivant.
- C’que j’te propose : c’est d’le r’trouver, d’récupérer son coll… N’importe quel signe distinctif qu’il aura sur lui, d’le laisser s’échapper, d’ramener l’signe distinctif et d’annoncer qu’le laïum est parti trop loin, ou bien qu’il est mort, et on empoche l’pactol !
Il ignorait s’il se laisserait convaincre, mais il pouvait essayer.
— Oh ! Je te laisse toute la récompense, je n’ai aucune envie de recevoir quoique ce soit d’eux, mais faire équipe me convient quand même.
Parce qu’il a des principes. Enfin, il en a quelques-uns et même s’il utilise des animaux pour faire ses plats il ne supporte pas qu’on puisse vouloir du mal à un familier. Le lien est trop profond pour accuser une créature aussi attachée à soi de pouvoir faire ce genre de crime. Enfin, sauf s’il y avait un souci de base avec le propriétaire et à ce moment-là ce n’est pas la faute du familier. Il tend la main et la pose dans le pelage de Cannelle qui arrête de grogner et se colle à lui tout en continuant à fixer sa cible.
— Cannelle, on doit retrouver le laïum. S’il te plaît, reprends ça.
Doucement, il masse un peu le haut du crâne de l’animal qui se détend de plus en plus avant de se remettre à sentir l’air à la recherche de la source initiale de sa traque. Faolan reprend une grande bouffée d’air et offre un sourire désolé à son interlocuteur.
— Désolé, elle est légèrement tendue quand il s’agit de ma sécurité. Encore plus avec les inconnus. Enfin, ça doit être commun à tous les familiers et…
Et elle vient de pousser un petit bruit pour indiquer qu’il faut la suivre et sans vraiment plus réfléchir et un peu mal à l’aise avec la situation il se retourne et la suit en trottinant un peu. Tout dans la direction mène vers une clairière avec un petit cours d’eau et surtout pas mal d’ombre et coin pour arriver à se cacher. Enfin, se cacher quand on est d’une couleur semblable à ce qui se trouve autour, ce qui est très loin d’être le cas du laïum où sa couleur blanche pique presque les yeux au milieu de toute cette verdure. Là, tentant misérablement de faire un avec une branche d’arbre. Il a presque l’impression de voir son fil qui joue à cache-cache là tout de suite.
Quiproquos
Inaros
Cannelle, puisque c’était son nom, avait pris les devants et pisté, avec une facilité déconcertante pour le mercenaire, le familier fuyard. Cet animal était doté d’un flair qu’il aurait aimé acquérir, mais la vie avait décidé de l’affubler d’un autre pouvoir et il était navrant pour lui de constater que ce n’était même pas son pouvoir. Avant que son esprit ne fusionne dans le corps de la sculptrice, il n’avait pas encore eu l’occasion de découvrir le sien.
Il restait toujours méfiant envers Cannelle, ne serait-ce que parce que l’animal avait d’abord montré les crocs contre lui ; contrairement à son maître qui s’était montré aimable et même sympathique, acceptant de lui laisser la récompense entière. Lui qui s’était attendu à devoir négocier ou ruser par la suite avait presque dû se mordre la langue pour ne pas surenchérir trop vite ! Les deux hommes, qui ne se connaissaient toujours pas, s’étaient donc élancés à la suite de Cannelle et l’avaient suivi à travers bois et prairie.
La verdure environnante était un atout indéniable pour le trio et il ne leur fallut pas longtemps pour trouver le fugitif. Il essayait de se faire tout petit, ramenant avec son museau quelques branchages pour essayer de se camoufler. Pour la première fois de la journée, Inaros fut amusé par le spectacle qu’offrait le laïum.
Il tourna sa tête vers l’autre homme, jugeant inutile de lui désigner ce qu’il avait sûrement déjà dû aussi apercevoir. Il était aussi visible que le nez en plein milieu de la figure.
- Ton… Cannelle peut-il essayer d’communiquer ‘vec lui ? Pour l’rassurer ? J’vais m’approcher, s’il peut… Qu’il fasse. J’sais pas trop comment ça marche.
Il n’avait jamais eu de familiers et ceux avec qui il avait grandi n’en avaient jamais eu non plus. Il ignorait donc tout des liens particuliers pouvant se développer entre ces créatures et un humain. Tout au plus en avait-il vaguement entendu parler, mais il ne l’avait encore jamais expérimenté. Il ignorait aussi tout des rapports et des relations que ces bêtes pouvaient avoir entre elles, surtout lorsqu’elles n’étaient pas de la même espèce.
Une multitude de questions, peu de réponses pour lui.
S’il savait que cette rencontre découlerait sûrement sur une pléthore d’autres interrogations, il aurait probablement fait demi-tour et abandonné l’idée de récupérer ce collier. Mais l’appât du gain était alors prédominant et il s’avança à pas feutrés et les mains levés pour prévenir le laïum qu’il n’avait pas de mauvaises intentions.
À son grand étonnement, et peut-être avec l’aide des deux comparses derrière lui, le dragon ne s’éloigna pas et le laissa même s’approcher de lui à quelques centimètres de distance seulement.
- Ok, laisse-moi r’cupérer ça… dit-il en tendant les bras pour retirer le bijou du cou de l’animal.
Une fois chose faite, Inaros se prépara à glisser le collier dans son sac… Quand le laïum, plutôt que de s’échapper et reconnaissant probablement celui qui l’avait débarrassé de son propriétaire violent, se prit d’affection et vint poser avec affection son museau sur l’épaule du mercenaire. Surpris et agacé, Inaros lâcha un soupir et maugréa à l’attention du maître de Cannelle.
- I s’comporte tous comme ça ?? Pourquoi i fuit pas c’ui-là ?
Il avait fait quelques pas pour s’éloigner, mais le laïum l’avait aussitôt suivi. Comment allait-il faire si ce petit dragon s’entichait de lui ? En plus de ça, ils ne devaient probablement pas être les seuls à être allés dans cette direction.
Le regard d’Inaros se planta dans celui de l’homme, attendant une réponse qui pourrait l’éclairer. Il se permit même un geste de la main pour essayer de chasser le laïum, osant à peine le toucher.
C’est un constat pur et dur pour le coup. Il sait parfaitement que l’équilibre de l’entente de sa ménagerie est assez bancal et autant Cannelle est capable de faire respecter l’ordre au milieu des petits de Faolan, autant avec un familier en fuite, ayant peur, qui a renversé de la soupe, ce n’est pas le même histoire que de gérer des glooby qui s’enfuir sous une nuit étoilée ou encore un ptidodo qui cherche a faire la course avec un flocon, voir même un shupon qui se fabrique un traîneau parce qu’il s’ennuie.
— Mais, j’ai une solution miracle, c’est…
Il n’avait pas été écouté vu que son compagnon mange mot était partie en tête dans cette histoire. Le cuisinier regarda le biscuit qu’il avait en main à proposer à l’animal avant de hausser les épaules et laisser faire l’autre homme. Visiblement il se débrouille pas mal du tout, surtout vu la façon que le laïum avait de réagir.
— Tu voulais le faire fuir ? Hum…
Faolan s’approche un peu et d’un coup le familier se tend et semble hésiter entre se cacher derrière le mercenaire et se mettre devant en protection. Un peu comme Cannelle au début de sa formation pour apprendre à défendre la famille du cuisinier.
— Heu… Tu as déjà pensé à adopter un familier ? Je ne sais pas ce que tu as pu faire, mais il semble attacher à toi. Tu veux tenter de lui donner un biscuit ?
Il propose cela en tenant ledit biscuit alors que la rarwük qui regarde la scène semble parfaitement blasée de ce genre d’échange et spectacle face à elle.
— Enfin, j’aurais aussi pensé qu’il aurait fui avant même que tu l’approches pour le collier à vrai dire…
Quiproquos
Inaros
-Je… J’sais pas, j’lui ai rien fait, mentit Inaros.
C’était comme si le laïum essayait de se cacher derrière lui, et non plus derrière les branchages. Il continuait son petit manège, indifférent aux réactions de recul du mercenaire qui, par dépit, avait abandonné ; et sa main posée sur le museau du dragon servait surtout à empêcher les coups de tête affectueux et incessants. Il observa le biscuit que lui tendait l’autre homme, l’acceptant. Il tendit la sucrerie au laïum, qui analysa l’aliment pendant de longues secondes et le renifla avant de le gober d’un seul coup. Craignant d’y laisser sa main, Inaros la recula vivement.
- Oula…, marmonna Inaros avant de venir tapoter avec douceur le museau de la bête. J’ai bin cru qu’il allait m’manger la main ! Tu penses que… ?
Il plissa les yeux, regardant avec plus d’attention l’être qu’il avait devant lui.
- Jamais penser à adopter quoi qu’ce soit. T’penses qu’ce serait un signe que… ?
Ce qui ne serait pas déconnant. En quelque sorte, Inaros lui avait sauvé la vie en tuant son maître. Un mal pour un bien. Même si cette notion avait totalement disparu de l’existence du mercenaire. Il se gratta le menton, réfléchissant à une alternative, lorsqu’il entendit des éclats de voix, un peu plus loin.
En quelques secondes de réflexion, sa décision avait été prise. Comme lorsque toute cette situation avait débuté. Il soupira, avant de fouiller dans son sac pour sortir le collier et le tendre à celui qui l’avait accompagné dans toute cette aventure.
- J’vais l’emmener ailleurs. J’te laisse leur ramener l’collier. J’trouverai bien un endroit où nous planquer. Enfin, ouais. J’connais une p’tite grotte pas loin. Suffit d’faire ça pour y aller… Tu m’diras si la voie est libre…
Et il lui expliqua, parce qu’il avait aussi l’impression que l’homme pourrait l’aider avec le laïum. C’était ces maudits yeux bleus clairs qui l’avaient convaincus. Ou qui avait convaincu la part d’Ivara qui sommeillait en lui… ? Il avait décidé de mettre de côté son contrat, pour la vie de cette chose qui se frottait contre lui. Il commença à entamer la marche avec le laïum courant derrière lui, marmonnant pour lui-même : « Fais chier. J’peux pas être sympa ET m’faire de la thune dans c’Royaume… ». Un branchage rencontra son pied et il shoota dedans, avant de se retourner pour s’assurer que le dragon le suivait bien. « Et en plus, j’vais devoir t’trouver un nom.». L’adopter, vraiment ?
Un peu plus tard, une fois la nuit installée, Inaros était toujours dans la grotte avec le laïum, qu’il avait essayé d’apprivoiser durant l’heure. Le contact était bon. Très bon. Et Inaros se surprenait même à l’apprécier. Désormais, il n’attendait plus qu’une chose : le contact de l’autre homme pour lui assurer qu’ils pouvaient s’éloigner en toute sécurité.
— Il ne va pas manger ta main, elle est trop chaude pour son estomac. Ça ne mange pas de chaud, c’est mortel pour eux.
Faolan disait complètement cela pour être rassurant, mais étrangement ce n’est pas forcément le genre d’information qu’on souhaite avoir avec ce genre d’animal. Pourtant il n'en voyait pas le souci. Il voyait mal le souci pour pas mal de choses après tout. Dommage d’une certaine manière. Dans tous les cas, il prend le collier que lui donne l’homme et hoche la tête.
— Je dirais qu’il est mort et c’est la preuve. Ils seront satisfaits ainsi, je pense. Bon courage à toi pour lui offrir une nouvelle vie. Cela sera toujours mieux que la mort. Dis toi que tu ne peux pas lui offrir pire si jamais tu doutes à un moment.
Encore une fois c’est tout sauf rassurant, même si c’est le genre de chose qu’il pensait lui-même pour se rassurer avec ses enfants. Il y avait toujours pire ailleurs. Enfin, souvent. Il secoua la tête et une fois les instructions pour la grotte bien comprises il fit demi-tour pour fabriquer cette fausse mort pour le familier.
La nouvelle fut récoltée avec un certain soulagement par le personnel du coin et on le somma assez prestement de reprendre ses affaires et décamper rapidement, tout cela sans payer au passage. Vraiment, ce n’est pas parce que le gars est mort qu’il fait du bénévolat pour les nobles. Il ira déposer une plainte à la garde plus tard pour non-paiement. Parfois cela fonctionne. Juste parfois.
Dans tous les cas, avant de retourner sur place le cuisinier prépare des encas pour l’homme et le laïum. Parce que cela creuse ce genre de moment mine de rien. Une fois fait-il alla sur place et donne le tout à l’homme avec aussi quelque jouet de base qu’il avait fabriqué pour ses propres familiers de base, c’est-à-dire une petite balle avec plein de plume d’oiseau autour et une sorte de canne à pêche avec en leur un autre ensemble de plume. Il y avait aussi une petite couverture et deux coussins.
— Tiens, je ne sais pas combien de temps il va rester avec toi ou si tu as de quoi t’en occuper, mais… enfin, voilà. C’est au cas où. Un familier c’est un bout de famille et je ne pouvais pas te laisser un nouveau membre de famille sans rien.
Il est un peu trop émotif avec ce genre de chose mine de rien.
— Dans tous les cas, normalement on va vous laisser tranquille. Je doute que le personnel cherche le corps de l’animal. Son collier n’est pas quelque chose qui se perd si on ne le retire pas directement du cou.
Et visiblement il n’avait pas cherché à savoir si la cuisinière n’avait pas juste libéré l’animal. Enfin, c’était un familier qu’on croyait responsable de la mort de son maître, il n’aurait pas laissé un parfait inconnu l’approcher pour lui prendre son collier dans ce genre de cas. Surement. Au moins ça faisait une adresse à rayer de sa liste de visite pour un long moment.