Une journée comme une autre pour la citoyenne… Activité plus ou moins légale, manger dormir etc… La fin de journée s’annonce enfin mais quelqu’un vient se présenter pile au moment où elle décidait de fermer boutique. Un aventurier en plus, aux demandes les plus invraisemblables les unes que les autres.
Vivianne peut bien essayer de le mettre à la porte, Aslander s’accroche comme un glooby trop baveux. Que fait la Garde quand de tels énergumènes embêtent les honnêtes commerçants ? Ils ne sont jamais là, il faut bien le reconnaître… Vivianne ne va pouvoir compter que sur ses petits bras pour se débarrasser de l’aventurier.
Participants : Aslander & Vivianne
Challenge RP : Vous devez tous les deux inventer les raisons les plus invraisemblables pour atteindre votre objectif
Aslander : mener la conversation jusqu’au bout de la nuit
Vivianne : tenter de jeter Aslander dehors avec toute la politesse d’une commerçante
Pour l’instant, je regardais les étagères vides de ma boutique. J’avais été dévalisée et mon stock en avait pris un coup, mais au moins faire la poussière serait plus facile à nettoyer en cette fin de journée. Je commençais donc mes tâches habituelles en passant un coup de plumeau, puis je partis m’enfermer dans ma réserve pour faire l’inventaire de mes stocks et remettre les articles manquants en rayon. Il allait me falloir un réapprovisionnement d’urgence si je voulais pour voir tenir la boutique ouverte jusqu’à la fin de la semaine ! Sans parler des commandes pour la cabale, je n’avais plus assez d’ingrédients pour ce poison si efficace …
Le son d’une sonnette retentit et la vendeuse faillit fracasser le bocal qu’elle tenait dans ses mains. Elle avait oublié de fermer la porte d’entrée et un client en avait profité pour entrer alors même qu’elle comptait fermer. Elle se maudit intérieurement d’avoir été si négligente. Comment allait-elle faire pour s’en débarrasser maintenant ? Le mettre dehors séance tenante lui ferait de la mauvaise pub et son commerce commençait tout juste à fleurir comme elle avait pu le constater aujourd’hui, mais d’un autre côté elle n’avait aucune envie de s’occuper de cet emmerdeur. Cruel dilemme …
Elle sortit de la réserve et chercha son visiteur du regard. Il était facile de le remarquer en train d’errer entre les étales vu qu’ils étaient pratiquement vides. Elle se dépêcha de passer le comptoir pour venir à sa rencontre.
« Bienvenue dans notre boutique de magie, nous sommes malheureusement sur le point de fermer. Puis-je vous conseiller de revenir un autre jour ? Nous avons été pour le moins dévalisés aujourd’hui et nos stocks n’ont pas encore été approvisionnés. Vous trouverez sûrement ce que vous cherchez un autre jour, dit-elle sur un ton parfaitement professionnel. »
Elle s’empressa de lui ouvrir la porte d’entrée en lui faisant signe de bien vouloir l’emprunter dans l’autre sens. Son visage était resté de marbre, mais à l’intérieur elle s’impatientait de le voir partir s’en faire d’histoire. Il ne valait mieux pas énerver une femme de son âge.
« Je vous assure que nous serons prêts à vous servir au mieux demain »
Un large sourire accompagna sa phrase. Elle usait de toutes les stratégies les plus polies qu’elle pouvait pour bien faire comprendre à son client de dernière minute qu’elle souhaitait qu’il parte sur le champ, mais il n’avait pas l’air de comprendre …
La capitale, définitivement pas l'endroit que je préfère. J'y ai déjà vécu moulte mésaventures, la bière y a un goût horrible il me semble et en plus, il n'y a pas la présence de la mer pour m'apaiser et de l'apaisement, j'en aurais bien besoin! Malheureusement, ma position à la tête du Trône d'Amphitrite me force parfois à faire des déplacement, il était ici question d'un partenariat pouvant être intéressant pour ma société... J'ai dû déchanter en me rendant compte que c'était malheureusement loin d'être le cas! Cet homme voulait uniquement profiter de nos produits en apportant que peu de valeur ajouté à mon entreprise! Si j'avais accepté une offre si désavantageuse, nul doute qu'Oswald, en sa qualité de comptable, m'aurait fait entendre le fond de sa pensée et je préfère éviter cela. Me voici donc, courroucé, dans un lieu que je n'apprécie guère alors que le jour se couche et en plus, voilà qu'il se met à pleuvoir! Et merde! Je me dirige vers le premier bâtiment que je trouve, histoire de me mettre à l'abri le temps que le climat devienne plus clément, par chance, la boutique est encore ouverte, une aubaine! Peut-être même pourrais-je acheter quelques objets pour mes prochaines aventures?
Mais alors que je me dis enfin chanceux dans cette journée des plus désagréable, voici que la jeune commerçante s'approche rapidement m'indiquant qu'ils sont malheureusement sur le point de fermer... Je la regarde sans réellement comprendre alors qu'elle continue son discours : ils n'ont pas été approvisionnés, elle est sincèrement désolée mais ils pourront mieux me servir un autre jour et en plus voici qu'elle m'ouvre la porte, s'apprêtant littéralement à me jeter dehors? En temps normal sans doute aurais-je été compréhensif, la journée est longue pour tout le monde je suppose? Pourtant, je ne raisonne pas si logiquement aujourd'hui! Cette ville, cette affaire désastreuse qui m'a fait me déplacer pour rien et maintenant cette commerçante qui veut me mettre hors de la boutique sous la pluie battante, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je fronce les sourcils et plutôt que de passer par cette porte ouverte, je m'engouffre dans la boutique. Je n'avais pas spécialement besoin de faire des achats mais ce comportement me déplait!
"Vous voudriez donc mettre un client à la porte? Ce manque de professionnalisme me sidère! La porte était-elle fermée? Il ne me semble pas! Si vous étiez vraiment fermé alors la porte aurait dû être barré! À moins que vous n'essayiez de bailler aux corneilles? Refusant tout les clients parce que vous ne voulez juste pas travailler?"
Exécrable? Sans doute oui, j'aurais tout le temps de m'en vouloir plus tard si cela arrive. Pour l'heure, je me tourne vers la jeune demoiselle. Plutôt mignonne, malheureusement je doute que l'on se quitte sur une bonne note vu le début de notre rencontre. En même temps, je suppose que je ne devais pas en attendre plus d'une gamine? La toisant de haut, je laisse l'aventurier Aslander O'Sullivan vaquer à ses occupations pour prendre la place d'un homme bien moins appréciable : Lord O'Sullivan, noble et prétentieux comme tout ceux de cette classe sociale sans parler de son dédain et son mépris des plus évident. Je la regarde de bas en haut, faisant même une légère grimace comme un dégout pour ajouter à l'injure.
"Inutile de discuter avec une enfant qui ne comprends visiblement pas l'importance d'un travail honnête et d'un client tel que moi! Jeune fille, rendez-vous donc utile et allez chercher votre supérieur! Sans doute sera-t-il bien plus professionnel!" Dis-je en levant le nez avant de taper deux fois dans mes mains. "Chop chop! Exécution!"
Je le regardai avec pitié et indifférence. Cet homme semblait absolument vouloir quelque chose, maintenant, mais n’était même pas capable de me le dire explicitement. À la place, il me faisait un scandale et s’accrochait à ma porte comme un miséreux sans le sou. Si seulement il y avait une méthode toute prête pour se débarrasser des nobliaux qui encombraient votre entrée. Je soupirai intérieurement, j’étais certaine qu’il n’achèterait rien, ou alors à très bas prix. Un coup d’œil discret à l’extérieur me renseigna sur la vraie raison de sa venue. Alors comme ça monsieur le riche client n’aime pas se faire tremper ? Et il ne pouvait pas trouver un préau pour s’abriter au lieu de débarquer dans ma boutique sans crier gare ? Bon Vivianne, il est temps de ruser.
Un tremblement parcourut les mains de la jeune femme et son visage prit une expression apeurée. Très convaincante, on pouvait même voir une larme de crocodile couler lentement le long de sa joue. Elle tremblait comme une feuille et sa posture se fermait de plus en plus. Ses mains étaient jointes devant ses cuisses et ses épaules se rapprochaient l’une de l’autre, tandis que ses yeux cherchaient désespérément un endroit où se poser. Décidément, la réaction du noble semblait l’avoir beaucoup affectée et c’est sur un ton mal assuré qu’elle bafouilla une excuse :
« Je … je suis désolé monsieur, je ne voulais pas vous offenser … »
Elle se mordit la lèvre pour l’empêcher de trembler et referma la porte qu’elle avait ouverte. Puis elle reprit son rôle d’actrice :
« C’est … c’est moi la … gérante … J’ai repris cette boutique à la mort de mon grand-père … Il … il n’a pas eu le temps de tout m’apprendre … je suis désolé …, bredouilla-t-elle en laissant ses larmes perlées à ses yeux »
Sa voix se brisa à la fin de sa phrase en un sanglot sonore. Les petites larmes devinrent rivière et la vendeuse se mit littéralement à pleurer devant son client. Sa poitrine était parcourue de soubresauts et seuls ses sanglots et ses reniflements meublaient le silence désormais. Malgré ses pleurs, elle articula d’une voix nasillarde :
« Ze Zuis dézolé, Ze zais plus quoi faire avec ma boutique … Mon grand-père doit avoir honte de moi là-haut … Zai eu tellement de clients auzourd’hui et ze n’ai plus azez de stocks ze voulais pas que vous zoyez dézu pardon … »
Elle s’essuya les yeux en reniflant, mais ses larmes continuaient de couler toujours plus nombreuses. Dans un instant de faiblesse elle appuya son dos contre la porte et se cacha le visage pour ne pas qu’il la voit pleurer, bien que ce fut un peu tard.
Dans ma longue vie, j’avais connu mon lot de tristesse et feindre cette émotion était très facile pour moi. Il me suffisait de me rappeler un souvenir comme la mort d’Alistair ou ma séparation de Camaël. Un rien faisait remonter cette émotion si vive qui m’avait touché il y a longtemps. Je me demandais bien ce que mon client collant allait faire. Peu importe ces plaintes, je continuerais à pleurer jusqu’à ce qu’il change de ton. Avec un peu de chance, il se lasserait et partirait.
Qu'est-ce qu'il lui arrive à cette gamine? La voilà qui est toute tremblotante, elle semble même se liquéfier sur place... Sérieusement? J'ai juste demandé à voir son supérieur, à moins que ce-dernier ne soit un véritable tortionnaire, elle n'a pas de raison de se mettre dans un pareil état. Les jeunes sont si intimidables de nos jours... Sauf que la peur se mue en autre chose, alors qu'elle s'excuse platement voilà qu'elle m'affirme être la gérante? Sérieusement? Cette enfant? Si j'avais eu de la compassion elle m'aurait sans doute déchirer le coeur, après tout la voilà qui fond en larme! Elle va littéralement se faire dévorer dans le monde des affaires! Le soucis, c'est que je ne suis pas spécialement doué pour m'intéresser aux autres excepté mes proches. Elle est seule, triste, craintive? Quelle importance? Dans ce monde les forts survivent et les faibles se font croquer! Plus vite elle apprendre cela mieux ce sera! Au moins elle a la décence de fermer la porte sur l'extérieure sans commettre l'erreur de me demander de partir.
Et la voilà qui pleure de plus belle, des larmes qui ne cessent de couler alors que ses paroles, mâchées par ses pleurs deviennent incompréhensibles! Je lève les yeux au ciel, poussant un profond soupire sans même tenter de le dissimuler. S'attendait-elle à ce que je me confonde en excuse pour sa tristesse ou sa peur stupide? Je secoue la main devant mon visage avec la même attention à son égard que si elle n'avait été qu'un moustique me tournant autours et que je tente de chasser. "Oui oui... Personne ne vous a demandé votre vie! Nous avons tous nos problème, le mien pour l'instant c'est que vous ne faîtes pas votre travail! Cesser donc de pleurer et faite ce pour quoi les clients vous paie, la seule chose décevante jusqu'à présent c'est votre service!" Dis-je en me détournant d'elle pour me tourner vers les étagères qui ont effectivement été vidées apparemment. Dommage, j'aurais pu faire le plein de potions éventuellement... Pour l'heure, je ne vois rien de particulièrement intéressant, elle ne ment sans doute pas lorsqu'elle dit avoir eu beaucoup de client mais tout de même...
"Une boutique en plein coeur de la capitale et vous avez si peu de stock? La profusion des clients n'est guère une excuse quand on est si bien installé on doit s'y attendre! Quelle dommage d'être si loin de Manillam, les stock de Nemue sont toujours pleins et au moins elle sait faire son travail!" Dis-je en me tournant vers la jeune fille. "Cessez donc d'être immobile! À moins que je ne doive me servir seul? Vous n'avez rien dans l'arrière boutique?"
La jeune fille sécha ses larmes en reniflant. Elle continuait de trembler, mais s’était enfin arrêtée de pleurer devant son client. Bien qu’elle n’ait pas réussi à le faire s’apitoyer, il avait enfin décidé de se comporter comme un client à peu près normal et de s’intéresser aux produits en ventes. Vivianne regarda les étagères qui ne présentaient plus grand-chose et vu l’énergumène, il serait sûrement exigeant. Il fallait commencer par piquer son intérêt. Un enchantement personnalisé ? Non par Lucy, s’il disait oui, elle se retrouverait bien embêtée. Un tel travail demandait des heures. Hum … le rôle de la godiche pas très futée lui plaisait bien autant continuer. Elle le va ses yeux rouges et répondit à sa question en s’essuyant les joues :
« Il me reste quelques ingrédients et potions magiques si vous voulez. Attendez-moi ici, je vais voir ce que je peux vous proposer, souffla-t-elle faiblement. Je vous ferais une dégustation gratuite offerte par la maison pour que vous puissiez faire votre choix. »
Elle inclina la tête et passa derrière le comptoir pour accéder à sa réserve. Quand la porte claqua, elle poussa un soupir d’agacement. Pourquoi devait-elle perdre son temps avec cet idiot ? Il n’achèterait rien de toute façon, elle en était convaincue … mais une idée lui vint. Une excellente idée même. Elle s’approcha d’un placard contenant des biscuits de toutes les couleurs. Elle caressa le verre du bout des doigts.
« Bonjour, mes petits, maman a besoin de vous »
Ils étaient le résultat d’une petite expérience qu’elle menait pour la cabale. Elle cherchait un nouveau moyen d’accélérer ou de retarder l’effet d’un poison incorporé à une préparation culinaire. Pour l’instant elle n’utilisait que substances non mortelles pour pouvoir garder ses cobayes en vie. Son nouveau client pourrait donc lui servir de sujet pour ses expériences … Un sourire mauvais se dessina dans la pénombre.
Je ressortis de la réserve avec mon bocal de biscuit. Son regard condescendant me hérissait toujours le poil, mais je tins bon. Il fallait garder ce masque de l’ingénue un peu stupide. C’est ce qu’il voyait en moi de toute façon. Je posai mes préparations sur le comptoir et inclinait la tête.
« Il me reste des préparations alchimiques dans la réserve, mais elles ne sont pas encore filtrées. Laissez-moi quelques instants pour les mettre en flacons et je vous les présenterai. Vous pourrez prendre l’un d’eux en dédommagement pour mon accueil. Vous pouvez vous asseoir sur une chaise et n’hésitez pas à profiter de ces quelques collations, elles sont offertes par la maison. »
Je lui souris timidement. Le bocal ne contenait plus que des biscuits aux laxatifs ou aux somnifères. J’avais bien utilisé tous les biscuits fourrés aux aphrodisiaques n’est-ce pas ? Je fus prise d’un terrible doute sur l’instant et impossible de vérifier, il y avait trop des biscuits dans ce bocal pour voir s’il en restait un. Rah trop tard pour me défiler, je fis demi-tour et m’enfermai à clé dans la réserve pour lui préparer ses foutues potions.
La vendeuse ressortit 30minutes plus tard, elle avait répondu à l’impatience de son client en lui disant que les processus alchimiques étaient très précis et qu’elle ne ferait bien de ne pas se tromper dans les dosages aux risques de le tuer ou le rendre malade. En réalité, elle avait attendu qu’un de ses biscuits ait fait effet. Elle déposa plusieurs de ses potions sur le comptoir pour les exhiber à la vue de monseigneur le client pas content.
« Voilà, j’ai terminé, dit-elle avec un sourire radieux. »
Il y a quelque chose d'étrange... Je suis odieux avec elle, j'en ai bien conscience. Sans doute un jour, plus tard, pourra-t-elle me remercier pour cela, il faut bien endurcir cette petite sotte, si elle vient réellement uniquement de récupérer cette boutique, elle va mettre la clef sous la porte assez vite si elle se laisse ainsi intimidée. Pourtant, elle sèche bien vite ses larmes... J'ai connu des lâches, des couards, des faibles et je sais une chose sur eux : s'ils pleurent et que vous continuez à les enguirlander, ils vont peut-être exécuter vos ordres mais non sans cesser de pleurer! Elle, elle se reprend bien vite... Encore tremblotante certes, mais ses larmes maintenant séchées ne coulent plus et cela me semble étonnant... Peut-être a-t-elle plus de force que je ne lui en accordait dans un premier temps? Quoi qu'il en soit, elle affirme qu'elle va aller voir en arrière boutique et m'affirme qu'elle me laissera une dégustation gratuite? Je laisse un rictus s'échapper bien que je ne dise rien cependant, une dégustation gratuite? D'une concoction quelconque qu'elle aura fabriquée loin de mon regard? Si j'acceptais pareille offre, je serai sans doute un imbécile et probablement mort depuis longtemps!
La voici qui revient avec un bocal de biscuit, m'affirmant qu'elle a effectivement quelques préparations alchimiques en réserve mais qu'elles ne sont guères filtrées... Une affirmation qu'elle m'en offrira une pour se faire pardonner? Elle va vraiment se faire croquer pauvre petite! Et la voici qui repars en m'invitant à m'installer et, pourquoi pas, à me servir dans les biscuits... J'en prends donc un avec un grand sourire condescendant sur le visage et lorsqu'elle ferme la porte sur son corps frêle, je repose le biscuit dans le bocal sans jamais le porter à mes lèvres. Encore une fois, me prend-t-elle pour un imbécile? Ce genre de biscuit ou autre bombec que l'on trouve dans des magasins sont généralement bien en évidence, visibles et disponibles pour les clients qui patientent! Ici, elle sort ce bocal de sa réserve, réserve dans laquelle se trouve ses produits alchimiques et, si c'est une bonne herboriste, elle sait sans nul doute comment faire des concoctions nocives ou des poisons même si elle ne l'avouera pas... Cela serait stupide! J'ai déjà été drogué par de la nourriture il y a quelque temps, à cause d'un fou qui idéalisait une relation inexistante entre Khalie et moi! Je ne vais sans doute pas manger les pâtisseries qui trainent depuis Lady Fortune seule sait quand dans une arrière boutique d'une demoiselle capable de m'empoisonner si elle le voulait! Je prends donc place, m'installant sur un siège et je patiente...
Trente longues minutes... Il a arrêté de pleuvoir, je pourrais sans nul doute partir mais ce n'est plus réellement à l'ordre du jour. Je suis curieux de voir ce que fait la demoiselle, ce qu'elle a à me proposer. Après si longtemps uniquement pour mettre des potions en bouteille, elle doit avoir une concoction exceptionnelle, j'accepterai probablement la dégustation, à condition qu'elle y goûte avant bien-entendu! La voici qui réapparait avec un sourire sur le visage et naturellement, sans même me lever, je la gratifie de toute ma joie de son retour.
"Enfin! Après tant de temps j'espère qu'au moins cela en vaut la peine! Trente minute pour mettre des potions en bouteille? Pas étonnant que vos étagères soient vides avec une telle vitesse d'exécution!"
Un regard vers les biscuits m’indiqua que cet enfoiré n’y avait pas touché du tout. Bien, tant pis alors. On va devoir passer au plan B. Il m’accueille comme si je l’avais fait patienter des heures, mais nous sommes déjà bien loin de mon horaire de fermeture. Arracher ce glooby de mes étales va devenir oh combien difficile maintenant … Mais j’avais plus d’un tour dans mon sac. Mes pièges étaient nombreux et ils ne les esquiveraient pas tous. Commençons par la dégustation.
La jeune femme déposa ses flacons sur le comptoir et commença à les ranger pour les classer en catégorie. Elle mit deux flacons à l’écart et commença par lui en présenter trois.
« Il n’est pas bon de cumuler trop d’effets alchimiques d’un coup, je vous demanderai donc de déguster ses potions avec une grande parcimonie pour ne pas vous rendre malade. »
Elle referma le bocal de biscuits puisqu’ils avaient échoué dans leur tâche et lui montra les trois potions.
« Voici un assortiment de potions de soin pour blessures mineures. Il s’agit de notre meilleure vente auprès des aventuriers et de la population. Simple, efficace sur les petites blessures du quotidien et surtout, sans effets secondaires trop violents. Vous voulez goûter ? »
Elle le regarda pleine d’espoir, mais il exigea qu’elle goûte en premier. Sans rien laisser paraître, la jeune femme déboucha la bouteille et déversa un peu de son contenu dans un verre et le bu d’une traite, ouvrant la bouche pour montrer qu’elle avait bien avalé. Elle connaissait les gens méfiants, il leur fallait une preuve indiscutable qu’on ne cherchait pas à les empoisonner et elle comptait bien là-dessus. La potion n'aurait aucun effet de toute manière, mais son goût si particulier pourrait peut-être le mettre en confiance.
« Vous voyez ? Aucun risque ! »
Elle lui adressa son plus beau sourire. Tandis qu’il essayait sa potion, elle lui présenta le reste du lot. Seules les potions de soin et les potions miracles étaient des vraies, le reste n'était qu'une excuse pour lui faire boire ses poisons.
« Ces deux potions sur le côté sont des potions miracles, chères, puissantes, elles vous sauveront la vie même si vous êtes aux portes de la mort. Nous ne pourrons pas les déguster ce soir au risque de nous évanouir sur le champ, mais leur efficacité est redoutable ! »
Je jouai avec les mots, et j’échangeai les informations sous ses yeux profanes sans qu’il ne puisse rien y comprendre. Arriveras-tu à percer mon secret à jour, petit client ? Connais-tu quoique ce soit à l’alchimie ? Les potions sont un art complexe, ancestral et dangereux, oui très dangereux.
Elle lui présenta le reste de sa marchandise d’un large geste de la main.
« Ces potions ont des effets uniques et bien plus variés. Nous avons par exemple le philtre d’amour pour attirer le regard de votre dulcinée. Quelques goûte et la personne qui les ingérera tombera amoureuse de la première personne à l’embrassée. »
Elle fit exactement comme pour la potion de soin et dégusta une partie du flacon devant lui sans aucune gêne. Une potion sans danger donc.
« Ensuite vous avez une potion d’insensibilité, vous permettant de supporter n’importe quelle douleur pendant un temps limité. Faites bien attention cependant, vous ressentirez tout à la fin de son effet. Elle peut donc être extrêmement dangereuse, la douleur est un message très important que nous envoie notre corps ! »
Elle en déboucha le contenu et le but encore de la même façon. Puis, s’en crier gare, elle attrapa une aiguille et se la planta dans la main. Son « client » put alors remarquer qu’elle ne broncha en aucune manière, même pas un tic de douleur sur son visage.
Allez, tu vois bien que je ne mens pas ? Je suis morte 4 fois et mon rapport à la douleur est devenu assez … spécial. Même sans potion, une telle mutilation ne me provoque qu’un haussement de sourcil incertain. J’essuie rapidement la petite goûte de sang qui perlait sur ma main pour ne pas en mettre partout, tout en lui proposant de goûter les potions. Le philtre d’amour était en réalité l’antidote aux puissants somnifères que j’avais répandu dans certaines des autres potions. Tant qu’il était pris peu avant l’ingestion du poison, il faisait encore effet. Le corps mettait du temps à assimiler ces substances, alors l’antidote était toujours présent en moi pour faire son effet. Alors que choisis-tu cher client ? Prendras-tu le risque de goûter mon philtre d’amour ? Ou tomberas-tu dans le piège ?
Pour m’assurer qu’il ne se doute de rien, je lui présentai les trois autres potions, une potion de jeun, un antidote et une potion amphibie. Tous étaient piégées aux somnifères, mais je me ferai une joie de les boire devant lui.
De plus en plus étrange, alors qu'elle avait précédemment arrêter de pleurer, maintenant c'est tout son comportement qui a changé. Je peux croire qu'elle se soit calmée durant ces instants en solitaire dans l'arrière boutique mais tout de même... Plus de tremblement, plus de crainte, plus d'excuse alors que je l'accueil aussi froidement qu'auparavant dès son retour? Il y a définitivement quelque chose d'étrange et je finirai bien par comprendre quoi... Pour l'heure cependant, la jeune femme me montre un assortiment de potion et je m'installe confortablement dans le mon siège en l'écoutant me faire l'éloge de ses créations... Oui bon, ce ne sont que des potions de soin, pas de quoi en faire toute une histoire, je peux aisément croire que ce sont les plus vendus parmi les aventuriers, manquerait plus qu'elle me signale que la seconde plus vendue et l'antidote et elle aura définitivement fini de me prendre pour un imbécile! Ce sont des potions on ne peut plus classiques et même un débutant en a déjà vu! Elle me propose de goûter? J'arque un sourcil en regardant la demoiselle, est-elle sérieuse? Quel intérêt pour moi de prendre une gorgée? Je ne pourrais même pas vérifier que ce soit effectivement efficace puisque je ne suis pas blessé. Cela étant, autant m'amuser de la situation...
"Que d'empressement pour me voir goûter, peut-être ne devrais-je pas? Prenez donc une gorgée avant moi..."
Ce qu'elle fait sans hésiter? Donc ce n'est pas dangereux, je prends donc une gorgée avant d'ouvrir les yeux, maudissant ma propre stupidité! J'ai été bien trop sûr de moi et je n'ai donc pas fais preuve de prudence, elle pourrait parfaitement avoir placé un poison dans la concoction et prit un antidote dans l'arrière boutique pour me piéger! Heureusement, cela ne semble pas être le cas et la potion goûte la potion de soin... Une chance mais je ne comptes pas répéter l'erreur... De toute manière, vu sa prochaine proposition, aucun doute que je ne comptes pas tenter d'y goûter! Un philtre d'amour? Permettant de faire tomber amoureuse la personne qui l'aura bu à condition d'être le premier à l'embrasser? Qui peut bien vouloir ce genre de saloperie? Non seulement je ne parlerait même pas de l'effet néfaste évident dès que la potion aura cessé de faire effet mais en plus, qui a besoin de cela? Je n'ai jamais eu besoin du moindre philtre ou d'un quelconque artifice pour attirer une gente dame dans mes draps! Il y a une chose que l'on appelle le charisme et le pouvoir de séduction et les miens valent mieux qu'une quelconque potion! Elle me propose cependant d'y goûter et j'agite la main en guise de refus. Hors de question de boire une chose qui pourrait permettre de me contrôler, sans compter que je n'en vois pas l'intérêt! Même si un tel artifice pourrait me tenter, ce serait pour le faire boire à quelqu'un et non pour l'ingurgiter moi-même.
Nouvelle proposition ensuite : une potion d'insensibilité à la douleur! Plus intéressant déjà mais encore une fois, pourquoi voudrais-je la déguster en réalité? Je n'ai nul besoin de me battre et je ne vais sans doute pas m'infliger moi-même une douleur quelconque pour vérifier l'efficacité du produit! Sans compter qu'elle affirme que la douleur reviendra directement et totalement une fois l'effet estompé, la dernière chose dont j'ai besoin serait de me réveiller à cause d'une douleur soudaine suite à un test aussi ridicule qu'inutile... Par ailleurs, elle me surprend en se plantant elle-même la main suite à la prise de cette potion, une démonstration donc? Pourquoi alors "déguster" ce n'est pas comme si le gout d'une potion avait un intérêt quelconque par contre, je souris doucement... S'il y a une chose que j'aime, c'est jouer et je veux voir ce que je n'arrive pas encore complètement à déceler chez cette jeune fille : elle pleure dès que j'élève la voix, s'arrête dès que je lui dis, reviens sans plus aucun doute et maintenant se plante même une aiguille violemment dans la main? Il y a quelque chose d'étrange et j'ai besoin de savoir quoi...
"Intéressant, une démonstration très convaincante! Je vois que cette potion de résistance à la douleur fonctionne parfaitement... Par contre, quelle preuve ai-je pour l'autre potion exactement?" Dis-je en me redressant, prenant appuie de ma main sur la table. "Selon vos dire, si je vous embrassais, vous tomberiez éperdument amoureuse de moi? Pourquoi n'y a-t-il guère de démonstration de cela?" Mystérieux, le regard sincère, je reste quelques instants avant de me reculer d'un coup en riant fortement. "Non, aucun besoin de démonstration, je ne désire guère qu'une midinette s'entiche de moi... Mais si nous parlions sincèrement un instant? Ces potions, ce n'est que de la poudre aux yeux! N'importe quel apothicaire peut les créer, ce n'est pas pour rien qu'elles sont trouvables sur le marché avec aisance... Je veux, quelque chose de plus... Unique!"
Casanova en voulait toujours plus, sans jamais réussir à définir ce qu’il voulait exactement et je commençai à m’impatienter. Il voulait que je lui sorte le grand jeu ? Très bien, mais qu’il ne vienne pas se plaindre à Lucy quand son âme atteindrait le ciel après sa mort, les poisons étaient les plus doux de mes artifices.
La jeune fille rougit quand il s’approcha d’elle, cachant sa bouche avec sa main comme si elle avait cru qu’il allait l’embrasser. Elle papillonna des yeux, visiblement gênée par son comportement un peu trop entreprenant. Une vraie midinette en effet. Elle rangea ses potions sous le comptoir, voyant qu’elles n’avaient pas trouvé acquéreur. Tout en les rangeant, elle lui répondit :
« Même en faisant cela, vous ne sauriez pas si c’est la potion ou mes vrais sentiments que vous pourriez voir »
Elle se dandina d’un côté à l’autre en fixant le sol visiblement gêné par ses propres propos. Une jeune fille comme elle ne devrait pas dire ce genre de chose à un homme d’un âge si avancé … Enfin, allez savoir qui était le plus âgé des deux dans cette pièce. Elle releva les yeux en recoiffant une mèche rebelle et s’adressa à lui sur un ton plus calme :
« Il me reste une pièce unique d’enchantement à l’étage, si vous me permettez … »
Elle passa devant lui en croisant son regard, avant de le fuir aussi vite et se dirigea vers les escaliers au fond de la boutique pour monter à son atelier. Elle prit grand soin de fermer la porte derrière elle pour être sûre qu’il ne la poursuive pas.
Bon, il allait falloir trouver un moyen de le piéger, encore … Je commençais à être à court d’idées. J’inspectai mon laboratoire, mais je ne trouvais que des restes de mes repas que je n’avais pas encore nettoyés. Une pomme, un sandwich au jambon, un morceau de pain, du fromage et des biscuits sans poison. Super … Heureusement qu’il ne pouvait pas monter, sinon il me ferait encore un scandale … Ah ! Voilà ce que je cherchais.
La jeune fille réapparue dans la boutique principale en tenant ce qui ressemblait à un objet allongé, emmitouflé dans une couverture protectrice. Elle n’avait pas mis longtemps cette fois-ci, comme une bonne commerçante. Elle déposa l’objet sur son comptoir et le découvrit devant les yeux de son client. Un magnifique trident reposait devant eux, serti de runes et finement ouvragé. Il était plutôt banal en apparence, mais sa finition était parfaite, un œil expert pourrait le reconnaître.
« Voici un trident des glaces, capables de geler toute surface avec laquelle ses pointes rentrent en contact lorsqu’on l’active. C’est ma plus belle pièce, je n’aurais rien de plus unique pour vous aujourd’hui. Sauf si vous voulez passer commande … »
Un trident des glaces, tu parles. C’était une expérience ratée d’enchantement que je peinais à réparer. L’intérieur du manche était truffé de cristaux d’électricité et j’avais raté l’enchantement de protection si bien que l’objet vous électrocutait violement quand vous aviez le malheur de le toucher, d’où la couverture isolante. Allez petit client, finissons-en maintenant. Si tu ne prends pas cette porte de sortie que je t’offre, je te promets de courir dans la rue ne criant au violeur pour que la garde me débarrasse enfin de ta sale tête.
Définitivement, cela sent le coup fourré! Je ne suis pas un imbécile, si le comportement de la demoiselle me semblait étrange, ses changements d'humeur au rythme de mes paroles, cette fois j'ai la confirmation qu'elle cache quelque chose! Après tout, je sais que je suis charmant, un séducteur si je le désire qui n'a jamais eu de problème à séduire une gente dame mais cette réaction? Je ne saurai pas si c'est la potion ou ses sentiments réels? Je sais que nombre de noble se gonfle d'égo lorsqu'une donzelle leur parle de la sorte, la différence d'âge pourrait même ajouter à cela : quel plaisir que de plaire à une petite jeune lorsqu'on ne l'est plus tant n'est-ce pas? Pourtant, je sais aussi une chose avec certitude : Je suis loin d'être charmant avec elle! Odieux serait le mot le plus juste, impossible qu'une jeune fille s'éprenne d'un homme lui parlant de la sorte, la faisant prétendument pleurer pour mieux s'en moquer après coup! Ses changements de tempérament n'avaient rien de naturels, c'est pourtant cette simple comédie n'ayant pas grand sens qui me le confirme : je dois me méfier d'elle et en même temps, n'est-ce pas plus intéressant encore?
Une pièce unique à l'étage? Et la voilà qui se retire en fuyant mon regard comme si elle avait peur de s'embraser uniquement en le croisant! Elle en fait trop pour que cela semble honnête, menteur et comédien comme je le suis, je sais voir les signes qui ne trompent pas! Profitant de son départ, je me penche pour me saisir de la potion qu'elle a abandonnée sur la table, hors de question d'y goûter mais je peux toujours humer cette-dernière, cherchant à déceler une odeur de narcoleptique ou de plante quelconque servant dans la concoction de poison ou autre substance hallucinogène... Rien! Soit cette potion est parfaitement normale, soit la demoiselle est capable de masquer ses méfaits, une chose attendue de la part d'une alchimiste cela dit! Il est également possible que je sois un peu trop paranoïaque mais je ne le pense pas cependant... Je vais prendre un risque avec la demoiselle... Si je me trompe, je dois jouer mon coup assez bien pour ne pas m'attirer de problème, si j'ai raison cependant, peut-être pourrais-je obtenir d'elle une chose que je ne peux pas obtenir de Nemue : un moyen de me venger? Attendant d'abord de voir cette fameuse pièce unique.
La jeune femme revient, un objet bien enveloppé dans une protection. Le déposant devant moi sur la table elle découvre une arme magnifiquement ouvragée. Pas autant que mon trident sans doute, mais suffisamment pour me faire arquer un sourcil. J'en approche même la main pour le toucher lorsqu'elle m'explique son effet. Je m'arrête, la main juste au-dessus du manche. Dommage, le fait de geler n'est pas spécialement intéressant, pas en prenant en compte mon pouvoir qui le permet déjà. Je recule donc ma main mais ne quitte pas des yeux l'arme, il faut bien avouer que c'est une belle pièce...
"Je suis surpris je dois bien l'avouer... Les potions que vous m'avez proposé sont ordinaire, cette arme par contre, est superbe... Si l'enchantement est réellement efficace, je vous ai sans doute mal juger! Dû à votre âge certainement... Cependant, il est possible que ce mauvais jugement soit réciproque?" Dis-je en reportant mon regard sur elle. "Je suppose que je dois vous paraître être un odieux personnage, ce genre de client qui ne vient que pour se plaindre de votre "incompétence" et exiger des rabais pour finalement ne rien acheter? Étant moi-même dans le commerce, je connais ce genre d'homme et, même si je suis effectivement exigeant, je suis capable de mettre le prix lorsque c'est nécessaire..." Sur ces mots, je prends dans la poche de ma veste une bourse emplie de cristaux que je jette sur la table, une somme conséquente en réalité surtout pour ne rien acheter. "Ceci est pour votre temps dont j'ai abusé, si vous le permettez cependant, j'aurais une demande bien spécifique à formuler. Si vous acceptez de l'entendre, vous serez généreusement dédommagé pour la satisfaire, sinon je pars immédiatement et je vous laisse à votre début de soirée mais... Laissez-moi vous dire que c'est une offre difficile à refuser..." Le choix est sien, mais il est temps de redistribuer les cartes si elle accepte de m'entendre.
Je rangeai mon piège, qui avait bien failli marcher, dans sa couverture et le ficelai pour ne pas qu’elle se détache. Il ne me restait plus qu’à courir à moitié nu dehors en l’accusant d’avoir voulu me prendre ma vertu, j’imagine. Tant pis pour mon ego.
La commerçante regarda la bourse qui venait d’atterrir sur son comptoir, surprise. Il venait de la dédommager ? Elle le regarda sans comprendre et ouvrit le petit sac pour avoir une idée de la somme qu’on lui donnait en échange de son temps perdu. Il était précieux, mais pas à ce point. Elle releva les yeux vers son client et son regard avait changé. Finit la petite écervelée qui pleurait pour un rien, il avait devant lui le regard d’une femme centenaire et sûr d’elle. Un sourire amusé se dessina sur son visage et elle répondit à sa proposition tout en plongeant ses doigts dans le petit trésor qu’on venait de lui offrir :
« Et bien, je ne suis plus une petite midinette maintenant ? Serais-je enfin redevenue l’enchanteresse officielle de la guilde des aventuriers ? Allez savoir. »
Elle rangea la bourse sous le comptoir qui commençait à être sacrément blindé vu tout ce qu’elle y faisait disparaître. Elle s’avança sur le bois et posa ses coudes, prête à écouter la demande de l’aventurier. Oui, elle acceptait de l’entendre, maintenant qu’il avait payé le prix de sa patience et qu’il était redescendu d’un ton. Elle était une commerçante, pas une servante, jamais plus elle ne le serait. Elle ne tolérait qu’un échange. De l’argent contre ses compétences, c’était aussi simple que cela.
« Toute votre scène est pardonnée et je suis même prête à entendre votre demande, dit-elle d’une voix froide et impérieuse, que puis-je pour vous »
Il avait enfin réussi à piquer mon intérêt. Heureusement pour lui, je n’étais pas une femme rancunière. Enfin … si un peu, mais je ne lui en voulais pas. Tant qu’il admettait ses erreurs et cessait de me faire perdre mon temps. Peut-être que ce qu’il avait à me proposer valait le coup. Je m’en voudrais de me faire avoir à mon tour après avoir supporté tout ça !
Enfin un peu d'honnêteté! J'arrête de jouer le noble grossier et agaçant et elle arrête de jouer la pimbêche dont l'humeur et les émotions changent comme une girouette avec le vent. Un regard bien plus assuré, un sourire en coin sur le visage, voici enfin la véritable nature de la demoiselle? Elle pourrait presque me faire avoir des frissons dans le dos! C'est à se demander ce que j'aurais pu subir en prenant ses potions ou même ce fameux trident... M'installant confortablement sur ma chaise, je ris doucement, léger ricanement sans joie, à sa première phrase. Je me retiens de lui dire que c'est elle qui a épousée ce rôle suite à mes premières paroles et qu'elle aurait pu se contenter de faire immédiatement montre de sa véritable nature, inutile de commencer un affrontement duquel il n'y aura aucun vainqueur. Nous avons bien plus intéressant à discuter et d'ailleurs, je ne suis pas le seul à penser cela vu que la jeune femme est prête à entendre mon offre! Des paroles bien plus dignes d'une commerçante avouons-le.
"Puisque nous sommes sur la même longueur d'onde vous et moi, allons directement au coeur de notre affaire... Bien-entendu, j'aimerai que cela reste entre nous. Disons que je souhaite "chasser" une créature bien particulière mais sans la blesser... Je veux un poison! Pas n'importe lequel cependant, je veux quelque chose de totalement indétectable, qui laisserait croire à une mort naturelle, n'ayons pas peur des mots, quelque chose qui serait à
la limite de la légalité..."
C'est faux! Ce serait sans doute totalement illégal! Un tel produit qui ne peut se faire repérer même lors d'une enquête? Car il y a des non-dits, elle peut jouer les innocentes, faire semblant qu'elle croit à mon histoire de chasse, elle doit savoir au fond d'elle que ce n'est nullement le cas! Qui voudrait chasser une créature avec un poison indétectable? Pourquoi? J'ai appris depuis peu la vérité sur mon père! Il n'est pas mort, il nous a abandonné ma mère et moi, nous et ses foutues dettes qui sont retombés sur les épaules de ma génitrice! C'est sa faute si elle a dû se tuer à la tâche, c'est sa faute si aujourd'hui sa santé est si fragile, c'est sa faute si j'ai dû travailler si jeune, c'est sa faute si je suis devenu pirate! Je veux qu'il meurt et je veux le regarder dans les yeux alors que ça arrivera en lui révélant la vérité : ce père que j'ai longtemps cru mort le sera vraiment et de mes mains!
"Pourriez-vous concocter un tel produit?"
La jeune femme sembla réfléchir intensément à la proposition de l’homme qui lui faisait face. Une réflexion d’érudite, pas de magistrate. Elle envisageait juste la possibilité d’un tel poison. Soudain, elle revint à elle et lui répondit :
« Un tel poison n’existe pas … encore. De la recherche serait nécessaire et des connaissances pointues en botanique ne seront pas de trop. Je possède en effet toutes les qualités requises pour la préparation d’un tel breuvage … »
Elle laissa sa phrase en suspend pour donner le temps à son visage de lui communiquer ce qui allait suivre.
« Mais je suis une alchimiste respectable et je ne fabrique ce genre de mixture qu’à l’usage unique de la guilde et sous contrôle de la garde ! Je suis navrée. »
Elle prit un air faussement offusqué et attrapa une plume qui traînait sous le comptoir. Elle griffonna une note sur un papier qu’elle plia soigneusement. Puis, elle passa de l’autre côté du comptoir et s’approcha de l’homme toujours assis, un sourire hypocrite de commerçante sur le visage.
« Il semblerait que je ne puisse vous aider, peut-être devriez-vous partir pour essayer d’autres boutiques ? Vous trouverez peut-être ce que vous recherchez ? »
Elle se pencha jusqu’à lui, s’appuyant sur l’accoudoir de la chaise et braquant son regard dans le sien. Discrètement elle lui glissa le morceau de papier dans la poche et lui fit un clin d’œil. Elle se releva enfin, cassant la petite sphère d’intimité qu’ils avaient créée pour le surplomber de toute sa hauteur.
« Vous faut-il autre chose ? »
J’avais griffonné l’adresse d’un partenaire sur ce papier. Il s’occuperait de prendre plus précisément sa commande et de me la faire passer ensuite. De plus, il vérifierait son identité. Je ne laissais pas n’importe qui entrer dans ma boutique pour acheter un produit aussi controversé, mais j’avais confiance en lui. Il comprendrait certainement pourquoi je prenais autant de précautions. Étrangement, il me tardait de le voir se présenter à ma porte en me disant qu’il recherchait une potion de résurrection. C’était mieux que de l’entendre brailler pour rien.
L'homme pris accepta le papier sans rien dire et pris un air déçu.
"Quel dommage, je vais donc suivre votre conseil et continuer à chercher ..., dit-il en se levant.
Il me salua enfin comme le ferrait une personne éduquée, je lui rendis son salut et fermai la porter derrière lui, faisant bien attention à ce qu'elle soit fermée à clés cette fois-ci.
" Par la Déesse enfin !, soupirais-je"
Aller, il me fallait finir mon travail. La soirée allait être longue ...