Voilà une belle après-midi comme il y en a depuis quelques semaines maintenant. Le soleil écrasant pousse les habitants du grand-port à profiter de la fraîcheur de ses plages environnantes, ou bien de l'ombre de ses nombreux bâtiments et habitations. En cette journée, Hera avait choisi la deuxième option. Qui disait beaux jours, disait plus de sorties en mer, et une meilleure récolte pour ses fournisseurs flibustiers, ainsi une charge de travail plus importante. Tout le monde s'affaire dans la tanière de la lionne, mais rien de bien intéressant pour qu'elle ne quitte son trône au centre de la pièce principale. Après tout, elle avait bien le droit de se reposer un peu, s'occuper à la fois de la guilde et de cette petite affaire n'est pas de tout repos.
Les yeux presque clos, mais toujours alerte, elle entendit un enchaînement de bruits de chaînes s'entrechoquant et bien familier se rapprocher. Comme sortant d'une sieste, la jeune dirigeante s'étira tout en baillant crocs sortis.
« Eh feignasse, on a un ancêtre à la porte qui dit vouloir parler à Lando ... Je m'suis dis qu'ça t'intéresserait »
Finissant de s'étirer en se levant, la lionne s'avance et offre avec une délicatesse certaine, un grand coup dans l'épaule de la tigresse d'hiver qui venait de lui adresser la parole. Pour seule réaction un éclat de rire.
« En effet ça m'intéresse. Tu penses qu'il fera partie de ceux qui finissent salement ou des utiles ? »
La tigresses se gratte le crâne perplexe avant de répondre.
« J'sais pas en vrai, c'est un vieux crouton, ça pourrait être un des connards qui assistait aux combats, jt'avoue que j'ai envie de prendre l'air là, pas d'briser des phalanges »
Hera fit alors quelques pas de plus vers son arme favorite. Un marteau définitivement destiné à briser des crânes et non des pierres, dont la tête était posée au sol, manche pointant vers le plafond. Elle y prit appui de ses mains, apposées sur le pommeau.
« Faites le donc entrer ! »
La jeune femme aux cheveux de neige, fit signe mollement à l'un des gars qui passait par là d'aller chercher l'invité. Se jugeant trop épuisée pour cette besogne. Le sbire s'exécuta et conduisit l'invité de l'entrée jusqu'à la grande salle, plongée dans une fausse pénombre due à la lumière intense en extérieur, affrontant le peu d'ouvertures pour s'infiltrer dans la pièce.
Les yeux d'un jaune perçant de la lionne décrivirent des cercles lorsqu'elle vit entrer, non pas un vieillard, mais un jeune homme brun à l'accoutrement soigné. Elle pensa aussitôt que la tigresse posée dans un coin de la pièce avait voulu lui faire une blague qu'elle ne releva pas. Autre détail qui sauta aux yeux de la lionne, un masque que l'homme tenait en main. Une tête de félin à vue d'œil. De quoi bien se faire reluquer dans les rues et attirer l'attention en tout cas. Hera fit signe à l'un des garde de s'approcher. Elle lui murmura à l'oreille d'aller faire un tour du quartier pour s'assurer que rien de louche ne se prépare. Celui-ci parti exécuter sa tâche, elle pu de nouveau faire face au nouvel arrivant.
« Alors comme ça tu veux voir Lando ? Manque de bol, tu l'a raté de seulement ... cinq ans. Sinon on peut savoir t'es qui ? »
Je posais ma plume, agacé par ce que je venais d’entendre. L’un de mes meilleurs partenaires venait de rompre un contrat vieux de 10 ans sans nous donner de raison. Pourtant, il savait qui nous étions … Je dois bien avouer que nous n’avions pas vraiment utilisé ses services ces 5 dernières années en raison de l’accroissement exponentiel du réseau après ma rencontre avec Aslander. Je me frottai le menton essayant de deviner pourquoi on nous rejetait. Cette petite pause lui avait-il donné envie de s’affranchir de ses engagements ? Ses petits combats d’arènes lui plaisaient-ils plus que la contrebande ? Mon regard s’égara sur mon bureau. Des contrats, des contrats et encore des contrats … Tous ces engagements que j’allais avoir du mal à tenir si mon contrebandier principal se prenait soudain des vacances au soleil. Le fils de …
On ne vous a rien dit ?
On a bien essayé de demander à voir Lando, mais ils se sont barrés en rigolant.
Mes yeux se plissèrent, ils savaient qui nous étions et son trafic ne tiendrait pas longtemps si nous décidions de le faire couler. Guilde marchande ou pas, un peu de corruption et le tour seraient joués. Il pensait vraiment gagne rune bataille de gros sous contre moi ? Non, il n’était pas aussi stupide. Il fallait que j’enquête.
Un petit tour rapide de mes informateurs habituels m’apprit qu’un changement de propriétaire avait eu lieu à la guilde marchande et possiblement à la tête du réseau de trafiquants. Je le voyais mal abandonner tout ça sans y avoir été forcé … Une petite visite s’imposait.
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Je fus accueilli par un sbire tout ce qu’il y a de plus commun. Sa tête ne me revenait pas, ni celle de la tigresse à laquelle il s’adressa pour prévenir de mon arrivée. Attendez … si je l’avais déjà vu … En plus jeune, le visage tâché de sang … C’était l’une des combattantes de l’arène ! Lando ne les laisserait pas se promener sans entrave en plein jour, ces petites poules aux œufs d’or faisaient la fortune des parieurs. Tandis qu’ils discutaient, je fis un petit signe à l’un de mes hommes cachés dans les ombres. N’intervenez qu’à mon signal … Pour l’instant, on accepta de me faire entrer. Mes hommes se feront discrets, prêts à intervenir en cas d’accrochage malencontreux. Je leur faisais toute confiance pour ne pas se faire repérer. Espérons ne pas en arriver à de telles extrémités.
On m’emmena dans un salon bien sombre à première vue. Qui sait ce qui se cachait dans ses recoins ? Une femme hybride m’accueillit et je compris presque instantanément ce qu’il s’était passé ici. Avant même qu’elle ouvre la bouche, je reconnus le plus beau spécimen de mon partenaire. Celui qu’il me vantait tellement lors de ses soirées passées devant son arène de combat. Heureusement pour moi, je portais toujours un masque dans ces occasions, bien trop de monde me regardait. Si elle m’avait reconnu, je ne pense pas qu’elle m’accueillerait avec autant d’ironie. Mon crâne aurait sûrement volé dans un coin, fracassé par ce magnifique marteau.
Je rangeais soigneusement mon masque derrière mon dos, malgré les regards étranges que me lançaient les personnes présentent dans la salle. Ils commençaient à se rendre compte que quelque chose clochait chez moi … vivement que je puisse y remédier. Je passais mon monocle devant mon œil droit pour vérifier tout de même. Un vieillard pour la tigresse, un jeune homme pour la lionne et une dame charmante pour le roublard du fond. J’avais fait un tirage pour le moins correct pour le moment. Je rangeais l’objet dans la poche de ma veste et m’avançais vers la cheffe du groupe.
Oubliez vos partenaires quelques années et il s’casse ailleurs en moins deux.
Je la détaillai plus précisément, maintenant que je m’étais approché d’elle. Sa musculature révélait ses années passées à combattre pour sa vie et l’argent de ses maîtres. Une arme contre laquelle je n’avais aucune chance. Autant la jouer réglo.
John Doe, j’travaillai étroitement avec Lando. Il me faisait passer la marchandise sans encombre. C’est q’je r’présente beaucoup d’clients moi. On m’a dit qu’notre dernière cargaison avait été r’fusée. C’tait vous c’est ça ?
J’inspectai le hall autour de moi comme si j’y cherchai des informations.
C’est d’puis quand le changement d’propriétaire ?
La lionne ne quitte pas du regard l'invité alors qu'il fait son entrée. Le peu de lumière éclaire vers l'homme, les occupants quand à eux se retrouvent à contre jour, forçant à se rapprocher pour les décrire plus précisément. C'est d'ailleurs ce que le nouveau venu fait en s'avançant au milieu de la pièce. Ne trahissant pas son apparence d'allure noble, il dégaine son petit disque de verre pour y voir mieux, ou pour une autre raison que la féline ne soupçonne pas. Voyant le démasqué ranger l'objet presque aussitôt, l'idée d'un objet magique lui traverse l'esprit. Elle se demande alors pourquoi des sceaux de détection magique n'avaient pas encore été installés. Hera s'en rappellera plus tard, il est temps de briser le silence. Le brun fait de même ensuite, débutant par une phrase qui amuse la lionne, sans qu'elle ne le montre. Si seulement j'avais pu le casser en plus de deux morceaux .. Pensa-t'elle. Enfin, il se présente, John Doe, un nom qui ne disait rien à Hera, ou du moins pas dans l'immédiat. S'il était un si bon partenaire qu'il le dit, il devrait apparaître dans les carnets de contact que le fuyard avait abandonné il y a de ça cinq années. La lionne tourne son regard en direction de son amie la tigresse.
« Va donc vérifier si on a un John Doe dans les carnets des archives »
D'un air fatigué, et loin du pas de course, la tigresse s'exécuta. Ayant presque ignoré l'invité l'espace d'un instant après sa question, la jeune femme revient vers le démasqué.
« T'as l'air important quand on t'écoute, tu devrais être malin du coup, ou chanceux, et pourtant tu restes pas proche de tes collaborateurs ? Le vent tourne, donc ouais, si vos marchandises sont pas passées c'est que vous êtes pas dans nos registres »
Tout en s'exprimant, la jeune dirigeante joue de ses doigts sur le pommeau cylindrique de son arme. Le dénommé John présenta une nouvelle question, tout en ayant le regard baladeur. Détail que ne pu manquer la lionne. Elle fit alors un petit bruit, faisant vibrer sa langue contre son palais pour attirer l'attention du curieux.
« Tch tch, c'est par ici qu'on regarde. Comme j'ai commencé à te l'expliquer, y a cinq ans de ça, j'ai foutu Lando dehors et j'ai repris ce foutoir. J'espère que tu n'étais pas si proche de lui et que cela ne te pose pas de problème, sinon je vais devoir te faire raccompagner gentiment.. »
En cellule. Plus vive que lorsqu'elle avait quitté la pièce, Serrena à la chevelure de neige reparut en trottinant. Elle alla se poser contre le dos penché de la lionne, épousant la courbe de son échine. Avec les omoplates d'Hera comme oreiller, elle lui susurra à voix basse les informations recueillies. Les deux jeunes femmes étaient habituées à ce genre de contact, n'ayant pour seul réconfort durant leur captivité, que la présence de l'autre.
« On a bien ton nom dans les papiers, mais vu qu'on a pas eu d'affaire avec toi depuis, pas de contrat, pas de passe droit. Du coup si tu veux renouveler, va falloir repartir de zéro et m'expliquer ce que tu fais dans la vie qui te permet de te payer de beaux vêtements comme ceux que tu portes »
Hera libère partiellement son arme, détachant l'une de ses main, pour aller la fourrer dans la chevelure blanche qui caresse son dos. Puis elle finit par se redresser, dominant à nouveau la pièce par sa taille. Une légère impulsion de sa main encore prise, et le métal du marteau vient tinter contre la pierre au sol.
« Je mangerais bien un truc moi, t'en penses quoi Serre ? »
« Nah jt'ai dit que je voulais me dégourdir moi »
Hera se penche à son oreille.
« Va donc faire un tour avec les gars, voir si ils ont trouvés un truc dehors, je sais pas pourquoi mais mon instinct me dit d'être méfiante »
Serrena répondit d'un petit coup à l'épaule, souriante et s'en alla en courant.
« Je t'invite bien sûr à te joindre à moi si tu veux tout me raconter plus confortablement »
Dit la lionne en s'adressant à nouveau à l'homme à nouveau laissé de côté l'espace d'un instant.
Sans plus attendre elle se dirigea vers un autre accès latéral de la grande pièce rectangulaire, son choix étant déjà fait avant même d'entendre la réponse de son invité. Ils durent traverser, une seconde grande pièce. Si celle qui menait la marche la connaissait dans tout ses recoins, son suivant reconnaitrait peut-être l'ancienne arène où le sang fut verser de nombreuses fois. Cinq ou six personnes s'afféraient dans la pièce, montant des meubles, déplaçant des poutres ou d'autres pièces de menuiseries. Un chantier est clairement en cours, mais seule la propriétaire des lieux en connaissait la teneur. Sans s'attarder, ils rejoignent une ultime pièce dans laquelle est disposée une grande table circulaire en son centre.
« Installe toi, on va s'occuper de nous »
Tu sais mieux q’moi qu’y a 5 ans, Lando, il en voulait plus à ses p’tits combats d’arènes qu’au commerce. J’me fichai totalement d’ses paris alors j’suis allé chercher d’autres partenaires, même s’ils étaient moins bon. Faut savoir s’éloigner quand vos collaborateurs font d’la merde. J’ai bien fait on dirait.
Je fis un petit mouvement du menton pour désigner mon interlocutrice. Oui, si j’étais resté en contact avec lui, j’aurais pu avoir de gros problèmes au moment de sa prise de pouvoir. C’était peut-être mieux que nous nous rencontrions ainsi, loin des émotions, de l’instabilité. C’était un terreau bien plus fertile pour les affaires. Nous partions sur une page blanche et elle ne me voyait pas vraiment comme un allié de son ancien tortionnaire, c’était déjà un bon point de départ.
J’men torche le cul d’savoir qui dirige vot’réseau. Tant qu’vous faites le boulot et qu’les prix sont corrects. Vous faites plus ces combats d’merde au moins ?
Je levai un sourcil inquisiteur en regardant son marteau qu’elle tenait avec tant d’intérêt. Après tout ce qu’elle avait subi, je doutais fortement qu’elle remette l’arène clandestine aux goûts du jour, mais je n’étais pas non plus psychologue. Qui pourrait dire ce qui lui passait par la tête … Elle se méfiait, je le sentais bien, mais j’étais uniquement là pour faire, et puis qu’elle proposait d’en discuter, nous allions certainement très bien nous entendre. Mes hommes étaient restés à bonne distance pour ne pas qu’une attaque soit pressentie et en l’absence d’un ordre de ma part, ils avaient pour consigne de se fondre dans le décors. Il n’y avait donc aucune raison que tout cela dégénère entre autres choses qu’un nouveau contrat. Je ris à sa remarque sur mes vêtements.
Mes beaux vêtements ? Crois pas tout c’qu’tu vois. Tu devrais d’mander à ta copine là, elle a pas l’air d’accord …
Autant annoncer la couleur avant qu’elle ne s’en rende compte toute seule comme une grande. Mon pouvoir n’était pas vraiment très discret, surtout quand il y avait plusieurs personnes impliquées. L’autre me voyait comme un vieillard mal habillé, autant dire que cela détonnait beaucoup de l’image que la lionne avait de moi.
Je la suivis à travers les différentes pièces, m’arrêtant un instant pour voir ce qu’elle était en train de faire de l’arène des combats. Je me fendis même d’une petite remarque.
Ça change pas mal ici, à c’que j’vois. T’es p’t’être plus intelligente qu’l’ancien proprio …
Nous débouchâmes dans une grande salle et on me proposa de m’asseoir, ce que je fis. J’attendis patiemment qu’on nous serve, peut importe ce que ce serait. Je parlais peut-être comme un charretier pour mon rôle, mais j’avais encore un peu d’éducation. Quand nous pûmes enfin échanger sans être interrompu, je commençai à lui expliquer ce que je faisais.
J’travaille pour un réseau moi aussi. Un réseau qui propose différents « service » à ses clients pour répondre à leurs d’mandes. Une voie d’accès sécurisée au marché noir faisait partie d’nos offres à l’époque d’Lando. Avant d’aller plus loin, j’voudrais savoir c’qui a changé ici et ce qu’vous proposé encore par rapport à avant. J’te connais pas vraiment toi non plus, tu comprendras que j’veux savoir à qui j’ai à faire.
Il y a cinq ans ... Il y a cinq ans la lionne n'avait connu que la cage et l'arène. Ce n'était qu'après leur soulèvement, qu'Hera et ses compagnons avaient découvert l'envers du décors. Qu'ils s'étaient aperçus qu'ils n'étaient qu'une distraction pour les clients. L'apport du point de vue de ce John Doe est intéressant pour la nouvelle dirigeante. Peu de contacts avaient refait surface depuis sa prise de pouvoir, la plupart d'entre eux ayant contribué au calvaire des enchaînés. Les quelques inconscients qui avaient cru pouvoir profiter de la situation, s'étaient retrouvés à mordre la poussière, avant de finir six pieds sous terre, leur part du marché finissant entre les griffes de la lionne. Mais voilà que l'un d'entre eux ne partageait pas l'attrait pour le sang et la violence que possédait Lando. Cela même au point de commencer à déplacer ses pions sur un autre front. Si tout cela n'est pas qu'une question de goût, c'est qu'il a les pieds sur terre, pensa la lionne.
Perturbant. Décidément, Hera, n'arrive pas à assimiler la voix et la manière de parler à l'apparence de l'invité surprise. Pour ce qui est des détails, ils seront abordés en temps voulus.
« Effectivement, tu as bien fait. Et en effet, il n'est plus question que la mort ne vienne joncher mon sol pour l'amusement des autres ... uniquement pour le mien, si jamais l'on vient à me trahir »
À la remarque qui suivit, la lionne ne trouva d'explication au comment, mais il ne lui fallu pas longtemps pour comprendre que l'homme faisait allusion à l'apparence décrite plus tôt par la tigresse. L'une d'elle se faisait à priori berner, si ce n'était les deux par une illusion. Cependant l'homme venait de révéler cet atout. Soit en preuve de bonne foi, soit pour ne pas se mettre en position indélicate dans le cas ou la supercherie aurait été découverte. Seule la suite de la conversation le déterminera, mais elle se déroulera en un autre lieu.
Au détour de l'ancienne arène une remarque abaissa les oreilles de la féline. Être comparée, même en bien, à son ancien tortionnaire n'est pas une chose plaisante, et Hera n'en fut pas l'exception. Elle se contenta de poursuivre sa route se retenant de faire subir ce qu'elle pouvait imaginer à John.
Installé autour de la table, il ne fallut que quelques secondes pour qu'un homme poussant un petit chariot ne rentre dans la pièce. Soulevant un couvercle, il découvrit une impressionnante pièce de viande crue. Après avoir disposé le plat sur la table, il disparut.
« Je t'écoute donc »
Prononçant ces paroles la lionne se saisit d'un couteau qui pourrait séparer une main de son bras pour tailler dans la pièce de viande lui faisant face. Les informations livrées restent assez floues, mais le dossier d'époque l'était aussi, selon les informations susurrées par Serrena plus tôt.
« Effectivement, nous ne nous connaissons pas au point que je connais ton nom, si c'est bien le vrai, et tu ne sais même pas à qui tu as en face de toi. Mais cela me va. Pour les changements, nous favorisons la fidélité de nos partenaires. Dans un premier temps, nous offrons ce à quoi tu avais accès avec Lando, c'est à dire des passe-droit dans certains points stratégiques du grand port, pour que tu fasses acheminer ta marchandise. Ensuite, si je vois que tu payes bien, et que tu ne m'apporte pas d'ennuis, nous pouvons te transporter nous même ta marchandise, des alentours du grand port, jusqu'à fond de calle de navire, ou inversement sans crainte de contrôle. Pour les autres petits services, tu pourras entendre parler si je trouve notre partenariat profitable, mais sache que cela me permet entre autre de déguster ce magnifique pavé de chouettours, met qui est normalement prohibé. Tu peux te servir bien sûr ... l'on viendra te la cuir, soit rassuré »
Toutes ces paroles avaient mit l'eau à la bouche de la lionne, elle s'empara alors du morceau découpé pour venir le déchirer à l'aide de ses crocs et ainsi commencer son repas.
Bien évidemment, je préférai ma viande cuite, ne serait-ce que pour ne pas m’empoissonner. J’attendis donc qu’on me fasse cuire ce steak avant de le manger. En attendant, j’écoutais sa proposition qui était plutôt bonne si j’avais été un nouveau client sans importance qui venait faire son premier tour au marché noir, mais ce n’était pas le cas. Je ne me contenterais pas de quelques passe-droits, surtout si j’arrivais à développer mon réseau de transport en m’alliant avec Althaïr. Elle ne se rendait pas compte du marché que je représentai et c’était bien normal. J’avais tout fait pour disparaître de l’entourage de Lando quand j’avais flairé sa chute. Il était temps de sortir un peu de l’ombre.
Hum, j’tavoue j’espérait mieux qu’ça … les passe-droits c’est insuffisant pour que j’fasse face à la d’mande que j’ai. Mais j’comprends ta prudence on s’connait pas assez et j’ferai pareil. Alors laisse moi t’montrer un peu qui j’suis.
Je plongeai ma main dans ma veste et en sorti un dossier très épais. Elle reconnaîtrait forcément la paperasse de Lando. C’était le dossier lié à Avalon, celui que j’avais fait disparaître des années auparavant. Il contenait certaines de nos transactions les plus lucratives. En le lisant, elle verrait tout ce que j’avais fait gagner à cet enfoiré. J’espérais qu’elle comprenne enfin ce que je lui proposai.
Je fis glisser le dossier sur la table jusqu’à elle et accueillit par la même occasion mon repas.
On a pas souvent l’occasion d’se manger un steak de chouettours, merci pour l’invitation en tout cas.
Je pris un morceau, dégustant les saveurs interdites tout en regardant c equ’elle allait faire de mon dossier. Je le pointai de la pointe de ma fourchette :
Voilà tout c’que contenait vos archives sur nous. T’y verras la preuve qu’travailler avec nous est source de bénéfices considérables. Lando était un couillon qui aimait plus regarder des gamines s’battre à mort, mais toi j’sens qu’tu seras plus maligne. C’que j’te propose, c’est d’accélérer un peu ta période d’essai pour accéder aux autres services en se basant sur c’quon valait à l’époque. Crois-moi quand j’te dis que notre marché à bien grandit depuis …
Je coupai un autre morceau de viande que je dégustai en laissant ma phrase en suspens. Avalon grandissait et se développait tellement depuis que j’avais rencontré Aslander. Nos contrats valaient surement le double aujourd’hui.
Après j’suis d’accord avec toi, faudra un peu de temps pour organiser tout ça. Dans l’même temps, tu pourras faire appel à nous pour c’que tu veux moyennant finance. On peut être partenaires et clients l’un d’l’autre c’est pas incompatible tu vois ? Si t’as b’soin d’infos ou autres on peut s’en charger.
Je la regardai avec mon regard amusé :
J’sais pas, par exemple si tu te demandes par hasard comment Lando à r’fait sa vie. Des fois qu’il aurait monté une autre arène …
Ça m’avait échappé ? Bien sûr que non, tout n’était que supposition afin d’attirer son attention et de capter son intérêt. Je continuai tranquillement de manger mon steak l’air de rien. Je n’étais pas le plus expressif des hommes ce qui agaçait souvent mon entourage, mais dans une négociation, c’était un atout qui me sauvait souvent la mise.
La lionne s'interrompit en plein festin. Comme si une saleté d'enchanteur l'avait figée dans le temps. Evidemment, ce n'était pas la réponse qu'elle attendait. Depuis sa reprise, les nouveaux clients était plus du genre à serrer leur queue entre les jambes de peur que des représailles soient infligées, plutôt que du genre a vouloir négocier. Seul son œil droit remonta de son plat pour regarder monsieur Doe. Elle le laissa alors finir sa phrase, toujours de marbre, puis finit par simplement avaler sa bouchée bruyamment lorsqu'il eut finit.
Hera hésita, mais elle laissa son invitée sortir ce qui devait être un argument. Le voyant plonger sa main sous son vêtement, elle se prépare a toute éventualité, un objet magique bâtard pouvait se trouver la dessous. Mais il n'en fut rien, heureusement. Un petit mouvement nerveux agita ses oreilles féline avant qu'elle ne prenne une position plus .. détendue et ne sorte de son immobilité pour recevoir le dossier.
« Je sais bien, j'espère donc que ce repas ne sera pas gâché »
La lionne commença a feuilleter rapidement les pages. Cela pourrait laisser penser à une amateur, ou quelqu'un qui n'y connaissait rien, mais c'était loin d'être le cas. Au contraire, tout les petits détails ne l'intéressent pas, elle sait précisément quoi chercher, des chiffres, des chiffres à rallonge, et des noms aussi, révélateurs de marchandise de grande valeur. Et il y en avait, de petites fortunes qui, quand l'on regarde l'état du lieu il y a cinq ans et auparavant, n'étaient surement pas réinvesties en rénovations, mais certainement dilapidées en paris.
L'argent n'était pas le problème de la lionne en soit, son poste lui seul à la Guilde marchande lui rapporte gros, mais l'argent public, ne vaut pas l'argent sale. Impossible pour elle de faire passer dans les coffres de sa tanière. Mais l'argent venant des poches de monsieur Doe lui, il peut y faire un séjour. En mouvement, mais toujours à l'arrêt dans ses actions, Hera réfléchit. L'homme semble être honnête, il joue carte sur table en la faveur d'un contrat qui lui serait bénéfique et en même temps, celui-ci pourrait rapporter gros.
Elle allait enfin renchérir, quand l'invité adopta un air amusé. Sa tempe se tendit, son poing gauche se serra.
« Ne joue pas à ça avec moi par contre ... dit toi bien que la seule chose qui me retient de t'éclater contre ce mur, c'est ton petit dossier »
Dit-elle d'une voix posée au ton bas, mais dans laquelle on ressent pourtant que la tension est palpable.
C'est alors que Serrena apparut dans son champ de vision, à l'autre bout de la pièce. Elle n'avait rien entendu et s'installe tout simplement contre un mur pour écouter la conversion .. ou bien pour lorgner sur le festin qui lui faisait face, qui sait ?
Hera passa soudainement d'un visage des plus neutre et froid, à un sourire un peu plus chaleureux et des yeux plissés.
« Mais cela n'arrivera plus n'est-ce pas ? ... Je suis prête à faire un effort. On prend en charge toute ta marchandise nous même, je sais pas si tu fais de la vente tout bonnement, mais je peux la faire parvenir sur des places de ventes de certains de mes contacts, mais je te préviens, n'essaye pas de me doubler en passant directement avec eux par je ne sais quel moyens .. »
Elle prit une nouvelle bouchée à pleines dents avant de poursuivre.
« .. On a des travaux en ce moment, quand ce sera bouclé, mon bastion pourrait servir de point de chute. Je suppose que quand tes gars comme l'autre jours se retrouvent coincés à un contrôle, faut bien qu'ils puissent se replier quelque-part à mon d'avoir des poumons de fer et détaller comme des lapins. Enfin bref, je compte me développer, on est loin des plans finaux, si tu repasses dans un mois, je pourrais bien avoir d'autres choses à offrir »
Serrena s'était approchée doucement par l'arrière, ayant fait tout le tour. Elle vint alors allonger son buste sur la table, accoudée, la main posée sur son menton, barrant presque la voie vers la pièce de viande.
« Et moi .. ? Tu aurais des choses à m'offrir ? »
Dit-elle d'une voix suave et suppliante.
La lionne roula des yeux et fit un simple geste approbateur, indiquant a la tigresse qu'elle pouvait se servir en victuailles.
Si ça t’dérange tellement …
Je pris une bouchée de steak pour marquer la fin de cette altercation ridicule. Je ne m’intéressai qu’à l’argent et au profit, les guerres d’égo m’ennuyaient sauf si elles relevaient d’un véritable défi intellectuel et ce n’était pas le cas ici. La regarder manger comme une bête sauvage me soulevait le cœur, mais rien ne paraissait sur mes traits. Je gardais mon self contrôle. Je continuai à manger mon steak sans un mot, observant la relation qui liait ma nouvelle partenaire à son larbin/amie. Si je n’étais pas stratège, je dirais que je venais de relever un possible angle d’attaque si l’offensive devenait nécessaire. Je fini mon plat mangeant de manière bien plus civilisée que mon hôte, mais faisant fit des bonnes manières qui ne collaient pas avec mon personnage. On ne pouvait parler comme un charretier et manier le couteau avec adresse, c’est bien connu.
Ça me convient tout à fait et j’s’rais curieux de voir à quoi ça va r’ssembler après vos rénovations. Si ça vous dérange pas, j’aurais d’jà une cargaison à vous faire passer après c’repas. Ça s’ra l’occasion d’faire un premier essai ensemble et d’corriger les merdes s’il y en a. J’ai une cargaison de toile de maître à r’vendre au marché noir, tout droit sorti d’chez mon receleur.
Je sortis une feuille de ma poche.
Vl’à les différentes marchandises du colis. Comme tu le vois y a d’toute les tailles du panoramique à l’autoportrait. C’est des tableaux précieux qu’on peut pas cacher n’importe où, donc j’ten laisserai un ou deux au début pour voir comment tu débrouilles. Si t’arrives à les r’vendre, bah on passera au reste du lot. Kes’t’en dis ? Comme ça on commence doucement.
J’avais noté le prix des toiles évaluées par Ashley à côté de chaque nom pour lui donner un aperçu de ce que valait cette offre. Si elle négociait bien, il y avait une très jolie somme à empocher pour un premier contrat décidé sur le fil, mais nous savions tous les deux que ce contrat n’était qu’un prétexte pour tester notre confiance mutuelle dans le but de réaliser des contrats beaucoup plus juteux à l’avenir.
Elle ramassa la feuille et lui jeta un simple regard, essayant de voir sis les marchandises valaient le coup. Un signe de tête me confirma qu'elle acceptait. Nous finîmes donc nos steak et je pus repartir après avoir colmaté cette hémorragie dans mon réseau.