Toujours en recherche de nouvelles solutions pour soigner ses patients, Luz est partie en recherche elle-même dans les marais malodorants du royaume. Après tout, ce n’est pas ça qui va l'arrêter, elle n’est pas une de ces mijaurées tout juste bonnes à servir de pot de fleur. Accompagnée par un ami fidèle et serviable nommé Liory, ils pataugent dans la vases. Ce qu’ils cherchent ? Une racine d’arbre. En apparence, l’arbre n’est pas très joli avec ses “pustules” qui couvrent son tronc et ses feuilles d’apparences mitées mais les anciens livres rapportent des propriétés particulièrement intéressantes pour ses racines.
Alors que vous pataugez dans la vase malodorante depuis plusieurs heures maintenant, vous êtes pris d’une irrésistible envie de reprocher cette sortie à l’autre. Et même de lui faire bouffer cette vase dégoûtante.
Participants : Liory Alkh'eir & Luz Weiss
Challenge RP : Vous échangerez tous les potins croustillants que vous avez en stock
Luz se redressa dans une posture échancrée, ses mains positionnées sur la zone douloureuse de son dos malmené. Elle évoluait penchée depuis plusieurs heures déjà, inquiète à l’idée de passer au travers d’un indice ou d’un morceau de végétal prouvant la présence de la racine tant souhaitée. L’arbre concerné n’était lui-même pas aisé à repérer, infiniment plus petit de taille que ses cousines et appréciant d’ailleurs l’ombre de leur feuillage… Ils se cachaient ainsi des regards inquisiteurs de la praticienne, leurs longues racines noueuses fouissant la terre sous plusieurs centimètres d’eau trouble. Les marais qu’ils avaient choisi auraient pu être d’une certaine beauté s’ils n’avaient pas eu à y patauger autant et qu’une fragrance nauséabonde ne gagnait pas progressivement leurs nerfs. Né entre deux sous-bois, la mousse pourrissante offrait un abri de choix pour un écosystème entier d’insectes et d’animaux, ses eaux boueuses réverbérant les rayons du soleil sous la forme d’un étrange miroir verdâtre. Bien sûr, tout n’était pas répugnant et Luz n’était pas femme à s’effaroucher d’un peu de vase. Liory lui-même avait récemment débuté une brillante carrière d’Aventurier et affronterait à l’avenir des situations bien plus effroyables que celle-ci !
Liory. Luz releva les yeux vers lui fort à propos, le cœur étreint d’une profonde affection. Il avait accepté de l’accompagner dans cette quête éreintante dont elle n’était pas même certaine de ramasser un jour les fruits. Ses suppositions se basaient uniquement sur les dires des agriculteurs et forestiers qui vivaient dans les parages et qui avaient plusieurs fois raconté l’existence mystérieuse d’une racine aux propriétés curatives incroyables. Les rumeurs récurrentes naissaient quasiment toujours d’une origine concrète, une demi vérité qui pouvait s’avérer décevante. Mais une demi-vérité tout de même. Restait que la racine était timide et rare, et vous obteniez sans peine plusieurs jours de recherche laborieuse. Et pourtant, Liory avait dit oui. Luz ne connaissait pas âme plus heureuse que la sienne en cet instant, saisissant à tâtons l’incommensurable chance qui lui avait été donnée de connaître l’homme d’affaire aux manières si adorablement charmantes.
Il ne serait pas dit qu’elle ruinerait la santé de l’un des futurs Saphirs de la Guilde ! Elle s’apprêtait à ajouter quelque chose, mais sa semelle heurta malencontreusement un obstacle sous-marin, engendrant un craquement de bois et la libération de plusieurs bulles boueuses. Celles-ci éclatèrent sous son regard surpris, libérant aussitôt dans l’air un gaz parfaitement invisible… Elle fronça les sourcils, reprit sa pénible marche sur un mètre et se figea une nouvelle fois. Un inconfort sournois la gagnait subrepticement, et elle se sentait tout à coup étriquée dans sa peau, craquelée sous le soleil et empuantie d’une multitude d’odeurs. Quelle idée absurde avait-elle eu de venir ici à la recherche de ce maudit tronc d’arbre ! Elle gonfla les joues, réfrénant l’irritation croissante et irréelle qui gagnait ses veines. Une part d’elle s’interrogea sur ce phénomène qui ne lui était pas coutumier, d’ordinaire toujours chaleureuse en présence de Liory.
Liory. N’était-ce pas sa faute s’ils étaient ici ? Pourquoi n’avait-il pas refusé sa demande, ne l’avait-il pas enjoint à être raisonnable, à rester une parfaite demoiselle de la cour ? Que deviendrait-elle si elle ne pouvait décidément plus compter sur ses amis pour l’orienter vers le droit chemin ? Il était temps qu’il cesse de laisser libre court à ses folies personnelles… Son ton bougon lui échappa malgré elle, la surprenant tout autant qu’une bombe jetée entre eux deux :
Mais… Qu’est-ce qu’elle foutait ? A peine cette idée la traversa-t-elle qu’un vertige la prit. Sa frustration redoubla drôlement, et elle s’aperçut que son corps s’était positionné de lui-même sur la défensive, tourné vers Liory comme vers un ennemi.
Qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez elle ?!
Aider Luz n’avait rien d’une corvée. Admirer la rousse en plein travail était toujours un régal pour les yeux. Quant à la conversation, cette dernière se voulait toujours des plus plaisantes. Mieux encore l’opportunité de passer un moment seul avec elle valait son pesant de cristaux. Au vu de la fortune de Liory, la masse devait dépasser bien des sommets montagneux.
Et pourtant, le cadre n’avait rien de paradisiaque. La fange s’élevant à bonne hauteur pour venir défigurer leurs vêtements et y laisser des marques qui en tout autre temps auraient été inacceptables.
Ce qui avait été un champ vert c’était révélé un piège, absorbant les aventuriers d’un jour, entravant leurs mouvements qui se faisaient plus fatiguant à mesure que la succion des marais les épuisait.
Et pourtant ils n’avaient jusque-là pas bronché. Au contraire même ils c’étaient jetés à la tâche comme si des fouets imaginaires étaient à leurs trousses, plongeant des membres nobles dans les eaux croupissantes à la recherche d’un trésor végétal. Liory était comme à son habitude, vêtu de sa tenue caméléon, cette dernière peinant à s’adapter à son environnement changeant, finissant par prendre une teinte brune plutôt neutre.
Cela dit, la capuche avait été laissé de côté, tout comme son grand arc qui n’avait pas sa place dans une cueillette.
Difficile de refuser quoique ce soit à la sulfureuse ainée des Weiss, surtout avec le souvenir de leur dernière entrevue en tête. Et si l’argenté avait espéré un cadre plus satiné pour cette rencontre, force était de constater que les plaisirs de la chair n’étaient pas au programme pour le moment.
Liory cherchait donc l’objet du désir de son amie, une racine à l’écouter, mais le noble ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. A l’aveugle, il tâtonnait dans la boue étudiant chaque objet pouvant correspondre à la définition. Le travail n’était pas aisé pour un homme connaissant d’avantage les fleurs que les racines, et à son grand désarroi, il remua plus de boue que quoique ce soit d’autre. Peinant au bout d’un moment à distinguer ses doigts du reste de la fange.
Les insectes n’étaient pas en reste, le moindre d’entre eux tentant de laisser sa marque sur les explorateurs d’une manière ou d’une autre.
Et ce ne fut que la voix de la belle demoiselle qui tira l’argenté de sa concentration, ce dernier d’une étude minutieuse d’un morceau de bois mort.
-Une pause ? Pourquoi pas oui, Lucy ne semble guère clémente aujourd’hui
Dit-il avec un sourire alors qu’une bulle de gaz venait éclater entre eux, comme pour marquer l’heure de l’arrêt temporaire des hostilités. Le bruit fut accompagné de son lot de gaz, qui rendirent les autres clapotis comme d’affreux croassement qui vinrent effleurer les nerfs de l’argenté. Ce dernier trouvant le paysage soudainement bien plus morne et la moindre sensation désagréable quasi insupportable.
Il suffit d’ailleurs d’un mot de la magnifique rousse pour que l’inconfort se transforme en énervement, puis en frustration, et que le sempiternel sourire disparaisse de ses traits.
-Trouver une misérable racine dans un endroit oublié du reste du monde… J’aurai plutôt pensé qu’une telle entreprise relevait de ton niveau, à moins que l’habitude de côtoyer les grands salons ne t’ai rendue complaisante sur les travaux manuels !
Et si en plus je suis réduis à jouer les gardiens pour un sang bleu qui en as oublié les bases de la vie hors de son boudoir
La frustration se faisait plus intense et au lieu de se rapprocher comme ils le faisaient d’habitude, le couple s’éloigna, Liory faisant un pas en arrière brutal qui éclaboussa le joli minois de son amie. Et si cette action l’aurait révulsé quelques secondes plus tôt, cela trouva chez lui un écho favorable qui apaisa temporairement ses propres tourments.
-Et voilà en plus que tu oses me reprocher les ennuis dans lesquels tu te fourre toute seule ! Qu’elle est la prochaine étape, vais-je devoir également m’occuper de tes amants récalcitrants ?
Attaqua-t-il de manière bien peu chevaleresque , dans un empressement qui ne lui ressemblait nullement
Luz fut prise d’une folle envie de rire. Un gloussement absurde au possible devant cette situation irréelle qu’elle ne parvenait aucunement à empêcher. Au contraire ! Son énervement atteignait progressivement des sommets, agrémenté comme un feu de poudre par les réactions satisfaisantes de Liory. Satisfaisantes ?! S’entendait-elle penser ?! Restait que la verve prodigieusement irritée de l’Aventurier convenait à merveille à son envie de fourbir ses armes. Voilà même qu’il lui renvoyait chacune de ses attaques avec l’adresse parfaitement exécutée d’une parade ! Il était ainsi toujours plus agréable de s’exciter contre un individu doué plutôt que contre un sac de farine amorphe… Au moins pouvait-elle cesser de rentrer les griffes pour lui présenter toute l’étendue de son tempérament colérique et venimeux. Et si son esprit tâcha de digérer cette étonnante contastation, à deux doigts de remettre en cause l’entièreté de cette situation improbable, les éclaboussures qu’il projeta malencontreusement sur elle achevèrent de déboulonner ses dernières pensées raisonnables et rationnelles.
Elle tendit sa jambe droite le plus stupidement du monde, l’air de vouloir lui montrer le nombre de tâches boueuses qu’il venait justement de lui envoyer sur le corps. Non, il était impossible que ces tâches soient présentes du fait de son dur labeur précédent… Cela devait forcément être la faute de Liory.
Elle voulut surenchérir, mais la dernière pique verbale de son compagnon se ficha dans la bonne cible avec une remarquable justesse. Elle se figea, la bouche ouverte sur un « Oh ! » outragé, et prit conscience dans le même temps qu’elle adoptait spontanément l’attitude d’une mégère de grand salon. Les mains posées sur les hanches, elle brandit un doigt accusateur sous le nez de son interlocuteur et tâcha de reprendre l’ascendant sur leur charmante conversation :
Elle se tut brièvement, à bout de souffle après son effroyable tirade. Fausse, qui plus est, car elle connaissait parfaitement l’identité du flamboyant compagnon d’Haru. Néanmoins, il aurait été trop facile de l’admettre lorsque ce potin offrait une arme aiguisée pour attaquer Liory… Elle vacilla sur ses jambes un court instant, contraignant ses prunelles à se baisser sur la surface boueuse du marais, encrant une nouvelle idée effarante de maturité dans son cerveau. Oui, c’est pour cette simple raison qu’elle se pencha subitement, claquant expressément la semelle de sa botte droite contre l’eau et vers Liory, projetant autour d’elle un véritable artifice de boue. Voilà ce que l’on appelait une attaque suicide ! songea-t-elle avec un sourire mi crâneur mi tempétueux, ravie de rendre à son ami la monnaie boueuse de sa pièce.
Voilà que la situation devenait proprement outrageante. Et si en temps normal, le noble aurait tout fait pour mettre un terme à cette catastrophe relationnelle, quelque chose le poussait à persévérer dans cette joute verbale, cette dernière lui procurant un étrange plaisir alors que chaque camp s'envoyait des mesquinerie bien indigne de leurs rang, mais surtout de leur amitié réelle.
-Oh mais voilà que cela me reviens dessus, peut être est ce simplement de la jalousie que j'entend ici ? J'ai d'avantage l'impression d'entendre une adolescente me reprocher de ne pas assez occuper son lit, plutôt qu'une dame de la noblesse !
Que puis-je y faire si ton emploi du temps ne me permet que de patauger dans la boue plutôt que réchauffer tes draps ?
Dame Welsong se retournait peut être dans sa tombe, de voir ainsi ses héritiers si précautionneusement rapprochés pour mieux se déchirer. A vrai dire Liory aurait fait de même s'il avait été dans son état normal.
Mais chaque nouvelle seconde lui faisait d'avantage serrer les poings, dans un reflux de colère qu'il n'avait jamais eu connaissance d'avoir. Fixant cette crinière rousse qui l'émerveillait d'habitude avec autant de rancœur que sa propre famille
-Tant de moyens et de temps gâchés dans vos folles entreprises, et voilà maintenant une crise de jalousie ! Si nous ne marchons pas sur les murs je me demande ou nous en sommes !
Doit on parler de vos propres aventures ? A construire une relation sur des bases croulantes, on finit forcément par se faire avoir, mais cela tu l'as déjà appris malgré toi !
C'était un coup très bas, parler de Naery ainsi, même s'il n'avait eut connaissance de cet homme que par les éternels bruits de cour était un grave manquement à la politesse.
Mais l'éclat de boue fut de trop, une tache venant maculer la partie droite de son visage. C'était un simple contact froid et peu engageant, que le noble ressentit comme une véritable gifle, autant envers tout ce qu'il avait voulu être pour Luz, que son égo soudainement surdimensionné
-Si la guilde gaspille son argent avec moi que dire de ton hôpital que le gouvernement finance désespérément et ce uniquement sauver ton caprice égoïste !
C'est une tentative bien pitoyable de t'attirer des faveurs que tes cuisses t'offriraient plus facilement ! Oh mais suis je bête, madame se pense sans doute trop âgée pour ce genre de frivolités !
Il était étonnant de voir le venin que pouvait créer l'esprit humain, tout comme l'astuce d'une cervelle rendue malade, le noble semblant presque prêt à se jeter sur son amante, plus menaçant que dangereux cela dit, car même sous l'effet d'une substance quelconque, l'argenté n'aurait pu se résoudre à lever la main sur Luz. Ce qui de toute façon aurait été peine perdue au vue de ses talents.
Un chaton qui feulait sans crocs ni griffes, voilà à quoi en était réduit Liory.
-Peut être que développer des sentiments pour moi était une terrible erreur finalement !
Lâcha t'il comme un ultime pavé dans la marre, laissant par la même transparaitre une pointe de jalousie
Elle ferma la bouche, plus pour reprendre son souffle après cette improbable tirade d’insultes que pour chercher ses mots. Sans doute agacée par son subconscient choqué, elle ne pouvait toutefois se résoudre à lui assener de véritables horreurs modernes, contrainte de piller le dictionnaire de ses arrières grands-parents pour mieux se donner bonne conscience. Elle regretta bien vite cet élan de générosité lorsque les mots fatidiques furent prononcés, étreignant son cœur d’une paire de griffes encore un brin trop récentes pour lui être indifférentes.
Elle voulut conclure son attaque par un délicieux « Je les comprends ! » mais fut interrompue lorsque dans le feu de sa rage, son pied chercha à avancer et se heurta au contraire à un invisible obstacle masqué dans la fange. L’esprit tout embrumé par ses émotions hors de contrôle et par une migraine de plus en plus poignante, Luz n’eut pas du tout le réflexe de rétablir son équilibre. A la place, elle pataugea un terrible instant dans les airs, les bras écartés à la recherche d’un pilier solide auquel s’accrocher –main qui trouva l’épaule de Liory-, et son corps fut brusquement entrainé en avant, emportant avec elle son compagnon d’infortune. Sa colère soudainement remplacée par la surprise, elle ferma heureusement suffisamment rapidement la bouche pour ne pas boire la tasse. Entièrement engloutie par les eaux spongieuses du marais, le contact désagréable du liquide sur son visage lui fit l’effet d’un électrochoc. Elle poussa sur ses pieds et ses mains pour se redresser, aspirant une grande goulée d’air lorsqu’elle parvint à extraire sa tête de la mélasse, ses pensées tournoyant en tous sens dans un affolement grandissant.
Que… Que venait-il de se passer ?
S’étaient-ils… Engueulés ?!
Ses joues d’ordinaires dotées d’un beau hâle blêmirent, brusquement plus blafarde qu’un mort. Presque à quatre pattes dans les eaux terreuses, ses prunelles s’ancrèrent à celles de Liory pour ne plus pouvoir les lâcher, terrassée par la manière dont elle venait de se conduire. Son cher, précieux, unique Liory.
Formidables explications Luz. Sa colère était atterrante, et son esprit galopait sur les derniers mots prononcés à la recherche d’une justification rationnelle.
Une supplique, à demi murmurée d’une voix blanche. Lâchée comme un souffle entre eux deux, une tentative de réconciliation au-delà de son impardonnable comportement.
S'il-te-plait, ne me déteste pas... voulut-elle lui dire, le coeur au bord des lèvres et une nausée pour seule compagne. Etait-il toujours en proie à cet étrange maléfice... ?
De tels concours de pics étaient l'apanage des nobles de plus bas étages, s'écharper en reprenant chaque petit point était devenu une habitude presque ancrée dans les mœurs des gens de bas rang.
Mais Luz n'appartenait pas à cette caste mineure, loin de là. Ses mots ne furent donc pas un moulinet d'épée dans le vide, mais bien une estoc, qui perça la moindre protection de l'argenté, se plantant avec violence dans son cœur
Cela suffit à le faire taire, tout comme à chasser tout sentiment de colère de son esprit. Remplacée par une douloureuse humiliation. Ses yeux pourtant colérique un instant plus tôt se muèrent en deux pupilles vides, coupant court à ses répliques aussi surement que l'aurait fait une flèche. Et alors que le poison des paroles de son amie se répandait dans son corps, l'immobilisant par la même occasion, il ne sut résister à la chute.
Le corps de Luz s'affala contre le sien un éclair de chaleur rapidement remplacé par le contact glacé d'une eau putride qui l'enveloppa avec autant de froideur que les mots prononcés plus tôt.
Sans vraiment chercher à remonter, il se laissa envelopper, usant du marais pour s'enfoncer dans ses propres tourments.
Et si le sort fut rompus en même temps que la blessure se répandit, cela ne fit qu'aggraver sa peine. Jamais il n'aurait voulu parler ainsi à Luz, la demoiselle méritait mille éloges plutôt que ce genre de repproche.
Une énième fissure vint s'ajouter, élargissant par la culpabilité, une voie que la vérité avait creusé bien trop brutalement.
Ce furent les lois de la physique qui finirent par le faire remonter à la surface, son visage crevant la surface, sans que son corps ne daigne pour autant faire le moindre mouvement.
Quelques mots étouffés par l'eau lui vinrent, mais son esprit refusa de les entendre, ayant commencé son propre processus d'auto flagellation, ouvrant un trou béant dans un cœur qui n'avait jamais vraiment été animé.
Le plus douloureux ne venait pas forcément de la personne qui l'avait dit. Mais de la vérité brute qu'avaient contenus les dires de dame Weiss.
-Peut être, mais ça n'en demeure pas moins vrai
Finit t'il par soupirer tristement, regagnant une position assise dans la fange, observant les alentours avec les yeux embués de larme qu'il attribua à l'état de l'eau, découvrant une gorge nouée par une émotion qu'il voulait refuser en bloc
-C'est à moi de te présenter mes excuses, je n'était nullement maitre de moi
Sa voix était froide, une rage bien plus froide habitant le noble d'habitude si calme, son beau visage taché de boue n'affichant plus aucuns sourire. Seulement une tristesse difficilement dissimulable.
Liory n'en voulait à personne, sortilège ou pas, les mots avaient fait leur effet, terminant de supprimer des sentiments qu'il avait cru avoir jusque là.
-Je te prie de me pardonner toutes mes paroles, tu n'en n'est pas obligé. Et je comprendrais que tu veuille obtenir réparation de ces insultes injustifiées, et injustifiables.
Les aventures amoureuses de la demoiselle n'avaient pas à être remise en question, et il n'aurait pu lui tenir rigueur d'avoir répondu bien justement à ses propres provocations.
Se relevant de façon raide, il chassa la boue qui c'était accumulée sur sa tenue. Sans grand succès...
Oh par Lucy, qu’avaient-ils fait ? Toujours assise dans le marais, Luz ne pouvait détacher ses yeux de la silhouette si résolument fermée de l’argentée. Cela avait fait comme un bruit de soupape intérieure, un recul subit de la part d’un animal en souffrance dont la blessure serait ramassée sous lui. Elle l’avait heurté au-delà des mots. Pire encore, il n’était pas imperméable à la situation relationnelle de sa famille… L’avait-elle toujours injustement cru fier et fort, trop vivace, trop incroyablement sûr de lui pour dédaigner le mépris de ses parents ? Elle avait eu vent de l’évidente absence de sa famille proche dans ses décisions, mais n’avait jamais creusé plus avant la question. Elle qui bénéficiait de tout l’amour de son grand-père et qui n’avait jamais eu à regretter la présence de ses géniteurs, n’avait pas songé à s’assurer que son cher Liory bénéficiait bien d’une famille. Rien dans le monde adulte ne vous immunisez totalement aux douleurs d’enfants. Et s’il était blessé, lui, alors était-elle blessée, elle…
Elle s’était relevée sans l’avoir réalisé, avait enroulé ses doigts à ceux de Liory avec la spontanéité qui la caractérisait. Alors, s’adaptant à son immobilisme rentré, elle s’était glissée contre lui pour mieux l’imprégner de sa chaleur, lui transmettre ses émotions, son attachement, l’attentive écoute d’une présence bienveillante. Elle l’étreignit avec volonté, tendresse également, car elle craignait qu’il ne se brise et souhaitait impérativement recoller ses morceaux. La tête contre son épaule, elle tâcha d’aligner son cœur au sien, percevant le léger battement au travers de leurs vêtements détrempés. Elle ne pouvait voir son visage, mais ce n’était guère de toute façon à son regard qu’elle s’adressait : elle désirait atteindre le vrai Liory, celui qui s’était tapi quelque part au fond de sa conscience depuis son enfance.
Elle délia son étreinte, désigna le reste du marais avec l’once d’un petit rire.
Il ferait des merveilles, à n’en pas douter. Et s’entourerait de valeureux compagnons, des amitiés d’une vie capables de se mettre en danger à ses côtés. N’était-ce pas ainsi que l’on choisissait en réalité sa famille ? Non pas par lien du sang ni par obligation, mais bien au fil des rencontres sur le chemin ? Si elle l’avait vu pu, elle ne serait aucunement privée d’aller enfoncer son poing dans la tête des géniteurs de Liory. Voire de brûler une ou deux de leurs propriétés, sous couvert d’un malheureux incident. Elle ressentait de la colère à l’idée de leur indifférence nauséeuse et stupide à l’égard d’une personne qu’elle appréciait énormément et aurait préféré protéger autant que possible de toute émotion néfaste…
Dieu que l’existence était ardue. Autant la vivre en s’entourant des personnes qui comptaient vraiment, non ? Même si son cœur demeurait encore vicié par quantité de souvenirs, quantité de douleurs et de situations dures à gérer… Voilà qui était de toute façon le lot de tout mortel sur Aryon.
Le coup asséné par la noble avait été terrible, remuant les fondements du jeune homme. Car s'il avait su cette vérité, aussi cruelle soit elle, il avait toujours taché de voir au delà, l'oubliant, l'enterrant sous une masse de faux semblant et de questions trop longtemps éludée.
En quelque phrase, le château de carte qu'avait été son armure avait volé en éclat, des éclats que Luz tenta de remettre petit à petit en ordre.
Et s'il goutta avec délice le parfum de son amante, Liory sentit comme un vide au fond de lui. Le contact était toujours une brûlure dangereuse, car même dans les moments de tristesse, Luz générait chez l'argenté une envie d'interdit.
Cela dit, même si elle était la source de son tourment, le noble ne la repoussa pas, serrant cette dernière sans parvenir à décrocher un mot.
Même ainsi, il n'arrivait pas à lui en vouloir, ne pouvant réfuter ses accusations. Jamais personne ne l'avait aimé, pas plus qu'il n'avait aimé quelqu'un.
Comme un animal de luxe qu'on exhibait, Liory avait été un enfant parfait, béni par Lucy pour sa beauté ou son pouvoir. Poupée exposée par sa famille, il n'avait jamais tenté de lui échapper réellement.
A vrai dire, devenir aventurier était sa première rébellion, et surement la chose la plus folle qu'il ai faite jusque là
Finalement, de longues minutes s'écoulèrent avant que sa gorge ne lui permette de produire le moindre son. Cette dernière se faisant tout de même un peu serrée.
-Tu es décidément trop gentille Luz, même dans la boue, même coincés comme nous le somme
La sulfureuse demoiselle savait toujours trouver les mots justes, frappant juste pour apaiser les âmes, comme pour les blesser. Et pris dans un tumulte de sentiments ambivalent, l'argenté peina à trouver sur quel pied danser.
Couvet de boue comme ils l'étaient, la scène pouvait paraitre surréaliste.
-J'étais réellement heureux que tu me demande de venir avec toi... A force d'être invité par truchement de quelques contacts, j'ai toujours cru avoir été laissé de côté.
Invité pour servir de faire valoir, ou là car il était pratique de m'inviter
Avoir un Alkh'eir dans sa demeure était une source de prestige, même si on n'appréciait pas ce dernier. Les nobles étaient ainsi, plaçant une valeur sur chaque invité plutôt que sur leur discussion, et depuis trop longtemps, il avait cru que personne ne voyait qui il était derrière ce faux prestige.
-Et même malgré tout ça, je ne pense pas vouloir être ailleurs
Et la légère grimace de Luz suffit à lui décrocher un petit sourire.
Infime certes, mais quelque chose de différent que son air figé, fracturant la glace qui l'avait remplit et immobilisé, jusqu'à ce qu'il posa une main sur la hanche de son amie.
-La boue vaut bien ta présence mon amie... A croire que les plus belles roses arrivent à se distinguer parmi une nuée de mauvaise herbe.
A vrai dire, toute cette fange ne faisait que rayonner la jeune femme d'avantage, et l'aventurier se demanda soudainement comment il avait pu dire de telle ignominie à son amie, plongeant son regard dans le sien, il déposa un léger baiser sur sa joue avant de déclarer
-Si notre excès de folie est passé... peut être pourrions-nous nous offrir un moment de repos après cette aventure ? Je crains que ne te quitter sur un marais emplit de boue ne soit pas une image que je souhaite garder jusqu'à notre prochaine rencontre
Et si les blessures étaient encore douloureuses, l'abcès avait finit par se vider, signe que la noble avait commencé à amorcer un changement chez l'argenté
Hors de ce cercle qui t’empoisonne, tu trouveras, Liory voulut-elle lui dire, saisie d’une conviction certaine que quelqu’un, quelque part, avait été conçu pour l’aimer et l’accueillir. Comment pourrait-il en être autrement ? S’il ne pouvait trouver cette personne qui l’aimait et qu’il aimait en retour, nul ne le pouvait. Il lui fallait simplement parvenir à nager vers la surface, sortir la tête du marais, respirer à grandes goulées d’air cette autre facette du monde qui n’était pas le marasme coutumier des Nobles. S’éloigner de ses parents toxiques, découvrir ce à quoi ressemblaient les gens, les VRAIS gens. Et non ces faces poudrées. Néanmoins, elle garda ces mots pour elle, saisissant à tâtons que de troubles émotions s’agitaient toujours en lui et qu’elle n’en comprenait pas toute la mesure. Les fissures étaient encore présentes, encore trop vives pour qu’elle ne prenne le risque d’en frôler les entournures : par sa dernière proposition il amenait une diversion dont elle était heureuse de se saisir. Elle-même n’était pas entièrement prête à dévider les fils de ce qui les liait et de la souffrance qu’ils partageaient. L’un de ne pas être aimé, l’autre de ne plus être aimée. C’était à la fois trop pour cette banale journée de recherches botaniques, et à la fois trop peu pour exprimer pleinement les deux destins parallèles qu’ils affrontaient. Ne lui restait par conséquent qu’à chérir infiniment l’étrange et profonde amitié qui la liait à Liory… Une amitié qu’elle ne partageait avec aucun autre, fusionnelle par bien des aspects, d’une compréhension muette et consentie assurément. Ils ne se possédaient pas, mais s’acceptaient spontanément. Elle songea avec une tendresse accrue qu’il lui faudrait accueillir dignement plus tard cette personne de qui Liory tomberait véritablement amoureux. Peut-être lui proposerait-il alors de la rencontrer ? Il ou elle, se corrigea-t-elle. La vie était parfois pleine de surprises.
Elle passa le dos de sa main sur son front, un coup d’œil jeté au soleil éclatant qui les recouvrait d’une luminosité omniprésente. Cela créait des jeux d’ombres et d’éclats sur l’onde opaque, ramifiés par les doigts échevelés des arbres environnant en une multitude de tâches colorées. Elle esquissa une grimace volontairement comique en découvrant son visage recouvert de boue et entreprit de tourner les talons vers leur camp d’infortune.
Un silence, et puis :
Elle avait posé sur lui, par-dessus son épaule, un regard d’une profonde reconnaissance. Elle ne lui avait vraisemblablement pas assez répété, mais elle avait conscience de lui demander une tâche ardue et non plaisante lorsqu’il pourrait passer son temps à travailler pour sa nouvelle famille de cœur, la Guilde des Aventuriers. Quant à la plante rare qu’elle recherchait… Ce n’était pas un mal de ne pas l’avoir trouvée. Elle n’était du moins guère à cours d’options et pourrait tout à fait demander aux locaux de garder l’œil ouvert pour elle à l’avenir. Au moins avait-elle satisfait sa conscience professionnelle en prenant le temps de se rendre sur place !
Sans se décourager, elle coupa délicatement une large feuille d’arbre et entreprit d’ôter les plus gros morceaux de terre de sa peau, jusqu’à retrouver un semblant de forme humaine. Elle s’accroupit alors contre son sac, l’ouvrit d’une main experte et en sortit un paquet au délicieux fumet.
Ils en auraient besoin, après toute cette dépense d’énergie inutile !