La Mélodie d'un aventurier

La jeune barde avait rencontré ce fier aventurier alors qu’elle s’était égarée dans les tavernes à la recherche d’un nouveau compagnon de voyage. Beaucoup vantaient leurs mérites n’attirant que des soupirs las de la part de la voyageuse. Ce n’était que tassé dans un coin, couvert de cicatrices qu’un homme attira enfin son attention. Elle s’imposa, posant fièrement ses deux mains sur le comptoir.


« Salut beau jeune homme, avait-elle dit. Je t’emmène valser avec moi ? »


En réalité, elle ne lui avait même pas laissé le choix, jamais elle ne laisserait un tel potentiel s’envoler. Alors elle avait saisi son poignet, l’attirant avec elle, faisant voler autour d’elle sa chevelure azurée. Il était enfin temps de partir à l’aventure maintenant qu’elle se savait bien accompagnée.


« Mon joli petit chaton, avais-tu quelque chose de prévu ? J’espérais que nous puissions partir au plus vite. »


Calcilia était ce genre de femme. Spontanée et honnête, elle aimait se saisir de l’instant présent pour l’immortaliser à travers ses chants.

Elle n’avait alors pas tardé à le suivre dans sa quête, munie de son air mutin.

~

Un vent puissant fit s’éveiller la mélodie des feuilles dans les arbres, faisant bouger tel des spectres noirs, leurs ombrages sur le sol. La dense forêt atténuait les rayons du soleil qui s’écrasaient en des dessins complexes, accompagnant la marche des deux aventuriers dans une pénombre sereine. Le pied traîna sur le sol en terre poussiéreux, créant un écran de fumée sous leurs pas. Le sol était battu, montrant une fréquentation des lieux courante, ils butaient parfois sur une pierre qui s’échappait de sa prison, mais le chemin restait facilement praticable. Autour d’eux, les chants d’oiseaux s’étaient tu, leur permettant de profiter du doux son de l’eau qui s’écoulait non loin, visiblement, les deux aventuriers n’étaient plus si loin de leur destination. Alors que les arbres semblaient sans fin à l’horizon, étendant leurs feuillages luxuriants, les branches étaient si hautes qu’il devenait impossible de les atteindre à partir du sol. Le chemin commençait à se raidir au fur à mesure qu’ils s’enfonçaient au cœur de ce labyrinthe naturel.


Le lierre serpentait sur les troncs, rampant dans leur longue agonie afin de s’abreuver d’une caresse des rayons solaires. Étouffant leur support d’une étreinte verdoyante. Tandis que dansant près des racines, s’accumulait une mousse chatoyante, accumulant l’humidité de l’air. Le tapis de verdure laissait parfois apparaître le chapeau timide d’un champignon. Certains mêmes laissaient voir une marque de dents, marquant le passage d’un animal gourmand.


Épuisée de leur long trajet, la jeune femme se laissa choir entre les brindilles d’herbe qui lui chatouillaient ses parcelles de peau dévoilées. Elle ferma les yeux pour écouter le chant de la forêt. Calcilia profita de l’ombrage que leur offrait le bruissement des feuillages. Appuyée contre un tronc rugueux, elle sentait la vie grouiller autour d’eux, parfois les ailes d’un papillon aux couleurs chatoyantes. Parfois, un petit lièvre qui sautillait à travers les hautes herbes pour fuir ceux qui osaient le déranger sur son territoire. Chaque parcelle de ce monde vibrait au rythme de la brise. Ils s’étaient arrêtés dans une petite clairière avant leur destination finale. Celle-ci dévoilait pleinement l’astre solaire, leur offrant un doux rayon de chaleur, éclairant enfin leur marche sombre. Un mince ruisseau scintilla comme des étoiles, si limpide qu’il était possible d’apercevoir les galets blancs qui y gisaient. Elle y glissa une main douce, appréciant grandement sa fraîcheur. Elle était caressante, ajoutant au décor sa douce mélodie, accompagnant les criquets qui faisaient crier leurs pattes.


Puis là où le soleil faisait régner sa suprématie, un champ de fleurs s’inclinait, faisant croître une multitude de couleurs sauvages.


Calcilia était restée silencieuse tout le long du trajet, ses pensées se laissant aller pour ses nouveaux vers. Elle avait donc prêté toute son attention à la majestueuse forêt qui s’était inclinée pour les accueillir en son sein. Mais maintenant qu’elle avait enfin trouvé un moment de répit, elle ourla ses jolies lèvres, attirant l’aventurier à ses côtés. Il était temps de mettre à profit son talent devant son unique spectateur. Elle décrocha doucement la lyre de sa hanche.


Elle glissa ses doigts sur les cordes afin de vérifier qu’elle était bien accordée. Une fois qu’elle en fut assurée, la jeune barde commença une douce mélodie. Seul l’écho de son petit instrument s’éleva à travers la forêt. Les yeux clos, Calcilia berça son univers. Soudain, tout cessa d’exister, elle était devenue seule comme à chaque fois que sa précieuse lyre lui offrait son chant mélodieux.


Lorsqu’enfin les notes se turent, elle rouvrit son regard violine, un fin sourire étirant ses lèvres. Le calme était sa muse, composer sous l’ombre d’un arbre était ce qu’il y avait de mieux. Peut-être avait-elle agacé son compagnon de voyage, mais un bon chasseur se devait d’être en forme afin d’atteindre son gibier.


« Alors mon chaton ? Qu’as-tu décidé pour te lancer à l’assaut de ces créatures ? »


Elle caressa majestueusement son instrument, elle s’imprégnait de chacun de ses mots, chaque détail. Ainsi, son chant ne serait que plus beau lorsqu’elle pourrait conter leurs aventures une fois de retour à la Capitale. Rien n’était plus merveilleux que l’histoire d’une passion.

La Mélodie d'un aventurier

Un mince sourire étira les jolies lèvres de la jeune femme lorsque les phrases lourdes de sens traversèrent les lèvres de son compagnon de voyage. Délicatement, elle replaça l’une de ses mèches derrière son oreille avant de se pencher au-dessus de lui. Ses longs doigts fins glissèrent sous le menton de l’aventurier alors qu’elle releva son visage sans dissimuler son air amusé. Son pouce redessinant le relief de l’une des balafres qui zébraient son visage.

« Mon adorable chaton, tu devrais savoir que la langue se travaille afin d’attirer à toi ce que tu désires. »

Elle recula ensuite en se laissant à nouveau tomber contre l’arbre, passant sa main dans le pelage du petit animal fou qui sautillait autour d’eux. Après tout, depuis le temps qu’elle écrivait les récits des voyageurs, la parole était devenue son domaine de prédilection. Elle pencha ensuite son visage vers le jeune homme afin de suivre le reste de la conversation.
Cependant, celui-ci fut interrompu dans son discours par le cri d’un enfant. Visiblement, celui-ci ne devait pas être bien loin, car le bruit de l’eau était net. La jeune barde se leva précipitamment en alerte.

« Je te suis, joli aventurier, ronronna-t-elle. C’est un plaisir de parcourir ces terres à tes côtés. »

Sitôt les mots prononcés, leur course démarra afin de se rendre vers la source du bruit.

Le ruisseau s’écoulait non loin, pas encore asséché par la chaleur. Ils suivirent alors sa course, car sa fin devait être enfin le lieu qu’ils cherchaient depuis le début de leur périple. Crissèrent sous leurs pas, le bruit des feuilles qui avaient péri lors de leur chute.

Une multitude d’étoiles scintillaient à la surface de l’eau alors qu’elle guidait leur pas, effleurant avec douceur l’herbe encore verte. Bientôt, ils pénétrèrent à nouveau dans la pénombre des arbres, pour terminer leur course face aux remous du fleuve qui venait s’écraser sur la rive. L’eau, à l’inverse du ruisseau se montrait trouble et d’un teint verdâtre. Il n’était pas possible d’apercevoir le fond de l’eau, trop profond, tel un gouffre qui souhaitait dévorer celui qui pénétrait.

Calcilia refusa de s’approcher malgré la berge qui les accueillait, d’une petite plage de galets qui se laissaient happer par le courant de l’eau qui se montrait doux. Un ponton en bois demeurait au-dessus des flots, invitant les plus aguerris à s’y installer par des escaliers. La construction était vieille, rongée par le temps. Des algues vertes s’étant accrochées à ses pieds, se dévoilant lorsque l’eau se retirait.
Non loin, on pouvait apercevoir la forêt pencher ses branches afin d’attirer du bout de leurs feuilles de quoi s’abreuver. Le décor époustouflant s’étendait loin à l’horizon, qu’il était impossible de voir où se terminait la course du fleuve.
En face d’eux, se dessinait la silhouette d’un petit bateau, sûrement celui d’un pêcheur téméraire qui se laissait dériver par le courant, capturant de ses filets les quelques animaux qui ne pouvaient s’en échapper. Comme pris dans une toile, ils étaient remontés sur le pont. Pourtant, le cri ne venait pas de ces pêcheurs. Ils étaient sereins, loin de tout danger.

Les deux compagnons de route longèrent le cours d’eau en aval jusqu’à parvenir à un large pont fait de bois et de cordes. Résistant aux tempêtes et aux marées, il demeurait immortel faisant joindre bout à bout les deux rives. En face, ils atteignirent leur destination, lorsqu’un enfant. Peut-être tout juste d’une dizaine d’années, était recroquevillé loin de l’eau. Une pierre dans la main, celui-ci effrayé n’osait pas bouger. Deux êtres virevoltaient au-dessus de l’eau. Des esprits Fluctus, voilà les deux créatures qu’ils cherchaient. Ils ne devaient pas être très loin de la mer, il était rare de les apercevoir dans un coin d’eau douce. La période de reproduction avait dû pousser certains à se retrancher plus loin du littoral afin d’éviter les guerres de territoire.

Leurs rubans écarlate voletaient au gré du vent, entourant le pauvre enfant qui essayait tant bien que mal de se protéger. Ceux-ci semblaient agressifs, à la vue de leurs museaux, c’étaient deux mâles qui devaient produire leurs parades nuptiales. Calcilia pouvait voir un peu plus bas le pelage d’une femelle qui avait dû se sauver lorsque les trois animaux avaient découvert la présence du jeune garçon. À l’instant, elle n’était pas certaine qu’il y en ait d’autres qui se dissimulaient quelque part dans les flots. Pourtant, la prudence était de mise, déjà à trois, ils pouvaient présenter des complications, plus ils seraient un réel danger.
Parcourue d’un frisson de terreur, la jeune femme hésita à se lancer à la rescousse de l’enfant, elle n’aurait même pas le temps de déployer son pouvoir pour le protéger s’ils se décidaient à passer à l’attaque. Ils n’avaient que peu de temps pour traverser le pont, mais cela ne l’empêcha pas d’agripper le pan de la tenue de son partenaire du bout des doigts. Geste inconscient. Lorsque l’un des esprits retroussa ses fières babines, la barde finit par agir aussitôt. Elle saisit l’une des lames à sa hanche, lançant l’arme qui se planta dans le sol, à une distance raisonnable de l’enfant afin de ne pas le blesser. Ce geste attira l’attention des créatures qui se détournèrent de l’enfant au grand soulagement de la jeune femme. Doucement, elle glissa contre l’oreille de son chaton.

« Je ne peux pas traverser, j’attire leur attention et je te laisse mettre le petit en sécurité. »

La Mélodie d'un aventurier

Calcilia hocha la tête avec vigueur pour lui faire signe que tout avait bien été assimilé. Elle regarda le chiot sautiller joyeusement, et sourit avec confiance.


« Je ne doute pas, une seule seconde que tout se passera bien ! »

Avant qu’il ne puisse s’enfuir, la jeune femme se saisit du visage de son bel aventurier puis déposa ses lèvres contre sa joue, non loin de la commissure de ses lèvres. Un air malicieux s’inscrivant sur son doux visage.

« Bon courage mon adorable chaton, fais attention à toi, murmura-t-elle. »

Elle aimait que ses partenaires reviennent en vie. Que leurs contes ne soient pas que des mythes que l’on raconte aux enfants avides d’aventures.

Sortant de ses pensées, la jeune femme siffla entre ses doigts afin d’attirer l’attention des deux bestioles qui commençaient déjà à lancer les hostilités. Elle restait loin de la rive afin que l’eau ne soit pas son obstacle. Son parcours se dessinant entre la verdure chatoyante des plantes et la rive qui se creusait, dévoilant une hauteur dangereuse de laquelle il serait mortel de s’y laisser tomber. L’un des esprits – le plus agressif – plongea son corps dans l’eau, se mouvant sans peine dans le courant impitoyable. Il faisait se dessiner contre son pelage des vaguelettes douces. Arrivé à sa destination, il sauta sur le bord de la rive, son ruban écarlate se mouvant au gré du vent. Son pelage se hérissa, et ses babines se retroussèrent. Il serait le premier à attaquer.

Pourtant, la jeune femme ne se démonta pas. Faire couler le sang n’était pas non plus dans ses projets. Alors elle recula prudemment, tendant sa main face à elle. Elle ne montra aucune agressivité, essayant de l’apaiser.

« Je sais, nous sommes sur ton territoire, annonça-t-elle d’une voix posée. »

Mais l’animal furieux ne sembla pas du tout réceptif à l’échange, bondissant jusqu’à la jeune barde qui recula aussitôt sans se rendre compte qu’elle avait bougé en un arc de cercle. Maintenant, la grande étendue d’eau narguait son dos, alors que la grande forêt lui faisait face. L’animal chargea et ce fut bien à contrecœur que Calcilia lui envoya son coude sur un côté de sa tête. Elle allait devoir trouver un moyen de l’assommer sans le tuer et elle savait très bien que ce ne serait pas une mince affaire. L’animal se redressa furieux, aboyant sa colère avant de se remettre à charger. Mais cette fois-ci, celui-ci surprit la jeune barde d’une vague violente.



Soudain, le sol se déroba sous ses pieds. Le paysage changeant du tout au tout lorsqu’un bruit humide se fit entendre.
À ce moment, Calcilia ne voyait plus rien, si ce n’est un paysage flou où le vert prédominait, s’enfouissant dans un couloir sombre et absorbant les rayons du soleil, l’eau demeurait un éternel mystère. Alors que le souffle venait à lui manquer, elle sentait les algues poisseuses s’enrouler autour de ses bras. Elle ne voyait pas le décor, mais devinait aux silhouettes floues quel spectacle s’animait autour d’elle.

Le bruit avait fait fuir les poissons qui valsaient habituellement à travers les flots, luttant contre le courant qui l’emportait de plus en plus loin de la berge. L’eau pouvait être douce et caressante. Aujourd’hui, elle était nerveuse et entrainante, emportant dans sa robe glacée, tout ce qui arrivait à sa portée. Seules les lourdes pierres qu’elle sentait dans sa dérive ne semblaient pas frémir sous les assauts répétés du courant. Ses sens explosaient alors que l’air venait à lui manquer. Elle crut même sentir un corps écailleux immense venir frôler son dos. Elle imagina sans mal les écailles grises qui devenaient arc-en-ciel sous la lumière du soleil. Elle imagina aussi la gueule béante qui pouvait l’entraîner vers le fond. Mais celui-ci se fraya un chemin entre les branches mortes et les rochers, disparaissant entre les algues rampantes.

Le fleuve sans fond tourbillonnait sauvagement, faisant remonter à la surface, les quelques morceaux d’écorces qui s’étaient embourbés entre les rochers à cause de la tempête, faisant s’élever les galets qui reposaient au fond de l’eau. La surface lumineuse s’éteignait lentement, les éclats rayonnants se perdant au milieu des lianes aquatiques. Celles-ci allaient et venaient au rythme des vagues. Parfois, un animal curieux sortait entre deux brins d’algue, avant de s’enfuir tout aussi rapidement.

Certains arbres s’inclinaient à la surface, caressant de leurs douces branches, la surface de l’eau. Créant des sillons irréguliers au milieu des reliefs du courant, ce qui fit danser la lumière là où elle pouvait encore se laisser refléter. Ils paraissaient danser ensemble, se riant de ceux qui avaient eu la malchance de croiser le fleuve mortel. Révélant les particules des algues qui s’étaient détachées de leurs congénères.

Mais bientôt, elle ne put plus réagir au spectacle splendide qui se déroulait sous ses yeux. La panique l’avait aveuglé. Le souffle allait la tuer. Le décor s’assombrissait de plus en plus, mais non pas, car son corps léger s’enfonça davantage dans les profondeurs. Non. Car lentement, sa conscience s’évadait tandis que l’eau brûlait ses poumons. Emplissait sa gorge, même un souffle n’avait pu s’échapper de ses lèvres.

« Je suis triste, mon chaton, notre aventure aura été bien courte, pensa-t-elle une dernière fois avant que les ténèbres ne l’absorbent. »

La Mélodie d'un aventurier

Pendant que les ténèbres l’entouraient, la jeune femme semblait être hors de la réalité. Toutes les sensations avaient disparu, et ce n’est que semi-consciente qu’elle eut l’impression que son corps avait repris ses droits sur la gravité.

De l’air chaud gonfla soudainement ses poumons, faisant repartir le cycle de sa respiration à travers son corps. Mais la sensation désagréable de son larynx obstrué par l’eau finit par s’estomper pour laisser place à une sensation de brûlure lorsque que la jeune barde régurgita la bile. Incapable d’y résister, elle toussa, enflammant sa gorge et ses poumons.

Il y avait sûrement plus romantique comme scène, mais au moins, elle était en vie, et l’air circulait à nouveau dans son organisme. Difficilement et douloureusement, la jeune femme respirait, donnant l’impression que chaque goulée d’air éraflait son intérieur.

Encore nauséeuse, elle ne se redressa pas. Sa vision encore floue, elle entraperçut la silhouette de son beau chaton à la chevelure immaculée. Elle tenta tant bien que mal de reprendre ses esprits, posant sa main sur le haut de son visage, hypersensible à la lumière.

« Je… Commença-t-elle d’une voix rocailleuse avant de s’étouffer dans une quinte de toux. »

Parler était douloureux, mais imaginer le visage déçu de son beau partenaire était encore pire. La barde avait sacrément merdé cette fois-ci, si elle avait parlé de sa phobie aquatique plus explicitement, ils n’auraient pas fini dans une telle situation. Puis soudain, elle réalisa, se redressant si vite qu’elle en eut le tournis au point de s’effondrer aussitôt contre l’aventurier. La barde accrocha ses deux mains aux larges épaules de l’aventurier. Elle ne parla pas, mais son regard explicite exprima son inquiétude pour l’enfant et les esprits. La jeune femme tourna la tête pour voir où ils se trouvaient actuellement, cherchant les créatures.

Elle s’assit en soupirant doucement, Calcilia se sentait honteuse de ne rien avoir pu faire pour se montrer plus utile, et d’en plus d’être la cruche qu’il avait fallu sauver. Elle repoussa les mèches humides qui lui tombaient devant les yeux maintenant qu’elle avait perdu son bandeau.

« Excuse-moi, réussit-elle à articuler doucement. »

La jeune barde releva la tête pour inspecter le corps de son partenaire afin de vérifier qu’il n’y avait aucune blessure. Seules de nombreuses cicatrices déjà assez vieilles parsemaient sa peau, sans cacher son soulagement, elle enfonça son visage dans ses mains. Elle l’aurait vécu comme un cauchemar si par sa faute une nouvelle balafre s’était ajoutée à celles déjà présentes. Calcilia finit par attraper son menton afin de vérifier qu’il n’y avait vraiment rien sans lui laisser le temps de râler. Elle détailla son torse nu, puis elle se laissa absorber par la belle musculature qui se dessinait sous la peau. Son chaton lui faisait davantage penser à un tigre sauvage maintenant qu’elle le voyait ainsi.

Lorsqu’elle se rendit compte qu’elle s’était mise à le dévorer du regard, la jeune femme se racla doucement la gorge, faisant attention de ne pas empirer la douloureuse sensation qu’elle conservait dans sa gorge.

« Tu devrais te rhabiller avant d’attraper froid, souffla-t-elle sans trop solliciter ses cordes vocales. »

Sa réflexion était un peu stupide étant donné la chaleur qu’il faisait actuellement, mais il lui fallait une excuse pour changer de sujet. Elle grimaça en sentant ses vêtements trempés, ce n’était pas vraiment confortable. Tirant ses cheveux en arrière, elle finit par les presser afin de finir d’essorer l’eau.

« Merci d’être venu m’aider, sans toi, je me serai noyée… »

Mais la jeune barde ne se laissa pas abattre, si elle devait perdre son moral à chaque échec, ses voyages se seraient rapidement terminés.

La Mélodie d'un aventurier

Calcilia grimaça légèrement alors qu’elle se faisait remonter les bretelles. Il n’avait pas tort alors qu’elle s’était laissé couler comme une pierre au fond de l’eau. Sans doute, elle n’aurait jamais revu la couleur du ciel s’il n’était pas venu vaillamment la sauver. Mais au moins, ça lui ferait des couplets à ajouter à sa mélodie lorsqu’ils feraient leur triomphant retour.

La jolie barde étira un léger sourire en levant la tête pour le regarder tandis que la serviette rencontra son visage sans grâce. Elle la descendit doucement, pour libérer son visage.

« Je ferai donc mon possible pour que tu n’attrapes pas froid, mon chaton. »

Elle ne reproduirait pas son erreur cette fois-ci. Plutôt que d’être la princesse en détresse, elle préférait de loin démontrer qu’elle se rapprochait davantage du chevalier servant. La jeune femme se saisit de la serviette pour éponger l’eau de ses mèches d’azur, mais sa chevelure étant assez courte, elle ne s’en servit pas longtemps. En revanche, ses chaussures avaient gonflé avec l’eau, de ce fait, la barde les retira, laissant les cuissardes dans un coin.

« Merci, petit chat. »

Même si elle avait pu sentir chez lui une légère froideur, il continuait à se montrer prévenant. La jeune femme vint ensuite caresser le brave petit chiot qui lui collait des poils partout.

« Excuse-moi, j’ai dû te faire avoir une véritable frayeur. »

Calcilia appréciait vraiment la compagnie de cet animal. Frottant son pelage, la barde tenta de la rassurer sur son état, puis elle releva la tête pour venir observer curieusement son partenaire. Elle fut légèrement intriguée de le voir presque discuter avec les créatures. Il semblait si à l’aise en présence des esprits qu’elle eut du mal à se dire qu’ils étaient face à de réels dangers.

La jeune femme s’approcha de l’aventurier, moins fébrile qu’il y a quelques instants.

« Tu es certain que ça pourra régler la situation ? Si l’un d’entre eux échoue, il ne risque pas de devenir plus agressif ? »

La barde observa la femelle qui tournait dans l’eau, rejetant les deux mâles penauds. La scène lui parut amusante avec un peu de recul. La saison des amours pouvait se montrer cruelle parfois. Après, si l’un des amants réussissait à conquérir la belle, il ne leur restait plus qu’à attirer le second vers les côtes. Peut-être trouverait-il à son tour une nouvelle demoiselle à charmer, loin de la civilisation. Ou bien, leur fallait-il tout simplement les attirer tous les trois vers les côtes pour les éloigner et qu’ils continuent leur parade nuptiale sans être dérangés par un quelconque civil. Au final, peu importait la solution tant qu’il y en avait une.

« Laisse-moi m’occuper du gibier, lui annonça la barde. »

Elle lui sourit en sortant une corde de sa besace. Si l’eau n’était pas son élément, la chasse, elle connaissait plutôt bien.

« Ne t’en fais pas, si tu me laisses loin de l’eau, tu n’auras pas à t’inquiéter pour moi. »

Le plus difficile serait de trouver une proie adéquate qui correspondrait à la diva capricieuse. Et cela pourrait bien durer des heures si les créatures étaient réticentes à se montrer.

« Je suppose, vivante ? »

De ce qu’elle avait pu constater d’entre les crocs des fluctus. Ce ne serait pas une mince affaire si la bestiole se devait d’être d’une taille honorable. Calcilia soupira doucement en attachant la corde à sa hanche après avoir rangé sa belle lyre dans son sac. Elle s’en voudrait si celle-ci devait s’abîmer dans l’action.

Une fois tout le matériel prêt, elle se tourna vers l’aventurier, les mains sur les hanches.

« J’ai vu quelques traces et des terriers lorsque nous avons traversé la forêt, avec un peu de chance, je pourrai tomber sur un porc-becue ! »

Malgré son écart, elle espéra que son partenaire allait lui faire confiance. Elle vérifia une dernière fois que tout était bon, avant qu’elle n’aille s’enfoncer dans la forêt.