Épuisé.

C'est dans cet état physique que Warren revenait dans ses locaux, qui sont maintenant également ceux que la compagnie Althair. Changement aussi agréable que lunaire, toutefois, jamais il n'aurait pensé que ça se passerait comme ça, qu'il finirait là. Attention, son ascension est incroyable, et il n'en est que des plus heureux. Les responsabilités et le travail pèse, complètement oppressé, il n'y a que comme ça qu'il vit, qu'il se sent bien.

Il pousse les lourdes portes de la compagnie. Bâtiment incroyable, entre le sobre et l’impressionnant. Après tout, vu tout ce qui y fourmille, ce qui y vit et travaille, l'espace du lieu n'est que des plus nécessaires. Le nombre de compagnies absorbées par cette entreprise tentaculaire ferait tourner la tête du plus impressionnant des entrepreneurs, ça a bien fait tourner la sienne, au début.

Saluant au passage les personnes qu'il croisait, aussi bien collègues et collaborateurs que passants aléatoires, prouvant encore une fois sa tchatche légendaire. La plupart de ces gens étaient de la compagnie Althair, justement. C'est comme ça que ça marche, ici. Malgré une architecture qui peut être vue comme spartiate, le bâtiment principal étant un grand ancien manoir, propriété de la compagnie d'Archibald, et les diverses compagnies absorbées placées dans les bâtiments alentours, rachetés ou aménagés pour l'occasion. Il avait droit à une belle aile, le Warren. Grâce à sa position des plus avantageuses ? Sans doutes. Il passa sans difficultés les mesures de sécurité, ainsi que le secrétariat parfois invasif. Toute personne voulant voir une branche de la compagnie doit en premier lieu passer par l'accueil général Althair. Normal, certains diraient. Peut-être redondant, du point de vue du blond.

Un couloir traversé plus tard, il se retrouva devant une porte, qui d'aspect ne paye pas de mine, si on met de côté sa massivité et son bel œuvre, une belle porte en bois rouge, ou un plaque dorée gravée ''LAGOON'' en fines lettres trônait fièrement sur cette pièce de mobilier. Religieusement, sa main atteignit la poignée, qu'il fit pivoter afin de rentrer dans la partie de l'ensemble immobilier qui lui appartenait.

C'était encore très simple, hein. Après tout, il n'est pas là depuis si longtemps, tout n'est pas encore aménagé. Enfin, les parties importantes le sont, mais on y viendra plus tard. Pour l'instant, ça prenait surtout la forme d'un large et long couloir. A l'origine, deux pièces étaient présentes, à gauche et à droite. Les murs furent abattus pour laisser place à des espaces ouverts à ces deux extrémités ; celui de gauche était le bureau de la secrétaire de Lagoon, plutôt ordonné d'habitude, la pauvre Pam ne savait plus ou donner de la tête, vu l'espace libre en face de son propre bureau. Là ou le bureau de Pam était estampillé Lagoon, celui d'en face, marqué Althair, restait malheureusement vide. Il n'était pas faute d'avoir un écriteau à l'entrée du bâtiment ainsi qu'à côté de sa porte rouge précisant qu'il recrute, pourtant.

La chevelure rousse légèrement bouclée de la secrétaire était des plus visibles, car complètement de dos, affairées à ranger et trier divers dossiers, aussi bien de sa propre société que de la maison mère qui les a acceptés en son sein. Warren signifia sa présence d'un raclement de gorge. Elle se retourna d'un coup, affolée, et se précipita à son bureau. La pauvre avait l'air épuisée, des traits marqués, des cernes de panda sous ses normalement beaux yeux verts.

'' M-Monsieur Richter ! Pardon, pardon, pardon ! Comment s'est passé votre, hm, entretien ? ''

Ah, oui. L'entretien. Le sujet de sa fatigue. Un gros fabriquant d'objets d'art de la capitale, qui n'a pas été vraiment facile à convaincre. Il eut à user de tous ses coups les plus retords ; de sa négociation la plus folle ; de son pouvoir, pas bien de nier la vérité. Mais il était arrivé à ses fins. Un léger emprunt, certes. Mais à des taux d'intérêt, oh par Lucy, quels intérêts ! Largement de quoi payer et attirer les gros bras en cas de problème. De sa poche intérieure gauche de costume, il sortit un petit papier qu'il posa sur le bureau de son employée.

'' Allons, ma chérie. Pas de soucis, voyons. Le travail te pèse, je comprends. Ça va finir par s'arranger, d'accord ? '' Il appuya ses coudes et avant bras sur le meuble. '' Si tu pouvais traiter ça rapidement, tu n'en serais que des plus adorable ! J'ai des choses à faire, au bureau. Ne laisse personne me déranger, bien compris ? ''

Elle était vraiment facile à manipuler, mettre de l'eau dans le vin de quelqu'un n'a jamais été aussi simple. Il s'est toujours demandé si elle n'avait pas un intérêt pour lui ? Mélanger pro et perso, ça le dérange pas vraiment. Mais il pouvait pas se permettre quelque chose avec sa secrétaire ; c'est si facile, si déplacé. N'empêche qu'elle réagissait toujours bien à sa manière de lui parler.

'' Oui, bien sur, sans problème, Monsieur Richter ! Mais...Personne-personne ? ''

'' Personne-personne. ''

Sur ces mots, ses chaussures de villes claquèrent sur le parquet alors qu'il se dirigeait vers son bureau, les grandes doubles portes au bout du couloir. Après le bureau de Pam, sur la gauche, une autre pièce ouverte, beaucoup plus grande. Une sorte de pseudo réfectoire/salle de repos, pour les employés de Lagoon qui souhaiteraient plus rester entre eux que de bénéficier des services de la bâtisse principale. Compréhensible, mais répréhensible, il faut accepter les autres aussi. Il n'y avait que deux-trois personnes, qu'il salua d'un geste las de la main. Les coursiers sont également la bienvenue, ici, ce pourquoi il n'est pas rare d'en trouver. Ceux de la compagnie Althair aussi ; à condition d'être déjà connus de Lagoon, ou accompagné d'un salarié de confiance. Sur la droite, plusieurs petites pièces ; fermées, elles servent d'hébergement plus ou moins temporaire. Comme tout ici, tous travailleurs sont bienvenus avec les mêmes prérequis que précédemment.

Certains vivent ici ; des hommes et femmes que Warren a généreusement sortis de la misère, qu'ils y soient nés ou conduits par ce magnat de la finance. Ensuite, juste avant l'entrée de son bureau, deux autres pièces, cette fois fermées, à gauche et à droite. A gauche, des gratte papiers. A droite, des archives pour ces fameux gratte papier. Pourquoi la secrétaire a-t-elle autant de travail, s'il a une petit force pour s'occuper de tout ça ? Car elle est la seule à avoir sa confiance pour gérer tout ça. En vrai, elle est presque comme leur supérieur hiérarchique.

Le bureau. Récent. L'odeur de neuf emplit toujours la pièce. Le pupitre prend une bonne partie de la pièce, tout comme cette chaise -non, ce fauteuil, confortable, imposant et tout en cuir. Une porte dérobée, à gauche de ce fameux fauteuil. Ais-je oublié de dire que cette aile possédait un étage ? Les escaliers étaient de base ou se trouvent les archives. Détruits, déplacés ici, car tout l'étage est dédié à Warren. Il pense s'y faire une petite suite digne d'un quatre étoiles d'Aryon, des meilleures auberges. C'est encore en travaux, donc à part un lit immense et les commodités fonctionnelles, c'est loin d'être aussi impressionnant que cette pièce, mais nécessaire, il passe parfois plusieurs jours sans quitter les locaux de Lagoon, croulant sous le travail.

Il se laissa tomber sur son fauteuil dans une longue et profonde expiration. Autour de lui, des babioles, plus ou moins chères, mais quand même plus que moins. Des décorations sur sur le socle et la tablette de la cheminée, toute de pierre blanche avec des finitions en bois rouge. Un parquet impeccable. Des tableaux accrochés aux murs, jurant un peu avec le grand tapis blanc au sol. Des meubles, des bibliothèques, remplis de livres et autres écrits. S'enfonçant dans son fauteuil, pensant enfin profiter d'un peu de repos, il ouvrit un des tiroirs à droite de son bureau, en sortit une bouteille contenant un liquide ambré et épais, ainsi qu'un verre, commençant à se servir. Il eut à peine le temps de fermer le conteneur et de siroter sa boisson qu'on frappa à sa porte. Il fallait s'y attendre. Sympa, mais peu obéissante, celle là. Crispé dans son fauteuil, il n'allait pas non plus faire le mort si le travail venait à lui.

'' Oui, Pam. Entre. ''

La porte s'entrouvrit, ce qui lui fit hausser un sourcil. Usuellement, elle rentre de plein pied dans le bureau. Il ne voyait là que sa petite tête hésitante, un peu suspecte.

'' Euh, Monsieur Richter ? Quelqu'un pour vous...De la garde. Royale. ''

Les ennuis. Déjà. Il était vraiment pas d'humeur. Elle ne trouverait rien, en fouinant. Il ne lâcherait rien, en l'interrogeant. C'était une colossale perte de temps, du sien, de celui de la garde royale, et par extension, de tout le royaume. Ses doigts pianotèrent sur le bureau alors que Pam n'osait pas croiser son regard.

'' Laisse la entrer, Pam. ''

Un dernier signe de tête fit tout ce qu'il vit de la petite rousse, qui partit en laissant une autre femme rentrer. Au moins, ce n'était pas une armoire à glace difforme de deux mètres qui pénétrait dans son office, mais une jolie petite garde. Assez pour lui redonner un petit sourire, pas assez pour le faire sortir du confort de son siège.

'' Eh bien, eh bien, soyez le bienvenue, charmante demoiselle ! Entrez, je vous prie, entrez ! Pardonnez mon incivilité, je ressors tout juste d'un entretien qui m'a épuisé ! ''

Il tendit néanmoins sa main vers la chaise présente devant lui, de l'autre côté du meuble, chaise bien moins luxueuse que le reste de la pièce, ce qui eut l'honneur de lui hérisser le poil, mais passons. Remettant bien son haut de costume, il prit une gorgée de sa boisson alcoolisée et entreprit de sortir un autre verre du tiroir.

'' Vous boirez bien quelque chose ? ''

Détendu, il ne le paraissait, pas ; il l'était tout simplement. Une visite de courtoisie comme ça, faut pas paraître suspect. Accueillant et disponible, l'alcool serait une première solution pour le laver de tout soupçon, assez-t-il tout étant qu'il y en ait le moindre.

Eh ben, eh ben. Pas commode la madame. Chaton a des griffes. Ça lui plaît. Tout est si monotone et peu distrayant quand c'est trop facile. Libre à elle de ne pas profiter de tout le confort et le luxe qu'il peut lui offrir. Ça aurait été beaucoup plus sympa de discuter calmement, non pas qu'elle soit excitée, pas encore du moins. Elle pouvait regarder ou elle voulait, ce qu'elle voulait, il n'y aurait rien de mal, rien qui dénote. Il l'observa quelques secondes alors qu'elle semblait analyser la pièce ; oui, ça en jette, hein ? Et encore, ce n'est que le début. Ça manque de statues, de dorures et autres objets ostentatoires de sa réussite.

Mademoiselle Long, du coup. Madame, mademoiselle, on sait jamais quel mot utiliser, hein ? Ce ne sont pas des conventions avec lesquelles Warren s'embête, cependant. Il haussa un sourcil quand elle demanda à vérifier toute sa paperasse. Ça fait déjà pas mal d'années qu'il est en place, on l'a déjà pas mal ennuyé, avec tout ça. Un lien avec sa récente intégration dans la compagnie Althair ? Un rite de passage, une obligation de montrer patte blanche pour être tranquille ? Eh, pour ce qu'il en sait, même s'il lui accorde sa confiance, Inaros aurait très bien pu lui envoyer les autorités au cul juste pour le tester. Quel sale gosse, ahlala. Archibald lui même peut-être ? S'assurer qu'il n'accueille pas n'importe qui au sein de sa compagnie.

D'un regard carnassier, il jaugea la garde royale de haut en bas. Elle a de beaux yeux vairons. Très rares, ce qui les rends des plus appréciables. Il s'était arrêté bien longtemps, sans gêne, sur les prunelles de la femme. Ingurgitant une gorgée de son verre, il le reposa calmement et précautionneusement sur le bureau. Sourire de requin. Si elle voulait perdre son temps ; soit. Il lui en donnerait pour son envie. Elle a cependant pas l'air d'être si ravie que ça d'être là.

On lui a pas envoyé n'importe qui. Une garde, oui, mais royale. Les plus hautes instances possibles, somme toutes, si on ne compte pas les officiels envoyés par les membres du gouvernement, avec qui il n'a jamais eut aucun soucis, soit dit en passant. Prenant fortement appui sur les accoudoirs de son siège, il se leva du plus péniblement qu'il put le démontrer, il fallait bien faire comprendre que toutes ces histoires allaient le fatiguer ; son temps est précieux, et ces petits manèges, s'ils se montrent redondants, devront être arrêtés au plus vite.

'' Bien sur, pas de soucis. Je n'ai rien à cacher. Lagoon non plus. ''

Prestement, il sortit un trousseau de clés de sa poche intérieure de veste, et ouvrit le premier tiroir gauche de son pupitre, un des seuls fermés à clé. Il fouilla quelques secondes ; organisé, il voulait juste qu'on ne se doute pas qu'il l'est trop. Une pochette, grise, simple, de laquelle dépassait quelques papiers que le temps avait commencé à attaquer. En les sortant, il en profita pour un jet un œil de nouveau, un peu de nostalgie...Puis les tendit à la garde royale, qui finit par les saisir.

'' Ces quelques certificats vous prouverons de la légitimité de l'existence de la société Lagoon, ainsi que la reconnaissance de ses activités. Et ceux là... ''

Une autre pochette, plus récente. Ces papiers là étaient si neufs qu'on pouvait encore se retrouver avec de l'encre sur les doigts à force de le manipuler. En même temps, il fallait faire vite. Au lieu de les tendre à la demoiselle, cette fois, il les posa sur le bureau et les fit glisser jusqu'à elle.

'' Et ceux là, prouvent mon rattachement, et donc, celui de Lagoon, à la Compagnie Althair, dirigée donc par Archibald Jefferson. Bien ! '' Satisfait, il tapa dans ses mains. '' Ça, c'est pour ce qui est purement aux yeux de mon droit d'exercer. Maintenant, le reste. Laissez moi deux minutes, trésor. ''

Il se retourne, fait face à une sorte de meuble remplis de divers bouquins, plus ou moins gros. La majorité sont des livres personnels ; pour sa propre culture, certains très difficile à se procurer. Mais l'un était un recueil de tout ce qu'il avait pu bien mettre dans son entreprise, à titre personnel, depuis son existence. Un résumé de comment il a réussit à monter tout ça, en gros, remplit de lignes de texte chiante comme la pluie, telles que ''Artiste de telle rue – 1000 cristaux gris'', ''Petit plaisir – 20 cristaux gris'', pour le début, du moins. Plus on s'approche du présent, plus c'est...Hm. Des gros montants. Pour des raisons parfois...Volontairement laissées obscures. On va pas non plus dire ou il se fournit en habits, décorations et autres ''petits plaisirs'', justement. Cette hausse sera de toute façon expliquée par le reste, il a pas finit de l’assommer. On va passer au plus juteux. Posant le livre sur la table, il se dirigea vers la jeune garde.

'' Là dedans, toutes mes dépenses. Personnelles. Comme je l'ai déjà si souvent dit, à certains de vos confrères – ou non, après tout, je ne sais pas si vous connaissez tout le monde au juste ! Pour le reste, il faudra aller aux archives, j'en ai peur. '' Il passa plus que volontairement bien trop près d'elle pour la dépasser. '' Pardon, mademoiselle ! Il faudra sortir du bureau. Porte juste à gauche. Prenez votre temps. ''

Sortant de son bureau, laissant les portes ouvertes afin qu'elle puisse venir à sa suite, il sortit l'exact même trousseau que tantôt, et ouvrit la porte des archives. Dedans, une lumière très faible, tamisée. Une température sèche et un peu étouffante, il ne faudrait pas que l'humidité abîme toutes ces années de dur labeur. A l'intérieur, tout est organisé, mais cela paraît également si fouillis ; un bordel organisé, si vous voulez. Toute chose à sa place, chaque place à sa chose, mais les temporalités des papiers et autres documents ne se suivent pas encore tout à fait. Elle ne l'avait pas encore rejoint, sans doutes encore occupée à vérifier ce qu'il venait de lui donner.

Profitons en. Il remonta le couloir, ignorant royalement, cette fois, employés et passants, pour se planter directement face au bureau de sa secrétaire. Elle aurait presque les larmes aux yeux en le voyant, la pauvre. Il remonta consciencieusement ses petites lunettes.

'' Oh, non, Monsieur Richter, vraiment, je suis désolée, je lui ai dit, mais elle m'a menacée, j'ai essayé, mais j'ai - ''

Oh, ce débit de parole des plus désagréable. Ce genre ou ça parle très vite en se perdant à moitié dans ses mots, dans un ton plus aigu que la moyenne, dénotant une perte de maîtrise de soi. Ca dégoute. Il posa son index sur la bouche de sa secrétaire.

'' Shhhhh. On est parlera plus tard. Bien ? Bien. ''Son ton a lui était toujours aussi calme et assuré, mais le sourire ne présageait rien de bon pour les heures de sommeil et le salaire de la pauvre rousse. '' Je suis occupé avec Madame Long, du coup. Donc, si quelqu'un, N'IMPORTE QUI, essaye de nouveau de M'INTERROMPRE. Vous verrez le Soleil à travers les fenêtres pendant les trois prochains mois. Bien ? Bien ! ''

Le pouvoir qu'il a lui permet, ironiquement, de ne pas utiliser son vrai pouvoir, de peur. Sans même attendre qu'elle réponde, le message ayant été on ne peut plus clair, il tourna les talons, fit demi tour. Arrivé devant les archives, la garde royale sortait tout juste du bureau, et se dirigeait dans sa direction.

'' Mais permettez moi, Mademoiselle ! ''

Ouvrant la porte en grand, il fit un autre geste de bras, non pour l'inviter à s'asseoir cette fois, mais à pénétrer dans cette pièce ou il faudrait être fou pour vouloir tout lire et scruter. Bien sur qu'aucun papier compromettant n'existait, dans cette enceinte, en tout cas. Le protocole est si strict que lui même en fait des rêves incroyables, l'organisation de cette compagnie, de toute beauté, vraiment. Une fois la Long entrée, il s'épaule à l'embrasure de la porte, l'observant de dos, se frottant le menton.

'' Entre nous. Je ne vois absolument pas ce que vous faites ici. Et l'acharnement qui pèse sur mon affaire. Vous ne trouverez rien, ma chère, car il n'y a rien à trouver. J'ai bien peur qu'on vous ait envoyée chercher une aiguille dans une botte de foin ! ''

Bien. Bien, bien, bien. Tout se passait exactement comme prévu. Il ne lui donne pas plus d'une heure, avant d'être assommée par l'administration que Warren avait élevé au rang d'art ; le double secrétariat détruit déjà les moins courageux, les dossiers abattent les récalcitrants, alors que les archives finissent les plus acharnés. Il pourrait s'éviter tout ça, tout annoter n'est pas sensiblement plaisant -non, il adore ça, un petit côté perfectionniste/chiant qu'il arbore souvent-, mais que c'est gratifiant de voir le désespoir dans quiconque se perd dans cette parfaire organisation. Évidemment qu'il y a des actes illégaux. Bien sur que plein de choses son cachées. Forcément que l'Ordre ne serait jamais mentionné. Incontestablement qu'elle ne pourra jamais tout éplucher. Si elle persiste, grand bien lui en fasse, elle peut rester toute la nuit si ça l'amuse.

Par contre, faudrait pas titiller le requin comme ça, madame. Déjà, l'originalité, il adore ça, et ces deux petits yeux vairons, c'est juste grrr. Elle venait de vérifier le sol, pour une raison connue seulement de la garde, lui n'avait qu'un regard perplexe sous ses verres, les sourcils froncés. Ce sourire, cette petite mèche de cheveux rebelle replacée délicatement derrière l'oreille. Bon, si elle n'est pas prête à lui lâcher la grappe, peut-être qu'une drague lourde -routine pour lui- suffirait à la faire fuir la queue entre les jambes, sans demander son reste, estampillant l'affaire de Warren d'un sigle rouge ; ''Dangereux psycho, rien à voir, circulez''. A la place, il sourit en émottant un grognement d'approbation.

'' Je suis étrangement d'accord avec vous, mademoiselle. La chasse, la traque, le travail au corps est quelque chose d'incroyable dont quiconque se doit de faire l'expérience, ne serais-pas des moins gratifiants de tout obtenir d'un simple claquement de doigt ? ''

Eh, heureusement qu'il n'a rien contre la garde, et encore plus, que ces derniers n'aient rien sur lui, car il apprécie mine de rien le cheminement de pensée de la brune. Plus d'occasions de l'observer alors qu'elle revint vers lui, à la lumière. Oui, c'est sombre. Je vous voit venir ; non, rien à cacher. Par contre, cela lui laissait un boulevard pour commencer l'opération lourdeur. Que Lucy lui vienne en aide si cela ne fonctionne pas, ou au contraire, fonctionne trop bien. Espérons qu'elle soit zélée et ne se laisse pas embarquer dans ses divagations.

'' Enfin, vous moquez vous de moi ? La lumière émise par votre beauté n'est-elle pas suffisante en soit ? '' Sourire. Il se redressa, dans une posture maintenant plus noble qu'épaulé à l'encadrement. '' Je vais vous chercher ça. ''

Il tourna les talons, se rendit dans son bureau, et attrapa une vieille lampe qui trainait dans un coin, sur une planche de bibliothèque. Censée être une pièce unique, d'art, originale, plutôt lourde pour ce que c'est, blablabla. Le blond apprécie les objets ésotériques, sans pour autant les placer sur un piédestal, une lampe reste une lampe, si elle éclaire, elle sert, point. Aucune idée de ce qu'elle profita pour faire pendant sa courte absence, il se contenta de lui tendre l'objet demandé, de reprendre sa position relaxée, jambes croisées, et l'observer faire son travail. Marrant de se dire qu'on écrit une blinde de chose qu'on pense égoïstement nous être réservées, sans penser que quelqu'un pourrait fouiller là dedans. Pensée générale, hein, il sais très bien le le gouvernement, ici par le biais de leurs soldats, peut intervenir à tout moment.

'' Et du coup, garde royale, c'est une bonne situation, ça ? Vous savez, j'ai largement la place ici pour une femme comme vous. ''

Aucune idée de comment le prendre.

Bien ? Mal ? Ignorer ?

L'évidence était là, sous ses yeux, n'en croyant pas qu'elle soit aussi directe.

Elle le prend pour un con.

Des moments, comme ça, ou telle une boule de lave en fusion, de la taille d'un poing, la colère naît de son estomac pour ramper jusqu'à sa gorge, irradiant au passage tous ses membres supérieurs d'une chaleur à peine supportable. Rares sont les fois ou il arrive à prévoir l'arrivée de ces éruptions, aussi violente qu'elles sont éphémères, et même lorsque cela arrive, ce sont bien évidemment aux moments les moins opportuns, genre, tout seul dans son bureau, sous sa douche ou encore au petit déjeuner. Pour une fois que cela allait lui être salvateur ! Déglutissant comme s'il avait prit une bien trop grosse bouchée de son repas, son regard de planta dans celui de la garde royale à travers ses verres fumés.

'' Oh, vous savez. N'importe quelle entreprise rêverait d'avoir dans ses rangs une sublime demoiselle capable de se représenter elle même ; toutes les roses ont leurs épines, ce qui les rends si dangereuse pour tout curieux s'en approchant de trop près. ''

Prestation théâtrale mise à part, le blond serait-il vraiment prêt à proposer quelque chose à la jeune femme qui se tenait devant lui ? Par Lucy, pas le moins du monde. Embaucher des gardes, anciens gardes si vous préférez, c'est un énorme non. La confiance ne sera jamais là, les tâches les plus borderlines ne pourront jamais leur être confiées, un monde existe toutefois où pour des petites tâches, cela resterait possible. On parle ici de la royale, la plus énervée et fidèle du royaume, la seule chose qui pourrait être pire que ça serait un espion, rien que leur nom révèle la discrétion et manipulation dont ces sbires de la couronne peuvent faire preuve, rendant la vie dure à Warren, jusqu'à le rendre paranoïaque.

'' Dire que d'aussi fidèles servants de la couronnes sont ainsi traités, ça me peine, vraiment. Vous mériteriez tellement plus que ça ! ''

Le pensait-il vraiment ? En soi, oui. Cela reste une honte que dans le privé, pour des missions d'une importance moindre aux yeux des hautes instances d'Aryon, pourtant trésors aux yeux d'investisseurs personnels et autres chefs d'entreprises comme lui. Bien, ce n'est pas qu'elle risque de trouver quoi que ce soit, mais si elle voulait bien partir, ce serait des plus arrangeants. Bientôt, il serait en retard sur le planning très serré qu'il s'était imposé, aussi serré que le budget d'un garde royal à fin du mois visiblement, il les imagine bien terrés dans leurs clapiers, à attendre que le capitaine daigne donner signe de vie pour les envoyer emmerder les honnêtes gens -bon, Warren n'est pas de ceux la, l'idée reste néanmoins la même.

Alors qu'il avait expressément demandé à ne pas être dérangé, rien d'étonnant d'entendre des talons marteler le sol du couloir, le son grandissant signifiant l'approche de cet personne du petit duo qu'ils composaient. Toujours quand on demande quelque chose que l'on obtient l'inverse ; il a déjà essayé, ''Ohlala, que j'aimerais pas que toutes les plus belles femmes d'Aryon débarquent dans mon bureau, bouteilles onéreuses en mains !''. Rien. Ce qu'il a toujours, en revanche, c'est Pam. Elle était la tornade rousse en approche, le dirigeant ayant décalé sa tête de l’entrebâillement pour identifier la source. Documents en mains, elle avait déjà visiblement finit une partie de son travail, et arrivait à leur rencontre. Son pas se fit hésitant, ralentit, il fallut un mouvement de main de son patron pour qu'elle daigne s'approcher plus, se plantant à côté de lui, tout sourire, lui tendant la liasse qu'il prit délicatement.

'' Déjà, Pam ? ''

'' Juste une partie, Monsieur, je m'attelle à l'autre dès que possible, je me suis dit que vous voudriez déjà ranger ceux là. ''

Feuilletant les documents, c'était toute la paperasse d'Althair, du moins, ce qui en ressortait de légal. Aux commissures de ses lèvres naquit un petit sourire discret. Ah, la coquine, qu'elle se révélait intelligente parfois. Occasion idéale de montrer patte blanche, quoi de mieux que des papiers tout juste sortis du four, inaltérés, pour faire croire à sa plus complète candeur et innocence ? Les yeux toujours braqués que les lignes finement écrites, il posa une dextre rassurante sur l'épaule de sa secrétaire, le genre de petit bout de femme insoupçonnable de telles manigances.

'' De l'excellent travail, que tu me fais là. Penses à prendre du temps pour toi, de temps à autres. Tu peux disposer, merci. ''

Rayonnante de cette nouvelle considération de la part de Warren, elle fit volte face pour se diriger toute guillerette vers son bureau, alors que l'homme, après avoir admiré cette silhouette se déhancher dans ses locaux, rejeta ses pupilles sur les différentes livraisons, effectuées et encore à faire, les noms des coursiers, ce qui serait transporté, escorte ou non. Tout était plus qu'en règle. En un vif mouvement de poignet, il tendit le tout à la prétorienne.

'' Tenez, trésor. Personne n'a eut l'occasion d'y toucher, hors Pam, bien évidemment. Un diamant, ce petit bout de femme. Oh, incomparable à vous, je vous rassure. ''

Que c'était délicieux, comme le blond se délectait de la moue qui s'était créée sur le doux visage de la jeune garde royale. Plus un sourire forcé et frusté qu'une moue boudeuse, il s'en contentera cependant, à défaut. Son plaisir coupable était d'accueillir toutes ces personnes, gardes comme curieux du gouvernement, bras grands ouverts, sans que quiconque ne puisse trouver quelque chose à se mettre sous la dent pour le faire tomber de son piédestal. Cela lui arrive, à l'occasion, d'ouvrir ses portes aux clients fidèles -merci à eux- et même aux concurrents triés sur le volet, pour asseoir un peu plus sa suprématie. Pas débile, bien sur, ne mélangeons pas torchons et serviettes, Althair et Lagoon, il ne laisse voir que ce qu'il veut.

Il avait écouté d'une oreille attentive la réplique de mademoiselle Long, et ne s'embêta pas à aller dans son sens ou la contredire, bien qu'il y avait de quoi faire dans le domaine. Elle devait avoir son petit solde, sa chambre attitrée et assurée, son petit ami, sa vie tranquille et sécurisée. Alors que lui, il a justement basculé car il avait commencé de zéro, il avait rien du tout si ce n'est son culot et sa chance. Dans un sens comme un autre, cette déclaration se trouvait aussi vraie que fausse, il faut prendre en compte le caractère et la détermination de chacun, données qui ne peuvent s'exprimer qu'avec des conversations profondes autour d'un bon verre. Sans Sandro et Stentor, il serait peut-être rien. Peut-être pas. Le multivers n'est pas assez developpé pour imaginer toutes les possibilités qu'auraient pu découler du passé de Warren.

Elle avait donc refusé le nouvel arrivage de paperasse, grand bien lui en fasse, leur en fasse à vrai dire, qu'il avait hâte qu'elle tourne les talons pour qu'il puisse reprendre sereinement ses petites activités. Il pouvait la comprendre, ça se voyait, qu'elle avait à cœur de bien faire son travail, les yeux doivent cependant fatiguer à force de se manger des lignes et des lignes ; le cerveau ne plus tourner très rond après tous ces noms et ces chiffres. Le patron accueillit avec un rictus douloureux la remarque sur la propreté de ses locaux. Eh, pour qui se prenait-elle ? D'accord, elle est amer de la tâche que son petit chefaillon lui a confiée, doublement de par l'infructuosité de cette dernière, pas une raison pour lui tomber sur le râble tout étant.

'' Bien entendu, tout ceci est normal, faites, faites ! Sachez que je ne laisse pas n'importe qui accéder à ces archives, l'entretien n'en a pas les clés. Mais je prends note de votre conseil, c'est vrai que ce serait dommage, une crise mortelle. Vous y seriez pas allergique, par hasard ? ''

Ricanement douteux. Oh, c'est bon, on peut bien rire de tout, même de l'infortuné départ de l'aiguille qu'on a dans le pied. Elle le dépassa, faisant mine de partir, se ravisant pour lui demander...La sortie ? Vraiment ? Althair est le genre d'ensemble de bâtiments simples, pleins de couloirs où entrée rime avec sortie. Le ricanement laissa place à son sourire carnassier aux lèvres ; allez, zou, dehors la racaille royale. Il se dirigea vers elle.

'' Ma foi, vous êtes bien passée par une porte pour rentrer, non ? Vous n'êtes pas sans savoir qu'elles se passent dans les deux sens ? Je vous raccompagne, on en parle plus, bien ? Bien. ''

Devant elle, il déposa une main gauche délicate sur l'épaule de la garde, la forçant à se tourner et se diriger vers la porte d'entrée, restant tout de même derrière elle. ''Permettez'', sortit-il en la contournant finalement pour tourner la poignée, dévoilant de nouveau ce grand lobby propre à la compagnie Althair.

'' Vous sortez de là, grandes portes à votre gauche, et hop, dans la rue, il n'y a plus qu'à se dire au revoir ! '' Il attendit qu'elle commence à passer la porte, la refermant progressivement. '' Au plaisir de ne pas vous revoir. ''

Clac.

Fin.

Rideau.

Sur le retour vers son bureau, documents précédemment donnés par sa secrétaire dans les bras, cette dernière s'en tira sans que Warren ne lui pipe mot. Après tout, si elle avait fauté en laissant passer la femme trop curieuse, la petite rousse avait cependant excellé dans son rôle de désamorçage qu'elle s'était pour le coup auto-octroyé. Pas de remontrance, ni de félicitations ne sont donc de rigueur. Finalement installé confortablement dans l'intimité de son bureau, il se pencha enfin sur ces dossiers et ces livraisons toutes neuves à approuver ou reconnaître. Vivement les vacances, eh...