Le frère du culte de Lucy qui s’occupait de garder l’entrée du temple faisait rentrer au compte-goutte les gens venus proposer leurs services pour la fête du Solstice de la saison chaude. Avec son air peu commode, il dissuadait aisément par sa simple présence les malandrins qui auraient eu l’idée de tenter de forcer le passage pour ne pas avoir à attendre en plein soleil que leur tour vienne. Zeny était deuxième dans la file, désormais, et patientait tranquillement en faisant glisser ses doigts tout doucement sur sa mandoline. Il avait avec lui un gros sac qu’il avait rempli d’autres instruments et qu’il avait soigneusement emballés individuellement pour éviter de les abimer. Cela faisait bien 2 heures qu’il patientait avec tous les autres saltimbanques dans la cour du temple, et il s’était décidé à jouer d’un instrument, histoire de s’occuper tout en révisant ce qu’il pourrait proposer comme chansons pour la célébration religieuse.
De base, la religion n’était pas du tout un domaine qui l’intéressait. Lucy, qu’elle existe ou non, ne lui faisait ni chaud ni froid, pour la simple et bonne raison que baser les choses sur la chance – et notamment sa carrière et son succès mondial à venir – ne lui convenait pas du tout. Cela revenait à dire qu’il pouvait ne pas arriver à atteindre son but. Et il était totalement hors de question d’imaginer une telle éventualité. Cependant, les fêtes religieuses, c’était une toute autre histoire : elles étaient l’occasion pour lui de trouver du travail comme popstar – ou barde, pour les communs du peuple – et de se faire bien voir, de gagner en visibilité. Parce qu’après tout, quel artiste n’aime pas être payé en visibilité ? Heureusement pour lui, la visibilité proposée comme récompense de ces festivités était aussi accompagnée d’une bourse de cristaux, histoire d’avoir de quoi acheter quelque chose à se mettre sous la dent – la visibilité, ça n’achète pas grand-chose. Il savait qu’ici, il y avait de grandes chances qu’il soit retenu pour participer à l’événement car il avait déjà eu l’occasion par le passé de travailler pour ce temple. Très exactement pour le nouvel an de l’année en cours.
« Suivant ! »
Alors que Zeny divaguait encore et toujours dans sa musique, le type devant lui entra dans le temple, et il se trouva face au frère imposant qui gardait l’entrée. Les sourcils froncés, le type n’avait pas l’air enchanté de voir un énième musicien pointer le bout de son nez, surtout lorsqu’on prenait en plus en compte son excentricité qui faisait tâche avec la sobriété globalement répandue dans les membres du culte.
L’aventurier lui adressa un large sourire radieux et entama un solo de mandoline relativement calme mais maîtrisé, qui laissait transparaître comme son doigté était plein de dextérité. Les notes virevoltaient, mais le bonhomme fronça de plus en plus les sourcils, tapa ensuite du pied par terre, jusqu’à lâcher « Tu me casses les oreilles, ce n’est pas moi qui vais décider si tu joues pour le solstice ou non, alors arrête !! » Apparemment, il était très heureux de jouer au chien de garde, et de pouvoir écouter à longueur de journées des dizaines d’artistes donner tout ce qu’ils avaient à s’entraîner avant le vrai jury.
Bien évidemment, Zeny ne se fit pas prier et arrêta immédiatement de jouer. Même s’il était aventurier et plus expérimenté au combat que ce type, sans compter son entraînement militaire à quelques arts martiaux bien utiles, il fallait bien reconnaître que cet homme était impressionnant avec sa taille supérieure à celle de Zeny ainsi que ses muscles surdéveloppés pour un frère. Quel genre de religieux avait besoin d’être aussi intimidant, sérieusement ?!
« Suivant ! »
Finalement, le tour de l’excentrique vint.
Il balança son sac sur son épaule, pénétra dans le bâtiment, croisa son prédécesseur qui repartait pantois avec des balles de jonglage dans les mains, et arriva dans le hall principal où se trouvait une table dressée pour l’occasion, simple ersatz d’une table de jury officiel. Tout autour, de grands piliers soutenaient une voute de pierre impressionnante, dans laquelle se mêlait des constructions de bois colorées et décorées finement, ce qui rendait le tout bien moins austère que la pierre nue et rugueuse. Des cristaux lumineux donnaient çà et là à voir des reflets colorés chatoyants qui animaient d’une vie paradoxalement figée les balustrades des couloirs supérieurs du hall. Des vitraux donnaient sur l’extérieur et présentaient différentes scènes destinées à « prouver » l’existence de Lucy : un paysan sans le sou devenu riche après avoir trouvé un coffret rempli d’or dans son champ ; une femme trompée par son mari qui retrouve la joie de l’amour chez un autre homme l’aimant sincèrement ; une enfant orpheline trouvant une famille prête à l’accueillir… Malheur et bonheur se côtoyaient dans ces fresques religieuses exaltantes.
Zeny ne fit pas grand-chose de toutes ces fioritures, et se contenta de poser son sac au sol pour en sortir ses instruments : une mandoline, un oud, un tambourin, un tamtam, une trompette et des maracas. Les jurés, qu'il n'avait même pas pris le temps de saluer ou même de regarder, l’avaient déjà probablement reconnu – on n’oublie pas une apparence pareille si facilement – aussi il ne les fit pas patienter plus longtemps et commença :
« Est-ce que vous êtes chauds les frères de Lucyyyyyy ? Est-ce que vous êtes prêtes les sœurs de Lucyyyyyyy ? Parce qu’aujourd’hui c’est le grand retour de Z, E, N, Y, ZENYYYYYYY ! Après avoir tout donné pour le Nouvel An il est de retour pour mettre l’ambiance au Solstice de la saison chauuuuuuuude ! Attention attention… » dit-il en prenant en main son oud. « Et zzzzzzzzz’est parti !!! »
À ces mots, il commença à jouer furieusement, un solo bien plus endiablé que le précédent. L’acoustique de la bâtisse rendait extrêmement bien et permit à sa musique de paraître plus mélodieuse que prévu, voire quasiment angélique. Puis vint le chant :
« Mes biens chers frères ! Mes bien chères sœurs !
Reprenez avec moi tous en coooooeur !
Paaaas de boogie woogie avant vos prières du soir !
Boogie woogie, pas de boogie woogie…
Ooooh pas de boogie woogie avant vos prières du soir !
Boogie woogie, pas de boogie woogie…
Même si l’amour n’est pas péché mortel,
Ne provoquez pas votre Mère Eternelle !!
Paaaas de boogie woogie avant vos prières du sooooir ! »
Puis il repartit dans un solo dont il avait le secret, faisant danser ses doigts sur les cordes comme s’il était un virtuose du piano. Après quelques secondes supplémentaires de folie musicale, il gratta pour la dernière fois les cordes du oud, pointa son index vers les cieux, et lâcha un « Yeah !! ».
Ce fut à ce moment qu’il remarqua que, derrière la table de jury, ne se tenait qu’une personne, une toute petite nonne aux cheveux roses et verts, qu’il avait déjà croisée lors de sa venue pour la nouvelle année. Ils n’avaient jamais vraiment échangé, mis à part peut-être un bonjour, ou à peine un signe de tête poli pour se saluer, aussi Zeny, bien que surpris de n’avoir qu’une seule spectatrice pour sa démonstration, déposa son oud et s’avança tout en essayant d’improviser une sorte de poème de présentation…
« Eh bien salut à toi, ma sœur,
J’espère que ma prestance ne t’a pas fait peur !
Je t’ai déjà vue, à la nouvelle année,
Mais jamais on ne s’était vraiment parlé !
Je suis la popstar, Zeny Astley,
Et c’est un plaisir pour moi : en-chan-té ! »
Il clôtura sa tirade par une courbette puis se redressa.
« Alors, qu’en dis-tu ? C’était de la bonne musique, non ? C'est ce qu'il vous faut pour le Solstice, non ? »
Nonchalante et surchargée, tu marches donc dans les couloirs de ce lieu religieux sans vraiment te soucier des autres, tu fais quelques hochement de tête par politesse , mais étonnement tu ne croise pas tant de personnes que ça. “Soeur Eulalie ? ! “ Tu fais de gros yeux en entendant ton nom, un bâton de chocolat à moitié enfourné dans ta bouche. Peut-être que si tu ne te retournes pas elle appellera quelqu’un d'autre, dans cette optique machiavélique tu continues d’avancer, sourde aux appelles de ta camarade. “SOEUR EULALIE !” Elle ne lâche pas l’affaire celle-là. Tu penses avoir reconnue la voix de cette Soeur , il s’agit d’Elizabeth, une jeune femme beaucoup trop sérieuse qui s’occupe de chapeauter un peu tout ce qui se passe dans ce temple.
Tu la connais assez pour savoir que quand elle s’intéresse à toi c’est pour te demander quelque chose. “Soeur Eulalie!” Tu sens sa main se poser sur ton épaule pour te stopper, tu n’as pas d’autres choix à présent, avalant un morceau de chocolat tu te retournes un sourire faux peint sur ton visage. “Ho Soeur Elizabeth …. Désolé je ne vous ai pas entendu ! “ Elle te croit sans doute et te pardonne , ce qui sous-entend qu’elle va réellement te demander un service. "Ça ne fait rien, j’ai absolument besoin de vous ! Tout le monde s’affaire à la préparation de la fête du Solstice d’été et on doit choisir des spectacles, ça permettra d’amuser le public.” Les jongleurs n'amusent jamais personnes à moins d’avoir moins de cinq ans. “L’un des jury est malade, allez le remplacer s’il vous plait, merci beaucoup je vous laisse j’ai tellement de choses à faire, ils vous attendent dans la grande salle ! “ Dépitée tu l’observe partir sans pouvoir faire quoi que ce soit, tu viens clairement de tomber dans un piège.
Toujours les bras chargés et désormais le visage blasé, tu te dirige vers la grande salle. Tu sais que si tu fuis les conséquences seront terribles, enfin , elles seront surtout agaçantes et tu n'as pas envie de jouer les pénitentes encore une fois. Alors tu continues de dévorer ton petit goûter tout en suivant les indications d’Elizabeth. Une fois sur place, tu vois une table, avec deux personnes et trois chaises, tu salues tes camarades et t’assoie à ta place sans aucune motivation, seule la nourriture devant toi semble t’apporter un peu de réconfort et ce n’est que le début. Les artistes s'enchaînent, certains doués, pour la plupart sans intérêt, faire du vélo à une roue ou s’auto entarter ne te déride pas vraiment, ils sont tous nuls ou peut-être que tu t'ennuies trop pour y voir un quelconque talent. En tout cas, les heures se sont écoulés et tu as fini tout ton stock de friandises, tu décides donc d’aller en récupérer , faisant signe à tes camarades de continuer sans toi, de toute façon, tu en as marre alors si quelqu’un peut prendre ta place…
Tu reviens les bras à nouveau chargés et surtout avec une bonne nouvelle, tu vas pouvoir laisser ta place de Jury, un soulagement. Malgré ça tu n’ose pas aller prévenir tes camarades car un nouveau candidat à fait son apparition et celui-là , tu le connais. Enfin, c’est un grand mot, tu l’as déjà croisé ici et évidemment, tu t’es amusé à le dessiner à peine quelques minutes après l’avoir rencontré, toutefois tu ignores son nom, tu sais juste que c’est un musicien et il est plutôt douée. Sa musique t’amuse et tu souris en l’écoutant sans bouger de derrière des jurys restant, tu n’as pas envie de briser l’atmosphère du moment. Au moins avec lui, la fête serait bien plus amusante qu’avec un quelconque jongleur ou autre magicien louche , c’est certain. Tu t'apprêtes d’ailleurs à partager ton avis sur le sujet , cependant tu es coupé dans ton élan par une présentation des plus poétiques de la part de cet étrange Zeny. Dialoguer avec les hommes n’est pas ton plus grand pouvoir, mais si en plus il joue les poètes disparus, alors là, c’est un cataclysme.
Tes joues virent donc sans surprise rapidement aux rouges pivoines, les yeux écarquillés, tu sers un peu plus ta montagne de nourriture contre toi comme pour te rassurer . Ton esprit est en feu , ton ciboulot fait des nœuds, ta timidité ravage chaque parcelle de ton petit corps tout mou, résultat, alors que tu cherche le courage de lui répondre, tu te met à repenser aux dessins que tu as fait de lui. Des nus des plus magnifiques mettant en scène le jeune musicien et qui se trouvent actuellement dans ta poche, à quelques centimètres de ton modèle. Tu panique. Tu saigne du nez et mécanisme d’auto-défense , tu attrapes l'un des gâteaux à la crème que tu as dans la main et tu le lance brutalement au visage du pauvre musicien. “Oh non….” Catastrophe naturelle, voilà ton véritable second prénom. “Je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé , j’ai paniqué! “ Comme d’habitude. Tu poses toutes tes marchandises sur une chaise pas loin et tu te plantes devant Zeny en gigotant les mains, cherchant un moyen de le nettoyer . “Fontaine !” Hein ? “ Y’a une fontaine dehors je vais vous nettoyer! “ Tu attrapes un bout de la manche de Zeny innocemment , toujours le visage aussi rouge, dans l’espoir de lui faire comprendre de te suivre vers cette petite fontaine .
Le nuage qui cachait le soleil dans le ciel s'écarta, laissant place à un rayon qui vint caresser de sa chaleur le crâne de Zeny. Une dernière fois, il mouilla ses mains et les passa dans ses cheveux avant de se tourner vers la personne qui se tenait juste à côté de lui : la petite nonne. Elle avait encore un peu de sang sur ses habits, et de la crème au coin de la bouche... Une seconde de réflexion permit à l'aventurier de voir plus clair dans ce qui venait de se dérouler : il l'avait mise en colère avec sa musique qu'elle avait du prendre comme impie et blasphématoire, et, alors qu'il s'était approché d'elle, elle le lui avait fait savoir par un lancé de gâteau à la crème... En revanche, il ne s'expliquait pas le sang.
C'était bien sa veine, venir pour donner le meilleur de lui-même, faire le malin en ignorant les règles de bienséance habituelles, et se faire accueillir par la sœur la plus fermée d'esprit et austère qui soit. Quelle poisse, c'était sûrement raté pour pouvoir donner son spectacle ici... À moins qu'il ne se rachète ? Il devait bien pouvoir montrer à cette femme qu'il n'était pas si frivole et dévergondé qu'il n'y paraissait, et qu'il pouvait rentrer dans le moule le temps de la fête.
« Désolé ma sœur, je n'voulais pas vous offenser avec ma chanson... C'est vrai qu'elle est un peu paillarde, voire blasphématoire, j'en suis sincèrement désolé ! Mais je peux aussi chanter d'autres choses, des chansons vraiment puritaines... Euh, enfin, j'veux dire... Plus... Appropriée ! Ouais, appropriée. Euh, du genre... Ahem. »
Il se racla la gorge, donna un petit coup sur son torse – pour une raison que même lui ignorait, c'était totalement pour le style – et entama un nouveau chant :
« Aux jours à venir, à ceux qui n'sont plus,
Le temps des malchanceux est enfin révolu.
Chasserons tous les monstres, nos terres nous reprendrons,
Par l'amour et la joie nous nous élèverons !
Gloire à Lucy, notre Mère Éternelle,
Couvre-nous, chère Déesse, d'amour sempiternel !
Nous, les enfants d'Aryon, festoyons sans répit,
Jusqu'à ce que not' Lucy nous accueille en sa nuit.
C'est notre Terre, et nous la chérissons,
Ainsi que notre Mère pour laquelle nous chantons ! »
Il regrettait de ne pas avoir eu une lyre ou une mandoline pour accompagner cette chansonnette bien douce que son père lui avait appris lorsqu'il n'était encore qu'un gamin. Un vieux frère qui passait par là et qui s'était arrêté pour prêter l'oreille à la mélodie applaudit doucement, un sourire aimable affiché sur son visage, avant de retourner à ses affaires pressantes de préparation de la fête. Zeny le salua bien qu'il ne fut plus en vue, et se tourna à nouveau vers la petite sœur en prenant bien soin de la vouvoyer à nouveau – les gens austères n'aimaient en général pas qu'on les tutoie. Peut-être était-ce la goutte qui avait fait déborder le vase, plus tôt ? Il fallait la jouer fine, dans ce cas, et ne surtout pas la blesser. Être poli, aimable, et respectueux.
« Dites, ça vous convient mieux comme chanson ? Oh si ça ne va pas, je peux encore en chanter d'autres... Cela dit, vous conviendrez que faire la fête et chanter des trucs miteux comme ça, ça ne va pas ensemble... Vous avez bien vu, c'est le genre de chanson qui donne l'ambiance pour des petits vieux tout maigrichons et poussiéreux comme celui qui a applaudit ! »
Mais quel con.
Blasphématoire ? Des chansons plus puritaines ? Qu’est-ce qu’il raconte celui-là ? Tu ne comprends rien , ton visage laisse d’ailleurs apparaître une légère grimace face à ses propos. Pourquoi il te dit ça à toi ? Et puis blasphématoire dans quel sens ? Tu n’es pas la plus douée des sœurs de Lucy mais pour arriver là, tu t’es quand même embêté à suivre le cursus obligatoire , donc tu connais les tenants et aboutissant de cette religion. Du coup tu ne conçois pas trop où il veut en venir, les membres du Lucy sont loin d’être strictes ou pieux à l'excès, ce n’est vraiment pas le genre de la maison. Cela étant tu comprends que certains puissent avoir cette image là en tête … mais pas qu’on te colle ce genre d’étiquette à TOI ! Et pour cause, ton cerveau est tellement rempli de perversion que même le plus dépravé des hommes pourrait en rougir … Bon j'exagère, car au final tu ne fais que fantasmer sans jamais passer à l’acte, mais quand même, le puritanisme ce n’est clairement pas l’un de tes talents les plus probant.
Tu sembles dérouté par ses propos, silencieuse, mais toujours surprise, tu l'écoutes chanter sa nouvelle petite chanson, qui, pour le coup, est beaucoup moins amusante que la première … La seule personne qui semble l’apprécier c’est Frère Ropert, le plus cul-pincé du coin, à croire qu’il a fait exprès de passer à ce moment-là celui-là. Toi, tu es dépité et encore plus par la suite face à ses propos et c’est là que tu comprends le problème : Il est stupide . Voilà qui explique tout. Zeny avait de toute évidence compris les choses totalement à l’envers et par un prodige que tu n’arrive pas à expliquer il s’était mit en tête que tu étais une espèce de pieuse Soeur, qui criait au scandale à chaque fois qu’elle entendait un mot de travers ou qu’elle voyait un couple se faire la bise. “ Hein ? “ Oui là c’est la seule réponse que tu peux donner , il faut dire que tout ce qu’il a dit jusqu’à présent n’a aucun sens à tes yeux. “ Mais… Vous croyez que je suis une puritaine ou un truc dans le genre ? … “ Il aurait sans doute pu remarquer qu’avec ton décolleté tu étais tout sauf ça.
“Mais… JE SUIS PAS DU TOUT COMME CA ! “ Tu es un peu agacé qu’on t’accuse d'être ce genre de personne coincée et moralisatrice que tu déteste tant et tes joues gonflés comme celles d’un hamster sont une preuve flagrante de ton mécontentement. “J’ai paniqué parce que tu t’es approché de moi trop rapidement comme … comme une grenouille ! “ Une grenouille ? Bon d’accord tu déteste les grenouilles mais pour le commun des mortels cette comparaison peut paraître étrange. “J’ai paniqué mais ça n'a rien à voir avec ta chanson ! “ Maintenant tu le tutoie, parce que s’énerver en vouvoyant c’est pas crédible. “ Je suis pas du tout coincé hein ! D’accord j’ai pas beaucoup d’expérience dans le domaine, même aucune mais quand même !!” Je suis pas sûr que ce soit réellement un argument de poids ça … “ Je suis même le contraire ! TOTALEMENT !” Là tu te rends compte de ce que tu viens de dire , tes joues s’enflamment à nouveau et tu tente de sauver les apparences en prenant une voix beaucoup plus douce. “Enfin non… je veux dire …. je suis normal quoi… J’ai pas un esprit pervers ou quelque chose comme ça … Je suis juste pas… coincée …. “ C’est pas crédible, pas du tout même .
Exactement comme l’instant présent venait de le démontrer.
Chacun d’entre eux put observer sur le visage de l’autre se peindre une émotion : la nonne put constater comme la mine déconfite du musicien s’était décomposée rapidement ; tandis que lui put paniquer à la vue de la colère que les traits de la femme laissaient deviner. Il s’attendait à se prendre une soufflante monumentale, et effectivement elle ne tarda pas à venir : mais pas du tout pour les raisons qu’il avait en tête.
Après une première question posée calmement et qui traduisait son état premier d’incompréhension face aux propos de l’aventurier, la religieuse partit au quart de tour, et enguirlanda le pauvre bougre qui avait eu le toupet de la prendre pour une puritaine. Même si Zeny était loin d’être un homme malin, mais même s’il l’avait été il n’aurait jamais pu prédire qu’elle s’énerverait d’être identifiée comme une janséniste prude… Généralement, c’était même plutôt l’inverse ! Il fut comparé à une grenouille – pourquoi une grenouille – avant qu’elle ne finisse par se calmer, en quelque sorte, en devenant soudain timide. Il semblait qu’elle venait de réaliser ce qu’elle venait de dire, et qu’elle était gênée. Enfin, c’est ce que Zeny aurait compris s’il avait eu deux cristaux de jugeote.
Lui, tout ce qu’il voyait, c’était qu’il s’était trompé et qu’il devait sauver les apparences.
« Ha ! Mais je savais bien, voyons, que t’es pas coincée, » balança-t-il d’une voix forte en posant ses poings fermés sur ses hanches, dans une pose victorieuse. Sa voix avait porté jusqu’aux types qui faisaient la queue et leurs regards furent naturellement encore un peu plus attirés vers la scène. Leur discussion était devenue une scénette de théâtre destinée à divertir ceux qui patientaient depuis des heures. « Je disais ça pour la blague, enfin ! Ne te vexe pas, darling ! »
Bien sûr. « C’est de l’humour », le coup classique. La méthode utilisée pour se sortir d’un faux pas, et certainement la plus efficace de toutes. Il croisa les bras sur son torse et jeta un regard malicieux à la nonne.
« J’ai bien vu que tu t’amusais en m’écoutant jouer, que tu prenais ton pied comme jamais ! Après tout, qui resterait de marbre face à une performance de la première et plus grande popstar d’Aryon ? Ha ! »
Sa bêtise n’avait, de toute évidence, d’égale que sa suffisance lorsqu’il était question de musique.
Mais il avait tout de même quelque chose qui le turlupinait dans tout ce bazar : être seul à faire la musique, c'était bien, ça oui. Il pourrait en tirer tout le crédit et gagner encore plus en réputation sans que qui que ce soit ne vienne lui faire de l'ombre. Cependant, une fête avec un seul instrument de musique pour donner l'ambiance... Ce n'était pas vraiment l'idéal. Il lui fallait au moins des accompagnements, pour pouvoir s'occuper de meubler autour de sa merveilleuse performance à venir. Des percussions, pour commencer, seraient indispensables. Il lui faudrait aussi sûrement une guitare, ou un instrument approchant comme un cistre, une lyre ou même un qinqin. Une flûte, de quelques types que ce soit, ne serait pas de trop. Enfin, si ce n'était pas trop demander, un piano... Mais là, il rêvait sûrement.
« J’en conclus donc que, bien évidemment, ma performance t’a plu ! Mais il y a un petit sujet : il faudrait d’autres gens avec moi pour gérer la musique… Pas besoin d’être très doué, juste savoir un rythme suffirait. De toute façon, JE serais le clou du spectacle, haha ! Enfin, bref. Tu connaitrais des gens comme ça, darling ? »
Tu semble toujours affichée ce petit air renfrognée, les bras croisés en écoutant le blabla du musicien, il est beaucoup trop énergique et là une réalité terrible t’arrive en plein face : Est-ce que tu ressembles à ça quand tu aborde les autres ? Toi aussi tu es super énergique, maladroite et stupide sur les bords, du coup tu es comme lui , agaçant ? Non, impossible, après tout tu es beaucoup plus mignonne, donc forcément ça n’est pas du tout la même chose. Tu chasses cette idée noire de ta tête pour continuer d’écouter les élucubrations de ton interlocuteur , quelque peu perdu , tu ne sais plus trop si tu dois être agacé, surprise, choqué ou juste amusée. “La première et plus grande quoi ? … Enfin oui ta musique était bien , c’est vrai mais n'exagère pas quand même …” Même si c’est vrai, tu as adoré l'écouter jouer sa musique, mais pour le moment c’est la peine de lui dire, il a l’air bien assez suffisant comme ça.
Il finit par te demander si tu connais d’autres musiciens pour jouer avec lui, c’est vrai qu’un spectacle comme ça c’est toujours mieux quand il y a un groupe et pas seulement un soliste … Le souci c’est que tu ne connais personne qui joue d’un instrument ici, personne à part toi. Ton enfance dans une famille plutôt aisée t'a obligé à jouer divers instruments, du piano et de la harpe, mais honnêtement tu n’avais plus touché ses deux objets depuis bien longtemps . En tout cas tu semble t’apaiser quelque peu en lui répondant. “ Personne ne joue d’un instrument ici … Moi je joue bien de la harpe et du piano mais ça fait longtemps que je n'ai pas pratiqué … “ Tu finis à peine ta phrase que Frère Ropert fait son apparition, comme d’habitude il a l’air d’un ennui mortel, vieux, bougon et adepte du jugement rapide . “Soeur Eulalie … Il semble qu’il manque un morceau à votre vêtement … comme d’habitude... “ Il veut quoi lui ? Un coup de tête ? Il fait bien sûr référence à ton décolleté, alors que rien n'oblige les nonnes de Lucy à porter un quelconque uniforme. Tu affiches un visage blasé sans même lui répondre, tu le connais depuis le temps, il fait partie de ses puristes qui prône la sévérité et le puritanisme au sein du culte … Deux choses qui sont loin des préceptes de Lucy. “ Enfin, les sœurs qui s’occupent de la sélection m’envoie vous dire que le jeune homme ici présent a été choisi pour faire partie des différents spectacles pour la fête du solstice … Alors pour une fois montrez-vous utile et occupez vous de lui … “ Tu gonfle tes joues , agacée, mais aussi quelque peu blessée par ses propos, c’est vrai que tu n’es pas la plus douée des nonnes , mais il fait partie des rares à aimer te le rappeler . Tu hoche la tête et le fuit du regard, l’air gênée et bougon en même temps, tu ne sais jamais comment réagir quand on t’attaque, alors bon, à part faire comme les chiens et détourner le regard en espérant qu’il s’en aille, tu ne peut pas faire grand chose …
Toujours était-il qu’il valait mieux avoir des percussions avec le tout. Il pouvait se charger d’attacher des grelots à sa cuisse et de l’agiter pour donner un peu plus de profondeur à la musique, mais ça restait bien superficiel en comparaison d’un tambour ou même juste d’un tambourin…
Alors qu’il divaguait sur ses possibilités et les besoins de son numéro, le vieux poussiéreux revint et se permit une remarque désobligeante sur la tenue de la nonne juste avant d’annoncer que Zeny était retenu pour faire le show le jour du Solstice. Zeny n’hésita pas à ignorer totalement la critique du bonhomme. Ce n’était pas ses affaires, et surtout, il n’avait aucune envie de risquer de froisser une personne qui pouvait potentiellement revenir sur la décision de le choisir pour performer lors de la fête. Là, les choses s’alignaient bien pour lui, même plus que bien. Même s’il trouvait que les propos tenus étaient crus et mesquins : il n’allait certainement pas ficher en l’air sa chance alors qu’ils étaient peut-être vrais.
Il tendit simplement son pouce vers le frère et balança :
« Merci mon vieux, ça fait plaisir ça ! La fête du solstice sera une réussite, parole de Zeny ! D’ailleurs… »
Il aurait vraiment besoin de quelqu’un d’autre pour monter rapidement un petit groupe. Mais, en soi, recruter rapidos dans une taverne une personne qui ferait des percussions, ce n’était pas bien dur. Mettre la main sur quelqu’un qui savait jouer de la harpe comme la petite nonne, en revanche, ça ne serait pas de la tarte.
« J’vais avoir besoin de toi, darling ! »
La seconde qui suivait, la sœur se retrouvait portée sur son épaule, telle un sac à patates. Lui-même ne savait pas bien pourquoi il avait fait ça, mais ce n’était pas de beaucoup différent de son habituelle extravagance. L’aventurier n’eut aucun mal à la soulever, et fut même étonné de constater qu’elle était plus légère que ses gâteaux à la crème pouvaient le laisser penser. Le petit vieux fut pétrifié par une telle attitude, et sa surprise ne s’arrêta pas là.
« Tu verras, mon frère, on va t'enflammer la piste le soir de la fête ! Tu seras bien obligé de reconnaître qu'elle est utile, haha ! Allez ma poule, on a un p’tit vieux à impressionner, toi et moi ! J’te réquisitionne pour jouer dans mon groupe à la fête, en avant ! ALLEZ HUE ! » beugla-t-il en donnant une légère tape sur la croupe de la nonne, comme si elle eut été un cheval. Il partit ensuite au pas de course en direction du bâtiment principal, en chantonnant « Oùùùùùùùù qu’elle eeeeeeeeeest, la saaaaalleuuuuuh de musiqueuuuuuuh ! ». Il ramassa ses instruments et son gros sac au passage, puis entreprit une enquête dans le labyrinthe qu’était le temple.
À plusieurs reprises, il pénétra dans les mauvaises salles, tombant nez à nez avec des gens en pleins préparatifs de la fête, ou en pleine prière, ou en train de préparer à manger dans les cuisines, ou pire : aux latrines… Il s’excusa chaque fois mais sans jamais manquer de redemander « où qu’elle est la salle de musique siouplé », et chaque fois n’attendant qu’une seconde qu’on lui réponde ou non. Aucune des personnes ne lui répondit, trop choqués par le personnage qui venait de débarquer sous leurs yeux pour arriver à ergoter quelque mot que ce soit.
Finalement, après de longues minutes passées à gambader avec une sœur se débattant sur son épaule, ils finirent par trouver une pièce qui semblait être le lieu où s’exerçaient les chœurs religieux. La salle poussiéreuse était pourvue de quelques bancs rangés proprement, d’une petite estrade avec un pupitre et d’un piano qui semblait n’avoir pas servi depuis plusieurs semaines. Les fenêtres donnaient sur la cour intérieure du temple et laissaient apercevoir le point d’eau qui servait de lieu de méditation à beaucoup. Zeny déposa enfin la femme au sol en même temps que son sac.
« Eh bah voilà, darling ! Nous y v’là ! On aura au moins un piano, c’est déjà pas mal. Tu m’en joues un peu, que je vois ce qu’on pourrait faire tous les deux ? Ah et aussi ! T’aurais encore ta harpe, ou va encore falloir qu’on aille farfouiller par-ci par-là pour en trouver une ? »
Durant la balade tu continue de gesticuler, pour la forme, car au fond tu sais que ça ne sert à rien, et tu ne parviens même pas à en placer une, Zeny est comme une espèce d’éclair impossible à rattraper et qui n’écoute vraiment rien . Il enchaîne du coup les salles et les pièces à la recherche du bon endroit, mais ne fait que tomber sur autre chose à chaque fois, t’obligeant à t’excuser voir à cacher tes yeux avec les mains quelques fois . Finalement, à force d'erreurs et de malentendus, vous finissez par tomber sur ce que vous cherchez, une salle de répétition pour les chœurs, un peu poussiéreuse mais bien insonorisé et tranquille . Il finit donc par te poser au sol et sans attendre tu tente de lui donner un coup de poing au niveau du ventre. Sans succès, c’est même toi qui te fais un peu mal . "Non mais c’est quoi ça ! T'as du bois là-dessous ou quoi ???? “ Faut vraiment que les gens arrêtent d’avoir des abdos, tu commences à te dire que tu es la seule personne au monde à avoir un ventre qui fait "squish" quand on appuie dessus.
Bref, tu te tiens la main, évidemment il s’agit en plus de celle que tu as légèrement coupé , et tu écoutes quand même les dires du damoiseau. Alors oui, c’est vrai que comme tu l’a dit, tu joues du piano et de la harpe, mais tu n'as jamais vraiment joué en public. Seulement pour quelques personnes de ta famille et ton précepteur . Tu n’es donc pas trop à l’aise avec cette idée, d’ailleurs, peut-être que tu ne sais plus jouer. “J’ai jamais joué devant personne ! Je peux pas faire un concert comme ça du jour au lendemain ! “ Tu gonfles tes joues, comme tu le fais à chaque fois que tu es agacé et tu enchaines . “ Mais j’ai toujours ma harpe sur moi , c’est juste au cas ou … J’en joue plus que du piano , mais bon voilà … “ Oui, tu as ta harpe sur toi… Dans ton dé. Il faut donc que tu parviennes à sortir le bon chiffre. “ Je peux essayer de la faire venir, mais ça peut prendre du temps… De mémoire elle est dans le chiffre 7 … “ Tout ce que tu dis n’a aucun sens pour le commun des mortels, alors plutôt que se perdre en longue explication de ton pouvoir, tu décides de simplement l’utiliser.
Tu fais donc un mouvement de main qui fait apparaître un dé multicolore assez gros sur le sol, il tourne , il tourne et finalement c’est le 3 qui sort, dès lors , dans un léger jeu de lumière, une jolie dague ornée tombe au sol dans un bruit de métal . “Rooo … “ Tu réitères l’opération et cette fois c’est le 5 qui fait son apparition, au même moment une pile de livres vient s’écraser sur la dague. On peut clairement voir qu’il s’agit de romans à l’eau de roses vu les dessins aperçus sur la couverture de certains et même à l'intérieur du seul qui se soit ouvert en tombant. Tu réagis au quart de tour et enlève ta veste pour la jeter sur la pile de livres, priant pour qu’il n’est rien vu. Tu tousses un peu, les joues rouges et tente encore une fois, comme si de rien n'était, tu veux cette fichu harpe ! Là , miracle ! Le numéro 7 apparaît et ta harpe en fait de même, elle manque d’ailleurs de se vautrer au sol, mais tu parviens à l’arrêter avant , un sourire aux lèvres ! “Ha ha ! Seulement trois coups cette fois ! Ça faisait des semaines que j’essayais de la récupérer ! “ C’est l’inconvénient de ton pouvoir. En tout cas tu es ravi et sans même te soucier de Zeny tu passe ta main sur ton instrument, laissant un doux son s’en échapper, ça te rappelle de bon souvenir . Mais c’est pas le moment, enfin si c’est carrément le moment. “Bon voilà tu as ta harpe, mais franchement, je suis pas sûr qu’on puisse faire quelque chose à deux … “ Y’a plein de choses à faire à deux, mais sûrement pas de la bonne musique.
Cependant, son doute ne dura pas très longtemps, juste de quoi attendre que ledit dé s’arrête. Il émit alors de la lumière, ou plutôt des lumières, plusieurs couleurs qui donnaient à voir un joli spectacle magique, et dont sorti une dague ornée. Ah, bon. Ce n’était pas une harpe. L’espace d’un instant, il avait eu de l’espoir, mais son expression émerveillée s’était instantanément effacée pour laisser place à un visage fermé. La sœur retenta le coup, non sans râler, et cette fois, ce fut un tas de bouquins qui apparut, s’écrasant sur la dague. La déception de l’homme grandissait, mais l’envie de rire de cette pauvre malheureuse venait elle aussi de naître en lui. Il fallait dire, c’était cocasse !
Au troisième lancer, elle sortit enfin sa harpe ! Gloire à Lucy, que sa grandeur soit faite ! Tout n’était pas perdu pour cette pauvrette !
« T’en fais pas pour le groupe, darling ! Y’a tout un tas d’autres gens dehors qui sont bien déçus de pas être choisis pour animer la fête et qui vont noyer leur déception à la taverne ce soir ! J’aurais qu’à y faire un tour et sélectionner quelqu’un capable de jouer de la guitare et quelqu’un capable de nous faire des percu’. Rien d’bien compliqué, darling, rien d’bien compliqué. »
L’appeler Darling une nouvelle fois lui fit réaliser qu’il n’avait même pas eu la politesse de lui demander son nom. Non pas qu’il soit très intéressé par cela – après tout seul son nom de popstar était important, en soi – mais il fallait bien reconnaître que c’était plus pratique pour discuter avec quelqu’un.
« Oh dis-moi d’ailleurs, c’est quoi ton nom ? Moi j’te l’ai déjà dit, c’est Zeny Astley, mais tu t’en souviendras aisément j’en suis sûr, » et il accompagna ses paroles d’un mouvement de main dans sa mèche pour se donner un air sûr de lui – mais surtout pour faire le beau.
Dans le même temps, il s’assit au piano, appuya doucement sur quelques touches, juste histoire de vérifier s’il était encore en état de fonctionner – à son grand bonheur, c’était le cas – et attendit quelques instants avant de reprendre.
« Bon, ce que je peux te proposer… C’est qu’on répartisse tout ça, le show j’entends, en deux parties bien distinctes. Une partie fête fiesta samba lalala, » essaya-t-il d’expliquer avec des mots totalement incompréhensibles pour le commun des mortels, tout en agitant ses index à gauche à droite comme si cela pouvait avoir un quelconque sens. « Danse rumba hiphiphip hourra tout l’tintouin, tu connais… Là-dedans, je fais mon boulot, c’est moi le patron, j’alterne entre basse acoustique, violon, mandoline… Bref je prends la tête du groupe et toi et les autres êtes les accompagnements. Toi, pour cette partie, tu s’ras au piano, parce que la harpe c’est pas super pour juste accompagner, ça risque de trop enfermer la créativité et la beauté de l’instrument… Bref, tu m’accompagnes sur cette partie. Et ensuite ! » Là, il se leva, l’index droit pointé vers la religieuse. « Séquence… émotion. Toi, à la harpe. Moi, au piano. Le public danse doucement, les couples se forment et l’amour est dans l’air. Les autres du groupe dégagent, on s’en cogne des autres pour la séquence émotion, ils seront pas utiles. Là, ta harpe pourra clouer l’bec du vieux pépère de tout à l’heure. Tu feras un solo, je ferais un solo, et ça sera top moumoute, tu vois le délire ? Mais tu s’ras pas sur le devant de la scène pour autant, hein ! » Il secoua son index en signe de négation. « Non non non, ma belle. On sera TOUS LES DEUX au même niveau. C’est un immense honneur que d’être au même niveau que le futur plus grand artiste d’Aryon… Alors j’espère que tu savoureras ta soirée ! Bon, cela dit… Fais-moi voir comme tu joues, donne-moi tout c’que t’as darling ! »
Il avait balancé sa tirade en pré-supposant qu’elle comprendrait tout ce qu’il lui disait. Pour lui, c’était clair comme de l’eau de roche, ça devait donc forcément l’être pour elle aussi… Non ?
Le jeune homme décide alors de pianoter tout en se lançant dans une tirade qui t’arrache un sourire amusé et parfois des yeux effarés. On pourrait croire que tu es abasourdi face aux paroles insensées de ton interlocuteur, toutefois, ce qui te choque le plus c’est que tu parviens à comprendre ce qu’il dit , ce qui sous-entend que tu es un peu comme lui… Et ça, c’est pas un compliment. Il t’explique donc les tenants et aboutissants de cette soirée que tu écoutes avec attention avant de lui rappeler une chose essentielle . “ Oi oi oi ! Je te rappelle que j’ai JAMAIS jouer en public ! Je…. Je sais même pas si j’en suis capable ! Et j’ai pas dit oui en plus !! “ Tu croises les bras, l’air boudeur, tu adores la musique faut pas se le cacher, si tu avais décidé d’apprendre à jouer de plusieurs instruments ce n’était pas pour rien, mais voilà, participer à un spectacle comme ça, c’est pas la même chose que de jouer devant ses parents .
Tu te rapproches quand même de Zeny pour le pousser du piano et le mettre dos à toi. “Je veux bien te montrer comment je joue mais tu reste de dos ! Interdiction de regarder ! “ Oui parce que ça te gêne, ce qui risque clairement d’être un problème une fois sur scène. Tu inspire profondément et t’assoie devant l’instrument, tu laisse échapper quelques notes pour t’échauffer , puis tu joues le morceau que tu aimes le plus , une ballade que tu as écrite il y a longtemps, douce et mélodieuse, tu n’as pas perdu la main. Il faut dire que la musique c’est comme le cheval, on oublie jamais vraiment une fois qu’on a sut faire. Tu te laisse porter par les notes, tu fermes les yeux, un léger sourire sur le visage avant de finalement te rappeler que tu n’es pas seule dans la pièce. Tu te stoppes alors, gêné . “ … Voilà , rien de bien extraordinaire… Et puis, je suis pas faite pour aller sur scène de toute façon ! “ Même s'il faut admettre que tu trouves ça plutôt cool . “ Et puis, tu comptes vraiment trouver d’autres musiciens dans une taverne ??? J’y vais jamais mais je suis pas sûr que c’est là qu’on trouvera … ou alors ils seront complètement ivre … Ce qui ne va clairement pas m’aider à tacler le vieux Ropert …. “ Non, c’est sûr que si tu arrives avec des musiciens bourrés, il va surtout se faire une joie de dire à haute voix que venant de ta part ce n’est pas si surprenant que ça.
Alors que tu fais face à Zeny, tu remarques soudainement une présence lugubre à la fenêtre ce qui te fait sursauter et t’accrocher à un bout de la manche du musicien. A travers la vitre, vous fixant, se trouve un enfant , les yeux ronds, presque effrayant, il ne bouge pas . Serait-ce une apparition ? Le fantôme de la salle de musique qui n’a pas apprécié qu’on touche à son piano ? Non, et tu le comprends rapidement après l’avoir examiné de plus près, il s’agit de Karlie , un enfant qui vient souvent récupérer à manger au temple et qui t’aide parfois dans tes petites enquêtes. “ Qu’est-ce qu’il fait là celui-là …” Tu ouvres la fenêtre en lâchant ses mots . “ Je t’ai déjà dit d'arrêté de faire ça, t’es effrayant Karlie … “ C’est vrai qu’il n’est pas franchement rassurant ce gamin avec ses yeux ronds et sombres, ses cheveux noirs et son sourire inexistant. “ Je le connais lui… Il était là à la dernière fête… Tu l’as dessiné dans ton calepin bizarre ! “ Panique totale, tu attrape l’enfant par la tête et pose ta main sur sa bouche pour qu’il se taise, laissant échapper un rire crispé. “ Hahaha les enfants toujours à faire des blagues ! “ Le gamin se débat mais tu essaie de maintenir ton emprise, malheureusement le bougre te mords la main ce qui t’oblige à le relâcher dans un petit cri de douleur . Il te bouscule et attrape l’un de tes petits blocs à dessins que tu gardes dans ta poche, le brandissant fièrement alors que tu tente de le récupérer , dans un mouvement involontaire il le jette pratiquement au pied de Zeny et s’enfuit sous ton regard médusé. Il fallait bien que ta malchance fasse à nouveau son apparition.
Ce qui se passa dans l’instant d’après prit Zeny de court : un gamin se tenait à la fenêtre et les observait avec des yeux ronds comme des soucoupes. Il parla d’un carnet bizarre, mais ce qui retint l’attention de notre barde, c’était qu’il avait dit le connaître. Ha, enfin ! Sa prestance était reconnue, son faciès repéré… Il ne s’agissait certes que d’un enfant, mais il n’en tirait pas pour autant une fierté amoindrie. Dans sa poitrine, ce sentiment qui fait inconsciemment gonfler le torse grandit à tel point qu’il ne fit même pas attention à ce qui se passait pourtant sous ses yeux : le garnement mordit la main de la sœur, et lui subtilisa dans une de ses poches un livret qu’il fit tomber ouvert aux pieds de Zeny avant de fuir.
Lorsqu’il sortit de ses divagations mentales sur sa gloire à venir et la suffisance que lui inspirait le fait d’être reconnu, l’aventurier aux cheveux bleus remarqua que sa future partenaire de musique semblait consternée par quelque chose qu’elle regardait fixement. Suivant son regard, l’homme nota enfin la présence du dit carnet de dessins. Sur la double page qu’il voyait, il y avait un type, la tête rejetée en arrière, semblait assis dans un bain et se relaxait ; ainsi qu’un autre, celui-ci sortant du bain et avec les fesses à l’air. Ce détail fit hausser un sourcil à Zeny, qui s’accroupit, prit le carnet dans ses mains et le feuilleta brièvement : tous les dessins qu’il put trouver étaient ceux d’hommes qui étaient dans leur bain… Cette courbe pour ces fesses, les muscles saillants de ce dos, cette cuisse si détaillée, ces biceps puissants ou parfois sveltes, ces torses à nus… Le musicien ne releva même pas les yeux vers la sœur et lui lâcha :
« Eh ben, j’aurais pas cru ça de toi, darling… »
Involontairement, il laissa sa phrase en suspens. Involontairement oui, car toute personne normalement constituée et pourvue des capacités intellectuelles nécessaires à pouvoir être qualifiée d’être humain aurait immédiatement précisé sa pensée et pourquoi elle n’aurait pas cru ça d’Eulalie. Mais Zeny était bête, aussi il ne réalisa pas que ce qu’il disait pouvait porter à confusion et que sa pensée n’était pas réellement reflétée dans ses paroles. Il n’avait aucune idée du mal qu’il risquait de causer et ce fut donc totalement involontairement qu’il laissa ce suspens… Avant de reprendre, de manière tout aussi détachée que précédemment :
« Tu dessines fichtrement bien les mecs, dis donc. J’aurais vraiment pas cru qu’en plus d’être une bonne harpiste, tu sois une bonne dessinatrice. Et sacrément douée en plus, » fit-il tout en observant attentivement la qualité du trait de sa comparse. Il n’y avait pas besoin de s’y connaître pour voir la maîtrise de son coup de fusain et le talent qu’elle avait su mettre dans la retranscription de ces corps masculins. « Une artiste, une vraie de vraie ! T’en caches des talents, dis donc ! Et pourtant le vieux qui dit que t’es bonne à rien ? Il est complètement toqué, le bougre… »
Il continua à farfouiller dans le carnet tout en disant cela, mais finit par relever la tête, les yeux plissés comme s’il cherchait quelque chose.
« Le gamin a dit que j’suis dans ton carnet… Montre ! Fais-moi donc voir comme j’suis beau ! »
Et il s’approcha d’Eulalie d’un petit bond en lui tendant le carnet, tout sourire, comme un gamin qui découvre son cadeau d’anniversaire. À ceci près que ce gamin-là dit :
« T'as intérêt à avoir rendu fidèlement comme mon fessier est rebondi... »
Ce n’est pas le moment de t’apitoyer, Zeny a ouvert la bouche et comme tu t’en doutais il te juge de la pire des manières qui soit . Honteuse, tu baisse la tête et tu cherche quelque chose à lui répondre, il faut absolument que tu sauve les apparences. “ Non mais c’est pas à m… Hein ? “ Surprise, tu lève la tête. Si sa première phrase porte à confusion, le reste de son discours est totalement inattendu. Est-il vraiment en train de complimenter tes dessins ? Est-ce qu’il est sérieux? Se moque-t-il de toi ouvertement et de façon sournoise? Tu continues de l’écouter et te rends compte que non, il croit réellement à ce qu’il est en train de te dire le bougre. Il complimente ton travail et tu ne sais pas où te mettre, tes joues sont rouges feu et tes yeux ronds comme des billes. Tu n’as jamais été autant gêné de ta vie. Sans parler qu’en plus il veut voir le dessin que tu as fait de lui , est-ce un rêve ? La surprise passé tu affiches donc un large sourire, les yeux pétillants , sautillant presque sur place . “ C’est vrai ?? Tu trouves mes dessins réussis ??? Merciiiii ! “ Tu attrapes ton calepin et en sort un autre de tes larges poches , ils sont plutôt petits et discrets mais suffisant pour tes dessins de voyages.
Tu commences à feuilleter le bloc que tu viens de sortir avant de trouver celui qui t’intéresse : Le dessin de Zeny . Tu l’a dessiné sur deux pages, une dans une source chaude, se prélassant tranquillement, une serviette sur la tête et la seconde de dos, sortant de ladite source , le popotin à l’air . Il faut admettre que tu l’a bien réussi son derrière, ton esquisse dévoile sa fermeté et son rebondit avec magnificence , tout du moins à tes yeux. Tu tends l’objet à ton camarade afin qu’il puisse lui aussi admirer ton travail . “Voilà ! J’ai mis du temps à te dessiner , mais je suis plutôt contente du résultat final ! “ Tu es à la fois surexcitée et embarrassée. C’est la première fois que tu montre aussi naturellement tes dessins à quelqu’un, il faut dire que tu ne rencontre pas souvent des gens passionné d’art et surtout qui ne te prenne pas pour une folle perverse en voyant tes oeuvres. Galvanisé par la situation, une idée te vient rapidement à l'esprit. Tu commences à sautiller sur place comme une enfant en tenant les mains de Zeny . “ Hey j'ai une idée ! Je pourrais dessiner ton spectacle ! Habillé évidemment ! Et puis t’en fera des affiches que tu pourras donner aux gens pour te faire connaître !!!! “ Oui, elle est excitée comme une puce , il ne fait vraiment pas bon de mettre deux tarés dans la même pièce.
- Son DiceBag du moment:
1 - Rien
2 - Bonbons et beignets frits
3 - Rien
4 - Rien
5 - Rien
6 - Rien
7 - Rien
8 - Une robe à fleurs
9 - Rien
10 - Plusieurs bouteilles de vins
La jeune femme lui tend alors ledit calepin avec les fameux dessins, au nombre de deux, répartis sur une double page. Le trait était similaire aux précédents, mais on sentait malgré une légère différence… Un peu moins de maîtrise, peut-être ? Ce carnet-là devait être plus vieux que celui que Zeny avait déjà feuilleté, et sa technique avait donc dû évoluer entre les deux. Logique, dans ce cas, que le trait ne soit pas exactement pareil. Cependant quelque chose frappa l’aventurier aux cheveux bleus de plein fouet. Un « détail » qu’il ne manqua pas de relever et qui le calma dans son excitation. Au contraire, ce fut de l’agacement qui commença à monter en lui, jusqu’à muer en colère.
Il n’entendait rien de ce qu’elle disait. Vaguement, son subconscient perçut qu’elle parlait de faire une affiche pour lui, pour son concert, certainement pour l’aider sur son chemin de popstar… Mais sa conscience, elle, était focalisée sur une seule chose : ce fessier. Cette courbe, ce rebondi, cette cambrure et… Et… Bordel !
« Non mais tu t’fous d’moi, là, ou quoi, ma poule ?! » beugla soudainement le musicien, le visage distordu par cette explosion colérique, et agitant le carnet sous le nez de la nonne. « C’est quoi, ça ?! C’est mon cul, ça ?! Depuis quand il est aussi bien que ça, mon cul, hein ?! Non mais vraiment, c’est quoi ce truc, on dirait une coupole parfaite !! C’EST UNE COUPOLE, MON CUL ?! »
Tout aussi brusquement, il bondit sur ses pieds, se tourna et baissa son pantalon, révélant à Eulalie son postérieur qui, bien que de plutôt belle apparence, était très loin de la fameuse « coupole » que lui avait dessiné la jeune femme.
« LÀ !! TU VOIS ?! C’est ça, mon cul !! Pas ta sphère parfaite, non mais oh !! »
Debout, dos à elle, les fesses à l’air, il fulminait toujours autant, lorsque la porte de la pièce s’ouvrit, révélant le vieux poussiéreux qu’ils avaient croisé plus tôt. Celui-ci avait été attiré par le boucan qu’avait produit l’artiste, qui avait résonné si fort dans le vieux temple que les gens au-dehors eux-mêmes l'avaient probablement entendu, et avait accouru aussi vite que le lui permettait son corps aux articulations rouillées et aux muscles flétris par le temps. Médusé, il n’eut pour autant pas l’occasion de faire le moindre commentaire que Zeny lui cria dessus aussi :
« OH TOI LE VIEUX TU NOUS LAISSE !! Ta bonne sœur elle va me dessiner le derrière comme il faut, fidèlement !! Et lors de la fête, on t’en mettra plein la vue avec le spectacle !! VOILA !! MAINTENANT DEHORS !! »
Le bonhomme fut tellement choqué qu’il s’exécuta, comme automatisé. Il n’avait aucune idée de quoi dire ou faire face à une situation pareille, aussi jugea-t-il que la meilleure option était tout simplement de passer sa route. Malgré tout, une petite voix dans sa tête lui murmurait, inlassablement : mais qu’est-ce qui leur avait pris d’engager ce bougre-là ?
Dans la pièce, une fois à nouveau seuls, Zeny, toujours de dos, tortilla son cou autant que faire se peut pour essayer de regarder Eulalie par-dessus son épaule, lui jetant alors un regard noir.
« Allez hop !! TU DESSINES !! Tu vas rendre honneur à mon cul, le vrai, ou parole de popstar que je te le colle dans le nez jusqu’à ce que tu en meures !! »
Il est fou, indéniablement fou. Sans crier gare il décide de baisser son pantalon pour te montrer de plus près ses fesses , toi évidemment tu laisses échapper un cri de surprise , ton visage devient aussi rouge qu’une pivoine et tu poses tes mains devant tes yeux. Tu laisses tout de même un interstice entre tes doigts afin de continuer à regarder, une lichette de sang coulant de ton nez. Ben quoi ? Pour une fois que la réalité rejoint ta fiction, inconsciemment tu ne peux pas laisser passer une occasion pareille . “ M-M-Mais …” Tu n’arrives même pas à faire une phrase complète, totalement déboussolée par l’attitude de ton camarade, il faut dire que tu t’attendais à beaucoup de choses, mais clairement pas à ça. Qui de saint d’esprit irait se foutre à moitié à poil tout ça dans un temple religieux ? Personne, à part peut-être toi, car soyons honnêtes tu n’es pas la plus pudique même si tu n’aime pas tes cuisses qui font “boing” mais clairement personne d’autres. Il faut avoir un sacré pet au casque pour ne serait-ce qu’imaginer cette scène sans la moindre retenue , ce qui prouve bien que ce cher Zeny est aussi cinglé que toi, voir plus .
Et puis évidemment, parce que tu n’es pas chanceuse de nature, il faut qu’une autre catastrophe se présente dans cette situation déjà chaotique. Le vieux frère qui ne cesse de se montrer cruel avec toi décide de faire lui aussi son apparition, maintenant, à ce moment précis, alors que le musicien a les fesses à l’air et que tu tente maladroitement de cacher tes yeux. Tu laisse échapper un nouveau cris de surprise en l’observant entrer dans la pièce, mais le pire c’est que Zeny ne se démonte pas et le met littéralement à la porte en lui hurlant dessus, ce qui fonctionne plutôt bien, il semble tellement abasourdi par son attitude que le sexagénaire ne demande pas son reste et fuit sans plus de cérémonie. C’est déjà une bonne chose de faite, même si tu te doute qu'à un moment tu vas devoir répondre de ce qui se passe ici , à moins de quitter ce temple au plus vite, ça c’est une bonne idée. Enfin pour l’instant impossible de fuir , il faut absolument calmer les ardeurs du guitariste . “Oi oi oi ! T-tu te calme ! “ Tu baisse ta main mais tes yeux sont toujours à moitié fermés . “J-je vais le faire ! Mais je vais devoir mettre mes lunettes ! Alors … t-tu te moques pas ! “ Tu déteste mettre tes lunettes, tu trouves que ça ne te vas pas du tout, ce qui explique en partie la plupart de tes maladresses, vu que sans tu es myope comme une taupe. Mais là, tu n’as pas le choix, tu ne vas pas coller ton visage au derrière de ton camarade et il est évident qu’il ne se calmera pas tant que tu n’aura pas modifier ton œuvre.
Tu attrapes une petite boîte dans ta poche et en sors tes lunettes, une paire toute ronde et toute mignonne , tu la poses sur ton nez , d’un air presque dramatique puis tu ouvres les yeux et observe la pièce . “Woa … j’avais jamais remarqué ces moulures au plafond … “ Tu redécouvre le monde, même si ce n’est pas le moment. Tu poses finalement tes yeux sur ton modèle du jour, toujours les joues rosies, mais tu n'as pas vraiment le choix et puis oui, bon, d’accord, tu en profite un peu. Tu ouvres le calepin et te met à dessiner ce cher Zeny avec une attention qu’il est difficile d’imaginer quand on parle de toi, de la fille toujours surexcitée et maladroite, te voilà artiste attentive à son œuvre maintenant. Après cinq minutes, tu tends ton calepin à ton camarade, détournant le regard. “ Voilà ! Rhabille toi maintenant ! “ Tu n’a fait qu’un croquis , mais son fessier est désormais à son image , imparfaitement parfait.
- Son DiceBag du moment:
1 - Rien
2 - Bonbons et beignets frits
3 - Rien
4 - Rien
5 - Rien
6 - Rien
7 - Rien
8 - Une robe à fleurs
9 - Rien
10 - Plusieurs bouteilles de vins
Le dessin fini, elle lui tendit le carnet pour le lui montrer. Il l’inspecta minutieusement mais avec moins d’ardeur dans le regard. Il n’était pas bien sûr qu’elle ait fait une représentation exacte, étant donné qu’il n’avait eu le nez face à ses fesses, mais le tout semblait déjà plus… Humain. Plus proche d’une réalité concrète et dépourvue de fantasmes. Satisfait, Zeny hocha la tête et lui rendit le carnet.
« Fort bien, ma poule ! Là c’est du bon boulot, tu vois, » dit-il tout en se rhabillant. Lorsqu’il eut fini, il passa une main dans ses cheveux et la regarda du coin de l’œil : « La prochaine fois, baby, je ferais attention à ne pas te crier dessus. C’était vraiment de trop, malgré ton crime impardonnable. »
Voilà ce qu’il appelait présenter des excuses. Rien de réel, aucun remord, pas vraiment de remise en question, et rien qu’une pure tentative de sauver la face pour ne pas paraître un grossier personnage. L’efficacité de ce genre d’excuses restait évidemment à prouver, mais au moins sa conscience se sentait mieux. Pour Zeny, tout allait pour le mieux !
Sans plus tarder, il farfouilla dans son sac et en tira plusieurs feuilles de partitions, qu’il déchiffrait rapidement et remettait dans le sac en émettant des grognements désapprobateurs plus ou moins selon si le morceau lui semblait trop complexe, pas assez bien ou les deux. Finalement, son choix se porta sur une partition plus légèrement fournie que les autres, et il la brandit sous le nez d’Eulalie l’air triomphant :
« Là, prends ça ma poule, et entraine-toi ! A la harpe ou au piano, comme tu le sens, ça devrait le faire dans les deux cas. C’est une chanson qui s’appelle Lentement – ou Despacito, si tu sais parler les vieux patois du Village Perché. Pas trop trop difficile, festive, bonne enfant… Que du bonheur ! Pendant ce temps moi je vais nous dégoter d’autres musiciens pour le spectacle. Je connais deux-trois coins plutôt sympas où y’a du beau monde qui se produit… D’ici demain, j’reviendrais ici avec des compagnons prêts à faire bouger des popotins !! Allez salut bichette ! »
L’aventurier ne laissa absolument pas le temps de répliquer à la religieuse : il tourna les talons, balança son sac sur son épaule, passa la porte et la ferma en à peine plus de temps qu’il ne fallait pour dire « Carabistouille ». Il n’avait pas le temps pour tergiverser, il avait un grand spectacle à préparer, nom de Lucy !
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Le lendemain matin, deux bonnes heures après l’aurore, les habitants du temple purent assister à une procession des plus surprenantes pour leur quotidien : Zeny, toujours vêtu de sa seule cape rouge et d’un pantalon, était revenu accompagné de trois personnes. La première personne était un homme chauve tellement grand qu’il posait presque un genou à terre en passant les portes : il tenait dans ses mains une guitare qui avait des airs de jouet tant il était impressionnant. La deuxième personne se trouvait être une femme aux cheveux noirs et courts, et qui avait la particularité d’être hybridée, certainement avec un insecte quelconque, car elle possédait 3 paires de bras musclés. Elle transportait des sacs qui, à en juger par les bruits distinctifs qui en venaient, devaient contenir toutes sortes d’instruments de percussions. Enfin, la troisième et dernière personne était un vieillard légèrement arqué et bedonnant, et qui était accompagné de pas moins de 4 répliques exactes de sa tête. Ces répliques flottaient juste derrière lui et saluaient chaque personne croisée, avec la particularité de chacune parler avec une tonalité différente des autres.
La petite troupe disparate monta tranquillement les marches et traversa les couloirs malgré les regards stupéfaits de celles et ceux qu’ils croisaient, jusqu’à atteindre la porte de la salle où Zeny avait laissé Eulalie la veille. Se tournant vers ses camarades, le musicien prit la parole :
« Roh, eh, Mariuuuus, merde à la fin… Range moi tes têtes, tu vas nous faire flipper tout le monde, » Le vieillard pouffa doucement de rire, claqua des doigts et les têtes volantes disparurent dans avec un petit POUF sonore. « Merci ! Bon, sur ce… Derrière cette porte, on va s’entrainer au spectacle. J’vous préviens, aussi bizaroïdes que vous soyez, la star ce sera moi. Et p’tet un peu la p’tiote qui va nous accompagner au piano et à la harpe. Mais moi en premier. On y va ? »
Sans un instant d’hésitation, il saisit la poignée de la porte et l’ouvrit en grand en beuglant « C’EST MOOOOOI ! » sans même vérifier si Eulalie était à l’intérieur ou non. Au moins il savait se faire remarquer…