- La crapule sans scrupule déplume -

Jour d’emplettes au Marché du Village Perché. Evelyn avait insulté le vendeur de fruits et légumes pour la piètre qualité de ses aliments. Elle avait rembarré le vendeur de foulards en lui répondant qu’il vendait des chiffons. Avait fait de même avec le vendeur de chapeaux en lui disant qu’il vendait des horreurs. Elle avait repoussé la commerçante de bijoux en lui disant de ne pas se mêler de sa vie privée. …Une joyeuse journée, oui. Quelqu’un s’était peut-être levé du mauvais pied. Quelqu’un aurait peut-être dû rester coucher.

Mais non, Evelyn se tenait désormais devant un homme qui proposait des œufs de familier. Juste par curiosité. Pour passer le temps. Pour peut-être trouver une monture digne de ce nom. L’homme ne proposait absolument rien d’intéressant, en plus de ne pas avoir l’air de savoir ce qu’il vendait. Qui avait eut l'idée d'employé un gars aussi peu compétent à ce poste? Evelyn se fit un plaisir de lui communiquer cette information cruciale, avec un gentil : – Juste pour votre information... Vous devriez réorienter votre carrière, changer de boutique? Tenez, vous devriez aller épauler le gars des légumes, il a cruellement besoin d’aide.

Ayant partagé tout l’amour qu’elle portait dans son cœur, Evelyn dirigea ensuite ses pas ailleurs. Elle s’arrêta face à une commerçante qui proposait des fleurs. Ô combien elles étaient jolies! Ce fut un soulagement pour Evelyn qui ne trouvait rien à son goût aujourd’hui. Elle choisit un assortiment de fleur orange et blanche. Un homme la bouscula et elle se contenta de lui jeter un regard noir qu’il ne remarqua même pas. Elle reporta son attention sur la commerçante, glissa la main jusqu’à sa bourse en cuir pour payer et toucha le vide.

– Qu’est-ce…! Elle ne termina pas sa phrase, tourna aussitôt son regard pour repérer l’homme qui l’avait percuté un instant plus tôt, et qui s’éloignait comme si rien n’était. Ce sale criminel. Ce petit coupe-bourse! Il allait passer un sale quart-d'heure.

Elle rattrapa l’homme à l’écart de la foule et le plaqua contre une clôture de bois, le tenant par le col de son gilet. – Tu vas m’redonner mes cristaux toi !, lui dit-elle peu avenante. La surprise et l’incompréhension peignaient les traits de l’homme, qui la repoussa et lui jeta un : - Oh! T’veux mes cristaux? Viens les chercher! Ce gars voulait jouer l’innocent? Cette petite crapule n’allait pas s’en sortir comme ça. Evelyn était prête à se battre. Cette scène allait rapidement escalader.

- La crapule sans scrupule déplume -

- Toi tu dégages, on t’as rien demandé, répliqua aussitôt Evelyn sans poser le regard sur l’intrus, d’un ton tranchant. C’était quoi, ses gens qui se mêlaient de ce qui ne les regardait pas? On ne pouvait pas régler ses soucis seul? On ne pouvait pas se faire soi-même justice?

Le petit voleur qu’elle avait plaqué violemment tourna la tête pour regarder le nouveau venu et lui dit : - Monsieur l’garde! Aidez-moi! Que-quoi? Evelyn tourna la tête vers l’intrus, remarqua l’écusson qu’il portait et la main posé sur la garde d’une arme. On pouvait se plaindre qu’il n’y avait jamais de garde quand on en avait besoin… là Evelyn n’avait besoin d’aucun garde pour l’aider mais il y en avait un. Evelyn avait-elle bien entendu?  Le voleur avait-il réclamé son aide? Ce dernier continua : - Cette cinglée m’a attaqué, faites quelque chose!

Oh. Il était sournois, cet homme. Sale petit voleur sournois. Petite langue de vipère. – Ne l’écoutez pas, cet homme m’a volé mes cristaux, dit Evelyn à l’intention du garde, en guise de défense. Bah oui, Evelyn ne s’amusait pas à plaquer les gens pour le plaisir, sans raison valable. Elle n’était pas une femme violente. Et veuillez noter ici qu’Evelyn avait opté pour le vouvoiement. – J’ai jamais volé personne!, répliqua l’homme, clamant ainsi son innocence, gaspillant sa salive. Un menteur; bien sûr qu’il n’allait pas se déclarer coupable devant un garde. Si Evelyn devait fouiller l’homme pour prouver le contraire, elle le ferait. – C’drôle ça. J’avais ma bourse. Tu m’as percuté. J’avais plus ma bourse. Faites le calcul, un plus un égal deux, il lui avait volé ses cristaux. – J’t’ai percuté parc’que ton gros derrière prenait toute la place! Evelyn serra les poings, seul signe visible de sa contrariété. Elle ne savait pas ce qui l’empêchait de lui mettre une droite. …Ah oui, c’était la présence du garde. Elle ne voulait pas se faire arrêter pour… agression? …trouble de l’ordre public?

Elle tourna la tête vers le garde, tendue comme la corde d’un arc et, le plus calmement du monde lui dit : - Bon, vous procédez à une fouille ou c’est moi qui s’en occupe? On va pas y passer la journée.