Pour une fois tout se passait bien avec Devon, c’était donc une bonne occasion pour se détendre et profiter des nombreux alcools de sa taverne. Pour une fois il n’y avait pas une blondinette chantante pour envoûter les gars aux alentours, ni une vieille bique pour transformer l’un de vous en moustique. Bref, c’était une bonne journée jusqu’à l’arrivée de la fameuse lettre. Sans vraiment savoir pourquoi un frisson t’avait parcouru comme si tu sentais la douille arriver. Pour autant, tu ne pris pas la fuite et tu suivis ton ami jusqu’à la boutique de l’enchanteur. Celui-ci t’avait aidé, et même si tu ne pensais pas avoir la moindre dette envers lui –tu lui avais donné quelques cristaux après tout- tu étais curieux. Peut-être que cela te ferait un petit boulot ? Puis, il était bon de se faire des relations et s’entendre avec un alchimiste compétent n’était jamais inutile.  



C’est ainsi que tu te retrouvas à nouveau chez le vieil homme qui semblait assez mal en point. Franchement, ce n’est pas beau la vieillesse. Il se rapproche du tavernier et explique finalement pourquoi il l’avait fait venir : le remplacer à une réunion d’alchimiste pour présenter ses créations. Tu restes silencieux, tu tournes même la tête sur le côté pour éviter de regarder les deux compères. S’ils ne croisent pas ton regard, peut être que tu y échapperas... n’est-ce pas ? Enfin, le destin semble à nouveau contre toi ou plutôt vous, puisqu’encore une fois Devon était impliqué. A croire que Lucy s’amusait à vos dépends. En effet, dans sa grande générosité ton ami a accepté de se prêter au jeu. Déjà, ça, ça partait mal, mais voilà qu’il s’était transformé en une ravissante demoiselle au lieu de revêtir l’apparence de l’alchimiste ! C'était quoi encore cette histoire ? Et en plus il devait attendre une journée entière avant de pouvoir retrouver son apparence d'origine ? Et comment avait-il pu se tromper entre deux potions ? Lenchanteur devenait-il sénile ?  



Et celui-ci après la surprise passée, avait posé un regard plein d’espoir sur toi, te faisant reculer d’un pas. Non. Non, tu ne voulais pas. Vraiment. Mais il n’était pas le seul à te regarder. Il y avait aussi Devon et... et tu étais faible visiblement. “D’accord, mais si cette réunion n’est pas un succès j’espère que tu ne nous en tiendras pas rigueur.” Lâchas-tu en poussant un gros soupir. Tu n’étais pas alchimiste, et tu cuisinais à peine, juste des trucs basiques pour survivre durant tes voyages. Tu attrapes le breuvage que le vieux fou te tend, il n’a pas l’air fameux et tu regrettes déjà la bière de l’aventurier téméraire. “T’es sûr que c’est la bonne potion ?” Il manquerait plus que tu deviennes toi aussi une femme. L'alchimiste t’assure rapidement que non et te pousses à consommer rapidement la décoction. Ce que tu finis par faire après un dernier regard suspicieux. “Parfait, j’ai l’impression de me regarder dans le miroir !” S’exclama-t-il avec satisfaction, te poussant à rouvrir les yeux... Et en effet, tu lui ressembles comme deux gouttes d’eau. ”Et bien, il est temps pour vous d’y aller, je n’aimerai pas que vous soyez en retard ! Il ne faudrait pas laisser une mauvaise impression à Ulbas Dumbledure ! “[/color] Et sur ces bonnes paroles, il vous pousse vers la sortie avec tant de facilité que pendant une fraction de seconde tu en viens à douter qu’il soit vraiment malade.  





***





Vous étiez arrivé au village perché, où il y avait foule. Ce n’était pas les badauds habituels, mais une véritable foule de petits vieux qui s’agitaient un peu partout et plus particulièrement devant une grande estrade. “Il y a de l’animation.” Commentes-tu plus pour toi-même qu’autre chose en observant tous ces gens qui s’arrêtaient à des stands pour acheter des ingrédients, ustensiles ou juste pour discuter des dernières nouvelles. Bref, c’était un joyeux tumulte. Entraînant Devon avec toi, tu te rapprochas de la fameuse estrade, plusieurs chaises étaient disposées en face de celle-ci pour permettre à de nombreux spectateurs de s’asseoir. Il y avait aussi une autre installation qui semblait prête à accueillir un jury.  



Déjà, nombre de personne commençait à s’y installer dans un grand brouhaha qui fut interrompu par une voix puissante : “Un peu de silence !” C’était un vieil homme, bien plus vieux que Lenshanteur. Sa peau était totalement fripée, sa chevelure et sa barbe blanches paraissaient presque argenté avec les rayons de soleil. Pourtant, il se tenait droit et digne face à l’assemblée qui se pressait devant lui. ”Nous allons pouvoir commencer la grande réunion annuelle des vieux alchimistes senior de plus de 60 ans, plusieurs de nos éminents collègues vont avoir l’honneur de nous présenter quelques-unes de leurs créations. Celui qui aura créé la meilleure recette se verra gagner le titre du meilleur alchimiste senior de l’année et un trophée ! Et le premier concurrent est … ” Il s’arrêta quelques instants, son regard perçant venant analyser la foule. ”Henry Potdefleur !” Et il s’écarta en applaudissant, alors qu’un autre vieux croulant venait le rejoindre sur le devant de la scène, le dos courbé par les années.  



Tu te tournas vers “Devon” en poussant un petit soupir : “Je me sens vieillir rien qu’à les regarder.” Pourquoi tu avais accepté d’aider déjà ? Tu n’avais qu’une hâte repartir à la Capitale. “Bon allons trouver un coin tranquille le temps qu’on soit appelé.” Tu n’avais aucune envie de discuter avec les amis de Lenshanteur –surtout que tu ne saurais pas trop l’imiter- mais avant que tu ne puisses faire le moindre pas, tu sentis une main se poser sur ton épaule : ”Mais qui est cette délicieuse demoiselle qui t’accompagne Merle ?” Demanda une voix masculine.  

Plus que l’homme qui vient de t’aborder, c’est la voix “féminine” de Devon qui attire ton attention. Ton regard se pose sur la demoiselle à tes côtés et qui a pris les devants pour répondre. Tu te retiens de hausser un sourcil à sa façon de parler, tu t’y attendais de toutes façons. Tu finis par regarder votre nouvel interlocuteur en ignorant les exclamations qui se font entendre autours de vous suite à la démonstration de ce fameux Henry Potdefleur. Malheureusement, tu n’as pas suivi et ne savait donc ce qu’il avait présenté comme création à ses spectateurs et au jury.



”Roland Dégou, je suis un vieil ami de votre maître.” L’homme en face de vous afficha un sourire qui aurait pu paraître sympathique, mais son regard rusé ne vous montrait que peu d’affection... A vrai dire il semblait plis intéressé qu’autre chose et peut être même un poil vicieux. ”J’ai vu que vous participiez cette fois-ci... Et j’aurai aimé savoir ce que vous alliez présenter.” Et sur ces bonnes paroles, il lâcha un petit rire que tu trouvais un poil machiavélique sur les bords. D’ailleurs, ce nom te disait quelques choses... Tu te grattas la tête sans même prendre la peine d’adresser le moindre mot à ce pauvre bougre. Ah, si je sais ! Dégou n’était-il pas l'homme dont il fallait se méfier d’après les notes de Merle ? Celui qui avait déjà volé une de ses créations ?



Fronçant tes sourcils broussailleux, tu tapas le sol avec le bâton qui te servait aussi de canne. Tu ne le laisserais pas t’approcher de tes affaires. ”Un vieil ami...” Marmonnas-tu dans ta barbe, alors que tu lançais un sombre regard au nouveau venu. Peut-être que le vieil alchimiste n’avait pas envie de lutter contre l’autre homme pour diverses raisons, mais toi tu n’avais pas envie de jouer les faux-culs. Vraiment, mais Merle avait été clair, il ne voulait pas entrer en conflit avec les participants. “Roland, mon plus fidèle ami, je suis heureux de vous voir en cette joyeuse occasion ! ” Déclaras-tu avec enthousiasme. Pourquoi n’avait-il pas envoyé paître cet homme depuis longtemps ? A quoi bon garder un tel homme dans ses relations ? ”Malheureusement, je ne peux rien dire sur mes préparations, mais sachez que je vous réserve quelques surprises qui, je l’espère, raviront les spectateurs, le jury et vous, mon cher ami.” Répondis-tu avec un ton mystérieux, tout en te tournant de manière à voir la scène où Darko Malaufoie –une autre fripouille selon merle- s'agitait en expliquant sa nouvelle potion qui allait révolutionner le monde: une solution capillaire pour garder ses cheveux soyeux et surtout pour éviter les nœuds. Tu haussas un sourcil. Bon, tu ne pouvais pas faire pire que lui, non ? Pourtant sa recette sembla trouver preneur parmi les gens qui regardaient... Tu allais mettre ça sur le fait que la majorité avait une longue chevelure et une longue barbe... Et tu savais que cela demandait de l’entretien.



Le grand maître de cérémonie ne tarda pas à revenir pour féliciter le concurrent, le temps que les trois juges délibèrent. Celui-ci posa un regard pétillant sur toi avant d’applaudir. “Allons, vous pouvez bien m’en parler à m...” Commença Roland en approchant une de ses mains de ta besace. Comment osait-il ? Tu allais pousser un cri indigné quand l’honorable Ulbas Dumbledure reprit reprit la parole : ”Et cette fois-ci j’invite Merle Lenshanteur à nous rejoindre !” Tous les petits vieux se tournèrent vers toi, stoppant l’autre huluberlu dans son geste et ses mots et tu en profitas pour prendre la poudre d’escampette. Tirant “Estonia” derrière lui et en ignorant l’appel de l’autre imbécile, tu filas aussi vite que tu le pouvais–c’est-à-dire en claudiquant légèrement- puis une fois auprès de l’autre vénérable ancêtre, tu saluas la foule:



”Salutations mes chers camarades, moi Merle Leshanteur, je vais vous démontrer tous mes talents avec ma toute nouvelle création : la potion qui rend invulnérable aux brûlures”. Avec elle, vous n’aurez plus peur d’être maladroit avec votre chaudron ou vous pourrez récupérer facilement vos frites dans la graisse brûlante !”

La déclaration de la grande et musclée Estonia semble séduire les vieux alchimistes car ils se mettent à l’applaudir, siffler et l’encourager. Bon, il y a bien quelques coquins qui lâchent de vils commentaires ou qui crient à la demoiselle qu’ils se tiennent prêts à lui donner une potion de soin, mais ils restent globalement enthousiastes. Un peu plus loin, tu vois Ulbas Dumbledure lisser sa barbe avec ses longs doigts, tout en lâchant un petit rire. Il fixe la jeune femme avec un regard pétillant, puis se sentant sûrement observer, il se tourne vers toi et te fait un clin d’œil. Tu ne peux t’empêcher de penser qu’il a l’air d’un vieux fou avec sa longue robe colorée. Tu lui accordes un petit sourire par politesse avant de t’intéresser à ce que tu allais devoir préparer pour épater la galerie.



Retenant un petit soupir, tu ouvris ton petit sac sans-fond où tu avais pas mal d’ingrédients, le carnet de note de merle et d’autres petites choses plus ou moins utiles. Il y en avait une qui était particulièrement intéressante, mais tu devrais la garder juste pour toi jusqu’à la fin de ton petit show. Tu sortis le journal et cherchas la page qui correspondait à la recette que tu allais concocter. Tu étalas toutes tes affaires sur le plan de travail et commenças à t’activer sur ton chaudron. Tu poussas un petit couinement en te baissant, tes os craquants lorsque tu voulais gérer les braises. ”Estonia, ma chère, pourriez-vous vous occupez du feu ? Je crains que mes vieux os ne m’empêchent de me pencher plus.” Tu profitas que le tavernier vienne répondre à ta demande pour lui souffler discrètement : “Je compte sur toi pour les distraire quand ça commencera à fumer et quoi qu’il arrive ait confiance pour la potion.”



Sur ces bonnes paroles, tu commenças à couper quelques ingrédients en suivant les indications au mieux. Des fois tu vidais certaines fioles aux couleurs chatoyantes dans le chaudron qui bouillonnait doucement. Tu n’expliquais pas toute la recette –juste les grandes lignes- et cela te faisait penser à Nemue. La splendide alchimiste qui hantait encore certains de tes rêves les plus tendancieux. Elle avait bien dit que chaque maître gardait précieusement ses recettes pour lui et tu utilisais ça tout à ton avantage. Bon, maintenant il ne restait plus qu’à verser ça. D’après les notes, l’ajouter déclenchait une réaction qui pouvait être assez violente si c’était mal dosé. Un petit sourire amusé apparut sur tes lèvres. ”Je vais ajouter ce dernier élément à ma décoction et elle sera fin prête à être testée par ma chère assistantes qui pourra alors porter ce chaudron sans risquer la moindre blessure !” Déclaras-tu en commençant à faire couler le liquide d’un bleu éclatant dans le liquide brouillonnant. Très rapidement une fumée commença à s’en échappe, d’abord légère et blanche, puis de plus en plus rapidement importante et sombre. Tu t’arrêtas juste à ce moment-là, faisant confiance à Devon pour jouer son rôle. Avec ta louche tu versas la potion dans quelques flacons vides.



Une fois cela fait tu te rapprochas du jeune papa et posas ta main sur son épaule avant de regarder la foule. Tu levas la main en l’air, presque triomphant pour dévoiler une fiole dont le contenu était presque doré. “Et là voici prête à être testé !”

De sa verve Devon avait su capter l’attention du public alors que tu “terminais” la potion. Seul résistait Ulbas Dumbledure, l’irréductible vieillard qui semblait avoir un œil sur tout. Son œil fixé sur toi, te mettait légèrement mal à l’aise... comme s’il savait que tu étais un faux Merle. Au moins, la fumée avait complété à merveille cette diversion, puisque le maître de cérémonie s’interessa au nuage qui s’était formé au-dessus du chaudron, créant le moment parfait pour agir. De tes doigts agiles tu remplaças rapidement la fiole avec le contenu que tu avais préparé par celle que le véritable Merle avait concocté. Les spectateurs n’y verraient que du feu ! D’autant plus que ton ami n’était pas au courant de ton plan, ce qui le rendrait d’autant plus naturel dans ses actions... et démontrant au passage la confiance qu’il avait en toi... ou au moins dans tes capacités. Ce qui aurait été une erreur, tu n’étais pas un alchimiste et même si tu avais suivi la recette tu n’en avais pas les nombreux talents. Par contre voler ou échanger des objets, ça tu savais faire et le vieil alchimiste avait été prévoyant en mettant quelques flacons de sa recette dans la petite besace où il avait rangé ses ustensiles et ses ingrédients.



Tu observas avec fascination le jeune père ingurgiter le liquide doré non sans une grimace par rapport au goût. Puis, tu regardas la jeune ‘femme” qui te servait d’assistante se diriger vers le chaudron. Après une petite hésitation, elle posa ses mains sur le métal brûlant avant de montrer ses paumes à la foule. La peau était indemne. De petites exclamations enthousiastes se dirent entendre parmi les spectateurs.



”L’effet de la potion dure trois heures et vous pouvez le consommer deux fois par jour sans aucun risque pour la santé !”



Déclaras-tu en posant une de tes mains sur l’épaule de la “demoiselle”. Tu affichas un sourire tout en saluant la foule de ton autre main.



”Bien, bien, en voilà une création prometteuse !” Ulbas venait de vous rejoindre sur le devant de la scène en applaudissant légèrement. ”En tant que grand maladroit je ne peux qu’être intéressé ! En tout cas je vous félicite Merle et Estonia pour cette charmante démonstration.” Lâcha-t-il dans un petit rire tout en lissant sa longue barbe blanche. ”Il ne reste plus qu’à laisser notre jury délibérer sur la création de l’année. Le gagnant obtiendra un an d’abonnement à la confiserie magique et une multitude d’ingrédients grâce à la guilde des aventuriers !”



Te tenant toujours aux côtés de Devon, un sourire commercial aux lèvres, tu n’attendais qu’une chose pour quitter cette estrade –et possiblement retourner à la capitale pour reprendre une bière à l’aventurier téméraire. Le vénérable ancêtre qu’était Ulbas, vous poussa gentiment vers les coulisses après quelques derniers mots pour les alchimistes qui suivaient le “concours”. Une fois à l’abris des regards et des oreilles indiscrètes, le vieil homme se tourna vers vous. Son regard malicieux se fixa alors sur votre duo : ”Et bien, ce coquin de Merle n’a donc pas pu venir?” Souffla-t-il avec amusement.