De passage dans la ville, Calixte a été envoyé pour enquêter sur une série d’événements très étranges comme des cauchemars incessants et des fatigues chroniques. Tandis que Pariza, toujours fidèle à sa réputation de journaliste fouineuse, voyage jusqu’à Manillam pour les mêmes raisons.
Vous ne remarquez rien jusqu’à la nuit tombée où vous êtes tous les deux entraînés dans un cauchemar collectif où vous retrouvez les autres habitants du village.
Il va falloir enquêter pour trouver l’origine de cet étrange phénomène.
Qui est donc le responsable ? Ce petit garçon introverti qui prétend ne pas contrôler sa magie ? L’enchanteur perfide plein de rancœur contre le maire de la ville ? Une créature désireuse de se repaître de leurs rêves ?
Ou… les trois ?
Participants : @Pariza Samnang & @Calixte Alkh'eir
Challenge RP : Quand vous êtes dans le monde des rêves & cauchemars, la logique n’a plus lieu d’être. Vous pouvez accomplir beaucoup… mais également être victimes de tout.
Faites attention, vos blessures se répercutent sur votre corps hors du rêve !
Il n’y a pas d’autres mots qui sortent de l’esprit de Pariza quand elle ouvre les yeux. Le monde autour d’elle est comme une immense forêt, avec plein de petits points d’eau de couleur violet, ainsi que des sortes d’échelles de corde quand un peu tout les sent pour arriver dans les hauteurs. En levant la tête on ne voit que du flou, littéralement tout est flou, mais avec l’idée bien présente dans l’esprit que si on se reproche cela ne sera pas que du flou. Il y a d’autres personnes autour, plus ou moins espacées, six en la comptant, qui semble tout aussi perdu qu’elle face à cette vision.
Une étrange brume s’est levée tout doucement le temps de son observation et cela ne fait que rendre tout ce décor horrifique des plus malaisant. Même pour elle si curieuse de ce qui se passait dans ce village. À la base, elle était partie simplement dormir à l’auberge pour continuer son enquête pour son article le lendemain, mais elle n’aurait pas pensé être plongée dans le même état que le reste du village. Enfin, ce qui semblait être le même état. Elle ne sait pas.
Il y a un bruit qui semble venir de loin, comme des animaux qui hurlent, des loups peut-être, mais tout ce mélange et la seule chose qui est certaine c’est que ce bruit s’approche. Sans même réfléchir, tout son corps bouge d’un coup, un peu comme quand dans la dimension des miroirs elle doit fuir une peur beaucoup trop forte, même si ça l’éloigne du miroir viser à la base. Ce monde à un quelque chose de familier avec son pouvoir, mais en même temps c’est complètement différent.
Un nouvel hurlement se fait, beaucoup plus fort et instinctivement elle tend la main vers une personne autour d’elle pour se rassurer. Même si la distance est grande, enfin, était grande jusqu’à qu’elle agisse ainsi. Seulement, d’un coup c’est comme si elle avait toujours été à côté de la personne en question, un blond, il lui semble avec la luminosité étrange du lieu, seulement il y a un petit détail qui vient lui éclater à la figure en le regardant. Enfin, plus en regardant son bras.
— Oups… Je ne pensais pas que ça ferait ça…
Une chaîne reliait maintenant leur poignet, une chaîne qui semblait avoir une longueur qui bouge suivant son envie du moment. Elle va ouvrir la bouche pour dire autre chose, mais, encore une fois, le hurlement dans son dos se fait entendre et son envie de courir loin de cela est plus que présente dans tout son corps et son esprit, encore plus quand un chemin rempli de jasmin semble se former face à eux.
— Courons ?
Là, tout de suite, elle ne sait pas trop s’il faut courir ou non, peut-être que l’autre ne sait pas non plus. Quitte à être dans le caca, autant demander si cela va aussi à l’autre. Il faudra juste choisir rapidement s’il faut courir vers le nouveau chemin fleuri ou une échelle de corde qui pendouillent avec une énergie qui n’a rien à envier avec celle d’un enfant de deux ans qui danse sur ses fesses.
Présentement, donc, sous forme féminine et en tenue de pyjama, Calixte observait d’un œil mi curieux mi maussade – c’était un trait qui s’était installé de manière assez pérenne contre son âme depuis son retour du désert – le paysage onirique qui s’offrait à iel. Iel était quasiment certain-e d’être en train de rêver, car iel se souvenait s’être couché-e quelques minutes – heures ? – auparavant. Par ailleurs, pour avoir déjà été victime de pastilles de rêve avec son amie Rebecca, lo soldat-e reconnaissait cette sensation, légèrement différente de ses rêves usuels où iel n’avait que très vaguement conscience de leur irréalité, de pleine conscience dans un environnement complètement chimérique. Ou, en l’occurrence, cauchemardesque.
- Courons, répondit-iel à la jeune femme qui, pour une raison quelconque, était liée à iel par une chaine entre leurs poignets.
Prenant leurs jambes à leur cou comme les hurlements sinistres se rapprochaient inéluctablement, iels contournèrent une mare violine d’où se dégageait une étrange odeur sucrée. Baissant instinctivement le regard vers la surface humide, Calixte nota que celle-ci se mettait à violemment bouillonner lorsqu’iels passaient proximité, projetant toujours plus loin de petite bulles violettes. A quelques mètres d’iels, quelqu’un lâcha une exclamation douloureuse. Rivant immédiatement son attention sur le couple devant iels, lo soldat-e constata avec effarement que le contact du liquide teinté semblait provoquer une intense brûlure. Le vêtement de l’homme – le maire de la ville, si iel se souvenait bien – qui gémissait avait fondu sur un large lambeau, là où les bulles l’avaient atteint, laissant à nu une peau rougie et cloquée par la morsure du produit.
- Attention ! prévint Calixte en écartant d’une impulsion du bras sa compagne d’infortune de la bordure des mares, de plus en plus nombreuses, entre lesquelles iels se précipitaient.
Le mouvement eut cependant le malheur de les rapprocher des échelles de corde qui gigotaient des branches auxquelles elles étaient amarrées, et les plus proches vinrent s’enrouler autour de leurs corps pour tenter de les étrangler. Dans un cri de surprise, lo coursier-e se débâtit de l’étreinte menaçante, et dans une contorsion un peu ambitieuse, nota que son état actuel n’était pas exactement propice à ce type d’activité physique. Son souffle s’écourtait déjà, ses jambes rechignaient à déployer l’effort soutenu que commandait son augmentation de poids, et l’arrondit de son bas-ventre gênait terriblement les gestes qu’iel aurait instinctivement pensé aisés. Le songe fugace d’une peine amoindrie si iel avait été capable de voler effleura son esprit, et lorsque son corps s’envola comme un ballon gonflé à l’hélium sous une impulsion de ses pieds chassant une liane un peu trop teigneuse, Calixte poussa une nouvelle exclamation incrédule.
- Est-ce que tu arrives aussi à voler ? demanda-t-iel avec urgence, chassant définitivement les derniers cordages s’enroulant autours de ses orteils, les mains cherchant celles de sa camarade afin de s’y accrocher avant de tirer trop sur la chaine qui les retenaient l’un-e à l’autre.
- Par ici ! glissa une voix fluette.
Relevant le regard, lo soldat découvrit le petit garçon qu’iel avait croisé sur sa journée d’enquête au village, et qui lui avait déclaré à mi-mot ne pas contrôler sa magie. Présentement, l’enfant d’une dizaine d’années bien tassées chevauchait une petite baleine volante et leur faisait signe de le suivre vers le sommet des arbres. Au-delà des cimes, d’étranges tourbillons de ténèbres grondaient d’un orage contenu, et Calixte se demanda si c’était réellement une brillante idée de faire confiance à leur jeune interlocuteur. Qu’avait-iel noté à son sujet concernant son pouvoir ? Iel n’arrivait plus à se souvenir correctement ; effet secondaire du rêve ou de son état gravidique.
- J’vous protégerai des orages, poursuivit l’enfant, sentant leur hésitation. T’façon c’pas vous qu’il vise.
- Qui ça, « il » ?
- V’nez !
Une énorme bulle éclata non loin d’iels, et d’infimes projections atteignirent les bras dénudés de lo coursier-e qui laissa s’échapper un gémissement de douleur comme le liquide rongeait une volée de sa peau. En écho à son cri, les hurlements bestiaux reprirent de plus belle, et de larges ombres firent trembler les buissons à l’orée de leur champ de vision.
- Vite ! Accrochez-vous à Moby !
Passant instinctivement un bras autour de sa camarade de cauchemar pour caler leurs corps l’un contre l’autre, Calixte arrima ses doigts à la nageoire caudale de l’animal. Pas la prise la plus confortable, mais celle qui se trouvait présentement à sa portée. D’une formidable propulsion faisant danser les deux jeunes gens comme l’estomac fragile de lo soldat-e, la baleine décolla vers le ciel.
- Au fait, moi c’est Calixte, se présenta succinctement lo coursier-e à l’inconnue pour se distraire de ses nausées de plus en plus marquées. Enchanté ; malgré les circonstances.
Ce n’est pas forcément, pas du tout, le moment de penser à cela, mais elle n’y peut rien, son esprit dérive sans qu’elle ne puisse rien y faire, se laissant entraîner dans cette course, mais en réfléchissant bien trop à mille choses autres que ça survit là tout de suite. Suivre un enfant sur une baleine volante à la suite ou même voler comme si elle marchait sur l’air avait toujours été la chose la plus normale du monde, ne semblait pas si fou. Des éléments en plus qu’elle devrait trier pour écrire quelque chose plus tard. S’il y a un plus tard. Il y en aura un plus tard, mais il faut mettre un peu de tension dramatique dans cette histoire.
— Enchantée aussi, je suis Pariza. Je vous avoue que je n’avais jamais volé sur une baleine avant.
— Sans blague.
— C’est surprenant n’est-ce pas ?
— Attention virage.
L’enfant semblait s’amuser un peu, même si on sentait une certaine nervosité dans sa voix. Tout comme le virage fut affectivement à faire attention. La journaliste fut heureuse d'avoir un compagnon de rêverie avec elle pour être aussi proche et avoir un appuie en plus. Le virage était nécessaire de toute manière pour éviter un glooby volant avec une traînée arc-en-ciel qui le suivait en prime. Elle était presque certaine d’entendre une sorte de musique faite de miaulement suivre ce glooby, mais pas le temps de s'inquiéter pour cela. Bientôt un nuage semblable à un mélange étrange de pop corn et guimauve se dessina et cela semblait être la prochaine destination de ce périple.
— Vous serez peut-être en sécurité là. Je vais sauver d’autres gens.
— Les sauver de quoi ?
— De lui !
— Qui est lui ?
— Le croquemitaine.
— Hein ?
— Oh ! Non… Il arrive… Encore…
Tout en disait cela, ils purent voir des gloots à crocs les suivre en ricanant comme des hommes ivres. C’était une vision des plus déstabilisantes.
— Sautez !
Hein ? Comment cela sauter ?
Tout se passait si rapidement, comme dans un rêve. Certainement parce qu’on était dans un rêve malgré tout. En tout cas elle sentit une impulsion qui les poussa par-dessus bord et son seul réflexe du moment fut d’attraper Calixte avec un cri de surprise lié à l’action précédente.
- Ça va ? demanda-t-iel en rivant un regard inquiet sur la silhouette de Pariza, avant de reprendre l’observation de leur perchoir.
Cédant à l’impulsion gourmande qui paraissait l’avoir suivi jusque dans cet univers onirique, iel attrapa une poignée de pop-corn et commença à le picorer. Un étrange goût de pastèque déferla sur ses papilles et, suspendant son geste, iel se demanda si c’était réellement une brillante idée que de consommer les parties d’un rêve connu pour tirer vers le cauchemar. Et puis, mu-e d’une pulsion plus absolue que sa logique, iel écarta cette notion prudente pour poursuivre son grignotage.
- Je crois que l’aubergiste m’a parlé de toi, reprit-iel songeusement. Tu n’es pas du village non plus, c’est bien cela ?
Il y avait d’autres informations, importantes, qui se bousculaient à l’orée de sa conscience, agaçant son esprit, mais bien incapables pour l’heure d’en franchir le seuil. Qu’avait bien pu dire d’autre le tenancier à propos de sa compagne d’infortune qu’iel avait oublié ?
- Ah ! Tu enquêtes aussi sur ces cauchemars plus vrais que nature, non ? Je suis le garde – usuellement je… n’ai pas ces traits-là, pas souvent, enfin je veux dire que si nous nous croisons demain en journée je serai homme – qu’on a envoyé pour mettre au clair toute cette histoire, voire en appréhender la source.
Sur l’horizon, au loin, une série de hautes silhouettes commença à émerger. Poussant entre les arbres aux échelles étrangleuses de leurs corps longilignes pour écarter les nuages de sucreries de leurs têtes en larges disques. Après quelques secondes d’observation, Calixte se rendit compte que c’étaient là d’énormes sucettes qui poussaient comme d’immenses champignons dans le paysage fantasmagorique. Croissant à travers le ciel, elles semblaient viser les nœuds d’orage contenu au-dessus de leur tête, afin d’en désamorcer les hargneuses ténèbres.
- Je suis arrivé en milieu de journée, et je n’ai eu l’occasion que d’interroger une partie des habitants. De ce que j’ai compris, depuis quelques semaines ils sont victimes de cauchemars collectifs, visiblement sous-tendus par une quelconque instance magique, s’étant récemment intensifiés. Avec un préjudice physique au réveil ; que ce soit en raison de la fatigue accumulée, ou des blessures qui paraissent se transposer au corps endormi. Il semblerait que le sortilège ne touche pas tous les villageois en même temps, mais ils n’ont pas trouvé de critère évident déterminant qui cauchemardera la nuit à venir. Néanmoins, ils ont ainsi bien confirmé qu’il s’agissait de rêves, et non de transfert des corps pendant la nuit.
Machinalement, iel traça du doigt les auréoles brûlées sur sa peau ; elles se rappelleraient à iel au moment du réveil.
- Je serai bien incapable de dire si mon talisman d’indépendance s’est activé au moment de me coucher, réfléchit-iel à haute voix. Parmi les rares que j’ai pu interroger, poursuivit-iel en revenant sur ce que sa journée lui avait appris. Trois hypothèses sont revenues de manière récurrente : l’intervention possible de l’enchanteur Sévère Rog – qui apparemment aurait une dent contre le maire et le reste des habitants –, une maladresse de l’enfant qui nous a déposés là – d’aucun doute du contrôle optimal du pouvoir de celui-ci, lui-même inclus – et l’existence d’une entité malfaisante se repaissant de ces cauchemars.
Les tourbillons d’orages diminuaient progressivement de diamètre à mesure que les sucettes géantes les aspiraient, mais elles-mêmes étaient à présent soumises à l’assaut des gloots à crocs. Les ricanements de ces derniers gagnant en décibels comme ils grignotaient les immenses friandises.
- Dans tous les cas, ce garçon, même s’il devait ne pas tenir les ficelles de toute cette histoire – et de son entretien, soumis au globe de vérité avec son accord, j’avouerai pencher pour son innocence dans le malheur engendré par ces cauchemars, en fut-il l’auteur ou non – semble en savoir davantage sur ces lieux. On dirait qu’il y a deux forces en opposition, non ?
Les gloobys volants avaient rejoint les sucettes géantes et filaient autour de celles-ci pour les emballer de leurs trainées arc-en-ciel. Emmaillotés dans les filets de couleur, le gloots à crocs explosaient en nuages de plumes multicolores et cessaient ainsi d’attaquer les grandes sucreries.
- Qu’en penses-tu Pariza ? Jusqu’où avais-tu pu avancer de ton côté jusque-là ?
Au même moment, l’enfant et sa baleine volante réapparurent à leurs côtés, émergeant comme le diable hors de sa boite à travers l’épaisseur du nuage de pop-corn et guimauve. Ils déposèrent dans la mare de pop-corn que Calixte grignotait toujours un homme d’une quarantaine d’années, aux longs cheveux noirs graisseux et aux traits généralement déplaisants.
- Tu me le paieras, Henry ! cracha le nouveau venu en levant un doigt rageur vers le garçon. Ainsi que les autres de ce satané village. Vous verrez ce qu’il en coûte de trainer Sévère Rog à travers vos cauchemars de seconde zone.
- J’voulais juste t’aider moi ! T’as qu’à sauter, si t’es pas content. J’vais chercher les autres avant que le croquemitaine les attrape.
- Foutaises que le croquemitaine, si tu penses que je ne vois pas clair dans votre jeu !
- Henry, il faudra qu’on discute à ton prochain passage ! cria Calixte par-dessus le rebord du nuage, faisant tinter sous la contrainte la chaîne entre son poignet et celui de Pariza, comme l’enfant et Moby replongeaient à la recherche d’autres villageois.
- Sévère Rog, enchanteur de troisième rang, médaillé de l’Ankaa bleue, et membre émérite de l’association des Anciens de l’Académie Secrète des Arts Mystérieux Cachés Occultes et Impénétrables mais Légaux, se présenta dans un reniflement l’homme en les toisant. Et vous êtes ?
— Je vais beaucoup mieux que si j’avais été éjecté d’un miroir ou si j’avais voulu rentrer dans un alors que je sors d’un mauvais rêve.
Ce qui est horriblement parlant pour elle, mais pas forcément pour tout le monde malheureusement. Elle se relève et ses oreilles félines et queues supplémentaires bougent en même que son corps et elle n’y fait même pas attention. Ses yeux pleins d’étoiles s’émerveillent sur ce qui arrive. Entre Henry et Moby cherchant à fuir et Sévère Rog qui bouge sa cape avec de grands coups dans le vide.
— Pariza, journaliste et responsable du Chantelune Voyageur. Personnellement on m’avait parlé d’un artefact qui aurait été trouvé dans les champs par Voldy Mortus alors que cela appartenait un a une personne réputée.
— Voldy est un imbécile, mais n’aurait pas fait cela.
— Ça aurait été à un certain Dumby Citronus.
— Attendez, c’est qui votre source ?
— C’est Hermy Granger.
— Oh ! La pétasse !
— Vous la connaissez ?
— Bien entendu, c’est une miss je sais tout qui croit tout connaître sur tout le monde et qui vomit son savoir comme bébé qui vient de naître.
— Donc c’est faux ce qu’elle dit ?
— Malheureusement, non. Elle n’a aucune imagination pour inventer le moindre truc. Son cerveau et magiquement incapable de cela.
— Hein ?
— Sa magie est de retenir et pouvoir restituer tout ce qu’elle apprend à la perfection, mais ça a détruit sa capacité d’imaginer quoi que ce soit.
— Mais c’est horrible !
— Pas notre souci pour le souci, mais à ce moment-là Henry ne dit pas que des sottises, malheureusement… Il ne faut pas lui dire que j’ai dit cela.
— Ne pas dire quoi ?
— Qu’il est un de mes lecteurs dans mon futur article !
Elle regarde Henry qui passe au-dessus de leur tête et dépose une famille de rouquins un peu trop nombreux avant de repartir en plongeon vers le sol. Pariza regarde à nouveau Calixte et passe une main derrière sa tête, mais toujours en ratant ses appendices félins.
— Du coup, j’avais la maison de ce Voldy et je pensais lui demander une interview demain matin… Parce qu’il était le possesseur de l’objet possiblement mis en cause.
— Ça pourrait fonctionner.
— Comment cela ?
— Vous pouvez l’approcher en feignant de vouloir l’interviewer. Il est assez imbu de lui-même, mais à ce moment il vous faudra partir loin de nous maintenant pour pas qu’il fasse le lien sur le fait qu’on vous est aider.
— Donc qu’on saute encore ?
— Vous n'avez qu’à imaginer des ailes, visiblement vous avez une imagination assez productive.
Et tout en disant cela ledit Sévère Rog la poussa dans le vide, la chaîne la reliant à Calixte toujours bien là malheureusement pour tout le monde dans cette histoire.
- C’est de toi l’article sur le bal magique, non ? nota-t-iel distraitement comme iels chutaient toujours dans le vide immense, mais aux contours bien délimités quelques mètres plus bas, retenu-es l’un-e à l’autre par leur chaine. Celui expérimental à la Capitale.
Un gloot à crocs passa non loin d’iels, et Calixte recroquevilla ses jambes sous son corps dans un glapissement comme iel évitait de se faire manger les orteils.
- Je t’avouerai ne pas être très serein à l’idée de m’imaginer des attributs animaux, surtout si les blessures nous restent au réveil – qui sait où s’arrête le transfert des modifications physiques ? fit-iel en observant d’un œil sombre le sol se rapprochant toujours plus. Tu as gagné quelques courbes félines, d’ailleurs, ajouta-t-iel en pointant du doigt les oreilles et la queue de Pariza.
Néanmoins iel avait déjà réussi à s’envoler quelques minutes auparavant, et cela ne lui avait pas demandé de métamorphose. Peut-être réussirait-iel là le même tour. Même si, visiblement, rien n’avait l’air de se produire depuis le début de leur chute libre. Sur les traits de la jeune femme face à iel, Calixte pouvait lire une concentration similaire à la sienne pour tenter de ne pas finir en confiture de viscères d’ici quelques secondes.
Leur salut vint cependant de l’extérieur – Henry ou Sévère Rog ou l’un des rouquins les ayant pris en pitié – dans l’apparition d’une sphère large comme une armoire, aux contours instables d’une transparence irisée comme une bulle de savon, qui les absorba en son sein pour les faire flotter en toute sérénité au-dessus de la forêt meurtrière tendant déjà ses lianes étrangleuses vers iels.
- Et maintenant ? interrogea lo soldat-e à voix haute, contemplant les alentours d’un œil prudent. Serait-ce trop demander que de nous mener au fameux Voldy ?
Apparemment non, car la bulle se remit en mouvement, entrainant ses deux occupant-es en apesanteur avec elle. Ou, tout du moins, Calixte espéra que c’était bien pour les accompagner jusqu’à leur homme et non pas décider de les larguer au-dessus d’une flaque violine aussi amicale qu’une piscine d’acide.
- Comment t’en sors-tu, pour le moment, avec le Chantelune Voyageur ? demanda-t-iel à sa camarade pour mettre à profit ce trajet en suspension au-dessus de la forêt. De mémoire c’est une affaire assez jeune, non ? Ne rencontres-tu pas trop de difficultés dans sa réalisation ?
La sphère fila entre deux sucettes peinant à venir à bout des orages les surplombant, et un concert de nyan coupa temporairement leur discussion pour leur rendre un semblant de paix lorsqu’iels avisèrent une clairière. Au centre de celle-ci s’élevait une tour haute comme une aiguille pourfendant le ciel, d’une laideur escarpée semblant vouloir arracher des bouts de nuages. Calixte songea que si Apolline avait été présente, elle aurait souligné que quelqu’un cherchait visiblement à compenser quelque chose. La bulle les déposa devant ce qui semblait être l’entrée, avant de disparaitre dans un « pop » sonore. Massant distraitement son poignet commençant à s’endolorir de la présence de la chaine, lo soldat-e s’avança vers le large battant encadré d’une sculpture de serpent.
- Le mot de passsssssse, siffla celle-ci faisant sursauter Calixte alors qu’iel avançait ses doigts pour toquer.
- Huuum…
- Non.
- … ce n’était pas une tentative.
- Non plus.
Lo coursier arqua un sourcil incrédule avant d’échanger un regard avec Pariza.
- Voldy ?
- Non.
- Voldy Mortus ?
- Non.
- Un deux trois quatre ?
- Non.
- Zéro zéro zéro zéro ?
- Non. J’ai dit mot de passsssse, pas code de déverrouillage.
- Dumby Citronus ?
- A bas Dumby ?
- Cinq point pour Serpent-tour ?
- J’ai la plus grande tour ?
- La plus grosse ?
- J’irai au bout de mes rêves ?
- Où la raison s’achève ?
- J’aime les serpents, savez-vous comment ?
- Je suis seul au monde ?
- Voldy sans famille ?
- Non, non, non ; par Lusssssssssy que vous êtes mauvaises !
- Magimix ! Laisse-les entrer, tonna une voix nasillarde de l’intérieur du pic de granit sombre.
- Ah sssssssssssa va, bougonna le serpent. Ssssssssi on peut plus faire sssssssson job comme il faut…
Calixte et Pariza se faufilèrent à l’intérieur du bâtiment pointu, et une sombre atmosphère les y accueillit de ses bras glacés. Sous le regard de reptiles sous toutes formes – tableaux, sculptures, lustres, peluches, et autres – iels s’avancèrent avec prudence jusqu’à l’âtre rougeoyant au milieu des ténèbres. A côté de celui-ci, une silhouette encapuchonnée leur tournait résolument le dos.
- J’espère que vous l’avez trouvé ! fit-elle d’un ton autoritaire quoi que sifflant.
- Voldy Mortus ?
- Non ! Enfin, oui, c’est moi. Mais dites-moi que vous l’avez trouvé !
- Qui ça ?
- Mon nez ! hurla l’homme en se retournant enfin pour indiquer d’une main furieuse son visage où manquait effectivement une partie de celui-ci. Encore un coup débile de Dumby et de son croquemitaine. « Si tu crois au pouvoir de l’amour, Voldy, le village t’accueillera », « si tu me rends mon artefact, Voldy, croqu’mour te redonnera ton nez », et puis quoi encore ! ET CA LAAA ! s’écria-t-il en se frottant frénétiquement l’avant-bras. Ça m’a coûté une blinde chez Sévère Rog, et ça marche qu’une fois sur dix pour appeler mes serviteurs ! Une histoire de réseau et de force, qu’il m’a dit le couillon, mais vous croyez que dans ce trou je capte quelque chose ?!
- … nous on était là pour l’interview, mais on est aussi intéressés par le croquemitaine ? Et l’histoire de l’artefact ?
L’homme s’immobilisa soudainement, avant de river un regard nouvellement calculateur sur ses deux invité-es. Se redressant d’une façon altière en rajustant ses vêtements par ailleurs d’excellente fabrique, il les invita d’un geste presque négligent à prendre place dans l’un des canapés près de l’âtre, tandis que lui-même s’asseyait avec majesté sur un fauteuil aux allures de trône.
- Bien entendu, vous êtes venues pour ma grandeur. Ces derniers temps c’est « Henry par ci » et « Henry par-là », mais si je reconnais que ce gamin a été touché par la Force, il n’a pas le centième de mon pouvoir. Allez-y, posez-moi vos questions. Et n’oubliez pas la rubrique « bachelor » dont vous m’avez parlé, les célibataires d’Aryon doivent connaitre mes standards avant d’espérer me séduire.
— Bien entendu que nous sommes venus spécialement pour vous. J’ai commencé tout un début d’article avec les rumeurs des habitants à votre encontre pour avoir une toile de fond pour votre future interview.
Ce n’est même pas un mensonge. Le visage de Voldy qui se renfrogne à l’évocation des autres habitants en dit long sur ce qu’il pense savoir de ce genre de chose. En soit, il n’a pas si tord, mais elle a en mémoire certain qui était étonnamment positif et peut-être que mettre ça en avant sera un mieux. Avant qu’il n’ouvre à nouveau la bouche, la journaliste le coupe et enchaîne comme si tout allait parfaitement bien dans cette situation.
— C’est dame Lestrache qui m’a donné une bonne partie de mes informations.
— Oh ! Elle ? Vraiment ?
— Vraiment.
— C’est surprenant.
Pas si surprenant que cela quand on voyait la femme le complimenter comme un don de Lucy elle-même au monde juste avant de dire qu’il était la pire des tares qu’elle est pu offrir à ce même monde. Visiblement, elle n’avait pas toute sa tête et ne savait s’il fallait vénéré ou haïr Voldy.
— C’est votre seule source ?
— Bien entendu que non.
— Qui ?
— Est-ce vraiment important ?
— Pour savoir qui attraper ici, oui. Il est de mon devoir de purifier les impures qui disent n’importe quoi.
— Oh ! Donc c’était n’importe quoi le fait que vos pouvoirs sont si magnifiques que vous devriez aller au conservatoire pour enseigner aux âmes perdues sur place ?
— Quoi ?
— C’est ce que dame Lestrache à dit.
Entre deux moments où elle a affirmé qu’il était fou et un moment à dire qu’elle donnerait sa vie pour lui. Visiblement certaine chose passer dans le monde des rêves ou avec son propres pouvoir qui lui faisait voir les âmes des gens avait quelque peu perturbé son esprit. Une histoire de cousin se mariant ensemble depuis plusieurs générations aussi. Surtout.
— Je n’y avais jamais songé… Là-bas il n’y aurait plus Henry pour avoir toute la gloire.
— C’est certain.
— Mais il n’y aura aucune femme pour moi non plus.
— C’est faux ! Il y a de bons parties qui sont au conservatoire, les soucis de magie touchent tout le monde après tout.
— C’est vrai. Hum, là-bas au moins le mou du bulbe ne cherchera plus à me voler mon nez.
— Il faudra lui rendre son artefact avant de partir par contre ?
— Pourquoi cela, c’est le mien maintenant ?
— Pour ne pas avoir de possible tache dans votre dossier pour votre candidature, je peux faire un article mettant en avant votre envie d’enseigner là-bas.
Un silence se fait et Pariza regarde son compagnon de galère sans trop savoir s’il faut encore espérer quelque chose ou non de tout cela.
— Je veux lire l’article demain à la première heure.
— Bien entendu, mais nous dormons tous.
— Plus maintenant.
Au même moment qu’il dit cela, il lève une main et tout devient noir avant que le sommeil s’estompe et qu’un réveil en sursaut ne prenne son corps. Au vu du bruit dehors elle n’avait point été la seule dans cette situation. Sans plus attendre, dans une tenue de nuit tout sauf adaptée à ce genre de chose, elle attrapa sa plume et écrivit son article. Il lui faudra retrouver Calixte une fois terminé pour voir avec lui si c’était une bonne idée d’agir de la sorte et s’il allait pouvoir gérer la situation et de ce qui allait être possible de publier pour la garde aussi.
Après un débarbouillage de rigueur, accompagné d’un Vreneli prêt à en découdre au plus vite et d’une Kaname – décrue de taille – ravie de partir en quête d’une journaliste et d’une petite liste de fous furieux faisant des rêveries du village un terrain de guerre impitoyable, l’espion descendit à la salle commune pour profiter de la sérénité des jeunes heures afin de discuter avec la tenancière déjà affairée. De larges cernes violettes ornaient les prunelles de celle-ci et elle s’empressa de répondre à ses questions dès qu’il évoqua une possible résolution des soucis de cauchemars communs dans la journée même. Si elle fût étonnée de son intérêt pour une certaine Pariza Samnang résidant temporairement dans l’une de ses chambres, elle n’en fit pas la remarque.
Il ne fallut pas longtemps à Calixte pour retrouver sa camarade d’infortune nocturne, mais il dut user de son pouvoir – comme de ses maigres réflexes comme il semblait que la surprise pouvait provoquer quelques sursauts malheureux – pour franchir le seuil de sa porte close et l’atteindre vraiment, tant elle était concentrée sur les dernières lignes de son article. Ils ne furent pas trop de deux – ou quatre, en comptant Abdallah et Apolline ravis de donner leur avis sur l’écrit de la jeune femme – pour corriger et affiner celui-ci, puis Pariza profita de quelques minutes pour de rapides ablutions, et ils se mirent en route pour le dénouement tant espéré de ce calvaire onirique.
Ils faillirent s’endormir quatre fois avant de mettre un terme à cette affaire.
Tout d’abord car trouver la maison de Voldy Mortus se révéla être plus compliqué que prévu. La journaliste avait bien récupéré son adresse, et le coursier n’en était pas à son coup d’essai dans ce genre de mission, mais la petite masure de l’homme n’était trouvable qu’en s’écartant d’un sinueux sentier à distance du hameau en se glissant de trois quarts entre neuf larges buissons dissimulant l’accès à son domicile. Ensuite, bien que rapidement conquis par l’article écrit par Pariza, Voldy exigea que ses hôtes lui fissent une lecture passionnée de celui-ci en appuyant sur tous les possibles compliments qui y trainaient – et Calixte aurait juré que la jeune femme lui avait offert quelques ronflements de contrepoint pendant ces longues minutes supplémentaires. Puis, enfin en possession de l’artefact magique, ils s’étaient rendus chez Dumby Citronus pour poursuivre leur enquête et, selon les informations amenées par l’homme, lui restituer, ou non, son bien.
Ils avaient trouvé en chemin celui de Henry, encore livré à lui-même, et comme il semblait que l’enfant savait par quelles friandises amadouer leur cible suivante – et cette notion était un peu perturbante – ils lui permirent de les accompagner jusqu’à la demeure de Dumby. Où ils furent accueillis avec ravissement lorsque l’homme découvrit l’énorme sachet de bonbons qu’ils apportaient avec eux, mais où ils subirent un long laïus de celui-ci sur le pouvoir de l’amour, du respect des propriétés d’autrui, et des bienfaits du sucre. Calixte ajouta d’ailleurs de pleines poignées de ce dernier dans sa tasse de thé pour éviter de s’endormir pendant l’interminable discours, mais l’épaule de Pariza contre la sienne s’affaissa parfois de fatigue.
Il leur fallut encore mettre la main sur Sévère Rog, qu’ils trouvèrent en plein entretien d’une floppée de plants de lys – apparemment il avait toujours eu une passion sans limites pour ces fleurs, toujours – pour clore complètement leur dossier, et lorsque ce fut chose faite, le coursier et la journaliste regagnèrent le confort de la salle commune de l’auberge où ils créchaient pour mettre en forme le rapport du soldat. Bien qu’ils eussent obtenu la fin des cauchemars saisissant le village, certains comportements méritaient un rappel à l’ordre avec l’intervention plus formelle d’une escouade de la Garde. Voldy Mortus pour le vol et l’usage inconsidéré des pouvoirs de l’artéfact, Dumby Citronus pour avoir laissé le Croquemitaine Croqu’mour en liberté dans les rêves, Sévère Rog et quelques autres pour avoir usé des possibilités oniriques à mauvais escient. Et puis, l’artefact confisqué resterait scellé entre les mains de la Garde.
Lorsque tout fut fait et prêt pour la relève des collègues de Calixte, ce dernier et la journaliste regagnèrent le matelas de leur chambre respective pour un vrai repos bien mérité. Peut-être se retrouvèrent-ils le lendemain d’humeur plus oisive et s’amusèrent-ils du véritable article à paraitre sur cette aventure particulière, mais ça, c’est une autre histoire.