RP métier
A l'occasion du Festin des ancêtres, fête locale au cours de laquelle les participants doivent faire preuve de générosité envers les générations suivantes, l'Astre de l'Aube organise un festival inédit. L'organisation a loué à ce titre l'une des plus belles places de la Capitale et destine les ressources obtenues grâce aux stands à ses malades : les patients et leur famille y sont d'ailleurs conviés. Si cette structure exceptionnelle est déjà en partie gérée par le personnel soignant, l'Astre requiert plusieurs volontaires pour s'assurer du bon déroulement des événements ! D'importants financeurs seront présents, et il est également question d'une mystérieuse poulor albinos... Selon les règles du Festin des ancêtres, quiconque retrouve cette poulor laissée en liberté sur la place se verra exaucer un vœu par l'Astre !
+ Proposé par : @Luz Weiss
+ Participants : @Aord Svenn & @Faolan Sealtar
+ Objectif : Participer et s'assurer du bon déroulement du festival du Festin des ancêtres.
Elle passa machinalement le dos de sa main sur sa joue, gênée par les traces de peintures qui maculaient son visage, accentuant encore un peu plus ce carnage artistique. Peu importait, elle disposait encore d’une heure et demie avant que… Trente minutes seulement ! réalisa-t-elle en jetant un bref coup d’œil à son tempus, se redressant dans le même temps dans un parfait sursaut. Elle s’avança vers l’estrade principale et haussa la voix pour se faire entendre des derniers artisans et décorateurs encore présents sur les lieux.
Pour sa part, elle devait accueillir les investisseurs les plus influents vingt minutes avant l’ouverture et son apparence physique était un désastre… Elle tira sur son haut pour mieux détailler l’ampleur du problème, une grimace équivoque sur les traits. Fort heureusement, elle n’était pas la seule réveillée à cette heure matinale… Une équipe complète veillait au grain et s’agitait déjà depuis l’aurore aux quatre coins de la vaste place. Une surface de beaux pavés considérable, que Luz avait eu la chance inouïe de pouvoir réserver ! Bon, probablement avait-elle harcelé un tantinet la Reine sur le sujet… Toujours était-il que rien ne devait gâcher cet événement, organisé pour une très bonne cause. Le Festin des Ancêtres était une fête méconnue des locaux, malgré sa longue existence. Symbolisant une philosophie de pure générosité, l’objectif n’était autre que de remercier ses aïeux pour tous les bienfaits durement obtenus, en offrant à son tour ces profits aux générations suivantes. Une chaine de dons, en somme, destinée à consolider les liens entre membres d’une même communauté. Touchée par l’émouvant témoignage de cette fête que Luz ne pouvait que trop comprendre –par Lucy, que sa meute d’espions lui manquait-, elle y voyait également l’occasion idéale de divertir les nombreux patients enfermés toute la journée durant au sein des locaux de l’Astre.
Bien entendu, l’équipe soignante avait été mise à contribution. Ainsi, Luz put vérifier que diverses infirmières étaient déjà sur les lieux, occupée à s’assurer que leurs patients dédiés ne manquaient de rien et pourraient profiter de la journée sans craindre pour leur santé. Les familles de ces derniers avaient aussi été invitées et ne devraient plus tarder ! Quant au reste du festival… Il était de toute façon ouvert à la totalité des habitants de la Capitale, pour peu qu’ils s’avèrent intéressés. Elle laissa glisser son regard sur la kyrielle de chapiteaux et de toits provisoires aménagés pour accueillir les stands, allant de la vente de nourriture, à l’atelier cuisine jusqu’aux spectacles et représentations artistiques. Et pour l’aider à piloter tout cela, lorsqu’elle-même serait occupée à donner réunion sur réunion dans le bâtiment principal de l’Astre à plusieurs rues d’ici…
« Par là-bas, je crois, Madame. »
Elle le remercia d’un sourire entendu et franchit les deux allées désignées. Autour d’eux, le soleil commençait à chauffer doucement pour cette pleine saison chaude, à peine levé depuis une poignée d’heures.
Quelle chance que de les avoir dans son équipe ! Elle n’aurait confié la gestion de ce festival à nul autre qu’eux, en quête de personnes de confiance pour servir de référents. Car même lorsque l’on passait des mois à plancher sur l’organisation d’un festival, des problèmes survenaient toujours le jour J… Au moins les autres employés sauraient-ils vers qui se tourner !
Et les négociations auraient été un désastre ! Maudits soient ces rendez-vous qu’elle ne pouvait pas décaler et dont l’importance était primordiale.
La petite bicoque portait fièrement son écriteau « Accueil », suivi d’informations gravées telles que « Boite des objets perdus », « Vestiaire pour 3 cristaux » et autres indications essentielles.
Ses prunelles pétillèrent, enthousiaste par tout ce que cela pouvait signifier. Leurs patients se dégourdiraient les jambes et plus de monde apprendrait l’existence de l’Astre de l’Aube ! Avec ceci, et les cristaux gagnés, peut-être serait-il possible de mener des travaux d’agrandissement ou d’amélioration… ?
« Mer… Credi ! Je file, bon courage ! N’hésitez pas à me joindre si quoi que ce soit de grave se produit ! »
Elle esquissa une brève révérence désolée envers Fao et Aord, et sur un dernier sourire, partie d’un grand pas rejoindre sa secrétaire affolée.
Le frère interrompit ses pensées pour répondre à un livreur qui venait livrer un lot de poissons pour un des nombreux stands. Il se tourna vers le chef cuisinier qui se trouvait derrière lui.
« Faolan, les produits de la mer c’est dans l’allée 7 n’est-ce pas ? »
Il eut rapidement sa réponse et orienta le livreur dans la bonne direction. C’était le 15ème à venir le voir en même pas 15 minutes ! Le religieux se laissa tomber sur une chaise dans un profond soupir d’épuisement. La journée ne faisait que commencer et il n’en voyait déjà plus la fin. Il regarda Faolan se démener lui aussi de son côté avec une autre livraison. Il n’avait pas beaucoup eu l’occasion de parler avec le chef cuisinier, pour ne pas dire qu’il ne s’était jamais croisé en vérité. Aord ne passait pas souvent par les cuisines, même s’il consommait avec plaisir leurs délicieux petits plats. Luz les avait tous deux capturés et maintenant ils devaient s’occuper de tout, pour elle, pour les patients et pour l’avenir de l’Astre comme elle le disait.
Quand on parle du loup … Luz vint les voir une dernière fois, couverte de tache de peinture. Plus il apprenait à la connaître et plus Aord se disait qu’elle n’avait rien à voir avec l’image qu’il s’était fait d’une noble de la haute société. Elle avait l’air si … vivante et accessible à tous. Aord lui sourit malgré le calvaire qu’elle lui avait confié, car s’était ça son super pouvoir. Elle vous refilait le boulot et vous étiez content. Quelle sorcière !
« On s’occupe de tout, ramenez le maximum d’investissement pour que ce festival devienne une fête annuelle, se surprit-il à lui répondre alors qu’elle s’en allait. »
Il la regarda s’en aller comme une fleur avec un sourire idiot sur les lèvres. Une vraie magicienne pour sûr … Il se leva et alla regarder un registre afin de vérifier où la poulor blanche avait été emmenée. Soudain, il se mit à chercher frénétiquement dans les papiers, comme s’il avait perdu quelque chose. Il se tourna vers le cuisinier, les yeux écarquillés.
« Faolan, je ne trouve pas de trace de la poulor blanche du côté des animaux en liberté. Tu es saurais pas où elle a été emmenée par hasard ? »
Il devait y avoir une erreur administrative, c’était tout. Pas de raison de s’inquiéter, le clou du spectacle n’avait pas disparu …
— Quoi ?
Oui, du coup, notre histoire commence avec notre cuisinier qui regarde son collègue d’organisation, Aord, pour avoir ce genre d’échange avec lui. Son esprit était tellement pris dans ses plats qu’il n’avait même pas fait attention à ce que sa progéniture ne fût plus dans ses pieds, ni sa ménagerie personnelle, mais la disparition de la poulor blanche mis un frein à cette attitude fonce dans le tas qu’il avait depuis tout à l’heure. Enfin, l’annonce de la disparition par un porte-parole de Lucy. Mince, est-ce qu’il aurait dû être plus poli avec lui dans sa façon de faire ? Est-ce que Lucy voulait qu’on soit poli avec ses gens ? Est-ce qu’il devait le voir comme Melta et Rune et …
— Attends… Elle a disparu depuis longtemps ?
— Chef, il ne doit pas savoir plus que vous.
— Toi. Pas besoin de me vouvoyer.
— Oui, chef.
Le gars qui bossait avec lui en cuisine, un gars qu’il avait déjà rencontré en bossant dans le Nord, le brave Savéol, il cherchait depuis un moment à travailler dans la capitale et qui avait saisi l’offre d’emploi à l’Astre de l’Aube. Il avait dans la quarantaine, sans enfant et n’en voulant pas plus que cela, sans partenaire de vie pour le moment, préférant son travail actuel et dégoûté des relations trop fugaces qu’il avait pu vivre dans sa jeunesse. Une vie d’aventurier pas longue pour le coup, cinq ans tout au plus avant que le manque d’argent le fasse changer de voix. Le manque d’argent et la perte de son oreille droite aussi. Bref, c’est un brave homme, avec expérience, parfaitement capable de finir seul ce qu’il restait à faire en cuisine maintenant que toute la mise en place avait été faite et tant que les relances ne seraient pas arrivées.
— PAPA ! Blanche ne veut pas câlin !
— Hein ?
Vraiment, l’éloquence est tout sauf le point fort de Faolan, son collègue était d’ailleurs en train de rire de cela tout en continuant son travail alors que Melta arrivant dans les jambes du blond, plein de plume blanche coincée dans ses cheveux.
— Blanche ? C’est Rune ?
— Pas Rune. Rune est Rune. Blanche vole ! Joli !
— Attends… Blanche c’est une poulor ?
— Oui !
— Elle est où ?
— Parti !
— Mais où ?
— Caché !
— Comment cela caché ?
— Cache-cache !
— Vous jouer à cache-cache avec elle ?
— Oui !
— Et Rune ?
— Aussi !
— Et Salombo ?
— Aussi !
— Et Guimauve ?
— Aussi !
— Attends, tout le monde est caché ?
— Non ! Cannelle joue pas.
Il tourne la tête vers la gauche où son fils montre du doigt quelque chose. Effectivement, sa Rarwük le fixe sans rien faire, allonger tranquillement, un peu paresseusement.
— Elle est là depuis tout à l’heure.
— Ah !
Vraiment, éloquence sur vingt. Il se tourne vers Aord avec un air grave, quelque chose qui fait que son second en cuisine est en train de rire encore plus.
— Elle joue à cache-cache visiblement et on va devoir la trouver… Avant la catastrophe en tout cas.
— OUI ! Joue aussi !
Au moins il y a une personne qui est enthousiaste de la tournure des événements.
L’interrogatoire surréaliste qu’il eu avec sa progéniture se termina par un constat des plus alarmants. Le clou du spectacle s’était visiblement volatilisé, c’est le cas de le dire, quelque part. Le problème c’était que ni Faolan, ni Aord n’avait le temps de partir eux-mêmes à la chasse à la poulor. Il fallait accueillir les livraisons, finir la décoration, encadrer les cuisines. Aord n’avait pas la moindre idée de ce que Faolan avait prévu au menu ni des produits qu’il avait commandés. Lui et le chef étaient les piliers de l’organisation de cette journée faite un peu à l’improviste, s’ils devaient commencer par s’absenter …
« Super, on n’a pas moins d’une trentaine de stands à inspecter pour retrouver cette poulor, soupira le frère. J’espère que Melta a raison et qu’elle joue bien à cache-cache. Parce que si j’étais une poulor au milieu d’un festival où le poulet est à l’honneur, j’aurais plutôt tendance à prendre mes pattes à mon cou et à me casser d’ici. »
Ils n’avaient plus le choix, il fallait retrouver la star de la journée. Aord s’agenouilla pour se mettre au niveau de Melta.
« Tu peux nous aider à la retrouver Melta ? Plus on sera nombreux et plus on aura de chance de lui mettre la main dessus. Je peux compter sur toi ? »
Le petit garçon sembla ravi de la proposition, mais Aord jeta tout de même un regard à son père, pour être sûr qu’il était d’accord. Pour l’instant il n’avait pas trop surveillé son fils avec toute cette agitation, mais peut-être voulait-il le garder à l’œil ? Aord se releva et après avoir laissé Faolan donner ses consignes à Melta s’il en avait il le prit à part.
« Si on ne la retrouve pas, j’ai peut-être une solution, mais je t’en parlerai plus tard … Tu crois que tu peux lâcher la cuisine 10-15 minutes pour m’aider à la retrouver ? Tes commis pourront se débrouiller sans toi ? »
C’était assez gênant que l’un des organisateurs sois aussi le chef cuisinier. Son poste était déjà surchargé en temps normal, alors la logistique de l’évènement ne venait qu’y rajouter une couche supplémentaire de soucis. Aord comprendrait facilement s’il avait mieux à faire, malgré l’urgence de leur situation. Si le chef acceptait de l’aider malgré son planning chargé, Aord enchainerait :
« On se sépare, comme ça on ira plus vite. »
Le frère pris l’aile droite des stands et laissa l’autre à Melta et son père. Il n’y avait pas encore grand monde, mais la foule commençait à se presser à l’entrée et les boutiques étaient en effervescence. Partout on pouvait entendre les bruits de cuissons, les vendeurs s’affairer pour préparer les jeux. Mais il entendait surtout les voix de la foule qui allait bientôt débouler dans sur la place et qui se massait déjà dans les rues. Oh déesse, donne-nous un peu de chance, se surprit-il à prier.
Aord glissa entre les passants tout en jetant des regards furtifs autour de lui. La moindre tache de blanc attirait instantanément son attention. C’était à chaque fois une fausse alerte : un chien, des boulettes de riz, un morceau d’étoffe … Le religieux avait l’impression de perdre la tête tellement chaque objet qu’il rencontrait le faisait passer de l’espoir à la résignation. Il avait passé l’intégralité de l’allée de stands sans trouver la moindre de trace de l’animal. Il était convaincu qu’il avait du se faire la malle et de partir vers de plus vertes prairies.
Il lui restait un espoir, c’était que les deux autres l’aient trouvée dans la seconde allée. Aord se glissa de nouveaux entre les stands pour les rejoindre. Et c’est là qu’il comprit qu’ils étaient tous les deux dans une merde noire. Fixée sur un crochet avec d’autres volatiles, gisaient la fameuse poulor blanche que tout le monde cherchait.
« Et merdre elle s’est envolée vers le paradis des poulors en fait … »
C’est fou ce qu’un enfant peu répété facilement seulement les parties qu’on ne voudrait pas qu’il répète en boucle. En même temps, même si dans la voix de Melta ça ressemble à une chanson joyeuse, le terme va parfaitement avec la découverte du corps sans vie de la poulor albinos.
— Je crois qu’elle est plus en partant pour une soupe bien parfumée .
Oui, il sait que le frère fait de l’humour, autant d’humour que possible quand on se rend compte que l’élément principal de l’animation a mis l’arme à gauche suite à un manque d’attention. Enfin, autant qu’une poulor peut avoir une arme, encore plus qu’on puisse mettre à gauche. Est-ce qu’une poulor, ça vole au moins dans toute cette histoire ? Et ce n’est pas le moment de penser à ce genre de détail, mais sans pouvoir s’en empêcher c’est ce qui vient en premier, comme s’il n’y avait rien d’autre sur le moment.
— Encore cache-cache ?
— Mon ribou, vas jouer à cache-cache avec Rune s’il te plait…
— OUI !
Au moins lui a gardé son enthousiasme dans cette situation là, ce qui est tout sauf le cas de Faolan qui fixe le corps de la poulor comme si c’est cet acte qui allait la faire bouger et respiré à nouveau. Il sait que cela ne fonctionne pas, pas plus que pour les petits lapins qu’il cuisinait enfant après les avoir élevés lui-même un peu avant. Il avait espoir en commençant à chercher lui aussi qu’il allait trouver l’animal en vie, mais on pouvait faire difficilement plus mort que cela.
— Il est définitivement trop tard pour allez en trouver une nouvelle n’est-ce pas ?
Bien sûr qu’il est trop tard, il n’a pas besoin de la réponse de Aord pour le savoir, c’est la question rhétorique du parent qui cherche à réparer le trou dans le mur du voisin que ses enfants ont fait juste avant. C’est un peu cela. Est-ce qu’il est responsable de ce qui est arrivé parce que ses enfants ont joué avec le poulor ? Est-ce qu’elle ne devait pas être mieux gardée que cela comme animal ? Cela travaille de plus en plus le cuisinier qui a laissé le temps à la neige par les songeries sûres de comment gérer cette situation de crise là.
— Est-ce que tu crois que la boite à couleur ça fonctionne sur les plumes des animaux ? Ou le peigne magique ? … enfin, je n’ai pas de peigne magique… Attends ! Si on annonçait un changement d’animal suite au fait que la poulor est… malade ? On vas pas dire la vérité parce que cela le fera mal, mais proposer avec le changement de créature un prix en plus, genre, je sais pas, une bénédiction ou un dessert en plus… J’ai un ptidodo tout violet si jamais il faut quelque chose qui court rapidement et de couleur caractéristique. Qu’est-ce que tu en penses ?
Est-ce qu’il ne faudrait pas demander directement à Luz avant ? Cela ne serait-il pas plus simple ? Certainement, mais il a le même stress qu’un enfant qui a fait une bêtise et qui cherche à le cacher à ses parents là tout de suite. Est-ce qu’il vient vraiment de penser à Luz comme à sa mère ? Vraiment, ce n’est pas sa journée aujourd’hui.
« Eh bien M’sieurs, c’est pas encore ouvert, y a un chang’ment d’porgramme ? »
Aord se tourna mécaniquement vers lui, un masque solennel plaqué sur le visage.
« Cette poulor blanche, je peux savoir où vous l’avez trouvé ?
- Ah bah ça c’tout histoire monsieur l’prêtre ! J’venais d’ouvrir mon stand tranquilou et là dès que j’ouvre la devanture, y a s’piaf qui m’est tombé d’sus ! Elle était énervée la bougresse, mais moi les poulets ça m’connais et j’lui ait tordu le cou fissa, couïc ! se vanta le boucher. »
Aord le regarda sans rien dire pendant de longues secondes où l’artisan mimait avec précision ce qu’il avait fait de la star de la journée.
« C’est incroyable quelle histoire ! Vraiment ! ironisa Aord. Nous passions juste pour nous assurer que tous les stands était au point sur le programme de la journée. Vous savez … pour éviter les cafouillages … dit-il d’un air mystérieux. »
Le boucher mis les mains sous les hanches d’un air de défi.
« Pour sur qu’j’connais l’programme m’sieur. On ouvre les festivités, tout le monde mange, puis on lâche la poulor et ensuite c’est l’échange entre les générations.
- Très bien, parfait, mais de quelle couleur est la poulor au fait ?
- Bah blanche monsieur … »
C’est avec cette déclaration que le boucher réalisa enfin pourquoi l’organisateur principal de l’évènement lui faisait passer un tel interrogatoire. Il se retourna vers le volatile pendu par les pieds.
« AAAAAAhhhh … MEEEEEERDE, réussit-il à articuler. »
Le temps que son cerveau digère l’information, le boucher était revenu vers les deux organisateurs pour se repentir. Aord ne comprit pas grand-chose à son charabia, mais il y était question d’une promesse de fournir l’astre pour la semaine, de suppliques pour ne pas que son stand soit fermé et des pleurs, beaucoup de pleurs. Aord finit par lui couper la parole en levant la main.
« C’est bon ça suffit, on ne peut rien y faire maintenant. Vous allez pouvoir garder votre stand, on ne va pas vous mettre dehors. Le mal est fait. Donner moi juste la poulor et toutes les parties que vous auriez pu avoir coupées. À commencer par les plumes. »
Aord le regarda s’exécuter tout en remarquant le regard interrogateur de Faolan.
« Attends, tu vas voire j’ai une idée qui nous épargnera des expériences magiques douteuses ou des coups de pinceau sur une poulor rebelle. »
Le boucher revint avec un sac dans lequel il avait fourré la poulor, et toutes les plumes blanches qu’il avait trouvées. Aord s’en empara et vérifia qu’il contenait bien tout ce dont il avait besoin.
« Merci bien mon brave, maintenant retournez donc vous préparer et ne parlez à personne de ce qu’il vient de se passer, c’est compris ?
- Oui m’sieur, répondit le boucher avant de retourner à ses affaires, bien content de s’en sortir si facilement.
- Vient Faolan, on va pas faire ça au milieu de la rue sinon les gens vont voir que le clou du spectacle est bon pour être cuit en pâte. »
Aord s’élança dans l’allée pour revenir au QG des cuisines qui se trouvait au centre de la place. Les membres de l’Astre avaient déjà commencé à dresser les tables et plusieurs personnes étaient déjà en train de dîner. Merde, ils allaient avoir besoin du chef cuisinier. Aord se tourna vers l’intéressé.
« Écoute Faolan, je vais m’occuper de notre problème de poulor, toi il faut que tu retournes aux cuisines. On va retarder un peu le lâcher de façon à ce qu’il arrive après le premier service. Mon astuce ne pourra pas durer longtemps, une heure au plus donc il faut que cette course soit mémorable et donc que les gens ne soient plus en train de manger. Je m‘occupe de faire l’annonce, vas-y. ton commis à l’air de t’attendre. »
En effet, l’un des cuistots leur faisait de grands signes de la main. Aord sourit à Faolan et rentra dans la tente. Une fois qu’il se fut assuré qu’il était seul, il sortit le volatile du sac et l’étendit sur la table. Le boucher avait déjà commencé à préparer la carcasse et l’avait presque entièrement plumée. Heureusement, ce n’était rien qu’Aord ne puisse réparer avec sa magie. Elle avait cependant besoin de quelques points de couture. Le frère se mit donc à la tâche, rafistolant la bestiole comme il le pouvait tandis que les rumeurs de la rue se faisaient de plus en plus fortes à mesure que le monde affluait au festival.
— Ah ! Je me disais bien quel avis une couleur étrange ?
Oui, étrange est le bon terme pour le coup. Savéol regarde la scène avec un amusement certain alors que instinctivement Faolan a détourné ses enfants vers une autre activité. Ce n’est pas un bonbon au loin ? Bien sûr que non, mais le temps de l’aller-retour le souci serait résolu.
— Et donc ? Tu es revenue en cuisinier après qu’il t’est dit de faire ça ?
— Tu voulais que je fasse quoi à part lui faire confiance ?
— Tu lui fais confiance ?
— C’est un prêtre de Lucy.
— Ça se tient.
Tout en disant cela, il court dans tous les sens pour finaliser le repas, mettre tout sur le buffet et resservir ce qui se vide au fur et à mesure. Les convives sont heureux et cela piaille de tous les côtés pour que la suite arrive rapidement.
— Je suis certain que cela sera mon fils qui l’attrapera.
— N’importe quoi, c'est lady Dizé qui le fera.
— Elle ne serait même pas capable d’attraper ses culottes par elle-même et…
— Un peu de gelée de fraise ?
Des rougissements et acceptations de ce qu’il propose alors qu’il est de plus en plus nerveux. Il a confiance en Lucy et ceux qui la suivent, mais parfois la chance a des détours des plus noirs, même pour ses plus grands croyants.
— Il fait un temps un peu moche non ?
— Un mélange de neige et grêle, c’est même de partout, heureusement que ce n’est pas fort.
— Heureusement qu’il y a des toiles pour nous protéger surtout.
Faolan a un moment d’arrêt en débarrassant les derniers plats du banquet. Zut. Visiblement son pouvoir fait de Sienne. En tout cas, tout le monde semble de plus en plus exciter par la future arrivée de la Poulor et le cœur du cuisinier a un raté quand il lui semble l’apercevoir du coin de l’œil.
— Elle est là !
Vraiment ?
« Maya, j’ai besoin de d’aide. »
Sa collègue finit par le remarquer et eut d’abord une mou d’étonnement avant de se rapprocher d’Aord.
« Bonjour, mon sieur le directeur il y a un …
-Est-ce que vous avez du fil et une aiguille sur vous ? l’interrompis-t-il sans aucune gêne. »
Maya leva un sourcil inquisiteur.
« C’est une question de vie ou de mort Maya. »
De plus en plus bizarre, l’assistante légiste. Elle sortit une bobine de fil à coudre et une aiguille de sa poche, arrachant un soupir de soulagement au directeur de la morgue.
« Et je peux sav …
- Pas le temps, il faut que je recouse ça très vite. Merci, Maya ! hurla Aord en se précipitant à l’intérieur de la tente. »
Maya cligna des yeux et repartit se gaver au buffet en se demandant bien ce qu’elle avait fait à la déesse pour hériter d’un patron aussi étrange. Le frère se précipita sur le corps du volatil et commença à refermer une petite plaie qu’elle avait au cou. Il lava ensuite le sang qui avait taché ses belles plumes blanches. Ce travail lui pris à peu près une bonne dizaine de minute. Il mit ensuite la carcasse sur ses deux pattes et contempla son travail.
« Bon, je pourrais pas faire mieux. »
Il souffla sur la poulor et celle-ci se mit à gigoter et à se dodeliner d’une patte sur l’autre. Aord la fixa un instant.
« Eh bien ma petite, ta mission, c’est de ne pas te faire attraper par qui que ce soit. »
Il attrapa la poulor et sortit du centre la place. Là, il se positionna sur une petite estrade et essaya d’attirer l’attention de la foule.
« Mesdames et messieurs, la poulor est lâchée !hurla-t-il. »
Accompagnant sa parole, il ouvrit les bras et son poulet mort-vivant s’envola sur quelques mètres avant de se poser un peu plus loin, picorant un peu partout des graines imaginaires. Satisfait, Aord redescendit et rejoignis son poste d’organisateur. Ils allaient en avoir pour un moment à capturer sa poulor.
Tout se passait merveilleusement bien. La foule était très occupée par la chasse à la poulor, Aord avait réussi à reprendre en main l’organisation et Faolan tenait les cuisines comme un chef, sans mauvais jeu de mot. Cela faisait une demi-heure que tout se passait bien quand Aord entendit une rumeur qui venait de l’autre côté de la place. Il était en train de superviser l’échange des cadeaux entre les jeunes générations et les plus anciennes. Des voix se faisaient entendre, comme si des spectateurs encourageaient quelqu’un. Aord tendait l’oreille curieux. Il finit par abandonné sa tâche pour aller voir ce qu’il se passait. En s’approchant des rumeurs, il vit un attroupement assez important de passants qui formaient tous un cercle en poussant des cris. Aord vit que Faolan était lui aussi venu voir ce qui pouvait causer toute cette agitation.
En jouant des coudes, Aord parvint à se frayer un chemin jusqu’au cercle central et la scène qu’il découvrit lui décrocha la mâchoire jusqu’au niveau du sol. Devant lui, une petite arène s’était formée au milieu de laquelle se tenait la poulor qu’il avait relevé, armée d’une poêle dans son bec qu’elle avait du voler sur un stand. Un homme s’approchait d’elle pour l’attraper, mais la poulor esquiva et lui écrasa son arme sur le crâne, le faisant chanceler sur quelques mètres.
Aord était tellement estomaqué par cette vision, qu’il n’essaya même pas d’arrêter sa création. Par la déesse, il avait oublié de désactiver son pouvoir ce qui faisait que sa création était aussi intelligente qu’un humain maintenant.
— Oh Lucy…
Oui, là il voulait bien avoir l’illumination de Lucy pour comprendre ce qui arrive. Il y avait vraiment une poulor qui est en train de se battre avec une arme dans le bec alors qu’elle devait être morte ? Vraiment ? Visiblement cela a laissé d’autres personnes que lui sur le cul. Genre, littéralement il y a des gens qui sont tombés sur leur popotin en criant.
— Je crois que c'est le pire chef.
— Non, sans blague ?
— Je constate juste moi…
[color:3451=#teal]— Et moi donc…
Il y a un certain dépit dans la voix des deux cuisiniers en regardant la scène. Le pire dans l’histoire c’est qu’il y a des gens qui s’amusent vraiment à tenter d’avoir cette poulor albinos combattant. Il y a même un gars dans le fond qui parle d’ouvrir des combats de poulor à la capitale tellement cela a l’air épique. Est-ce que les poulor qui ne sont pas morts agissent ainsi ? Est-ce que c’est une particularité des poulies albinos ? Un don de Lucy ? Là Faolan est perdu et ses familiers qui regardent eux aussi la scène sont tout aussi perdus.
— Veux attraper !
Visiblement, Melta, lui, s’amuse de toute la situation et se met à courir pour rejoindre la mêler de ceux cherchant à avoir cette pauvre bête morte qui esquive vraiment bien pour une morte mine de rien.
— Je ne pensais pas qu’il leur arrivait cela au poulor quand on leur coupait la tête.
— C’est moins long normalement.
— C’est moins agile aussi.
— Plus sanglant aussi.
— Je n’aurais pas forcément dit, là il n’y a pas un gars qui c’est blessé ?
— Non, c’est de la sauce tomate.
— Comment tu reconnais cela à cette distance ?
— J’ai des enfants.
— Effectivement.
Ça aide. Ça aide même à relativiser que ça ne se passe pas si mal. Il n’y a aucune plainte au scandale et même ceux les plus surpris ont fini par simplement apprécier le spectacle de la chasse offert en badinant. Un peu comme les deux cuisiniers en fait.
— Oh ! tu as vu ?
— Comment tu veux que je rate la mamie qui vient d’attraper la poulor au nez et à la barbe de tout le monde ?
— C’est sur…
Parce que oui, c’est une mamie qui a gagné cette dure compétition pour avoir le gain final. Elle a même fait un salto arrière des plus magistrales avant d’attraper son but et hurler que Lucy était avec elle aujourd’hui. Il y avait une motivation incroyable en elle.
— Je vais lui proposer de faire de sa prise une tourte.
— Avec…
— Oui avec mon truc de soin, je crois qu’elle s’est tordu la cheville avec son mouvement.
— Je vais commencer à préparer la pâte-chef alors.
— Prépare aussi un bouquet garni, quelques carottes, des oignons, du…
— Il y aura tous les ingrédients pour ta recette.
— Tu ne sais même pas ce que je vais faire.
— Certes, mais je sais ce qui passe bien dans une tourte pour accompagner du poulor.
— Vrai.
Cette bonne parole les deux comparses se séparèrent et Faolan proposa son service qui font immédiatement accepter, avec simplement la demande que le tout soit bien relevé niveau épice parce qu’elle en avait assez des plats fades comme de l’eau. L’ambiance semblait bonne enfant pour tout le monde, même ceux n’ayant pas eu la prise. Visiblement personne n’avait remarqué le souci. En tout cas pas du point de vue du cuisinier. Espérons que Luz soit satisfaite de cela. Il offrira un signe de victoire et un immense sourire à Aord. Visiblement il avait su faire que Lucy soit avec eux.
La lumière devenait presque rasante à cette heure et si le festival devait perdurer jusque tard dans la nuit, la majorité des stands ne seraient rapidement plus disponibles. Seules quelques bicoques et restaurants resteraient ouverts pour satisfaire les derniers fêtards, le temps de raccompagner les malades et clore proprement l’évènement. Revenue trente minutes auparavant de ses obligations, Luz avait écouté le compte-rendu d’Aord et de Faolan pour prendre la relève et animer la cérémonie de fin de journée. Il fallait, entre-autre, récompenser leur illustre gagnante, cette grand-mère au tempérament désarçonnant. C’est donc une fois son discours achevé que Luz descendit de l’estrade pour regagner le calme des allées, découvrant ladite Madame Raykari occupée à se masser le ventre avec un profond air de contentement.
« J’avais pas mangé d’cette manière d’puis l’départ de mon grand, s’exclama la gagnante. Hé, vous pensez pas que j’pourrais recruter vot’ cuisinier ? »
La praticienne s’esclaffa, inconsciente au demeurant de la course au mort-vivant qui s’était déroulée un peu plus tôt.
« Vous savez j’ai pas besoin d’grand-chose à mon âge. Mais… Y a bien un truc. J’voudrais une masse d’armes. La mienne s’est brisée y a quelques dix années d’ça, à l’époque j’travaillais encore. J’voudrais reprendre l’entrainement. Me tordre la cheville là… Ca s’rait pas arrivé si j’avais continué ! »
« Ainsi soit-il ! Je vous enverrai ma secrétaire afin que nous puissions discuter des détails logistiques. »
Ce faisant, Luz prit congé de la vieille dame, se dirigeant cette fois-ci vers les deux héros du jour. Ceux qui n’avaient pas ménagé leurs efforts dans l’ombre de ce festival pour que tout se déroule sans heurt et qui devaient assurément être épuisés à cette heure. Un doux sourire sur les lèvres, Luz se fendit par conséquent d’une révérence parfaitement exécutée :
Elle eut un coup d’œil légèrement plus appuyé sur Aord, un fragment de sourire complice sur les lèvres. Les multiples projets du Directeur pour embellir sa morgue n’étaient pas inconnus du personnel et le jeune prêtre ne tarissait pas d’efforts pour aménager, agrandir et moderniser ses locaux.
Elle avait, pour sa part, encore un peu de travail à abattre. Notamment vérifier le contenu des cocktails et la teneur en alcool des verres proposés : grand dieu, les gens devaient cesser de boire au point d’être persuadés d’avoir vu une poulor brandir une poêle. Nul doute que cette rumeur allait les poursuivre plusieurs semaines durant !